Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le grand divorce de 1790 : la séparation des autorités administratives et judiciaires

Premier volet d'un billet en deux parties sur la justice administrative, dont je parle trop peu, et les politiques, pas du tout, alors qu'elle le mérite amplement.

Tout d'abord, voici un aperçu historique de cette dichotomie absolument fondamentale en droit français, et qui est assez unique au monde.

Mais avant de revenir aux origines, définissons un peu : qu'est ce que cette séparation, que signifie-t-elle ?

Il s'agit d'une interdiction faite aux magistrats judiciaires (aussi bien les procureurs que les juges) de connaître des affaires de l'administration. Cette interdiction est absolue, et comme tout ce qui est absolu en France, connaît des exceptions.

Ainsi, un tribunal judiciaire ne peut juger un litige vous opposant à l'Etat, une collectivité locale (région, département ou commune), une administration (le Trésor Public) ou un établissement public (l'Institut Géographique National, ou les haras nationaux). Il est incompétent, et doit refuser de juger. Sous l'ancien code pénal, s'immiscer dans les affaire de l'administration était pour un juge le crime de forfaiture.

Pourquoi cette séparation ?

C'est là que l'Histoire nous éclaire. Cette séparation remonte à la Révolution française. Rappelons que c'est la réunion des Etats Généraux par Louis XVI qui en est le point de départ, quand ceux-ci vont devenir assemblée nationale constituante le 20 juin 1789 (date qui devrait être la véritable fête nationale, plutôt que cet incident sans intérêt que fut la prise de la Bastille).

Mais qu'est ce qui a provoqué la réunion des Etats Généraux ?

Une guerre que livraient les juges au roi. Les cours d'appel (on les appelait les parlements) avaient pour mission de retranscrire dans leurs registres les lois décidées par le roi. Cette formalité administrative, condition de l'applicabilité de la loi, a été dévoyée par les magistrats qui se permirent de commenter le texte, et, avant de l'enregistrer, d'adresser des remontrances au roi, lui demandant de modifier tel et tel point. Si le roi refusait et renvoyait le même texte, ou insuffisamment amendé, ils faisaient des itératives remontrances puis des réitératives remontrances. Réitérer suppose en effet de répéter trois fois : on fait, on itère et on réitère.

La seule possibilité qu'avait le roi d'imposer sa volonté était de se déplacer en personne pour, au cours d'une cérémonie appelée lit de justice (car le roi prenait place sur un divan à la romaine et était allongé), ordonner lui même la transcription de la loi au greffier, qui ne pouvait que s'exécuter.

Louis XV nomma le Chancelier Maupeou qui opéra une réforme à la hussarde (avec arrestation et exil de magistrats) pour mettre fin au pouvoir des parlements. Louis XVI le renvoya, et rétablit les anciens usages, croyant ainsi calmer la fronde des magistrats. Maupeou dit à cette occasion : « J'avais fait gagner au roi un procès qui dure depuis trois cents ans. Il veut le reperdre, il en est le maître. »

Et en effet, quand le roi voulut instituer de nouveaux impôts pour faire face aux finances désastreuses de l'Etat (une tradition qui a survécu elle aussi), les magistrats refusèrent, disant que le consentement à l'impôt rendait nécessaire que les Etats Généraux se réunissent pour les approuver, comme c'était le cas lors de la Guerre de Cent Ans. Face à ce blocage, le roi n'eût d'autre choix que de réunir les Etats Généraux.

Je simplifie un peu, la réunion des Etats de 1789 eût d'autres causes, mais nous devons rester dans le sujet.

Les révolutionnaires arrivés au pouvoir n'ont pas oublié que les juges avaient paralysé le pouvoir royal et contraint à la réunion des Etats. Loin de leur en savoir gré, ils ont compris que leurs belles lois seraient également lettres mortes si les parlements se permettaient de les discuter, de leur faire des remontrances, ou d'annuler leurs décisions. C'était pour eux hors de question. Invoquant la séparation des pouvoirs, principe qui n'a jamais été compris en France, et n'a JAMAIS bénéficié au pouvoir judiciaire [1], les révolutionnaires vont à jamais retirer aux juges le pouvoir de s'intéresser à l'action de l'administration.

C'est donc une loi des 16 et 24 août 1790, qui posera le principe en son article 13 :

Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations du corps administratif ni citer devant eux les administrateurs en raison de leurs fonctions.

Cette loi est toujours en vigueur, vous pouvez la trouver sur Légifrance.

Pour faire bonne mesure, les révolutionnaires vont reprendre en main la magistrature. Après une brève expérience d'élection des juges, sur l'exemple américain, les juges seront des agents publics, rémunérés par l'Etat. La vénalité des offices de juge est abolie[2]

Pour le pouvoir judiciaire, l'histoire s'arrête là. Il va docilement appliquer la loi de 1790, qui a été érigée depuis en principe à valeur constitutionnelle.

Le problème est que la réalité est têtue, et que supprimer les juges ne supprime pas les conflits. L'activité de l'Etat peut générer des dommages, peut prendre des formes illégales, et il est normal de pouvoir se défendre.

Dès 1791, des fonctionnaires sont chargés de juger ces litiges. Mais ils ne sont ni impartiaux ni forcément compétents, et les décisions de l'Etat ne sont pas susceptibles d'examen juridictionnel.

L'acte de naissance du droit administratif est la création du Conseil d'Etat, le 13 décembre 1799. Cette institution de jurisconsultes, conseillers du Premier consul, va également avoir un rôle juridictionnel, cette double facette n'ayant jamais disparu jusqu'à aujourd'hui. Et ainsi, parallèlement aux juridictions judiciaires traditionnelles, va apparaître un ordre de juridiction autonome, l'ordre administratif. Dans un premier temps, son rôle se limitera au contrôle de la légalité des actes de l'administration, en annulant les actes contraires à la loi.

Cette coexistence pose un problème de répartition des compétences pour certaines affaires un peu compliquées (la réalité a une imagination sans limite, les juristes le savent bien), ou quand l'Etat se comporte comme une personne ordinaire (en recrutant une personne par un contrat de travail, par exemple). En 1848, la IIe république va donc créer le Tribunal des Conflits, juridiction dont le seul rôle est de désigner l'ordre compétent, sans résoudre le litige au fond. C'est la seule juridiction à cheval sur les deux ordres, composée en nombre égal de conseillers d'Etat et de conseillers à la cour de cassation, présidée par le Garde des Sceaux, qui ne vote que pour départager. C'est également le seul tribunal qui rend des arrêts, le vocabulaire habituel voulant que les tribunaux rendent des jugements, et les cours, des arrêts. Le tribunal des Conflits est saisi dans deux types de cas, qu'on nomme conflit. Soit un conflit négatif, quand aucun tribunal ne se reconnaît compétent, soit un conflit positif, et que celui qui pensera qu'il s'agit de l'hypothèse où les deux tribunaux se déclarent compétents sorte sous les quolibets. Pourquoi voudriez-vous qu'un justiciable qui a un tribunal qui accepte de se prononcer aille demander à l'autre si lui aussi ne voudrait pas statuer ? Le conflit positif est quand le préfet du département prend un arrêté contestant la compétence du juge judiciaire au profit du juge administratif (uniquement dans ce sens, judiciaire vers administratif). Le tribunal des conflits tranche et renvoie l'affaire sans la juger devant le tribunal qu'il a déclaré compétent.

Le Tribunal des Conflits existe encore, puisqu'il a été saisi dans l'affaire du CNE par le gouvernement qui déniait au juge judiciaire (le Conseil de prud'hommes de Longjumeau et la cour d'appel de Paris) la compétence pour juger de la conformité d'une ordonnance, acte du gouvernement, à une convention internationale.

Et c'est le Tribunal des Conflits qui va faire parvenir le droit administratif à l'âge adulte, au lendemain de la chute du Second Empire, à la suite d'un banal accident sur la voie publique.

