Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Les chênes qu'on abat…

J'emprunte mon titre à Malraux qui ne m'en voudra pas, s'agissant de rendre hommage à un gaulliste historique s'il en est, hommage qui exceptionnellement sera teinté d'un voile de déception. Je pense à Monsieur Pierre Mazeaud, invité ce matin sur France Inter de Nicolas Demorand.

Pierre Mazeaud est une figure de la Ve république. Issu d'une famille de grands juristes (Henri, Léon, Jean, et le petit dernier Denis qui montre que la race est loin de décliner), il a été magistrat, député de 1968 à 1973 et de 1988 à 1998, secrétaire d'État sous Pompidou et Giscard, Conseiller d'État, président du Conseil constitutionnel. À côté de tout cela, le fait qu'il ait atteint le sommet de l'Everest le 15 octobre 1978 apparaît naturel.

Actuellement, Pierre Mazeaud est chargé de mission par le président de la République (mais qui ne l'est pas, ces temps-ci ?) et à la tête d'une commission qui réfléchit sur les problèmes posés par la dualité de juridiction (administrative / judiciaire) dans le contentieux des étrangers et les moyens d'y remédier si ces problèmes sont réels.

Une brève explication s'impose. L'article 66 de la Constitution donne à l'autorité judiciaire[1] le rôle de défense des libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel, interprète de la Constitution, en a déduit que le contentieux de la privation de liberté d'un étranger faisant l'objet d'une mesure administrative d'éloignement forcé appartenait au juge judiciaire exclusivement. Ainsi, quand un étranger frappé d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) ou d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) est placé dans un centre de rétention, il doit être présenté à un juge judiciaire, le juge des libertés et de la détention (JLD), qui décidera s'il y a lieu de le maintenir ou pas en rétention (sachant que la loi a restreint autant que possible sa liberté sur le sujet : notamment la liberté est l'exception et la privation de liberté le principe. Si vous ne me croyez pas, lisez l'article L.552-4 du CESEDA). Le JLD décide uniquement du maintien ou non en rétention. La validité de la décision d'éloignement est jugée quant à elle par le tribunal administratif (TA).
Cela a des conséquences pratiques néfastes, c'est certain.
Pour l'État, un surcoût : l'étranger doit être présenté à deux juges, parfois fort éloignés[2], en un laps de temps très court, et doit donc être escorté sur place.
Pour l'étranger, une perte de garantie de ses droits. En effet, la dualité des autorités fait qu'une arrestation complètement illégale (contrôle au faciès, pas de notification des droits, durée de la garde à vue dépassée) entraînera la fin de la rétention administrative qui en découle, et la remise en liberté de l'étranger MAIS curieusement sera sans incidence sur l'arrêté de reconduite à la frontière pris également dans la foulée, car c'est une décision purement administrative et distincte du placement en rétention qui seule porte atteinte à la liberté. L'argument tiré de la nullité de l'arrestation est irrecevable devant le TA.

À la suite des brillants travaux de la commission des lois sur le projet de révision constitutionnelle dont je me suis gaussé j'ai parlé ici, Pierre Mazeaud, dans Le Monde, rappelle à l'ordre son « ami »[3] Jean-Luc Warsmann, membre de sa commission, qui a voulu anticiper sur les résultats de ces travaux.

Pour enfoncer le clou, Pierre Mazeaud était donc reçu ce matin sur France Inter. Il va de soi que je guettais fébrilement l'avis du vieux sage, qui a atteint un stade de sa vie où il n'a plus rien à craindre de personne, ce qui lui assure la plus grande des libertés, lui qui n'a jamais eu le goût du licol.

Nicolas Demorand a profité de la présence d'un tel expert des institutions, membre de la Commission Balladur à l'origine de la loi dont discute actuellement l'assemblée, pour parler de cette réforme des institutions. J'étais aux anges, ma tartine à la main.

Et voilà que fut abordée la question de l'exception d'inconstitutionnalité, qui me tient à cœur. Fidèle à la conception gaulliste de la République, Pierre Mazeaud y est opposé. Je ne lui en tiens pas rigueur, la divergence d'opinion n'a jamais été un obstacle à mon estime. C'est l'usage d'arguments de bas niveau qui l'est. Et las, c'est précisément ce que j'ouïs.

Voici le corpus delicti. Attention, MP3 avec des vrais morceaux d'attaque ad hominem dedans.

Ah, le corporatisme des professeurs de droit, ces hiboux poussiéreux qui jamais ne sont sortis de leur faculté depuis mai 1968. Que c'est commode de moquer les hauteurs de l'intelligence : d'en bas, tout à l'air si petit. Et qu'importe si la plupart d'entre eux sont aussi avocats : le politique emprunte ceci au journaliste que l'honnêteté intellectuelle doit savoir s'effacer devant un bon mot.

Ah, Pierre ! Que ma tartine m'a paru fade après que tu m'as servi un tel brouet.

Répondons au seul argument dont il nous est fait don : l'insécurité juridique. L'annulation d'une loi dix ans après serait une telle insécurité juridique que le remède serait pire que le mal. Pardon, cher Pierre, mais sur ce coup, le praticien se gausse.

Précision de vocabulaire : on appelle en droit une exception un argument (on dit un moyen) qui vise à ce que le juge rejette la prétention adverse. Elle est une défense, et s'oppose à l'attaque, qu'on appelle l'action. Quand on dit que le juge de l'action est juge de l'exception, cela signifie que le juge qui est compétent pour statuer sur une demande peut statuer sur tous les moyens de défense qui vise au rejet de cette demande.

L'exception d'inconstitutionnalité vise à permettre à un justiciable de soulever comme argument que la loi qu'on essaye de lui appliquer serait contraire à la Constitution, et donc… illégale. Pensez donc : permettre au peuple souverain de contester devant ses juges le travail législatif de ses représentants : vous n'y pensez pas, on se croirait en démocratie.

L'argument de l'insécurité juridique ne tient pas, car cela fait longtemps qu'on pratique une telle exception au niveau inférieur de l'ordonnancement juridique, c'est à dire des décrets et décisions administratives individuelles : l'exception d'illégalité devant le juge administratif remonte aux arrêts Sieur Avézard (24 janvier 1902) et Poulin (29 mai 1908).

Tout administré peut attaquer devant le juge administratif tout acte de l'administration, qu'il soit individuel (décision d'annulation du permis de conduire par décès du douzième point) ou général (décret du gouvernement). Il agit donc, si vous avez suivi, par voie d'action. Ce recours est enfermé dans un délai de deux mois à compter de sa notification à l'intéressé si c'est une décision individuelle, de sa publication (J.O., registre des actes administratifs d'une préfecture, etc.) si c'est un acte général. Après ce délai, l'action est irrecevable (Bon, il y a des ruses pour rouvrir le délai, mais passons).

Cependant, un administré qui se voit appliquer un tel acte après expiration du délai de recours peut en contester la légalité par voie d'exception : en effet, comme il n'est pas possible de soulever une exception tant qu'un juge n'est pas saisi, l'exception n'est enfermée dans aucun délai : l'exception est perpétuelle, ce que les juristes qui ont fait leurs humanités disent Quæ temporalia sunt ad agendum perpetua sunt ad excipiendum : si l'action est temporaire, l'exception est perpétuelle.

Par exemple, un automobiliste qui conteste aujourd'hui devant le tribunal administratif la légalité du retrait de ses points peut soulever l'illégalité de l'article R.223-1 du Code de la route, issu du décret n°2003-642 du 11 juillet 2003.

Bref, cela fait plus d'un siècle qu'on annule des actes de l'administration illégaux, sans que la sécurité juridique soit agonisante dans notre pays, car le juge a construit une jurisprudence subtile pour arbitrer entre la sanction de l'illégalité et le respect des situations individuelles acquises, au nom de la sécurité juridique, justement : ainsi, l'exception d'illégalité est largement ouverte pour attaquer un règlement, et plus restreinte pour une mesure individuelle : autorisation, nomination, etc.

Je n'entrerai pas dans les détails qui font les délices des étudiants de deuxième année (Ah, la théorie des actes complexes…), mais je précise qu'on sait distinguer entre une illégalité totale de l'acte et une illégalité résultant de l'application concrète à un cas précis, et je conclurai ce point en disant qu'on sait faire, en ajoutant que la sécurité juridique a bon dos quand on l'invoque pour couvrir une loi contraire à la Constitution, bref : les turpitudes du législateur. Que le législateur nous interdise ensuite de lui chercher noise pour notre propre bien révèle une mentalité qui rend urgente l'ouverture d'une telle voie de recours.

Enfin, le dernier argument moquant les professeurs de droit si ignorant des réalités pratiques du parlement (alors qu'ici même nous nous gaussions de l'ignorance crasse du législateur en matière de droit dès lors qu'il n'est pas praticien) pour écarter l'exception d'inconstitutionnalité mérite un coup d'œil curieux chez nos voisins et amis.

Bien des pays se sont dotés d'un tel contrôle. Le premier en ordre chronologique est les États-Unis d'Amérique. Et ça ne date pas d'hier mais du 24 février 1803. Oui, Napoléon n'était encore que Bonaparte que déjà les États-Unis avait un contrôle de constitutionnalité ouvert au citoyen.

William Marbury venait d'être nommé juge de paix dans le District de Columbia par le président John Adams, qui arrivait au terme de son mandat. Son successeur, Thomas Jefferson, a ordonné à James Madison, son Secretary Of State, de ne pas délivrer à William Marbury son acte de nomination. William Marbury saisit la cour suprême qui déclara qu'elle était compétente pour juger de la conformité des actes de l'exécutif (et du législatif) à la Constitution, et que ce refus était anticonstitutionnel. Las, droit et morale sont deux choses distinctes : la cour décida également qu'elle n'avait pas le pouvoir de forcer Madison à délivrer cet acte de nomination ; William Marbury ne fut jamais juge de paix du District de Columbia et James Madison fut le 4e Président des États-Unis.

Bref, on est loin de l'onanisme intellectuel d'éminents professeurs de Harvard : ce contrôle est né d'un cas concret.

D'autres pays se sont dotés par la suite d'un tel contrôle. J'en citerai deux : la République Fédérale d'Allemagne, deux ans après la fin du nazisme, et l'Espagne, trois ans après la mort de Franco. Là encore, ce ne sont pas des vieillards chenus qui ont pondu une thèse en latin, mais deux démocraties nées sur les cendres d'un régime autoritaire qui ont décidé de se munir des moyens de protéger leurs citoyens des abus potentiels de leurs dirigeants.

Mais l'attitude de l'État français ayant toujours été, tout au long de notre histoire, au-dessus de tout reproche, pourquoi, je vous le demande, pourquoi vouloir protéger les citoyens de ses lois si nécessairement justes, bonnes et parfaites, ou si elles ne devaient pas l'être, que diantre : et la sécurité juridique, ma bonne dame, montez dans ce wagon et plus vite que ça.

Ah, les temps ont changé, me dira-t-on : la République n'est plus composée que de vrais démocrates, et la Ve n'est pas l'État Français de Pétain. Certes, l'argument vaut pour aujourd'hui. Qu'il me soit permis de demander quid de demain, et de tiquer un brin sur aujourd'hui quand même.

Qu'il me soit permis de rappeler quelques faits.

L'élection du président de la République au Suffrage Universel a été décidée en 1962 au terme d'un processus contraire à la Constitution (un référendum de l'article 11 de la Constitution alors que la procédure de Révision est celle de l'article 89 : il fallait que le parlement y passe). Quatre ans après l'entrée en vigueur de la Constitution, toute son économie était bouleversée anticonstitutionnellement (vous voyez qu'on peut le caser, ce mot).

La loi antiterroriste de 2005, votée à la quasi unanimité, et qui porte de graves atteintes aux libertés individuelles, n'a pas été soumise au Conseil constitutionnelAu temps pour moi, elle le fut. Pas plus que la loi du 5 mars 2007 réformant la procédure pénale à la suite de l'affaire d'Outreau. Vous voyez le type de loi qui échappent à tout contrôle.

Un ancien garde des Sceaux a appelé les parlementaires à ne pas saisir le Conseil constitutionnel pour permettre à sa loi sur la récidive de s'appliquer immédiatement aux détenus à la suite d'un fait divers sordide[4].

L'actuel président de la République a demandé au premier président de la cour de cassation de réfléchir aux moyens de faire entrer immédiatement en vigueur la loi sur la rétention de sûreté à la suite de la décision du Conseil constitutionnel s'opposant à une application rétroactive au nom de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Pour reprendre une heureuse formule de mon ami Jules de Diner's room : L'aristocratie repose sur la méfiance des gouvernants à l'endroit du peuple. La démocratie repose sur la méfiance du peuple envers les dirigeants. Il serait temps de savoir quel est notre régime.

