Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Si ça c'est pas de la galanterie

Fin d'audience de comparution immédiate. L'horloge marque déjà vingt deux heures bien passées, la plupart des avocats sont partis, les bancs du public sont déserts à l'exception d'une jeune fille habillée comme pour aller en boîte, il ne reste qu'à juger les derniers dossiers. C'est au tour de Médi[1], qui visiblement est assez agacé d'être là. Son avocate lui fait signe de se calmer, mais il n'en a cure.

La présidente donne lecture de la prévention : violences conjugales ayant entraîné dix jours d'incapacité totale de travail. Il y a récidive du fait d'une précédente condamnation à un mois avec sursis, antérieure à la loi de décembre 2005 sur la récidive.

La présidente a sa mine des mauvais jours quand elle décrit les faits. Tout a commencé par une dispute sur le fait que Médi ne cherchait pas de travail et se contentait des indemnités ASSEDIC (à peine plus que le RMI) ce qui le faisait vivre aux crochets de Madame. Le ton est monté très vite et très haut, des deux côtés. Madame aurait reçu une première gifle et aurait alors tenté de mettre Monsieur dehors. La nature ayant mal réparti la masse musculaire, l'éviction s'est révélée impossible. Passant au plan B, Madame décide de partir chez sa mère, ce que Monsieur refuse.

Las, les femmes sont sournoises et n'en font qu'à leur tête. Après avoir feint la soumission, tandis que Monsieur est occupé ailleurs, elle prend la poudre d'escampette. Monsieur la rattrape promptement et lui offre en vrac noms d'oiseaux et coups, dérangeant ainsi le juste repos du voisinage, qui appelle la maréchaussée.

A l'arrivée de la police, Monsieur reconduit Madame au domicile conjugal en usant d'une méthode originale, la traction capilaire agrémentée de menaces de mort.

La police lui explique que pour conduire quelqu'un quelque part de force, il est plus adéquat de le menotter et de l'embarquer dans un véhicule avec gyrophare, et joint le geste à la parole. Le procureur a décidé de renouveler la démonstration du commissariat au palais, et le voici devant nous à cette heure tardive.

Madame est allée aux UMJ qui ont relevé des ecchymoses au visage, au bassin et aux jambes rendant la marche et la station debout pénible, et des plaies superficielles au cuir chevelu pour une ITT de dix jours.

La présidente se tourne vers le prévenu pour s'enquérir de ce qu'il a à dire.

"C'est faux, M'dame".

Je vois son avocate baisser la tête.

"Ha, c'est faux ? Vous ne l'avez pas frappée ?"

"Si, mais pas comme elle dit, la police. Je ne lui a pas donné de coup de pied, juste un balayette"

"Une... ?" demande la présidente

"Une balayette. (Geste horizontal du bras) Pour la faire tomber."

"Monsieur veut dire un balayage, Madame le président" précise le procureur d'une voix frôlant le zéro absolu.

"Merci, Monsieur le procureur. Et pas de coup de poing ?"

"Non, juste des gifles. Je donne pas des coups de poing à une femme."

"Ha, juste des gifles."

La greffière bondit sur son stylo et inscrit cette déclaration sur les notes d'audience. Je vois ma consoeur courbée sur ses notes porter la main à son front, comme si elle était très concentrée sur ses notes.

La présidente se tourne vers le procureur : "Si ça c'est pas de la galanterie".

Elle revient au prévenu.

"Donc vous lui avez porté des gifles, reprend la présidente en relisant le certificat médical, parce que Madame voulait aller voir sa mère ?"

"Non, M'dame, mais elle m'a mal parlé, elle m'a manqué de respect."

"Ha, demande la présidente, avec un rictus qui n'annonce rien de bon, vous considérez donc qu'elle l'a mérité ?"

"Ben ouais, qu'est ce que vous vouliez que je fasse ?"

Un silence tombe sur la salle. Tous les yeux sont braqués vers lui, même ceux des gendarmes, d'habitude si détachés, à deux exceptions près : son avocate, toujours abîmée dans la relecture de ses notes. Elle a les joues d'un joli rouge. Et Madame, assise impassible sur le banc des parties civiles, les yeux dans le vide, droit devant elle.

"Vous pouvez vous asseoir. Madame, levez-vous."

Madame se lève et va à la barre. Elle prend aussitôt la parole.

"Je voudrais dire que je retire ma plainte."

La présidente la regarde, interloquée.

"Vous retirez votre plainte ?"

"Oui. C'est pas grave ce qui est arrivé, c'est entre lui et moi, je veux pas qu'il aille en prison."

La présidente a abandonné le ton compatissant qu'elle réserve d'habitude aux victimes.

"Qu'il aille en prison ou pas n'est pas de votre ressort, mais de celui du tribunal. Quant au fait que vous retiriez votre plainte, cela ne met pas fin aux poursuites, qui sont exercées par le procureur. Mais à titre personnel, permettez moi de vous dire que les violences conjugales ne sont jamais anodines et sont rarement isolées. En refusant de voir les choses en face, c'est vous que vous mettez en danger."

La victime garde les yeux baissés et son visage fermé. Médi, dans le box, arbore un sourire satisfait.

La présidente abrège l'interrogatoire de la victime, qui n'a rien à déclarer.

Le procureur se lève et explose. Ses premiers mots sont contre le prévenus, mais les plus durs sont pour la victime, qui par son attitude soumise accepte les violences qu'elle subit, et aux yeux du prévenu accepte ses torts en le dédouannant complètement.

"Effectivement, rien ne vous oblige à vous constituer partie civile, mais peu importe, l'action publique n'est pas soumise à la condition d'une plainte préalable. Si vous ne voulez pas vous protéger, le parquet vous protégera malgré vous. Je demande dix mois de prison, fermes en raison du risque de réitération révélé par la récidive et de l'inconscience que montre le prévenu à la gravité des faits et bien sûr maintien en détention".

Ma pauvre consoeur se lève comme si sa robe pesait une tonne. Elle ne lit pas ses notes : je devine que son client n'a pas tenu compte un seul instant de ce qu'elle lui avait dit au cours de leur entretien sur les propos à éviter. Elle s'appuie sur son seul bâton, la victime qui refuse de se constituer partie civile, ce qui tend à limiter la gravité apparente de l'infraction, et plaide pour un sursis avec mise à l'épreuve et obligation de soin psychologiques.

Le prévenu n'a rien à ajouter. Sans doute ce qu'il a dit de plus intelligent.

Sept mois ferme, révocation du sursis automatique, donc huit mois en tout, maintien en détention.

Du banc du public, Madame envoie un baiser de la main au prévenu.

Notes

[1] Il va de soi que les prénoms ont été changés.

Commentaires

1. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:01 par egan

Ce qui est surprenant c'est la phrase finale : "Du banc du public, Madame envoie un baiser de la main au prévenu."

Cela tend à prouver que cette dame n'a pas été menacé pour retirer sa plainte comme on pouvait le soupçonner mais qu'elle est réellement désolée de voir son mari aller en prison.
Les mystères du coeur...

2. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:01 par SchpailsMan

Et bien... quel humour noir dans la première partie ! Je me suis demandé tout le long si c'était signe de mauvaise humeur ou le contraire, mais au vu de la suite je penche plutôt pour la première solution :(

Au risque de dévier très légèrement du sujet, je plains l'avocate qui a du défendre ça... d'ailleurs, vu les références que vous glissez périodiquement à ce sujet, j'imagine d'ailleurs que vous avez du vous tomber pas mal de fois sur ce genre de specimen. Ca doit être rageant et démoralisant de se donner du mal à préparer la défense de quelqu'un qui démolit votre travail en quelques minutes sans le moindre remord.

3. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:02 par OuvreBoîte

On dit pas Mehdi, plutôt que Medi ?
En tout cas d'après
www.linternaute.com/femme...
www.linternaute.com/femme...

le deuxième se donne assez peu, au point même qu'on peut probablement plaider l'orthographe défaillante des parents.

4. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:25 par Dam

Pardonnez mon ignorence en matiere de défence, mais j'imagine que le taquet derriere les oreilles ou l'ecrabouillage d'orteil a coup de talon sont interdit pour l'avocat sur son client hein ? (en même temps c'est pas juste, le juge il a un petit marteau lui ...)

Les prévenus sont dans un box à part et escortés par un gendarme pour les mettre à l'abri de leur avocat.

Eolas

5. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:25 par AntoineD

Oh. Mon. Dieu.
Vive l'amour, mais quand même... souhaitons à la demoiselle que Médi se calme un peu en prison... (sic). Avec un peu d'humour, elle sera enceinte pour les prochains coups.

6. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:25 par Jean

Je conseil toujours aux personnes qui m'entourent d'aller aux audiences pénales... C'est la vie qui est là, sans besoin d'articles de journaux ni d'analyses psycho/sociologique!! C'est incoryable (sans parler du manque de moyen généralisé de l'Etat fasse à ce genre de cas!)

7. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:27 par Alexandre92

Heureusement que vous avez comme à votre habitude fait preuve d'un réjouissant humour dans la première partie sus-citée... parce que sinon ce billet aurait été particulièrement noir et peu enclin à croire en la nature humaine....

Je ne sais pas ce qui me désespère le plus dans votre récit...

me demander si cette acceptation de son sort par la plaignante est culturelle (on ne fait pas mettre son homme en prison, j'ai mal parlé, etc etc... et donc comment peut-on lutter contre cette vision des choses, et qui peut s'en charger...),

si la charge d'avocat ne pèse pas plus lourd dans certains cas que d'autres (votre consoeur aurait probablement préféré se trouver à n'importe quel autre endroit que face à la cour pour défendre son client... et il n'y a pas eu de secondes qui s'étirent pour elle comme dans votre précédent billet... ou alors c'était avant sa plaidoierie qu'elle a du trouver le temps long...)

ou la certitude que votre dernière phrase renforce (le passage à la case prison sans toucher 20 000 francs non seulement ne changera rien à la situation mais peut forger un petit caid fier de ses hormones males)...

8. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:41 par sbriglia

@ Dam:le juge n'a pas de marteau ,même s'il peut l'être parfois,car il n'est pas commissaire -priseur:encore un exemple de l'influence des séries américaines ,Votre Honneur!
...et le Bâton c'est pour Eolas quand il se présentera au suffrage de ses pairs...

9. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:47 par Geo


Malgrès les violences, peut etre que la femme pense plus loin que 7mois de prisons ferme, pense à ses enfants (c'est surement la personne la mieux placé pour connaitre son mari).
La victime,
quand est elle sort du tribunal, quel est son chemin ?
on lui donne des adresses, il a une conversation gratuite avec une psychologe, un rendez-vous fortement recommandé dans une structure d'aide, ???
Pour le mari, est-ce qu'il risque de faire 'que de la prison'= privation de liberté,
est-ce qu'on lui propose des soins/des activités en prison/des discussions de groupes, etc.. ??

Remarque préliminaire : Médi et Madame n'avaient pas d'enfants, je l'aurais mentionné ; le retrait de la plainte était antérieur aux réquisitions du parquet. Les victimes ne sont pas particulièrement encadrées par la justice, et ce n'est pas son rôle. La justice répond à des demandes, elle n'est pas la tutrice des citoyens. Il existe des associations d'aide aux victimes, SOS femmes battues par exemple. A la victime de se prendre un minimum en mains. Quant aux activités en prison, elles se heurtent au même obstacle que l'ensemble de la justice : le manque de moyen pour les financer. La prison, c'est télé, promenade, parloir pour la plupart des prisonniers, avec un peu de sport collectif.

Eolas

10. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:48 par Strand

Félicitation au tribunal qui maintient les poursuites et envoie le "gus" en tôle? pour ce qui concerne la jeune demoiselle peut-être arrivera t-elle un jour à faire de son "homme" autrechose qu'un primate. J'avoue que, pour avoir essayé ce n'est pas une partie de plaisir. En revanche je n'ai pas rencontré la même compréhension de la part du tribunal aux affaires famillial et les violences n'ont pas été reconnues. Ceci étant certainement lié à la personnalité de la juge aux affaires familliale. Certaines femmes sont extrêmement complaisante à l'égard de la violence masculine. Aiment-elles cela? Allez savoir, les joies de la soumission et masochisme peuvent avoir leurs adeptes dans tous les milieux. Alors pourquoi pas dans les tribunaux, qui sait...

11. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:48 par Geo

lire 'Elle a une conversation gratuite avec.."
Désolé.

12. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:52 par H de Strasbourg

Un billet qui pourrait servir de pierre de touche pour de nombreux et longs posts sur la condition de la femme en France aujourd'hui. En dépit d'un habillage législatif et règlementaire qui commence, me semble-t-il, à être sérieux, il reste un énorme chantier culturel : il n'y a qu'à juger de l'attitude que peuvent encore avoir certains (pas tous, loin s'en faut) fonctionnaires de police devant une femme venant déposer plainte ou simplement faire noter un incident sur la main courante. J'en entendu, il n'y a pas si longtemps, une fonctionnaire dire à une femme qui se plaignait de menace de mort de la part de son compagnon qu'elle devait savoir avec qui elle dormait et qu'elle l'avait choisi... Il suffit de se rappeler de certaines réactions de députés français, en 1974, au discours de Simone Veil, pour voir d'où nous venons... et où nous sommes encore. Dans mon cadre professionnel, je croise des médecins qui ne tiendraient pas publiquement les propos que tient Médi parce qu'ils savent que cela n'est plus accepté, mais qui n'en pensent pas moins et qui n'hésitent pas à faire part de leur profond avis sur la question en privé.
Je me demande si dans un cas sans espoir comme celui du billet, cela ne pourrait pas constituer une ligne de défense : mon client ne fait qu'être en accord avec son temps...

13. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:57 par Dclg

Je m'abstiendrai de donner un avis sur le fond :-( mais j'ai bien apprécié l'humour de la forme :-) Merci maître !

14. Le mercredi 13 septembre 2006 à 13:58 par Erasoft

Je plains la pauvre avocate qui doit défendre un tel abruti. Une histoire absolument ahurissante, et en même temps, je le crains, fort prévisible. Heureusement que toute ressemblance avec des faits réels serait vraiment, mais alors vraiment fortuite, hein ?

15. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:06 par leinad

vous soulevez là, maitre, un point particulierement crucial des personnes battues. (personnes pour femme ou enfant ou meme mari). il est une regle tres connue qui interdit de dire du mal du tortionnaire aux victimes. car celles-ci trouvent toujours des circonstances atténuantes au bourreau. bien souvent pour justifier l'incapacité à comprendre sa propre soumission. j'ai vécu cela avec une amie battue par son mari qui m'a répondu "que veux tu, c'est son seul moyen pour s'exprimer". c'est effrayant mais terriblement humain.
ainsi notre accusé devenait victime aux yeux de sa femme. ce n'est pas rare, bien au contraire, et votre humour, maitre, meme s'il dédramatise la situation, n'en enleve en rien de l'horreur, mais permet aussi de bien comprendre la position psychologique des éléments en présence, magistrats compris.

16. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:11 par Clems

Pour ses indemnités assedic, radiation complète dés l'entrée en prison ou simple suspension pdt toute la période d'incarcération ?

Ce n'est pas sans conséquence pour la victime...

17. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:14 par Alain

La morale immorale de cette histoire ne serait-elle donc pas "qui aime bien châtie bien" ? Triste...

18. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:16 par Stéphane Z.

