Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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CIP, un métier d'avenir

Par WK, Conseiller d'Insertion et de Probation (CIP). Fonctionnaire relevant de l'Administration Pénitentiaire, il est l'auxiliaire du Juge d'application des Peines (JAP) et du service de l'exécution des peines du parquet. Il effectue des enquêtes en vue de l'aménagement de peines et suit l'exécution des peines aménagées.


Je suis CIP. Ce n'est pas un métier fort connu du grand public. Laissons la description d'une semaine de travail classique vous mener sur la voie de ce que je suis.

Lundi : de permanence en milieu ouvert[1], je reçois les personnes sortant de l'audience du Tribunal de Grande Instance condamnées à une peine d'emprisonnement avec sursis et une mise à l'épreuve ou à un Travail d'Intérêt Général. Ce jour là, je reçois également les "sortants" de prison qui n'ont pas de suivi, dans un délai de 6 mois après leur libération. Pour finir, je vérifie auprès du Parquet qu'aucune comparution immédiate n'a lieu cette après-midi. A toutes ces personnes, je leur expliquerai leurs droits et leurs devoirs dans le cadre judiciaire.

Mardi : de permanence en milieu fermé, je reçois les nouveaux "arrivants" à l'établissement pénitentiaire dont je dépend. Je m'occupe de prévenir les familles, de leur expliquer les mandats, les parloirs, le dépôt du linge, la peine, etc etc. Je m'occupe également ce jour là des prévenus qui nous ont envoyé un courrier : "prévenir mon avocat que...", "mes papiers ne sont pas à jour..." , "je voudrai participer à l'activité de...", "il faut retrouver mon chien, je n'ai pas de nouvelles depuis mon incarcération...". Bref, du tout venant.

Mercredi : une (voire deux) enquête(s) aménagement de peine sur mon secteur géographique, à ¾ d'heure de route de mon service. Le magistrat qui me mandate, le Juge d'Application des Peine (JAP), veut que je vérifie la faisabilité de l'aménagement de peine demandé. Rentrée, je tape mon rapport, le fait valider par mon chef. L'après-midi, j'ai une réunion partenariale avec au choix : l'ANPE, une association d'insertion, des éducs de tout poil, un lieu de TIG[2], des JAP, la direction de l'établissement pénitentiaire.

Jeudi, Vendredi et parfois Samedi : je reçois mes 165 suivis. 165 personnes à qui il faut que j'explique leur mesure de justice (Sursis Mise à l'Epreuve, TIG et sursis-TIG[3], PSE[4], Libération Conditionnelle[5], Semi-Liberté[6]). 165 personnes qui ne doivent pas récidiver ni manquer au respect de leurs obligations. 165 personnes qui me sont confiées par la Justice et qui doivent, à la fin de leur mesure, seulement aller mieux. Ces 165 personnes, au mieux je les vois tous les mois et demi. Parce que le temps me manque...un peu.

Entre temps, les demandes de rapports tombent : rapports semestriels sur la mesure, rapports d'audience lors d'une nouvelle comparution, rapports d'enquête ceci, rapports d'enquête cela.

S'il y avait un autre jour dans la semaine, je pourrai aussi m'occuper d'un de mes "champ d'intervention transversal" au choix : problématique du logement, maintien des liens familiaux, les ressources d'emploi, l'implantation de la culture en milieu carcéral...

Alors, qui suis-je ? Je suis travailleur social de l'Administration Pénitentiaire. Fonctionnaire de catégorie B+ ou encore Cii (recruté à Bac + 2, mais payé catégorie B). Nous sommes 3000 en France. Nous suivons les quelques 60 000 détenus en plus des 100 000 mesures de milieu ouvert. Nous sommes soumis au devoir de réserve, sans droit de grève. Nous nous sommes mis en mouvement en juin 2008 suite à un retocage indiciaire du revenu de nos supérieurs. Parce que nous avions été oubliés. Encore.

Nous ne sommes plus des Éducateurs depuis 1999, date de la création de notre corps. Nous sommes maintenant des Conseillers d'Insertion et de Probation. Conseiller quoi, insérer comment ? La politique du chiffre nous touche également et rend notre métier incohérent, impossible parfois.

On crie que nous n'arriverons à rien et que la société toute entière en paye les pots cassés. On hurle que nous mettons, au mieux, des pansements sur des jambes de bois bouffées par des termites. Nous étions 1000 devant le ministère en juin dernier, on voulait juste avoir les moyens humains, logistiques et financiers de faire notre métier correctement. Nous avons été accueillis par des CRS. Nous avons eu des 1/30 prélevés sur notre salaire. Parce que nos supérieurs estimaient que lorsque nous dénoncions notre situation nous n'assurions plus le service public. Parce qu'ils sont comme ça, nos supérieurs, ils aiment bien l'ironie.

Nous ne sommes pas connus du grand public et parfois c'est douloureux.
Nous ne sommes pas reconnus par notre ministre et toujours c'est affligeant, frustrant, déprimant.

Merci de m'avoir lue.


Postface d'Eolas : merci à vous et à tous vos collègues. J'ai beaucoup de clients, d'ex-clients devrais-je dire mais je vous pardonne, qui s'en sont sortis grâce à vous. Parce que vous avez cru à ce dossier de libération conditionnelle monté en catastrophe qui a permis à ce père de retrouver ses enfants la veille de Noël. Parce que cette tête à claque qui ne savait que piquer des chéquiers a senti le vent du boulet avant qu'il n'obtienne in extremis une prolongation de délai d'épreuve qui lui a remis les pieds sur terre. Un bon CIP, ça vaut toutes les peines planchers pour lutter contre la récidive.

Notes

[1] Milieu ouvert : les condamnés ne sont pas incarcérés. Milieu fermé : ils le sont.

[2] Travail d'intérêt général, une activité non rémunérée effectuée à titre de peine, assortie d'une peine de prison mise à exécution si le TIG n'est pas effectué dans le délai fixé par le tribunal, 12 mois au maximum.

[3] Le TIG peut assortir une condamnation avec sursis ou être prononcée à titre de peine principale ; les modalités d'exécution varient légèrement, mais là n'est pas le sujet.

[4] Placement sous Surveillance Électronique, le “bracelet électronique”, qui permet de s'assurer que le condamné est présent chez lui aux heures déterminées par le JAP. Une sorte de détention à domicile.

[5] Généralement à mi-peine, le détenu qui présente des gages de réinsertion peut obtenir une libération conditionnelle, très encadrée par le JAP et suivi par un CIP. Il doit avoir un logement, un travail, un bon dossier disciplinaire, etc. Les libérés conditionnels sont ceux qui récidivent le moins.

[6] Régime d'exécution d'une peine d'emprisonnement : le condamné sort dans la journée de l'établissement pénitentiaire pour suivre une formation ou travailler ; il revient dormir en prison le soir. Les semi-libertés sont exécutées dans des établissements spécialisés pour éviter le contact avec les détenus : vous imaginez la source de trafic.

Commentaires

1. Le jeudi 23 octobre 2008 à 09:40 par Muscardin

Efectivement, je ne connaissais pas le métier de CIP.

Pourtant à l'heure où l'on parle autant de la récidive, ce doit être l'un des plus important de la chaîne judiciaire !!!

2. Le jeudi 23 octobre 2008 à 10:15 par Mussipont

Le panorama des problèmes de la Justice n'aurait pas été complet sans un témoignage de CIP, merci WK de l'avoir écrit. Et continuez à y croire!

3. Le jeudi 23 octobre 2008 à 10:21 par karc'hariad

Bravo et courage chère CIP.
Je souhaite de tout coeur que le dialogue que vient (vraissemblablement) d'engager la Garde des Sceaux avec les syndicats pénitentiaires noubliera pas, une fois de plus, ces autres acteurs incontournables de la Justice que sont ceux de votre profession.

4. Le jeudi 23 octobre 2008 à 10:28 par abp

Bonjour. Auditeur interne dans une grande association humanitaire, j'effectue actuellement une mission pour améliorer nos actions notamment celles dans le milieu carcéral. Votre article m'a été d'une grande utilité pour mieux comprendre les circuits actuels et les acteurs majeurs notamment pour les "sortants" .

5. Le jeudi 23 octobre 2008 à 10:32 par Mandet

A travers ce message, je tiens à saluer le travail quotidien des CIP, chevilles ouvrières de la réinsertion, qui reste le seul levier efficace de lutte contre la récidive.

Les millions dépensés dans les structures et les personnels destinés à accueillir toujours plus de détenus (majeurs ou mineurs) pour soutenir la politique répressive de la GDS auraient été tellement plus utiles s’ils avaient été injectés dans votre administration.

Vous avez, WK, au moins un soutien, celui des magistrats (dont je suis) qui croient que la lutte contre la délinquance et contre la récidive en particulier passe par la réinsertion et donc par votre travail passionné et passionnant.

6. Le jeudi 23 octobre 2008 à 11:36 par AASJ

J'ai côtoyé des CIP lors d'une affectation dans un service JAP (nous partagions les mêmes locaux) et j'ai donc été également confronté à tous leurs "clients", à leur famille, mais aussi à leurs victimes qui attendent sur leur indemnisation... Parce que ce qui n'a pas été dit c'est que cette indemnisation peut être mise en place et organisée par le JAP et bien sûr suivie par le CIP (une charge de plus à leur mission principale de réinsertion !) J'ai également dû faire avec les comportements parfois violents - dans les paroles sinon dans les comportements - de certains de leurs "clients" (fort heureusement minoritaires !) et contre lesquels notre "parade" consistait à regrouper les quelques hommes du JAP et du SPIP - puisque les effectifs de la justice sont majoritairement féminins - avec une mine peu avenante (oserai je parler de "porte de prison"?) dans le bureau du CIP concerné pour dissuader le "client" de dépasser les mots et d'en venir aux gestes... Eh oui, les CIP doivent également assurer leur propre service d'ordre !

7. Le jeudi 23 octobre 2008 à 12:00 par Loop

Merci pour ce témoignage, je ne connaissais pas ce métier, qui subit les manques de moyens et de reconnaissance ! c'est vraiment consternant que la réinsertion soit à ce point privée de moyens !
courage aux CIP !

8. Le jeudi 23 octobre 2008 à 13:36 par hatonjan

J'ai relevé une petite incohérence vous dites : "Nous sommes soumis au devoir de réserve, sans droit de grève". Devoir de réserve, ceci est normal, comme tout fonctionnaire, mais sans droit de grève, cela m'étonne un peu, alors que vous dites avoir manifesté et avoir eu pour ceci un retrait sur solde. De plus en lisant votre statut, certes en diagonal, je ne l'ai pas vu. Pourriez vous m'en dire plus?

9. Le jeudi 23 octobre 2008 à 15:59 par lea

Comment peut-on devenir CIP? Par concours externe?