Notes

[1] La Constitution distingue le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et… l'autorité judiciaire, qui dès son apparition est mise sous la protection du président de la République comme un mineur incapable. Ô combien représentatif de l'état d'esprit de nos dirigeants.

[2] Un étranger reconduit par le préfet de la Seine Saint-Denis sera présenté au JLD de Bobigny puis au TA de Cergy Pontoise ; un étranger reconduit par le préfet des Pyréennées atlantiques sera présenté au JLD de Bayonne puis au TA de Pau, parfois dans la même journée, sachant en outre que le centre de rétention est à Hendaye.

[3] Quand un homme politique vous appelle son ami, c'est comme Judas qui embrasse le Christ.

[4] «Il y a un risque d'inconstitutionnalité», a dit M. Clément. «Les événements récents vont me pousser à le prendre et tous les parlementaires pourront le courir avec moi. Il suffira pour eux de ne pas saisir le Conseil constitutionnel et ceux qui le saisiront prendront sans doute la responsabilité politique et humaine d'empêcher la nouvelle loi de s'appliquer au stock de détenus», a ajouté le ministre. Source : le Figaro

Commentaires

1. Le mardi 20 mai 2008 à 12:08 par Kerri

étonnant cette attaque, d'autant que l'exception d'inconstitutionnalité a été préconisée par le comité Balladur qui était composé, dans une grande part, de gens qui connaissent très bien l'A.N pour en avoir été membres, tels M.Balladur, M.Lang, M.Bourlanges, ou encore M.Mazeaud lui-même (et d'autres que j'oublie certainement)
Quant aux professeurs d'université, je doute qu'ils soient cloitrés dans leurs universités et n'aient aucune connaissance du monde extérieur: M.Duhamel et M.Carcassonne, pour ne citez qu'eux, qui étaient dans cette ce comité, sont également impliqués en politique.

bref, je trouve également cet argumen

2. Le mardi 20 mai 2008 à 12:08 par omen999

vieille tradition jacobine que la défiance à l'égard du pouvoir prétorien
l'absolutisme est aussi une valeur républicaine

3. Le mardi 20 mai 2008 à 12:15 par Passant vachard

"Il serait temps de savoir quel est notre régime."

Le traité de Lisbonne.

Eolas:
Ne dites pas de bêtise, même si pour un noniste c'est un effort surhumain que je vous demande. L'adoption du Traité de Lisbonne est tout à fait conforme à la Constitution.

4. Le mardi 20 mai 2008 à 12:16 par chantal

Pour l'allemagne, je dirais (je vous cite):" L'aristocratie repose sur la méfiance des gouvernants à l'endroit du peuple". Recemment, Berlin a eu quelques "rectifications" de Karlsruhe, le ministre n'était pas très heureux que son texte n'est plus applicable dans sa totalité. Lutter contre le terrorisme n'autorise pas d'espionner tout habitant du territoire.

Pour la France, les deux sont valables.

Bonne journée

Eolas:
Je précise à mes lecteurs que la cour suprême de RFA, qui répond au doux nom de Bundesverfassungsgericht, ce que les teutons, qui sont taquins, réduisent au sobriquet tout aussi facile à prononcer de BVerfG.

5. Le mardi 20 mai 2008 à 12:21 par Europeos

RIEN DE NOUVEAU

Pour mémoire, le 14 juillet 1989, le Président MITTERRAND avait émis le souhait que soient étendues les compétences du Conseil Constitutionnel par l'instauration d'un contrôle par voie d'exception. En 90 (28 mars), fut voté en conseil des ministres un projet de loi constitutionnelle en ce sens: adoptée par l'assemblée, le Sénat fit bloquer la réforme.
Rebelote en 93, après adoption en conseil des ministres d'une loi constitutionnelle (10 mars), le Sénat supprima le projet dès la 1ere lecture.

Monsieur MAZEAUD s'inscrit dans une volonté clairement affiché par le SENAT: Monopole du recours au Conseil Constitutionnel réservé aux parlementaires.

6. Le mardi 20 mai 2008 à 12:24 par jp

En entendant cette "prestation" ce matin au volant de ma voiture, j'ai esquissé un sourire en me disant que j'allais forcément en trouver trace sur votre blog tôt ou tard. Ca n'a pas loupé :)

7. Le mardi 20 mai 2008 à 12:25 par Gamadil

C'est sans rapport mais... cela fait bien longtemps que vous êtes en "code vert", cher Maître. Doit on craindre pour votre sécurité financière, ou cela résulte t'il d'un changement d'organisation qui vous a délivré de vos stress récurents - qui, à vous lire, semblaient pourtant consubstentiels au beau métier de pénaliste ? Ou peut-être n'avez vous même plus le temps de mettre à jour cet indicateur...

8. Le mardi 20 mai 2008 à 12:30 par KME

Au nom du principe de sécurité juridique (qu'on nous sert tout de même à toutes les sauces sans qu'il existe formellement en droit français), le citoyen lambda ne peut pas contester, avec de "simples" arguments juridiques, la constitutionnalité de la loi qu'on lui applique. En effet, qu'est-ce qu'un huluberlu de justiciable y connaît à la constitution? Il faut bien entendu laisser cet insigne honneur de la saisine des sages du palais royal à ceux qui sont dignes de cette sagesse : nos parlementaires....

Tout ce que le simple justiciable pourra faire, c'est voter pour l'opposition à la prochaine élection. Comme ça, il aura l'assurance, au nom du sacro-saint principe qui veut que la majorité précédente fut l'incarnation du diable, être assuré que la loi, qu'il trouvait inconstitutionnelle à l'époque, sera dûment détricotée par la nouvelle majorité. En somme, la seule logique que nous devons suivre doit être manichéenne. C'est dommage....

9. Le mardi 20 mai 2008 à 12:38 par Hub

De Gaulle disait "les Français sont des veaux" (de mémoire)

Mazeaud est un gaulliste "historique".

CQFD

10. Le mardi 20 mai 2008 à 12:41 par aliocha

Je suis totalement dépassée cher Maître ! J'ai relu 4 fois votre billet mais je n'ai pas saisi quel était le lien entre l'exception d'inconstitutionnalité et le contentieux des étrangers ? Voulez-vous dire qu'en dehors des recours administratifs et judiciaires que vous évoquez, il s'agirait d'ouvrir la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité des lois sur les étrangers ?
S'agissant de l'argument lié à l'insécurité juridique, Pierre Mazeaud n'a-t-il pas raison de considérer qu'il y a une différence entre l'exception d'illégalité d'un acte administratif soulevée par un individu, dans un dossier particulier et l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi toute entière ? Est-ce à dire que cette exception d'inconstitutionnalité ne bénéficierait qu'à celui qui la demande (je vous avoue ne pas avoir suivi le dossier, heureusement que vous êtes là !) ? Mais alors, on peut craindre dans ce cas en effet que des milliers de personnes ne s'engouffrent dans la brêche et que la loi ne trouve plus à s'appliquer ? Vous me direz, ce dernier argument tombe de lui-même car si la loi est inconstitutionnelle, il est naturel que le plus de personnes possible puissent s'en prévaloir. Cela étant, du coup, je me demande si le recours serait efficace car le Conseil ne pourrait pas faire fi des conséquences probables de son avis.....

Eolas:
Il n'y a pas de rapport direct. Dans une première partie, je présente l'orateur, situe le contexte de son intervention (réaction au coup d'État de Warsmann) et commente ses propos.
L'exception d'inconstitutionnalité pourrait avoir plusieurs degré : à la loi et à la jurisprudence de le dire. Soit un effet relatif : l'application d'une loi, au demeurant conforme, aboutit dans ce cas concret à une violation de la Constitution. La loi est écartée pour cette fois, sans être annulée. Exemple : une loi sur la rétention de trop-la-sécurité est votée, et l'opposition oublie de saisir le CC alors qu'elle prévoit une application rétroactive. Un détenu menacé de RTLS peut invoquer l'inconstitutionnalité de son application à son cas. Soit un effet absolu : la disposition attaquée, quelle que soit la façon dont on la lit, est contraire à la Constitution. Dans ce cas, cette disposition sera annulée comme l'est actuellement un décret. Exemple : une loi étend les dispositions de la reconduite à la frontière aux adhérents socialistes.

11. Le mardi 20 mai 2008 à 12:44 par Neko

Hélas, même les monstres sacrés ont leurs failles, ils ne sont qu'humains et sont sujets comme tels à des préjugés et a priori. Il n'importe, cette réforme semble rencontrer un large soutien et il y a fort à parier que l'article 61-1 sera bien intégré au texte en l'état. Par ailleurs, la prise de position de M. Mazeaud est, somme toute, compréhensible voire cohérente et ne remet en rien en cause ses nombreuses contributions.

Sur le sujet, voir l'argumentaire de M. Sauvé devant la commission des lois : www.assemblee-nationale.f...

Une remarque tout de même, si la mise en place d'un système d'exception d'inconstitutionnalité a du sens, la formule retenue est à mon avis criticable à deux points de vue.

Tout d'abord, cette procédure n'est ouverte qu'en ce qui concerne les droits et libertés, ce qui en rétrécit singulièrement le champ. J'imagine que le pouvoir exécutif a souhaité se réserver le droit de veiller au respect des domaines respectifs de la loi et du règlement notamment, mais je ne vois pas pourquoi les citoyens ne pourraient pas intervenir sur ce sujet.

La procédure elle-même est passablement alambiquée, potentiellement longue et opaque : quel sera le filtre mis en oeuvre par les cours suprêmes, donnera-t-il lieu à des jugements motivés, sur quelle base légale, etc? La loi organique afférente se devra d'être très précise sur de nombreux points ("réserves"? "conditions"?) et il faudra suivre le sujet de très près.

Pour conclure sur une note paranoïaque (quoique), je ferai remarquer que le texte se borne à dire que le "Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question", sans autre précision sur la portée de la décision ou même si la saisine donne lieu à un jugement en bonne et due forme ... je pinaille, mais nous savons d'expérience l'importance des nuances de rédaction du texte constitutionnel (le Président a-t-il la faculté ou bien l'obligation de signer les ordonnances ? ;-) )

12. Le mardi 20 mai 2008 à 12:53 par Axel

HS mais important.
Cher Maitre,
C’est avec plaisir que je vous annonce que, le financement de votre 5ème Aston Martin , le renouvellement complet de votre cave et la pose d’une porte blindé à sécurité biométrique sur la dite cave sont assurés. J’ai en effet la joie et l’honneur de vous présenter le premier né de notre série de produits dérivés qui devrait envahir tout le vieux continent cet été.
www.digitalide.net/image/...
Une version spéciale pour la France est en développement. Avec quelques retouches mineures nous ajouterons un personnage agenouillé baisant votre robe tandis que le slogan deviendra :
« Maitre Eolas laisse moi devenir ton disciple ».
Enfin une version « Hardcore » avec le même visuel est aussi en cours de route le slogan deviendrai
« Maitre Eoalas punissez moi ! J’ai violé l’esprit de la Loi. »
Les premiers containers arrive au Havre la semaine prochaine.

Un fan que l’on ne souhaiterai pas à son pire ennemi.

13. Le mardi 20 mai 2008 à 13:08 par Loiseau

Quel est notre régime?
Nos dirigeants républicains ont une conception technocratique du travail politique. Pour eux, la gestion des affaires est une affaire de spécialistes. (je cite heraclitea.com)
Ils sont les aristocrates d'aujourd'hui: même école de pensée élitiste. Mais les uns ont le droit du sang, les autres ont le culte de leur propre savoir.
Pour répondre à la question de fin de billet: tout le monde se méfie de tout le monde!...

ps: Votre tartine fut fade, mon brouet froid. Match nul.
Au prochain plaisir de vous lire.

14. Le mardi 20 mai 2008 à 13:08 par Vicnent

"L'exception d'inconstitutionnalité vise à permettre à un justiciable de soulever comme argument que la loi qu'on essaye de lui appliquer serait contraire à la Constitution, et donc… illégale." : certes, mais vue que le constitution n'est pas un texte définitif... (Ok sur le fait qu'elle est plus difficile à modifier...)

D'un autre coté, vue que c'est le CC qui est l'interprète de la Constitution, comment se fait-il qu'un juge puisse l'interpréter lui aussi ?

Sur l'argument qui veut que chez les autres, la loi est toujours plus verte, et attendue que la confusion de peine est le principe et ne souffre pas l'exception, demanderiez vous à ce qu'enfin, ceux qui ont pris 10 fois 20 ans en fassent enfin 200 et non pas juste 14 ou 15 ? Comme aux Etats Unis...