Je ne vois pas pourquoi il est accepté que Zidane mette un coup de boule (multiple récidive) parce qu'on lui a manqué de respect et que ce pauvre bougre, lui, n'ai pas le droit de se défendre quand on l'insulte ! Vraiment pas de quoi fouetter un chat.

19. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:19 par Un citoyen curieux

J'ai peur que la prison ne soit un « traitement » inadapté pour ce type de personnages, que j'oserais qualifier de parasite violent et égoïste.

Visiblement, monsieur se croit dans son bon droit. Il a déjà été en prison, et à sa sortie il sera sans doute dans le même état d'esprit. Il récidivera avec une forte probabilité...

20. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:27 par Dam

sbriglia > c'est pas du tout les séries amricaines, c'est la série bien française qui date d'une petite dixaines d'années : Tribunal sur tf1, il me semble qu'il avait un marteau le monsieur en robe noire derrière son grand bureau...

21. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:31 par Le Monolecte

Il faut avoir cotoyer des femmes battues pour comprendre que leur attitude (et hélas, celle de l'entourage) n'a rien de culturelle, mais il s'agit plutôt d'une forme d'emprise, d'ascendant psychologique du tortionnaire sur sa victime. La violence conjugale est un processus qui se met lentement et tranquillement en place, une affaire de domination qui commence souvent par de petites remarques perfides et qui se termine parfois à la morgue.
Même si, vu de l'extérieur, la femme a l'air "consentante", il faut repenser au syndrôme de Stockolm pour avoir un aperçu de se qui se joue dans le foyer.
Mais le pire, c'est souvent l'attitude de l'entourage, famille ou amis, qui, dans le "meilleur" des cas, font semblant de ne rien voir et dans le pire, laissent entendre que si la victime reste, c'est que, quelque part, elle aime ça...

L'ennemi des femmes battues, c'est indifférence des autres!

22. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:46 par nap1128

Bonjour,

la notion du "syndrome de Stockholm" etc... n'est peut être tout de même pas adaptée à toutes les situations.

Vu une audience à Rambouillet : un homme avait battu sa femme, la femme avait porté plainte sur "conseil" de la police ce qui avait conduit l'homme devant le Trib. correctionnel. La femme, au cours de l'audience, soutenait son époux et indiquait qu'elle souhaitait "retirer" sa plainte. Mêmes explications que dans le cas cité par Me Eolas : La présidente avec un air "contente d'elle même" indiquait : trop tard, les poursuites sont engagées et le retrait de votre plainte n'entraîne pas arrêt de la procédure. La présidente s'énerve sur le prévenu qui n'entend pas ce qu'on lui dit... c'est encore sa femme qui explique à la présidente qu'il souffre d'acouphènes et c'est elle qui explique à son mari les questions de la présidente (qui continuera à s'énerver contre le prévenu... alors qu'il est bien évident ici qu'elle ne pouvait s'énerver que contre elle-même, représentante de la justice, qui ne se donne pas les moyens d'entendre un prévenu dans de bonnes conditions, avec un "interprète langage des signes" par ex.).
L'avocat indique qu'une peine entraînerait la perte de l'emploi du mari (chercheur dans un centre scientifique en relation avec l'état, la présence d'un casier judiciaire entraînant la perte automatique de l'emploi). La femme dit qu'elle pardonne et demande au Tribunal de ne pas sanctionner trop durement.

Sanction : 9 mois de prison ferme, perte de l'emploi et la femme qui éclate en sanglot... parce qu'elle voit sa vie basculer. N'ayant pas de ressource et son mari venant de perdre son emploi, cette situation la met, elle (pas seulement son mari) dans une position très délicate.

En conclusion : elle aura vu que sa plainte a abouti à ce qu'elle endure une sanction supplémentaire.

Aura-t-elle réellement envie de conseiller à des femmes à qui arriverait la même situation de porter plainte ?
J'en doute... j'en doute même très fortement.

La seule qui, apparemment, était satisfaite d'elle même était la présidente à la fin de l'audience.

La justice rendue, "pour leur bien", contre les victimes... est-ce vraiment une bonne justice ?

@+

Dans cette affaire, il faut sans nul doute faire appel. En effet, le tribunal de Rambouillet est un simple tribunal d'instance, et de police en sa formation pénale, donc ne pouvant prononcer que des amendes pour des contraventions et en aucun cas une peine de prison. C'était encore un juge de proximité, non ?

Eolas

23. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:49 par koz

Bien illustré, bien raconté, comme d'habitude. Probablement tristement ordinaire.
Mais, en tout cas, heureux du fonctionnement de cette Justice.

24. Le mercredi 13 septembre 2006 à 14:59 par FrédéricLN

(sans connaissance personnelle, tant mieux certainement, des problèmes des femmes battues)

Cette histoire glaçante a le mérite de rappeler que la personne qui a agressé l'autre n'est pas seulement un "agresseur" (mais aussi un compagnon, etc., et même en l'occurrence aussi une victime ... de sa propre sottise, ou impéritie), et que la personne qui a été agressée n'est pas seulement une "victime" (mais aussi une compagne, etc.). Que face à son compagnon, elle en dise plus, et autre chose, que ce qui est attendu d'une "victime" ; qu'elle voie en lui autre chose que seulement un "agresseur", cela me semble assez juste (et non pathologique en soi).

Cela étant dit, je vois aussi un grand mérite de la conception française de la justice - où l'action publique du procureur est autre chose de la plainte de la victime - dans ce résultat, la protection que la société impose à la compagne en mettant le compagnon en prison. "Les droits naturels et imprescriptibles de l'homme ... sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression" - (la vie conjugale avec le compagnon de son choix n'est pas dans cette short list !)

25. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:02 par FrédéricLN

PS - le comm précédent porte sur le billet de départ et non sur le comm#22 qui n'était pas encore visible.

26. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:06 par flo

Le Monolecte résume bien ce qui se joue dans la violence relationnelle. Il y a aussi la force de "topoï" collectifs, qui veulent qu'une femme ne réponde pas avec force à la force. Une femme qui va au commissariat quand un homme l'injurie ou frappe, c'est une femme qui rencontre la réprobation. Il faut avoir la peau dure pour y faire face.

Songez à ce qui s'est passé lors de la reconstitution du meurtre de Sohane : une foule de connards applaudissant le meurtrier (elle a été battue, humiliée puis brûlée vive dans un local à poubelles, rappelons-le).

Et puis je crois que nombre de victimes de violences (conjugales ou pas, sexophobes ou pas, mais de violences qui s'accompagnent d'humiliation et d'angoisse) ont à faire face à un truc dur : revivre les choses, les nommer et acquiescer à leur réalité donc en reprendre l'impact dans la tête, lors ds procédures. Il y a je crois une sorte de mécanisme de défense qui se met en route dans l'esprit, et qui conduit à "nier" la chose comme pour la refouler et la faire s'évanouir symboliquement. "Je ne dis pas", "ça n'est pas arrivé". Dire est dur. C'est là qu'un accompagnement est utile : parce que dire est aussi franchir le dur.

27. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:07 par ko

Merci au Monolecte pour sa contribution très éclairante : j'ajouterai simplement que l'indifférence de l'entourage joue un rôle fondamental dans l'enfermement que représente cette emprise mentale et physique. Il rend très difficile "l'empowerment" de la personne battue, le retournement de la situation. Et puis, il avalise aussi (en approuvant silencieusement) le "pouvoir du pardon" : en effet, lorsque la victime pardonne à son bureau, elle récupère le seul pouvoir qui lui soit encore possible... même s'il l'enferme plus encore.

28. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:11 par Henri

Ouais...mais un Président du tribunal qui pose et fait de l'humour sur le dos de malheureux, je n'ai jamais trop apprécié.
Elle peut le réserver pour ses diners en ville. Dans l'enceinte du tribunal, elle représente la justice, elle ne donne pas un spectacle.

29. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:12 par sbriglia

@dam :les réalisateurs des séries tv ne font pas dans la précision!je maintiens et demande à Eolas de trancher le différend,m'en rapportant à la sagesse du... Barreau.

...bien vu ,Eolas,le hiatus rambolitain!

30. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:24 par geoffrey

Je n'ai rien à ajouté sur l'histoire de départ, je crois que tout est dit. En revanche, maître, j'ai un doute sur vos propos en commentaire : "Les victimes ne sont pas particulièrement encadrées par la justice, et ce n'est pas son rôle. La justice répond à des demandes, elle n'est pas la tutrice des citoyens. Il existe des associations d'aide aux victimes, SOS femmes battues par exemple. A la victime de se prendre un minimum en mains." Je pense que vos mots dépassent un peu vos pensées. La Justice, ça n'est pas seulement la salle d'audience. C'est un ministère, un service public, bref, quelque chose qui répond à l'intérêt général et sert la cohésion nationale. Etudiant, j'ai pu travailler quelques mois au Service de l'aide aux victimes du ministère. J'ai pu voir le travail incoryablement nécessaire des associations d'aide aux victimes (qui ne sont pas les mêmes que les associations de victimes, pour les lecteurs, allez voir le site de l'INAVEM), et leur manque de moyens. J'ai pu entendre des témoignages de psy spécialisés, de proc, d'avocats, de policiers,... Et peut-être surtout, j'ai participé au travail de réponse aux courriers innombrables émanant de particuliers adressés au Garde des Sceaux. Les victimes d'infraction pénale sont souvent complétement paumés, et généralement, dans leur vie, cet événement est une des choses les plus traumatisantes qu'elles connaissent. Le traumatisme, le sentiment d'abandon, le désespoir sont forts, et en plus, la victime se trouve souvent largué au milieu du monde du droit, et finit par essayer (elle y arrive parfois d'ailleurs) de devenir un véritable juriste : ils lisent les textes, les interprétent sans avoir les moyens de comprendre les mots dans leur sens juridique... Et ressentent à la fin un énorme sentiment d'injustice. Bref. Je crois au contraire que c'est le rôle de la justice aussi d'aider les victimes à gérer l'épreuve. C'est le rôle aussi de la police, mais le parquet, les juges, les avocats et la chancellerie commetteraient une autre forme de déni de justice, au sens littéral, en considérant que cela ne les concerne pas.

31. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:26 par saint thomas taquin

A propos du manque de respect...

Combien de fois avons nous entendu cette rengaine relative au manque de respect ou encore à la mauvaise façon de regarder quelqu'un? La violence gratuite est partout, dans la rue, en voiture, en famille et elle n'est plus l'apanage des garçons (quel choc à l'écoute des informations et de cette affaire de barbarie dans un internat). Une question à maître Eolas à ce propos: quel est votre sentiment lorsque vous êtes amené à défendre de tels délinquants? Vous préoccupez-vous des causes de cette violence afin notamment de plaider une sanction réellement efficace (si tant est qu'une telle mesure existe) ou votre seul souci est-il d'obtenir une peine la plus clémente possible?

Bien sûr que je m'en préoccupe. ne serait-ce que cela préoccupe les magistrats et que j'ai envie qu'ils m'écoutent ; et le meilleur moyen pour cela, c'est de tenter de répondre à leurs interrogations, pas de disserter à l'envi sur l'effet désocialisant de la prison qu'ils connaissent sans doute mieux que moi. L'inefficacité de la prison étant connue, reste à organiser une alternative, ou si elle est inévitable, à la rendre la plus courte possible en préparant un projet concret. C'est un point où je me démarque de nombre de mes confrères : je plaide sur la peine, sauf évidemment quand je suis sur la relaxe ou l'acquittement. J'entends par là : je fais des propositions concrètes. Demander l'indulgence du tribunal, je trouve ça vide. Bien sûr que l'avocat souhaite la clémence. Mais concrètement, du point de vue de la défense, c'est quoi ? Et les juges sont demandeurs : quand j'aborde ce point, qui vient nécessairement enfin de plaidoirie, je vois leur attention redoubler, ils prennent des notes, feuillettent les codes, vérifient le champ d'application de ce que je propose, et lors du délibéré, je sens souvent une influence (quand la nature de la peine correspond à ce que j'ai demandé et non à ce qu'a demandé le procureur), ou alors, quand je me fais bouler, le président prend la peine de m'expliquer pourquoi ce que je demandais ne leur a pas paru réaliste.

Eolas

32. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:46 par Avocat breton

Enfin un mari frappeur en correctionnelle...

En ce qui concerne le comportement de l'épouse, ça ne me surprend guère...

Soit ces femmes ont peur de ce qui va se passer par la suite (retour de l'époux après la peine de prison) soit, pour celles qui décident de dénoncer la violence, le parquet ne les soutient pas.

Ainsi, il n'est pas rare dans nos contrées celtes que la politique du Parquet soit de faire une procédure délégué du parquet pour des premières violences conjuguales même avec ITT.

La plupart du temps, le type s'en sort avec une simple engeulade...

J'ai même lu récemment dans la presse régionale l'histoire suivante (je crois que mon souvenir de l'article est plutôt bon) :

une femme enceinte de 5 mois arrive au travail le matin avec les deux yeux au beurre noir (beurre salé bien évidemment), elle s'est fait frapper par son mari le matin...

Elle assure quand même sa journée de travail mais l'après-midi, l'époux boxeur se présente sur son lieu de travail.

Madame tente de se cacher...Monsieur la rattrape et pratique à nouveau son sport favori sur son punching ball humain.

Que croyez-vous qu'a fait le Parquet ?

je vous le donne en mille : Délégué du Procureur.

Je ne suis pas particulièrement répressif et je suis plus souvent du côté des méchants que des gentils, mais ce type de politique pénale m'interroge quand même sérieusement.

33. Le mercredi 13 septembre 2006 à 15:56 par yves

> La prison, c'est télé, promenade, parloir pour la plupart des prisonniers, avec un peu de sport collectif.

Il n'y a pas de livres? Les pauvres prisonniers!

NON A LA DOUBLE PEINE PRISON+TF1 !!!

Les prisonniers n'ont été condamnés qu'à de la privation de liberté, pas à devenir du temps de cerveau humain disponible !

INTERDISONS LA TÉLÉ EN PRISON !

34. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:13 par Paganini

Un point qu'il conviendrait peut-être de relever, Maître : à lire votre récit (particulièrement affligeant quant au fond...), j'ai l'impression que vous semblez indiquer que l'avocat du prévenu partait perdant dès le départ. Elle avait préparé une défense, l'avait expliquée à son client, prit des notes pour ne pas perdre le fil... Le client, manifestement, n'en tient pas compte et toute la défense s'écroule. Il ne reste plus à l'avocat - sinon à maudire son client - qu'à le défendre manifestement sans aucune conviction.

Oserais-je soulever l'idée que l'avocat, en tant que femme, au fond d'elle, souhaitait la condamnation d'un individu aussi abjecte ? Nul ne pourrait lui jeter la pierre, cela dit...

En se faisant "l'avocat du diable", quelle chances pour le prévenu lorsque son avocat ne croit pas en ses propres chances de succès et arrive déjà résigné dans la salle d'audience ? Je sais qu'il y a des cas où c'est "indéfendable" mais est-ce bien normal pour l'avocat de le montrer de façon aussi ostensible ?

Ostensible, je ne sais pas. J'interprétais ces signes que je connais fort bien, je ne sais pas si la présidente les a interprété ou même seulement remarqué. Pour le reste, il faut savoir être réactif en audience, la 23e est une bonne école pour cela, mais les premiers pas sont difficiles.