Le 3 novembre 1871, une fillette insouciante du haut de ses cinq ans et demi, et totalement ignorante que le destin du droit l'a marquée de son sceau, marche dans les rues de Bordeaux. Mais le malheur va frapper la petite Agnès Blanco, sous forme d'un wagon de la manufacture des tabacs de Bordeaux, poussé sans prudence par Henri Bertrand, Pierre Monet et Jean Vignerie, employés de cette manufacture. Le wagon va renverser Agnès et lui passer sur la cuisse, qui devra être amputée. Le père d'Agnès va assigner en justice devant le tribunal judiciaire les trois employés et l'Etat, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Jean. Le tribunal se déclare compétent, et le préfet de la Gironde, partie au procès et qui avait soulevé cette incompétence, prend un arrêté de conflit, que diable, on n'est jamais mieux servi que par soi même.

Le 8 février 1873, le tribunal des conflits, avec la voix de départage du Garde des Sceaux Jules Dufaure pour rompre l'égalité, va donner compétence au juge administratif, par cette formule célèbre chez les étudiants de deuxième année de droit :

Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ; Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître ; (...)

C'est l'arrêt Blanco.

Le droit administratif est né, il est majeur, et indépendant du droit privé, son père naturel. Désormais, il ne s'agit plus seulement de juger de la légalité des actes de l'administration, mais aussi de condamner l'Etat pour les dommages que cause son action. L'Etat devient responsable.

Aujourd'hui encore, le droit administratif fait partie de la branche du droit public, séparée du droit privé. Les juristes se divisent eux même, en imitation, entre publicistes et privatistes.

Les publicistes étudient et enseignent la Constitution, le droit international public (droit des relations entre Etats), mais plus prosaïquement aussi les contrats administratifs, les marchés publics, l'urbanisme, le droit fiscal, le droit de l'environnement, entre autres. Bref tous les droits où une des parties au moins est l'Etat au sens le plus large. Les privatistes quant à eux se consacrent aux droits où l'Etat n'est pas en cause : droit des contrats, droit du travail, droit de la famille, droit des successions, droit commercial...

Ce sont vraiment deux droits différents. Ce ne sont pas les mêmes textes qui s'appliquent, jusqu'à la procédure. Le droit administratif sera d'ailleurs un droit essentiellement prétorien, ce qui fait penser au droit anglo-saxon. Bien des principes résultent non pas d'une loi mais d'une jurisprudence du Conseil d'Etat, et il n'est pas de matière où l'on consacre plus de temps aux recherches et études de décisions antérieures. A tel point que si la bible des privatistes est le Code civil, celle des publicistes est le GAJA (prononcer gaja), le recueil des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative ; et un publiciste qui croit savoir que le Conseil d'Etat va rendre un Grand Arrêt est encore plus excité qu'une jeune fille qui va au bal.

Le droit administratif a donc sa poésie, avec des noms d'arrêts parfois exotiques (Arrêt Société Commerciale de l'Ouest Africain, dit arrêt du Bac d'Eloka, Tribunal des Conflits, 22 janvier 1921), historiques (Arrêt Prince Napoléon, Conseil d'Etat 19 février 1875), géologiques (Arrêt société des Granits porphyroïdes des Vosges, Conseil d'Etat 31 juillet 1912), politiques (Arrêt Cohn-Bendit, Conseil d'Etat, 22 décembre 1978), ou pas (Arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, Conseil d'Etat 30 mai 1930). Le Conseil d'Etat propose une sélection de ces grands arrêts sur son site.

Las, la réalité, encore elle, fait toujours voler en éclat les plus belles constructions intellectuelles. Cette belle séparation ne peut pas être absolue et il est des nombreux domaines juridiques qui empiètent des deux côtés de la frontière.

Le droit pénal, par exemple, concerne bien l'Etat et l'individu, puisque le premier se propose de priver le second de sa liberté ou d'une partie de ses biens (autrefois, de sa vie même) pour ne pas avoir respecté les règles qu'il a posées. Mais le droit pénal est pourtant du droit privé, car il relève par essence du pouvoir judiciaire. Ce qui n'empêche que le juge pénal doit pouvoir apprécier de la légalité des actes administratifs qui fondent les poursuites, par exemple de la légalité du refus de titre de séjour à un étranger poursuivi pour séjour irrégulier. C'est cette exception qu'a posé un arrêt du tribunal des conflits du 5 juillet 1951, Sieurs Avranches et Desmarets, et qui a été consacré par l'article 111-5 du code pénal. J'aime la lueur de panique qui apparaît dans le regard du juge correctionnel (expert du droit privé) quand je soulève une exception d'illégalité d'un arrêté préfectoral en invoquant de la jurisprudence du conseil d'Etat et des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers dont le magistrat en face de moi ne soupçonnait même pas l'existence ce matin en se levant....

Le droit fiscal est le postérieur entre deux chaises, la plupart des impositions relevant du droit public, mais celles frappant le patrimoine, concept de droit privé, relevant de ce dernier droit. Ainsi, si le Conseil d'Etat est le juge suprême en matière de TVA ou d'impôt sur le revenu, c'est devant la cour de cassation que vous irez chipoter vos droits de succession ou votre impôt de Solidarité sur la fortune.

Dernier exemple de droit à cheval entre les deux mondes, le droit des étrangers, que votre serviteur pratique assidûment, la délivrance des titres de séjour relevant exclusivement de l'autorité administrative, de même que les mesures de reconduite à la frontière, tandis que la répression du séjour irrégulier et la privation de liberté qu'entraîne une mesure d'éloignement par la force nécessite le contrôle du juge judiciaire.

Mais là, je me dois de respecter la séparation de l'ordre des billets, et je risque d'empiéter sur le domaine du second. Je me dois donc d'arrêter avant le conflit[3].

La suite, lundi.

Notes

[1] Dans la constitution de la Ve république, ce pouvoir est ravalé au rang d'autorité, et le garant de son indépendance est le président de la République, cherchez l'erreur.

[2] Sous l'ancien régime, les juges achetaient leur charge et pouvaient la revendre à leur successeur, comme c'est encore le cas pour les notaires et les huissiers de justice et les commissaires priseur.

[3] Seul les juristes apprécieront le jeu de mot contenu dans cette phrase.

Commentaires

1. Le vendredi 13 juillet 2007 à 14:05 par Totoche

Et pour compliquer un peu, les décisions du conseil de la concurrence, qui est une autorité administrative indépendante, devraient logiquement être susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat.
Pas de chance, c'est la Cour d'appel de Paris qui est compétente (Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987) :

15. Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ;

16. Considérant cependant que, dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ;

17. Considérant que, si le conseil de la concurrence, organisme administratif, est appelé à jouer un rôle important dans l'application de certaines règles relatives au droit de la concurrence, il n'en demeure pas moins que le juge pénal participe également à la répression des pratiques anticoncurrentielles sans préjudice de celle d'autres infractions intéressant le droit de la concurrence ; qu'à des titres divers le juge civil ou commercial est appelé à connaître d'actions en responsabilité ou en nullité fondées sur le droit de la concurrence ; que la loi présentement examinée tend à unifier sous l'autorité de la cour de cassation l'ensemble de ce contentieux spécifique et ainsi à éviter ou à supprimer des divergences qui pourraient apparaître dans l'application et dans l'interprétation du droit de la concurrence ;

18. Considérant dès lors que cet aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice, ne méconnaît pas le principe fondamental ci-dessus analysé tel qu'il est reconnu par les lois de la République ;


2. Le vendredi 13 juillet 2007 à 14:11 par pjak

le conseil de la concurrence est loin d'être la seule AAI dont l'appel est réservé à l'autorité judiciaire...

3. Le vendredi 13 juillet 2007 à 14:11 par winston

bien vu ... simple, rapide, efficace...

maintenant, un truc me chifonne: je ne trouve pas les mots "justice déléguée" ni "justice retenue" dans la partie "la naissance de la justice strative" ...

et c'est un peu dommage (à mon avis) : faire remonter l'existence d'un juge stratif à la creation du Conseil d'Etat me parait trop rapide; la référence à la loi du 24 mai 1872 (et son art.9 qui dispose que le CE "statue souverainement") aurait pu, à ce titre, etre utile ( la proximité entre cette loi et l'arret Sainte Agnes-mere du droit strat ne releve pas de la coinidence)

de plus, citer les saintes écritures (Long-Weil-Braibant et quelques autres) sans citer le Lachaume, c'est un peu citer Jean sans citer Mathieu ... et en oubliant St Rene (Chapus). ceci dit , j'avance ici une opinion d'etudiant, pas de professionnel du droit ...

mais j'attends la suite (commentaires et billet complementaire avec impatience)

4. Le vendredi 13 juillet 2007 à 14:40 par Tess

Mais ou se situe le Conseil Constitutionnel dans tout ça ...?

