Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le comité de réflexion sur la justice pénale, dit comité Léger, vient de déposer entre les mains du Garde des Sceaux un rapport d'étape, dont le Monde propose la lecture en son intégralité. Lecture qui s'avère extrêmement instructive. Pas de coup de théâtre, certes: si le comité propose la suppression du juge d'instruction, rappelons que dans son désormais célèbre discours du 7 janvier dernier, le Président de la République avait montré aux éminents membres de ce comité la direction à suivre, si jamais ils ne l'avaient pas trouvée tout seuls. L'intérêt de ce rapport d'étape est d'énoncer quelques propositions pour mettre en musique cette possible réforme, propositions qui seront sans nul doute vivement débattues. Quelques commentaires à chaud.

A titre liminaire, qu'il me soit permis de regretter le pieux silence observé dans ce rapport quant à la démission de deux des membres de ce comité, suite justement au discours du Président de la République, ces deux personnalités ayant considéré qu'elles n'étaient pas là pour inaugurer les chrysanthèmes. En clair, que ce n'était la peine de mettre en place une commission chargée de discuter des orientations fondamentales de notre système pénal si celles-ci étaient déjà décidées en haut lieu.

Je ne sais pas ce que les autres praticiens du droit en penseront, mais l'entrée en matière de ce rapport d'étape témoigne d'une méconnaissance pour le moins inquiétante de la matière: j'apprends ainsi, un peu coite, que l'instruction "n'améliore ni l'efficacité de l'enquête ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes".

Merci, ça fait toujours plaisir d'apprendre que l'on ne sert à rien.

Je suggère vivement aux membres du comité Léger une petite visite dans les services d'audiencement des juridictions, pour consulter à la fois des dossiers d'instruction et des dossiers faisant suite à des enquêtes de flagrance et de préliminaire. Et pour comprendre pour quelles raisons, dans ce dernier cas, il arrive que des avocats, lors de l'audience, expriment le regret que l'affaire n'ait pas fait l'objet d'une information judiciaire.

Par ailleurs, énoncer que l'instruction n'assure pas la protection des droits fondamentaux des victimes et des mis en cause n'est pas seulement une inexactitude, mais une contre-vérité.

Lors des interrogatoires chez le juge d'instruction, le mis en examen peut être assisté par un avocat. Lequel a accès à la procédure. Lequel peut formuler des demandes d'acte. Lors de ses auditions par le juge d'instruction, la partie civile peut être assistée par un avocat. Lequel a accès à la procédure. Lequel peut formuler des demandes d'actes.

Dans le cadre des enquêtes de flagrance et de préliminaire, les victimes et les mis en cause ont le droit... et bien, pas à grand chose en fait. Le gardé à vue peut s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure de garde à vue et en cas de prolongation. Cet avocat n'a pas accès à la procédure. Si l'officier de police judiciaire décide d'organiser une confrontation entre le mis en cause et la victime ce qui est fréquent, y compris dans des affaires graves comme les agressions sexuelles, il n'y a pas d'avocats présents. Les avocats ont accès à la procédure quand leurs clients sont convoqués devant le tribunal correctionnel et pas avant.

Bref, les droits des parties sont considérablement plus étendus dans le cadre d'une procédure d'instruction que dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire.

Ceci étant dit, comment le comité Léger envisage-t-il le système procédural français, une fois le juge d'instruction passé par pertes et profits?

Et bien, avec un Parquet menant des investigations "à charge et à décharge".

Là, j'avoue que la subtilité du raisonnement suivi par le comité Léger m'échappe un peu: selon lui, ce que le juge d'instruction, magistrat du siège indépendant et inamovible, ne peut pas faire, à savoir instruire à charge et à décharge, le magistrat du parquet, qui s'inscrit pourtant dans une hiérarchie au sommet de laquelle se trouve le Garde des Sceaux, laquelle s'est benoîtement définie en "chef des procureurs", peut le faire. Enfin, passons.

A ceux qui espéraient négocier une refonte du statut des magistrats du parquet contre la suppression du juge d'instruction, le comité Léger oppose une fin de non-recevoir. Pas question non plus de modifier le statut de la police judiciaire, alors que les affaires sensibles ont pourtant démontré que la position des officiers de police judiciaire pouvait être intenable, du fait d'injonctions contradictoires des magistrats et de leur hiérarchie.

Point de salut, selon le comité Léger, sans l'instauration d'un juge de l'enquête et des libertés, qui sera chargé de contrôler les mesures attentatoires aux libertés pouvant être prises lors de l'enquête (écoutes téléphoniques ou placement en détention provisoire par exemple) et pour s'assurer du respect des droits des parties durant cette phase préparatoire au procès pénal.

Une sorte de super-JLD en somme. D'ailleurs, la fonction de Juge des Libertés et de la Détention va disparaître, ce qui va faire beaucoup d'heureux: tous les collègues qui exercent cette fonction à contrecoeur et croyez-moi, ils sont nombreux.

Pour ma part, je ne suis pas convaincue que la disparition du juge d'instruction au profit du juge de l'enquête et des libertés constituera une avancée et une garantie d'un meilleur contrôle du travail des officiers de police judiciaire. C'est même tout le contraire. Il suffit pour s'en convaincre, de discuter avec les collègues JLD: souvent, il s'agit de magistrats qui exercent cette responsabilité à titre de "tâche annexe" et beaucoup avouent, s'agissant de leur intervention en matière d'enquête préliminaire (autorisation d'écoutes téléphoniques), qu'elle ne leur paraît pas satisfaisante, parce que ponctuelle. La principale force du juge d'instruction est sa qualité de directeur d'enquête. Il dirige l'enquête donc il connaît le dossier. Et c'est ce qui lui permet de contrôler efficacement le travail des officiers de police judiciaire.

Voyons la suite. La garde à vue par exemple.

Avec une proposition notable: la présence de l'avocat lors de la garde à vue et son accès au dossier.

Attention, amis avocats, ne sabrez pas tout de suite le champagne. L'avocat sera présent uniquement si la garde à vue est prolongée. Soit après 24 heures. Et il n'aura pas accès à tout le dossier mais uniquement aux auditions de son client, à partir de la douzième heure de garde à vue. Nuance. Donc pas d'accès aux auditions de la victime et aux PV de perquisition. Le gardé à vue aura d'avantage de droits certes, mais point trop n'en faut.

Où l'on voit que le comité Léger tente de ménager la chèvre et le chou, les avocats et les officiers de police judiciaire, au risque de mécontenter tout le monde.

Autre manifestation de cette prudence toute diplomatique: la création, à côté de la garde à vue qui devrait être réservée aux infractions pour lesquelles une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à un an est encourue, d'une mesure de retenue judiciaire, mesure qui ne pourrait excéder six heures et au cours de laquelle la personne mise en cause aurait le droit de s'entretenir avec un avocat.

Là, je suis perplexe: si la garde à vue est parfois vécue comme une mesure infamante, rappelons que c'est une mesure protectrice de la personne mise en cause car elle lui offre un certain nombre de droits. Dans le système actuel, on considère que l'audition d'une personne mise en cause, lorsqu'elle se déroule hors garde à vue, ne doit pas excéder quatre heures, suivant le délai indiqué pour les vérifications d'identité. J'ai donc beaucoup de mal à considérer comme un progrès pour les droits de la défense une audition hors garde à vue d'un délai maximal de six heures.

Le comité Léger souhaite également la réduction des délais de la détention provisoire, objectif on ne peut plus louable, dont on peut néanmoins déplorer qu'il s'accompagne de considérations sur la nécessaire promotion de "la culture de la liberté dans la phase préparatoire au procès pénal". La liberté est le principe et la détention l'exception, c'est sympa de nous le rappeler mais nous le savions déjà. Ce serait bien si enfin, on arrêtait de considérer les magistrats comme de vilains embastilleurs dont l'unique obsession serait d'envoyer les justiciables derrière les barreaux. Cliché, quand tu nous tiens...

Sur ce point, les propositions du comité Léger ont au moins le mérite de la simplicité et de la clarté. Il s'agirait d'instituer une durée maximale de la détention provisoire entre le début de l'incarcération et la comparution devant la juridiction de jugement, dans les conditions suivantes: six mois si la peine encourue est comprise entre trois et cinq ans d'emprisonnement, un an si la peine encourue est comprise entre cinq et dix ans d'emprisonnement, deux ans en matière criminelle et trois ans pour les faits de terrorisme ou de criminalité organisée.

Silence en revanche sur la question des moyens accordés aux magistrats et aux services d'enquête. Moyens qui influent directement sur la durée des enquêtes et donc, sur la durée des mesures de détention provisoire. Silence également sur la question de l'engorgement des services d'audiencement. Actuellement, le délai de comparution d'un accusé détenu devant la Cour d'Assises dont je dépends est approximativement de 10 ou 11 mois à partir de l'ordonnance de mise en accusation. Si le législateur doit adopter cette proposition de la commission Léger, il y aura bien peu d'accusés qui comparaîtront détenus. C'est un choix de société qui peut avoir des conséquences importantes, y compris en terme de réitération des faits. Conséquences dont il conviendrait, pour une fois, de ne pas faire peser la responsabilité sur les magistrats.

A noter un point intéressant: la possibilité pour le mis en cause de demander que la décision de placement en détention provisoire soit prise par une juridiction collégiale comprenant le juge de l'enquête et des libertés. Mais là encore, silence pudique sur la composition exacte de cette collégialité, magistrats professionnels ou juges de proximité comme on a pu l'entendre ici ou là.

Enfin, le comité Léger propose de maintenir le principe du secret de l'instruction mais de dépénaliser sa violation. En clair, plus de poursuites pour recel du secret de l'instruction, à l'encontre notamment des journalistes. Les atteintes à la présomption d'innocence pourraient toujours faire l'objet de poursuites civiles sur le fondement de l'article 9-1 du Code civil.

A mon sens, cette dépénalisation est susceptible de menacer l'efficacité des investigations. Essayez de faire aboutir une enquête et d'arrêter l'auteur des faits si celui-ci est informé en temps et en heure des investigations des enquêteurs.

Voilà pour les grandes lignes du pré-rapport du comité Léger, qui soulève beaucoup plus d'interrogations qu'il n'apporte de réponses. Le comité reprend sans sourciller la proposition présidentielle de suppression du juge d'instruction, mais élabore un système bancal, et passe sous silence beaucoup de questions fondamentales, notamment la nécessité d'augmenter considérablement le budget de l'aide juridictionnelle. On dira que je prêche pour ma paroisse, mais après lecture de ce rapport, je n'ai toujours pas compris l'intérêt de supprimer la procédure d'instruction. Procédure d'enquête qui, rappelons-le une nouvelle fois, est actuellement la plus respectueuse des droits des parties.

A vos claviers.

Commentaires

1. Le mardi 10 mars 2009 à 00:35 par Boule75

Euh.. Merci Lulu !

Les bonnes nouvelles continuent...

2. Le mardi 10 mars 2009 à 01:00 par ouijepenseke

Pre-rapport : {{Cette mesure de retenue, d’une durée maximale de six heures, sera moins encadrée que la garde à vue. Le « retenu » ne bénéficiera en effet pas du droit de faire prévenir un proche ou de demander un examen médical. Par ailleurs, l’enregistrement des auditions ne sera pas obligatoire.}}

Pas mal la detention incommunicado! a l'abri des cameras et de l'avocat! Cela va etre sympa les 6 premieres heures..

Sinon comment faire un rapport sur la procedure penale sans citer la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertes Fondamentales ? C'est possible apparemment...

On peut etre rassurer les articles 5-1-c), 5-3 et 5-4 de la Convention ne sont toujours pas applicable aux enquetes de flagrance/prelimiaire...

C'est ca l'habeas corpus a la francaise pour citer :

{{L’ensemble de ces mesures pourrait constituer ainsi ce qui a pu être appelé un « habeas corpus à la française ». En effet l’habeas corpus, notion qui existe dans le droit anglais depuis le XIIème siècle, recouvre le droit pour toute personne privée de sa liberté de faire vérifier immédiatement la légalité de sa détention par un juge. Les propositions du comité donnent à toute personne privée de sa liberté des garanties équivalentes.}}

et la guerre c'est la paix, la detention c'est la liberte..un grand bravo pour cette derniere boutade du comite.

Cheers!

3. Le mardi 10 mars 2009 à 07:54 par benver

Mon dieu,

lulu a cause de vous la journée commence mal

4. Le mardi 10 mars 2009 à 08:02 par Oneiros

Je suis totalement effondrée par les admirables idées de notre gouvernement et la capacité des uns et des autres à le suivre... Quant aux deux qui ont démissionné, on peut les regretter, ils auraient peut être tempéré les choses ou soulevé quelques lièvres s'ils étaient restés. Se retirer c'est courageux, rester c'est efficace. Merci de vos lumières même si elles nous désespèrent

5. Le mardi 10 mars 2009 à 08:21 par Juliette

Rien à voir avec le billet ci-dessus. Un passage dans un article de Libé m'a fait sourire tant j'ai pensé au bond que ferait Me Eolas s'il le lisait (j'ai bien peur qu'il n'ait pas le temps cette semaine):

Cependant, les députés ont aussi comblé un vide juridique en autorisant, avec quelques restrictions, la publicité pour l’alcool sur internet pour la première fois officiellement. La loi Evin datant de 1991 était muette sur le sujet, internet n’ayant alors pas encore pris son essor.

http://www.liberation.fr/politiques/0101553157-les-deputes-autorisent-la-publicite-en-faveur-de-l-alcool-sur-internet

6. Le mardi 10 mars 2009 à 08:28 par La Biscotte

Affligeant ce pré-rapport, et je rejoins totalement Lulu : une telle réforme n'améliorera en aucun cas les droits des parties ! Un exemple parmi d'autres : aujourd'hui, les interrogatoires, confrontations et autres reconstitutions sont faits par le juge d'instruction, en présence des avocats. Demain, ce sera le procureur qui s'en chargera, ou les OPJ (selon le texte de ce rapport). Mes collègues substituts ont à l'heure actuelle des services assez chargés, et il n'est pas dans l'air du temps de recruter plus de magistrats. Les juges de l'instruction ne vont pas venir renforcer le Parquet, puisqu'il faudra bien aussi qu'il y ait ce nouveau super JLD.