Eolas

35. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:34 par nap1128

@ Eolas cf. com 22 : vous avez raison... à Rambouillet il n'y a qu'un Tribunal d'instance... ce devait donc être à Versailles je suppose (c'est étonnant comme la mémoire joue des tours... j'aurai pu jurer que c'était à Rambouillet... et dans ma mémoire, la salle d'audience n'était pas celle de Versailles... m'enfin.. le lieu n'est peut être pas si important)

pour l'appel... je ne sais s'il a été interjeté...

sinon @34 : je sais bien que certains pensent que notre "inconscient" nous joue des tours... mais aller jusqu'à dire que l'avocat femme souhaitait la condamnation de son client... c'est peut être "pousser" un peu... non ?

@+

36. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:35 par saint thomas taquin

@ Avocat Breton: "Que croyez-vous qu'a fait le Parquet ? je vous le donne en mille : Délégué du Procureur".
Question d'un presque béotien: cela signifie-t-il bien placement sous contrôle judiciaire? Merci

@ Maître Eolas: Merci pour votre réponse. Je trouve votre démarche intéressante, en premier lieu pour vos clients mais surtout, en second lieu, pour le magistrat, dont j'imagine sans peine le regain d'intérêt à l'écoute de vos propos...

37. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:37 par bert

C'est aussi le problème de la prison. le fait que l'épouse ne voulait pas qu'il aille en prison ne veut pas dire qu'elle ne voulait pas qu'il soit puni, ou qu'elle accepte son sort, qu'elle se résigne à être battue.

D'autres que moi le disent mieux dans les commentaires ci-dessus, la prison n'est pas toujours la peine la mieux adaptée, elle est souvent utilisée à défaut.

Oui, c'est un abruti violent, mais croire que la prison "le calmera" relêve d'une douce naïveté, susceptible d'être elle aussi dangereuse.

Le recours systèmatique à la prison et le manque de peines de substitution est un réel problème et une vrai question de société qu'il serait intéressant de voir débattue en ces temps d'élections... (Mais là, c'est moi qui suis bien naïf, je sais...)

38. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:52 par nap1128

pb de terminologie :

"Je vois ma consoeur "... et pourtant il me semblait bien que Me Eolas était un homme ? (le grand WOOG nous a appris que le terme consoeur ne pouvait s'utiliser qu'entre deux avocats de sexe féminin, en revanche lorsque un avocat "homme" parle d'un avocat "femme" il doit dire "confrère" et non "consoeur")

iriez-vous à l'encontre des règles posées par le grand WOOG ?

(ou bien les règles auraient-elles changé ?)

@+
PS j'utilise moi même le terme "Chère Confrère" lorsqu'il s'agit d'une femme... est-ce que des avis éclairés pourraient m'indiquer leur pratique ?

39. Le mercredi 13 septembre 2006 à 16:58 par Neville

Cher Confrère, dont j'apprécie de plus en plus la lecture du journal, surtout quand il narre des moments d'audience, et vous remercie d'y consacrer autant de temps,

une toute petite remarque : puisque vous avez évidemment modifié les prénoms des protagonistes, pourquoi ne pas avoir appelé la victime "Martine", comme l'épouse de Sganarelle dans "le Médecin malgré lui", de Molière ?

webperso.mediom.qc.ca/~pl...

Je conseille à tous la lecture des deux premières scènes de l'acte I.

Où l'on voit que déjà du temps de Molière, certaines femmes battues préféraient nier leur souffrance aux yeux de tiers qui se proposaient de les aider.

Quand j'ai étudié cette pièce au Collège, j'avais ri du comportement de Martine mais j'avais 11 ans alors et je m'aperçois depuis un certain temps, et votre témoignage en est une illustration supplémentaire, qu'hélas Molière avait vu juste et qu'il y aura probablement toujours des femmes qui prétendont qu'il leur plait d'être battues pour éloigner le regard de ceux qui veulent pourtant leur porter secours.

Quelle réaction la Société doit-elle avoir vis-à-vis de ces situations ? Je l'ignore, mais sûrement pas les sarcasmes d'un Président d'audience et encore moins des réquisitions de Procureur accablant la victime plus que le prévenu.

40. Le mercredi 13 septembre 2006 à 17:18 par sbriglia

@nap1128 : le "grand" W...aimait trop les jeunes stagiaires pour commettre de tels impairs...

41. Le mercredi 13 septembre 2006 à 17:31 par Raph

@5 AntoineD :
Je vous en pris : appellez-moi Raph...

@36 saint thomas taquin :
Le délégué du proc : alternative aux poursuites (médiation, etc.)

42. Le mercredi 13 septembre 2006 à 17:40 par Paganini

@39 : il est vrai qu'enfant, on rate beaucoup de choses dans les pièces de Molière...

La scène III, par exemple : "Je sais bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi se venger d'un mari; mais c'est une punition trop délicate pour mon pendard..."

L'allusion m'avait échappée... :-) Peine alternative ? (complémentaire ?)

43. Le mercredi 13 septembre 2006 à 17:50 par polynice

@nap1128 :

Ma pratique est pragmatique en la matière :

la règle : je dis et écris "confrère" à une femme avocate.

Les exceptions : je dis et écris "consoeur" quand je vois sur son papier à en-tête "Avocate" avec un e.

Je dis et écris "consoeur" quand je m'adresse à Gisèle Halimi !

44. Le mercredi 13 septembre 2006 à 18:23 par isa

Comme quoi, on ne peut jamais réellement préparer une défense, qui s'adapte à l'audience.
C'est toujours assez déroutant de constater qu'on ne maîtrise absolument pas les réactions de son client quand il est face à son juge.

Certains avouent même des actes qui ne figurent pas encore au dossier...
Mais chacun a le droit d'être défendu au mieux, c'est pourquoi, à mon avis, l'avocat doit être optimiste et humaniste.

45. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:04 par Phénix

Cher Eolas,

Etant nouveau je voulais savoir quelles sont les peines qui peuvent être proposées autrement que la peine de prison avec ou sans sursis pour un délit?

on voit souvent des juges allés au plus simple (raccourci intellectuel? ou fatigue?) et prononcé une peine de prison... Y a t'il autre chose?

Qu'est ce qu'un ajournement de peine par exemple?
Pourriez-vous faire une petite réponse du parfait manuel des citoyens...?

merci

46. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:13 par Armand

Je ne suis pas parvenu à trouver qui a dit: "Le degré de civilisation d'un peuple se mesure le mieux à la situation que la femme y détient".
Les "machos" et autres brutes constituent-ils un peuple ou un groupe d'opprimés? :(

47. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:48 par Pfff

Il y a bien une nation où des femmes peuvent s'engager dans l'armée et torturer des prisonniers, si si
Soyons simplistes et disons que toutes les femmes de ces pays sont écoeurantes et à enfermer

Ces enfonceurs de portes ouvertes....

Il y a bien des maris battus, si si. ça doit être des lopettes, selon vos jugements, pas vrai ?

Que le monde doit être simple en noir et blanc

48. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:54 par Ariane

@ Phénix: L'ajournement de peine est prononcé par la juridiction de jugement. Elle reconnait la culpabilité du prévenu mais lui donne un délai avant de prononcer la peine. De mémoire, c'est réservé à des cas où le prévenu a des projets concrets de resocialisation, où s'il y a eu lieu la victime a (est en cours) d'être indemnisée, et que le trouble à l'ordre public a cessé. Autrement dit, ça se plaide un ajournement et ça peut être dans certains cas très intéressant car au bout de la période fixée par le tribunal, celui-ci se réunie et peut prononcer une dispense de peine.

Sur les peines qui peuvent être prononcées en lieu et place que la prison, le code offre actuellement un panel très intéressant. Le Travail d'intérêt général, la suspension du permis de conduire, l'obligation d'effectuer un stage de citoyenneté, ...bref c'est tout l'art de l'avocat et du magistrat de trouver ensemble ce qui sera le plus approprié à la situation du prévenu. J'adhère tout à fait à ce projet que doit proposer l'avocat. La peine est quand même dans la plupart des cas l'enjeu des dossiers.