10. Le jeudi 23 octobre 2008 à 19:10 par Emilie aka WK, CIP

@8 Oui, nous n'avons pas le droit de grève, nous sommes soumis à un statut spécial, comme les autres personnels pénitentiaires. Nous avons donc manifesté sur un jour de congés. Si notre mouvement ("grève" du zèle) nous a occasionné des 1/30èmes sur notre salaire (autant de jours en mouvement, autant de 1/30ème prélevés), c'est aussi à cause de ce statut. Statut qui nous vient, me semble-t-il, de l'époque de la Guerre d'Algérie et donc de la nécessité de maintenir les prisons sécurisées:

"Le statut très spécial des personnels pénitentiaires
En qualité de fonctionnaires de l’Etat, les personnels sont d’abord soumis au statut général de sécurité publique, qui implique que les agents qui y participent supportent certaines contraintes particulières et bénéficient en contrepartie d’avantages spécifiques, les personnels sont aussi régis par un statut spécial qui déroge sur certains points au statut général de la fonction publique. [...] S’agissant des personnels de l’administration pénitentiaire, la nature très particulière des missions de sécurité publique qui sont les leurs a conduit à renforcer l’obligation s’assurer un service effectif permanent en leur interdisant l’exercice du droit de grève. [...] En dehors même du service, le devoir de réserve est l’obligation faite au fonctionnaire de ne pas tenir des propos ou adopter une attitude qui puissent faire douter de son aptitude à exercer les fonctions qui lui sont confiées ou jeter le discrédit que son administration. Par exemple, un fonctionnaire qui prend publiquement position contre la politique gouvernementale, alors qu’il n’est investi d’aucun mandat politique ou syndical, commet un manquement à l’obligation de réserve passible de sanction disciplinaire.

Mémento des droits et obligations des personnels pénitentiaires, Direction de l’administration pénitentiaire, ministère de la justice, 1998"

@9 C'est effectivement un concours externe de la fonction publique, catégorie B, Bac+2. Concours avec des épreuves classiques (écrits = dissertation culture générale + note de synthèse, oraux = oral de culture générale + entretien individuel). Malheureusement, pour l'instant, aucun recrutement n'est annoncé pour 2009. Mais cela vaut le coup de se tenir informé sur le site du Ministère.

@tous : merci, 1000 fois merci. C'est si rare que l'on nous reconnaisse ne serait-ce qu'utiles. A tout mes collègues intervenant dans ce doux monde de la Justice : les professionnels, les fonctionnaires, les partenaires, les bénévoles... Répétez vous ce que je me dis chaque jour que Mme la Garde des Sceaux fait :"à chaque jour suffit sa peine, en sauvez un, c'est nous sauver tous".

11. Le jeudi 23 octobre 2008 à 20:31 par hatonjan

Merci chère Emilie pour cette précision. Bon courage à vous ! Dites vous que le salue viens des personnes que vous aidez, pas de la place Vendôme. Par contre, il me semblait qu'il y avait aussi un concours interne pour les CIP, mais là encore je me remets à votre savoir !

12. Le jeudi 23 octobre 2008 à 23:11 par Emilie aka WK, CIP

@11 Alors effectivement, après réflexion, on peut arriver par voie interne au concours. Par contre, je ne voudrai pas dire de bêtise sur le nombre d'années requises dans l'Administration pour passer le concours. Me semble que c'est 4 années (à vérifier sur www.metiers.justice.gouv.... On peut également intégrer notre corps par voie de détachement, lorsque l'on est assistante sociale ou éduc spé dans le secteur public. J'ai par exemple dans mon service une assistante sociale du conseil général et un éduc spé de l'Aide Sociale à l'Enfance (service géré avant par la DDASS).
Pour ma hiérarchie vous avez :
CSIP = chef de service (interne, corps voué apparemment à disparaître et à intégrer le corps des DIP)
DIP = directeur [local] du service (interne + ouvert cette année à l'externe pour la 1ère fois)
DSPIP = directeur départemental du service (nomination)
DI = directeur interregional (nomination)
DAP = directeur de l'administration pénitentiaire (nomination)
Garde des Sceaux = (...)

Voilà.

13. Le vendredi 24 octobre 2008 à 00:04 par La Girafe

Ancienne Jap, je vous remercie de votre témoignage qui fait mieux connaître votre métier. J'ai observé votre mouvement, l'ai moralement soutenu et, je me suis souvenu... Je me suis souvenu de ces CIP qui ont "tiré par le haut" tellement de condamnés. Merci en particulier à M. S..., qui a soutenu M. L..., condamné, à la rue, totalement désinséré. Il lui a fait faire un travail d'intérêt général qui fut une véritable révélation. M. L... a donné tellement satisfaction qu'il a été embauché, et maintenant, c'est lui qui dans sa commune, encadre les travaux d'intérêt général. Merci à tous ceux à qui j'ai confié tellement d'enquêtes en aménagement de peine que je me suis demandé comment ils allaient y arriver. Merci à ceux qui n'ont perdu de vue, ni leur mission de contrôle, ni leur mission de réinsertion malgré la masse de dossiers. CIP, c'est un métier inconnu, mal reconnu, et pourtant, ce sont eux qui donent tout leur sens au mot "réinsertion".

14. Le vendredi 24 octobre 2008 à 05:29 par Véronique

Mais pourquoi, cher CIP, dans votre témoignage, vous n'utilisez pas, par exemple, le mot de prison.

" Lundi : de permanence en milieu ouvert..."

" Mardi : de permanence en milieu fermé..."

" Jeudi, Vendredi et parfois Samedi : je reçois mes 165 suivis. 165 personnes à qui il faut que j'explique leur mesure de justice (Sursis Mise à l'Epreuve, TIG et sursis-TIG[3], PSE[4], Libération Conditionnelle[5], Semi-Liberté[6]). 165 personnes qui ne doivent pas récidiver ni manquer au respect de leurs obligations. 165 personnes qui me sont confiées par la Justice et qui doivent, à la fin de leur mesure, seulement aller mieux..."

Non. Ces 165 personnes ne doivent pas "seulement aller mieux".

Un délit n'est pas, généralement, une maladie. Et la prison n'est pas, généralement, un centre de soins.

Par ailleurs, comment se fait-il que ce soit à vous (CIP) d'expliquer aux condamnés la signification " des mesures de justice " qui est d’abord une sanction ? Et puis pourquoi avez-vous peur des mots comme celui de condamnation, de répression et de sanction ?

Votre billet, que j'ai beaucoup apprécié, est également à mon avis assez révélateur d'un malentendu et du décalage entre la société (l'opinion, si vous préférez) et les professionnels judiciaires. Les vocabulaires des uns ne s’ajustent pas aux vocabulaires des autres.

Oui, indéniablement, il est absurde de suivre 165 personnes en trois jours: "165 personnes qui ne doivent pas récidiver ni manquer au respect de leurs obligations. "

" CIP, c'est un métier inconnu, mal reconnu, et pourtant, ce sont eux qui donnent tout leur sens au mot "réinsertion". "

Non.

Dans votre billet, où est la société " civile " ? Je veux dire la société autre que celle de culture judiciaire ou sociale. C'est elle, en premier, qui réinsère ou pas.

Vous ne pensez pas ?


15. Le vendredi 24 octobre 2008 à 09:09 par Emilie, CIP

Véronique,
Tout d'abord, laissez moi vous répondre que peut être ce billet écrit en 5 minutes ne reflète pas toute l'immense étendue de mon vocabulaire :) Il est vrai cependant que je n'utilise pas certains mots. Consciemment ou non. Quelques exemples arrivent.
Pour tout vous dire, quand je parle, quelque soit la personne en face de moi, j'utilise plutôt le mot "taule" ou "maison d'arrêt" ou "centre de détention". Que ce soit à l'écrit ou à l'oral, je n'utilise que rarement le mot "prison" parce que c'est un terme générique qui ne décrit pas assez précisément l'établissement pénitentiaire dans lequel j'officie.
Si je n'utilise jamais également les termes "répression et sanction", c'est parce que (je pense) je ne viens pas du Droit, contrairement à 70% des personnes de ma promo. Je ne suis pas une professionnelle judiciaire. Si l'on me pose des questions de Droit, je renvoie vers les avocats, ces gens admirables qui comprennent le principe et les exceptions de la confusion de peines, par exemple. Qui me l'ont expliqué 100 fois. Et que je n'ai toujours pas compris.

Ce n'est pas à "moi" d'expliquer les condamnations (ah !). C'est à tout le monde. Si je réexplique la condamnation à mes "gars" (vocable inadapté également, car j'ai aussi des "nanas") c'est parce qu'à l'audience, ils n'ont pas tout compris. Parce qu'ils n'étaient pas forcément dans l'état d'esprit nécessaire pour tout ingurgiter, parce qu'une audience, ça peut aller très vite, parce que l'acoustique est parfois déplorable, parce que le vocabulaire, déjà lui, est souvent inadapté.
Je leur explique aussi parce que, quelque soit la durée du suivi (de 12 mois à 3 ans pour un SME) ou très ponctuel pour un TIG en milieu ouvert (où je suis 80% de mon temps) j'aime bien que les personnes comprennent pourquoi ils sont dans mon bureau et surtout qu'ils l'acceptent. Ca fait partie de mon travail, ça a même un nom : le sens de la peine.
Vous me demandez où est la société civile. Je pense qu'elle est dans tous les billets que vous venez de lire. Je ne vois pas comment vous le dire autrement. Derrière chaque acteur de la justice il y a un civil, derrière chaque probationnaire ou détenu, il y a un civil. Mes gars ne sont pas en dehors de la société civile. Pour tout vous dire, mes gars, ils sont surtout en milieu ouvert.

Ce qui aide à la réinsertion ? Une famille, un travail, des soins si nécessaire. Mais surtout la volonté de la personne à changer.
Si je dis que mes 165 gars doivent surtout aller mieux, c'est parce que je crois, dur comme fer, qu'un délinquant malheureux et instable récidive plus facilement.

J'espère que cela répond à vos remarques.

16. Le vendredi 24 octobre 2008 à 09:23 par Christophe

@Véronique : les CIP font un travail qui permet la réinsertion des personnes incarcérées. Ce n'est pas sujet à débat, c'est le but de leur profession. Permettre un suivi humain, et améliorer le quotidien, en vue de préparer la sortie.

Le milieu carcéral est extrêmement infantilisant. Passez vos journées à suivre un emploi du temps immuable, sans avoir rien à gérer sinon un peu d'argent de poche et vous verrez à quelle vitesse les capacités de trouver sa place en société devient difficile.

Les anecdotes ne manquent pas pour illustrer combien sortir de prison est une épreuve. Tel détenu depuis 10 ans qui n'a jamais trouvé la gare pour rentrer chez lui, tel autre est paumé devant un téléphone portable, tel autre est devenu presque analphabète et ne peut plus écrire son nom. Certains ne connaissent pas leur droite ou leur gauche et ne sauront pas suivre une direction.