Eolas:
Estimant le risque d'un loi anticonstitutionnelle me concernant supérieur au risque que je sois condamné 10 fois à 20 ans de réclusion (ce qui même aux États-Unis est rare), j'opte sans hésiter pour le contrôle de constitutionnalité, même si vous me permettrez de douter que prendre le second impose de prendre le premier avec, alors que la Constitution des États-Unis est muette là-dessus. Oserais-je ajouter qu'aux États-Unis, les peines sont en réalité indéfinies, seul un maximum et un minimum (la parole) étant préfixés, la fin de peine réelle dépendant d'une commission saisie à intervalles réguliers ? La loi n'est pas toujours plus verte chez les autres, certes, mais avant de la trouver plus jaune, il n'est pas interdit de la comprendre.

15. Le mardi 20 mai 2008 à 13:08 par aliocha

@eolas : merci, c'est plus clair. Cela étant, du coup, je pense que l'argument de la sécurité juridique n'est pas absurde en soi, son niveau de pertinence dépend de ce que l'on entend exactement par exception d'inconstitutionnalité.
NB : en réponse à votre petite pique sur les journalistes, je vous ferais observer que si les membres de ma profession sacrifient parfois l'honnêteté intellectuelle au plaisir d'un bon mot, ce qui est parfaitement regrettable, il m'avait semblé que vous n'hésitiez pas de votre côté à sacrifier la susceptibilité de vos lecteurs sur l'autel de la rhétorique :-) (Rigole Aliocha, rigole bien, tu vas encore te prendre un plaquage au sol que tu n'auras pas vu venir, gare à l'ITPCE -Interruption temporaire partielle de chahuter Eolas- de plusieurs heures !)

16. Le mardi 20 mai 2008 à 13:15 par Zhongwenke

Maitre Eolas cachant une batte de baseball derrière son dos se trouve a coté d'un homme-sandwich assommé, portant une longue bosse sur le sommet du cuir chevelu, et qui tient encore à la main une pancarte où est écrit : 'Trop cool mon site LOL'. Un texte 'Commentaire modéré par Pub Neutralisator (tm)' surplombe l'image.

17. Le mardi 20 mai 2008 à 13:30 par Lumina

Ne serait-il pas envisageable de modifier la constitution pour que toutes les lois passent devant le Conseil constitutionnel avant leur entrée en vigueur, sans besoin qu'il y ai besoin de saisine particulière ?

Ainsi, la constitutionnalité de toutes les lois serait vérifiée.

18. Le mardi 20 mai 2008 à 13:30 par Paralegal

Merci de ce billet où l'humour ne manque pas et qui suscite plein de réflexions.

Concernant l'extrait de monsieur Mazeaud que vous proposez, on croit déceler un certain mépris (ou un mépris certain) pour le justiciable lambda, puisque même les professeurs d'université enfermés dans leurs bibliothèques (belle image d'Epinal) ne seraient pas éligibles à soulever une exception d'inconstitutionnalité. Quant aux parlementaires (qui ont la possibilité de remettre en cause la constitutionnalité d'une loi seulement depuis 1974, il est bon de le rappeler) de l'opposition, on croit comprendre qu'ils exercent le contrôle de constitutionnalité juste pour embêter la majorité en place. La Constitution (et le bloc de constitutionnalité), qui est un texte limpide, ne serait pas à la portée des citoyens. Quant à la sécurité juridique, servie à toutes les sauces, elle est ici citée à contre-emploi. Bon, ça c'est fait.

Sur la première partie du billet : vous évoquez une "arrestation complètement illégale (contrôle au faciès, pas de notification des droits, durée de la garde à vue dépassée)". Sont-ce des conditions cumulatives à l'illégalité ou le seul contrôle au faciès suffit ? Je crois en effet me souvenir que c'est en principe interdit, mais comme l'art. 78-2 CPP permet le contrôle d'identité de "toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction (...)", en pratique, le contrôle au faciès est le plus courant puisque les infractions à la législation sur l'entrée et le séjour sur le territoire sont les seules qui peuvent être constatées via un simple contrôle d'identité.

Enfin, lorsque vous dites "l'argument tiré de la nullité de l'arrestation est irrecevable devant le TA", peut-on penser que cet argument serait valable devant une juridiction répressive, que l'arrestation et/ou la GAV pourraient être déclarées nulles (pour grief, ou bien s'il s'agit d'une nullité d'ordre public), et dès lors qu'elles sont le soutien nécessaire de l'ARF, que l'ensemble de la procédure pourrait être annulé ? Question purement théorique, je le crains.

19. Le mardi 20 mai 2008 à 13:35 par Jul Earthwalker

Râââ ! Ca fait du bien !!!

En général, je m'énerve tout seul contre les bêtises (souvent plus par langue de bois cela dit) dites par l'invité politique sur France Inter le matin. Content de constater que je ne suis pas le seul.

20. Le mardi 20 mai 2008 à 13:43 par coco

Sans même débattre de l'exception d'inconstitutionnalité (même si je vous rejoins sur ce point), on peut déjà s'étonner de ce que le juge judiciaire, au nom du dualisme juridictionnel (abusivement assimilé à la séparation des pouvoirs), s'interdit encore trop souvent d'examiner la légalité des actes administratifs.

A la le dualisme juridictionnel peut éventuellement se justifier s'il s'agit d'une division institutionnelle fondée sur un souci (admettons!) de bonne gestion, au grand maximum. Et encore, il y aurait tant à dire sur les chausses trappes en matière de compétence ratione materiae (et le temps perdu pour les justiciables qui va avec).

Quant à déduire de cette éventuelle facilité organisationnelle un principe par lequel le juge judiciaire s'interdirait d'examiner la légalité ou la constutionnalité d'un acte administratif, il y a un pas que je refuse de franchir.

D'aucuns n'hésitent pas, invoquant la séparation des pouvoirs.

Mais je ne vois pas en quoi le fait, pour un juge judiciaire, d'apprécier la légalité, mettons, de la décision d'un rond de cuir de l'ofpra rendue au sujet d'un étranger en zone d'attente, porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. Sauf à considérer que le juge administratif ne remplit pas de fonction judiciaire (au sens de la séparation des pouvoirs), ce qui est faux : le JA est un juge à part entière, indépendant du pouvoir exécutif.

Or, l'argument "séparation des pouvoirs" est pratiquement le seul qui nous est régulièrement ressorti pour justifier l'interdit qui pèse sur le juge judiciaire.

Donc la loi de 1985 sur les accidents de la circulation (véhicules de la puissance publique), ou encore l'article 111-5 du Code pénal (examen de légalité des actes administratifs par le juge judiciaire), etc, sont autant d'atteintes à la séparation des pouvoirs? Tout le monde sait que non.

Le plus délirant dans notre système actuel est que le juge judiciaire s'autorise à examiner la conventionnalité d'un acte adminstratif mais aussi d'une LOI, quand il s'interdit toujours d'examiner la constitutionnalité d'une simple décision administrative individuelle.

Donc il joue les faux-culs pour refuser d'apprécier la légalité d'une décision individuelle prise au sujet d'un étranger en zone d'attente, quand il se permet, par ailleurs, d'écarter carrément l'application d'une loi contraire au droit conventionnel.

Il n'y a aucune cohérence; ceci rend injustifiable la situation actuelle qui se rapproche, parfois, du déni de justice.

21. Le mardi 20 mai 2008 à 13:44 par Fred

voyez vous c'est la mauvaise foi de votre réponse au @3 qui me fait sursauter.

en quoi violer la constitution est plus grave qu'abolir le suffrage universel dans les instances européennes?

Eolas:
Pourriez-vous me préciser la stipulation du Traité de Lisbonne qui abolit ce suffrage universel pour l'élection du parlement européen (seul cas à ce jour de suffrage universel dans les instances européenne) ? Il m'a échappé. Je vous donne un indice : voici l'article 14 du Traité UE(PDF), consolidé après le Traité de Lisbonne : « 3. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans. » Le fait de ne pas être noniste ne vous excuse pas de recourir à leurs méthodes.


remarquez ce faisant on a peut être une solution au problème soulevé par votre billet et par la même une réponse à la question posée au sujet de notre régime.



PS: inutile de m'accuser de noniste, comme si c'était une insulte, j'ai voté pour le oui.... mais avec d'immenses regrets aux vues des événements récents dans la région de Lisbonne. Je ne suis peut être pas assez intelligent pour être arrogant, que voulez vous, je crois juste en la démocratie.



Eolas:
Mais c'est cohérent. Moi aussi, ayant voté oui au TCE, je suis fort marri de n'avoir à la place que ce triste Traité de Lisbonne (même si l'affirmation répétée ad nauseam qu'il s'agirait du même texte arrive à me faire sourire).

22. Le mardi 20 mai 2008 à 13:51 par Fred

en fait je suis surtout venu poser une question.


Juste pour être certain tellement c'est énorme:
Si j'ai bien compris votre billet il n'est pas possible (si on est pas chef de l'état en fin d'exercice) de se prévaloir de la constitution devant un tribunal?
C'est bien ça?????????


Eolas:
Si, sauf si on invoque une loi à votre encontre (théorie de la loi-écran). Exemple : une décision de votre maire vous concernant viole la Constitution : invocable.
Un arrêté préfectoral valable sur le département viole la Constitution : invocable.< br/>Un décret du premier ministre viole la Constitution : invocable.
Une loi qu'on vous applique viole la Constitution : pas invocable.

23. Le mardi 20 mai 2008 à 13:55 par Juliette

@Loiseau (12)
Pas d'accord, pour moi l'aristocratie et la technocratie sont des régimes bien différents. A choisir, je préfère vivre en technocratie qu'en artistocratie. Au moins les technocrates savent-ils de quoi ils parlent. J'ai bien peur que la réalité de tous les jours ne nous prouve que la plupart du temps, les politiques de tout bord n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils font (cf Busiris?).
Bien sûr, la démocratie est préférable aux deux, pour des raisons que tous sachent, mais je n'ai que peu de foi en la capacité de mes concitoyens d'élire des gens intelligents, respectables et honnêtes. La démocratie est le pire des régimes possibles, mis à part tout ce qu'on a essayé d'autre jusqu'à présent (je mentionnerais volontiers l'auteur de ma citation, mais j'ai oublié son nom).

Eolas:
C'était un certain Winston Churchill.

24. Le mardi 20 mai 2008 à 13:56 par Taylor

Mazeaud est effectivement un vieux crabe qui a su se forger une réputation d'indépendance... dans la limite des intérêts qu'il estimait supérieurs : celui du chiraquisme en son temps, celui du sarkozysme aujourd'hui.
"... après que tu m'as servi un tel brouet". Ouf ! quelqu'un qui emploie l'indicatif après "après que". Bravo !
"Vous voyez le type de loi qui échappent à tout contrôle."
Il faut se relire...

25. Le mardi 20 mai 2008 à 14:01 par Herbie

N'en déplaise au maitre des lieux, ce Mazeaud là n'est pas mon préféré, loin de là.
En revanche, je suis super fan de Denis !

Ce point particulièrement important étant éclairci, j'aimerai revenir sur les critiques de l'exception d'inconstitutionnalité et des professeurs de droit qui y sont favorables.

Tout d'abord, l'argument de l'insécurité juridique, s'il est tout à fait défendable, est assez bancal présenté tel quel, d'une part parce qu'il faut voir les effets de cette exception d'inconstitutionnalité sur la loi qui serait inconstitutionnelle (j'ignore ce que la commission a prévu à ce sujet, donc je réserve mon opinion), et ensuite parce qu'en matière d'insécurité juridique, je pense que la pratique, puisqu'on en parle, connait des problèmes d'insécurité juridique beaucoup plus problématiques, tels que les revirements de jurisprudence, et je pense particulièrement au droit du travail où quelques critiques se risquent dans cet argumentaire.

Mon avis est, qu'en fait d'insécurité juridique, c'est d'évolution du droit dont il est question, et si l'on se fie à la compétence des magistrats, ce qui ne me pose aucun problème, on a tout intérêt à avoir une norme souple qui puisse être pliée par le juge en fonction des changements de société et pour corriger les insuffisances du travail législatif.
C'est mieux que d'avoir à attendre que le législateur se réveille à la veille ou au lendemain d'une élection.
Bref, le droit est une matière vivante, et la dose d' "insécurité juridique", c'est la marge qu'on lui donne pour évoluer et s'améliorer, il ne faut pas qu'elle soit ni trop réduite ni trop large. D'ailleurs, j'avais un chargé de TD qui nous demandait systématiquement de donner la définition exacte de l'insécurité juridique à chaque fois qu'on avait le malheur d'employer l'expression en cours, pour ne pas nous laisser dire tout et n'importe quoi avec.