Pour en revenir au sujet des violences conjugales, bon sang que ces dossiers doivent être difficiles...Comment protéger les gens...malgré eux...

49. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:54 par Raph

@45
Article 131-10 du Code Pénal :
Lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Et, en plus :
Article 131-6
- La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire
- L'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus
- L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance
- La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné
- L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné
- L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation
- La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition
- Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus
- L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement
- La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
- L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction
- L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise
- L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction
- L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction.


50. Le mercredi 13 septembre 2006 à 20:58 par Raph

+ les TIG, les amendes, les jours amendes, le stage de citoyenneté ;
Le tribunal a tout un panel de sanction...

51. Le mercredi 13 septembre 2006 à 21:05 par Serge P.

Sur la question de confrère/consœur, il est possible que l'usage entre avocats soit parfois celui décrit, mais, grammaticalement, rien ne justifie qu'on utilise « confrère » pour une femme qui exerce le même métier que soi. Connaissez-vous beaucoup de garçons qui parlent de leurs « frères (de sexe féminin) » pour désigner leurs sœurs ?

52. Le mercredi 13 septembre 2006 à 23:04 par NatGif

C'est l'hymne à l'amour...
C'est l'hymne à l'amour...(moi l'noeu)...

53. Le mercredi 13 septembre 2006 à 23:42 par Luc

Essayons d'en rire pour ne pas pleurer.

Je vous suggère un moyen d'arriver à cet objectif : vous remplacez dans le texte "Medi" par "François" et "Madame" par "Ségolène". Et vous relisez en essayant d'imaginer la scène sur le trottoir (rue de Rivoli ?) puis au Palais...

54. Le mercredi 13 septembre 2006 à 23:55 par LDiCesare

C'est deprimant. Je me demande si la présidente n'aurait pas dû lui répondre quand il a demandé "qu'est-ce que vous vouliez que je fasse". N'aura-t-il pas entendi "Qui ne dit mot consent"?
Maitre, vous qui aimez proposer des peines alternatives, est-ce que vous auriez pu envisager quelque chose dans un cas pareil?
Je plains la femme, les gens qui croiseront le mari, et celle qui a dû le défendre.

55. Le jeudi 14 septembre 2006 à 08:35 par Jerome

nap1128> Donc pour vous, il vaut mieux une femme battue avec un mari gagnant des sous et qui la frappe, plutot qu'une femme seule touchant soit les assedic soit le RMI et pouvant rentrer chez elle sans risquer d'aller à l'hopital le soir même?
Au risque de vous contre-dire, je vote pour la deuxième solution, et la justice est la pour le bien de la victime meme dans votre récit, contrairement à votre conclusion, Elle sera dans ce cas forcée de réagir, de chercher du travail, de faire des démarches pour le RMI, mais elle sera... Vivante (au sens propre ou figuré, une femme battue étant psychologiquement morte, et risquant de se retrouver physiquement morte un jour.)

Merci Eolas pour ce récit très joliment mis en forme malgrès la dureté des actes commis (et surtout de l'état psychologique des intervenant)

56. Le jeudi 14 septembre 2006 à 09:16 par jm

C'est bien triste cette histoire ... cependant relatée avec malice, comme le laissait sous-entendre le titre, merci Maître.

57. Le jeudi 14 septembre 2006 à 10:13 par nouvouzil

@bert (37)

Sur le sujet de l'opportunité d'une peine de prison, je pense que les 6 premiers paragraphes de l'article ci-dessous apportent un éclairage intéressant en décrivant les mécanismes de la violence:

www.lemonde.fr/web/imprim...

58. Le jeudi 14 septembre 2006 à 11:06 par nap1128

@55 jérôme :

"Elle sera dans ce cas forcée de réagir, de chercher du travail, de faire des démarches pour le RMI, mais elle sera... Vivante "

ce que je voulais souligner ici, c'est qu'à l'audience que j'avais vue, la situation devenait paradoxale puisque la justice voulait faire le bien de la victime contre la victime elle-même.

Vouloir faire le bien des gens à leur place, j'ai toujours eu des doutes sur l'efficacité.

Vous dites qu'elle sera forcée de réagir etc..., moi j'interprète cela comme une sanction qui lui est infligée... et elle n'a pas besoin de cela en plus puisqu'elle est déjà victime !

et comme vous dites... elle sera forcée de réagir... puisqu'après la condamnation, la justice la "laisse tomber"...

Je ne dis pas qu'il faut laisser impunies les violences conjugales, mais que prononcer une sanction qui devient une sanction également pour la victime ne me semble pas forcément la meilleure des choses.

Les cas sont beaucoup plus simples lorsqu'à la suite de violences conjugales, la femme ou le mari demande le divorce. Dans ce cas, pas de problèmes on a bien une sanction sur un individu fautif et de l'autre côté une personne qui va se constituer partie civile et éventuellement demander des dommages et intérêts.

Mais dans le cas où la femme ou le mari pardonne... espère que cela n'a été qu'un accident et souhaite poursuivre sa vie dans les meilleures conditions... est ce que la sanction doit être telle qu'elle remet en cause ces souhaits ?

il n'y a sûrement pas "une" bonne réponse... et chaque cas est particulier (c'est pourquoi votre notion de préférer une femme "vivante" ne me semble pas pouvoir être généralisée à toutes les situations !)

@+

59. Le jeudi 14 septembre 2006 à 13:01 par Neville

Medi, condamné à une peinde de prison ferme lors d'une audience qui s'était tenue à plus de 22h00, n'a donc pas eu la chance de comparaître en Afrique du Sud

fr.news.yahoo.com/1409200...

où il aurait pu espérer être élargi pour cause de surcharge de travail du Juge.

60. Le jeudi 14 septembre 2006 à 13:18 par kombu.roots

Quelqu'un pourrait-il m'expliquer comment aller à une audiance correctionnel ? ( en "spectateur", pardonnez moi du mot)

61. Le jeudi 14 septembre 2006 à 13:52 par Grain2Sel

"[1] Il va de soi que les prénoms ont été changés."

Je m'interroge sur le choix des prénoms de remplacement.

- "Medi" au lieu de "François" ?
- "Medi" au lieu de "Abdel" ?
- "Medi" au lieu de "Carlos" ?
- "Medi" au lieu de "Karl" ?


NB : Il n'y a dans cette interrogation aucune accusation voilée.



62. Le jeudi 14 septembre 2006 à 13:59 par bambino

tout de meme, on ne m'enlevera pas de l'idée que 8 mois fermes , c'est pas cher payé surtout qu'avec le jeu des remises de peine il n'en fera pas plus de 5 et demi.

Ce monsieur a été moins sévèrement condamné que certains banlieusard qui ont brulés des voitures au moment des emeutes de banlieues. La dégradation de bien matérielle n'est en rien comparable à une agression aussi sauvage que celle ci. Je n'ai pas de complaisance particulière à l'égard des racailles sauvageonnes (mais je ne fais pas l'algamme avec tous les jeunes de banlieues), mais si il y en a qui lisent ca, ils doivent vraiment sentir un sentiment d'injustice.

63. Le jeudi 14 septembre 2006 à 15:33 par loz

5 mois et demie pour des coups et blessures qui n'ont pas entraîné de séquelles permanentes, je trouve ça plutôt lourd personnellement...
Je n'y suis jamais allé, mais j'ai dans l'idée que la taule est assez éloignée du club med, et que 5 mois doivent sembler longs, très longs.

64. Le jeudi 14 septembre 2006 à 16:16 par Avocat Breton

@ 36 st Thomas taquin

Non, loin de là...le plus souvent c'est "rappel à la loi": Monsieur, ce n'est pas bien ce que vous avez fait, c'est puni deX années de prison et de X Euros d'amende.

