Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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23 octobre

Par le Bureau national du Syndicat des Greffiers de France ; j'ai écarté les textes syndicaux et communiqués officiels, préférant les billets personnels ; mais ce texte n'est pas un communiqué, il m'est adressé, et la voix des autres serviteurs de la justice doit aussi s'élever aujourd'hui. Sans les greffiers, nous ne serions rien, magistrats et avocats. C'est avec plaisir que je les accueille. Eolas.


Le Syndicat des Greffiers de France (SDGF) ne peut qu’abonder dans votre sens et vous propose sa contribution sur nos conditions de travail.

A l’heure où l’on prône un dialogue social de qualité, encore faudrait-il que le mot dialogue soit une réalité.

Or, les greffiers, « travailleurs de l’ombre » et véritables « petites mains » de la justice, sont, la plupart du temps, ignorés, voire pire, du genre « Un Greffier ?ça sert à quoi ! ».

Dans les médias, pour le grand public, la justice n’est généralement représentée que par les magistrats et les avocats.

Or si les jugements sont tapés, exécutés, en bref si la Justice fonctionne …c’est bien grâce aux Greffiers.

Pour autant, nos conditions de travail sont déplorables tant au niveau effectif qu’au niveau matériel et ne cessent de se dégrader.

De nombreux collègues sont partis à la retraite sans que l’Administration ait anticipé leur départ, en matière de recrutement, ou plus exactement, ait décidé de ne pas les remplacer.

De ce fait, les greffiers ne gèrent plus seulement leur service mais doivent faire face à une multitude de tâches supplémentaires.

Au niveau matériel, les logiciels sont totalement archaïques. Certains services dont l’exécution des peines ne sont même pas informatisés. Les temps préhistoriques sont toujours d’actualité.

Néanmoins, si le système judicaire continue de fonctionner, c’est grâce au sens du devoir du service public, au dévouement et à la conscience professionnelle des greffiers.

Mais, rappelons- nous que « tout être humain a ses limites, et celles des greffiers sont aujourd’hui atteinte » .

Il n’est plus possible d’exiger de nos collègues, sans aucune contrepartie, de poursuivre voire d’accroître les sacrifices qui leur sont demandés.

A titre d’exemple, les nombreuses heures supplémentaires effectuées ne sont pas payées et peu de greffiers peuvent les récupérer sinon les services accumuleraient un retard tel qu’il deviendrait ingérable.

De même, alors que les magistrats bénéficient mensuellement d’une prime modulable dite « prime au mérite », le greffier, binôme de celui-ci n’a rien, (sauf les greffiers affectés à la centrale).

Les jugements sont-ils fait par le seul et unique magistrat ? Pourquoi cette discrimination ?

Quant aux locaux, la situation n’est pas meilleure. La création de nouvelles fonctions (BEX ou pôle d’instruction, notamment) est une catastrophe en terme d’espace. On n’hésite plus à loger les greffiers dans les archives, ou, les uns sur les autres, dans les mêmes bureaux, dans des conditions qui entraîneraient, dans le privé, une intervention des Services de L’Inspection du Travail …

La réforme de la carte judiciaire et sa prochaine application vont encore aggraver une situation déjà intenable. Les greffiers des juridictions supprimées vont être répartis dans les juridictions maintenues, sans qu’évidemment les capacités d’accueil des locaux soient augmentées.

Certes on nous dit que « les caisses sont vides ». Si l’on en croit les décisions prises récemment en matière de crise financière, elles ne sont pas vides pour tout le monde …..

Le sentiment général de nos collègues aujourd’hui peut se résumer ainsi. : « Assez de promesses non tenues, assez de mépris. Nous voulons enfin que l’on nous donne les moyens de travailler et les moyens de vivre décemment.

Commentaires

1. Le jeudi 23 octobre 2008 à 08:16 par LDiCesare

Sauf erreur de ma part, le rapport greffiers/juges (ou auxiliaires/magistrats) en France est encore plus mauvais par rapport aux autres pays européens que le niveau du budget de notre justice ou le nombre de juges, non?

2. Le jeudi 23 octobre 2008 à 08:35 par Stéphane

J'aime assez la phrase sur l'intervention de l'Inspection du travail si les conditions dans lesquelles vous travaillez étaient répliquées dans le privé. Je peux confirmer que le respect du code du Travail pour les entreprises privées peut parfois tourner au casse tête, et je suis toujours assez impressionné de la capacité de l'Etat à imposer des règles strictes aux entreprises alors qu'il semble incapable d'en faire autant avec les administrations publiques.
Quoiqu'il en soit, vous avez (greffiers, magistrats) toute ma sympathie.

