Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Affaire Guillermito : le compte rendu de l'audience d'appel (deuxième partie)

La parole est à l'avocate de la partie civile.

Celle ci va attaquer bille en tête sur l'acharnement de Guillermito qui établit son intention de nuire, élément moral de l'infraction (sur ce dernier point je suis en désaccord, mais j'y reviendrai).

Elle va rappeler la particularité de Viguard : inventé par E.D., révolutionnaire car il repose sur une analyse comportementale du système. Exploité par la société TEGAM, aujourd'hui en redressement judicaire (NdA : en liquidation judiciaire) du fait de la maladie de son gérant (sic). Le premier grand succès de Viguard sera de contrer le virus Iloveyou dès sa propagation. Cela entraînera un fort succès commercial, notamment par l'équipement des ordinateurs du ministère de la justice.

En 2001, Guillermito entre en scène, contrefait leur logiciel et tient des propos graves.

Il a reconnu qu'il n'avait pas de licence devant la Police.

Il a avoué avoir désassemblé le logiciel, désassemblage établi par l'expertise judiciaire qu'il n'a jamais contestée à l'époque.

On n'a pas le droit de "toucher un cheveu" du logiciel à peine de contrefaçon, a ajouté l'avocate, et le désassemblage se situe hors des exceptions légales d'interopérabilité prévues par la loi (article L.122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Guillermito a dans un premier temps renvendiqué le désassemblage en affirmant qu'il était justifié, il y a une volte-face aujourd'hui.

L'intention de nuire, enfin est présumée et avérée, par les propos très agressifs qu'a tenu Guillermito sur les forums en ligne.

En conséquence, elle demande réparation du préjudice considérable subi par TEGAM et E.D., du fait de l'absence de licence d'uitlisation, du manque à gagner et de la chute des ventes de Viguard à cause de la publicité donnée à cette affaire.

TEGAM et E.D. réclament donc 829.040 euros pour le préjudice matériel, 37.792 euros pour le préjudice moral, sans que j'ai pu noter qui réclame quoi, ainsi qu'une indemnité pour frais d'avocat au montant inconnu.

  • Commentaire :

Avec tout le respect que je dois à ma consoeur, elle est dans l'erreur quand elle affirme que l'intention de nuire est un élément constitutif de l'infraction et qui plus est qu'il est présumé. Pour qu'un délit soit constitué, il suppose que soient réunis les éléments matériels et intentionnels de l'infraction. La contrefaçon suppose matériellement une reproduction du code ou un désassemblage non autorisé, et les débats ont largement abordé ces points. L'élément intentionnel du délit de contrefaçon est le dol général : agir en connaissance de cause, savoir ce que l'on fait. La reproduction accidentelle ou inconsciente d'un code n'est pas une contrefaçon. En l'espèce, l'élément intentionnel ne faisait nullement débat : Personne ne prétendra sérieusement que Guillermito ne savait pas ce qu'il faisait, qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il désassemblait le programme si tant est qu'il l'ait fait. L'intention de nuire à TEGAM serait en fait le mobile, qui en droit pénal est indifférent, sauf exceptions inapplicables ici.

Mais cette mention de l'intention de nuire n'est pas forcément innocente, et je ne pense pas qu'elle le soit, en fait. N'oublions pas qu'au début, la plainte portait sur des faits de diffamation. Les demandes considérables présentées par TEGAM et E.D. se fondent sur l'atteinte à l'image, la perte de chiffre d'affaire due à la campagne de dénigrement dont TEGAM et E.D. estiment avoir été victimes. Ils affirmeent depuis le début que les propos de Guiillermito et leur audience planétaire ont entraîné les difficultés financières de l'entreprise et lui imputent l'intégralité de la diminution du chiffre d'affaire de TEGAM postérieure aux propos de Guillermito.

