Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Dominique Baudis nouveau prix Busiris

Où l'auteur décerne à nouveau sa prestigieuse récompense.

Merci à Monsieur Dominique Baudis, pris en sa qualité de président du CSA, d'avoir si gentiment mis sa position en conformité avec les très strictes conditions d'attribution du Prix Busiris.

En effet, sa décision, déjà commentée ici, de déplacer d'office une partie de l'UDF dans l'opposition remplissait deux des trois conditions : la décision prise était juridiquement infondée, et sentait bon la mauvaise foi, tant cette décision glissait un caillou dans la chaussure du principal parti d'opposition, j'entends la vraie opposition, tout en punissant l'UDF en réduisant de facto sa surface d'exposition médiatique.

Mais à l'époque, j'exprimais un regret :

Il s'en est fallu de peu que Dominique Baudis ne reçoive ès qualité un prix Busiris, las ! la condition de contradiction des propos n'est pas remplie.

Il faut en effet que le lauréat ait tenu en un laps de temps relativement court deux discours contradictoires pour mériter le trophée.

Et bien c'est déormais chose faite, et c'est avec plaisir que je remets à Monsieur Baudis ce prix bien mérité, tant il a fait montre de persévérance pour l'obtenir.

En effet, le Président du CSA a écrit aujourd'hui à François Bayrou une lettre que voici en lui indiquant avoir pris acte de son désaccord et l'a assuré qu'il "ne prétend en aucun cas situer une formation politique contre son gré". Le Conseil a donc "révisé sa décision du 13 juin 2006 et décidé de maintenir le dispositif en vigueur depuis le vote de la motion de censure", à savoir que l'UDF n'est décompté ni sur le temps de parole de la majorité, ni sur celui de l'opposition, ni sur celui du gouvernement bien qu'il y ait un ministre, ni sur celui des partis non représentés au Parlement puisque l'UDF y a un groupe parlementaire. Le Centre est donc devenu un méta-Centre éthéré, le centre parfait de la vie politique : le centre introuvable. Sous la révolution, le Centre s'appelait le Marais. Désormais, il s'appellera le Sable Mouvant.

Récapitulons donc : le 13 juin, le CSA prend une décision classant l'UDF dans l'opposition en estimant "que la Constitution de la Ve République lui permet d'évaluer l'appartenance d'une formation politique à la majorité ou à l'opposition parlementaires à la lumière de l'attitude adoptée par cette formation lorsque la responsabilité du gouvernement est engagée selon les procédures prévues par son article 49, alinéa 1, 2, 3."

Voilà le raisonnement juridique faux : le Conseil ne tire aucun pouvoir de la constitution puisqu'il a été créé par une loi ordinaire adoptée 28 ans après l'entrée en vigueur de la Constitution et que c'est en vain qu'on chercherait dans l'Auguste texte une mention des neufs téléssages.

Le 20 juin, soit une semaine après, le même CSA, qui vient de tirer un pouvoir de la Constitution, lui impose cette curieuse barrière : " Dans sa mission de protection du pluralisme, le CSA ne prétend en aucun cas situer une formation politique contre son gré." Donc il applique un pouvoir tiré de la Constitution, mais à condition que l'intéressé soit d'accord. Voici la contradiction.

Quant à la mauvaise foi, elle résulte d'un faisceau d'indices, comme on dit. Notamment tout simplement de l'illégalité des deux décisions des 13 et 20 juin. Illégalité de la première car le CSA s'arroge un pouvoir qu'il ne tient d'aucun texte. Illégalité de la deuxième car comme le rappelle le Professeur Rolin, une décision administrative individuelle créatrice de droits ne peut être retirée que pour des motifs d'illégalité et non d'opportunité. Or c'est clairement des motifs de pure opportunité qui sont invoqués ici : " Dans sa mission de protection du pluralisme, le CSA ne prétend en aucun cas situer une formation politique contre son gré" ; " Cette méthode de calcul déroge aux règles traditionnelles du Conseil, mais elle répond à une situation inédite."