Donc : en pratique, les substituts n'auront absolument pas le temps de s'occuper des dossiers qui aujourd'hui sont traités par le JI. Ce seront donc des belles délégations aux OPJ pour réaliser les interrogatoires, confrontations etc... voire se passer carrément de ces actes ?

Je n'ai même pas besoin de préciser en quoi les droits des parties, mis en examen comme victime, vont s'en trouver dégradés..

Plus ça va, plus ce gouvernement considère que les magistrats ne servent finalement pas à grand chose...

7. Le mardi 10 mars 2009 à 08:32 par La Biscotte

Quant au Parquet qui "instruit à charge et à décharge", ça c'est vraiment excellent !!!

Apparemment les collègues du Parquet sont moins sensibles que les juges d'instruction au problème tant décrié (complètement à tort d'ailleurs) de la schizophrénie, Maigret et Salomon et gnagnagna... Pourtant, sans avoir eux l'indépendance, j'ai tendance à penser que ça sera encore moins évident pour eux d'instruire à décharge..

Exemple : pas facile pour un subsitut d'instruire à décharge le dossier Colonna, avec le Président Sarkozy trépignant tout en haut pour que sa culpabilité soit établie à tout prix...

8. Le mardi 10 mars 2009 à 08:33 par Ancilevien

Hors-sujet Je propose la création d'un billet présentant les différents colocataires de ce blog, avec un accès aisé sur la droite du site et une mise à jour quand besoin. Si ça existe déjà, je ne l'ai pas trouvé.

Peut-être transformer le nom de l'auteur du billet par un lien y menant aussi.

Merci. /Hors-sujet

9. Le mardi 10 mars 2009 à 08:46 par Anatole Turnaround

Partagez-vous cette étrange sensation de voir notre pays changer rapidement de visage, effaçant certains de ses traits que l'on avait appris à croire éternels. La séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice, s'estompent sous nos propres yeux écarquillés. Et nous restons immobiles et fascinés, comme lorsqu'on regarde, du port, un bateau qui sombre au large.

10. Le mardi 10 mars 2009 à 08:52 par Ancilevien

L’arrêt de la cour européenne des Droits de l’Homme qui flingue la réforme Sarkozy (Bakchich)

Si la Cour Européenne des Droits de l’Homme confirme la condamnation, est-ce que ça imposera à la France de revoir sa copie, ou l'État pourra l'ignorer comme il aime à le faire (ex: la pêche à la thonaille qui traine depuis 6 ans ou les multiples condamnation de la France par la CEDH qu'Eolas a relevé sur ce blog) ?

11. Le mardi 10 mars 2009 à 09:01 par Gascogne

@ Anatole : ou comme le lapin reste sidéré en face des phares du 38 tonnes qui se rapproche... @ Lulu : franchement, tu t'attendais à quoi avec une telle composition : une énorme majorité de "hauts" magistrats du parquet, dont certain avaient pu exprimer il y a peu toute leur aversion pour l'instruction. Des avocats, dont celui du réformateur en chef, qui ont pu dire tout le mal, jusqu'à l'audience, qu'ils pensaient du juge d'instruction... D'une commission fantoche ne pouvait sortir qu'un rapport fantoche...

Lulu :
Un lapin dans les phares d'un camion qui s'approche? Pour des raisons que tu comprendras aisément, j'avoue une préférence pour la métaphore maritime d'Anatole...

12. Le mardi 10 mars 2009 à 09:11 par Thinklessridemore

Bonjour, juste une petite remarque... avez-vous vu ces derniers temps une réforme qui améliore effectivement quelque chose? Pas moi, donc ça ne m'étonne pas. Bonne journée quand même.

13. Le mardi 10 mars 2009 à 09:27 par Nicolas L

Les propositions du Comité Léger ne sont à l'évidence pas satisfaisantes, ni pour les avocats, ni pour les policiers, ni pour les magistrats. Cependant il est incontestable que la présence de l'avocat lors des auditions des mis en cause subissant une prolongation de garde à vue est un "progrès" pour ces derniers. Eolas, en tant qu'avocat, vous pouvez difficilement dire le contraire. Cependant cette bonne intention risque de se confronter à d'importantes contraintes matérielles. Les avocats, notamment d'office, seront-ils en mesure de rester dans les locaux de police ou de gendarmerie pendant plusieurs heures voire une journée entière ? Je ne suis pas membre du barreau, je ne connais donc pas vraiment vos emplois du temps, mais je ne suis pas certain que vous soyez en mesure de passer vos journées avec nous, policiers.

Lulu :
D'où l'importance de revaloriser considérablement le budget de l'aide juridictionnelle. En ces temps de morosité budgétaire, vous comprendrez mon pessimisme sur ce point.

Il n'est de plus pas préciser ce que peut faire l'avocat pendant les auditions. Doit-il simplement assister passivement aux interrogatoires ou peut-il intervenir en lieu et place de son client ?

Bref, beaucoup d'interrogations... et de déception si l'on analyse l'ensemble des dispositions envisagées.

14. Le mardi 10 mars 2009 à 09:28 par Hervé_02

"But when a long Train of Abuses and Usurpations, pursuing invariably the same Object, evinces a Design to reduce them under absolute Despotism, it is their Right, it is their Duty, to throw off such Government, and to provide new Guards for their future security."

Comme le dit si bien le maître de céant, arrivé à un moment, il faut arreter de se plaindre et de suivre l'effet geignant et moutonnier. Maintenant si ce n'est possible par le vote, si ce n'est possible par les paroles, que reste-t-il ?

15. Le mardi 10 mars 2009 à 09:35 par Anatole Turnaround

Il nous reste heureusement les plaisirs du dictionnaire.

FANTOCHE

1. (fan-to-ch') s. m. Néologisme. Il se dit, au lieu de fantoccini, non seulement des marionnettes, mais des personnages de théâtre qui sont fantastiques et n'ont pas de réalité. Adj. Bizarre. Ital. fantoccio (voy. FANTOCCINI).

FANTOCCINI

nm pl. (fan-to-tchi-ni) Marionnettes auxquelles on fait exécuter des scènes sur un théâtre. Aller voir les fantoccini.

Hurrah !Hurrah pour LES FANTOCCINI !

16. Le mardi 10 mars 2009 à 09:35 par Véronique

Partagez-vous cette étrange sensation de voir notre pays changer rapidement de visage, effaçant certains de ses traits que l'on avait appris à croire éternels. La séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice, s'estompent sous nos propres yeux écarquillés. (Anatole)

En même temps, à chaud, lire cela est tout autant stupéfiant:

Une sorte de super-JLD en somme. D'ailleurs, la fonction de Juge des Libertés et de la Détention va disparaître, ce qui va faire beaucoup d'heureux: tous les collègues qui exercent cette fonction à contrecoeur et croyez-moi, ils sont nombreux.

Alors pourquoi les professionnels de la justice se sont-ils si bien accomodés pendant des années de cette chimère JDL, alors que la plupart des JDL n'exercent que cette fonction à contrecoeur, bien conscients de sa nature bricolée, rapportée et annexe ?

Lulu :
Pourquoi nous accommodons-nous de l'existence du JLD? Euh... Et bien, parce que l'institution du Juge des Libertés et de la Détention est prévue par la loi. Et que nous appliquons la loi. Les professionnels du droit peuvent certes exprimer leur insatisfaction quant aux textes qu'ils doivent appliquer. Vous aurez déjà pu constater qu'ils ne sont pas toujours écoutés par les parlementaires.

Et puis, à chaud, toujours.

Exemple : pas facile pour un substitut d'instruire à décharge le dossier Colonna, avec le Président Sarkozy trépignant tout en haut pour que sa culpabilité soit établie à tout prix... (Biscotte)

Exemple: pas facile pour un juge d'instruction d'instruire à décharge un dossier ordinaire, avec le Jack Lang trépignant dans les parages...

... Ce député socialiste de Boulogne (Jack Lang) qui passe pour une personnalité éclairée, quand il était ministre de l'éducation nationale, n'a pas hésité à faire distribuer par son ministère un tract à Bucquoy (petite commune rurale des environs d'Arras) où le mari (jamais condamné, aucun élément matériel) de la directrice de l'école maternelle était soupçonné d'attouchements sur de très jeunes enfants. (commentaire 201 de Didier Specq ).

Pourquoi existe-t-il des dépendances vis-à-vis du desirata politique qui semblent nettement mieux tolérées et plus supportables que d'autres ?

17. Le mardi 10 mars 2009 à 09:55 par L Harting

"Sur ce point, les propositions du comité Léger ont au moins le mérite de la simplicité et de la clarté. Il s'agirait d'instituer une durée maximale de la détention provisoire (...) Silence en revanche sur la question des moyens accordés''
Pourtant, voilà bien une proposition à soutenir : dura lex, sed lex (comme vous dites, non?). Et l'intendance suivra (comme disait ... l'Autre). Bien obligée! (comment font les justiciables?)

18. Le mardi 10 mars 2009 à 09:57 par paji

@Véronique

Ce parallèle entre la dépendance du substitut et celle du juge d'instruction n'est pas pertinent pour défendre les propositions de la commission Léger. Ce n'est pas parce qu'un juge d'instruction protégé par son statut peut subir certaines pressions qui lui rendent la tâche plus difficile qu'il faut mettre à sa place quelqu'un qui, en plus d'être tout aussi sensible aux pressions "informelles", n'est même pas protégé par son statut. Ce serait vraiment pousser le principe de réalité dans ses conséquences les plus absurdes.

19. Le mardi 10 mars 2009 à 10:08 par Anatole Turnaround

@ Véronique “Alors pourquoi les professionnels de la justice se sont-ils si bien accomodés pendant des années de cette chimère JDL, alors que la plupart des JDL n'exercent que cette fonction à contrecoeur, bien conscients de sa nature bricolée, rapportée et annexe ?”

Ou prenez-vous que les professionnels de la justice se sont bien accommodés du juge des libertés? N’aviez vous pas alors entendu dénoncer l’affaiblissement du juge d’instruction ?

Et, à supposer ce fait établi, qu’elle portée lui donneriez-vous ? Y voyez-vous une contradiction avec l’accueil plutôt frais qui semble promis au futur juge de l’enquête ? Et cette contradiction témoignerait d’un accueil séléctif et idéologique des réformes ? Encore ce vieux fantasme d’une justice de gauche ?

Pendant que j’y suis, dans nos palais, on dit JLD, pas JDL, mais chacun reste libre ...

20. Le mardi 10 mars 2009 à 10:12 par La Biscotte

Entièrement d'accord avec Paji : si un JI pouvait être gêné dans le traitement d'un dossier par tel élu, qu'en sera-t-il du substitut, soumis hiérarchiquement au pouvoir exécutif ?

Et quand bien même on trouverait un substitut prêt à sacrifier sa carrière pour traiter un dossier sensible de manière loyale, nonobstant les directives venues d'en-haut, il suffira au procureur de décharger le substitut en question du dossier et de le donner à un autre "plus docile", grâce au merveilleux principe de l'indivisibilité du Parquet..

Alors qu'aujourd'hui, il est tout sauf aisé de dessaisir un juge d'instruction d'un de ses dossiers.

21. Le mardi 10 mars 2009 à 10:39 par MB

Le rapport mis en ligne par Le Monde n'est pas la version finale du pré-rapport. Le fond reste le même, cela dit. Bonne journée.

22. Le mardi 10 mars 2009 à 11:11 par LordPhoenix

Finalement on est bien dans la droite ligne de la politique du gouvernement: une demi-réforme mal foutu qui ne sert qu'a démonter ce qui existe et le remplacer par des bricolages sans s'attaquer au vrai problèmes de fond. Ça fait deux ans que l'on y a droit et malheureusement il n'y a pas de raisons pour que ça change.

23. Le mardi 10 mars 2009 à 11:42 par Triskael

@ Lulu : "Je ne sais pas ce que les autres praticiens du droit en penseront, mais l'entrée en matière de ce rapport d'étape témoigne d'une méconnaissance pour le moins inquiétante de la matière: j'apprends ainsi, un peu coite, que l'instruction "n'améliore ni l'efficacité de l'enquête ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes"."

Je me trompe, ou rien que ces propos peuvent valoir à la commission un Prix Busiris ? Parce que là, on a notre affirmation aberrante, teintée de mauvaise foie et mue par l'opportunité politique. (Pour ce dernier point, justement ceux qui n'était pas mus par l'opportunité politique ont démissionné de la commission.)