Seulement voilà : en cours de procédure, TEGAM et E.D. ont abandonné la diffamation, terrain trop glissant, au profit du droit commun et de la contrefaçon. Ce délit est effectivement bien plus facile à établir, et une condamnation plus facile à obtenir. Mais le revers de la médaille est qu'une contrefaçon n'est qu'une atteinte au droit d'auteur. Le soi-disant dénigrement opéré par Guillermito n'a rien à voir avec la contrefaçon, qui n'a causé qu'un préjudice très limité à TEGAM : le prix d'une licence d'utilisation que Guillermito aurait dû payer, et le préjudice moral de l'auteur. Or la partie civile ne peut demander l'indemnisation que de ce que l'infraction lui a causée directement (article 2 du CPP). En abandonnant la diffamation, TEGAM a abandonné tout le préjudice d'atteinte à sa réputation, puisqu'une contrefaçon ne porte pas atteinte à la réputation de l'auteur de l'oeuvre (on peut même dire que c'est plutôt flatteur). D'où la disproportion entre les demandes de TEGAM et les sommes finalement accordées. On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre, et en choisissant une condamnation plus facile à obtenir, TEGAM a limité ses espérances d'indemnisation.

La parole est au ministère public.

L'avocat général relève que dans cette affaire, tout ne s'est pas passé dans des relations de courtoisie. Des propos indiscutablement agressifs ont été tenus sur internet, ce qui leur donne une grande audience.

Viguard est un logiciel atypique basé sur le contrôle comportemental. Est-ce la raison de l'intérêt de Guillermito ? Un intérêt pas seulement intellectuel, car il y a eu un acharnement contre Viguard et son concepteur.

Guillermito a proposé au téléchargement plusieurs programmes, certains désactivant Viguard et a diffusé des extraits du programme. Quand il a été entendu par les services de police, il a reconnu la matériaité des faits par l'utilisation d'un outil de débogage, utilisé dans un but de contourner, de piller le logiciel.

L'avocat général constate qu'il y a aujourd'hui une querelle d'expertises, dont une seule est contradictoire (NdA : c'est inexact, aucune des expertises n'a été contradictoire), et elle conclut au désassemblage. L'expertise de Monsieur Hoff, commandée par Guillermito, conclut à l'absence de désassemblage, et celle de Monsieur Bitan, produite par Tegam, présente un intérêt pédagogique par les explications abondantes qu'elle contient, et elle conclut à l'obtention de code par désassembmage et à la diffusion d'éléments contenant les algorithmes précieux pour l'auteur du logiciel.

Guillermito n'a pas agi, pour l'avocat général, comme un chercheur mais un cambrioleur. L'article L.122-6-1 du CPI est inapplicable en l'espèce, la seule voix contredisant ces constatations étant celle de Monsieur Hoff.

La cour doit donc entrer en voie de condamnation, en prononçant une amende, proportionnée mais ferme, pour sanctionner une attitude vindicative ayant entraîné un préjudice extraordinaire. Il y avait des voies légales, une action en publicité mensongère, des tests réalisables dans les limites de la légalité. Guillermito est allé au-delà du droit d'analyse, et la loi protège la matière grise des auteurs et leurs idées créatrices, ici celles d'E.D.

Eu égard à l'absence de motif lucratif, mais en considérant l'attitude vindicative de Guillermito qui a fait fi du droit en s'attaquant à ce logiciel comme un pirate, l'avocat général demande une condamnation à 1000 euros d'amende.

La parole est maintenant à la défense.

L'avocat de Guillermito comment en exorde à rappeler qu'il s'agit d'un dossier important, qui pose des questions de principe, témoin cet article d'internetactu.net, sous l'égide du CNRS, qui s'inquiète de l'atteinte au droit de critique appliqué au logiciel. Cette menace est bien réelle quand on entend la partie civile affirmé qu'on ne peut toucher "un cheveu" d'un logiciel à peine de prison.

Il présente ensuite rapidement qui est Guillermito : un "bac + 10", docteur ès science, expatrié, recruté par Harvard où il fait ce qui le passionne pour un salaire plutôt modeste par rapport à ses connaissances (2300 $ par mois). Guillermito est un chercheur, et ce statut inspire sa méthode quand il veut démontrer quelque chose.

L'avocat recadre ensuite le lieu de l'infraction : ce n'est pas "internet", avec une répercussion planétaire du moindre billet, mais un newsgroup, fréquenté par trente internautes réguliers (il produit les échanges de l'époque pour montrer le nombre des intervenants). En mai 2001, TEGAM sort une pub pour Viguard au ton très assuré : "vaccinez votre PC", c'est la "sécurité totale" (ou "absolue" ?), l'expression est même déposée comme marque protégée à l'INPI, arrête 100% des virus. Guillermito va publier une étude de Vigaurd, qui fait une trentaine de pages.