Quand aux profs de droit ignorants des pratiques du Parlement, ça me fait doucement rigoler.
- D'une part parce que j'ai eu un prof qui est aujourd'hui sénateur, et qui a du s'étouffer dans son café ce matin.
- Ensuite parce que j'aimerai bien les voir plus souvent au Parlement, les praticiens.
- Puis, ce qui se passe au Parlement n'est pas vraiment un mystère, pour peu qu'on s'y intéresse et qu'on se renseigne, et personnellement, je ne doute pas que les professeurs de droit soient assez compétents pour trouver et analyser ces informations avec pertinence.
- Et enfin, j'aurai souhaité qu'on m'explique en quoi la pratique parlementaire, qu'on la connaisse ou pas, ferait obstacle à une procédure d'exception d'inconstitutionnalité, comme si c'était les parlementaires qui étaient les premiers concernés...

Dans la famille Mazeaud, je demande Denis.

Eolas:
Vous auriez demandé Henri, Léon ou Jean, je vous aurais répondu de piocher…

26. Le mardi 20 mai 2008 à 14:18 par Mazarin

Finalement, c'est en ascensionniste victorieux de l'Everest (1978) que je préfère M. Mazeaud. Depuis... :(

27. Le mardi 20 mai 2008 à 14:21 par Freash

On se souviendra ici avec profit des nombreux recours initiés par des citoyens contre les dernières législatives se basant entre autres choses sur les conventions internationales, que le Conseil Constitutionnel s'est pour nombre d'entre eux dispensé d'examiner (voir le blog "silence des lois" à ce sujet, et notamment l'amusante excuse de "similitude" avec le recours perdu d'avance du Professeur Jan).

La tendance est donc lourde, de longue date, amplement confirmée par la pratique de nos institutions, parfaitement dans l'esprit des grandes orientations choisies par une majorité ré-élue. Fermez le ban.

28. Le mardi 20 mai 2008 à 14:23 par Judex

Maître, la question de la sécurité juridique est une véritable objection à ne pas balayer.

Eolas:
Il me semble que loin de la balayer, j'y réponds. Cette partie du billet ne s'est-elle pas affichée ?

Pour évaluer ce que serait l’exception d’inconstitutionnalité ouverte à tout justiciable, je pense qu'il serait prudent de l’entourer ,au moins à titre provisoire, de quelques garanties.
Une limitation dans le temps en considérant que l’exception d’inconstitutionnalité ne pourrait être soulevée que dans un délai limité suivant la publication des lois.

Eolas:
Quæ temporalia… Cette forclusion ne servirait à rien.

Une condition de bon sens : les lois contrôlées préalablement par le Conseil constitutionnel obligatoirement– lois organiques- ou sur recours préalable ne devraient pas pouvoir à nouveau être mises en cause par le biais de l’exception. Sinon quelle pagaille !

Eolas:
Et revoilà le bon sens. Lisez donc le texte des recours déposés par l'opposition. Vous y découvrirez le sens du mot indigent. Et du coup, la majorité trouverait là un bon motif d'attaquer ses propres textes : soulevez un moyen bidon rejeté par le CC, sachant qu'il répugne à soulever d'office des moyens, et le contrôle de constitutionnalité est vidé de son sens. Ou alors obligez dans ce cas le Conseil à répondre aux portes étroites lorsqu'il est saisi par le parlement !

L’exception devrait être limitée aux atteintes aux droits fondamentaux du requérant, cette atteinte ne pouvant être potentielle mais évidemment actuelle et effective.

Eolas:
D'où : soulevée uniquement par voie d'exception. C'est le sens du projet.

D’une manière générale, je suis très prudent sur le juge de l’action érigé en juge de l’exception. En matière pénale, il n’est pas certain que la quasi impossibilité de saisir la juridiction administrative d’une question préjudicielle dans les matières techniques comme par exemple le code du domaine de l’Etat( par exemple) ait constitué un grand progrès de l’Etat de droit.

Eolas:
D'un autre côté, l'autre solution est soit l'exception est irrecevable, soit sursis à statuer et question préjudicielle. Est-ce vraiment mieux ?

29. Le mardi 20 mai 2008 à 14:25 par Cimon

Si je puis me permettre, M. Mazeaud est bien plus qu'un simple alpiniste amateur : c'est une légende de l'alpinisme français.

Ainsi, c'est le premier Français au sommet de l'Everest (en compagnie d'Afanassief et Jaeger, de mémoire).

De plus, il était là lors de la tragédie du pilier central du Frêney (1961), et Bonatti (un monstre de l'alpinisme) le cite comme l'une des rares personnes avec qui il envisageait de former une cordée.

Un sacré bonhomme, donc !

30. Le mardi 20 mai 2008 à 14:25 par Thau

Eolas:
Vous auriez demandé Henri, Léon ou Jean, je vous aurais répondu de piocher…

Cet homme n'a d'autre prétention que celle de nous faire rire.

31. Le mardi 20 mai 2008 à 14:25 par aliocha

@eolas : à propos des vieux lions qui n'ont plus rien à craindre ni à prouver, je pensais comme vous qu'ils avaient enfin conquis une liberté de ton et d'esprit...Las, j'ignore si de tels vieux sages ont jamais existé, mais pour cotoyer régulièrement les nôtres de vieux sages, il faut bien reconnaître qu'ils restent dans leur grande majorité tributaires de l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes. Dès lors, ils craignent souvent à l'automne de leur vie, qu'un mot ou un geste déplacé, ne ruine en un instant la réputation qu'ils ont mis une vie à bâtir. Et je ne vous parle pas du désir forcené qui les étreint, même à un âge avancé, de grapiller encore quelques honneurs, fussent-ils dérisoires, pour faire grandir d'une poignée de centimètres la statue qu'on leur dressera après leur disparition, la longueur de leur biographie, ou la taille de l'artère qui aura l'honneur de porter leur nom !
Cela dit de manière générale et sans désigner personne....On est loin de la posture de Gabin dans le Président n'est-ce pas ?

32. Le mardi 20 mai 2008 à 14:28 par Herbie

@Eolas
De fait...
Mais je me rends compte que dans votre liste de Mazeaud, vous avez oublié Antoine, qui figure dans ma bibliothèque. C'est une branche à part ou vous avez renoncé à tous les citer ?

Eolas:
Mince, encore un ? Mais c'est surtout à Mesdames Mazeaud qu'il faut rendre hommage ! (font-elles seulement des filles de temps en temps ?)

33. Le mardi 20 mai 2008 à 14:36 par Procès équitable

Une société a les parlementaires qu'elle mérite. Monsieur Mazeaud est de ceux-ci.

34. Le mardi 20 mai 2008 à 14:40 par Procès équitable

Il m'aurait fallu écrire qu'il a été de ceux-ci. Erreur corrigée.

35. Le mardi 20 mai 2008 à 14:57 par Douceur

Un billet fort enrichissant et non dénué d'humour, ce qui ne gâche rien. Il est de circonstances puisqu'il intervient juste après le partiel de droit administratif (deuxième année, oui).
L'absurdité de l'argument de la sécurité juridique doit être souligné dans la mesure où c'est plutôt l'absence d'exception d'inconstitutionnalité qui porte atteinte à cette sécurité. Je ne vais pas discourir plus longtemps, vous le faites mieux que moi.

Sinon, ma deuxième année touche à sa fin et je n'ai jamais entendu parler de la théorie des actes complexes...

Eolas:
C'est parce qu'elle est trop complexe pour vous (je n'ai pas pu m'en empêcher). Utilisée surtout en urbanisme et en matière de concours (c'est du droit administratif spécial) : on peut soulever par voie d'esception l'illégalité d'une décision administrative non réglementaire quand l'acte attaqué (dans le délai de recours contentieux, lui) est la conséquence nécessaire de l'acte illégal. Par exemple : un candidat évincé attaque la décision du jury qui établit la liste des candidats admis en soulevant la nullité de l'acte de désignation des membres du jury, pourtant vieux de plus de deux mois. Par ex : Arrêt Perrens, CE 28 décembre 1917, 3 mai 1957, Azoulay, etc…

36. Le mardi 20 mai 2008 à 15:03 par Bernard

Cher Maître, Merci pour votre éclairage sur un débat passionnant. Toutefois de ma part une seule - sans doute naïve - question de langage: le terme de 'réouvrir un délai' est-il commun en français juridique?

Eolas:
Non, on dirait plutôt rouvrir ou fait partir un nouveau délai.

37. Le mardi 20 mai 2008 à 15:14 par Jul Earthwalker

@ Bernard : 100 % naturel.

38. Le mardi 20 mai 2008 à 15:37 par Dini

@Judex

Mais, vous savez, on invoque déjà, tous les jours, des moyens juridiques destinés à écarter l'application de lois violant des normes supérieures (traités - dont la CEDH - et droit communautaire - dont le droit dérivé). Il est vrai que, techniquement, on n'en demande pas l'annulation, mais l'effet reste le même.

On n'a pas limité cette possibilité ni en termes de temps, ni aux seules violations des droits fondamentaux (sauf, message à l'attention de Noël Mamère, si on inclut le droit des oiseaux à ne pas être abattus dans ceux-ci...).

Et, curieusement, il n'en est résulté ni pagaille, ni insécurité juridique insoutenable. Plutôt quelque chose comme un progrès de l'Etat de droit...

Le seul angle sous lequel la question me semble mériter quelque débat, c'est celui de la mesure du contrôle du juge: il me semble évident, à la lecture par exemple des décisions de la Supreme Court, que cette dernière s'arroge un pouvoir d'appréciation dépassant très largement celui de nos juridictions et singulièrement du Conseil constitutionnel; on pourrait s'interroger sur le point de savoir si l'ouverture plus large du recours ne risquerait pas de résulter en une modification des méthodes du contrôle.

39. Le mardi 20 mai 2008 à 15:50 par Mazarin

@ 28 :
Mais sorti de l'alpinisme, il est loin de faire l'unanimité, comme l'exprime le billet de Maître Eolas et les commentaires qu'il a suscités. ;)

40. Le mardi 20 mai 2008 à 16:07 par Milimaître

Bien que l'hérédité n'impose pas la déférence, entendre de telles énormités sur les professeurs de droit (confinant à la brêve de comptoir de cafétéria de 1ère année de droit) de la part d'un descendant d'une famille qui en comporte autant est pour le moins confondant.

L'insécurité juridique est pour sa part largement préservé par les gardes fous mis en place pour éviter des saisines intempestives du Conseil Constitutionnel (filtre des premiers juges, puis des Hautes Cours).

41. Le mardi 20 mai 2008 à 16:07 par aliocha

@eolas 31 : il a eu trois filles et un garçon, sans doute le souci de compenser un évident déséquilibre familial.....quoique, ce n'est pas parce qu'il n'existe pas à notre connaissance de Dames Mazeaud célèbres, qu'il n'existe pas de Dames Mazeaud tout court. M'enfin !

42. Le mardi 20 mai 2008 à 16:30 par INTIME CONVICTION

Première conséquence si l'exception d'inconstitutionnalité entre en application: la loi de 1970 sur les stupéfiants sera contestée en ce qu'elle contrevient à nombre de normes internationales constitutionnellement protégées (notamment l'usage et surtout la fameuse "présentation sous un jour favorable qui restreint illégalement la liberté d'expression).
En fait l'objectif du législateur est de tendre la perche au Barreau pour qu'il l'aide à vider les prisons de tous les poètes et tous les toxicomanes qui n'ont rien à y faire!

43. Le mardi 20 mai 2008 à 17:17 par Apokrif

"La Constitution distingue le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et… l'autorité judiciaire"

La Constitution contient bien l'expression "autorité judiciaire", mais on n'y trouve ni "pouvoir législatif" ni "pouvoir exécutif" (il n'y est question que des "pouvoirs publics" et du "pouvoir réglementaire").

44. Le mardi 20 mai 2008 à 18:11 par bof

Je m'excuse par avance si je répète ce qui a déjà été dit, mais bien des pays vivent avec l'exception d'inconstitutionalité en maintenant la sécutité juridique. Le controle de constitutionalité par les justiciable est même le fondement d'une doctrine constitutionelle moderne et d'une démocratie respectueuse des droits de l'homme.

45. Le mardi 20 mai 2008 à 18:28 par Dini

@Intime Conviction (42)

Je crains de ne pas partager votre optimisme (?) : si l'on suppose que certaines incriminations pénales sont effectivement contraires à des normes internationales de la nature de celles que vous invoquez (article 10 de la CEDH pour la liberté d'expression), alors il n'est aucun besoin de recourir à l'exception d'inconstitutionnalité pour en empêcher l'application.

L'exception d'inconventionnalité, qui le permet, existe déjà en droit positif, voyez ce qui s'est passé avec le CNE.