Je sais, je chipote...

5. Le vendredi 13 juillet 2007 à 14:56 par winston

houla ... le CC ne vient que longtemps apres... 1958 pour etre exact ... çà doit etre pour le billet prochain ...

et puis il n'y a pas de problemes de conflit entre juridictions et CC (si tant est qu'il soit une juridiction, ce qui reste un sujet de debat)...
ceci dit, parfois, le CE pietine sur les plates bandes du CC en découvrant tout seul des principes fondamentaux reconnus par les lois de la Republique (PFRLR pour les intimes), ceux ci ayant une valeur constitutionnelle ... (allez, un exemple touchant au droit des etrangers : CE 1996 Kone)
ah ... et la compétence en matiere de contentieux des elections doit aussi etre séparée entre CC et CE

6. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:22 par Renato

Cher Confrère,

votre présentation allie, une nouvelle fois, la précision que l'on attend du juriste à l'élégance assortie d'un effet de distanciation humoristique que l'on ne trouve que trop rarement parmi ces derniers.

Sur cette première qualité, je salue tout particulièrement le caractère très documenté de votre note, notamment en ce qui concerne l'ancienne procédure des "lits de justice", expression propre à sortir un amphi de première année de la torpeur que suscite parfois l'introduction historique au droit, mais qui y échoue trop souvent si elle n'est pas soulignée par l'intonation coquine de l'orateur.

Bref...

Je me permets néanmoins de reprendre la critique formulée ci-dessus, concernant la transition de la justice dite "retenue" - expression que l'on doit au fait que les décisions du CE n’étaient exécutoires qu'une fois signées par le chef de l’État - à la justice devenue "déléguée", à la suite de l'arrêt Cadot, mettant en oeuvre le pouvoir que lui avait conféré la loi du 24 mai 1872 de prendre des décisions, non plus au nom du chef de l'Etat, mais en son nom propre (CE, 13 décembre 1889, Rec. Lebon p. 1148).

Cette évolution, tout aussi importante pour la juridiction administrative que le fut l'arrêt Blanco, marque la véritable émancipation du juge administratif, qui acquiert alors ses galons d'ordre juridictionnel.

Sur le second point, vous êtes trop fréquemment loué pour que j'ajoute à la pommade que les lecteurs de ce blog vous passent et qui rend vos doigts glissant ("hitorique"...tss tss).

Mais il faut bien reconnaître que je kiffe vous lire.

Pour ma part, je pense que l'arrêt Cadot, s'il est effectivement une pierre angulaire du droit administratif, n'avait pas sa place ici : le passage de la justice retenue à la justice déléguée donnera le tournis au juriste, mais laissera le non juriste de marbre. Le curieux trouvera de toutes façons toujours de quoi rassasier sa soif en commentaires.

Eolas

7. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:27 par Arly James

Excellent rappel historique ! Merci Maître...

On notera, pour ce qui est du poids de l'impôt comme "moteur"de la Révolution, un excellent site (dédié à autre chose : l'Optimisation fiscale et sociale), mais qui s'est fendu d'une histoire de l'impôt de l'antiquité à nos jours (www.rhcingenierie.com/cat... ) qui remet en perspective la question de la fiscalité à travers les âges !

Il y manque des données bibliographiques et un plan d'ensemble pour suivre l'évolution... de l'antiquité à nos jours !
A destination des étudiants (et tout autre intéressé) ?

Car nous sommes les héritiers directs de la Révolution en la matière, www.rhcingenierie.com/6-c... et suivants (dans la même "catégorie").

Bonne lecture !
AJ

8. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:29 par Neville

@ Eolas : Billet remarquable, en tous points. J'ai rarement lu d'explication aussi claire sur la question. Faites-en, svp, un "billet notable" à ajouter aux liens de votre colonne de gauche, il en vaut la peine !
Vous allez dire que je chipote, mais pour qu'il soit parfait (il n'en est déjà pas loin) : "La seule possibilité qu'avait le roi d'imposer sa volonté était de se déplacer en personne pour, au cours d'une cérémonie appelée lit de justice (car le roi prenait place sur un divan à la romaine et était allongé), ordonnait lui même la transcription de la loi au greffier, qui ne pouvait que s'exécuter."
"ordonnait", ou "ordonner" ?

9. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:38 par Pascal Trop

Maître Eolas, vous êtes le Eugène Saccomano du droit !

10. Le vendredi 13 juillet 2007 à 15:47 par Thom

A quand un billet sur la technique du commentaire d'arrêt par Maître Eolas ?

11. Le vendredi 13 juillet 2007 à 16:17 par Renato

@ Maître Eolas sur le com. 6

Certes, certes... ma formation de publiciste m'a sans doute conduit à reconnaître trop d'importance à l'arrêt Cadot, au regard de l'ambition de ce billet.

Sinon : "étancher" la soif, non ?

12. Le vendredi 13 juillet 2007 à 16:27 par JUGE TACAA

@Me Eolas: j'espère que votre second billet évoquera la situation spécifique des TA CAA (par rapport au CE) et comportera des propositions de réforme (fonctionnement et organisation) , je suis en effet intéressé de connaître votre point de vue de praticien et d'observateur sur la justice que j'exerce au quotidien.
Et ce d'autant que le CE vient d'initier un réflexion et de mettre en place des groupes de travail sur différents aspects de la JA (procédure, collégialité, relations extérieurs ect...), dans un contexte d'explosion du contentieux, de prise en compte accrue de la jurisprudence de la CEDH et même de revendications de plus en plus explicites des magistrats de ta caa (sur la carrière et la charge de travail) , bref la ja est en pleine crise de croissance, victime de la confiance placée en elle...
Que votre blog puisse contribuer à cette réflexion!

13. Le vendredi 13 juillet 2007 à 16:27 par Renato

Parmi les exceptions au principe de séparation des compétences administrative et judiciaire, on peut ajouter la théorie de la voie de fait, qui permet au juge judiciaire de constater et de sanctionner l'illégalité commise par l'administration dans le cadre d'une opération matérielle d'exécution, sous réserve que cette illégalité soit manifeste (c'est-à-dire que l'agissement en cause est insusceptible de se rattacher aux pouvoirs dont l'administration est investie) et qu'en outre, elle porte une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale.

14. Le vendredi 13 juillet 2007 à 16:32 par Brimbelle

Il me semblait que la fête nationale commémorait la Fête de la Fédération et non pas la prise de la Bastille. Il est vrai que ladite fête commémorait elle même la prise de la Bastille, mais le symbole n'est pas le même.

15. Le vendredi 13 juillet 2007 à 16:40 par winston

le plus gros morceau du dualisme juridictionnel doit etre , quand meme, la distinction SPA-SPIC ... apres, de ci -de là, il y a des points de friction ...

personellement, j'ai un attachement particulier pour la procédure d'hospitalisation d'office.

d'ailleurs, il faut bien remarquer que principe de séparation des autorités jud et srat , et le dualisme juridictionnel sont 2 objets juridiques différents, meme s'ils sont liés.

je m'excuse, je floode alors que je ne suis pas chez moi...

16. Le vendredi 13 juillet 2007 à 17:12 par Raph

Enfin quelques mots sur l'ordre administratif, qui est le défendeur des libertés publiques...