La publicité de l'affaire, c'est TEGAM qui va la faire. Elle va acheter des pleines pages de pubs dans des revues professionnelels de grande diffusion faisant état de ces propos et en les dénonçant comme étant le fait d'un pirate notoire. En avril 2002, la société écrit une lettre au CNRS dénonçant Guillermito et un autre intervenant du forum, R.G. comme étant, expression qui a fait florès, des terroristes internationaux connus du FBI et de la DST. TEGAM parle sans cesse de l'intention de nuire de Guillermito, mais accuser un français résidant aux Etats Unis d'être un terroriste en 2002, comment qualifier cela ? Cette lettre a entraîné la condamnation de TEGAM en appel sur plainte de R.G., Guillermito n'ayant pas jugé utile de réagir à l'époque.

Voilà pour le contexte.

Sur l'élément matériel du délit, il serait établi par le rapport judiciaire. Mais ce rapport a été fait avant que Guillermito soit partie au dossier, elle n'est donc pas contradictoire. Ce rapport est d'ailleurs tellement excellent que TEGAM a jugé utile d'en commander un autre. D'autant plus que l'expert usurpe la qualité d'expert agréée par la cour d'appel, ce qu'il n'est pas, et se présente comme professeur à PAris V, qui, renseignement pris, n'en a jamais entendu parler. Ce rapport a été rédigé sans qu'aucun élément technique n'ait été utilisé, mais sur la seule lecture des pièces du dossier. L'expert, enfin, n'a pas répondu à la citation et était absent lors du procès de première instance. Voilà sur quoi repose la condamnation.

Il faut rappeler, continue l'avocat, que Guillermito n'a jamais utilisé Viguard, et a bénéficié d'un non lieu sur le recel de contrefaçon. Les seuls éléments techniques au dossier, analysés par Monsieur Hoff, aboutissent à conclure qu'il n'y a pas eu contrefaçon.

Sur l'élément intentionnel : Guillermito n'a jamais voulu reproduire le logiciel pour l'utiliser en tant que tel, en tant qu'antivirus. Cet élément fait donc défaut également (NdA : cf. mes commentaires plus haut).

Sur les intérêts civils (c'est à dire les sommes demandées par les parties civiles), l'avocat de Guillermito a cité les attendus du jugement qui excluaient l'intention de nuire. Il a exposé ensuite que la perte de chiffre d'affaire est entièrement imputée à Guillermito, sur la base d'un compte de résultat ne faisant pas apparaître l'exploitation du logiciel ni le budget publicitaire. Enfin, sur l'atteinte à l'image, l'avocat fait remarquer que TEGAM a acheté le nom Guillermito à Google pour faire apparaître un lien sponsorisé vers leur site. C'est donc qu'elle a chercher à tirer profit de l'image de Guillermito, il y a un renversement de valeur ici.

En conclusion, l'avocat sollicite la relaxe, et subsidiairement, que les dommages-intérêts soient ramenés à un montant plus raisonnable.

Délibéré au 21 février, le président ayant volontairement choisi une date assez lointaine pour prendre le temps de bien examiner le dossier et notamment les expertises.

La discussion continue ailleurs

1. Le samedi 3 décembre 2005, 10:00 par Management du SI

Tegam vs Guillermito : compte-rendu d'audience

Pour faire suite à mon appel à témoins...Maître Eolas a réalisé un compte-rendu d'audience très complet : Billet 1Billet 2

2. Le samedi 3 décembre 2005, 11:37 par synapse - le bloc-notes

Et si?

Une perle dans les commentaires de la deuxième partie du compte-rendu de l'audience d'appel de Tegam vs Guillermito par Maître Eolas: "je continue de sourire à l'idée qu'un concepteur de virus vienne attaquer des éditeurs d'antivirus au titre...

3. Le lundi 12 décembre 2005, 15:23 par Le trolleur déchaîné

Déchiffrer un exe créé avec Perl2Exe - Les godasses, pas de mal !

Florent, je te préviens, tu es sur une mauvaise voie. Décompiler et publier comme ça une clef de cryptage XOR d'un programme qui n'est même pas à toi fait de toi un grave terroriste potentiel. Et ne dit pas que persone ne t'avais prévenu...