46. Le mardi 20 mai 2008 à 19:12 par Fructus

@Me Eolas: j'avais trouvé lors de son audition que l'argumentation de Mazeaud sur la question de l'exception d'inconstitutionnalité n'était guère convaincante (mais je lui suis très reconnaissant de sa tribune en faveur de la justice administrative !) d'autant que la protection de la cedh (et l'exception d'inconventionnalité devant le juge ordinaire) ne recoupe pas totalement les droits et libertés fondamentaux de la C58;
La question qui demeure est plutôt sur le dispositif de filtre et l'étendue du champ temporel de l'exception d'inconstitutionnalité.
On peut s'étonner qu'à l'instar de la question préjudicielle devant la CJCE, le projet ne prévoit pas la saisine directement par le juge du principal du CC sans passer par la cour suprême filtrante du moins devant le JA; s'agissant du judiciaire, le président Lamanda s'inquiétait de l'hétérogénité et de la lourdeur du système , l'ordre judiciaire étant plus éclaté et plus varié dans ses structures;

47. Le mardi 20 mai 2008 à 19:45 par Silas Haslam

Pierre Mazeaud m'a déçu il y a un an déjà.

Comme vous, je ne lui tiens pas rigueur de ses positions peu défendables sur l'exception d'inconstitutionnalité (s'est-il prononcé d'ailleurs sur la question préjudicielle de constitutionnalité proposée en son temps par la Commission VEDEL?).

Il m'a déçu quand il a fait semblant de ne pas comprendre pourquoi les juges poursuivaient Jacques CHIRAC une fois son mandat échu : "depuis tout ce temps, est-ce bien raisonnable?". Comme si cet éminent juriste ignorait ce qu'est une prescription et ce qui la suspend, de même que l'adage "contra non valentem...".

Autant je comprends qu'on contourne parfois ses convictions pour défendre un ami, autant dresser un peu plus le peuple contre le droit et les juges, ce n'est pas franchement ce qui était nécessaire en ce moment.

48. Le mardi 20 mai 2008 à 20:00 par AVOCATAPARIS

N'oubliez pas que le contrôle de la loi est pratiqué régulièrement par les tribunaux français au regard des textes d'origine communautaire, sans mettre à feu et à sang les voies de la République.

Ce débat a de quoi piquer la curiosité de tout observateur de notre vie parlementaire, le Sénat bloque toute tentative de contrôle de la loi à l'initiative du particulier - qui en dispose néanmois par le mécanisme indiqué ci-dessus - quand, dans le même temps, la République est régulièrement condamnée à de fortes indemnités par la Commission pour des dispositions nationales non conformes à des normes communautaires ou pour des directives non transposées.

49. Le mardi 20 mai 2008 à 20:12 par Ancalagon

"Ah, le corporatisme des professeurs de droit, ces hiboux poussiéreux qui jamais ne sont sortis de leur faculté depuis mai 1968. Que c'est commode de moquer les hauteurs de l'intelligence : d'en bas, tout à l'air si petit. Et qu'importe si la plupart d'entre eux sont aussi avocats"

La plupart des profs de droit en France sont avocats?
Nous n'avons pas la même définition du mot "plupart", ou peut-être est-ce un phénomène spécifiquement parisien?

50. Le mardi 20 mai 2008 à 20:50 par FB

@8: « Au nom du principe de sécurité juridique (qu'on nous sert tout de même à toutes les sauces sans qu'il existe formellement en droit français) »

C'est faux: mettez-vous à jour de l'arrêt KPMG. De plus la jurisprudence du Conseil constitutionnel est souvent inspirée par des considérations de sécurité juridique. L'absence de formalisation du principe n'empêche pas la reconnaissance de celui-ci. Peut-on concevoir le (du) droit sans un minimum de stabilité?

@ 48: pas seulement les textes communautaires, mais aussi les normes internationales.

51. Le mardi 20 mai 2008 à 20:56 par Raph

@Eolas (article) "En effet, la dualité des autorités fait qu'une arrestation complètement illégale entraînera la fin de la rétention administrative qui en découle"
Ce ne serait pas plutôt la fin de la GAV pour ILE ?
La rétention administrative est décidé par le préfet après prise de l'APRF...

Sinon, ce que j'adore : le juge ne peut pas écarté la loi au profit de la constitution, mais il le peut au profit d'une convention internationale.. Heureusement que la CESDH est là pour qu'en France, nous ayons quelques droit..

Ce qui m'inquiète un peu : la mise en place d'une exception d'inconstitutionnalité ne mettrait-elle pas en péril les droits locaux existant ? Je pense en particulier au droit Alsaco-Mosellant, légèrement contraire à la constitution (oui, c'est un euphémisme)...

52. Le mardi 20 mai 2008 à 21:08 par Raph

@FB (50)
La jurisprudence KPMG (CE 24 mars 2006) limite les cas : c'est uniquement "lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours"... C'est relativement limité...

53. Le mardi 20 mai 2008 à 21:12 par Axonn

Maître, je tenais simplement à vous signaler que quand je vous ai demandé si la prochaine fête était le 1000e billet, vous m'avez répondu "non, le 5M ème visiteur". Or, vous les avez dépassés. Sauf à prendre Méga au sens informatique, ça fait 5 242 880, et ça donne un rattrapage pour l'oubli.

54. Le mardi 20 mai 2008 à 21:17 par cul-terreux

@ 49 Ancalagon

merci ! Je me sentais un peu seul.
Si en M2 professionalisant les profs sont quasiment tous professionnels, de ma première à ma 4ème année, je n'ai pas eu un seul praticien comme prof de droit ! (dans ma campagne s'entend)

55. Le mardi 20 mai 2008 à 21:17 par patate

Dans quel régime dommes nous? Dans une sorte de Poujadisme Césariste appuyé sur une clique de laudateurs dévoués: A Entendre, Rachida Dati ou Yves Jego, A lire,un article du figaro ,ou A voir,un JT de JP Pernaut par exemple.Le tout est mélangé avec un bon brin d'agressivité ,de mauvaise foi,et de xénophobie discrète........

56. Le mardi 20 mai 2008 à 21:46 par Dav

En effet, je ne comprends pas cet argument.

Nous savons que dans les ordres judiciaires et administratifs, le juge peut écarter une loi contraire à une norme internationale en vigueur en France.

N'importe quel citoyen pourrait donc, même 50 ans après, contester la conventionnalité d'une loi devant un juge. Et sans aller si loin, on voit que ça peut faire des dégâts (cf. CNE)

Maître, avez-vous lu les conclusions de Jean-Marc Sauvé concernant la question de l'invocabilité de la Constitution lors des travaux de la commission?

57. Le mardi 20 mai 2008 à 22:11 par Ancalagon

@54

Même chose pour moi...
J'ai étudié dans trois facs (une est au Québec donc ça ne compte pas), donc disons deux, Nice et Nantes. Pour des raisons familiales disons, je connais nombre de professeurs des deux facultés, et je dirais que le nombre de praticiens qui enseigne reste assez limité, et loin de représenter ne serait-ce qu'un tiers des effectifs...

Mais peut-être qu'Eolas n'a pas tort et qu'à Paris c'est un phénomène beaucoup plus répandu qu'en province.

58. Le mardi 20 mai 2008 à 22:30 par FB

@ Raph: la jurisprudence KPMG a connu des développements ultérieurs (et même antérieurs: jurisprudence AC! en particulier) qui étendent la portée du principe... Mais même si tel n'était pas le cas, l'approche formaliste aurait malgré tout ses limites...

59. Le mardi 20 mai 2008 à 22:59 par ronan

cher Maitre, je n'ai pas trouvé de billet sur votre blog au sujet du traité de Lisbonne ou de la constitution européenne.
M'étant astreint à l'époque à le lire en grande partie, (disons les deux tiers), ce qui, pour un non juriste ne fut pas une partie de plaisir, (entre autre suivre les références aux autres textes), je me souviens n'avoir pas trouvé d'argumentaire crédible sur le oui se basant réellement sur le texte, au contraire de certains nonistes.
Cela ne veut évidemment pas dire qu'ils n'existaient pas mais que je ne les ai pas trouvés.
Pouvez-vous m'indiquer une référence?

Eolas:
Publius, voyez les archives 2004-2005.

60. Le mardi 20 mai 2008 à 23:22 par Bibi

Cher Maître,

ce que j'écris là n'a rien à voir avec le message du jour (même si ma joie de savoir que j'allais entendre P. Mazeaud a finalement été quelque peu.... comment dire... voilà quoi) mais j'ai lu que le TA de paris avait rendu aujourd'hui une ordonnance de référé relative au droit au logement opposable. Et passionnée de libertés fondamentales, de contentieux administratif et autres publiqueries de ce genre, je voulais savoir s'il est possible de pouvoir le lire et où sans attendre la parution dans les revues autorisées (j'avoue, j'ai des examens bientôt). Merci si vous pouvez me renseigner.

Et merci pour ce blog, qui en plus d'être une mine d'informations, est un plaisir à lire.

61. Le mardi 20 mai 2008 à 23:48 par Джугашвили

Maitre Eolas cachant une batte de baseball derrière son dos se trouve a coté d'un troll assommé, portant une longue bosse sur le sommet du cuir chevelu. Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.

62. Le mercredi 21 mai 2008 à 00:33 par Ferraille

En principe on ne soulève pas d’exception, en droit administratif, contre les décisions individuelles; cela n’est possible que contre les actes réglementaires. Un arrêté portant refus de TS et OQTF, qui relève de l’exercice du pouvoir réglementaire par le préfet, lequel est le titulaire de ce pouvoir au niveau local, constitue-t-il une décision individuelle, insusceptible d’être contestée par la voie de l’exception, ou un acte réglementaire susceptible de l’être ?

Eolas:
C'est un acte individuel, bien sûr. Mais l'exception d'illégalité est ici sans objet, du fait que les deux actes (refus de TS et OQTF) sont fondus en un seul acte, soumis à un recours spécifique. L'exception d'illégalité joue rarement en droit des étrangers (elle jouait avant la réforme, lors des APRF par voie postale pris plus de deux mois après le refus de TS : on pouvzit contester le refus de TS par voie d'exception, par application de la théorie des actes complexes : l'APRF était la suite nécessaire du refus initial).

63. Le mercredi 21 mai 2008 à 01:06 par Schmorgluck

Il m'est venu une question en lisant le billet, où Eolas donne au moins deux exemples de contournement du Conseil Constitutionnel (du moins, un exemple effectif et une tentative).

Ça, c'est une chose, mais qu'en est-il lorsqu'une modification de la Constitution rend certaines lois basées sur l'ancienne version théoriquement obsolètes ?
Il est vrai qu'une bonne partie des modifications de la Constitution relèvent principalement de l'ajustement de modalités techniques (ce qui est important aussi), mais il arrive encore que de telles modifications aient un impact fondamental sur les droits des Citoyens. Et ils peut se trouver que certaines lois votées sous la Constitution 5.n se retrouvent théoriquement obsolètes sous la Constitution 5.n+1 (oui, je suis informaticien et l'idée d'appliquer à la constitution française un système de numérotation de versions similaire à celui des logiciels m'amuse pas mal - et ne me lancez pas sur les versions instables, je vous en prie, les possibilités de blagues sont trop vastes). Dès lors, que se passe-t-il ?
La question est rhétorique, car je sais bien qu'en vertu du principe de la "loi-écran", il ne se passe rien (si j'ai bien compris).
Pas tant que le législateur ne se décide pas à y remédier.
Ce qui peut prendre un certain temps.
Voire ne jamais se produire.
En conséquence de quoi, les droits des Citoyens peuvent être bafoués en toute légalité. Impressionnant paradoxe.

Ou alors je n'ai pas bien compris. J'aimerais me tromper, sérieusement.

Eolas:
Je crains que vous ne vous trompiez point.

64. Le mercredi 21 mai 2008 à 08:39 par Manue

C'est extraordinaire, en écoutant cet entretien hier matin, j'ai eu les mêmes pensées au même moment ! et j'ai très précisément pensé à vous-même, Maître, pendant le passage si crûment offert à nos oreilles sur ce blog ... me disant: c'est bien la peine qu'on emme*de à réfléchir sur le sens des mots dans un loi si même un grand législateur comme Mazeaud tient des propos pareils ! et je me suis également dit : si au moins on pouvait attendre de tous ces avocats, professeurs de droit et juristes de formation qui nous gouvernent qu'ils pondent des textes compréhensibles et applicables, qui ne se contredisent pas les uns les autres, on pourrait peut-être envisager d'être d'accord avec Pierre Mazeaud ... mais hélas !

65. Le mercredi 21 mai 2008 à 08:46 par juge grincheux

@60: pourquoi s'intéresser une ordonnance émanant d'un juge non indépendant et appelé à disparaïtre, dixit les représentants de la nation à l'assemblée!