Il y a un "et" en trop, celui entre "notaires et les huissiers de justice", dans le renvoi [2] (à moins que ce soit une figure de style)

Le droit pénal est privé car il ne concerne la société et non l'état... La société ne peut pas être condamnée aux frais, l'état si. On voit aussi souvent des interview de l'avocat de l'état, qu'il représente face à la société...
L'existence de l'ordre administratif (qui soit confondu ou non avec le judiciaire) est la preuve de l'existance de l'état de droit et non de l'état de police...
De plus, la dualité entre judiciaire et administratif n'est pas un cas unique en France... C'est même le modèle courant en Europe (là, je ne suis plus sur)

Certaine personne (réunies dans l'Institut Montaigne) comme par exemple Rachida Dati seraient pour la transformation du Conseil d'Etat en une simple formation administrative de la Cour de Cassation...

Pour finir, certains courants (que j'espère minoritaires) seraient pour la spécialisation des juridictions administratives pour désengorgé les TA, officiellement... Ils verraient bien des tribunaux pour les étrangers, distincts des TA...
D'autres personnes (dont je fais parti) pensent qu'effectivement, un tribunal pour "les noirs et les arabes", que l'on pourrait appeller conseils de préfecture pour les étrangers, serait un grand progrès pour la France, pays des droits de l'homme : les Français ont un tribunal, les étrangers un autre.. Et l'autre pourrait même accepter les dénoncitations et témoignages anonymes... (le grand progrès, c'était ironique)

Mais je divague respectueusement dans mon hors sujet... vivement lundi

17. Le vendredi 13 juillet 2007 à 17:35 par Ahuizotl

Magistral !

Si j'ose dire.

Permettez-moi néanmoins d'exprimer une légère réserve sur votre introduction historique, tant elle sied mal à votre érudition habituelle.

Les Parlements d'Ancien Régime n'ont pas dévoyé leur droit de remontrance, même sous les derniers Louis, car ce droit de remontrance était en réalité un devoir, imposé par le roi.

Les Parlements étaient composés de nobles, donc redevables de "services nobles" à leur suzerain en contrepartie du fief qu'ils tenaient de lui. Parmi ces services nobles figurait l'obligation de conseil.

Pour un parlementaire, l'obligation de conseil consistait à vérifier que les dispositions royales nouvelles à enregistrer au Parlement n'était pas contraires ou en contradiction avec les règles juridiques préexistantes.

En cas d'incohérence ou contradiction, il était du devoir des parlementaires de "remontrer" le texte aux juristes du Roi, pour qu'il soit retouché et mis en conformité avec le droit antérieur, d'où l'expression "remontrances" (de "remontrer") qui ne signifie nullement "reproches".

C'est le Roi, source de toute justice et qui en avait délégué l'application aux parlementaires, qui prit en la mauvaise habitude de leur forcer la main en venant "séance tenante" faire enregistrer lui-même des textes qu'il savait "illégitimes". Le délégataire présent, la délégation cessait.

Si cette visite royale aux parlementaires a pris le nom de "lit de justice", c'est parce que le Roi siégiait aux parlements sur un trône recouvert d'un dais (et de coussins); or, un siège couvert d'un dais s'appelait en ancien français un "lit".

Au temps pour l'idée reçue et tenace, puisqu'enseignée inlassablement en Faculté, de la matelasserie royale en déplacement.

Le fait d'avoir finalement soustrait aux Parlements leur droit de remontrance relève moins d'une méfiance envers le pouvoir judiciaire que de la fin proclamée du système féodal (exeunt fiefs et services nobles) et de la rationnalisation du Pouvoir par démembrement et concentration qui s'ensuivit : l'aspect Legislatif aux mains des représentants du Peuple Souverain (appelé justement Parlement), le Judiciaire chez les Magistrats, le Reste au Gouvernant.



18. Le vendredi 13 juillet 2007 à 17:41 par Raph

@winston
J'ai un souvenir d'une question sur un ouvrage public : un différend sur les frais de réparation sur un joint entre entre la conduite principale et une conduite mais avant le compteur...

19. Le vendredi 13 juillet 2007 à 19:25 par Paul

Maître,

Si vous répétez 3 fois, ne dites vous pas quatre fois ? :-)

Merci pour cet article instructif..

20. Le vendredi 13 juillet 2007 à 19:58 par Johnny Cochrane

Tres bonne presentation a part une petite faute de grammaire que je trouve chez nombre de mes etudiants :

"A tel point que si la bible des privatistes est le Code civil, celle des publicistes et le GAJA (prononcer gaja), le recueil des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative" .

"celle des publicistes EST le Gaja".

21. Le vendredi 13 juillet 2007 à 20:06 par ferraille

Que l’on m’excuse d’être aussi bref et peu argumenté, après une si magistrale exposition, et de simplement rappeler l’attention sur une note que j’avais ici écrite, sous le billet consacré, au mois d’avril dernier, aux 500 signatures dans l’élection présidentielle, note dans laquelle j’écrivais : «Au reste, notamment, le fameux arrêt Blanco (1873) du Tribunal des Conflits, que l’on voyait comme une affirmation républicaine de l’autonomie de l’État et de ses juridictions spécialisées, les tribunaux judiciaires ayant interdiction, en vertu, soi-disant, de la loi des 16 et 24 août 1790, de "troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs", n’est qu’un mythe forgé pour légitimer les actions d’un État qui voulait garder la main haute sur tout ; et de surcroît, il n’était que la répétition de décisions antérieures du Conseil d’État impérial.» (Le mardi 24 avril 2007 à 21:04, post 45 sous la note en question).

Je n’ai pas les références sous la main. Mais bon, je mentionne ce point, car il est maintenant assez commun dans la doctrine de relever l’imposture de l’arrêt Blanco, qui reprend quasiment verbatim le texte de décisions rendues antérieurement par le "pas très républicain" conseil d’État impérial, et se fait mensongèrement passer pour une novation.

Non, le droit administratif n’est tout simplement pas républicain ; affirmer le contraire, c’est mentir ou s’aveugler.

Tous ceux, du reste, qui observent de près les manigances et manœuvres occultes des administrations centrales (il suffit de voir, de ne pas voir, dirais-je, comment circulent les projets de décrets ; alors que les lois sont discutées au sein des assemblées républicaines, la préparation des règlements de l’État échappe complètement à la vigilance des citoyens), tous ceux, donc, qui observent de près le cœur du Léviathan savent bien que ces administrations n’appuient pas leur action sur une authentique tradition démocratique, mais sur les procédés les plus dévoyés et les plus vicieux d’un État policier et tentaculaire.

Prétendre, enfin, que les juridictions administratives peuvent, mieux que d’autres, juger l’État, c’est manquer de voir leur parti-pris parfois grossier pour celui-ci et tous ses satellites.

Ce pays a plus que jamais besoin d’une justice qui fonctionne et soit dotée de moyens à la hauteur de son importante mission ; plus que jamais, il n’a donc que faire de cette prétendue « justice » administrative, souvent de pure façade, et d’extraction fort mauvaise, qui n’est jamais là quand il s’agit de ne pas faire tourner bien rond les idées reçues de tous ces gens qui éprouvent un peu trop d’intérêt particulier à l’endroit de l’intérêt public pour être des gens parfaitement honnêtes.

22. Le vendredi 13 juillet 2007 à 20:29 par winston

@ feraille : certes le CE est une institution créée en 1806, et qui disposait d'une indépendance...disons...limitée

mais ça a un peu changé, depuis... par exemple, on en est à la Veme Republique (ce qui laisse supposer que l'Empire n'existe plus)

et le CE a acquis son indépendance (politique) depuis un certain temps, déjà (il est de coutume de citer l'exemple des comissaires du gouvernement, qui ont été créés pour contre-balancer l'independance croissante des jurid stat, et qui, au final, sont encore plus independants)

23. Le vendredi 13 juillet 2007 à 20:29 par Raph

@ferraille :
vous avez oublié le "la preuve, les conseilliers d'Etat, de CAA et de TA sont formés par l'ENA"...
Je pense que vous sous estimez le courage de la justice administrative...
C'est peut-être bête comme idée, mais je pense qu'aucun juge ne peut connaitre l'ensemble du droit.. Donc, séparé une partie, pour le confier à d'autres juge n'est peut-être pas grave...
De plus, dans un TA, les matières sont encore une fois réparties en fonction des chambres, indépendantes les unes des autres... Après, pour les gros doutes, il y a les sessions plénières et les collégiales...
Je trouve que le fonctionnement de la JA est intéressant... je pense que ce sera un autre billet du maître de ses lieux...