On ne peut pas accepter que les détenus sortent de prison dans un plus mauvais état qu'avant d'y entrer. Les CIP ont ce rôle. En mettant en place des activités, en préparant un suivi personnalisé, en aidant à l'écriture du courrier, à garder contact avec l'extérieur, en combattant l'illetrisme, en nous les confiant, au Genepi quand j'y bossais, pour ceux qui veulent faire des études.
www.genepi.fr/

C'est un très beau travail que celui de CIP.

17. Le vendredi 24 octobre 2008 à 12:01 par Véronique

@ Emilie

" Si je réexplique la condamnation à mes "gars" (vocable inadapté également, car j'ai aussi des "nanas") c'est parce qu'à l'audience, ils n'ont pas tout compris. Parce qu'ils n'étaient pas forcément dans l'état d'esprit nécessaire pour tout ingurgiter, parce qu'une audience, ça peut aller très vite, parce que l'acoustique est parfois déplorable, parce que le vocabulaire, déjà lui, est souvent inadapté.
.
Je pensais, sûrement sottement, que l'avocat, par exemple, peut également se donner la peine d'expliquer à des condamnés la nature de leur condamnation. Non ?

@ Christophe

" les CIP font un travail qui permet la réinsertion des personnes incarcérées. Ce n'est pas sujet à débat, c'est le but de leur profession. Permettre un suivi humain, et améliorer le quotidien, en vue de préparer la sortie. "

Mais enfin, qui vous parle de contester le travail que fait Emilie ?

Je pense juste que des personnes incarcérées sont aussi des détenus condamnés. Utiliser le mot prison, sanction ou condamation n'est pas leur faire injure.

" Le milieu carcéral est extrêmement infantilisant. "

Je pense que la prison peut être d'autant plus infantilisante quand les professionnels n'appellent pas les choses par leurs noms.


18. Le vendredi 24 octobre 2008 à 13:03 par Emilie, CIP

@Veronique "Je pensais, sûrement sottement, que l'avocat, par exemple, peut également se donner la peine d'expliquer à des condamnés la nature de leur condamnation. Non ?"

Ils le font sûrement. Ou peut être pas tous. Mais là n'est pas la question car lors du 1er entretien je dois m'assurer que mes gars ont bien compris tout ce que cela implique : l'obligation de soins, l'interdiction de sortir du territoire, exemples parmi tant d'autres. Et je suis l'artisan du suivi (le JAP le maître d'oeuvre). J'explique donc comment cela va se passer. Aussi simple que cela.

"Je pense juste que des personnes incarcérées sont aussi des détenus condamnés. Utiliser le mot prison, sanction ou condamation n'est pas leur faire injure."

Je ne suis en milieu fermé (pour ma part) que les personnes prévenues. Qui ne sont donc pas condamnés. 4 autres de mes collègues suivent les personnes condamnées. En milieu ouvert, je parle de condamnation puisque mes gars sont condamnés.

"Je pense que la prison peut être d'autant plus infantilisante quand les professionnels n'appellent pas les choses par leurs noms".
Je ne suis pas sûre que vous soyez à votre place pour juger du vocabulaire "professionnel" que j'utilise et de son impact ou non sur la population sous main de justice. Vocabulaire qui différe parfois selon que je l'utilise avec mes gars, avec des professionnels de la santé, avec des magistrats, avec les familles des détenus etc etc. Ou avec les lecteurs d'un blog.
Ce que vous devez comprendre, c'est que certains comprennent "je vais demander la révocation du sursis afférent à votre mise à l'épreuve car vous ne faites pas les efforts nécessaires pour respecter votre obligation de soins ".
tandis que d'autres ne comprennent que lorsque je dis "si ça s'arrange pas, je demande au juge de vous mettre en taule parce que là vous tirez trop sur la corde."
J'adapte mon discours en fonction de qui j'ai en face de moi, bien sûr. Mais un milieu ouvert et un milieu fermé restent ce qu'ils sont c'est à dire du jargon professionnel utilisés avec les collègues.
Encore une fois, ce sont de réelles expressions, qui apparaissent dans les circulaires qui régissent notre métier ; pas de la pâte à la guimauve parce que nous avons peur de dire "prison". Si nous avions peur de ce mot, nous ne ferions pas partie de l'administration pénitentiaire.

En espérant que ces éclairages éclairent,
cordialement

19. Le vendredi 24 octobre 2008 à 15:34 par Véronique

@ Emilie

" Je ne suis pas sûre que vous soyez à votre place pour juger du vocabulaire "professionnel" que j'utilise et de son impact ou non sur la population sous main de justice."

En deux mots.

Je pense très sérieusement, Emilie, que la population " sous main de justice " qui vient d'être condamnée par la main de la justice est en droit d'avoir une explication claire et accessible de ce que signifie sa condamnation, au moment ou celle-ci est prononcée.

maitre-eolas.fr/2008/10/2...

Je mets en lien ce billet que j'ai beaucoup apprécié, extrait des billets : Magistrats en colère.

C'est à l'avocat de ré expliquer, si besoin est.

Par ailleurs, cette population "sous main de justice" peut comprendre le mot de sanction, de prison, de condamnation, de réinsertion ou d'insertion et de probation.

Par ailleurs si votre gars comprend le mot taule, il est à même de comprendre et d’utiliser le mot prison, incarcération, détention.

Ne le sous-estimez pas.

Enfin, écrire un billet c'est de toute façon s'exposer à être remis en question.

Vous nous dites que votre métier n'est pas connu du public. Efforcez-vous en premier de décrire votre profession sans un recours mécanique à des sigles.

Et n'ayez pas peur, par exemple, des mots prison ou probation. Vos lecteurs en connaissent la signification.

Pour finir, honnêtement, je pense que vos travaux du lundi et du mardi ne sont pas, à mon avis, et peut-être à tort, des tâches qui sont celles de l'idée que je me fais du travail d'un CIP.

Et puis.

" Pour ma hiérarchie vous avez :
CSIP = chef de service (interne, corps voué apparemment à disparaître et à intégrer le corps des DIP)
DIP = directeur [local] du service (interne + ouvert cette année à l'externe pour la 1ère fois)
DSPIP = directeur départemental du service (nomination)
DI = directeur interrégional (nomination)
DAP = directeur de l'administration pénitentiaire (nomination)
Garde des Sceaux = (...)" (Votre réponse - post 12)

Franchement, il y a besoin de tout ça en hiérarchie pour immobiliser la boutique ? Les 3 premiers (DSPIP, DI, DAP), ben, moi je serais tentée de les affecter à des travaux plus dynamiques. Non ?

Très cordialement.

20. Le vendredi 24 octobre 2008 à 15:35 par Véronique

@ Emilie

" Je ne suis pas sûre que vous soyez à votre place pour juger du vocabulaire "professionnel" que j'utilise et de son impact ou non sur la population sous main de justice."

En deux mots.

Je pense très sérieusement, Emilie, que la population " sous main de justice " qui vient d'être condamnée par la main de la justice est en droit d'avoir une explication claire et accessible de ce que signifie sa condamnation, au moment ou celle-ci est prononcée.

maitre-eolas.fr/2008/10/2...

Je mets en lien ce billet que j'ai beaucoup apprécié, extrait des billets : Magistrats en colère.

C'est à l'avocat de ré expliquer, si besoin est.

Par ailleurs, cette population "sous main de justice" peut comprendre le mot de sanction, de prison, de condamnation, de réinsertion ou d'insertion et de probation.

Par ailleurs si votre gars comprend le mot taule, il est à même de comprendre et d’utiliser le mot prison, incarcération, détention.

Ne le sous-estimez pas.

Enfin, écrire un billet c'est de toute façon s'exposer à être remis en question.

Vous nous dites que votre métier n'est pas connu du public. Efforcez-vous en premier de décrire votre profession sans un recours mécanique à des sigles.

Et n'ayez pas peur, par exemple, des mots prison ou probation. Vos lecteurs en connaissent la signification.

Pour finir, honnêtement, je pense que vos travaux du lundi et du mardi ne sont pas, à mon avis, et peut-être à tort, des tâches qui sont celles de l'idée que je me fais du travail d'un CIP.

Et puis.

" Pour ma hiérarchie vous avez :
CSIP = chef de service (interne, corps voué apparemment à disparaître et à intégrer le corps des DIP)
DIP = directeur [local] du service (interne + ouvert cette année à l'externe pour la 1ère fois)
DSPIP = directeur départemental du service (nomination)
DI = directeur interrégional (nomination)
DAP = directeur de l'administration pénitentiaire (nomination)
Garde des Sceaux = (...)" (Votre réponse - post 12)

Franchement, il y a besoin de tout ça en hiérarchie pour immobiliser la boutique ? Les 3 premiers (DSPIP, DI, DAP), ben, moi je serais tentée de les affecter à des travaux plus dynamiques. Non ?

Très cordialement.

21. Le vendredi 24 octobre 2008 à 15:38 par Véronique

@ Emilie

" Je ne suis pas sûre que vous soyez à votre place pour juger du vocabulaire "professionnel" que j'utilise et de son impact ou non sur la population sous main de justice."

En deux mots.

Je pense très sérieusement, Emilie, que la population " sous main de justice " qui vient d'être condamnée par la main de la justice est en droit d'avoir une explication claire et accessible de ce que signifie sa condamnation, au moment ou celle-ci est prononcée.

maitre-eolas.fr/2008/10/2...

Je mets en lien ce billet que j'ai beaucoup apprécié, extrait des billets : Magistrats en colère.

C'est à l'avocat de ré expliquer, si besoin est.

Par ailleurs, cette population "sous main de justice" peut comprendre le mot de sanction, de prison, de condamnation, de réinsertion ou d'insertion et de probation.

Par ailleurs si votre gars comprend le mot taule, il est à même de comprendre et d’utiliser le mot prison, incarcération, détention.

Ne le sous-estimez pas.

Enfin, écrire un billet c'est de toute façon s'exposer à être remis en question.

Vous nous dites que votre métier n'est pas connu du public. Efforcez-vous en premier de décrire votre profession sans un recours mécanique à des sigles.

Et n'ayez pas peur, par exemple, des mots prison ou probation. Vos lecteurs en connaissent la signification.

Pour finir, honnêtement, je pense que vos travaux du lundi et du mardi ne sont pas, à mon avis, et peut-être à tort, des tâches qui sont celles de l'idée que je me fais du travail d'un CIP.

Et puis.

" Pour ma hiérarchie vous avez :
CSIP = chef de service (interne, corps voué apparemment à disparaître et à intégrer le corps des DIP)
DIP = directeur [local] du service (interne + ouvert cette année à l'externe pour la 1ère fois)
DSPIP = directeur départemental du service (nomination)
DI = directeur interrégional (nomination)
DAP = directeur de l'administration pénitentiaire (nomination)
Garde des Sceaux = (...)" (Votre réponse - post 12)

Franchement, il y a besoin de tout ça en hiérarchie pour immobiliser la boutique ? Les 3 premiers (DSPIP, DI, DAP), ben, moi je serais tentée de les affecter à des travaux plus dynamiques. Non ?

Très cordialement.