Avec un peu de chance, la victime demadne indemnisation de son préjduice.

65. Le jeudi 14 septembre 2006 à 16:29 par jess

je crois que le rôle de la justice est aussi de délivrer un message : il est interdit de recourir à la violence, et le contexte conjugal est une crirconstance aggravante : en effet, la victime ayant des liens forts avec son agresseur a du mal à juger de la pertinence de cet interdit, elle n'est à l'abri nulle part, même pas chez elle, et intégre mentalement des comportements de soumission : sa vie, c'est la violence, elle s'y fait, elle n'imagine rien d'autre

d'autant que la plupart des femmes sont éduquées dans l'idée que "l'amour peut tout", qu'en l'aimant assez, en le comprenant assez, en lui pardonnant, ....etc... il finira par changer
ses liens avec lui semblent plus fort que sa volonté de domination, son amour est le plus fort, ....etc....

et puis, il y a des milliers d'années d'histoire, et notre environnement actuel, qui cautionne encore qu'une femme c'est serviable, doux, soumis, compatissant et j'en passe

et c'est ainsi qu'on se retrouve avec 6 femmes par mois tuées par leur conjoint au minimum (ne sont pas comprises dans ce chiffre les femmes battues qui se suicident par désespoir, celle qui meurent lentement des coups après plusieurs jours/mois d'hosto, celle qui en crèvent de cancer à cause de la peur, celles qui sont très gravement handicapées suite aux coups, celles qui meurent d'accident en voulant échapper aux coups ou en perdant toute prudence tellement elles sont traumatisées par les coups .... etc.... (les hommes battus ne représentant, d'après les estimations les plus larges, que 1% des violentés conjugaux)

oui, la violence conjugal est un continuum : la violence psychologique est déjà bien installée, a fait de la victime une serpillère, et quand arrivent les coups elle est conditionnée à les accepter, elle s'exerce à éviter de le contrarier, elle y perd encore plus de sa personnalité et se sent de plus en plus nulle et minable et donc se fait de plus en plus petite et conciliante et généreuse ....etc....

le cycle de la violence : entre les crises violentes, il y a la "lune de miel"
le violent demande pardon, jure qu'il ne recommencera pas, qu'il l'aime à la folie, qu'il était stressé à cause (au choix) du boulot, des copains, de la situation, de l'alcool, qu'il l'aime trop et que c'est pour ça qu'il en perd la tête, ....
il la couvre de cadeaux, de restos ....
elle l'aime, elle essaie de le comprendre, elle pardonne
et ça recommence

je ne sais pas si cette condamnation pourra casser, pour la victime, ce cercle vicieux où elle s'enfonce à cause de son conjoint violent, mais on peut l'espérer : en tous cas, on ne peut pas ne pas condamner

66. Le jeudi 14 septembre 2006 à 16:50 par spounz

hélas, pour l'avoir vécu plus d'une fois personnellement, je plains cette confrère qui plongeait dans ses notes, comme pour tenter de fair le vide....

tristement ordinaire en correctionnelle, sans parler de la comparution immédiate....

VBD,

67. Le jeudi 14 septembre 2006 à 16:55 par Gentiléen

#61 NB : Il n'y a dans cette interrogation aucune accusation voilée.

de toute facon c'est interdit par la loi sur le port de signes religieux ...

68. Le jeudi 14 septembre 2006 à 17:36 par Joyless

Merci pour votre style ! C'est peut être un peu déplacé mais j'ai rit à la lecture de votre prose. Je suis triste cependant de n'être pas davantage décontenancée et de trouver ce récit si vraisemblable, comme familier. Combien existe-t-il de couples en misère tel celui-ci ? et quel respect, quel amour ont-ils reçus pour en donner une définition si torturée ?

69. Le jeudi 14 septembre 2006 à 18:19 par Romane

Carnet de justice à la manière de Me Eolas!Rien a voir,mais que pensez vous de la nomination de Laurent Le Mesle comme Procureur général de Paris?

70. Le jeudi 14 septembre 2006 à 22:53 par mon nom est mehdi

Difficile de ne pas ressentir un malaise et ce à plus d'un titre, D'abord évidemment la violence de cet homme, puis l'inconscience de cet femme. et puis mon prénom que je trouvve pour la première fois confronté à ce genre d'accusation. Peut-être suis-je devenu trop bourgeois et que je généralise à mon corp défendant... Bref j'ai eu par le passé à vivre dans le voisinage de ce type de couple. Je vous parle pas des flics qui arrive dix minutes aprés le coup de fil, bien trop tard pour le flagrand délit qui aurait permis de virer le mec. Je ne vous parle pas du mec qui sorti de prison me menaçait ( et que j'en "chiais dans mon froc" !! ). Je ne vous parle pas de cette femme qui passait son temps à lui pardonner, trop profondément détruite pour avoir un peu de fierté. Je ne vous parle pas de ces voisins dont j'ai jamais entendu parler...
En angleterre dans ce genre de situation l'homme est éloigné du domicile. Et il ne peut pas revenir deux heures aprés... plutôt trois jours ( dans le meilleur des cas d'ailleurs). pourquoi en France la législation n'est pas plus dure ? Elle devrait terroriser les hommes, et je pèse mes mots. Elle devrait terroriser les voisins aussi qui se taisent, voilà certains trouveront que j'éxagère et quil y aura des abus... mais quel abus préférons nous ? J'ai beau en avoir marre de voir des histoires dégradantes sur les hommes ( le film "selon charlie" par exemple ), je ne peux que regretter ce genre de comportement et souhaite qu'il soit punit sévérement pour bien comprendre que les hommes ne sont pas faits ainsi, que les arabes non plus et les "mehdi" encore moins... ;-). Merci de relater ce genre d'histoire, Me Eolas. Elle font mal en attendant qu'elle soit de l'histoire ancienne en France..

71. Le jeudi 14 septembre 2006 à 23:06 par Caro

Moi qui entre à l'efb en janvier, je n'ai qu'une chose à dire :

EOLAS BATONNIER !

Enfin, Le pire, c'est que j'ai l'impression de lire de plus en plus de dossiers identiques à celui-ci...

72. Le vendredi 15 septembre 2006 à 09:22 par Buse

Maître, vu que vous semblez disposer de liens privilégiés avec l'Espagne, pouvons nous espérer un billet comparatif sur les différences de traitements judiciaires de ce genre de cas, en particulier depuis qu'outre-Pyrennées le gouvernement a déclaré "grande cause nationale" (peu ou prou) la lutte contre les violences faites aux femmes ?
Fut-ce un simple effet d'annonce, ou les résultats sont-ils probants ?

73. Le vendredi 15 septembre 2006 à 09:33 par yves

Je m'étonne un peu que le juge n'ait pas marqué le coup en suivant strictement les réquisitions du procureur.

Rien dans la plaidoirie de la défense, et surtout pas l'utilisation de l'attitude de la femme, n'est de nature à diminuer la responsabilité du Monsieur qui n'a montré ni repentir, ni regret, et à plutôt chercher à diminuer la portée de ses actes («Seulement des gifles» c'était aussi la défense de Bertrand Cantat). Vraiment pas de quoi montrer la moindre clémence.

ça existe pas l'interdiction de séjour à moins de 100 km du domicile de Madame, dans les peines complémentaires? ça serait une bonne solution: 10 mois ferme, obligation de soins psychiatriques et un an d'interdiction de s'approcher à moins de 100 km du domicile conjugal pendant un an après la sortie de prison. ça le calmerait et ça permettrait (peut-être) à Madame de prendre un peu de recul.

PS qui n'a rien à voir: une analyse du projet de loi sur la répression de la délinquance pour équilibrer celle de Gilles Sainati ?
lmsi.net/article.php3?id_...