Commentaires

1. Le vendredi 2 décembre 2005 à 15:11 par fred

question d'un non juriste : Pourquoi le ministere public est il a ce point du coté de Tegam ?

2. Le vendredi 2 décembre 2005 à 15:27 par colectos

C'est vraiment intéressant. Si jamais la contrefaçon est retenue, cela voudra dire qu'il n'est plus utile d'analyser le produit original et le produit supposé contrefait pour les comparer. Il suffira de dire "il a touché à un cheveu de mon logiciel" pour que le compte de l'accusé soit bon. Ce serait une sévère semonce pour le full disclosure et un frein certain aux activités concernant la sécurité informatique.

C'est un peu comme si on vous fait un procès parce que vos chaussures sont des contrefaçons de la marque UnTel, alors que ni la Police, ni la Justice n'ont jamais eu à disposition de chaussures UnTel pour comparer.

PS : Je pense que cette histoire de cheveu va coller à la réputation de votre consoeur :-)

3. Le vendredi 2 décembre 2005 à 15:49 par damien

Fred, si le ministère public est tant du côté de TEGAM, c'est qu'il est payé pour!
C'est son travail, dans l'argumentation d'opposer son avis contre celui de l'avocat de la défense! :D

4. Le vendredi 2 décembre 2005 à 16:03 par ToTheEnd

Ce qui m'étonne, mais on me corrigera sûrement, c'est qu'on s'acharne ainsi sur quelqu'un qui prouve, peut-être par des moyens discutables (tout au plus discutables mais pas au travers d'une action en justice), que ce logiciel ne tient pas ses promesses mensongères.

Bien sûr, G aurait pu faire le gentil est déposé (sponsorisé!) une plainte pour "publicité mensongère" mais enfin, ça me parait disproportionné (combien de plaintes par an en France pour "publicité mensongère?).

Permettez-moi de faire une autres analogie: admettons que demain, Merck mette sur le marché un médicament en disant "arrête 100% des virus"... et qu'un biologiste têtu trouve ça tellement aberrant qu'il en face des tests en se procurant des échantillons! Que se passerait-il s'il publiait dans Nature des résultats accablants contre la marque grâce à ses recherches?

On lui filerait une médaille et probablement que Chirac l'élèverait au rang de Grand-Officier de la Légion d'Honneur pour avoir débusquer une aussi grossière supercherie...

Mais ici, cet acharnement à dire que "oui, nos produits étaient pas meilleures que les autres et notre publicité était largement mensongère... mais ce type doit payer!" devient ridicule (et malheureuse pour notre protagoniste G).

Enfin, on me contredira certainement.

T

5. Le vendredi 2 décembre 2005 à 16:04 par Fred

damien > C'est son travail, dans l'argumentation d'opposer son avis contre celui de l'avocat de la défense!

absolument pas !

6. Le vendredi 2 décembre 2005 à 16:17 par djehuti

> Fred, si le ministère public est tant du côté de TEGAM, c'est qu'il est payé pour!
C'est son travail, dans l'argumentation d'opposer son avis contre celui de l'avocat de la défense! :D

c'est pas le représentant de l'Etat ?

visiblement, il n'y connait pas grand chose en "technique" mais a quand même choisi de s'appuyer sur l'expertise de Tegam et continue à parler de "l'attitude vindicative" (mais G. se vengerait de quoi... c'est consigné quelque part ?) et va donc (amha, irrationellement) dans le sens de Tegam

moi je dis « quand on sait pas, on fait pas ! »

7. Le vendredi 2 décembre 2005 à 16:34 par Mr Peer

Très bien joué de la part de Tegam cette histoire d'expert inconnu de Paris V :D

8. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:02 par Bambino

Merci pour cette retranscription.

La meilleur des choses qui puisse arriver à guillermito, c'est que le président lise ce billet. il me semble que la défense a été bien préparée, alors que l'accusation est aussi affutée qu'un marteau (on ne peut toucher à un cheveux d'un logiciel, guillermito directement responsable des chutes des ventes, etc etc).

Peut etre que votre confrère aurait pu rappeler ce que vous précisez fort justement: la plainte à l'origine portait sur de la diffamation, et non la contrefacon. Prouver le rachat du mot clé guillermito sur google est, à mon humble avis, très pertinent, mais je ne comprend pas les sollicitations de l'avocat.