24. Le mardi 10 mars 2009 à 12:08 par Nicolas L

Pour le Prix Busiris, systématiquement attribué à la Garde des Sceaux, ce rapport comporte en effet quelques perles dont : "Le juge d'instruction cumule les fonctions d'un juge avec celles d'un enquêteur" (?), ou : "les magistrats du Parquet ont la possibilité d'agir selon des principes de hiérarchisation interne, d'indivisibilité et d'indépendance" (indépendance ?), ou encore : "l'instruction n'est plus adaptée à notre temps en ce qu'elle n'améliore ni l'efficacité de l'enquête, ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes" (j'aurais mal lu le CPP ?). Un festival en effet.

25. Le mardi 10 mars 2009 à 12:19 par Triskael

@ Nicolas L

Il est faut de dire qu'il est sistématiquement attribué à Mme Dati. En revanche, il peut être légitime de penser que cette personne fait tout pour se le voir systématiquement attribué... ^^

26. Le mardi 10 mars 2009 à 12:42 par ranide

En vrac :

- Page 7 : historiquement, le juge d'instruction n'était qu'un supplétif du procureur ; depuis la réforme de la procédure pénale en 1959, il est devenu inutile, puisque "l'intervention d'un juge, pour tous les autres aspects de l'enquête (ceux relatifs aux mesures privatives de droits telles que la détention, le contrôle judiciaire) ajoute peu au travail de la police judiciaire" (page 8). Les juges d'instruction seront sans doute particulièrement sensibles à ce compliment bien senti !

- Page 11 : Mais grâce au comité, le procureur seul directeur d'enquête, pourra devenir un supplétif de la police : le "système actuel qui prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l'instruction est satisfaisant. Il a toutefois été jugé qu'il serait opportun que la loi précise que les officiers de police judiciaire agissent toujours sous le contrôle de leurs chefs hiérarchiques". Le progrès est immense, en effet.

- Page 8 : le juge d'instruction est une institution ambiguë puisque "responsable de l'enquête pénale, il ne peut être neutre ni par conséquent totalement juge". Le comité permet en effet de sortir de l'ambiguïté puisque le nouveau juge de l'enquête et des libertés aura pour mission de "contrôler l'action du parquet et de défendre les intérêts des parties" (pages 11-12) !

- Page 12 : Grâce au confinement de son action, le juge de l'enquête constituera à n'en pas douter un contrepoint aux pouvoirs du parquet et de la police, tant il est vrai que "la procédure pénale doit trouver en elle-même ses propres équilibres" : il ne contrôlera pas les gardes à vue, il ne contrôlera pas la légalité des actes réalisés par le parquet ou par la police (ce contentieux serait confié à la chambre de l'enquête et des libertés,) ; sur demande du parquet, il pourra placer en détention, ordonner les mises sur écoute et les perquisitions sans le consentement des intéressés. Il est juste de préciser que pour assurer "la loyauté" de l'enquête, le juge pourra enjoindre au parquet de réaliser un acte à la demande de la personne mise en cause, mais cet acte (une audition par exemple) sera réalisé par la partie poursuivante, ce qui est bien sûr un gage d'objectivité. D'ailleurs, il ne semble pas que le juge de l'enquête ou la chambre de l'enquête puissent critiquer le déroulement de ces mesures, ni d'office ni sur la demande de la personne mise en cause. Évidemment, le comité ne se prononce pas et à vrai dire ne pose même pas la question de savoir qui du juge de l'enquête ou du procureur décidera de la clôture de l'enquête. Comme dans le système actuel, ceux qui seront jugés en comparution immédiate continueront à l'être dès leur sortie de garde à vue, sur les seuls éléments de l'enquête dirigée, sans véritable contradictoire, par le parquet ; pour les autres, qui ne seront pas présentés en comparution immédiate, ni placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, ben ça dépendra de la réponse à cette question. Il ne faudrait tout de même pas que le juge de l'enquête devienne aussi emmerdant qu'un juge d'instruction. D'ailleurs, même en cas de détention provisoire, la personne mise en cause pourra obtenir (peut-être) du juge de l'enquête des mesures d'investigation mais si ces mesures sont susceptibles d'entraîner le dépassement du délai maximum de détention provisoire, eh bien la durée de réalisation de ces mesures ne sera pas prise en compte dans le calcul du délai de détention (page 23). Voila.

- Pages 14-15 : Grâce à la "souplesse d'une procédure peu empreinte de formalisme", on va mieux protéger les droits des personnes mises en cause. Tant qu'une personne suspectée ne fera pas l'objet d'une mesure de retenue judiciaire ou d'un placement en garde à vue, elle ne sera pas "partie à l'enquête" ; il ne sera donc pas nécessaire de lui notifier les faits qui lui sont reprochés et sur lesquels une enquête est en cours, et elle n'aura pas accès au dossier. Pour la victime, on ne sait pas à quel moment elle pourra avoir accès au dossier. Ainsi, un scandale comme celui auquel a donné lieu l'enquête menée contre Julien Dray, publiquement mis en cause à un moment particulièrement opportun pour l'exécutif, et qui n'a pas accès au dossier et aux charges qui pèsent contre lui, ne sera pas évité. C'est très rassurant.

- Pages 17-18 : le rôle de l'avocat au commissariat sera lui aussi confiné ; le "retenu judiciairement" aura le droit de voir un avocat ; le gardé à vue aura le droit de voir un avocat, qui à compter de la 12e heure pourra avoir non pas accès au dossier de l'enquête mais seulement aux auditions du gardé à vue à lui-même et qui à compter de la 24e heure pourra assister à ses interrogatoires. C'est sûr que c'est un progrès, car il va de soi que jusqu'à présent le gardé à vue était incapable d'expliquer à son avocat quelle était la teneur de ses déclarations aux services de police. Ah que c'est beau le progrès, que c'est beau la rupture !

Globalement, on comprend bien que l'essentiel est que tout change pour que rien ne change, sauf de consacrer la mainmise totale du parquet et de la police sur l'enquête judiciaire.

Bon, j'arrête, je suis dégoûté.

27. Le mardi 10 mars 2009 à 12:50 par Capitou

Lu et relu le rapport: à part les délais buttoirs de détention provisoire, qui impliqueraient comme l'écrit Lulu, un peu plus de réflexion sur les longs délais de comparution, alors que les audiences sont en très forte surcharge (cf les condamnations de la France par la CEDH, pour des décisions rendues en nocturne), je ne vois vraiment pas en quoi, les propositions amélioreront la phase préparatoire au jugement. Attention, la présence possible de l'avocat lors des auditions du gardé à vue, est un leurre! Quel mis en cause pourra financièrement s'assurer de cette présence, au demeurant admise avec grande... prudence (toujours pas d'accès au dossier)? (pendant 24, 48 heures?). On a critiqué la procédure "inquisitoire" mais celle qu'on nous propose l'est davantage. Je suis pleinement d'accord avec Lulu, la police sera totalement maître du jeu: non vraiment judiciaire, elle sera peu contrôlée par un "juge des enquêtes", qui n'interviendra que ponctuellement et de manière inévitablement superficielle, le Parquet deviendra un service annexe du préfet... Quant à la défense, elle sera un peu plus démunie: les procès verbaux font foi, n'est ce pas, jusqu'à preuve du contraire qu'on ne lui donne guère les moyens d'apporter, demain, un peu moins qu'aujourd'hui... Ah! j'oubliais, une profession se réjouit: les détectives privés réunis en congrès!

28. Le mardi 10 mars 2009 à 12:57 par Dadouche

Je crois que mon passage préféré, c'est celui-là :
(à propos de l'intérêt de confier toute l'enquête au parquet, sans la césure actuelle quand la procédure est attribuée à un juge d'instruction)Les services d'enquête auront ainsi un interlocuteur unique tout au long de la procédure

Lulu :
Je pense que les officiers de police judiciaire devraient également apprécier ce passage qui, ajouté à celui relatif à la "confusion des rôles" due à la cohabitation du magistrat du parquet et du magistrat de l'instruction, semble suggérer que les policiers et gendarmes sont de gros bêtas incapables de faire la différence entre enquête de flagrance ou préliminaire et information judiciaire...

(intérieur nuit - 3 heures du matin, dans l'intimité de la chambre à coucher du substitut de permanence de nuit de Framboisy) :dring, Dring DRIIIING
le substitut, hébété, décroche le portable de permanence après avoir successivement tenté d'éteindre son réveil et d'éviter l'oreiller rageusement lancé par sa chère et tendre : Hein ?
le gendarme, en pleine forme : Mes respects Mr le Procureur, c'est pour vous aviser d'une agression à l'arme blanche à la sortie du Scoopy Club. La victime a été salement amochée, on a l'agresseur en garde à vue, l'avocat a été avisé, on commence les auditions

(intérieur jour, 9 h 30, bureau de la permanence du Parquet de Framboisy) - la substitut de permanence de jour essaie de déchiffrer les notes nocturnes de son collègue qui a juste eu le temps de lui tendre le cahier de permanence avant de partir à l'audience : Dring, Dring
la substitut, pleine d'allant : Permanence du Parquet de Framboisy, bonjour
le gendarme, étonné : Heu, mes respects Mme le Procureur, je vous rappelle pour notre agression à l'arme blanche...
la substitut, soulagée de comprendre qu'on n'a pas réveillé son collègue en pleine nuit pour une histoire de crème glacée ou de fantôme : Ah, oui, vous pouvez me rappeler ce qui s'est passé ?

(intérieur jour - 15 heures 30 ) - bureau du vice-procureur, qui remplace pour une heure la substitut de permanence partie requérir à une comparution immédiate
Le vice-procureur, qui a fait un transfert automatique d'appels depuis le bureau de permanence: Oui ?
le gendarme, après un temps d'arrêt : Euh, mes respects Mr le Procureur. Il y a eu des développements inattendus dans l'agression du Scoopy Club. Votre collègue avait envisagé une levée de garde à vue et un déférement, mais en fait le mis en cause vient de nous dire qu'il y avait quelqu'un avec lui, on le recherche.(suivent de longs développements récapitulant toute l'affaire depuis 3 heures du matin)
le vice-procureur, rugueux : Vous maintenez la garde à vue, vous chopez l'autre gusse et vous rappelez la permanence en fin d'après-midi pour la prolongation.

(bureau de la permanence du parquet - 19 heures - l'auditeur de justice décroche le téléphone pendant que la substitut est partie chercher un sandwich en prévision d'un débat nocturne devant le JLD
le gendarme, lassé : Oui, c'est la BT de Framboisy, je vous rappelle pour le prolongation de la GAV dans l'affaire du Scoopy Club
l'auditeur, perdu : Hein ?

C'est beau l'indivisibilité.

29. Le mardi 10 mars 2009 à 13:02 par Marcel

Je vois mille bonnes raisons de ne pas trouver l'institution actuelle du juge d'instruction satisfaisante. Mais je n'en vois aucune, dans ce que j'ai pu entendre de ce rapport Léger, d'espérer que les choses iront mieux après une telle réforme. Je ne vois pas d'où sort l'idée qu'un procureur serait mieux à même de mener "une instruction à charge et à décharge" qu'un JI. Quant aux avancées pour les droits de la défense, il s'agit d'une véritable blague : c'est ça, le rôle de la défense dès le préliminaire ? Ouarf...

30. Le mardi 10 mars 2009 à 13:27 par Sylvain

Bonjour, Merci de cet éclairage. Une fois de plus, j'ai l'impression (l'est-ce véritablement?) que l'on continue de "jouer" avec le Droit. Ah..., le CPP, tant de fois réformé, mais toujours autant de bêtises... Merci de vous inquiéter du sort des OPJ, ils continueront assurément à faire ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont...

31. Le mardi 10 mars 2009 à 14:24 par cestcekejepense

@28.

03:00 blick blick l'email urgent est arrive au meme moment sur le backberry du substitut M. lapeinedemortauminimumpourlevoleurdepoule, sur l'ordinateur du juge M. cestmoikikontrole de permanence dans son bureau dans le tgi (5-1-c de la Convention) et sur l'Iphone de l'avocat designe M. superlawyer.

03:01 apres s'etre loge sur le portail securise, ils ont tous les 3 acces aux informations precisant l'arrestation du citoyen M. presume innocent a 2:55 devant le snoopy club 12 avenue de Sarkozy IIIe a Framboisy par le gendarme M. Albert pour le delit de "violences avec armes" reprime par l'article 222-13 alinea 10 par le code penal car il tenait une arme blanche pres de la personne blessee.

le substitut valide en ligne la demande d'expertise du gendarme M. Albert pour fixation d'une ITT par Dr. X. Il est content de constater en ligne que l'audition des 2 temoins Z et W par l'autre gendarme M. Jean est prevue de 8:30 a 9:30.

M. superlawyer valide en ligne sa presence pour l'audition prevue de son client de 9:30 a 10:00 et pour un entretien avec son client de 4:00 a 4:30 pour se renseigner sur les conditions de son arrestation, de sa detention et pour connaitre sa ligne de defense.