74. Le vendredi 15 septembre 2006 à 10:48 par ex confrère

Eolas, vous écrivez
"C'est un point où je me démarque de nombre de mes confrères : je plaide sur la peine, sauf évidemment quand je suis sur la relaxe ou l'acquittement."

Sans trop dire du mal de la profession des avocats, n'est-ce ps un peu le signe de la mauvaise connaissance générale du droit de la peine par les avocats? Je n'irai pas jusqu'à dire que la plupart ne discute pas par méconnaissance, mais c'est souvent un aspect un peu ignoré (et assez complexe, notamment en droits pénaux spéciaux, où l'on voit souvent la Chambre criminelle censurer les juges du fond inventant des peines).
De plus, j'ai entendu dans la bouche de magistrats que l'application de la peine, en gros, on verra avec le JAP...

A ce propos, on ne vous entend pas sur cet aspect du travail de l'avocat au pénal, quid de vos interventions devant JAP et TAP ?

75. Le vendredi 15 septembre 2006 à 11:01 par Delio

@53 Luc: Et si on remplaçait plutôt par Nicolas et Cécilia ?


(Je vise le point Eolas)

76. Le dimanche 17 septembre 2006 à 04:39 par ToTheEnd

Et bien, quand je lis ça et que j'imagine les nouveaux amis que va se faire notre camarade masculin dans sa nouvelle maison [prison] qui lui diront "t'as bien fait!", je ne pense pas qu'il va resortir et regagner le foyer conjugal avec une vision différente sur le sujet.

Heureusement, chacun peut choisir sa vie et son destin... pour elle, visiblement, c'est le massage facial et balayette!

Après ça, bien heureux sont les gens qui peuvent choisir entre sapin et noyer pour leur dernière demeure.

T

77. Le lundi 18 septembre 2006 à 12:20 par phénix

bonjour à tous

y a t'il quelqu'un pour m'expliquer la différence entre voie d'action et voie d'intervention pour l'action publique??? merci

78. Le lundi 18 septembre 2006 à 13:35 par g--

C'est bien triste comme histoire, votre plume sait la rendre presque amusante et trop réaliste. En passant, il me semble que dédouaner ne prend qu'un seul "n".

79. Le lundi 18 septembre 2006 à 16:01 par o.

@ Eolas/réponse au n°9 : "Les victimes ne sont pas particulièrement encadrées par la justice, et ce n'est pas son rôle. La justice répond à des demandes, elle n'est pas la tutrice des citoyens."

J'ai lu assez recemment un bouquin d'Annie Stora-Lamarre intitulé "La République des faibles : les origines intellectuelles du droit républicain 1870-1914". Ce que j'en ai retenu, c'est que les sociétés de reflexions de l'époque étaient bien portées vers la défense des plus faibles, et ce même malgré eux.

Les penseurs cités à travers ce livre sont (entre autres) Fouillée, Tarde, Berenger ou Saleilles, qui s'opposaient aux doctrines criminalistes déterministes de l'époque, pour aller vers un humanisme positiviste. Ce sont ces personnes qui ont "imaginé" la prison comme un lieu de réeducation et de reinsertion, et pas comme un lieu de punition, d'isolement ou de sauvegarde de la société par extraction du tissu social du mauvais élément.

Berenger, par exemple, fut vilipendé en son temps comme le réac des réac (il faut voir les caricatures le concernant...) parce qu'il soutenait les ligues de vertus, parce qu'il fut à l'origine des lois sur la responsabilité de la presse. Ce qui est ironique, c'est que cet homme défendait des positions et des idées sur à la justice, sur l'emprisonnement, sur la responsabilité (et l'irresponsabilité) parentale, sur la responsablilité civile et pénale des mineurs qui le feraient passer aujourd'hui pour un affreux gauchiste irresponsable auprès des candidats à la candidature de quelque bord que ce soit....

o.

80. Le lundi 18 septembre 2006 à 16:18 par o.

Et pour finir (j'ai cliqué un peu tôt sur "Envoi"), je pense, contrairement à vous (mais en toute cordialité) que justement, le droit actuel qui fut réfléchi puis amené devant le legislateur (par Berenger entre autres) est un droit qui doit d'abord penser aux victimes, qui doit même amener l'Etat, si la situation l'exige, et via la justice, à se poser en tuteur de "l'incapable". C'est comme cela qu'il a été pensé, et c'est sur cette base logique qu'il se tient. La "révolution" du droit au début du XXème est en effet de passer d'une "justice de requête" qui favorisait le plus fort à une "justice de défense" qui est là pour proteger le plus faible. La meilleure illustration étant le cas ou le primo-plaignant retire sa plainte mais que l'Etat, par la voix du procureur, décide de poursuivre tout de même.

o.

81. Le lundi 18 septembre 2006 à 21:07 par Somebaudy

Wow... Belle plume, maître...

82. Le mercredi 20 septembre 2006 à 09:05 par Zorglub

...
Après avoir passé le plus grand nombre de mes années à Brest (France), j'avais l'habitude de lire les "brêves de pretoir" du jeudi dans une éminent quotidien local. Violence sur compagne, destruction volontaire, racket, alcoolisme sur la voie publique, voilà les thèmes archi-dominants.
Je ne sais pas si on peut dire que ces faits augmentent, je voudrais juste vous demander si ce n'est pas la quantité de propositions faites aux victimes par la police/gendarmerie de porter plainte qui est simplement en hausse ?
Sur le fond, rien n'a changé. Juste que la violence est un peu plus... mise en "lumière".

Un récit de plus, Maître.
Une tranche de vie.

83. Le mardi 24 octobre 2006 à 14:40 par baloo

Il m'est arrivé à peu près la même chose. Je suis appelé en garde à vue par la gendarmerie. Etant provincial, la maréchaussée se charge de ce genre de dossier. Je rencontre une petite bonne femme, l'air accablé, menue, la soixantaine minimum, manifestement désorientée.
Je sais pourquoi je suis là : violences volontaires sur son mari sur lequel elle a testé le fil de la lame d'un couteau de cuisine dans un moment de terrible solitude et un climat d'humiliation permanente. Je l'écoute quelques instants, puis je lui demande, parce que celà me semble évident : il vous bat, n'est-ce pas ? car quelle autre raison peut pousser une femme de près de 70 ans, mariée depuis 50 ans à un notable vaniteux, égoïste et méprisant ? Elle hésite, puis m'avoue en effet qu'elle est battue et humiliée depuis près de trente ans, et que cette fois, ça été la fois de trop.

Pour moi, c'est un beau dossier, et ça change du droit des affires, des commissions d'offices en AJ, une belle cause, bref, un dossier qui s'annonce bien.
Ma cliente part s'installer chez sa fille après que j'ai obtenu un contrôle judiciaire, sans trop de difficultés d'ailleurs. Je prépare la défense, sollicite des pièces. Je prépare déjà ma plaidoirie, et m'imagine plaidant cette formidable affaire où la victime n'est pas celle que l'on croît, et je me vois déjà narrant à un tribunal médusé le calvaire enduré par ma cliente.

Arrive l'audience. Tout débute comme sur des roulettes. Les témoignages édifiants, le mari ridicule, bref, tout va pour le mieux. Comble de la chance, une expertise médicale estime que ma cliente a été sans doute vistime d'un "pétage de plomb", la rendant ainsi irresponsable. Je peux donc plaider longuement, à grand coups de lectures de PV rappelant les sévices vécus par ma cliente. Je plaide bien évidemment la relaxe. Après 20 minutes intense, je m'assoie, satisfait. Puis le président demande à ma cliente : "avez-vous quelque chose à ajouter ?"
- "Oui, je voudrai retourner avec mon mari".
Ce qu'elle fit, bien évidemment juste à la fin de l'audience, après avoir été relaxée par le tribunal, qui n'a pas mis 15 minutes à délibérer.

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