Si guillermito est aquité, pourquoi devrait il payer des dommages et intérêts? dans ma logique parfois un peu trop bianire, si il est acquité, il ne doit rien payer

9. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:16 par guichoune

A lire votre billet, on se demande qui du conseil de la partie civile ou de l'avocat général est le représentant du ministère public...
Quand une partie civile empiète à ce point sur les prérogatives du parquet, il me semble que c'est plutôt le signe que la prévention ne tient qu'à un fil, ce que les magistrats du siège perçoivent bien en règle générale.

En clair, j'ai l'impression que l'intervention, sans nuance et dans l'excès, de la partie civile ne peut que servir les intérêts de Guillermito!

10. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:30 par YR

Je suis également étonné de la position de l'avocat général. Je ne pense pas qu'il ait "choisi son camp", mais je ne comprends pas certaines de ses positions.

"Des propos indiscutablement agressifs ont été tenus sur internet, ce qui leur donne une grande audience."
Pas de chance, la défense a alors beau jeu de présenter la grande audience de ce forum pour geeks... Il ne suffit pas de mettre une info "sur l'Internet" pour qu'elle soit immédiatement connue du monde entier !
Peu de blogs ont une grande audience, soit dit en passant. Seuls ceux de la qualité de celui-ci connaissent quelque écho.

"il y a eu un acharnement contre Viguard et son concepteur."
Parce que Guillermito n'a pas pris le temps de démonter les arguments des autres antivirus et qu'il a consacré ses loisirs uniquement à Viguard ? On ne peut quand même pas reprocher à Guillermito de ne pas s'être attaqué à démontrer l'inefficacité d'autres antivirus dans certains cas ! D'ailleurs, il suffit d'aller sur son site pour constater que Guillermito a démontré l'inefficacité de certains logiciels de stéganographie pour cacher des données, et sans aucun désassemblage.

"Guillermito a [...] diffusé des extraits du programme." et "un outil de débogage, utilisé dans un but de contourner, de piller le logiciel."
De quoi parle t'on ici ? De la clef de cryptage ? J'avais cru comprendre que Guillermito avait seulement utilisé quelques dizaines d'octets de Viguard (la clef, si j'ai bien suivi ?) C'est cela qui constituerait le PILLAGE ? Quel terme serait appliqué si quelqu'un avait simplement vendu Viguard sous un autre nom, en modifiant l'interface grahique et en conservant l'algorithme ? (si tant est que cela soit possible, je suis incompétent en la matière, je le rappelle)

"Guillermito n'a pas agi, pour l'avocat général, comme un chercheur mais un cambrioleur".
Pour ma part, je ne comprends pas ce qui constitue le "cambriolage", mais c'est sans doute le noeud de l'affaire... Si seulement cela pouvait clarifier le droit en matière de logiciels et de propriété intellectuelle.

"pour sanctionner une attitude vindicative ayant entraîné un préjudice extraordinaire."
Vindicte partagée, semble t'il. Ce que rappelle aisément la défense de Guillermito, en montrant les publicités dans les journaux et la lettre au CNRS.
Quant au préjudice, c'est du ressort de Viguard de le plaider. Pourquoi l'avocat général reprend t'il cet argument ?

"Il y avait des voies légales, une action en publicité mensongère, des tests réalisables dans les limites de la légalité."
Comme j'aurais aimé que l'avocat général détaillât ces tests réalisables dans les limites de la légalité ! Je parle ici de tests informatiques poussés, pas de se contenter d'utiliser un logiciel jusqu'à ce qu'un dysfonctionnement vienne démontrer ses faiblesses...
Quant à l'action en publicité mensongère, cela me paraît bien faible comme moyen de pression sur une entreprise. Et surtout, il faudrait alors argumenter son action, et donc apporter des preuves. Comment apporter cette preuve sans "observer" le logiciel ?
A moins que les futures "actions groupées" puissent constituer une solution dans ce domaine ?

Je reviens donc à ma question initiale. J'aimerais savoir ce qui anime l'avocat général. A t'on une chance de découvrir ses motifs dans le délibéré ?

Merci.