14:30 : blick blick l'email arrive sur le backberry du substitut M. lapeinedemortauminimumpourlevoleurdepoule, sur l'ordinateur du juge M. cestmoikikontrole de permanence dans son bureau dans le tgi et sur l'Iphone de l'avocat designe M. superlawyer. C'est une demande de prolongation de detention du gendarme.

14:45 : le juge M. cestmoikikontrole prolonge la detention de 6 heures (5-1-c) et ordonne la presentation de M. presumeinnocent a l'audience de 20:00 a 20:15 pour prendre une decision sur la remise en liberte avec ou sans caution ou la mise en detention dans la prison locale. M. superlawyer et le subsitut en son avise immediatement par email.

19:00 : Le subsitut et M. superlawyer ont accede en ligne a l'ensemble du dossier de la procedure policiere et aux auditions des temoins. L'ITT a ete fixee a 12 jours par le medecin. Ils se preparent pour l'audience de remise en liberte.

20:15: M. presume innocent est presente au juge M. cestmoikikontrole (5-3 de la Convention) et remis en liberte sous caution. M. superlawyer a fait une demande d'annulation de la procedure pour violation de regle de procedure. L'audience sur la legalite de la detention policiere se tiendra sous 15 jours (5-4 de la Convention).

32. Le mardi 10 mars 2009 à 16:05 par Dadouche

@ cestcekejepense (si c'est bien à moi que vous vous adressiez, ce dont je ne suis pas sûre car "je ne suis pas un numéro ! ")

C'est beau l'épaisseur humaine.

33. Le mardi 10 mars 2009 à 16:28 par cestcekejepense

Je repondais a votre recit 28. par un autre recit qui respectait la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales (1974- ).

Nothing personal.

34. Le mardi 10 mars 2009 à 16:28 par Bernard

Bien que ce ne fût sûrement pas son tout premier objectif, Dadouche @28 a sauvé mon après midi! Un grand merci. Bien à vous.

35. Le mardi 10 mars 2009 à 17:12 par Dadouche

@ cestcekejepense

Plutôt que notre procédure pénale, je crois que c'est notre budget qui n'est pas conforme à la Convention...

36. Le mardi 10 mars 2009 à 17:18 par proc saynète

Vous parlez le suns les autres des quelques rares affaires qui émeuvent les canards et salons parisiens.

Mais en ce qui concerne la délinquance ordinaire (stups, agressions, escroqueries à la petite semaine etc) les juges d'instruction n'apportent pas grand chose de plus que ce qu'ont fait les enquêteurs.

Combien se transportent régulièrement sur le terrain au lieu de rester au chaud au cabinet? combien connaissent personnellement leur arrondissement?

C'est la raison pour laquelle ils sont de moins en moins saisis, (sauf quand on veut étouffer l'affaire ouaf ouaf).

Et je ne parle pas des délais, des chicaneries inhérentes à la procédure préparatoire et du manque de bon sens de certains magistrats instructeurs.

Les citoyens lambda sont tout aussi intéressés à ce que leur affaire aboutisse rapidement et il leur importe peu de savoir qui la traite tant qu'elle est correctement traitée dans des délais raisonnables.

C'est peut-être pas très abouti comme réflexion, mais en dehors des cénacles c'est ce semble penser la population.

Le peuple français, quoi.

Bien à vous

37. Le mardi 10 mars 2009 à 17:22 par Niamor

Bonjour, Ce rapport est une honte dans le sens où il ne répond pas aux attentes du peuple qui souhaite une justice plus juste. Le politique essaye de jouer de l'émotion des gens en mettant en exergue des erreurs judiciaires comme "Outreau" pour permettre de s'immiscer dans le judiciaire et plus particulièrement d'avoir la main mise sur les scandales politico-financiers Pourquoi ne pas supprimer les hommes politiques puisqu'il y a eut l'affaire Tibéri ? Ou peut être faut il dit que les personnes responsables d'une autorité sur ses homologues citoyens doivent pouvoir faire l'objet de contrôles. N'est ce pas là le sens de république? Si on s'en tient au sens étymologique de ce mot "res publicus", du latin chose publique, si. Tout cela pour montrer en quoi il est absurde de procéder a des raccourcis dangereux, c'est a dire, erreur = suppression, alors même que les défaites sont censés nous apprendre a ne pas les réitérer. Cela nous amène a notre sujet ,le juge d'instruction. La réflexion ne doit pas être ,à mon sens, dans sa remplacement, mais, dans son encadrement. L'instruction par un magistrat du parquet constitue pour moi une violation de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire Maintenant, en qualité d'avis, cela est un sentiment personnel.

38. Le mardi 10 mars 2009 à 17:35 par Tendance

La messe est loin d'être dite. En effet La révolte gronde au sein même de la majorité (78 députés tout de même). Elle est conduite par Jean-Paul Garraud, vice -Président de la Commission d'Outreau:

http://www.marianne2.fr/Reforme-de-la-justice-la-pire-opposition-c-est-la-majorite_a175530.html

N°1414 ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIEME LEGISLATURE Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le PROPOSITION DE RESOLUTION tendant à la création d’une commission d’enquête sur la réforme de l’instruction des affaires pénales. PRESENTEE Par M. Jean-Paul GARRAUD

EXPOSE DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Nul système n’étant parfait puisque la Justice est heureusement humaine, il convient de trouver le moins mauvais ; celui qui, à la fois, évite l’erreur judiciaire et permet de retrouver le criminel, celui qui va vite mais n’est pas expéditif, celui qui donne tous les droits à la défense mais également aux victimes, celui qui permet d’enquêter et d’instruire en toute indépendance dans le seul but de la recherche de la vérité. Notre système doit évoluer, tout le monde en convient, y compris le corps judiciaire. Mais ces évolutions sont déjà pour partie en passe d’être mises en oeuvre. La Justice a besoin d’une grande et vraie réforme, celle dont nous avions tiré les grands traits lors de nos conclusions dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau et qui a commencé à produire certains effets comme la création des pôles d’instruction et la réforme de l’Ecole Nationale de la Magistrature qui recrute et forme les magistrats. La commission n’avait pas préconisé la suppression du juge d’Instruction mais plutôt celle du juge de la liberté et de la détention (JLD), création de la loi du 15 juin 2000, dont l’une des premières applications a concerné cette dramatique affaire… En retirant la détention provisoire au juge d’Instruction, le législateur d’alors, unanime, avait considéré avoir trouvé enfin la bonne réponse pour réduire les mises en détention provisoire en évitant les pressions des juges d’Instruction taxés d’obtenir les aveux, même des innocents. Le « double regard » ainsi créé par l’instauration du JLD devait permettre d’éclairer la Justice en confortant les droits de la défense… Sauf que, en fait de double regard, le JLD est devenu un juge aveugle qui n’a pas tous les éléments à sa connaissance, qui doit statuer dans l’urgence avec peu de moyens, qui alourdit la procédure devenant ainsi des pièges à nullités sources de mise en liberté de dangereux coupables et qui, de plus, n’a en rien réduit les mises en détention provisoire. C’est surtout un juge dont le principal défaut est d’être un juge unique pour prendre la décision la plus importante qui consiste à priver de liberté. N’oublions pas que dans l’affaire d’Outreau, c’est le JLD qui incarcère des innocents et pas le juge d’instruction. C’est pourquoi nous soutenons l’instauration d’une collégialité pour les décisions concernant la détention provisoire. Mais pourquoi, dans ces conditions, aller plus loin que les conclusions de la commission d’enquête, remettre en cause les pôles d’instruction qui viennent d’être créés, confier toutes les enquêtes pénales aux Parquets, changer ainsi totalement de régime procédural sans attendre de voir comment fonctionne ce tout nouveau dispositif et alors qu’une commission à la Chancellerie travaille depuis seulement quelques semaines sur la question ? Les Parquetiers sont des magistrats à part entière et qui doivent le rester, dont la mission est de première importance puisqu’ils défendent les intérêts de la société. Il est néanmoins inconcevable d’en faire les seuls détenteurs de la mise en mouvement de l’action publique, les seuls qui seraient susceptibles de faire démarrer les enquêtes, de les diriger et de les contrôler. Sauf à considérer qu’ils deviennent indépendants du pouvoir exécutif, ce à quoi 2 nous sommes opposés pour la bonne raison que la politique pénale sur le territoire de la République doit être uniforme. Le Ministre, le Procureur général, le Procureur sont en charge de la politique pénale et de son application. Si le « cordon ombilical » est coupé entre le Ministre et les parquetiers, ce sera le gouvernement des juges, la loterie entre les ressorts judiciaires et plus aucune action d’ensemble ne pourra être mise en place pour lutter au niveau national contre les trafics de drogue, les mafias, le terrorisme, par exemple. On ne peut pas prendre le risque de jouer avec la sécurité de nos concitoyens. Le Parquet doit appliquer une politique pénale décidée par un gouvernement issu d’un vote démocratique, il n’y a rien de choquant en cela. Mais, dans ces conditions, ce même parquet ne doit pas avoir entre les mains tous les outils de la poursuite. Il est indispensable pour l’exercice de la démocratie qu’un simple et modeste citoyen puisse contourner l’éventuel arbitraire d’un Procureur qui aurait, par exemple, classé son affaire par opportunité…Et il est tout aussi indispensable, pour que ce même citoyen ne désespère pas de la démocratie, qu’on ne lui donne pas le sentiment que l’aboutissement ou l’échec d’une plainte, ou d’une enquête, dépend exclusivement du pouvoir exécutif. Est- on bien certain que nombre d’affaires que nous gardons en mémoire auraient été menées à leur terme si seul le Parquet, dans le secret de son enquête, s’en était chargé exclusivement ? Et, si nous basculions dans un système totalement accusatoire, comment donner à la défense des droits équivalents au nom de « l’égalité des armes » avec ce Parquet omnipuissant ? Comment le simple avocat désigné par l’aide juridictionnelle serait il en mesure d’enquêter à décharge ? Nombre d’avocats en sont d’ailleurs persuadés et préfèrent participer à une instruction au cours de laquelle ils peuvent exiger des actes ce qui leur laisse, en cas de refus du juge, le droit de faire appel. Le système accusatoire est, en réalité, source d’inégalités, d’erreurs judiciaires et d’une grande lenteur car, souvent par calcul, les arguments sont déployés au dernier moment, à l’audience et nécessitent des investigations complémentaires couteuses, longues et incertaines. Et quel serait alors le coût d’une telle justice ? Et tous les citoyens pourraient ils se l’offrir ? Alors, s’il est vrai que quelques juges d’instruction ont commis de lourdes erreurs, faut-il, pour autant tous les supprimer ? Si tel était le cas, que dire de certains avocats agissant pour leur seule gloire personnelle ? Faudrait-il supprimer la Défense ? Et que dire de certains experts négligents, de certains policiers incompétents etc.… ? Ne vaudrait-il pas mieux faire en sorte de nommer, à ce poste difficile, l’élite du corps judiciaire ? Doit-on supprimer les hôpitaux parce que des erreurs médicales sont parfois commises ? Telles sont les principales questions auxquelles devra répondre la commission d’enquête qui mènera une réflexion en profondeur dans le respect des thèses en présence et qui contribuera ainsi réellement à l’élaboration de cette grande réforme de la Justice dont nous avons tous besoin. Aussi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

3 PROPOSITION DE RESOLUTION Article unique En application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres sur la réforme de l’instruction des affaires pénales. 4

39. Le mardi 10 mars 2009 à 18:33 par Nicolas L

@ Ranide (26) qui écrit : "un scandale comme celui auquel a donné lieu l'enquête menée contre Julien Dray..."

Le seul scandale lié à cette affaire est la publication dans la presse du rapport Tracfin... mais à part ça je ne vois pas. Monsieur DRAY (député de la République soupçonné d'avoir détourné à des fins personnelles de l'argent d'associations) n'est pas à plaindre, il sait très bien de quoi il retourne et il ne subira aucune mesure coercitive à son encontre (pas de garde à vue, pas de contrôle judiciaire, pas de détention provisoire). Si l'enquête Dray est pour vous un scandale, comment qualifieriez vous les centaines de milliers de dossiers traités en préliminaire chaque année ?