66. Le mercredi 21 mai 2008 à 09:01 par Buendia

Il y a quand même une différence de dégré entre l'exception d'illegalité soulevée devant le juge administratif et l'exception d'inconstitutionnalité dont il est question ici. Votre argument qui consiste à soutenir que cette exception ne serait pas plus source d'insécurité juridique que celle soulevée devant le TA n'est pas convaincant.
Quant à la comparaison avec certains pays étrangers : c'est un peu facile (ça me rappelle d'ailleurs la rhétorique élyséenne). Certes, cela existe ailleurs (et tout existe ailleurs en cherchant bien), mais est-ce transposable dans notre système ?

Eolas:
Pourriez vous expliquer en quoi je ne suis pas convainquant autrement qu'en relevant une différence de degré qui n'est pas un argument ? L'essentiel des normes vient du règlement (art. 37 de la constitution : tout ce qui n'est du domaine de la loi défini à l'art. 34 relève du règlement), donc l'essentiel des normes est annulable su le recours d'un individu, parfois des années plus tard. Sans pouvoir les annuler, le CE écarte désormais les lois contraires à des conventions internationales ou au droit européen (Nicolo, Rothmans), ce qui revient un peu au même. Alors pourquoi une différence de degré mettrait à mal l'idée d'instaurer un tel contrôle de conformité à la Constitution, puisque tous les autres degrés de la pyramide font déjà l'objet d'un contrôle ?

67. Le mercredi 21 mai 2008 à 10:35 par Mathaf Hacker

Je suis curieux de savoir ce que vous inspirent les faits suivants:
Quatre Etarras arrêtés grace à la filature de leur avocat.
Merci

www.lemonde.fr/web/depech...

Eolas:
Oh, c'est très simple : bien joué. En outre, ce n'était pas son avocat mais sa compagne.

68. Le mercredi 21 mai 2008 à 13:30 par g--

Bonjour
Une question à la lecture de "Une loi qu'on vous applique viole la Constitution : pas invocable." : que penserait la CEDH d'une telle situation, si toutefois elle a lieu ?

Eolas:
La CEDH ne se même pas de contrôle de constitutionnalité.

69. Le mercredi 21 mai 2008 à 13:33 par PEB

Enfin, l'écran constitutionnel va pouvoir être enfin crevé si on va jusqu'au bout. Même les juridictions inférieures pourraient lever d'office le moyen de constitutionnalité, qui sait?

Les Représentant du Souverain ne seraient plus revêtus de l'infaillibilité de nos anciens rois, lieutenants de Dieu au temporel comme le sont le Pape et les évêques au spirituel. Cette culture correspond tout à fait au vieux catholicisme gallican. La vérité est dans les ministres du Roi comme elle l'est dans ceux du culte. A l'inverse, le "sola Scriptura" calviniste se retrouve dans la pratique américaine où la Révélation est dans le texte et où le débat est sanctionné par un magistrat expérimenté.

Affirmer "Patere legem quam ipsi fecisti", c'est dire que la législation n'est plus dans le plaisir du Prince mais dans le but de faire respecter les libertés publiques. Dans ce puritanisme libéral, on légifère peu mais bien. Les réglements sont suffisamment souples et avec peu de contradictions internes (au sens de la logique de Gödel) pour être appliqués dans de nombreuses situations. Pour le reste, le législateur s'en remet à la sagesse des praticiens. Le juge peut ainsi appliquer la Loi avec rigueur sans trop peser sur ses concitoyens.
Cet état d'esprit exclut par exemple les lois mémorielles de par sa confiance envers le jeu de la liberté d'expression qui, au terme d'un débat toujours recommencé, fait jaillir la vérité.

Sommes-nous sortis totalement des mauvaises habitudes de l'Ancien Régime? Telle est la question.

70. Le mercredi 21 mai 2008 à 14:03 par aliocha

@PEB : tiens, tiens, c'est intéressant ce que vous faites observer, cela étant, certaines de vos remarques me paraissent sujettes à débat :

"Dans ce puritanisme libéral, on légifère peu mais bien"

Peu, c'est probable comparé à la France, ce n'est pas pour rien que nous appartenons à la catégorie des pays de droit écrit.
Bien, j'aimerais introduire un bémol. Lorsque les Américains légifèrent, ils le font avec un luxe de détail à rendre fou un juriste français, habitué par tradition à des textes synthétiques qui s'en tiennent aux principes. En revanche, les américains, épris de causuistique, entrent très profondément dans l'application du texte aux mille et unes situations susceptibles de se produire. Le conflit entre les deux traditions apparait bien dans les débats internationaux dès lors qu'il s'agit de rédiger des standards mondiaux, par exemple en matière financière. La France propose 10 pages là où les Etats-Unis n'en envisagent pas moins de 100.

"Les réglements sont suffisamment souples et avec peu de contradictions internes (au sens de la logique de Gödel) pour être appliqués dans de nombreuses situations".

Et pas la loi française ? "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". L'article 1382 du code civil a plus de 200 ans, il a bien dû s'appliquer dans des millions de situations différentes ! J vous défie de trouver un texte aussi succint pour régir pareille matière dans la loi américaine.


"sa confiance envers le jeu de la liberté d'expression qui, au terme d'un débat toujours recommencé, fait jaillir la vérité".

Il me semblait que la quête de la vérité, considérée comme accessible à l'homme, était plutôt le fait du catholicisme, d'où notre procédure inquisitoriale si difficile à faire comprendre à nos amis américains. N'est-ce pas plutôt la théorie la plus convaincante que vise à faire jaillir la procédure que vous évoquez ?

71. Le mercredi 21 mai 2008 à 14:27 par canaille

@ 32 : concernant la famille Mazeaud, je vous précise, cher Eolas, qu'on donne bien naissance à certaines filles.

A paris XII j'avais l'une d'elles en tant que chargée de TD.

Ca rigolait pas !!

72. Le mercredi 21 mai 2008 à 14:40 par Buendia

n° 66 suite :

Notamment car la loi ordinaire, et le droit européen, sont moins sujet à interprétation que les normes de valeurs de constitutionnelles. C'est la logique de la pyramide : le dégré de précision est inversement proportionnel à l'autorité de la norme.
L'ouverture à tout va du contrôle de constitutionnalité va assurément engendrer de bien étranges jurisprudences, ce qui, soit dit en passant, n'est pas pour déplaire aux excellents commentateurs de votre genre.
Pour ce qui est de l'intérêt du justiciable, je ne suis pas sûr que l'on puisse affirmer que le bilan du travail des "gardiens du temple" depuis 1958 mérite de revoir le système.

73. Le mercredi 21 mai 2008 à 14:50 par aliocha

@PEB : je ne connaissais pas Gödel, j'ai donc fait une rapide incursion sur Wikipedia, où j'ai appris que ledit savant lors de sa demande de naturalisation aux US avait détecté des inconsistances logiques dans la constitution américaine qui permettaient en toute légalité de transformer le régime en dictature. Un ami lui conseilla de garder ses observations pour lui. Je trouve l'anecdote piquante, enfin si nous parlons bien du même Kurt Gödel !

74. Le mercredi 21 mai 2008 à 15:36 par PEB

@aliocha: Je pensais aussi à l'Allemagne. Un avocat d'affaire allemand m'avait dit: "Si la loi Française était appliquée en Allemagne, mon pays serait un goulag."

75. Le mercredi 21 mai 2008 à 15:40 par Laure

Dans le domaine de l'anticonstitutionnel, il y a vraiment matière en France. Par exemple, la Sécurité sociale est hors-la-loi, car les ordonnances de 1945 ne respectent pas les formes du droit : ce sont de pures décisions politiques, édictées par un "gouvernement provisoire" sans base élective. Le même "gouvernement provisoire" qui, par la loi du 25 avril 1946, "nationalisait" (c'est-à-dire volait à ses propriétaires, et éventuellement aux contribuables forcés d'indemniser les premiers), les 34 premières sociétés d'assurances en France, tout en imposant une règlementation féroce à l'ensemble des assurances. Quelques jours après, le 5 mai, un référendum a désavoué ces gens-là en rejetant avec 52% de "non" le projet quasi-communiste de constitution qu'ils avaient préparé pour la IVe République.

76. Le mercredi 21 mai 2008 à 15:45 par mad

@ Eolas, Sous 22.
Juste pour être sur, un decret d'application d'une loi inconstitutionnelle pourait'il être attaqué ?
Mon raisonnement est le suivant : puisqu'il existe un contrôle de constitutionnalité des lois, les lois qui sont adoptés définitivement sont présumées être conformes.
Donc, si une disposition est inconstitutionnelle, et que la loi ne l'est pas, c'est donc le décret qui en détermine les modalités d'application qui doit l'être...

A la rédaction, mon raisonnement me parait moins lumineux.

ps: dans votre réponse au 68, votre correcteur d'orthographe semble avoir fait du zèle.

77. Le mercredi 21 mai 2008 à 15:51 par PEB

L'article 1382 du Code Civil, c'était le bon temps de Napoléon. Maintenant on a tendance à faire des lois sur tout et n'importe quoi.

Pour la liberté d'expression, je maintiens ce que je dis: dans le Catholicisme romain, le dépôt de la Révélation est conservé par le Magistère seul capable d'interpréter correctement l'Ecriture et de lire les signes des temps. La très-sainte Inquisition romaine et universelle a été fondée pour poursuivre les opinions dissidentes. Dans nos codes, la procédure inquisitoire consiste à faire sortir, dans le secret, la vérité du crime de l'inculpé comme l'inquisiteur manifestait l'hérésie du suspect.
En revanche, les protestants, affirmant le principe de liberté du croyant face aux textes sacrés, tendent à la vérité par un débat public et contradictoire. Le risque de cette attitude est toutefois un relativisme de la pensée (gender studies, etc.)

PS: C'était bien Kurt Gödel ! ;)

78. Le mercredi 21 mai 2008 à 15:55 par PEB

PS: Dans le cas du respect absolu de la lettre, paradoxalement une extrême précision peut être nécessaire pour ne pas dénaturer la volonté du législateur. D'un autre côté, il faut sans doute plus de temps pour élaborer les textes que chez nous. D'où la casuistique.

79. Le mercredi 21 mai 2008 à 16:05 par PEB

PPS: Je ne suis pas Protestant. Bien au contraire ;)

80. Le mercredi 21 mai 2008 à 17:48 par aliocha

@PEB 77 et 78 : je ne crois pas que la longueur détaillée des lois américaines soit liée au temps de rédaction mais bien davantage à l'appréhension du problème. Nous vivons sur les restes, certes dévoyés mais quand même, d'une approche par les principes, qui nous conduit à fixer un principe général et à laisser ensuite au législateur le soin de l'appliquer aux multiples cas susceptibles de se présenter. Sauf erreur de ma part, la common law part du principe inverse, c'est-à-dire que le juge "découvre" la règle à l'occasion du cas particulier qui lui est soumis. Quand le législateur américain se pique de rédiger, il est enclin naturellement à essayer d'envisager tous les cas de figure.

81. Le mercredi 21 mai 2008 à 17:56 par Pax Romana

@ Aliocha (73)

De grâce, des incohérences, pas des inconsistences, évitons les anglicismes inélégants.

Ceci dit, si vous voulez une constitution qui ne permette pas de transformer le régime en dictature en toute légalité, vous n'êtes pas sorti d'affaire : toute constitution qui permet qu'on la réforme peut, en toute légalité, être amendée pour transformer le régime en dictature...

82. Le mercredi 21 mai 2008 à 18:16 par Neville

Pour en revenir au thème premier du billet :

cf art L.151-1, 1er alinéa, du Code de l'organisation judiciaire ;
cf article L 113-1 du Code de Justice administrative.

Les deux Cours suprêmes ( Cous de Cassation et Conseil d'Etat) peuvent être saisies pour avis par les juges du fond.

Pourquoi dès lors, au gré de la réforme des institutions qu'on nous promet, ne pas étendre ce mécanisme à une saisine du Conseil constitutionnel, pour avis sur la constitutionnalité d'une loi ? Quitte à rendre cet avis obligatoire, ce qui s'appellerait un renvoi préjudiciel (préjudiciel, qu'il ne faut pas confondre avec préjudiciable, signifie qu'une juridiction en interroge une autre quand la solution du litige qui est soumis à la première dépend de la réponse à une question de la compétence exclusive de la seconde).

Cela permettrait une uniformisation du contrôle de constitutionnalité et un filtrage par les juges du fond des exceptions farfelues.