YR

PS : je continue de sourire à l'idée qu'un concepteur de virus vienne attaquer des éditeurs d'antivirus au titre de la propriété intellectuelle... Une telle plainte serait-elle recevable ? Imaginons un virus ludique, sans intention de nuire, ne portant pas de préjudice au système ni à l'utilisateur. Si un antivirus bloque ce virus (mais pourquoi le ferait-il s'il n'y a aucune conséquence nuisible ?), une plainte du concepteur du virus fondée sur un désassemblage du virus pourrait-elle être recevable ?

11. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:37 par Saroumane

A l'audience, une question m'a traversé l'esprit : pourquoi la défense, à aucun moment, n'a-t-elle rappelé que le "petit génie" ED n'était pas l'auteur de Viguard ? Il s'en prévaut alors qu'il aurait eu 11 ou 12 ans à l'époque. Ce logiciel, avait été en fait été développé par Zvi Netiv sous le nom de V-Care (nom phonétiquement peu commercial pour un anti-virus sur le marché français). Est-ce que cela aurait constitué un argument juridique recevable ?

12. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:38 par LDiCesare

"Si guillermito est aquité, pourquoi devrait il payer des dommages et intérêts? dans ma logique parfois un peu trop bianire, si il est acquité, il ne doit rien payer"
Bambino, si je comprends bien, l'idee de l'avocat c'est de dire acquittez-le, mais si vraiment voue voulez le condamner et que vous etes convaincus de sa culpabilite, les dommages et interets demandes ne correspondent aps a l'offense alors allez-y mollo.

13. Le vendredi 2 décembre 2005 à 17:50 par plancton

Un grand merci pour cette retranscription de l'audience. Convaincue d'un certain hermétisme de ma part en matière de droit, vos remarques me sont fort utiles. Vous me donnez l'impression d'avoir saisi les nuances du débat, ce à quoi j'aurais rapidement renoncé en y assistant directement.
Merci donc, beaucoup plus largement, pour l'ensemble de vos billets, qui me procurent l'impression flatteuse que je suis en fait suffisamment peu tarte pour y piger quelque chose.
Mais suffisamment assez pour avoir bon espoir quant à une issue de ce procès favorable pour Guillermito.

14. Le vendredi 2 décembre 2005 à 18:20 par Nico

Merci pour la retranscription maître :)

15. Le vendredi 2 décembre 2005 à 20:30 par Tornad

Si Guillermito est acquité, peux-t'il envisager (bien qu'il reparte de zéro avec de nouveaux ennuis), de demander à son tour des dommages & intérêts pour le préjudice ?
Quels seraient alors les risques pour lui par rapport au premier jugement ?
En clair, ma question de non juriste (désolé ma branche c'est l'informatique),
- Est-ce que l'accusateur prend des risques aussi ? Existe-t'il le retour de batôn dans ce type d'affaire ?

16. Le vendredi 2 décembre 2005 à 20:47 par YR

2 fautes de français, en passant :

3 § avant la fin : "C'est donc qu'elle a chercher à tirer profit "

Juste après "LA parole est à la défense"
"quand on entend la partie civile affirmé qu'on ne peut "

YR

17. Le vendredi 2 décembre 2005 à 21:44 par Sans pseudo

à YR, Commentaire 10 :
« parle t'on ; semble t'il ; reprend t'il ; A t'on »

cf. « Y’aura t’il de la neige à Noël ? »
www.blogg.org/blog-366.ht...

18. Le samedi 3 décembre 2005 à 10:36 par Nelaton

Bambino - 8
LDiCesare - 12

Un procès pénal, comme c'est la cas pour l'affaire Guillermito, comporte deux parties.

La première, dite "pénale", juge l'infraction et décide, s'il y a infraction, d'une
condamnation (amende, prison, etc.). Tout cela en fonction de ce qui est écrit dans le
Code Pénal.

La seconde partie, dite "civile", détermine l'indemnisation des victimes (parties civiles)
de l'infraction pénale. Tout cela en fonction des estimations, plus ou moins justifiées, des
parties (préjudices matériels, préjudice moral, etc.).

Bien évidemment, s'il n'y a pas d'infraction, il ne peut y avoir de victime. C'est pour cela
que le procès commence toujours par la partie "pénale", avant d'étudier la partie "civile".


Tornad - 15

La Justice, comme la balance qui la symbolise, est (essaye d'être ?) un équilibre
entre les différentes parties qui composent le procès. Il est donc toujours possible, à la partie
en défense, de demander également des dommages et intérêts (par exemple, pour procédure
abusive).