Situation inédite qui ouvre une sacrée boite de Pandore : le CSA vient par quelques pas de valse-hésitation de substituer une règle objective (celle des "quatre tiers", qui pour peu de mérite qu'elle avait était au moins claire) en règle purement subjective : le temps de parole des hommes politiques sera décompté sur celui de la force politique qu'il souhaitera, le CSA s'interdisant désormais tout contrôle.

Pour cet extraordinaire imbroglio juridique visant à dissimuler maladroitement une basse vengeance de l'UMP contre l'UDF, Monsieur le Président, vous avez bien mérité ce prix Burisis.

La discussion continue ailleurs

1. Le mercredi 21 juin 2006, 11:20 par Authueil

Jus politis

Le CSA vient de nous démontrer ses qualités de danseur de salon, avec ses décisions sur le temps de parole de l'UDF et de François Bayrou. Après l'avoir classé à titre personnel dans l'opposition, il vient de le retirer de l'opposition pour le...

2. Le mercredi 21 juin 2006, 22:53 par La iDétonation Vespérale

Dominique Baudis nouveau prix Busiris

Décidemment j'aurais dû faire du droit. C'est rageant à la fin, de voir Maître Eolas décerner le troisième Prix Busiris à Dominique Baudis (Dominique Baudis nouveau prix Busiris - Journal d'un avocat) et réaliser que je ne pourrais jamais prétendre à...

Commentaires

1. Le mardi 20 juin 2006 à 20:33 par authueil

Vous allez me trouver bien contrariant, mais je suis en désaccord avec votre argumentation sur le critère manquant évoqué dans ce post.

"que la Constitution de la Ve République lui permet d'évaluer l'appartenance d'une formation politique à la majorité ou à l'opposition parlementaires à la lumière de l'attitude adoptée par cette formation lorsque la responsabilité du gouvernement est engagée selon les procédures prévues par son article 49, alinéa 1, 2, 3."

Je lis cette phrase différemment de vous. Le CSA a juste voulu dire que la constitution de 1958 permet de distinguer clairement l'opposition de la majorité parlementaire, en fonction de critères aussi évidents que le vote d'une motion de censure. Les implications politiques sont telles qu'on ne peut se tromper sur la position d'opposant du votant. Maintenant, si un nouveau vote de censure est proposé et que l'impétrant ne le vote pas, sa situation d'opposant ou non doit être revue.
Je n'interprête donc pas cette phrase comme une volonté du CSA d'asseoir son pouvoir sur la constitution de 1958.

Ensuite, la décision du CSA peut-elle être analysée comme "décision administrative créatrice de droit" ? Cela se discute ! Cette décision du CSA est une appréciation de la position de onze parlementaires. Le fait que leur temps de parole soit classé dans l'opposition ou la majorité ne me semble pas créateur de droits, puisque cela n'avait pas pour effet immédiat et direct de leur donner ou de leur enlever du temps de parole.

Je demande donc une deuxième délibération du jury du prix Busiris, ou moins un complément d'instruction :-)


2. Le mardi 20 juin 2006 à 20:53 par Tom

Petite erreur : une décision individuelle créatrice de droit légale peut être retirer à la demande du "bénéficiaire"...
Reste bien sûr le problème des tiers et de leurs droits !
Cf. retrait d'un acte légal sur la demande du bénéficiaire : CE Sect. 23 juillet 1974 ministre de l'intérieur c/ Gay, Rec. p.441.
www.legifrance.gouv.fr/WA...

"l'auteur d'une décision ayant créé des droits ne peut légalement la rapporter ou la remplacer par une autre décision qu'à la condition que cette décision soit elle-même illégale, si ce n'est lorsque le retrait est sollicité par la voie d'un recours gracieux et qu'il n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers, pour lui substituer une décision plus favorable à l'auteur de ce recours..."