24. Le vendredi 13 juillet 2007 à 21:54 par Lyobodo

Merci de parler des juridictions administratives !

25. Le vendredi 13 juillet 2007 à 22:54 par Matthieu

@Brimbelle:
Oui. Designer la Fete de la Federation du 14 Juillet 1790 comme date pour la fete nationale est surtout une manipulation politique pour obtenir les votes suffisant a l'assemblee. C'etait bien le 14 Juiller 1789 initialement propose, mais le vote etait minoritaire. Trop sanglant. La diversion mentionnant la Fete de la Federation a permis d'obtenir plus de voie. On pourrait donc dire que c'est pour feter a la fois 1789 et 1790.

26. Le samedi 14 juillet 2007 à 09:54 par Pada.c

Bonjour à tous.
Il me semblait que les conflits entres les particuliers et l'Education Nationale relevaient par exception des tribunaux judiciaires.
Cette opinion témoigne-t-elle d'une confondante ignorance ?
Si cette exception est avérée, sur quels textes se fonde-t-elle ?
Merci à ceux qui prendront la peine de me répondre et aux autres qui ne laissent pas de m'instruire.

27. Le samedi 14 juillet 2007 à 10:21 par deilema

"un publiciste qui croit savoir que le Conseil d'Etat va rendre un Grand Arrêt est encore plus excité qu'une jeune fille qui va au bal".
Insinuriez vous que les publicistes sont de sinistres rats de bibliothèque?

28. Le samedi 14 juillet 2007 à 11:46 par Ulpien

Merci pour ce beau billet.

Sans être trop précis, à la fois pour ne pas ennuyer vos lecteurs et parce que je n'ai pas le temps de rechercher les références nécessaires, je crois me souvenir que la Révolution n'est pas une rupture telle qu'on le présente souvent : des historiens du droit ont montré qu'en réalité le dualisme juridictionnel plongerait ses racines dans des formes d'organisation de l'Etat du XVIIIe siècle, sous l'ancien régime.

29. Le samedi 14 juillet 2007 à 12:46 par minny

vous devriez venir enseigner chez nous ! Je suis sûre qu'il y aurait beaucoup plus de monde dans l'amphi...
J'attends la suite avec impatience ! :)

30. Le samedi 14 juillet 2007 à 12:49 par Tom Bombadil

Dites, Maître, aurais-je déjà eu le plaisir (potentiel car ignorant) de vous voir plaider devant la Commission des Recours des Réfugiés, honorable juridiction administrative spécialisée où la vie des requérants étrangers se décident avec un mélange de dévouement, d'amateurisme et d'ignorance du droit parfois confondant ? Et où certains de vos collègues ont développé d'impressionnantes spécialisations... Ou ne faites vous que du droit des étrangers en TA ?

31. Le samedi 14 juillet 2007 à 13:05 par A.R.

Maître, une petite erreur historique...

Notre 14 Juillet n'est pas seulement la commémoration de la prise de la Bastille. C'est aussi (et surtout) celle de la Fête de la Fédération (14 juillet 1790).

Cf 14juillet.senat.fr/toutsa...

Merci pour vos billets, toujours instructifs :)

32. Le samedi 14 juillet 2007 à 13:12 par Carl

@ feraille : Bien sûr, le Parlement est rempli de gens tellement merveilleux, et fait un travail d'une telle qualité, qu'il faudrait vraiment s'empresser d'imiter son fonctionnement et de le généraliser à tous les domaines de la vie publique.
Parfois, l'axiome implicite de certains que l'Assemblée serait réellement démocratique et efficace alors que tout le reste n'est que magouille devient vraiment pénible.

Par ailleurs, s'il fallait se débarrasser de tout ce qui a été créé sous l'Empire au motif que c'est «impérial», je vous souhaite bonne chance, puisqu'il faudra éliminer le Code civil, la police, l'organisation moderne de l'armée, quelques départements français, et bien d'autres choses.

En toute honnêteté, les «grandes administrations centrales» ont autre chose à faire de leur temps que persécuter les pauvres citoyens sans défense.

33. Le samedi 14 juillet 2007 à 13:56 par winston

@ pada.c : la responsabilité des professeurs doit relever du contentieux judiciaire ... en vertue d'une loi quelconque ... un peu comme les dommages causés par les vehicules , qu'ils soient utilisés lors de l'activité d'une personne privée ou d'une personne publique.
mais sinon, tout un pan des relations entre education nat. et particulier releve du droit public (je pense aux reglements intérieurs, par exemples, aux notations, aux dommages de travaux publics ...).

l'un des gros problemes de la répartition des compéetnces entre juge jud et strat provient du fait qu'elle peut découler de la Loi ou de la jurisprudence. Et parfois , lois et jrsp coincident, parfois non, vu que les objectifs du legislateur et des juges divergent régulierement (Labetoulle disait "qu'on nous fasse de bonnes lois", et il n'a pas du etre le seul).

@ulpien: on cite généralement A de Tocqueville , pour la these de la continuité Ancien régime et Révolution-Empire
ceci dit, en matière de dualisme juridictionnel , il faut fortement nuancer.
d'abord parce que, comme le rapelle le maître des lieux, les révolutionnaires se mefiaient d'un juge trop puissant, d'un parlement qui aurait été à la fois quasi législateur et quasi pouvoir executif (dans la mesure ou il pouvait intervenir et bloquer l'action de l'administration royale...pour un aspect plus nuancé de ce que j'avance cf n° 17).

d'autre part, l'une des principales doleances portait sur la multiplicité des juridictions spéciales de l'AR avec des régimes procéduraux différents, des frais élevés ...
les révolutionnaires se sont donc évertués à mettre en place une juridiction unitaire... plus tard seulement, il a fallu s'adapter à la réalité et , en particulier, prendre en compte les conséquences du principe de séparation des pouvoirs, en distribuant la justice admiistrative entre différentes autorités administratives (le terme n'etant pas adéquat).

34. Le samedi 14 juillet 2007 à 14:18 par Aramis

Il y a un autre droit dont j'ai fait l'expérience qui a le postérieur entre deux chaises, c'est le droit électoral. Si le contestation de la régularité d'une élection politique relève du juge administratif, celui de l'inscription sur les listes électorales relève du juge judiciaire.

Je me souviens toujours de cette audience où je venais attaquer une décision de la Mairie de mon domicile de ne pas m'inscrire sur les listes en invoquant une circulaire administrative qui était en contradiction avec un article du Code Electoral (la mairie exigeait de moi une pièce d'identité que je n'avais pas).
Après avoir attendu que toutes les affaires civiles soient jugées (loyers impayées,...), l'audience a été levée, la salle s'est vidée,le juge est parti ainsi que la greffière ... pour revenir quelques minutes plus tard ouvrir l'audience conscrée aux affaires électorales. J'étais seul dans las salle d'audience.

Je me souviens de sa perplexité quand après m'avoir assuré qu'elle ne pouvait rien faire pour mon inscription sur les listes, je lui ai sorti un article du Code Electoral et montré que l'article était applicable à mon cas. Et visiblement, elle était plus à l'aise avec le Code Civil qu'Electoral.

La mairie invoquait un règlement (une circulaire administrative) en contradiction avec une disposition législative, l'affaire était donc vite réglée, mais le juge judiciaire ne pouvait se prononcer sur la validité de la circulaire administrative. Finalement elle m'a donné raison , dans une argumentation ignorant totalement la circulaire en question. Mais elle ne pouvait faire autrement, il y avait un moyen de cassation très évident dans mon affaire (il n'y a pas d'appel dans ce genre de cas) .

Pour les cas compliqués du contentieux d'inscription sur les listes, le juge judiciaire peut être amené à demander l'avis de la juridiction administrative avant de statuer.

35. Le samedi 14 juillet 2007 à 20:46 par Raph

@Aramis
En principe : le juge judiciaire civil surçoit à statuer, saisi le juge administatif et lui demande de statuer sur la régularité du règlement, puis se prononce dans le litige.
Par exception, il peut juger directement dans certains cas... (et je suppose que quelqu'un va nous les dire : je n'ai pas envi d'en oublier...)