Mais si la partie en défense souhaite demander des dommages et intérêt, elle doit le faire
pendant le procès, et non après, car alors c'est un autre procès ...

Naturellement, si la demande n'a pas été faite en première instance (Tribunal de Grande
Instance), elle peut être introduite lors de l'appel (Cour d'Appel).

19. Le dimanche 4 décembre 2005 à 11:36 par Laure

Juste une remarque : "On n'a pas le droit de 'toucher un cheveu' du logiciel à peine de contrefaçon". Les libertariens sont évidemment contre ça, c'est comme si vous achetiez une voiture et qu'on vous interdise d'ouvrir le capot !! Anti-libéral au possible. Pour ceux que ça intéresse, la position libertarienne sur la propriété intellectuelle peut être trouvée ici : www.liberaux.org/wiki/ind...

20. Le dimanche 4 décembre 2005 à 21:51 par Francesco

Merci d'avoir pointé les bons articles de loi, qu'il faut lire (L122-6 et L122-6-1 du CPI)
www.legifrance.gouv.fr/WA...
www.legifrance.gouv.fr/WA...

Il me semble clair que quand Guillermito a utilisé un debugger sur Viguard, il a fait les choses énumérées dans L122-6 au 1° et même 2°; d'un point de vue juridique une question est de si il était, ou pas, dans les exceptions prévues par L122-6-1. Celle qui me semble le mieux convenir est:
"La personne ayant le droit d'utiliser le logiciel peut sans l'autorisation de l'auteur observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n'importe quel élément du logiciel lorsqu'elle effectue toute opération de chargement, d'affichage, d'exécution, de transmission ou de stockage du logiciel qu'elle est en droit d'effectuer."

Cela m'a l'air de correspondre, à la réserve que peut-être Guillermito n'avais pas vraiment le droit d'utiliser le logiciel (je n'ai aucune idée de si Tegam peut juridiquement s'en prévaloir, et ce détail n'est pas ce qui fait l'intérêt du cas).

Finalement elle n'est pas si mal cette loi, et je regrette de ne pas l'avoir lue avant mon commentaire/question 19 pour le billet précédent.

Je suis preneur d'un commentaire sur le statut au regard du CPI de la publication de la clé extraite de VIguard, cela m'a l'air moins limpide.

21. Le lundi 5 décembre 2005 à 22:16 par Droit administratif

Je viens juste de prendre connaissance de l'affaire Guillermito. Une question me vient immédiatement à l'esprit : quelqu'un a poursuivi Tegam pour publicité mensongère ?

22. Le lundi 5 décembre 2005 à 22:19 par troll content

Commentaire karcherisé par Troll detector. Il était prévenu, mais il n'apprend jamais (c'est le problème des trolls à analyse comportementale).

23. Le lundi 5 décembre 2005 à 23:27 par troll content

ouaf, ouaf, ouaf !!!!

les commentaires reviendront avec l'arrêt de la cour ....

au plaisir ...


Troll detector aussi.

Eolas

24. Le mardi 6 décembre 2005 à 14:24 par yves

Sur le parquet du côté de la défense, il me semble que c'était plus ou moins le cas dans l'affaire kitetoa/tati, au moins en appel.

Il doit y avoir un résumé sur le site de kitetoa. Il me Semble que cette affaire est aussi citée dans le livre de Maitre Iteanu «Tous cybercriminels».

De l'histoire ancienne, à l'époque on avait pas encore Maître Eolas ni Maîtresse Veuve Tarquine pour nous faire des compte-rendus aussi bien. À regretter de ne pas habiter Paris pour pouvoir aller au spectacle plus souvent au Palais de Justice.

25. Le mercredi 7 décembre 2005 à 16:10 par Kitetoa

Bonjour Yves,

Dans l'affaire Tati versus Kitetoa, le parquet a initialement poursuivi sur la foi de ce qui ressortait de l'enquête de la BEFTI. Mais il s'est rapidement ravisé, et a demandé ma relaxe en première instance. Ne l'obtenant pas totalement, il a ensuite fait appel à ma place.

Notez que reconnaître une erreur n'est pas toujours chose facile. Dans ce cas, le parquet l'a fait sans problème. Tegam de son côté continue de foncer dans le mur, persuadée que ce qui est blanc est noir et inversement.

Amicalement,
K.

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