40. Le mardi 10 mars 2009 à 19:17 par ariane

cher proc saynète, sur quoi vous basez vous exactement pour affirmer qu' "en ce qui concerne la délinquance ordinaire (stups, agressions, escroqueries à la petite semaine etc) les juges d'instruction n'apportent pas grand chose de plus que ce qu'ont fait les enquêteurs"....? si le juge d'instruction est saisi d'un dossier délictuel, c'est le plus souvent en raison de sa gravité et/ou de sa complexité, ce qui implique une direction d'enquête soutenue pour parvenir à la manifestation de la vérité. Or, une direction d'enquête soutenue c'est une plus value (ou alors on m'explique...). Quant aux transports sur les lieux... je pense que beaucoup de magistrats instructeurs aimeraient avoir le temps d'aller plus souvent sur le terrain, mais vu le nombre de dossiers à instruire en même temps, c'est souvent compliqué! les collègues magistrats instructeurs que j'ai pu connaître, (comme moi même d'ailleurs avant de quitter l'instruction), se déplacent quand même hors de leur cabinet quand c'est nécessaire pour le dossier(reconstitutions bien sûr, mais pas seulement : prise de clichés photos, auditions à l'hôpital, présence sur certaines interpellations et perquisitions....). Quant à l'absence de connaissance personnelle de l'arrondissement, j'aimerai bien savoir ce que vous entendez par là (quand il ne travaille pas, le juge d'instruction sort de chez lui, quand même!). Quant à la raison pour laquelle ils sont de moins en moins saisis... en plusieurs années d'exercice j'ai constaté un nombre stable de mes saisines, avec cependant une difficulté croissante dans les dossiers... je crois que cette stabilité des saisines est due à la conscience qu'ont les parquetiers de la charge de travail des juges d'instruction, et qu'ils font le choix de n'ouvrir que pour les dossiers très graves ou très complexes alors qu'ils aimeraient en soi ouvrir davantage... et combien d'avocats ont déjà dit en correctionnelle que le dossier dont ils ont charge aurait mérité une instruction.... le seul point sur lequel je vous rejoins, c'est évidemment sur la nécessité de traiter les dossiers dans un délai raisonnable. Alors, quand le juge d'instruction fait face à 110 dossiers en même temps (dont 1/4 criminels), si vous enlevez les week end et 30 jours de congés (puisque rares sont les collègues qui parviennent à poser l'intégralité de leurs congés...), il vous reste en gros 230 jours de travail, soit une moyenne d'environ 2 jours par dossiers pour une clôture sous 12 mois. Croyez vous vraiment qu'un être humain normalement constitué puisse correctement oeuvrer pour la manifestation de la vérité dans un dossier de viol ou de trafic de stupéfiants en 20heures au total? alors forcément, si le juge d'instruction instruit véritablement, on s'éloigne du délai raisonnable... faut il pour autant "bacler" les dossiers pour qu'ils soient terminés plus vite, dans un délai très raisonnable? je n'ai jamais pu m'y résoudre (peut être ai-je eu tort, finalement?). Mener une instruction demande du recul, de la concentration, de contrôler le fond comme la forme des enquêtes. Achever toutes les instructions dans un délai raisonnable exige plus de magistrats, plus de greffiers, plus d'experts, plus d'enquêteurs, etc. Le juge d'instruction est pour certains un empêcheur de tourner en rond, il faudrait dans l'idéal une collégialité mais les caisses de l'Etat sont vides... que de bonnes raisons pour cette suppression du juge d'instruction! moi, j'ai jeté l'éponge avant...

41. Le mardi 10 mars 2009 à 19:49 par cestcekejepense

@Dadouche

Plutôt que notre procédure pénale, je crois que c'est notre budget qui n'est pas conforme à la Convention...

J'imagine que vous etes procureur de la Republique pour dire ca. C'est donc la seule defense de la France a la Cour europeene des droits de l'homme ? On a pas d'argent pour changer les codes rouges de procedure penale ;)

L'audience a la Cour europeeen de l'affaire Medvedyev et autres c. France (n° 3394/03) a lieu le 6 mai 2009. Elle sera retransmise en leger differe sur le site de la Cour :

http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/The+Court/The+Court/The+Grand+Chamber/

Pour l'article 5 de la Convention, ce n'est pas une question de budget. Si les communications entre la police/gendarmerie et le bureau du procureur/et juge se font par email securise au lieu de fax ou telephone, on gagne du temps et de l'argent des deux cotes.

Pour l'article 3 de la Convention, le budget n'est jamais un argument. Dans les pays democratiques, si il n'y a pas de place de prison disponible, on met la personne en liberte en attente de detention ou on donne des libertes anticipee aux autres detenus afin de liberer des places. Si il y a une cellule commune unique dans un commissariat, on ne met qu'une personne en garde a vue ou on remet en liberte la personne que l'on ne peut pas garder dans des conditions non degradantes.

Cela semble etre des evidences dans des pays democratiques..c'est triste que cela ne le soit pas encore dans la Republique francaise.

42. Le mardi 10 mars 2009 à 20:00 par ranide

@ Nicolas L.

Oui, pas de garde à vue, pas de contrôle judiciaire, pas de détention provisoire. Pas d'accès au dossier non plus et peut-être pas de procès. Ou alors, quand il plaira au parquet et au pouvoir exécutif, s'il y a intérêt.

Non je ne trouve pas satisfaisant que l'enquête préliminaire soit menée par l'autorité chargée des poursuites qui est par ailleurs étroitement subordonnée au pouvoir, parce qu'il n'y a aucune garantie d'impartialité ni d'objectivité. Ni pour les députés, ni pour les autres. Et puis si la commission Guinchard est suivie (et elle le sera très certainement), bientôt les justiciables pourront être condamnés à de la prison ferme (3 mois maximum) par une ordonnance pénale, sans avoir été préalablement entendu par leur juge. Mais vous avez raison, s'ils ne subissent pas, grâce au comité Léger, de garde à vue, de contrôle judiciaire ou détention provisoire, ils ne seront finalement pas à plaindre. Ils pourront toujours compter sur le juge de l'application des peines pour les sortir de là, grâce à loi pénitentiaire qui est en train d'être débattue au parlement.

43. Le mardi 10 mars 2009 à 20:11 par Marcus Tullius Cicero

38. Le mardi 10 mars 2009 à 17:35, par Tendance

Je reprends au vol cette phrase issue de l'exposé des motifs de la proposition de loi du député GARRAUD :

'Si le « cordon ombilical » est coupé entre le Ministre et les parquetiers, ce sera le gouvernement des juges

Toujours ce vieux fantasme qui ne repose sur rien d'objectif !

Dans tous les états démocratiques où le cordon ombilical entre le Parquet (ou l'autorité de poursuite) et le gouvernement (ou ce qui représente l'exécutif) a été supprimé (et qui sont les plus nombreux), on n'a jamais vu de gouvernement des juges, mais au contraire une stricte séparation entre les deux pouvoirs, sans nuire à l'efficacité d'aucun des deux.

Mais, en France l'idée que la justice puisse librement et en toute indépendance appliquer les lois votées par le parlement, constitue depuis au moins Napoléon un motif d'horreur pour les politiques.

44. Le mardi 10 mars 2009 à 21:44 par MP

Que dire... Quand s'arrêteront-ils, par pitié ?!

En tout cas je vois déjà le sujet d'examen pour le grand oral du CRFPA... Jamais ça ne tiendra en 15 minutes d'exposé !

45. Le mardi 10 mars 2009 à 23:04 par didier specq

@ariane

Si, si, dans l'immense majorité des cas, on a bel et bien l'impression que le juge d'instruction n'aurait pas apporté grand-chose de plus.

Je ne veux pas du tout dire par là qu'il faut supprimer le juge d'instruction. Je me base plutôt pour dire ça sur l'évolution réelle de la justice depuis une vingtaine d'années: la procédure reine, c'est ldésormais a comparution immédiate et son esthétique a, en quelque sorte, remplacé l'esthétique classique, ancienne, traditionnelle de l'instruction.

L'instruction, c'était l'idée, en quelque sorte, d'une justice parfaite qui allait jusqu'au bout d'un dossier, pesait le pour et le contre et envoyait devant les juges un travail parfaitement ficelé.

Petit à petit, on a découvert un monde (par exemple en matière de stupéfiants) où on n'allait jamais au bout des choses. De toutes façons, les commissions rogatoires internationales, quand on les envoie à Rotterdam ou au Maroc, ne reviennent jamais à temps, si, d'ailleurs, elles reviennent un jour. Alors autant envoyer devant une chambre correctionnelle jugeant des comparutions immédiates: là, au moins, les dealers de rue, les passeurs, quelquefois les commanditaires quand l'un d'entre eux est pris par hasard, se mangent vite fait de la prison ferme.

Evidemment, l'esthétique de la comparution immédiate peut jouer à plein pour les agressions de rue, les violences conjugales, les escroqueries, certaines infractions financières genre travail au noir, etc...

D'ailleurs, si on s'y mettait sérieusement, plutôt que de faire des enquêtes ou des instructions qui n'aboutissent jamais ou si tard, certains délits (non justification de ressources par exemple) permettraient peut-être de combattre efficacement en comparution immédiate des phénomènes (marchands de sommeil, blanchiment d'argent, trafic d'être humains) que les juges d'instruction ont tant de peine à mettre au jour...

Je crois que c'est un peu cette logique -approximative mais plus rapide- qui a tué petit à petit le juge d'instruction.

Aujourd'hui, on voit des braquages en comparution immédiate. Parfois même des viols. La réponse -par exemple au bistrotier qui vient de se faire braquer- a l'avantage d'être immédiate même si on n'a pris que deux braqueurs sur les quatre qui avaient été observés sur place...

Je crois que c'est cette façon de voir -mieux vaut une réponse approximative qu'une réponse remise sans arrêt à plus tard- qui est en train de l'emporter. Je ne dis pas que c'est bien, je constate un fait...

46. Le mercredi 11 mars 2009 à 07:19 par Véronique

@ Anatole (post 19)

Je suis désolée de ne pouvoir vous répondre que maintenant.

Une sorte de super-JLD en somme. D'ailleurs, la fonction de Juge des Libertés et de la Détention va disparaître, ce qui va faire beaucoup d'heureux: tous les collègues qui exercent cette fonction à contrecoeur et croyez-moi, ils sont nombreux. (Lulu)

Ce qui me gêne dans la phrase de Lulu, c'est l'idée que le ressemble à rien de la fonction actuelle de JLD, dont ceux qui sont très extérieurs au monde judiciaire peuvent avoir un aperçu ici, ait été si peu discutée et mise en question publiquement par les magistrats tout au long des presque dix années de son existence.

Par exemple, par hypothèse, je ne suis pas certaine que le JLD ait donné lieu à des publications autres que très spécialisées, ou à des débats acharnés chez les professionnels de la justice.

Mais je ne demande qu'à être détrompée sur ce point, sachant que je n'ai pas la possibilité de vérifier si mon hypothèse est fondée ou pas.

Le lecteur a le sentiment que les limites, les défauts et l'échec de la fonction JLD étaient et sont évidents pour la plupart des professionnels depuis sa création.

J'ai du mal à imaginer comment dans un tribunal les professionnels (magistrats + avocats) peuvent s'accommoder d'une réalité qui ne fait illusion pour personne, dont les critiques ne semblent relever que de l'entre soi et du non-dit, et qui ne s'expriment que par le biais du contrecoeur.

Je ne discute pas l'analyse de Lulu. Cela dépasse mes moyens.

Mais si le juge new wave doit effectivement être un super JLD, une copie en agrandi, très clairement et compte tenu de l'expérimentation en réel du JLD sur une période de près de dix ans, mon premier élan spontané et intuitif est d'approuver l'analyse de Lulu.

47. Le mercredi 11 mars 2009 à 08:17 par didier specq

@anatole @veronique

Effectivement, je ne pense pas du tout que le JLD soit si mal vu que cela dans le monde judiciaire. Au contraire.

On dit un peu trop facilement par exemple que, sauf exception, le JLD confirme tout le temps la volonté d'incarcérer du juge d'instruction. Certains sortent même des statistiques.

A mon avis, elles sont par définition fausses car elles ne peuvent prendre en compte le fait suivant: le juge d'instruction et le procureur savent que le JLD va passer après eux; donc, ne serait-ce qu'inconsciemment, ces deux magistrats commencent déjà à se censurer dans leurs envies d'incarcérer. Souvent quand le JLD confirme, l'observateur ne se faisait aucune illusion car, n'en déplaise aux adeptes des mondes enchantés où aucune incarcération ne serait jamais nécessaire, la détention provisoire semblait d'ores et déjà inévitable.

Le JLD, c'est une fonction solitaire où, très vite et souvent très tard, le juge doit donner une réponse vitale. Généralement, la liberté ou pas. Si on ajoute le contentieux très lourd et lui aussi très douloureux des "35 bis" (doit-on laisser cet étranger que j'ai devant mes yeux en centre de rétention?), on comprend que le JLD se trouve être le juge par excellence qui vit en permanence dans une sitation inconfortable. A Lille, les "35 bis" prennent au moins la moitié du temps de travail des JLD.

Reste une dernière caractéristique technique qu'il ne faut pas sous-estimer: le JLD passe après tout le monde. Après l'arrivée du suspect dans les geôles du Palais, après le déférement devant le proc, après la première comparution devant le juge d'instruction... Le JLD, ça veut dire aussi: Jamais Là à Dîner.

Bref, c'est une fonction très dure que les magistrats n'assurent sans doute pas toujours le coeur léger. Mais le JLD n'est sûrement pas un juge décrié.

48. Le mercredi 11 mars 2009 à 09:17 par Hobbes

... et bien, quel rapport c'est pathétique.

Moi ce qui me choque le plus c'est que le JEL me paraît être un pretexte, une justification pour que le Super Parquet (dont le robe sera flanquée d'une cape rouge) puisse mener l'enquête comme la hierarchie le souhaite.

Le point fort du juge d'instruction c'est le contact avec les justiciables et leurs avocats; souvent les dossiers émanant du parquet comme supers dossiers gonflés à bloque se dégonflent comme un ballon sous le point de CHABAL des lors qu'on en fait une lecture approfondie et que l'on rencontre les prévenus.

J'ai bien peur que par cette réforme on ne déshumanise encore plus la justice, et c'est bien triste.

Le juge d'instruction avait (parfois) un côté humain qui permettait aux victimes mais également aux mis en examen de ne pas avoir l'impression de se heurter à un "monstre froid".