36. Le samedi 14 juillet 2007 à 20:53 par N. Holzschuch

Un billet parfaitement clair, et qui remonte aux origines du temps...

Maitre Eolas, vous ne seriez pas aussi enseignant ?

37. Le samedi 14 juillet 2007 à 23:11 par Juge du siège

@26: c'est le juge judiciaire qui est compétent pour statuer sur la responsabilité de l'Etat du fait des dommages causés par les élèves ou aux élèves de l'enseignement public (loi du 5 avril 1937). La responsabilité de l'Etat se substitue automatiquement à celle de l'enseignant (loi du 20 juillet 1899).

38. Le dimanche 15 juillet 2007 à 13:23 par Pada.c

@Juge du siège : merci pour les références.

39. Le dimanche 15 juillet 2007 à 16:03 par Torcafol

Je viens de découvrir ce blog et j'ai consacré une partie de l'après-midi à le lire, surtout les plus vieux articles, et je dois bien dire qu'il est en tout point passionnant. Je n'ai pas de formation de juriste - je suis agrégé d'histoire, je préfère me vanter directement plutôt que de laisser planer le doute - mais je suis amené à m'intéresser au droit pour cause d'évolution professionnelle, du coup je pense que je vais devenir lecteur régulier pour me tenir un tant soit peu au courant des discussions que les problèmes de droit privé soulèvent.
Si je puis me permettre : le 14 juillet célèbre bien la fête de la Fédération de 1790 et non la prise de la Bastille du 14 juillet 1789. On n'a commencé à célébrer la fête de la Fédération qu'à partir de l'année 1880 sur proposition de Benjamin Raspail. Mais ce n'est que reculer pour mieux sauter : la fête de la Fédération était en elle-même une commémoration de la prise de la Bastille, un an plus tôt. Bref, on célèbre bien la prise de la Bastille quand même.

40. Le dimanche 15 juillet 2007 à 20:45 par Esurnir

Cette article m'a beaucoup intéressé, merci beaucoup :) .

41. Le dimanche 15 juillet 2007 à 21:20 par Maïpi

vivement lundi ! (juste pour vous lire, car pour le reste... je préfèrerais rester en week-end)
merci pour cette note très instructive et claire (une fois de plus), merci à ceux qui nourrissent la réflexion de leurs commentaires (surtout le 17 de Ahuitzol)
merci à maître Eolas de parler clairement et sans abrévations tous les 3 mots comme d'autres font (vous ne vous rendez pas compte du travail intellectuel de compréhension que cela nécessite pour les personnes pas du tout du milieu comme moi !)

juste une remarque
"A tel point que si la bible des privatistes est le Code civil, celle des publicistes et le GAJA (prononcer gaja), le recueil des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative" .
y'a un ET qui devrait s'écrire EST et tout serait plus clair !

merci et bonne continuation

42. Le dimanche 15 juillet 2007 à 23:57 par Apokrif

"Cette loi est toujours en vigueur, vous pouvez la trouver sur Légifrance."

C'est peut-être un problème PDF sous forme de pop-up bloqué, mais je n'obtiens que la table des matières de la loi. Je n'en trouve qu'un minuscule morceau sur Wikisource: fr.wikisource.org/wiki/Lo...

"Le droit administratif a donc sa poésie, avec des noms d'arrêts parfois exotiques"

On trouve même, en ligne, un livre d'images:frederic-rolin.blogspirit...

43. Le lundi 16 juillet 2007 à 02:53 par romain blachier

oh l'arret blanco un vieux souvenir.Bon maitre un autre blog que celui de Ceteri Paribus revient, c'est mon bon vieux www.socdem.net mais cette fosi sur un support typepad;;

44. Le lundi 16 juillet 2007 à 03:43 par Le Chevalier Bayard

Trois observations

1°) L'arrêt Blanco, pierre angulaire du droit administratif, selon l'expression de Léon Duguit (école de Bordeaux), a lui-même particpé à forger le mythe fondateur à partir du XXè siècle pour justifier sa conception du droit administratif centré autour de la notion de service public.

2°) Le Conseil d'Etat n'est pas un espace de négociation comme l'Assemblée nationale : le droit lui-même n'est pas transparent.

Le fait que des conseillers ont été ministres, préfets, conseillers politiques et dès lors qu'ils ont à connaître une affaire qu'ils ont eue à gérer en tant que fonctionnaires -et du coup ont pu mesurer "l'effet" du droit - leur permet de ne pas céder à l'illusion de son autonomie.

Pour autant, ils ne cèdent pas non plus à une autre illusion qui consiste à réduire le droit à un masque des forces dominantes et d'adopter, l'attitude "externaliste" chère aux disciples de Bourdieu qui consiste à ne voir dans le droit qu'une "technique de domination".

Au surplus, comme le rappelle Bruno Latour (La fabrique du droit : une ethnographie du Conseil d'Etat- Edition La Découverte 320 pp.): " Force est de constater que le va et vient des membres du Conseil entre les ministères et le secteur privé empêche de considérer le droit comme une discipline "à part"

"Ce monceau d'expériences donne à la haute juridiction administrative l'avantage d'une accumulation inédite ("cinq millénaires") qu'on ne trouve pas dans une sphère judiciaire classique. Sous la neutralité du discours perce finalement la thèse que l'on peut se retrouver juge et partie, et quand même bon juge".

"Toutes les décisions auquelles je fais allusion à la fin de mon livre, comme l'interdiction du film "Baise moi" ou des écoles Diwan, montrent le décalage entre les commentateurs de toutes sortent qui rajoutent de l'idéologie, et le travail nécessairement superficiel des juristes au sens positf du terme. Quand on est pas juriste on rajoute toujours de l'idéologie : le "passage du droit" qui consiste a replacer un cas par rapport à des textes de droits existants, ne doit pas aller au fond"

3°) Enfin, nombreux sont ceux qui trouvent le système archaïque et critiquent "l'exception française". Pourtant, le dualisme juridictionnel a rendu beaucoup de service à notre pays et le poids des habitudes et des structures plaide davantage pour des réformes de faible envergure que pour une refonte complète de notre système juridictionnel.

La question du sens, de la pertinence du dualisme juridictionnel français se trouve encore posée en des termes nouveaux. Il s'agit non plus de comparer des mérites de tel ou telle organisation juridictionnelle, ou d'attaquer le droit administratif, mais de répondre au mieux aux besoins des citoyens et de rendre la justice dans les meilleures conditions comme nous y pousse le droit européen.





45. Le lundi 16 juillet 2007 à 07:09 par ferraille

Peut-être le peuple français n’a-t-il pas suffisamment de maturité pour imposer les pratiques pourtant répandues de la transparence et du contrôle démocratiques aux administrations publiques ?

Sur ces deux points, il ne doit pas trop compter sur le soutien du juge administratif.

Sur l’arrêt Blanco, on consultera, notamment, G. Bigot, « Le Conseil d’État, juge gouvernemental », in F. Bluche (dir.), Le prince, le peuple et le droit, Autour des plébiscites de 1851 et 1852, P.U.F, coll. Léviathan, 2000, p. 171, spéc. p. 180.

La dualité des ordres de juridiction s’est affirmée depuis un arrêt Dekeister du Conseil d’État impérial de 1861 (Recueil des arrêts du Conseil, ou ordonnances royales, rendues en Conseil d’État, sur toutes les matières du contentieux de l’administration, année 1863, p. 672) dont l’arrêt Blanco de 1873 n’a fait que recopier fort servilement les attendus.

Quant à l’œuvre de Duguit, pour être précieuse, elle a pris aujourd’hui un certain coup de vieux.