22. Le vendredi 24 octobre 2008 à 15:51 par Cippette un coup t'es tout pâle

@ Véronique

Pouvez-vous, s'il vous plaît très chère Véronique, nous dire, brièvement, quel est l'état de vos connaissances en matière pénitentiaire et quels sont les fondements de votre regard qui me semble si critique sur les missions, les objectifs et les moyens du métier de Conseiller d'Insertion et de Probation ?

Respectueusement.

23. Le vendredi 24 octobre 2008 à 18:00 par Emilie, CIP

@Veronique, j'apprécie l'intérêt que vous portez à mon métier. Je vais donc tenter de vous le réexpliquer (comme quoi, expliquer plusieurs fois n'est pas forcément un mal).

Lorsqu'une personne est condamnée au passage en audience à un Sursis assorti d'une Mise à l'Epreuve, son avocat lui explique ce que cela veut dire. Ensuite, la personne est convoquée devant le JAP qui lui notifie les obligations afférentes au SME. Enfin, cette personne est convoquée à mon service et nous lui ré-expliquons tout. Je ne dis pas que l'avocat n'est pas dans son rôle de le faire ni le JAP. Je dis juste que c'est également le mien. Je pense aussi que c'est (la plupart du temps, ne généralisons pas) lorsque le suivi devient concret qu'il est plus facile à comprendre. Il serait d'ailleurs un peu fort de café d'initier un suivi de 3 ans avec une personne sans que je lui dise exactement ce que la Justice attend d'elle, ne pensez-vous pas ?
Car après tout, c'est sur la base de cette compréhension de la personne des attentes que je peux demander une prolongation, un entretien de recadrage avec le JAP voire une révocation de la mesure. Parce que figurez-vous, il y a des personnes, même après avoir vu autant d'interlocuteurs, qui ne comprennent pas.

"Vous nous dites que votre métier n'est pas connu du public. Efforcez-vous en premier de décrire votre profession sans un recours mécanique à des sigles."
Si j'avais voulu écrire des sigles incompréhensibles du public afin de m'enfermer dans une tour d'ivoire protégée par de la Concertina*, j'aurai probablement écrit : MO / MF / PPSMJ / MA / entretien BEX

"Et n'ayez pas peur, par exemple, des mots prison ou probation. Vos lecteurs en connaissent la signification."
Je n'ai pas "peur" des mots prison et probation. Je trouve le 1er beaucoup trop générique et donc peu satisfaisant, un mot fourre-tout, presqu'autant que l'établissement pénitentiaire qu'il décrit mais c'est une autre histoire. Quant à probation, mon Dieu, je ne l'écris que lorsque je dis ma fonction (c'est le P de CIP) mais j'avoue l'utiliser rarement dans une phrase. Laquelle ? "Monsieur, bonjour, passons maintenant à la probation?"

Je pense que vous vous faites une vision un peu idyllique de notre côté "travailleur social". Nous sommes avant tout de la Pénitentiaire. Je considère pour ma part (mais cela n'engage que moi) que c'est par la probation que nous (ré)insérons. Pour être plus claire, que c'est grâce à ce cadre très serré de la mesure judiciaire qu'il est possible pour certaines personnes de réinvestir la fameuse société civile dont vous parliez et de redevenir un citoyen qui respecte ses devoirs et de voir ses droits respectés.

"Pour finir, honnêtement, je pense que vos travaux du lundi et du mardi ne sont pas, à mon avis, et peut-être à tort, des tâches qui sont celles de l'idée que je me fais du travail d'un CIP."
Eh bien, vous vous en faites sûrement une idée fausse. C'est juste notre cœur de métier, l'accueil et le suivi des personnes placées sous main de justice (encore une expression issue du code de procédure pénale).


Quant à ma hiérarchie, si elle peut me sembler lourde par moment, elle l'est physiquement assez peu. Il n'existe qu'une Garde des Sceaux, qu'un DAP, dix DI et autant de DSPIP que de départements pour les cadres sup, dans toute la France (Dom compris). Quant aux deux autres
"chefs", je n'aurai qu'un chef de service local à déplorer si je n'étais pas dans un SPIP situé au siège du département. Le DIP fait fonction d'adjoint du DSPIP ou fonction de chef de service lorsqu'il n'y en a pas.
Sachez également qu'avant 1999 et la création des SPIP, nous étions chapeautés par les JAP en milieu ouvert et les directeurs d'établissement en milieu fermé. Il a donc fallu créer toute une hiérarchie pour qu'elle devienne l'interlocutrice adéquate des magistrats et des directeurs d'établissement.
La hiérarchie se justifie aussi tout simplement dans son existence par le déroulement de carrière qu'elle nous offre.

Pour finir, si mon discours semble parfois manquer de patience, sachez que je vous demande de m'en excuser. D'une, je n'ai effectivement pas l'habitude de justifier mon métier autrement qu'en face de Roger, PMU, 3 grammes. De deux, j'ai une semaine dans les pattes et demain matin je reçois 13 de mes gars qui ne peuvent pas se déplacer en semaine à cause d'une activité professionnelle chronophage. De trois, j'avoue que de lire qu'éventuellement je sous-estime mes gars a tendance à légèrement faire friser les poils du nez. Sauf que je sais que vous ne faites pas mon métier et que donc vous ne pouvez pas tout intégrer. Je ne vous en tiendrai donc pas rigueur.

Cordialement,

*www.lippi.fr/FR/produits/...

24. Le vendredi 24 octobre 2008 à 18:40 par Armand

Bonjour Emilie,

Pourriez vous expliquer pourquoi on vous a retire 1/30eme de salaire pour une "greve" intervenue pendant vos conges et non votre temps de travail ?

Tres cordialement

25. Le vendredi 24 octobre 2008 à 19:08 par Emilie, CIP

@Armand

Ce n'était pas pour la manifestation de juin, parce qu'effectivement, nous avions pris un congés pour nous y rendre. C'était pour la "grève" du zèle et l'arrêt de certaines activités au sein du service qui selon notre directrice départementale nuisait au service public et donc justifiait un retrait de salaire. Pêle-mêle, nous :
- étions muets en réunion de service
- ne faisions plus rien en dehors des heures d'ouverture du service (9h-12h / 14h - 17h)
- ne transmettions plus les rapports à la juridiction que sur réquisition écrite de celle-ci
- ne remplissions plus notre logiciel (qui permet surtout l'établissement de statistiques chères à la hiérarchie)
- n'assistions plus aux réunions partenariales, laissant nos chefs s'en occuper
- ne nous occupions plus des champs d'intervention transversaux
- ne faisions plus d'heures supplémentaires
- n'utilisions plus nos véhicules personnels pour des besoins professionnels (pour les enquêtes notamment) et demandions systématiquement à bénéficier du seul véhicule de service du département, véhicule qui est bizarrement surtout un véhicule de fonction

Bref, nous ne faisions qu'accueillir notre public et remplir les dossiers à la main.

@ Véronique : je vous ai répondu mais le serveur se noie dans la salade de petits pois. Par peur d'avoir déjà posté cette réponse 15 fois, je m'en abstient sur ce poste et retenterai plus tard !

26. Le vendredi 24 octobre 2008 à 19:35 par Emilie, CIP

@Veronique, j'apprécie l'intérêt que vous portez à mon métier. Je vais donc tenter de vous le réexpliquer (comme quoi, expliquer plusieurs fois n'est pas forcément un mal).

Lorsqu'une personne est condamnée au passage en audience à un Sursis assorti d'une Mise à l'Epreuve, son avocat lui explique ce que cela veut dire. Ensuite, la personne est convoquée devant le JAP qui lui notifie les obligations afférentes au SME. Enfin, cette personne est convoquée à mon service et nous lui ré-expliquons tout. Je ne dis pas que l'avocat n'est pas dans son rôle de le faire ni le JAP. Je dis juste que c'est également le mien. Je pense aussi que c'est (la plupart du temps, ne généralisons pas) lorsque le suivi devient concret qu'il est plus facile à comprendre. Il serait d'ailleurs un peu fort de café d'initier un suivi de 3 ans avec une personne sans que je lui dise exactement ce que la Justice attend d'elle, ne pensez-vous pas ?
Car après tout, c'est sur la base de cette compréhension de la personne des attentes que je peux demander une prolongation, un entretien de recadrage avec le JAP voire une révocation de la mesure. Parce que figurez-vous, il y a des personnes, même après avoir vu autant d'interlocuteurs, qui ne comprennent pas.

"Vous nous dites que votre métier n'est pas connu du public. Efforcez-vous en premier de décrire votre profession sans un recours mécanique à des sigles."
Si j'avais voulu écrire des sigles incompréhensibles du public afin de m'enfermer dans une tour d'ivoire protégée par de la Concertina*, j'aurai probablement écrit : MO / MF / PPSMJ / MA / entretien BEX

"Et n'ayez pas peur, par exemple, des mots prison ou probation. Vos lecteurs en connaissent la signification."
Je n'ai pas "peur" des mots prison et probation. Je trouve le 1er beaucoup trop générique et donc peu satisfaisant, un mot fourre-tout, presqu'autant que l'établissement pénitentiaire qu'il décrit mais c'est une autre histoire. Quant à probation, mon Dieu, je ne l'écris que lorsque je dis ma fonction (c'est le P de CIP) mais j'avoue l'utiliser rarement dans une phrase. Laquelle ? "Monsieur, bonjour, passons maintenant à la probation?"

Je pense que vous vous faites une vision un peu idyllique de notre côté "travailleur social". Nous sommes avant tout de la Pénitentiaire. Je considère pour ma part (mais cela n'engage que moi) que c'est par la probation que nous (ré)insérons. Pour être plus claire, que c'est grâce à ce cadre très serré de la mesure judiciaire qu'il est possible pour certaines personnes de réinvestir la fameuse société civile dont vous parliez et de redevenir un citoyen qui respecte ses devoirs et de voir ses droits respectés.

"Pour finir, honnêtement, je pense que vos travaux du lundi et du mardi ne sont pas, à mon avis, et peut-être à tort, des tâches qui sont celles de l'idée que je me fais du travail d'un CIP."
Eh bien, vous vous en faites sûrement une idée fausse. C'est juste notre cœur de métier, l'accueil et le suivi des personnes placées sous main de justice (encore une expression issue du code de procédure pénale).


Quant à ma hiérarchie, si elle peut me sembler lourde par moment, elle l'est physiquement assez peu. Il n'existe qu'une Garde des Sceaux, qu'un DAP, dix DI et autant de DSPIP que de départements pour les cadres sup, dans toute la France (Dom compris). Quant aux deux autres
"chefs", je n'aurai qu'un chef de service local à déplorer si je n'étais pas dans un SPIP situé au siège du département. Le DIP fait fonction d'adjoint du DSPIP ou fonction de chef de service lorsqu'il n'y en a pas.
Sachez également qu'avant 1999 et la création des SPIP, nous étions chapeautés par les JAP en milieu ouvert et les directeurs d'établissement en milieu fermé. Il a donc fallu créer toute une hiérarchie pour qu'elle devienne l'interlocutrice adéquate des magistrats et des directeurs d'établissement.
La hiérarchie se justifie aussi tout simplement dans son existence par le déroulement de carrière qu'elle nous offre.