Drôles d'idées que celles qui sont développées dans le pré-rapport.

/kiss all

49. Le mercredi 11 mars 2009 à 09:22 par proc saynète

A Ariane

bonjour

la pratique généralisée des commissions rogatoires, dont l'exécution n'est pas facile à suivre pour le Juge d'instruction, ne permet pas toujours une direction étroite des enquêtes comme peut l'assurer le Parquet, dont les contacts avec les OPJ sont beaucoup plus fréquents et aisés.

Pourquoi dans ces conditions, pour la délinquance ordinaire, ne pas se passer d'un échelon en l'absence de plus-value?

D'autant que les informations judiciaires sont des nids à chicanes tant la procédure recèle de chausse-trapes au fil des ajouts.

La question du statut du Parquet ne se justifie que dans des cas très marginaux, infinitésimaux mais sans doute importants.

Cela dit, l'indépendance est aussi question de tempérament.

50. Le mercredi 11 mars 2009 à 09:25 par ariane

@ Didier Specq c'est terrible de lire qu'"on a bien l'impression que le juge d'instruction n'aurait pas apporté grand chose de plus"... qu'est-ce qui compte, le fait que "on" puisse avoir cette impression, ou bien ce qu'il en est réellement, et là je peux vous dire que l'apport de l'instruction, il est immense si on lui en donne un minimum les moyens. Oui, effectivement, la procédure "reine" c'est la comparution immédiate : si le dossier paraît à peu près bouclé, oui, même à peu près seulement, le Parquet passe le dossier en compa, et parfois (oserais-je dire régulièrement) ce choix il le fait alors qu'il aurait préféré ouvrir une instruction, mais il renonce car il sait que les cabinets sont déjà encombrés, alors ma foi, autant garder les ouvertures pour des dossiers criminels ou délictuels contestés. Comment pouvez vous dire que "certains délits (non justification de ressources par exemple) permettraient de combattre efficacement en CI des phénomènes (marchands de sommeil, blanchiment d'argent, trafic d'êtres humains) que les JI ont tant de peine à mettre au jour"? La non justification de ressources est le fait de ne pas pouvoir justifier de son train de vie ou de l'origine d'un bien alors qu'on est en relation habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant de crimes/délits (en résumé), il faut donc bien qu'à la base on identifie précisément le crime/délit principal sur lequel repose cette non justification! quand vous dites que vous voyez des braquages ou des viols en comparution immédiate, et que de manière générale mieux vaut une réponse approximative qu'une réponse remise sans arrêt à plus tard, ça m'inquiète : qu'est-ce que vous faites de la recherche de la vérité dans tout ça? de la recherche de la juste peine si la personne est reconnue coupable? il faut des éléments pour asseoir un jugement, et il me semble qu'en matière de délits graves (je n'ose pas dire de crimes, vu que la correctionnalisation d'opportunité pour éviter une instruction ou de longs délais d'audiencement n'a pas franchement mes faveurs...) rendre un jugement en moins d'une semaine est hasardeux (l'expertise psy rendue en moins d'une semaine, ça me laisse dubitative quand on sait la quantité de personnes à expertiser et les délais nécessaires à un examen psy digne de ce nom...). Quant à la coopération pénale internationale, là c'est sûr qu'il y a des progrès à faire! condamner un passeur en compa, je ne vois pas ce qu'il y a de satisfaisant là dedans, quand on a des éléments démontrant que les commanditaires sont bien tranquilles hors de nos frontières. Alors que quand des moyens sont donnés, et là je vous donne l'exemple des JIRS, on arrive clairement à des résultats! pourquoi : parce que les JI instruisent à plusieurs, qu'ils ont les moyens de se déplacer à l'étranger, entre autres. Pour dimininuer les délais d'instruction et augmenter son efficacité, il suffirait d'une volonté politique et des crédits affectés en conséquence. Il ya aurait bien sûr d'autres points à réformer à l'instruction, mais si déjà, on pouvait juste donner aux JI les moyens de travailler (comme avoir un greffier à temps plein tout le temps, et pas un greffier pour deux juges d'instruction....), ça irait mieux.

51. Le mercredi 11 mars 2009 à 10:03 par ariane

@ proc saynète

mais d'où tenez vous que l'exécution des commission rogatoires n'est pas facile à suivre pour le JI? => le JI prend son téléphone, appelle les enquêteurs, ou va les voir carrément, et dit "alors, elle en est où ma CR? ces interpellations, elles arrivent? cette audition, elle est faite?"; je ne vois pas où est la difficulté là dedans. Les OPJ ne sont pas lâchés dans la nature, en principe!

d'où tenez vous que les contacts du parquet avec les OPJ sont plus fréquents et plus aisés?! plus fréquents peut être à cause de la masse des dossier traités par le Parquet, mais là ce sont tous les enquêteurs du ressort qui s'occupent de ces dossiers; pour l'instruction, ce sont toujours plus ou moins les mêmes enquêteurs qui reviennent (certains services dcu commissariat, la PJ...). Des contacts avec les enquêteurs, les JI en ont et pas qu'un peu (en tout cas, j'en avais, et les collègues JI que j'ai pu voir en juridiction aussi!), c'est d'ailleurs à ça qu'on sert : on contrôle l'exécution de notre CR (s'agit donc pas d'attendre gentiment qu'elle revienne une fois exécutée, le but c'est d'avoir des compte rendu réguliers, voire des retours partiels de CR...sinon, je ne vois pas l'intérêt d'être à l'instruction!), et ça signifie non seulement s'enquérir de son avancement, mais aussi revoir la stratégie adoptée pour rechercher la vérité en fonction des actes qui sont accomplis au fur et à mesure, ça veut dire demander aux enquêteurs d'aller voir le témoin truc et de lui poser telle ou telle question en particulier, ça veut dire aider les enquêteurs à ne pas faire d'erreurs de procédure pour des actes un peu compliqués, et j'en passe.

j'attends donc de savoir d'où vous tirez que le juge d'instruction n'apporte pas de plus value.

52. Le mercredi 11 mars 2009 à 15:47 par Nicolas L

@ Ranide (42)

Vous êtes donc un farouche opposant à l'enquête préliminaire (pourtant le moins coercitif des trois cadres d'enquête existant actuellement). Vous n'avez pas de chance car elle va visiblement (cf Comité Léger) devenir la norme en matière d'enquête judiciaire. Mais qu'on se rassure elle va aussi emprunter à (feu) l'information judiciaire diverses mesures destinées à protéger les malheureux mis en cause. Je suis souvent agacé d'entendre dire par le pouvoir en place que la victime doit être au cœur du dispositif pénal... mais à force de lire des papiers sous-entendant que les mis en cause (pour la plupart de réels délinquants) sont martyrisés par notre police et notre justice, je commence à comprendre sa lecture des choses.

53. Le mercredi 11 mars 2009 à 16:19 par proc saynète

A Ariane

j'entends bien vos objections.

La plus-value, souvent réelle, apportée par le juge d'instruction dans le travail d'enquête a un coût peut-être déraisonnable en termes de délais et d'efficacité de la réponse pénale.

C'est devenu hasardeux d'ouvrir une information judiciaire.

Par ailleurs, sous couvert d'apparence d'impartialité beaucoup de magistrats instructeurs hésitent à apporter du soutien aux victimes, ce qui ne pose aucun problème au Parquet.

Les régles de procédure sont contraignantes, le règlement des dossiers est retardé par l'empilage des délais, personne n'y trouve véritablement son compte.

Et les ordonnances de mise en accusation devant les cours d'assises, rédigées par le juge d'instruction, n'apportent généralement aucune plus-value aux écritures des parquets dont elles sont souvent le fac similé à la lecture fastidieuse.

La réforme imposant au JI de d'analyser l'argumentation du parquet et de la défense en une ordonnance démonstrative dialectique n'a pas été applqiuée par confort des uns et des autres.

C'était perdre l'occasion de manifester le petit plus apporté par le juge. Cette occasion a été manquée me semble t-il.

54. Le mercredi 11 mars 2009 à 18:11 par ranide

@ Nicolas L.

C'est vrai que je regrette que l'enquête préliminaire serve de modèle à une réforme de l'enquête pénale plutôt que l'information, parce qu'elle concentre entre les mains de l'autorité chargée des poursuites les pouvoirs d'enquête, ce qui présente de graves inconvénients comme l'expliquent très bien didier specq (n° 47) ou ariane (n°50). Et contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, l'ouverture d'une instruction ne donne pas nécessairement lieu à des mesures coercitives. Le choix de la procédure est neutre à cet égard.

En revanche, le contradictoire est moindre dans le cadre de l'enquête préliminaire et les propositions du comité Léger ne changeront rien à cet égard : Si je lis bien le pré-rapport, la personne mise en cause n'aurait accès au dossier que lorsque la qualité de "partie à l'enquête" lui serait reconnue ; et rien semble-t-il n'obligerait le parquet à lui reconnaître cette qualité tant qu'aucune mesure coercitive n'aura été prise contre elle.

D'ailleurs en y réfléchissant, il me semble que cette évolution irait à contre-courant du droit en général : du contradictoire, il y en a partout : en matière administrative, en matière disciplinaire, bref chaque fois qu'une autorité au sens très large est susceptible de rendre une décision défavorable. Et en matière pénale, là où les sanctions encourues sont les plus graves, le contradictoire devrait reculer, même lorsque le secret n'est pas ou n'est plus nécessaire pour les besoins de l'enquête. Cela me ramène à l'enquête menée contre Julien Dray.

Je ne vois pas où vous avez vu que je pensais que les gardés à vue étaient systématiquement "martyrisés" par la police. Ce qui ne m'empêche pas de m'interroger sur les raisons de l'explosion du nombre de gardes à vue et j'en vois une essentielle : le nombre de gardes à vue constitue un indicateur statistique de l'activité des services de police pris en compte pour "mesurer" l'efficacité des services. Si la "retenue judiciaire" est érigée au rang d'indicateur de l'activité et de l'efficacité des services, je suis prêt à prendre le pari que le nombre de gardes à vue diminuera et que le nombre de retenues judiciaires augmentera au-delà de la diminution de gardes à vue parce les personnes qui sont actuellement entendues sans être placées en garde à vue (si si, ça peut exister) seront placées, à seule fin d'améliorer la statistique de la police, sous ce régime. Et croyez-bien que je n'impute pas cette situation à la perversité des policiers. Simplement, la pression du système est très forte - et de plus en plus sur les parquetiers - et ceux qui expliquent que l'indépendance c'est d'abord dans la tête, me font bien rigoler.

55. Le mercredi 11 mars 2009 à 19:08 par Nicolas L

@ Ranide (54)

Je vous suis tout à fait dans votre réflexion et dans certaines de vos interprétations. Je me permettrai cependant une ou deux petites remarques destinées à mieux faire comprendre mes précédents propos.

L'ouverture d'une information judiciaire ne donne pas nécessairement lieu à des mesures coercitives, certes. Mais en cas de délivrance, par le JI, d'une commission rogatoire "large" ("enquêter sur les faits de... et procéder à toute audition, perquisition, interpellation, etc", je résume), comme c'est très souvent le cas, les enquêteurs disposent alors de pouvoirs coercitifs importants, en tout cas beaucoup plus que si le dossier était resté sous forme préliminaire.

S'agissant de Monsieur DRAY, je ne vous poserai qu'une question : pourquoi la forme préliminaire n'est pas la bonne en ce qui le concerne et le serait pour les dizaines de milliers d'autres mis en cause soumis chaque année à ce régime, y compris dans des affaires financières importantes ?

Enfin, rassurez vous, je ne vous donne pas la paternité des innombrables propos et écrits relatifs à la garde à vue assimilant cette dernière à une mesure infamante et inhumaine menée par des tortionnaires décérébrés. Cordialement.

56. Le mercredi 11 mars 2009 à 19:50 par gil blas

Passionnants ces échanges passionnés et un peu rugueux entre ariane (qui se défend comme un beau diable), proc saynète et le policier Nicolas L; chacun détient une part de vérité, c'est bien là la difficulté. Je ne veux pas faire de peine à ariane mais l'ancien JI ("honoraire") que je suis tend à penser qu'une audition par la police, enregistrée, en la présence effective (est-ce réellement possible ?) de l'avocat peut "valoir" une audition par le juge d'instruction. Parfois à l'audience, pour peu que le Président éprouve le besoin de, disons "compléter", l'instruction, on a l'impression que ces auditions ou interrogatoires successifs sont un peu redondants. Et que doit penser la victime amenée à répéter x fois sa version ! Le "temps" de l'instruction, c'est son intérêt, est un temps plus lent (l'enjeu le justifie); on peut creuser. Mais c'est déjà presque du passé : j'ai encore à l'esprit les dernières visites du Président de la chambre de l'instruction poussant à "sortir" les affaires plus rapidement. Quand je pense, en revanche, à la première inspection de ce genre quelques années plus tôt (c'était à Versailles) avant la folie des statistiques (autant dire au déluge) : "alors M. vos dossiers , ça va ? Il paraît que vous âtes ancien philosophe, comme moi ? Vous savez que j'ai travaillé sur ... (et nous voilà partis à parler de Platon et de "La République". Ce n'est pas si vieux pourtant !

57. Le mercredi 11 mars 2009 à 21:54 par ranide

@ Nicolas L.