46. Le lundi 16 juillet 2007 à 10:12 par francis

le chevalier bayard dit: "le poids des habitudes et des structures plaide davantage pour des réformes de faible envergure que pour une refonte complète de notre système juridictionnel."

moi, simple citoyen, non juriste, je préfèrerais naturellement ne pas avoir à me poser la question de la compétence de tel ou tel tribunal, ordre de juridiction, avant toute démarche de procédure, de ne pas être promené d'un système à un autre, d'aller au tribunal de conflits...
j'aimerais connaître l'argumentation qui nous empêche d'éviter cette dualité, d'avoir un systéme civil ubique, comme les pays voisins?
le poids des habitudes me paraît un argument un peu limité en cette période de "rupture"....

47. Le lundi 16 juillet 2007 à 10:51 par Yves JAMBU-MERLIN

Bonjour,

Je tiens à te féliciter pour ta sélection dans les "Blogs de com" du dernier numéro de "Stratégies".

Pour ma part, j'analyse les crises qui frappent les entreprises et les institutions et la manière dont celles-ci y répondent sur mon Blog: www.decrypt-crise.com

A très bientôt

Cordialement

Yves JAMBU-MERLIN
Euro RSCG C&O

48. Le lundi 16 juillet 2007 à 13:19 par Paiji

Bonjour,
je n'ai pas trouvé mention des juridictions financières (Cour des Comptes et Chambre Régionales des Comptes) dans votre présentation de l'ordre juridique, où les rangeriez vous ?

49. Le lundi 16 juillet 2007 à 13:28 par Le Chevalier Bayard

Trois remarques à nouveau

1°) S'agissant de Léon Duguit, rappelons qu'il était un grand critique du droit, et un fervent défenseur de la conception marxiste du positivisme sociologique.

"Le propriétaire : son droit de propriété je le nie, son devoir social, je l'affirme".

De ce seul point de vue, en effet, son oeuvre est complétement dépassée.

Quant à savoir si elle était précieuse (?), pour le peu que j'en ai retenu, une analyse plus sérieuse invite à la qualifier "d'approche originale " pour le précurseur d'une théorie juridique de l'Etat et du droit.

2°) Sur la responsabilité de l'Etat et historiquement annoncé, c'est l'arrêt Rothschild du 6 décembre 1855 (Recueil p. 707) qui a consacré l'arrêt Blanco (ça c'est pour les étudiants de 2ème année).

3°) Quant à la transparence "tarte à la crème" liberticide, nous vivons dans une société où il n’y a plus de secrets, où la mode est au Loft, où chacun passe au confessionnal devant tout le monde. Le secret est désormais considéré comme gênant.

La transparence à tout prix me renvoie à la terreur communiste.

Cette fausse valeur, qui prend à partie les dirigeants politiques et économiques n'a rien à voir avec la nécessité de donner des informations mais relève d’une dérive inquiétante.

Le juge administratif met en évidence le contraste entre l'objectivité scientifique et le désintéressement juridique - quand un rapporteur lit sa note, il en est détaché, puisqu'il doit l'avoir écrite il y a plus de deux ans - deux valeurs auquelles nos sociétés sont attachés.

Enfin, l'oxymoron Sarkosiste ne m'indispose pas je suis pour une "rupture tranquille".






50. Le lundi 16 juillet 2007 à 14:19 par winston

@n° 46 : "le poids des habitudes me paraît un argument un peu limité en cette période de "rupture"...."
justement ... c'est là ou çà devient rigolo :
relevons le point n° 15 de la décicion du CC du 23 janvier 1987 (connue sous le petit nom de "Conseil de la concurrence")
Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ;

c'est pas joli,çà la "conception française de la répartition des pouvoirs" ... vous parliez du poids des habitudes, je pense que vous avez soulevé le point le plus important en ce qui concerne le dualisme .

quand à la référence à la "rupture tranquille", il faut oublier,au moins en ce qui concerne le contenteux administratif...
depuis 1987, tout à changé en profondeur, et le Huron de Rivero aurait surement été satisfait des avancées effectuées, qui ont renforcé l'efficacité du juge stratif .
a mon avis, la bataille entre CE et Ccass ne se déroule plus sur le terrain de la répartition des compétences, mais sur celui de la creation de nouveaux outils juridictionnels.
et j'ai l'impression que le CE a marqué des points ces 2 dernieres années avec des jurisprudences d'une portée monstrueuse : association AC!, ou CE ass 24 mars 2006 pour la sécurité juridique, eventuellement Arcelor ...

51. Le lundi 16 juillet 2007 à 16:09 par nico

Merci pour ce billet.

Un tout petit commentaire toutefois:
"Réitérer suppose en effet de répéter trois fois : on fait, on itère et on réitère."
Si je ne m'abuse, réitérer suppose de répéter 2 fois l'acte initial: on fait, on refait puis on re-refait..

52. Le lundi 16 juillet 2007 à 16:55 par ferraille

@Bayard

La transparence fonctionne ?

Je ne l’avais pas remarqué.

Permettez : je travaille sur un matériau bien concret. Ce que je dis, c’est mon expérience dans le monde réel qui me le fait dire. Et je peux vous dire qu’il n’y a pas de transparence du tout. Nos administrations centrales sont des cénacles d’initiés, tous issus d’un même sérail, qui accouchent de textes parfois ubuesques, et quelquefois dignes du soviétisme le plus imbécile.

Permettez : je me sens concerné par tous les textes que produisent nos administrations, et, ne vous déplaise, j’exige qu’elles ne travaillent plus dans les coulisses de la République.

J’exige qu’un texte règlementaire, avant d’être publié au JO, ou au BO d’un ministère, soit disponible en forme de projet, à chacune des étapes de sa confection, pour tous les citoyens de ce pays, et qu’il puisse faire l’objet de remarques et même d’une forme de participation avant de prendre force de règlement.

Mais l’interférence que serait le simple fait de travailler sous l’œil des citoyens de ce pays, cela gênerait bien trop tous ces petits messieurs. Chez eux, l’acte de réfléchir a tellement été épuré de toutes ses scories, qu’ils en sont devenus supérieurement intelligents. Ayant supprimé toute forme de discordance avec des voix populaires malheureusement bien trop adonnées à l’esprit de contradiction pour avoir droit d’être consultées, ils peuvent ciseler ces belles œuvres abstraites que sont leurs règlements et pondre à la chaîne les innombrables œuvrettes de la prose administrative.

Quant à l’arrêt Rothschild de 1855, prédécesseur de l’arrêt Blanco, merci d’en faire un étayage supplémentaire de mon affirmation : c’est bien la « juridiction » (il faut les guillemets) suprême d’un régime politique issu d’un coup d’État qui a joué le rôle essentiel dans la création de notre droit administratif.

Mais Bayard se sent irréprochable ! Il fallait qu’on le sache.

S’il grince, c’est qu’il ne veut pas quitter son armure. Il pantoufle dans ses poulaines.

Hélas, je ne suis que ferraille.

Moi, je n’ai pas ce qu’il faut pour plastronner.

53. Le lundi 16 juillet 2007 à 17:36 par SKWIREL

J'ai compris le jeu de mots!!! Ouaiiiiis! et je suis pas juriste....
C'est donc le billet qui est très bon....

54. Le lundi 16 juillet 2007 à 20:22 par Le Chevalier Bayard

@ 52 FERRAILLE

" Le cuistre est un homme qui exhibe ses connaissances avec assurance. L'assurance révèle en général des connaissances mal assurées ; je n'ai jamais rencontré de vrai savant qui soit un cuistre. Le savant est modeste, le cuistre est cramoisi, bombé homard.Le pédant est un homme qui exhibe ses connaissances avec passion. (Charles Dantzig Dictionnaire égoïste de la littérature française p. 645). Je préfère les pédants...!

N'ayant pas votre culture ni le talent de votre prose, je vous rassure je détruis toujours mon armure... pour en faire du tas de ferraille !

55. Le mardi 17 juillet 2007 à 09:20 par Le Revizor

Juste commencer par rappeler Alexis de Tocqueville dans L'Ancien régime et la révolution, qui reconnaissait qu’il avait eu "jusqu’ici la simplicité de croire que ce que nous appelons la justice administrative était une création de Napoléon. C’est du pur Ancien régime conservé…En cette matière, nous n’avons fait que trouver la formule ; à l’Ancien régime appartient l’idée".