Pour finir, si mon discours semble parfois manquer de patience, sachez que je vous demande de m'en excuser. D'une, je n'ai effectivement pas l'habitude de justifier mon métier autrement qu'en face de Roger, PMU, 3 grammes. De deux, j'ai une semaine dans les pattes et demain matin je reçois 13 de mes gars qui ne peuvent pas se déplacer en semaine à cause d'une activité professionnelle chronophage. De trois, j'avoue que de lire qu'éventuellement je sous-estime mes gars a tendance à légèrement faire friser les poils du nez. Sauf que je sais que vous ne faites pas mon métier et que donc vous ne pouvez pas tout intégrer. Je ne vous en tiendrai donc pas rigueur.

Cordialement,

*www.lippi.fr/FR/produits/...

27. Le vendredi 24 octobre 2008 à 23:14 par CIP12

Si Emilie le permet, et je pense que oui, j'aimerai compléter ses différents messages.

Je suis moi aussi CIP, jeune professionnelle, en poste depuis seulement 10 mois.
Cependant je souhaitais moi aussi vous expliquer le rôle et les missions d'un CIP en milieu fermé.

En ce qui me concerne je travaille au sein d'un centre de détention, établissement qui accueille exclusivement des personnes condamnées avec des peines allant de 2-3 ans à perpétuité.
Le travail en centre de détention est, de la façon dont je vois les choses, complètement différent de celui d'un CIP en milieu ouvert.

Notre rôle principal est de préparer la sortie, préparer un dossier d'aménagement de peine. Quand je tente d'expliquer ma profession, on me répond souvent : "mais tu aides les méchants à sortir?!?" vision un peu caricaturale... j'essaie alors d'expliquer qu'en effet j'aide les "méchants" à sortir, et souvent avant leur fin de peine.
Pourquoi?
Parce que s'ils sortent en fin de peine, ils sont "lachés dans la nature". alors que si un aménagement de peine est prononcé, alors les collègues du milieu ouvert (comme Emilie) continuent de les suivre. Alors oui, cela peut paraitre une maigre consolation, et pourtant dans la sacro sainte prévention de la récidive, c'est peut être le meilleur moyen dont nous disposons.

On prépare également les permissions de sortir, et là, c'est le risque d'évasion qui doit être abordé. Le JAP prend la décision d'accorder une permission de sortir en grande partie sur ce que le CIP peut dire en Commission d'Application des Peines.

Mais, dans ce message, ce que je voulais vous faire partager, c'est aussi les côtés beaucoup plus difficile à vivre. Certes, en centre de détention les détenus disposent de téléphone et peuvent donc contacter leur famille. Cependant, il arrive très régulièrement, je dirais même quotidiennement que nous servions de lien entre le détenu et sa famille.

Un exemple simple qui date d'aujourd'hui.
Un des détenus que je suis à appris le décés de son frère. Pour cette fois j'ai encore eu "la chance" de ne pas devoir annoncer le décés moi même, cependant, j'ai du aller voir mon gars en détention pour préparer une éventuelle permission de sortir. En l'occurence ça sera une sortie sous escorte de gendarmerie (n'étant pas encore dans les conditions d'une permission de sortir classique). Parrallèlement à cet entretien difficile avec le détenu, j'ai la maman au téléphone, en pleurs d'avoir perdu un fils et paniquée à l'idée que son second fils se suicide ce week end...
L'actualité ne nous aide pas.

On est vendredi, nous aurons les documents justificatifs permettant au JAP de prendre sa décision lundi voire mardi. En attendant le détenu est seul face à sa tristesse.

Voilà, juste pour vous expliquer la journée d'une jeune professionnelle de 25 ans, qui doit parfois assumer des choses qui la dépassent

28. Le samedi 25 octobre 2008 à 01:17 par une etrangere

Veronique, allez tout simplement assister a une audience de comparution immediate dans un TGI (de preference un ayant une activite assez importante, pour que vous saissisiez un peu comment les choses se passent sur le terrain).

Les juges eux memes disent souvent aux condamnes que pour les details postcondamnatoires il/elle verra avec le CIP. Et cela tout simplement parce qu'une audience qui commence a 13h et qui doit couvrir une 30aine de dossiers en moyenne, ne leur permet pas techniquement de "s'attarder" sur un dossier. sauf a finir le lendemain matin (ce qui n'est pas chose rare)

La meme chose pour certains avocats, et je pense aux permanenciers qui enchanent souvent dossier apres dossier, client apres client. Devant assister le prochain prevenu dont le proces commence de suite, sans pause, elle/il, ne peut pas, materiellement, se dedoubler.

Un interprete a parfois a peine le temps de traduire.

Un autre probleme, le justiciable lambda ne saisit pas toujours la complexite du processus judiciaire, au dela de la particularite du langage (que juges,avocats, CIP, ils essayent de le rendre plus comprehensible). Donc, il arrive frequemment qu'on a explique 1 fois, 2 fois, 3 fois, a des occassions differentes a la personne et que c'est pas encore clair. Si vous voulez, c'est pas toujours les agreges en droit qui remplissent les pretoires.

Ce n'est pas la faute a la personne en cause, mais heureusement qu'il y a quelqu'un apres le tourbillon du proces pour clarifier les choses, une fois que le condamne a un peu pres retrouve ses esprits, et surtout pour assurer un suivi.

Merci pour ce billet qui decrit la profession du CIP, ca me rassure un peu sur le sort des gens que je vois partir du tribunal souvent si confus quant a la suite.

29. Le samedi 25 octobre 2008 à 09:42 par Véronique

@ Emilie, Cippette un coup t'es tout pâle, une étrangère

Evidemment oui.

Ce que j'écris à Emilie en rapport avec son billet et ses réponses - dont je la remercie - ne s'appuient sur aucune expérience des prisons et des audiences correctionnelles, pénales ou de comparution immédiate.

Est-ce suffisant pour dire que sans expérience tangible et concrète, je ne peux pas exprimer une impression et une opinion au regard de ce qui est dit ici ?

Ce que je pense.

Par exemple, en matière de comparution immédiate qui est une forme de procès qui ne date pas d'aujourd'hui, il s'est développé, parallèlement, des mesures d'aménagement des peines qui, à mes yeux, finissent par constituer pour le condamné une sorte de gros catalogue, ni fait, ni à faire et sans table de matières.

Je pense également que le travail d'Emilie ce sont l'insertion et la probation. Donc, pour moi, à tort sans doute, son intervention se situe en aval de la condamnation.

En rapide.

" Lundi : de permanence en milieu ouvert[1], je reçois les personnes sortant de l'audience du Tribunal de Grande Instance condamnées à une peine d'emprisonnement avec sursis et une mise à l'épreuve ou à un Travail d'Intérêt Général. Ce jour là, je reçois également les "sortants" de prison qui n'ont pas de suivi, dans un délai de 6 mois après leur libération. Pour finir, je vérifie auprès du Parquet qu'aucune comparution immédiate n'a lieu cette après-midi. A toutes ces personnes, je leur expliquerai leurs droits et leurs devoirs dans le cadre judiciaire.

Je persiste à penser que c'est au JAP que revient cette mission.

" Mardi : de permanence en milieu fermé, je reçois les nouveaux "arrivants" à l'établissement pénitentiaire dont je dépend. Je m'occupe de prévenir les familles, de leur expliquer les mandats, les parloirs, le dépôt du linge, la peine, etc etc. Je m'occupe également ce jour là des prévenus qui nous ont envoyé un courrier : "prévenir mon avocat que...", "mes papiers ne sont pas à jour..." , "je voudrai participer à l'activité de...", "il faut retrouver mon chien, je n'ai pas de nouvelles depuis mon incarcération...". Bref, du tout venant.

La mission d'accueil et d'orientation dans la prison relève pour moi du personnel de détention et de l'intervention éventuelle de l'assistante sociale.

Quant à ses hiérarchies, je persiste également à penser que le directeur opérationnel d'Emilie est le Juge d'Application des Peines.

Je ne vois pas bien l'intérêt et la nécessité de cet enchevêtrement des directions. Et je ne vois pas comment ceux-là s'emboîtent avec le JAP.

Pour résumer, à gros traits, vu du très extérieur, j'ai le sentiment qu'il y a confusion des missions et de tâches entre les uns et les autres intervenants, et qu'il y a un brouillage pour ce qui est de l’intervention du réel maître d'oeuvre de l'affaire : le JAP .

Les 165 suivis de dossiers et les analyses de faisabilité de tel ou tel aménagement de peine constituent pour moi le cœur du travail d’Emilie. Avec une direction, celle du JAP.

30. Le samedi 25 octobre 2008 à 10:54 par CIP aussi!

Bonjour tout le monde!

@ véronique: si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... avant la création des SPIP...
Je me considère comme "force de proposition", le JAP nous mandate d'une mesure (milieu ouvert)... par exemple, dans le cadre des aménagements de peine de mois d'un an... nous vérifions la situation de l'intéressé afin de donner un avis sur un aménagement possible (ou pas...)... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions!

Pour les comparution immédiate, nous faisons une enquêté sociale rapide et pouvons proposer une peine alternative à l'incarcération... qui d'autre peut le faire?

Concernant l'accueil en détention, sache que le détenu est également reçu par le personnel de détention... et il n'y a pas d'assistante sociale en prison (sauf à ce qu'elle soit en contrat au sein du SPIP donc avec les mêmes missions que les CIP)... Le maintien des liens familiaux fait partie de nos missions et heureusement, du moins je pense, car la famille fait partie intégrante du processus de prise en charge des détenus...

Personnellement, lorsqu'on me dit que je suis un peu avocate des détenus, je m'en défends... car si je dois mettre un avis défavorable à un aménagement de peine, je le fais... après explication faite auprès de mon gars (et oui Emilie moi aussi je dis mes gars :-) )
Mon boulot ne revient pas à les sortir à tout prix mais les faire sortir intelligemment... et surtout, qu'il soit acteur car j'aurais beau faire tout ce que je veux, si mon gars veut pas ben... il veut pas!!!!

31. Le samedi 25 octobre 2008 à 10:55 par CIP aussi!

Bonjour tout le monde!

@ véronique: si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... avant la création des SPIP...
Je me considère comme "force de proposition", le JAP nous mandate d'une mesure (milieu ouvert)... par exemple, dans le cadre des aménagements de peine de mois d'un an... nous vérifions la situation de l'intéressé afin de donner un avis sur un aménagement possible (ou pas...)... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions!

Pour les comparution immédiate, nous faisons une enquêté sociale rapide et pouvons proposer une peine alternative à l'incarcération... qui d'autre peut le faire?

Concernant l'accueil en détention, sache que le détenu est également reçu par le personnel de détention... et il n'y a pas d'assistante sociale en prison (sauf à ce qu'elle soit en contrat au sein du SPIP donc avec les mêmes missions que les CIP)... Le maintien des liens familiaux fait partie de nos missions et heureusement, du moins je pense, car la famille fait partie intégrante du processus de prise en charge des détenus...