Pourquoi Julien Dray ? Ben parce que, si j'ose dire, il s'agit d'une enquête préliminaire qui par suite du tapage médiatique qui l'a entourée, est "tombée dans le domaine public".

Ce qui me gêne dans l'enquête préliminaire pour Julien Dray mais aussi pour tous les autres, ce n'est pas le travail de la police ; c'est le fait que ce soit le parquet, qui oriente l'enquête, qui décide des actes utiles ou inutiles, qui décide du moment où elle est close et qui décide enfin de poursuivre (ou non) devant le tribunal. S'il décide de poursuivre, et si le quidam qui fait l'objet de ces poursuites, a des éléments de preuve à faire valoir qui pourraient résulter d'auditions de témoins, de confrontations, d'expertise, que sais-je encore, il fait comment ? Il fait citer ses témoins à l'audience, il fait procéder à ses frais à une contre-expertise, il la demande au tribunal, il est condamné au bénéfice du doute, il est condamné malgré le doute ? Julien Dray vendra une de ses montres et pourra sans doute se payer une enquête privée. Mais le quidam, même s'il vend sa montre no name, il ne pourra pas. Ce sera déjà bien beau s'il peut payer son avocat. Et puis, pour les dossiers un peu fragiles, il existe d'autres suites pénales que la citation devant le tribunal : le "plaider-coupable", la composition pénale, la convocation devant le délégué du procureur... qui peuvent être attrayantes même pour un innocent ( moins de frais, moins de risques).

L'enquête contre Julien Dray permet également d'illustrer ce que l'on peut craindre dès lors que le parquet n'est pas indépendant du pouvoir exécutif : je suis d'accord avec vous, les faits qui lui sont reprochés sont graves. Alors de deux choses l'une : soit ils sont établis et il doit être condamné, soit ils ne le sont pas et il doit faire l'objet d'une décision de non-lieu ou de relaxe. Je ne comprends ce qui empêche de continuer l'enquête de manière contradictoire pour lui permettre de se défendre, sauf à considérer que l'objectif principal de l'enquête n'était pas "la manifestation de la vérité" et la répression d'une infraction et que cet objectif principal - de nature politique - a d'ores-t-déjà été atteint.

Pour moi, l'enquête équilibrée serait celle où un juge indépendant contrôlerait l'enquête et les enquêteurs et qui serait tenu, avant de pouvoir clore l'enquête, d'organiser un débat contradictoire avec l'accusation, la victime et le prévenu pour savoir si l'une ou l'autre des parties a des demandes d'investigations complémentaires à formuler, et le cas échéant, de statuer sur le mérite de ces demandes.

Mais comme vous me le faisiez remarquer, je n'ai pas de chance et je suis trop vieux pour notre époque :-)

Bien cordialement

58. Le mercredi 11 mars 2009 à 22:04 par La Biscotte

@gil blas : Ce que je ne comprend pas, c'est comment peut-on reprocher au JI d'instruire pas tant que ça à décharge, et vouloir une réforme qui aboutirait en pratique à transférer les actes du JI aux OPJ ? Peut-on sérieusement penser que les ratés de l'affaire Outreau aurait été évité avec un procureur aux manettes, déléguant interrogatoires / confrontations aux OPJ ?

Et sans vouloir critiquer le travail des OPJ, j'ai quand même tendance à penser que le JI peut avoir une façon d'aborder un interrogatoire d'une manière différente de celle d'un OPJ : le JI, magistrat, a l'expérience de l'audience, il sait ce que va attendre le président des Assises ou du tribunal correctionnel, contrairement aux OPJ qui ignorent souvent les subtilités qui peuvent se découvrir à l'audience.. Ainsi, j'ai souvent besoin de reprendre avec les victimes ou auteur de viol la question de la date précise des faits, la notion d'autorité du tiers, etc.. car je sais que ce sont autant de questions qui ont des conséquences pour la saisine de la juridiction de jugement.

De plus, je dois régulièrement préciser aux enquêteurs de vérifier dans le cadre de la CR toutes les hypothèses, afin de fermer toutes les portes et éviter les "rebondissements" aux assises.

Le JI intervient dans l'enquête après l'enquête policière, il dispose quand même d'un peu + de recul que les enquêteurs qui ont interpellé et interrogé immédiatement le suspect. Il n'est pas toujours évident de s'imposer une ouverture d'esprit totale et ne de négliger aucune hypothèse, y compris celle de l'innocence du suspect en question. J'ai tendance à penser qu'il peut être + dur pour les enquêteurs de s'imposer, d'eux-mêmes, cette discipline, puisqu'ils sont intervenus dès le début des faits et ont donc pu naturellement se faire une idée du dossier et de la culpabilité du suspect.

D'où le principe assez naturel de confier à un moment donné la suite de l'enquête à un magistrat afin qu'il dirige les investigations en contrôlant que les OPJ ne négligent aucune piste. Chacun son rôle.

Avec une réforme comme celle présentée par le rapport Leger, je crois que les risques d'erreur judiciaire seront en augmentation...

59. Le mercredi 11 mars 2009 à 23:36 par didier specq

@ariane

Je suis d'accord avec toutes vos objections. Mais je veux dire tout simplement que, les moyens n'arrivant jamais au niveau souhaitable, les juges d'instruction ont peut-être perdu la partie.

Pour les JIRS (juridiction interrégionale spécialisée dans la grande délinquance), il s'agit, vous le savez bien, pour un tribunal comme Lille par exemple, de quelques dossiers dans un océan de dizaines de milliers de procédure qui concernent plusieurs cours d'appel.

La recherche de la vérité? Si cette recherche de la vérité n'aboutit jamais à la vérité elle-même, à quoi bon? Il vaut mieux effectivement une vérité approximative -à condition qu'évidemment les preuves concernant les condamnés soient incontournables- qu'une absence de réponse ou une réponse si tardive qu'elle ne peut plus, d'une certaine façon, être juste.

C'est vrai que souvent, peut-être par paresse, on préfère voir en comparution immédiate deux personnes condamnées sur des bases sérieuses et trois autres qui échappent à la sanction plutôt qu'attendre des années que les cinq mis en examen comparaissent enfin...

60. Le jeudi 12 mars 2009 à 08:27 par didier specq

@ranide

Quand vous écrivez <ceux qui explique que l'indépendance du parquetier, c'est d'abord dans la tête, me font rigoler> (citation approximative) vous touchez effectivement un point crucial.

Evidemment, ce que vous dit ce procureur est exact souvent et peut se constater tous les jours. Ne serait-ce que parce qu'il est impossible que le pouvoir (politique ou hiérarchique) contrôle tout.

Mais, ceci dit, vous touchez juste avec, à mon sens, une légère erreur : personnellement, en face de moi, je préfère un magistrat indépendant et légitime.

Car indépendant, ça veut dire indépendant de quoi? Indépendant de son idéologie, de ses origines, de son excellence dans les études, de son école de Bordeaux, de ses collègues, de ses rencontres à la cafétaria, de ses amours puisées à peu près toujours dans le même vivier, etc.

C'est, d'une certaine façon, ce qui explique l'affaire d'Outreau: 64 magistrats, en plein accord avec l'opinion politico-journaliste-associative de l'époque, sont parfaitement d'accord pour estimer qu'en matière de pédophilie l'accumulation d'accusations purement verbales (sans aucun élément matériel même très indirect) est suffisante pour maintenir trois années en prison provisoire des personnes de 50 ans, jamais condamnées, jamais soupçonnées, qui nient mordicus malgré l'horreur de leur incarcération et des accusations infamantes...

Tout ça est parfaitement indépendant, aucun pouvoir n'a poussé ces magistrats unanimes. Le pouvoir (qu'il soit de droite ou de gauche) adorait cette affaire qui démontrait son efficacité dans une juste lutte et débloquait les crédits pour construire vite fait les installations coûteuses qui à Saint-Omer permettraient d'accueillir des dizaines de journalistes!

Mais ce pouvoir judiciaire n'était pas légitime, il n'était ancré ni dans l'élection (tôt ou tard on doit rendre des comptes) ni dans dans le tirage au sort qui, personnellement, a mes préférences.

Rêvons un peu: deux jurés populaires (tirés au sort sur les listes électorales, âgés de plus de 40 ans, désignés pour trois ans, volontaires, payés exactement au niveau de leurs revenus précédents avec un minimum supérieur au SMIC pour les impécunieux, ayant reçu un formation de trois mois) qui entourent chaque juge et chaque substitut du procureur...

Vous ne croyez pas que ça aurait de la gueule et que ça permettrait à la justice d'avoir une assise populaire incontestable? Bref, la légitimité qui manque tant aux magistrats et qui permet aux politiques (qui eux bénéficient de l'onction populaire) de les mépriser.

Durant les trois années de l'instruction d'Outreau, quelqu'un du peuple (surtout pas formé par l'école nationale de la magistrature!) qui dit "mouais" devant certaines mises en cause invraisemblables de ces gens ordinaires qui, passant selon les magistrats leurs nuits à violer dans enfants, ne laissent jamais une trace, une photo bizarre, un mouvement bancaire inexpliqué, un objet étrange, un témoignage indirect extérieur aux enfants? Quelqu'un qui, à l'aide de son expérience dans la vie normale, doute...

61. Le jeudi 12 mars 2009 à 10:48 par La Biscotte

@didier specq

Euh...à Outreau, faudrait peut être pas oublié qu'il y a eu un premier procès d'Assises, avec 9 jurés populaires, avec l'expérience de la vie normale, vous savez, avec plein de doute et tout et tout, pas comme ces ignares de magistrats professionnels pétris de certitude..

Et vous savez qu'un procès d'assises, tout est oral, les jurés se prononcent non pas à partir du dossier d'instruction (honteusement bâclé et déloyal et 200% à charge..), dossier auquel ils n'ont pas accès, mais uniquement au vu des débats, de ce qu'ils entendent de la bouche des accusés, des victimes, des enquêteurs, des témoins, des experts, des avocats et du procureur.

Bon bah ces 9 formidables juges citoyens, tirés des listes électorales, siègeant à côté des 3 juges professionnels, ils ont à aucun moment dit "mouais"; ils ont décidé de déclarer tout le monde coupable ou presque...

Faut croire que l'erreur est humaine, même pour les citoyens ordinaires..

Pas sûr que j'ai envie de le vivre votre "rêve"..

62. Le jeudi 12 mars 2009 à 11:15 par ranide

@ didier specq

Mouais.

Vous prenez l'exemple d'Outreau. Il faut alors rappeler que Mme Godard a été libérée pendant l'instruction par une chambre de l'instruction, mais en plein mois d'août, ce qui signifie sans doute que la chambre était composée de juges civilistes, qui n'étaient pas habitués à mettre ou à maintenir les gens en prison. La routine, c'est terrible, dans tous les métiers. Il faut aussi rappeler qu'au premier procès, il s'est trouvé une majorité de jurés (donc des citoyens tirés au sort) pour condamner 7 des accusés qui ont été acquittés en appel.

Comme quoi la lucidité, l'impartialité, l'esprit critique, la faculté de résister aux idées reçues par l'opinion, non seulement ne sont pas l'apanage des citoyens-jurés tirés au sort mais ne sont même pas garantis par le tirage au sort.

Vous croyez vraiment que les magistrats professionnels gagneraient en légitimité parce qu'ils seraient flanqués de deux citoyens-jurés ? Moi, je ne le crois pas et je crois au contraire que ce type de proposition est contre-productive, parce qu'elle n'est pas de nature à diminuer le risque d'erreur judiciaire et qu'elle contribue à déstabiliser et à décrédibiliser un peu plus la magistrature.

Il arrive toujours un moment où il faut faire confiance au système et à ses acteurs. C'est vrai pour l'économie et c'est vrai pour le système judiciaire. Sinon, ça ne marche pas, quel que soit le système.

Tout ce qu'on peut faire pour limiter les risques d'erreurs (et seulement les limiter, hélas), c'est organiser le système pour que les acteurs soient chacun à leur place, selon leurs qualités et leurs aptitudes. Et de ce point de vue, c'est vrai que l'affaire d'Outreau interroge : comment se fait-il que ce juge d'instruction si jeune, si mal armé pour instruire ce dossier ait été excellemment noté dans sa fonction ? On recherche aujourd'hui sa responsabilité professionnelle (comme s'il était tout seul responsable du désastre) mais qui pose la question de la responsabilité des instances d'évaluation et des critères de cette évaluation (un peu comme en économie, pour les agences de notations et le système de notation des entreprises côtées) ?

63. Le jeudi 12 mars 2009 à 14:07 par ariane

me revoilà, plus rugueuse que jamais (gil blas, vous parvenez à m'arracher un sourire en cette journée pluvieuse et morne... merci) !!!

alors, par quoi commencer?