Pour le reste:

@ 22, Winston

Le Conseil d'Etat n'a pas été créé en 1806, mais en l'An VIII (pour les non juristes, les années révolutionnaires n'existent pas dans notre décompte actuel). Précisément, l’article 52 de la Constitution du 22 Frimaire an VIII disposait que « Sous la direction des consuls, un Conseil d’État est chargé de rédiger les projets de loi...[et] de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative ». Ainsi, le règlement du 5 Nivôse An VIII, prévoyait qu' « il se prononce sur les conflits qui peuvent s'élever entre l’administration et les tribunaux et sur les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise au ministre ».
Mais, comme les conseils du Conseil d’État étaient toujours suivis par les ministres, Napoléon a décidé en 1806 de lui confier des premières compétences juridictionnelles. C’est la création de la Commission du Contentieux du Conseil d’État, qui est aujourd’hui, en quelque sorte, la Section du contentieux.

@ 27, Deilema

Oh oui, oh oui. Le Conseil d'Etat vient de rendre un arrêt sur le contentieux contractuel, qui ôte beaucoup d'intérêt à la portée de la jurisprudence Martin de 1905 (cf www.conseil-etat.fr) ; imaginez-vous dans quel état euphorique se trouve le publiciste (et notamment votre serviteur) !

56. Le mardi 17 juillet 2007 à 09:24 par Le Revizor

Bis (désolé).

Me Eolas, ne seriez-vous pas en couverture d'un périodique, disons, afin de conserver votre anonymat si c'est le cas, dont la couverture titre aussi sur les écoles de commerce (cela me paraît assez indéterminable ainsi)? Réponse, s'il vous sied par courrier électronique. Bonne journée.

57. Le mardi 17 juillet 2007 à 09:27 par winston

@ Revi : merci de la precision ...
quant à l'arret de CE modifiant le régime du REP des tiers au contrat: il me semble que çà fait 15 jours qu'il est tombé ... or rien (enfin je ne trouve rien)... vous avez des nouvelles ? des infos ? quelquechose ?

58. Le mardi 17 juillet 2007 à 09:37 par winston

ah ben si, en fait... trouvé ... l'indice etant dans les commentaires du second topic relatf à la justice strative... et le lien vers intime conviction ...

donc arret (d'assemblée) aux conclusions Casas . Conf de presse du CE demain.

nous autres, publicistes, vivons une époque formidable

59. Le mardi 17 juillet 2007 à 13:53 par Confrère

Mon Cher Confrère,
Je souhaitais illustrer votre excellent billet par une affaire dont j'ai eu à m'occuper récemment.
Une entreprise avait obtenu une autorisation administrative d'exploiter un centre commercial. L'autorisation avait été délivrée par la CDEC (commission départementale d'équipement commercial), seule compétente en la matière . Cette commission est présidée par le préfet. Elle statue pourtant sur les ouvertures de centres commerciaux. On est donc à la frontière de deux droits.
Dans cette affaire, il était reproché à ma cliente d'avoir obtenu devant la CDEC une autorisation d'ouverture d'un centre commercial par la fraude. Le grief était évidemment formé par un concurrent déjà établi qui voyait d'un mauvais oeil l'arrivée d'un nouveau venu.
Pour ce faire, il a saisi le tribunal de commerce pour faire juger que son concurrent s'était rendu coupable de concurrence déloyale dès lors qu'il exploitait sur le fondement d'une autorisation donnée en CDEC et obtenue en fraude. Nous avions soutenu que si le tribunal de commerce était bien compétent pour apprécier la concurrence déloyale, celle-ci supposait une faute. Or, la faute, résultant d'une fraude à l'autorisation donnée en CDEC, ne pouvait être appréciée que par la seule juridiction administrative. Ainsi, à défaut de faute constatée par le juge administratif, il ne pouvait y avoir de faute qualifiée au sens de la concurrence déloyale. Le tribunal de commerce a suivi ce raisonnement, assez heureux de viser dans sa décision les lois des 16 et 24 aoput 1790 et le décret de fructidor An III.

VBD



60. Le jeudi 19 juillet 2007 à 07:47 par Paul TOTH

@51

"Si je ne m'abuse, réitérer suppose de répéter 2 fois l'acte initial"

répéter c'est déjà deux fois, alors ça donne quoi de répéter 2 fois ? trois ou quatre fois ? :D

61. Le mercredi 25 juillet 2007 à 13:56 par PEB

En matière de fiscalité, la raison pour laquelle les droits d'enregistrement et assimilés (dont l'ISF) sont de la compétence du juge judiciaire est historique.

Avant la création de la Direction générale des impôts dans les années 1950, ces taxes diverses étaient perçues par un comptable secondaire, le Receveur de l'Enregistrement. Ce dernier agissait comme une personne privée puisqu'il prélevait directement un "salaire" proportionnel aux sommes perçues. Cette rémunération était dévolue à l'entretien du service (fournitures, traitement de collaborateur), le reste constituant les émoluments nets du bénéficiaire de la charge. Le produit des taxes étaient ensuite remis entre les mains du comptable principal, à savoir le Trésorier-Payeur général du département.

De fait, le contentieux en matière de droits d'enregistrement et assimilés était bien un conflit de droit privé. Cette situation s'est maintenue quoique les Recettes aient été nationalisés par la suite.

La séparation des ordres judiciaires et administratif sont une spécialité française d'exportation.

La Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique est souveraine pour réformer en cassation tout jugement. Elle juge aussi la légalité des lois conformément à la Constitution, seul texte sacré du droit. En première instance, les affaires administrative sont présentés aux magistrats comme une affaire de droit commun:
* Divorce: Kramer vs Kramer
* Querelle de voisinage, coups et blessures, etc.: Dr Jekill vs Mr Hyde
* Permis de construire: Lutor vs Metropolis City

Bref, outre-atlantique la personne publique est (quasiment) une personne morale comme une autre. La seule restriction, c'est que le Juge ne saurait dissoudre une ville, un Etat voire l'Union comme on liquide une société commerciale.

Est-ce mieux en raison de l'unité profonde de la Procédure? N'est-il pas plus favorable d'avoir des magistrats spécialisés?

Chaque peuple a son génie et doit supporter le poids de son histoire.

En France, l'Etat a réduit la puissance du Juge au moment où, à l'autre bout de l'Océan, il a été exalté contre les abus du pouvoir sis à Westminster.

Il est loin le temps où Machiavel louait le roi de France pour avoir dévolu sa Justice entre les mains des Cours Souveraines. (Le Roi se réservant les seuls grâces "se lavait les mains" du reste.)

62. Le jeudi 26 juillet 2007 à 13:52 par PEB

PS: pour en revenir aux USA, dans les contrats de marché public, il existe une expression "l'entreprise N, en accord avec les Etats-Unis d'Amérique..."

En France, on traite avec un ministre ou un prefet mais jamais avec la République Française. On conteste la décision d'un maire mais on attaque pas la commune en tant que telle.

Donc, en France, la République est une personne morale publique de droit internationale mais n'a pas de personnalité propre en droit interne. Cette dernière est supporté par les ministères, émanation du Gouvernement.

Au contraire, aux Etats-Unis, l'Union dispose de la pleine personalité morale en droit interne comme international. En droit international, elle est représentée par le Secrétaire d'Etat, qui à ce titre reçoit les démissions du Président ou du Vice-Président! En droit interne, elle est incarnée par l'Attorney General, d'après l'anglo-normand "attourneur", fonction qu'on pourrait traduire par Avocat Général des Etats-Unis d'Amérique. Il est nommé par le Président sous le contrôle du Sénat comme les autres membres du Cabinet. Le bureau fédéral des enquêtes (FBI) est placé sous son autorité. Face à la Cour Suprême, il est représenté par le Solliciteur Général nommé selon la même procédure que son délégataire.

De la même façon, chaque Etat fédéré a son propre Attorney General, le plus souvent élu au suffrage universel direct pour le représenter en tant que personne morale et ester en justice en son nom.

63. Le lundi 30 juillet 2007 à 15:42 par PEB

PPS: Si j'en crois les Sanson, la Révolution a achevé à la guillotine ce que Louis XV avait commencé par la main de son chancelier.

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