Personnellement, lorsqu'on me dit que je suis un peu avocate des détenus, je m'en défends... car si je dois mettre un avis défavorable à un aménagement de peine, je le fais... après explication faite auprès de mon gars (et oui Emilie moi aussi je dis mes gars :-) )
Mon boulot ne revient pas à les sortir à tout prix mais les faire sortir intelligemment... et surtout, qu'il soit acteur car j'aurais beau faire tout ce que je veux, si mon gars veut pas ben... il veut pas!!!!

32. Le samedi 25 octobre 2008 à 10:55 par CIP aussi!

Bonjour tout le monde!

@ véronique: si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... avant la création des SPIP...
Je me considère comme "force de proposition", le JAP nous mandate d'une mesure (milieu ouvert)... par exemple, dans le cadre des aménagements de peine de mois d'un an... nous vérifions la situation de l'intéressé afin de donner un avis sur un aménagement possible (ou pas...)... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions!

Pour les comparution immédiate, nous faisons une enquêté sociale rapide et pouvons proposer une peine alternative à l'incarcération... qui d'autre peut le faire?

Concernant l'accueil en détention, sache que le détenu est également reçu par le personnel de détention... et il n'y a pas d'assistante sociale en prison (sauf à ce qu'elle soit en contrat au sein du SPIP donc avec les mêmes missions que les CIP)... Le maintien des liens familiaux fait partie de nos missions et heureusement, du moins je pense, car la famille fait partie intégrante du processus de prise en charge des détenus...

Personnellement, lorsqu'on me dit que je suis un peu avocate des détenus, je m'en défends... car si je dois mettre un avis défavorable à un aménagement de peine, je le fais... après explication faite auprès de mon gars (et oui Emilie moi aussi je dis mes gars :-) )
Mon boulot ne revient pas à les sortir à tout prix mais les faire sortir intelligemment... et surtout, qu'il soit acteur car j'aurais beau faire tout ce que je veux, si mon gars veut pas ben... il veut pas!!!!

33. Le samedi 25 octobre 2008 à 10:55 par CIP aussi!

Bonjour tout le monde!

@ véronique: si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... avant la création des SPIP...
Je me considère comme "force de proposition", le JAP nous mandate d'une mesure (milieu ouvert)... par exemple, dans le cadre des aménagements de peine de mois d'un an... nous vérifions la situation de l'intéressé afin de donner un avis sur un aménagement possible (ou pas...)... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions!

Pour les comparution immédiate, nous faisons une enquêté sociale rapide et pouvons proposer une peine alternative à l'incarcération... qui d'autre peut le faire?

Concernant l'accueil en détention, sache que le détenu est également reçu par le personnel de détention... et il n'y a pas d'assistante sociale en prison (sauf à ce qu'elle soit en contrat au sein du SPIP donc avec les mêmes missions que les CIP)... Le maintien des liens familiaux fait partie de nos missions et heureusement, du moins je pense, car la famille fait partie intégrante du processus de prise en charge des détenus...

Personnellement, lorsqu'on me dit que je suis un peu avocate des détenus, je m'en défends... car si je dois mettre un avis défavorable à un aménagement de peine, je le fais... après explication faite auprès de mon gars (et oui Emilie moi aussi je dis mes gars :-) )
Mon boulot ne revient pas à les sortir à tout prix mais les faire sortir intelligemment... et surtout, qu'il soit acteur car j'aurais beau faire tout ce que je veux, si mon gars veut pas ben... il veut pas!!!!

34. Le samedi 25 octobre 2008 à 12:57 par une etrangere

@ Veronique

Bien sur que vous pouvez exprimer votre opinion "exterieure". Ce que je voulais dire c'est que justement, il y a un enorme decallage et source d'incomprehension entre ce qu'on voit de l'exterieur et la realite de terrain. Comme dans bien d'autres domaines d'ailleurs, mais je pense que la justice est particulierement touchee.

C'est pour cela que ce blog existe (et heureusement) et que le maitre des lieux a geneureusement donne la parole a ce corps professionnel qui n'est meme pas ecoute par ceux qui normallement sont la pour ca (aussi).

35. Le samedi 25 octobre 2008 à 17:04 par Stephy

Emilie,

Actuellement étudiante, j’ai passé (et raté) l’ENM cette année. Suite à un stage cet été auprès d’un JAP, j’ai découvert le métier de CIP – dont j’ignorais l’existence – et qui a suscité ma curiosité. Après m’être entretenue avec une CIP, ce fut une révélation : j’ai compris que ça correspondait exactement à ce que je voulais faire.

Votre témoignage n’a fait que me conforter dans cette idée.

J’attends donc désormais avec impatience l’ouverture du concours en 2009. Je ne doute pas qu’elle aura lieu car il est évident que la Justice a plus que jamais besoin de vous.

Bon courage pour tout, j’espère sincèrement que vos revendications seront enfin entendues.

C’est quand même un beau métier que de sauver des vies.

36. Le samedi 25 octobre 2008 à 18:46 par CIP encore !

CIP depuis plus de 10 ans, et uniquement en "milieu ouvert" (pas d'intervention en prison), je crois toujours, et plus que jamais, à l'utilité invisible (la plupart du temps) pour la société civile de ce versant de la profession. A l'heure où l'on n'entend parler que d'incarcération, ou de placement sous surveillance électronique, mesures visibles qu'on peut montrer à la télé, on oublie toujours en effet que plus de 100000 personnes (je n'ai pas les chiffres exacts en tête) sont sous "main de justice" sans être comptabilisées dans les prisons. Et qu'un travail suivi est mené avec ces personnes-là, d'appropriation de la sanction, de la mesure, des limites à ne pas franchir, comme de la prise de conscience de la nécessité de se faire soigner, ou d'indemniser la victime. On parle de souffrance, de violence, de sexe, de drogue, d'alcool, et de bien d'autres choses encore. Et je crois à l'utilité de cet espace de parole et de compréhension des règles.
Des échecs il y en a, évidemment, mais un échec de la mesure (une révocation notamment, donc une incarcération), ou une récidive sont souvent une base de travail très intéressante et constructive ...
Je pense que le CIP est le seul intervenant capable de prendre le temps de l'évolution - éventuelle - de la personne (le temps de la mesure).
Je voulais aussi préciser que le statut de CIP date de 1993, soit 6 ans avant la création des SPIP (un détail!).
Une convaincue, heureuse de lire quelques lignes bien intéressantes sur ce métier méconnu et malmené.

37. Le samedi 25 octobre 2008 à 21:49 par Lucas Clermont

D'une part chapeau pour votre patience et votre pédagogie ! On devine un savoir qui s'est forgé au contact d'êtres souvent peu aptes à assimiler les informations clés pour leur avenir ou leur infini présent que vous devez leur transmettre. La fonction est également cruciale pour la société tant il est vraisemblable qu'on est bien moins enclin à récidiver si l'on a recouvré des repères, si l'on est accompagné pour cela.

Évidemment c'est beaucoup plus simple de voir ce que l'on économise en réduisant les postes de CIP ou en dégradant leurs conditions de travail, que de prendre en compte tout ce que plus tard coûtera un être à qui on n'aura pas permis de se réinsérer.

38. Le samedi 25 octobre 2008 à 23:57 par hatonjan

Merci pour vos précisions Emilie,
Je vais me permettre une question, le petit échantillon que nous avons ici reflète une forte féminisation? Bien que le droit soit très féminisé, les métier proches du carcéral, beaucoup moins. Pourriez vous m'expliquer un peu si vous y trouver des avantages, des inconvénients, ou rien de tout cela dans votre travail, et si vous en expliquez la féminisation ( ou alors je me gourre et l'échantillon n'est pas représentatif)

39. Le dimanche 26 octobre 2008 à 00:44 par boggey

CIP depuis 9 ans, je me permets de m'incruster dans ce sujet passionnant. Pour info, j'ai exercé 4 ans en Centre de détention et depuis 5 ans je suis sur un poste mixte (milieu ouvert/maison d'arrêt). Je voudrais répondre à Véronique qui me semble bien maîtriser le sujet pour quelqu'un d'extérieur à ce mileu (toutes mes félicitations parce que c'est un peu compliqué parfois)

" Lundi : de permanence en milieu ouvert[1], je reçois les personnes sortant de l'audience du Tribunal de Grande Instance condamnées à une peine d'emprisonnement avec sursis et une mise à l'épreuve ou à un Travail d'Intérêt Général. Ce jour là, je reçois également les "sortants" de prison qui n'ont pas de suivi, dans un délai de 6 mois après leur libération. Pour finir, je vérifie auprès du Parquet qu'aucune comparution immédiate n'a lieu cette après-midi. A toutes ces personnes, je leur expliquerai leurs droits et leurs devoirs dans le cadre judiciaire.

Je persiste à penser que c'est au JAP que revient cette mission.

Et bien non justement et ce d'autant plus que le JAP ne voit plus les personnes après la sortie du tribunal. Le 1er professionnel qu'elle va voir, ce sera le travailleur social/Ts (CIP ou AS qui exercent le même métier).
Le juge de toute façon pourrait éventuellement lui rappeler ses devoirs dans le cadre de la mesure mais je le vois mal recevoir les sortants de prison pour lui trouver un hébergement d'urgence.

" Mardi : de permanence en milieu fermé, je reçois les nouveaux "arrivants" à l'établissement pénitentiaire dont je dépend. Je m'occupe de prévenir les familles, de leur expliquer les mandats, les parloirs, le dépôt du linge, la peine, etc etc. Je m'occupe également ce jour là des prévenus qui nous ont envoyé un courrier : "prévenir mon avocat que...", "mes papiers ne sont pas à jour..." , "je voudrai participer à l'activité de...", "il faut retrouver mon chien, je n'ai pas de nouvelles depuis mon incarcération...". Bref, du tout venant.

La mission d'accueil et d'orientation dans la prison relève pour moi du personnel de détention et de l'intervention éventuelle de l'assistante sociale.

Vrai et faux : vrai parce que le chef d'établissement ou son représentant rencontre systématiquement chaque nouveau détenu mais bien pour présenter le fonctionnement de la prison et donc faux parce que le TS a également cette obligation (c'est d'ailleurs le seul entretien imposé au TS par le Code de procédure pénale) pour faire le point sur la situation de la personne au moment de son incarcération. Il s'ensuit généralement un premier contact avec la famille (le maintien des liens familiaux fait partie de nos missions) qui permet bien souvent de rassurer et le détenu et sa famille sur l'état de chacun après ce choc que constitue une incarcération.

J'avoue que de parler de l'assistante sociale m'a bien fait rire (mais il ne faut pas mal le prendre) : j'ai eu l'impression d'être au travail où personne ne semble comprendre que l'on fait le même travail qu'on soit CIP ou AS mais que cela ne signifie pas qu'on est chargé de tout ce que les autres services ne veulent pas faire...