3. Le mardi 20 juin 2006 à 20:58 par FrédéricLN

authueil : de mon côté, je vous accorderai le 1er point, tout en observant que la Constitution, à la lire, ne permet nullement au CSA ce qu'il croit : puisque son article 4 fixe un tout autre critère d'appréciation de la "contribution au suffrage", donc de l'expression publique : l'organisation par partis politiques.

Quant au 2ème point, la décision du CSA était bien créatrice de droit, non pour l'UDF et ses parlementaires, mais pour l'UMP à qui elle accordait un temps de parole égal à celui du gouvernement. La 2ème décision confirme d'ailleurs, sur ce point, la 1ère.

Me Eolas : bien que la série soit fort courte, la fréquence croissante d'attribution du prix Busiris ne laisse pas d'inquiéter sur l'état de notre Etat.

4. Le mardi 20 juin 2006 à 21:00 par FrédéricLN

oups, lire "pour l'UMP à qui elle accordait un temps de parole accru. La 2ème décision augmente d'ailleurs, sur ce point, les effets de la 1ère, puisque l'UMP représente désormais à elle seule 'la majorité', et a donc un temps de parole égal à celui du gouvernement". merci !

5. Le mardi 20 juin 2006 à 21:11 par Tom

@ FredericLN

Si je comprends bien, le CSA rase gratis :
a) le temps de parole de l'UMP augmente puisqu'elle est seule dans la majorité
b) le temps de parole du PS et du PC augmente puisque l'UDF n'est plus dans l'opposition
c) le temps de parole de l'UDF augmente ou ne diminue pas puisqu'il n'est plus décompté dans celui de la majorité ou celui de l'opposition
d) etc.
Bref, à part supprimer le foot, je ne vois pas comment les télés vont faire.

6. Le mardi 20 juin 2006 à 21:21 par Philippe.

Le foot a une légitimité constitutionnelle, lui... non? ;-)

7. Le mardi 20 juin 2006 à 21:30 par Lumina

C'est simple : les télés donneront moins de temps de parole à l'UDF, car ça ne leur rapporte pas autant d'audimat que le reste. À mon avis, une reforme nécessaire du temps de parole serait de le faire simplement proportionnel au nombre d'élus, sans se préoccuper d'être dans l'opposition ou pas.

8. Le mardi 20 juin 2006 à 21:30 par brigetoun

merci de leur imagination qui ne cesse de nous surprendre, et de créer de jolis cas. Oui comptabilisation ?

9. Le mardi 20 juin 2006 à 21:45 par Philippe.

Pour rebondir sur l'idée de Lumina: on pourrait aussi proportionnaliser le temps de parole au temps de présence dans l'hémicycle?...

10. Le mardi 20 juin 2006 à 22:29 par BodPa

@Philippe : Ce serait une idée fort intéressante, mais j'imagine assez mal des badgeuses à l'entrée du cénacle !!!

11. Le mardi 20 juin 2006 à 23:00 par Tom

Les liens Internet sur le sujet (surtout les commentaires juridiques) : www.opuscitatum.com/modul...

12. Le mardi 20 juin 2006 à 23:14 par François - Droit administratif

Authueil :

Je crois que vous avez raison, malgré le billet que j'ai écrit en sens contraire ! Dominique Baudis mérite toutefois, à mon sens, ce prix Busiris pour avoir retourné sa veste en un temps record.

Attention toutefois, Eolas, à ne point trop distribuer ce prix, car certains le méritent tout de même plus que d'autres (notre Garde des Sceaux par exemple) et il serait dommage d'en diluer la portée.

13. Le mardi 20 juin 2006 à 23:17 par François - Droit administratif

Authueil :

Toutefois, je ne partage pas exactement votre analyse sur le caractère créateur de droits ou non de la décision (cf. www.blogdroitadministrati...

14. Le mardi 20 juin 2006 à 23:29 par bigfinger

Sur ce bon fou rire je vais me coucher. Merci à tous de votre participation à ma bonne humeur.