83. Le mercredi 21 mai 2008 à 18:49 par Amy

Merci pour ce billet qui m'a rappelé mes années de jeunesse à la fac (Marbury v/ Madison, la pyramides des normes, etc ...)
D'autres noms me sont revenus en mémoire bien sûr : Niccolo, Jacques Vabre...
Ces arrêts du Conseil d'Etat qui ont reconnu la possibilité d'écarter l'application d'une loi contraire à une norme internationale.
Je n'arrive pas à remettre le nom en revanche sur l'arrêt qui "suggère" la primauté même de certaines normes communautaires ou européennes sur notre constitution. Quelqu'un pourrait-il me rafraîchir la mémoire ?
Dans ce contexte l'admission de l'exception d'inconstitutionnalité ne se heurte à aucune difficulté majeure !
Ma préférence personnelle irait plus à un contrôle de constitutionnalité a posteriori par saisine du Conseil constitutionnel ouverte (sous certaines conditions) aux citoyens...
Quant à l'argument de l'insécurité juridique...il ne peut que nous faire sourire compte tenu de l'inflation normative actuelle...Quelqu'un se serait-il amusé à compter le nombre de réformes du code de procédure pénale ou du code pénal par exemple ?

84. Le mercredi 21 mai 2008 à 19:00 par aliocha

@pax romana : je suis d'accord avec vous, mais l'incident mérite d'être creusé. J'aime bien voir les mathématiciens se pencher sur le droit, c'est toujours intéressant de passer la logique juridique au crible de la logique mathématique, qui sait ? Il avait peut être trouvé un vrai défaut.....d'ailleurs, s'il y a des mathématiciens qui rôdent ici, peut être pourront-ils nous éclairer sur l'incident entre Gödel et la constitution américaine.

85. Le mercredi 21 mai 2008 à 19:55 par Apokrif

"Je pense en particulier au droit Alsaco-Mosellant, légèrement contraire à la constitution"

Vous pensez à la laïcité ?
www.droitconstitutionnel....
www.e-cavej.org/cms/data/...

Le fait que la laïcité soit reconnue comme un PFRLR (du moins par le CE) signifie que l'application des lois relatives à la laïcité a été continue et que, donc, les lois relatives à l'Alsace et à la Moselle ne méconnaissent pas le principe de laïcité...

86. Le mercredi 21 mai 2008 à 20:29 par f3et

aliocha : Je rôde, mais n'est-ce pas une (semi)-légende urbaine ? Des discussions pertinentes sur le Web (par exemple leiterreports.typepad.com... il appert que les failles diagnostiquées par Gödel n'ont rien de subtil, et reposent sur la possibilité d'auto-amendement (amenant schématiquement à ce qu'un amendement annonce qu'il ne sera plus possible de faire d'autres amendements). Mais il n'y a pas là de quoi être spécialement impressionné. Les gens que ce genre de chose intéresse (et, de fait, les juristes, tout particulièrement les constitutionnalistes) auront nettement plus intérêt à se pencher sur un jeu méconnu, Nomic (fr.wikipedia.org/wiki/Nom...

87. Le mercredi 21 mai 2008 à 20:58 par aliocha

@f3et : merci aimable rôdeur ! Etant fondamentalement étrangère aux mathématiques, je suis vite impressionnée par ceux qui maîtrisent cette science. Je vais donc calmer mon enthousiasme, mais je m'inquiète, votre premier lien m'envoie vers le joyeux message "not found" et le deuxième vers "wikipedia connaît pas ce que vous lui demandez"

88. Le mercredi 21 mai 2008 à 21:09 par Apokrif

"wikipedia connaît pas ce que vous lui demandez"

Il y a une parenthèse en trop à la fin de l'adresse (clic droit/copier puis coller pour voir le lien complet):
leiterreports.typepad.com...
fr.wikipedia.org/wiki/Nom...

Le texte de Suber sur l'auto-amendement de la Constitution: www.earlham.edu/~peters/w...

Je crois que Sokal et Bricmont (ainsi que Jean-Yves Girard dans son petit livre sur le sujet) parlent de l'abus des références au théorème de Gödel.

89. Le mercredi 21 mai 2008 à 21:14 par Apokrif

Précisons qu'en France, pour modifier la Constitution, on ne s'embarrasse pas de philosophie: au mieux on jongle entre les articles 11 et 89, au pire l'article 16 permet beaucoup de choses (noter par ailleurs qu'il n'est pas interdit de supprimer le dernier alinéa de l'article 89).

90. Le mercredi 21 mai 2008 à 21:31 par aliocha

@apokrif : impeccable merci !

91. Le mercredi 21 mai 2008 à 23:30 par PEB

La réforme la plus curieuse fut Le Senatus-Consulte organique du 28 floréal an XII comme quoi la République était confiée à un empereur des Français par la Grâce de Dieu et des constitutions de la République...

Dans le même genre, on a eu le principat de notre empereur Auguste, gloire et honneur lui soient rendus, qui, revêtu de la censure et de la puissance tribunicienne, se substitua aux comices et mis le Sénat sous ses divins pieds. Il faut dire que Rome avait déjà précédemment institué la dictature. Ce que la Ville a fait en la moitié d'un millénaire, notre République l'a accompli en moins de quinze ans!

Comme quoi, mieux que l'obscure rue de Montpensier, rien de tel qu'un bon vieux Sénat Conservateur au Luxembourg pour garder les libertés pubiques. (ironique)

92. Le jeudi 22 mai 2008 à 00:27 par ramses

@ 83 Amy

"Je n'arrive pas à remettre le nom en revanche sur l'arrêt qui "suggère" la primauté même de certaines normes communautaires ou européennes sur notre constitution. Quelqu'un pourrait-il me rafraîchir la mémoire ?"

A mon humble avis (je ne suis pas juriste), il me semble que c'est contenu dans les principes du Traité de Rome, instituant la Communauté européenne en 1957.

93. Le jeudi 22 mai 2008 à 00:34 par Pierrot

Cher Maître,

Il est tard et je n'ai le courage de lire les 90 commentaires qui me précèdent, aussi, si quelqu'un aura déjà fait la même remarque que moi, je vous prie de bien vouloir m'excuser.

J'ai lu avec grand intérêt cet article et plus particulièrement celui sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme du 23 janvier 2006. Le sujet m'a beaucoup intéressé et j'ai passé une partie de la soirée à lire la loi et les dispositions du Code de procédure pénale et du Code pénal que je n'avais plus ouvert depuis ma deuxième année de Droit, grand tort m'en fasse. C'est consternant et j'éprouve déjà de la compassion pour le malheureux, celui qui est au mauvais moment au mauvais endroit, qui devra attendre 72 heures avant de pouvoir avoir une entrevue de 30 minutes avec son avocats (article 63-4 CPP), qui pourra être retenu jusqu'à 144 heures (article 706-88) et qui, ironie suprême, ne pourra même pas se voir appliquer l'article 77-2 CPP puisqu'il aura été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête portant sur une infraction de terrorisme. Cet article permettant au gardé à vue qui a été remis en liberté et non poursuivi de demander au Procureur des explications concernant la procédure.

Bref, vous écrivez plus haut :

"La loi antiterroriste de 2005, votée à la quasi unanimité, et qui porte de graves atteintes aux libertés individuelles, n'a pas été soumise au Conseil constitutionnel. Pas plus que la loi du 5 mars 2007 réformant la procédure pénale à la suite de l'affaire d'Outreau. Vous voyez le type de loi qui échappent à tout contrôle."

Or, mes recherches de ce soir m'ont fait tomber sur la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-532DC du 19 janvier 2006, qui il me semble, contrôle la légalité de la dite loi.

C'est encore pire que vous ne le pensiez : il semblerait qu'une telle loi soit parfaitement en accord avec notre Constitution.

94. Le jeudi 22 mai 2008 à 03:16 par ramses

Après avoir longuement réfléchi à tout celà, il me semble quand même qu'un principe de bon sens ne saurait remettre en permanence en question le bien-fondé des Lois... Sinon, ce serait rapidement le b....l organisé, chacun contestant (au regard de ses intérêts particuliers), telle ou telle Loi qui lui serait défavorable...

Les Lois sont ce qu'elles sont, il faut à mon avis faire avec, élever des contestations quand elles sont contournées et s'abstenir quand on est "borderline" (pas au sens "psy" !)

Le peuple n'a pas vocation à devenir législateur.

95. Le jeudi 22 mai 2008 à 06:48 par actualite

C'est tout de meme le peuple qui influence les lois. Et de nos jours, les lois changent en fonctions des hommes politiques qui représente la pensé des citoyens en générale.
Sa me rappele par exemple nicolas sarkozy qui disait " mais non la lois, est comme sa, j'applique la lois" alors que quand on élu président, c'est justement pour changer des choses, et sa peut passer par changé des lois

Il faut toujours se posé des questions sur les lois en vigueur et sans cesse les faire évolué

96. Le jeudi 22 mai 2008 à 10:14 par Pax Romana

@ aliocha (84)

Vous avez mieux qu'un mathématicien rôdant ici pour ce genre de question : votre serviteur est logicien, et s'intéresse d'ailleurs au droit car il s'agit d'un intéressant système de déduction formelle.
Au passage, il n'y a pas de vrai ou de faux défaut : le degré de subtilité d'une assertion n'a aucune incidence sur la valeur de son éventuelle véracité. Quant à l'histoire de Gödel, pour autant qu'on en sache aujourd'hui, il semblerait qu'il ne s'agisse pas d'autre chose que de la possibilité d'amendement, ce qui constitue un système auto-référent, ce qui est souvent une source de paradoxe. Par ailleurs, il me semble vraisemblable que ce soit précisément cet aspect d'auto-référence qui ait pu intéresser Gödel.
En tout cas, si vous avez des questions de logique, n'hésitez pas...

97. Le jeudi 22 mai 2008 à 10:43 par Dhombres

Maître,

Il me semble que le délicat passage "montez dans ce wagon ma bonne Dame" donne droit sans conteste un d'autant plus remarquable qu'il est rare, sous votre plume alerte :

POINT GODWIN !

Fidèlement,

A.D.

98. Le jeudi 22 mai 2008 à 12:31 par Konràd

En gros, l'exception d'inconstitutionnalité se ferait devant le juge par un justiciable.
Les juges judiciaire et administratif sont compétent pour la conventionnalité des lois et non de la constitutionnalité des lois, non?

99. Le jeudi 22 mai 2008 à 13:48 par aliocha

@pax romana : chic alors ! quoique, je suis loin d'être assez savante en ce domaine pour avoir même l'idée de poser une question, fut-elle de Candide :-) J'en ai une qui rode dependant dans ma tête depuis une bonne douzaine d'années. En philosophie du droit, j'ai travaillé à la fac notamment sur les travaux de Chaïm Perelmann que je trouvais très intéressants. Je me suis toujours demandé s'il ne rencontrait d'échos que chez les juristes ou s'il était une figure dans votre spécialité ? pour info, voici un lien vers un article de Marie-Anne Frison-Roche sur la logique formelle et la logique dialectique appliquées au droit :
documents.irevues.inist.f...

100. Le jeudi 22 mai 2008 à 15:38 par silvio

Veiller au respect de la constitution par le Parlement, c'est un très louable, mais qui vérifie le respect de la constitution par le conseil constitutionnel?
En effet, celui-ci a le dernier mot (sauf a modifier une constitution particulièrement rigide) sur le sens que doivent avoir des termes vagues et d'inspiration politique différente, qu'il peut au gré de son vouloir utiliser pour s'opposer à une loi ou préciser son sens, avec ses fameuses réserves d'interprétation...En 71 il a déclaré que le préambule de la constitution avait valeur constitutionnelle, Debré (par l'incapacitaire en droit; le bon juriste, le père) avait en son temps clairement indiqué le contraire - il savait de quoi il parlait, en participant à la rédiger...

Ces critiques peuvent viser facilement le conseil constitutionnel (membres nommés politiquement, pas de condition de connaissance juridique, anciens présidents membres de droit etc.), on peut y inclure le système américain. N'y a-til pas qqchose de faussé dans le principe même du revirement d'une jurisprudence constitutionnelle? en ce qu'il implique que la norme constitutionnelle, que le juge est censé seulement appliquer, varie - non selon son bon vouloir - mais selon son expérience, son vécu, son idée de ce que doit être une société (surtout s'agissant de questions comme l'avortement, la peine de mort, le mariage homosexuel). On m'opposera qu'il y a dans toute fonction juridictionnelle une part évidente de pouvoir d'appréciation. Certes, mais celui-ci doit être encadré, ce n'est pas le cas quand les normes de références sont particulièrement vagues. On m'opposera que le juge civil ou administratif connait des revirements de jurisprudences, que c'est inhérent à sa fonction. C'est exact, mais le législateur peut intervenir, ce n'est en pratique pas le cas s'agissant de la jurisprudence du conseil constitutionnel.

Le Parlement est critiquable, les députés parfois - souvent - médiocres, mais son processus décisionnel est ouvert, la société "civile" informée par le biais des media; ils doivent rendre des comptes le fonctionnement d'une juridiction suprême est par essence opaque.