Quant à ses hiérarchies, je persiste également à penser que le directeur opérationnel d'Emilie est le Juge d'Application des Peines.

Je ne vois pas bien l'intérêt et la nécessité de cet enchevêtrement des directions. Et je ne vois pas comment ceux-là s'emboîtent avec le JAP.

Pour résumer, à gros traits, vu du très extérieur, j'ai le sentiment qu'il y a confusion des missions et de tâches entre les uns et les autres intervenants, et qu'il y a un brouillage pour ce qui est de l’intervention du réel maître d'oeuvre de l'affaire : le JAP .

Les 165 suivis de dossiers et les analyses de faisabilité de tel ou tel aménagement de peine constituent pour moi le cœur du travail d’Emilie. Avec une direction, celle du JAP.

Les JAP sont pour beaucoup devenus des juges de l'incident en milieu ouvert : ils ne rencontrent bien souvent la personne que lorsqu'elle ne respecte pas ses obligations. Auparavant, le TS assure seul le suivi d'où l'importance de s'assurer effectivement que la personne a bien compris ses obligations pour être à même de les respecter. Je reste toujours sidérée quand je les interroge sur ce qu'ils en ont retenu de les entendre me dire "je ne dois plus faire de connerie" : pas besoin d'être condamné pour avoir cette obligation...
Par ailleurs, penser que les juges sont en capacité de faire autre chose que de s'en remettre à nous c'est méconnaître leur emploi du temps.
Exemple : sur le département où je travaille, 2 JAP pour quelques 1200 mesures et 200 personnes incarcérées. A cela s'ajoutent les audiences correctionnelles où ils siègent mais également les fonctions de JLD qu'ils assument régulièrement. Et encore je pense que ce sont des privilégiés comparant à d'autres tribunaux.

J'espère avoir été claire : en tout cas, ce fut un plaisir de tous vous lire car on sent de l'intérêt chez chacun et ça fait un bien fou alors juste merci!

40. Le dimanche 26 octobre 2008 à 07:21 par Véronique

@ boggey

Si ma réaction à votre post vous apparaît à l'emporte-pièce, vous me direz. Considérez qu’il s’agit en premier d’impressions en forme d’interrogations.

" Et bien non justement et ce d'autant plus que le JAP ne voit plus les personnes après la sortie du tribunal. " me dites-vous.

Mais nous pouvons considérer que le JAP rencontre ces personnes au moins une fois au tribunal. Non ?

Si la réponse est oui, je maintiens mon point de vue: c'est au JAP de confirmer la peine, de l'expliquer et d'indiquer les obligations qui s'y attachent pour le prévenu.

Pour moi une peine aménagée reste une décision judiciaire. Il me semble indispensable que d'entrée le JAP soit le judiciaire de référence. Sans ambiguïté.

" J'avoue que de parler de l'assistante sociale m'a bien fait rire (mais il ne faut pas mal le prendre) : j'ai eu l'impression d'être au travail où personne ne semble comprendre que l'on fait le même travail qu'on soit CIP ou AS mais que cela ne signifie pas qu'on est chargé de tout ce que les autres services ne veulent pas faire..."

Mais l'intitulé de votre métier n'est ni assistante sociale, ni hôtelier, ni hôtesse d'accueil.

Le directeur de l'établissement ou son représentant doit être à mon avis le référent pour ce qui concerne le quotidien, l'organisation, et le règlement intérieur de la détention. Y compris en ce qui concerne un premier contact avec les familles. Et je ne vois pas bien pourquoi le CIP intervient avec la casquette d'AS au moment de l'incarcération. Est-ce si prioritaire à ce moment-là ?

" Les 165 suivis de dossiers et les analyses de faisabilité de tel ou tel aménagement de peine constituent pour moi le cœur du travail d’Emilie. Avec une direction, celle du JAP. "

Pour moi le mot direction ne signifie pas que le JAP doit assurer toutes les rencontres avec les personnes condamnées. Très loin de là. Le JAP est pour moi le décisionnel de l'affaire. Je comprends le CIP comme un assistant spécialisé de ce magistrat. Son travail, dans mon esprit, est de réaliser des dossiers suffisamment étayés, argumentés et synthétisés au mieux qui constitueront pour le JAP des outils fiables pour l'analyse du cas individuel et pour la prise de décision.

Je pense que ce travail du CIP, tel que je le comprends, qui doit s'appuyer sur une connaissance très concrète et complète du cas soumis, pour pouvoir être une "force de proposition" par rapport au JAP (expression empruntée à CIP aussi! - post 30), ne peut pas se faire sans un investissement temps très conséquent.

Je comprends plus le CIP comme un coordinateur et l’interface entre plusieurs intervenants intérieurs et extérieurs, dont la mission est de fournir au JAP un rapport sur lequel il pourra s'appuyer pour prendre ses décisions.


Quant à vos hierarchies type CSIP, DIP, DSPIP, je n'ai toujours pas saisi leur mission et leur utilité.

" si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... ... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions! " (CIP aussi! - post 30)

L'indépendance et la liberté ne sont pas des notions équivalentes.

Selon moi, la vraie indépendance professionnelle est celle qui s'acquiert par la maîtrise et la connaissance détaillée d'un dossier d’insertion et de probation. Par la solidité et par la qualité de l'argumentation. Sans cela, une liberté théorique par rapport à une direction ne sert pas à grand-chose.



41. Le dimanche 26 octobre 2008 à 09:50 par Emilie, CIP

@ Hatonjan
Effectivement, c'est un milieu très féminin. Dans ma promo, nous étions environ 70% (voire 80%) de femmes. Sur un plan personnel, j'aime travailler avec le maximum d'hommes possible dans mon service. Sans faire de sexisme à l'emporte pièces, une ambiance mixte semble être, selon mes expériences, plus apaisante que le tout féminin ou le tout masculin. Dans mon service nous sommes (Emilie compte sur ses doigts) dix et nous avons la chance de compter trois spécimen mâles.
Un des avantages objectif de leur présence est celui-ci : nous avons actuellement deux gars en milieu fermé et un en milieu ouvert qui n'ont pas trop saisi la différence entre "être suivi par une CIP" et "tenter de l'agresser sexuellement". Ils sont donc suivi par nos collègues plus virils. Un autre avantage complètement objectif : ils ne partent pas en congé maternité. Cela peut peser dans un système qui ne remplace pas les congés mat.
Enfin, ils n'ont pas de plus jolies chaussures que moi.

Quant à expliquer la féminisation, je ne suis pas tout à fait sûre mais je pense que le fait qu'une majorité de CIP vienne de la fac de Droit peut être un début de réponse.
Si mes collègues ont d'autres idées...

Le mélange et l'enrichissement viennent également des différents statuts et expériences des personnes du service. Nous avons :
- deux anciens éducs devenus CIP avec la réforme (un qui officiait comme éducateur en milieu fermé et un autre comme agent délégué à la probation en milieu ouvert).
- un éduc spé en détachement
- une AS en détachement
- 6 cipettes de la nouvelle génération (3 dernières promos).

Quant à l'interaction avec les autres personnels de l'AP, ma foi je ne vois pas d'inconvénient à l'extrême féminisation de notre corps (comme c'est poétique) sauf peut être au regard de l'extrême "masculinisation" des autres corps (surveillance, technique et direction) (les personnels administratifs étant aussi en majorité des femmes) et des malentendus que parfois, cela permet. M'enfin, pas plus que dans ton couple :)

J'aime beaucoup moi, bosser avec plein de nanas dans un milieu de gars.

Voici les éléments de réponse du dimanche matin.
Bon dimanche !

42. Le dimanche 26 octobre 2008 à 10:06 par hatonjan

Merci Emilie, bon dimanche aussi, que de prose pour une journée nouvelle. En tout cas vous êtes honnête. Je pense, à me confirmer, que l'aspect aussi "socio psychologique" peut attirer encore plus les femmes que les homme dans votre métier. Enfin rassurez vous, j'espère ne pas vous rencontrer trop tôt, du moins en qualité de CIPette. Qinon question existencielle du matin, le blog d'Eolas, a changé d'heure?

43. Le dimanche 26 octobre 2008 à 12:58 par Boggey

A Véronique

Pas d'excuse à présenter, votre réaction est tout à fait correcte et pas du tout à l'emporte pièce. J'espère qu'il en sera de même pour mes réponses.

Mais nous pouvons considérer que le JAP rencontre ces personnes au moins une fois au tribunal. Non ?

Ben non justement sauf s'il a lui-même présidé l'audience où la personne a été condamnée. Les JAP, pour certains, ont d'ailleurs vivement protesté contre cette nouvelle façon de procéder mais c'eest au nom de la rapidité d'exécution des décisions. Le JAP a été vu comme un intermédiaire inutile et la notification des obligations est désormais faite à l'audience (autant dire à la va vite vu le peu de temps accordé aux magistrats pour juger chaque affaire) et c'est donc le TS pénitentiaire qui va prendre ce temps pour traduire les obligations souvent exprimées dans un langage trop juridique pour être accessible à tous.

Si la réponse est oui, je maintiens mon point de vue: c'est au JAP de confirmer la peine, de l'expliquer et d'indiquer les obligations qui s'y attachent pour le prévenu.

Pour moi une peine aménagée reste une décision judiciaire. Il me semble indispensable que d'entrée le JAP soit le judiciaire de référence. Sans ambiguïté.

Là c'est autre chose : quand on parle d'aménagement de peine, cela vise forcément des personnes condamnées à une peine ferme et à ce moment là 2 options :
- hors comparution immédiate, où l'incarcération est quasi systématique, s'il y a une peine de prison, les peines inférieures à un an font effectivement l'objet d'un examen par le JAP pour envisager un aménagement sans incarcération (ce qui ne signifie pas que la personne n'est pas écrouée mais juste qu'elle n'est pas physiquement dans les murs de la prison soit de manière permanente avec le placement sous surveillance électronique, soit de manière alternée avec la semi-liberté). Je résume mais par écrit c'est difficile d'expliquer toutes les subtilités.
- soit l'aménagement intervient en cours de détention et dans ce cas, c'est bien en dernier lieu que le JAP rencontre la personne lors d'un débat contradictoire alors que toute la préparation et donc les explications ont déjà été faites avec le TS référent.

" J'avoue que de parler de l'assistante sociale m'a bien fait rire (mais il ne faut pas mal le prendre) : j'ai eu l'impression d'être au travail où personne ne semble comprendre que l'on fait le même travail qu'on soit CIP ou AS mais que cela ne signifie pas qu'on est chargé de tout ce que les autres services ne veulent pas faire..."

Mais l'intitulé de votre métier n'est ni assistante sociale, ni hôtelier, ni hôtesse d'accueil.

Ha ça non, ni hôtelier, ni hotesse d'accueil mais par contre CIP ce n'est pas tout à fait vrai non plus. Cherchez donc ce terme dans le Code de procédure pénale qui définit les missions des SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) : je vous mets au défi de trouver les conseillers d'insertion et de probation ou les assistants sociaux... Je suis CIP de formation comme certains collègues sont AS, mais je me présente comme TS de l'administration pénitentiaire parce que c'est ainsi que j'apparais dans ce même code.