15. Le mercredi 21 juin 2006 à 07:43 par FrédéricLN

@Tom#5 : oui, le CSA rase gratis sur ce coup-là ; plus exactement, les télés, si elles veulent à la fois respecter la décision CSA n°2 ET les droits constitutionnels du foot, ont deux solutions :
* soit réduire le temps de parole du gouvernement (donc mécaniquement ceux de l'UMP et du PS),
* soit réduire le temps de parole de l'UDF et de l'opposition extra-parlementaire (qui sont décomptés à part, mais non réglementés).

16. Le mercredi 21 juin 2006 à 10:14 par Parayre

Je m'esbaudis avec vous ...

17. Le mercredi 21 juin 2006 à 10:44 par Flibustier75

La fin du CSA déjà programmée ?

18. Le mercredi 21 juin 2006 à 13:24 par Stéphane

@Philippe [#9]
Avec possibilité de présenter un mot d'excuse des parents en cas d'absence ?

19. Le mercredi 21 juin 2006 à 14:19 par Neville

@ Stéphane, #18

Impossible, souvent de présenter un mot d'excuses des parents puisque beaucoup d'entre eux ont en fait succédé à leur père, souvent après son décès. (les frères Debré, R. Bachelot, Gilbert Mitterrand notre cousin puisque fils de Tonton, plusieurs parlementaires réunionnais ou corses... la palme revenant à Françoise de Panafieu dont le père ET la mère ont été ministres).

20. Le mercredi 21 juin 2006 à 15:13 par Lumina

@Philippe #9

C'est un autre débat.
L'argument des députés, c'est qu'il y a trop de boulot à faire pour l'élaboration des lois, donc on ne peut pas venir à toutes les assemblées. J'oppose à cet argument que lorsqu'il y a trop de travail de préparation, on demande l'aide de secrétaires, d'un cabinet, des autres membres de son parti ; et lorsqu'il faut participer aux assemblées, on doit le faire tous les jours.

Donner un temps de parole proportionnel au nombre d'élus est sans conteste démocratique. Donner un temps de parole proportionnel à la présence est peut-être le "bon-sens", mais s'oppose à la notion précédente.

21. Le mercredi 21 juin 2006 à 16:01 par Dominique Blas

@BodPa
D'autant qu'à ce moment là, certains auraient la lourde charge de badger pour leur formation entière.
A moins d'en venir à la puce sous-cutanée ...
db

22. Le mercredi 21 juin 2006 à 17:41 par authueil

Comme si un député était utile quand il reste des heures écouter des orateurs parfois ennuyeux. Il a mieux à faire, surtout quand on sait que le vrai travail se fait en amont, lors des réunions de préparation.

Le bon sens n'est souvent que le préjugé érigé au rang de norme. Il y a certes beaucoupà faire pour rendre le travail des parlementaires efficace, mais les forcer à assister massivement à toutes les séances, c'est contre-productif.

23. Le mercredi 21 juin 2006 à 22:58 par Lumina

Authueil, c'est le faible nombre de votants qui m'inquiète. Certaines lois passent avec 20 députés présents seulement.

24. Le jeudi 22 juin 2006 à 23:05 par Tom

Le Conseil constitutionnel prend une position dont la logique contredit la décision du CSA (1ère mouture) sur les notions de majorité et d'opposition

www.conseil-constitutionn...

25. Le vendredi 23 juin 2006 à 10:35 par frédéricLN

Busiris : bravo Maître ! les honneurs de Libé !!! www.liberation.fr/page.ph...

Tom#24 : oui, décision essentielle à mon avis : les dispositions appliquant à des groupes parlementaires les notions de majorité et opposition "conduisent à méconnaître le premier alinéa de l'article 4 de la Constitution" (CC). Le Conseil constitutionnel balaye le lieu commun selon lequel le bipartisme (ou bi-coalitionnisme) serait un produit direct de la Constitution de la Vème. Enfin !

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