Je préfère que le dernier mot appartienne à un pouvoir sur lequel je peux éventuellement avoir pression (fût-ce une fois par législature) quand il s'agit d'adopter des normes régissant mon activité.
A étendre l'étendue du contrôle de constitutionnalité et les pouvoirs du juge constitutionnel on affaiblit grandement sa légitimité. Au point que même un juriste "classique" exercant des fonctions juridictionnelles peut tomber dans la critique du "gouvernement des juges".


101. Le jeudi 22 mai 2008 à 18:06 par LeGranKan

"Pierre Mazeaud est une figure de la Ve république. Issu d'une famille de grands juristes (Henri, Léon, Jean, et le petit dernier Denis qui montre que la race est loin de décliner)"

Si je puis me permettre cette remarque qui n'entache en rien votre démonstration, l'emploi du mot "race" est ici plus qu'ambigue...Même si l'on ne peut vous soupçonner de basses pensées (loin de moi cette idée) un Maître (quel horrible mot soi dit en passant) tel que vous aurait pu choisir "engeance" ou tout autre mot moins connoté...Surtout en ces temps troublés

Bien à vous

102. Le jeudi 22 mai 2008 à 18:52 par Yann

Le 19 mai passé, et aucune allusion à saint Yves, patron des avocats...
Un oubli?
Pour ceux intéressés, un nouvel ouvrage en souscription:
Jean-Luc Deuffic, Yvo Haelori. Saint Yves. Pecia, 2008.
Voir à cette adresse:
pagesperso-orange.fr/peci...

103. Le vendredi 23 mai 2008 à 12:07 par PEB

@101: "Race" s'entend ici au sens de famille, ou de gent. On parle dans les livres d'Histoires des trois "races": Mérovingiens (ou première), Carolingiens (ou deuxième) et Capétiens (ou troisième).

104. Le vendredi 23 mai 2008 à 12:22 par Pierrot

N'empêche que la loi antiterroriste a bel et bien été soumise au Conseil constitutionnel...

105. Le vendredi 23 mai 2008 à 17:57 par Pax romana

@ aliocha (99)
Non, il n'est pas très connu chez les logiciens formels, du moins pas autant que chez les philosophes.
À part cela, l'article que vous mettez en lien m'a l'air intéressant, je vous remercie.

106. Le vendredi 23 mai 2008 à 19:02 par Fantômette

@ Sylvio

Il arrive un moment où, tout en haut d'une pyramide d'autorité et de légitimité, il faut sortir de l'idée d'un contrôle par une instance toujours supérieure à l'instance qui la précède, et essayer plutôt de raisonner en terme d'équilibre entre les autorités.

Tout système est perfectible, et le système français parmi les autres, indubitablement.

Un certain équilibre a néanmoins été trouvé. Le conseil constitutionnel n'a pas forcément le dernier mot, puisque le constituant peut modifier la constitution. Elle n'est pas si rigide que cela, et a encore récemment été modifiée sans grand chambardement.

Par ailleurs, plusieurs points de votre commentaire que vous semblez tenir pour acquis ne me paraissent pas si évidents.

D'une part, l'idée selon laquelle les rédacteurs de la constitution en seraient les interprètes naturels. Mieux que cela, ils en détiendraient naturellement la signification véritable. L'idée peut se concevoir, mais elle peut aussi bien être contestée. Il faut du moins être conscient qu'à raisonner ainsi, une Constitution devient - pour le coup - extrêment rigide, insusceptible d'évolution ou d'adaptation.

A jamais dépendante de l'image qu'en avaient ses rédacteurs, au moment où ils l'ont rédigé (pour autant que l'on admette qu'ils en avaient tous la même image, et la même interprétation).

Je n'ai jamais été tentée d'y croire, en ce qui me concerne. Le texte, une fois écrit, est écrit comme il est écrit. Les mots se laisseront interpréter, et les interprétations pourront évoluer. Ce n'est pas grave, c'est même problement une bonne chose, dès lors qu'un contrôle est exercé sur ces interprétations par le biais du constituant lui-même.

Egalement, vous semblez penser que les juges constitutionnels auraient pour fonction "d'appliquer" la constitution. Il ne s'agit pas de cela, ou en tout cas, pas que de cela. Il s'agit d'interpréter la constitution, et il s'agit de veiller à la conformité - ou la compatibilité - des lois à la constitution. Cela va au-delà "d'appliquer".

Et s'ils participent de son application, ils ne sont pas les seuls, mais sont accompagnés de l'ensemble des institutions qui y sont définies : le président de la république, le parlement, le conseil d'état,... Toutes appliquent la constitution par nature, en se exerçant tout simplement la fonction que la constitution a prévu qu'elles devraient exercer, me semble t-il du moins.

Le conseil constitutionnel fait partie de ceux qui "encerclent" les parlementaires. Il est l'un de ceux qui les empêche de "pouvoir tout ce qu'ils veulent", si je puis dire. Vous n'avez pas tout à fait tort de dire que les citoyens le font un peu également. Mais franchement, pour ma part, je suis satisfaite d'avoir un coup de main de ce côté là.

107. Le vendredi 23 mai 2008 à 19:09 par Fantômette

@ Yann

Ah, Saint Yves. Le saint patron de l'image que l'on se fait des avocats, non ? (Je ne l'ai jamais prié d'intercéder avant d'aller plaider une affaire difficile, et jusqu'à présent, ça m'a plutôt réussi.)

108. Le dimanche 25 mai 2008 à 20:34 par Triskael

@eolas, en 22 :

Si une décision d'un loi à mon encontre est anticonstitutionnelle, genre une décision tirée de la loi anti-terroriste anticonstitutionnelle dont vous avez parlez, je peux rien y faire.

Par contre, en tant que citoyen, puis-je demander au Conseil Constitutionnel de vérifier la constitutionnalité de ladite loi ? Ou une telle requête doit obligatoirement passer par un député ?

109. Le dimanche 25 mai 2008 à 22:26 par Fantômette

@ Triskael :

Non, en l'état actuel du droit positif, vous ne pouvez absolument pas demander au conseil constitutionnel de vérifier la constitutionnalité d'une loi, quelle qu'elle soit, qu'elle vous ait été appliquée ou non.

Vous pouvez toujours vous en émouvoir auprès de votre député, mais sachez qu'un seul député n'est pas plus susceptible de saisir le conseil constitutionnel. Il faudra qu'il se trouve 59 copains députés pour le saisir avec lui. Les autres à pouvoir saisir le conseil constitutionnel, sont le président de la république, le premier ministre, le président de l'assemblée nationale, celui du Sénat, et 60 sénateurs.

Enfin, surtout, il y a une limite temporelle pour saisir le conseil constitutionnel : celui-ci doit impérativement être saisi AVANT la promulgation de la loi dont il va vérifier la constitutionnalité.

Donc en fait dans votre hypothèse, il n'y a pas grand chose à faire, la loi anticonstitutionnelle a été promulguée puisqu'elle vous a été appliquée. Il est trop tard pour saisir qui que ce soit.

Bref, en langage clair, you're screwed, my friend.

(Une autre solution consiste à éviter de trainer avec des terroristes, cela dit).

110. Le lundi 26 mai 2008 à 11:25 par silvio

@ Fantomette

Chère Fantomette,

Je suis tout en faveur du système de l’équilibre des pouvoirs ; un tel système ne me semble simplement pas exister en France. Peut-il, en effet, y avoir équilibre dès lors que le juge constitutionnel se reconnaît un pouvoir normatif en ce qu’il crée lui-même les normes dont il assure le respect? J’imagine votre commentaire, « il ne les crée pas, et lui sont préexistantes ». Toutefois, vous reconnaîtrez qu’entre la déclaration de 89, le préambule de 446, les « PPNT », les « PFLR » : l’éventail est pour le moins large.

La mission du Conseil constitutionnel est d’appliquer la constitution en vérifiant la compatibilité d’un texte qui lui est soumis (loi votée, engagement international etc.). À ma connaissance il n’a pas de compétence interprétative autonome, c’est-à-dire qui ne soit pas liée à l’analyse de la compatibilité d’un texte. En d’autres termes, aucun organe de l’état ne peut demander un avis, in abstracto, sur l’interprétation de la constitution au CC. C’est le Conseil d’État qui exercera une telle fonction, il me semble.

Certes, l’application de la constitution implique son interprétation. De là à considérer que l’interprétation de la constitution va jusqu’à la reconnaissance de la valeur constitutionnelle d’une loi votée sous l’empire de la troisième république, au motif que le préambule de ladite constitution se réfère au préambule d’une autre constitution, qui lui-même se réfère à la notion de principe fondamental reconnu par les lois de la république …

Certes, théoriquement, on peut modifier la constitution : pouvez-vous mentionner une exemple de réforme de la constitution postérieure à une invalidation sur le fondement de la violation d’un PFLR ? Par ailleurs où, dans le texte même de la constitution, s’opérerait cette insertion ?

Pour ma part, j’estime que nos amis britanniques obtiennent, sans constitution écrite, un bien meilleur équilibre des pouvoirs entre législatif et judiciaire à travers les notions de lois constitutionnelles « constitutional statutes » et de « constitutional rights ». L’idée est assez simple, certaines lois et principes disposant d’une valeur particulière se voient protégés par une règle d’interprétation conforme. En d’autres termes, le Parlement à l’occasion de l’adoption d’un législation contraire n’est supposé avoir entendu abroger une telle loi ou violé un tel principe, d’où un réinterprétation de la législation contraire. Sauf si le Parlement a clairement marqué son intention d’agir de la sorte en utilisant un langage particulièrement précis. Dans ce cas, le pouvoir judiciaire cédera le pas. Ce système a été institutionnalisé par le fameux Human Rights Act 1998.

111. Le lundi 26 mai 2008 à 13:34 par Triskael

@ Fantômette :

Ok et merci... Même je trouve pas ça très bien, moralement : une loi anticonstitutionnelle existe, et on ne peut rien y faire... -_-"

112. Le mardi 27 mai 2008 à 18:03 par Fantômette

@ Sylvio

D'accord, le conseil constitutionnel est une source de droit, n'ayons pas peur des mots.

Je suis tout de même un peu surprise qu'au nom du principe d'équilibre entre les pouvoirs , vous soyez tout prêt de ne confier au conseil constitutionnel, ce qui serait sans doute une sorte de retour aux sources, la simple tâche d'une relecture formelle des textes législatifs qui lui seraient soumis. Pour ma part, j'aurais tendance à voir dans la tentation d'un tel retrait un risque de déséquilibre assez grand en faveur du pouvoir législatif.

L'idée que le conseil bénéficierait, en l'état du droit positif, d'un déséquilibre en sa faveur entre lui et le pouvoir législatif me semble être erronée. Son action est limitée dans le temps. Il ne peut être saisi que par un nombre restreint de personnes, et en pratique, ce sont d'ailleurs le plus souvent les parlementaires eux-mêmes.

Alors, oui, le coup du bloc de constitutionnalité, ils n'ont pas été nombreux à l'avoir vu venir. Ils n'ont sûrement guère été plus nombreux à prévoir l'enthousiasme avec lequel le conseil constitutionnel allait se laisser griser par sa propre audace, sinon, gageons que l'on y aurait réfléchi à deux fois avant d'ouvrir la porte de ce conseil à une minorité de parlementaires.

Mais voilà, je n'aime guère l'idée que les mots que l'on emploie dans une loi, a fortiori quand on les grave dans le marbre d'une constitution, pourraient avoir été invoqués en vain.

Alors, quand le constituant de 1958, quasiment ivre de droit naturel, balance tout en haut de sa page blanche :

"Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946."

...faut-il penser que les mots lui échappent ? Que ce n'est pas là du Droit, mais du verbiage ? Qu'il ne faut nullement chercher à voir là autre chose qu'une déclaration de principe, destinée à ne produire aucun effet, à rester lettre morte ?

Dans l'intention initiale, d'accord, c'était peut-être le cas. Mais, à vrai dire, a t-on tellement entendu se plaindre parlementaires ou gouvernements de l'existence de tel ou tel droit extrait de la DDHC ou d'un principe quelconque à valeur constitutionnelle ?

Contester que tel ou tel principe avait été violé dans le texte qu'ils avaient voté, d'accord, mais contester le principe même de la relecture de ce texte à l'aune de ce droit, pas que je sache.

Certes (à mon tour de prévoir votre réponse), porter le projet d'extraire de notre droit positif la DDHC de 1789, ou un PFRLR, aurait un prix politique que l'on peut craindre - ou espérer - très lourd.

Précisément. En réalité, il nous serait tout aussi bien possible de mettre là la légitimité de l'action du conseil constitutionnel, dans la légitimité des textes qu'il applique.

Ceci dit, cela ne m'empêche nullement de critiquer les décisions du conseil. Le plus souvent pour n'avoir pas été assez loin dans la contrainte qu'il fait peser sur le pouvoir législatif, je vous le confesse.

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