Le directeur de l'établissement ou son représentant doit être à mon avis le référent pour ce qui concerne le quotidien, l'organisation, et le règlement intérieur de la détention. Y compris en ce qui concerne un premier contact avec les familles. Et je ne vois pas bien pourquoi le CIP intervient avec la casquette d'AS au moment de l'incarcération. Est-ce si prioritaire à ce moment-là ?

C'est quoi pour vous être AS parce que je ne vois pas trop ce que vous voulez dire par casquette d'AS? Par ailleurs le maintien des liens familiaux fait partie des missions des SPIP et non du chef d'établissement et c'est à ce titre que c'est nous qui les contactons. A chacun son rôle.

" Les 165 suivis de dossiers et les analyses de faisabilité de tel ou tel aménagement de peine constituent pour moi le cœur du travail d’Emilie. Avec une direction, celle du JAP. "

Pour moi le mot direction ne signifie pas que le JAP doit assurer toutes les rencontres avec les personnes condamnées. Très loin de là. Le JAP est pour moi le décisionnel de l'affaire. Je comprends le CIP comme un assistant spécialisé de ce magistrat. Son travail, dans mon esprit, est de réaliser des dossiers suffisamment étayés, argumentés et synthétisés au mieux qui constitueront pour le JAP des outils fiables pour l'analyse du cas individuel et pour la prise de décision.

Je pense que ce travail du CIP, tel que je le comprends, qui doit s'appuyer sur une connaissance très concrète et complète du cas soumis, pour pouvoir être une "force de proposition" par rapport au JAP (expression empruntée à CIP aussi! - post 30), ne peut pas se faire sans un investissement temps très conséquent.

Je comprends plus le CIP comme un coordinateur et l’interface entre plusieurs intervenants intérieurs et extérieurs, dont la mission est de fournir au JAP un rapport sur lequel il pourra s'appuyer pour prendre ses décisions.

Tout ça est juste mais pas suffisant pour définir notre travail puisque le JAP ne va pas intervenir dans tous les dossiers, en particulier en établissement pénitentiaire, alors que nous oui. Une grande majorité des personnes incarcérées sort en fin de peine sans avoir jamais sollicité quoi que ce soit du juge mais nous allons quand même travaillé avec ces personnes sur l'infraction et la préparation de la sortie.
Par ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à pouvoir apporter une aide à la décision : en établissement, le directeur doit aussi émettre un avis par exemple. Il y a aussi les experts psy éventuellement, etc.

Quant à vos hierarchies type CSIP, DIP, DSPIP, je n'ai toujours pas saisi leur mission et leur utilité.

" si je me souviens bien, le JAP a été notre supérieur un temps... ... nous devons être indépendant par rapport au JAP afin de se sentir "libre" dans nos propositions! " (CIP aussi! - post 30)

L'indépendance et la liberté ne sont pas des notions équivalentes.

Selon moi, la vraie indépendance professionnelle est celle qui s'acquiert par la maîtrise et la connaissance détaillée d'un dossier d’insertion et de probation. Par la solidité et par la qualité de l'argumentation. Sans cela, une liberté théorique par rapport à une direction ne sert pas à grand-chose.

Pour la hiérarchie, je vais essayer d'expliquer alors même que je m'interroge parfois sur leur rôle...
- CSIP : ce sont avant tout des référents techniques (celui qu'on va voir quand on est bloqué dans une situation pour avoir l'éclairage de l'expérience) qui valident nos rapports (car un écrit engage le service et non pas seulement son rédacteur) mais également chargé d'animer les équipes (réunion de service, gestion des ressources humaines pendant les périodes de congés, etc)
- DSPIP : directeur départemental, il est chargé de représenter le service au niveau du département (indispensable tout particulièrement lorsqu'il existe plusieurs antennes du SPIP sur un même déppartement), c'est lui qui doit négocier par exemple les conventions départementales, qui a la maîtrise du budget, qui décide du fonctionnement des services, etc
- DIP : c'est le représentant du DSPIP sur les structures les plus importantes et cela permet de déléguer certaines tâches parce que les DSPIP sont très souvent absents des services pour cause de réunions à droite, à gauche...

Enfin, pour revenir au JAP s'il donne des orientations pour les mesures suivies en milieu ouvert, ce ne sont que des orientations et non des injonctions et la plupart d'entre eux sont bien embêtés avec ça puisque seule la connaissance de la personne (qui demande du temps) permet d'adapter le suivi en fonction de chacun.

Voilà, c'est déjà pas mal pour un dimanche que je souhaite excellent à tous d'ailleurs!

44. Le lundi 27 octobre 2008 à 08:00 par Véronique

@ Boggey

Si j'ai choisi d'approfondir en commentaire le billet d'Emilie, c'est parce que j'étais contente de pouvoir mieux saisir la spécificité de votre métier.

Pour comprendre un métier comme le vôtre qui n'est pas spontanément repérable - c'est très souvent le cas quand il s'agit de métiers s'inscrivant dans des organisations de type administratif - il m'apparaît toujours nécessaire, pour le rendre plus lisible à mes yeux, de le positionner dans un organigramme.

Ma difficulté, ce sont évidemment les différents cas de figure auxquels vous faites référence que j'ai du mal à synthétiser pour avoir une vision claire et suffisamment approfondie de votre métier.

Pour le public extérieur à la justice, il y a une notion qui aujourd'hui reste pas mal ignorée, celle de l'application de la peine.

Pour ma part je regrette cette non lisibilité du JAP. C'est aussi pour cette raison que, par exemple, la présence du JAP me semble très nécessaire au moment du prononcé de la peine.

Pour le grand public la notion d'application de la peine se comprend ainsi:

X est condamné à un an de prison, pftttt.........il sera dehors après demain matin.

Je sais, c'est vrai et c'est faux. Et plutôt très faux que vrai. Mais c'est ainsi que les choses sont perçues.

Par ailleurs, je sens bien que dans mon commentaire je navigue en pilote automatique entre deux notions: l'application de la peine et l'aménagement de la peine.

L'insertion et la probation constituent pour moi l'élément essentiel de l'application de la peine. Je retiens cette première notion car nous parlons couramment d'un Juge d'Application des Peines.

Je persiste à penser que ce juge est l’absent du dispositif insertion et probation que vous et vos collègues ont la gentillesse de nous expliquer ici.

Je pense que ce magistrat ne peut pas être celui qui ne donne que des orientations au CIP. Des injonctions, évidemment non. Mais Il me semblerait très souhaitable que le JAP apporte au CIP une ligne directrice, définisse les objectifs d'un programme d'insertion, les valide et les contrôle ainsi que les étapes de la probation.

Une plus forte implication du JAP me semble très nécessaire et déterminante.

Peut-on imaginer des JAP qui seraient des juges spécialisés, comme le sont, par exemple, des juges pour les délits financiers ?

Peut-on imaginer, dans l'organigramme, un rattachement hiérarchique direct du CIP au seul JAP ?

Peut-on imaginer que vos hiérarchies existantes CSIP, DIP, DSPIP soient fortement incitées à concourir à l'ENM pour devenir des...JAP ?

Je suis consciente de l'extrême simplisme de mes propositions. Mais je pense qu'ainsi l'application de la peine constituerait un volet à part entière et nettement plus repérable de la condamnation.

" C'est quoi pour vous être AS parce que je ne vois pas trop ce que vous voulez dire par casquette d'AS? " me demandez-vous.

Par exemple :

Quand un prévenu est condamné à la prison ferme, dans le cas d’un père de famille qui perd ainsi son travail, intervenir auprès des services sociaux adéquats pour que l’épouse ou la compagne du détenu puisse bénéficier à des ressources sociales.

45. Le lundi 27 octobre 2008 à 20:47 par Boggey

A Véronique

Le JAP est avant tout un juge formé comme tous les magistrats à l'ENM et n'a à ce titre aucune connaissance spécifique sur l'insertion ce qui explique son apparente absence dans le travail de réinsertion qui est notre quotidien. Néanmoins, par ses décisions il y contribue bien puisqu'il décide ou non de la mise en oeuvre de ce projet par l'octroi de permissions de sorite, d'aménagement de peine mais aussi par la suspension des délais d'exécution des TIG lorsque la personne travaille par exemple ou par les conversions en jours amende de certaines peines dont l'exécution pourrait compromettre cette insertion. Si le juge n'est donc pas le technicien de l'insertion cela ne signifie pas qu'il n'a pas un rôle à jouer. Par ailleurs, le juge a également un rôle de protection de la société et il doit toujours composer avec ces deux éléments : l'intérêt individuel du condamné et celui collectif de la société : pas facile de trancher lorsqu'il y a un projet solide professionnellement par exemple mais que le juge craint une éventuelle récidive. Chaque décision est un pari sur l'avenir et je ne les envie pas.

Dans l'idéal effectivement le Juge doit être tenu au courant régulièrement des progrès ou non de la personne tant dans l'exécution de la mesure que dans le parcours d'insertion sauf que matériellement ni les travailleurs sociaux ni les juges n'en ont le temps. Quand on sait que certains TS suivent jusqu'à 200 personnes en même temps, qui peut raisonnablement croire qu'on peut se pencher sur chaque situation? C'est dommage mais c'est une réalité hélas!
Vos idées ont du sens mais il faudrait commencer par doubler le personnel pour faire un travail digne de ce nom. Je suis dans un service considéré comme privilégié avec une centaine de mesures en milieu ouvert et une vingtaine de détenus et pourtant je ne parviens pas à faire tout ce qu'il faudrait réellement pour faire changer toutes les situations dès lors que la personne le souhaite. La semaine dernière j'ai accordé 45 minutes à un détenu, fait exceptionnel et il m'a écrit ensuite pour m'en remercier : est-ce normal?!? Nos 2 JAp court aussi après le temps et avouent parfois ne même pas réussir à nous suivre dans nos sollicitations alors imaginez si on leur demandait de s'impliquer plus dans les suivis. Pourtant lorsqu'on les appelle sur des situations exceptionnelles, ils répondent toujours présents : j'aurais plein d'exemple à donner mais ce serait briser la confidentialité de mon travail (après tout qui sait qui nous lit).
Quand à ma hiérarchie, devenir JAP, ça j'ai du mal à l'imaginer parce que gérer un service et rendre des décisions judiciaires cela n'a rien à voir et demande des qualités bien différentes.
Enfin, s'agissant de la casquette d'AS, je n'interviens absolument pas comme TS auprès des familles. Je gère les problématiques des personnes que je suis (et c'est déjà bien assez) mais en lien justement avec les partenaires de droit commun, et notamment les AS de secteur. Pour les familles qui nous demandent parfois de l'aide effectivement on leur conseille de s'adresser à ces services sociaux car nous n'avons pas à intervenir auprès d'elles.
Merci encore de vos remarques qui permettent de mieux nous faire connaître.

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