3. Le jeudi 23 octobre 2008 à 12:53 par AASJ

J'aimerais simplement indiquer que ces propos peuvent être étendus à tout fonctionnaire de justice (adjoint, greffier, greffier en chef)

4. Le jeudi 23 octobre 2008 à 20:06 par hatonjan

Cher greffier, vous dites :
"Au niveau matériel, les logiciels sont totalement archaïques. Certains services dont l’exécution des peines ne sont même pas informatisés. Les temps préhistoriques sont toujours d’actualité."
Je ne peux être que fortement solidaire. Alors que le gouvernement veut développer l'économie numérique, il serait fondamental pour voir que la modernisation des administrations peut amener une baisse des coût et des temps de travail importante ! Bon courage

5. Le jeudi 23 octobre 2008 à 21:18 par Julia

je suis une greffière, qui aujourd'hui journée de mobilisation, n'a même pas eu le temps de déjeuner, submergée de dossiers, des décisions à fignoler pour être rendues dans le temps, à courir derrière des magistrats souvent absents, ils préfèrent travailler chez eux, là au moins il y a du chauffage, et du calme... mais nous fonctionnaires bloqués dans nos bureaux exégues, à crever de chaud l'été, parce que la clim est en panne, ou à attendre qu'on se gèle les doigts sur nos claviers.. pour réclamer l'allumage du chauffage, sans compter les heures supp (non payées) contrairement à la pub gouvernementale, .. les greffiers sont les oubliés du système judiciaire, toujours à espèrer d'avoir enfin un salaire digne de leur bac +2, collaborateurs les plus proches des magistrats, sans nous rien ne se fait.. mais en attendant, on a toujours aucun statut reconnu ..

6. Le vendredi 24 octobre 2008 à 21:38 par PrometheeFeu

Sur l'histoire de l'informatisation, je vous confirme le retard français. En lisant les billets d'Eolas sur le parcours du combattant de celui qui essaye d'obtenir une carte de séjour, je me rappel mon application pour une carte verte, aux USAs. Tout les formulaires étaient sur Internet. J'ai du imprimer et envoyer par courrier, mais je n'ai pas eu besoin de me déplacer pour retirer un dossier et encore pour le rendre. Bon, c'est aussi 1500 Dollars et j'en suis a 8 mois d'attente, mais bon... Nul n'est parfais...

7. Le lundi 27 octobre 2008 à 08:22 par Scriberé

A nouveau quelques mots sur les travailleurs de l'ombre : ceux dont on ne parle quasiment jamais : les personnels du greffe ! dont mes collègues greffiers. Le greffier est bien la pierre angulaire qui tient tout l'édifice , bien souvent ; méconnue du public , la profession mériterait un peu plus de considération et un sort légérement plus confortable ; bien souvent - et fort heureusement- la symbiose Magistrat Greffier fonctionne et sauve du péril l'institution judiciaire. Que dire des conditions de travail des agents du greffe ; il faut - notamment et surtout si l'on est le greffier du service - connaitre l'informatique ( qui a en général une décénie d'écart avec ce qu'on l'on peut avoir à la maison ! ) , maitriser la procédure, se former aux nouvelles technologies de communication, se former aussi à l'accueil du public parfois difficile, et selon le cas mettre le nez dans le fonctionnement d'autres institutions (préfecture , tresorerie, réseau associatif, notaires . .. ).
Comme on se plait à le dire dans les greffes : " l'urgent est fait , l'impossible est en cours, pour les miracles : prévoir un délai ! " .

8. Le dimanche 2 novembre 2008 à 11:02 par patdevelours

Merci à Maître Eolas de nous permettre de nous exprimer.

Je suis "petite main" dans une grande juridiction.
A la fois garante de la procédure, intermédiaire entre le magistrat et le justiciable, mais aussi sous la pression d'une autorité hiérarchique de plus en plus exigeante, qui nous octroie des moyens d'un autre temps.
La place me manque ici pour décrire nos conditions de travail, les piles de dossiers qui s'accumulent sur les bureaux, sur le sol... les "bugs" informatiques, les imprimantes à bout de souffle, le mobilier à la dérive...

Il nous est demandé d'être de plus en plus "pointu" dans notre matière, d'être de plus en plus disponible sans aucune contrepartie, ni même un remerciement de la part de notre hiérarchie. Mais, par contre, nombre d'avocats ont conscience de notre travail et nous le font savoir.

Je n'ai pas la prétention d'être le porte-parole des greffiers, mais je voudrais dire qu'aujourd'hui je suis lasse et désabusée, comme de nombreux collègues.
J'ai participé à la journée d'action le 23 octobre aux côtés des magistrats parce que la limite est atteinte.
J'en ai assez d'entendre les récriminations du justiciable qui ne comprend pas pourquoi son dossier n'est toujours pas en état d'être jugé.
J'en ai assez de travailler 12 ou 13 heures d'affilée (sans même avoir le temps d'une pause) certain samedi ou dimanche pour 30 euros et l'impossibilité de pouvoir récupérer toutes mes heures supplémentaires.
J'en ai assez de constater que le travail du greffier est si peu reconnu...

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