@ gilblas : je ne défends pas le juge d'instruction en tant que tel, mais l'instruction elle même, quelle que soit la forme procédurale qu'elle pourrait prendre. Que les enquêtes approfondies (= les instructions) soient diligentées par un parquet indépendant, avec une procédure préservant les droits des parties, au fond pourquoi pas? le seul problème que ça me pose, c'est qu'actuellement, entre le Parquet qui a charge de l'intérêt de la société, et les avocats qui ont charge des intérêts de leur client, il ya le juge d'instruction, qui n'a charge d'aucun intérêt, qui se préoccupe uniquement de la recherche de la vérité (au niveau textuel, bien sûr, je sais bien qu'en pratique, les juges étant tous des êtres humains, on peut reprocher à certains de suivre un peu trop certaines hypothèses policières/ gendarmesques au détriment de la "fermeture de toutes les portes" rappelée par La biscotte). Mais de toute façon l'indépendance du Parquet n'a pas l'air d'être à l'ordre du jour...

par ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'une audition policière / gendarmesque enregistrée, avec la présence effective d'un avocat, vaudrait une audition par un JI. Normal, vu que les conditions sont les mêmes (manque juste le greffier, mais si c'est enregistré... je n'ai jamais d'ailleurs compris le fait de filmer les interrogatoires criminels pour pouvoir les visionner en cas de contestation sur la portée des propos recueillis, ça veut dire quoi, que le greffier est une potiche?). Mais je vois mal aussi comment l'avocat pourrait être tout le temps présent...

quant aux redondances dans les auditions, et à la "victime amenée à répéter X fois sa version", alors là pas du tout d'accord avec vous! pour moi, il ne s'agit pas de répéter pour répéter, il s'agit de compléter les auditions au fur et à mesure, par rapport aux éléments trouvés lors de l'enquête (témoignages, expertises...) qui demandent souvent des précisions de la part de "la victime". Au sujet de cette "victime", je voulais redire que le statut de "victime" ne s'acquiert vraiment que quand il y a eu une décision sur le fond du dossier; à l'instruction il ya des témoins ou des parties civiles, mais victime non. Je me vois mal dire au mis en examen "que pensez vous de ce que dit la victime?", s'il clame son innocence il va me regarder de travers, complètement à raison!

tout ça gilblas, vous le savez déjà, mais je voulais en venir aux propos de proc saynete : "sous couvert d'apparence d'impartialité" (oh!!!!!! d'apparence seulement?!), "beaucoup de magistrats instructeurs hésitent à apporter du soutien aux victimes, ce qui ne pose aucun problème au parquet". Merci de m'indiquer l'article du code de procédure pénale qui préciserait que c'est là notre rôle. Il est hors de question qu'un magistrat instructeur soutienne une victime (qui est je le rappelle au stade de l'instruction un témoin ou une partie civile), ce serait prendre parti, et alors là, on peut douter de tout le dossier d'instruction... ça n'empêche quand même pas de se montrer humain, je vous rassure, et ça marche pour tous ceux pouvant être auditionnés (rien n'interdit de faire des pauses, d'apporter de l'eau...). Je rappelle l'existence d'associations d'aide aux victimes, quand même.

quant à la procédure pénale qui perd le juge d'instruction dans des délais déraisonnables... remerciez le législateur, mais rappellons quand même que ces délais ont été instaurés pour pemettre un meilleur exercice des droits des parties.

Il faut choisir : 1) soit on met les parties en mesure d'exercer leurs droits dans des conditions correctes (le droit des parties en comparution immédiate, comment dire....? reprenons une situation évoquée par didier specq : on a attrapé le lundi deux braqueurs sur les 5 impliqués, ils passent en comparution immédiate le mercredi ou le jeudi, les avocats des prévenus ont lu le dossier entre midi et deux, entre une audience JAF et des consultations à leur Cabinet, le tenancier du bistrot braqué a tenté d'être joint sans succès et n'est pas là, ou alors il est là mais sans avocat parce que "ben c'est moi la victime, j'ai pas besoin de me défendre", et quand les juges de correctionnelle lui demande s'il veut se constiuer partie civile et si oui combien d'argent il demande à titre de dommages et intérêts, il répond ô combien souvent, perdu le pauvre, "ben je sais pas moi, c'est vous les juges, dites moi à combien d'argent j'ai droit pour avoir été braqué" => les droits des parties, il faut souvent plus d'une semaine qu'ils puissent être exercé convenablement)

2) soit on a une "réponse pénale rapide": ah, vite vite vite une réponse pénale! vite vite vite on juge l'accompagnateur d'étrangers en situation irrégulière (sorte de "mini-passeur") pendant que les commanditaires de tout ça dorment sur leurs deux oreilles (manquerait plus qu'on dépense du temps et de l'argent pour essayer de leur mettre la main dessus à ceux là...), vite vite vite l'agression violente où on a 4 auteurs sur 5 (tant pis pour le 5ème, enfin, tant mieux pour lui...). du recul sur le dossier soumis à jugement, mais pour quoi faire? des éléments sur la personnalité des prévenus, mais pour quoi faire? vite, la réponse pénale. Enfin, plutôt "vite, une condamnation!" (parce que je rappelle qu'une ordonnance de non lieu, une relaxe... sont des réponses pénales, en fait). Et n'allons pas essayer de démanteler des réseaux hors de nos frontières, ça ralentirait la "réponse pénale"!

didier specq, les JIRS traitent un contentieux comparable à une goutte d'eau dans l'océan? mais quand une de ces JIRS parvient à saisir en perquisition plusieurs tonnes de shit à l'étranger, c'est une grosse goutte d'eau quand même, non? en admettant qu'une seule de ces tonnes était prévue pour être emmenée en France pour être revendue au kilo, que d'interpellations et d'audiences en France évitées! mais me direz vous, ça, on ne le saura jamais, si ça se trouve, ce shit serait resté à l'étranger, alors franchement, pourquoi faire le travail des enquêteurs étrangers, hein? alors oui, continuons d'interpeller les revendeurs en france, non les importateurs hors de nos frontières.

vous dites que "les juges d'instruction ont peut être perdu la partie", mais si le seul but poursuivi c'est "la réponse pénale, vite", je crois que ce sont tous les justiciables qui auront perdu la partie. Et encore une fois, en tant que justiciable, je trouve que les délais d'instruction et d'audiencement sont trop longs, mais pour les raccourcir, pitié, ne baclons pas l'enquête, ni sur les faits, ni sur la personnalité (on juge un être humain, quand même).

Lulu :
Ce qu'il y a de bien dans ce blog, c'est que lorsque l'on a une permanence d'enfer et un ordinateur qui bugue régulièrement, il y a des gens très bien pour prendre le relais et remettre les pendules à l'heure si nécessaire. Merci Ariane

64. Le jeudi 12 mars 2009 à 15:35 par gil blas

Notre Président serait bien inspiré (le Garde des sceaux et nos parlementaires idem) de puiser dans le très riche contenu de ces débats lorsqu'il s'agira de statuer sur le sort de l'instruction judiciaire. Eolas peut aussi être fier d'attirer sur son site des contributions de cette qualité, émanant de professionnels de tous horizons, plongés dans l'action et passionnés (je me répète) par la Justice. @ ariane / Vous avez parfaitement raison d'évoquer l'enquête de personnalité (dans nos débats ce point n'a pas été abordé jusqu'à présent ,ce me semble); voilà un aspect essentiel du dossier, et qui différencie une affaire "instruite" d'une affaire ordinaire. Mais on vous répondra que le Parquet pourra solliciter les enquêteurs spécialisés et experts divers. @a biscotte / vous avez sans doute raison : c'est beaucoup demander à un enquêteur, à peine ôté le blouson et rangée l'arme de service,d'interroger et poursuibre l'enquête "à décharge"; mais les intéressés (policiers ou gendarmes) qui lisent ce blog seront peutêtre d'un avis différent. Après tout, j'ai toujours pensé que je pouvais instruire aussi bien à décharge qu'à charge (un Président de cour d'assises m'en a même fait un jour la remarque en public, dans une affaire de meurtre d'un policier); il est vrai que ce n'étais pas moi qui étais intervenu à chaud pour interpeller et débuter l'enquête, dans l'émotion qu'on devine.

65. Le jeudi 12 mars 2009 à 20:19 par Amisphère Sud

Bonjour,

tout d'abord merci pour la qualité du blog qui permet à un non spécialiste de comprendre de quoi il en retourne.

Sinon, c'est peut être hors sujet, mais si des fois cela ne suffisait pas, il se profile la loi de programmation militaire avec l'extension du secret défense.

Dans le style on assure avec: ceinture, bretelles, airbag et parachute...

Je suppose qu'il y aura (à moins qu'il n'existe déjà) un billet à ce sujet.

Bon courage !

66. Le jeudi 12 mars 2009 à 23:49 par didier specq

Chers tous que l'idée de jurés tirés au sort énervent tout de suite.

Personnellement, dans mes interventions, je n'oppose jamais des magistrats (qui seraient nuls) à de braves gens (qui seraient forcément plein de bon sens). Je dis simplement qu'à Outreau (avec l'accord enthousiaste -comme je le précise toujours- de l'opinion "éclairée" (journalistes, travailleurs sociaux, élus) de l'époque) c'est à la Cour d'Assises de Saint-Omer que la justice a commencé à douter et, effectivement, à acquitter. Pas tous et toutes d'accord, mais c'est là que les doutes ont commencé.

Aucun magistrat (aucun, aucun, aucun!) n'a tiré la sonnette d'alarme avant sur la question de l'ensemble des "notables"...

Ils n'étaient pas les seuls à dire n'importe quoi (c'est pourquoi je ne les accable jamais) mais ça montre tout de même les limites de leur technicité.

Exemple: en matière correctionnelle, je ne pense pas que la société pourra tolérer indéfiniment que les substituts des procureurs choisissent les types de procédure (la prison presque à coup sûr avec la comparution immédiate, la liberté avec les COPJ ou les procédures similaires) sans contrôle réel.

Vous savez très bien, autre exemple, qu'en matière de "sexualité sans traces objectives", on peut, selon le procureur de permanence (pour les mêmes faits soupçonnés racontés par un policier) classer sans suite, faire une COPJ, envoyer en comparution immédiate, ouvrir une instruction qui vas se transformer adroitement à mi-parcours en correctionnalisation des faits pour juger entre professionnels, ouvrir une "vraie" instruction criminelle avec les assises au bout...

Je ne suis pas en train de dire que les magistrats font n'importe quoi; je suis en train de dire que ces décisions manquent de légitimité.

Cela amuse d'ailleurs beaucoup le pouvoir politique car, à tout moment, il peut prendre l'opinion à témoin en sous-entendant que les juges sont des imbéciles. Jamais le pouvoir ne s'amuse à user du même procédé avec une cour d'assises: cette cour, avec ses jurés tirés au sort, possède une légitimité qui interdit aux représentants du peuple de se moquer du peuple (les jurés).

Autre exemple: les peines planchers. Le pouvoir a exprimé un avis simple: y'a a marre des récidivistes! Bref, en août 2007, il impose les peines planchers qui, certes, ne sont pas automatiques, mais qui poussent les juges à durcir les peines pour les récidivistes. D'ailleurs, on note une inflation des incarcérations.

Le peuple est (peut-être) content, d'autant plus qu'il est informé par des journalistes qui, généralement, n'ont jamais observé le fonctionnement de plusieurs chambres correctionnelles pendant quelques semaines.

Imaginons des jurés siégeant dans ces chambres correctionnelles. Soyons fous: deux jurés encadrant un président juge professionnel!

Ces jurés verraient que, dans la salle des comparutions immédiates, des voleurs d'auto-radios récidivistes prennent assez facilement plusieurs années de prison tandis qu'un père de famille qui tripote régulièrement sa fille âgée de 8 ans s'en tire avec un gros sursis avec mise à l'épreuve (il n'est pas récidiviste puisqu'il s'est fait prendre au bout de plusieurs années de "pratique"). Ces jurés verraient également que le fraudeur fiscal pour des sommes qui portent sur quelques centaines de milliers d'euros s'en tire avec du sursis simple: il a fonctionné ainsi pendant plusieurs années, une partie de ces fraudes est frappée par la prescription mais il ne s'est fait piquer qu'une seulle fois. Etc, etc.

J'ai la faiblesse de penser que certains discours démagos ne passeraient plus aussi facilement avec quelques dizaines de milliers de jurés qui siègent ou auraient siégé un peu partout.

Le tirage au sort permettrait évidemment de contourner l'autre système de légitimation: l'élection qui ne permet pas d'échapper aux candidatures politiques ou syndicales...

67. Le vendredi 13 mars 2009 à 09:11 par proc lamation

A M. Didier SPECQ

bonjour

les magistrats tirent leur légitimité de la loi c'est à dire de la Nation qui leur concède une part de souveraineté.

Alors cessez de dire que leurs décisions ne sont pas légitimes.

Et vous, personnellement, vous êtes légitime? en vertu de quoi?

Vos propositions d'encadrement des juges par des jurés ne changeront rien à l'affaire.

La justice est rendue par des hommes et chaque affaire est différente.

68. Le vendredi 13 mars 2009 à 22:38 par didier specq

@proc lamation

Ne vous énervez pas: je n'ai jamais dit que j'étais légitime et je ne juge personne, au sens propre et figuré. Les magistrats tirent leur légitimité de la loi qu'ils appliquent, si ça vous suffit, c'est très bien.

Mais vous savez que cette application laisse une large part -heureusement!- à l'appréciation des juges, des procureurs ainsi bien dans l'incrimination choisie, que dans la procédure diligentée que dans le quantum des peines, etc, etc. Le droit, c'est une science très malléable.

Evidemment, on peut se boucher les yeux et ne pas s'apercevoir que c'est bien le procès de la légitimité qui, sans cesse, est instruit par le pouvoir politique (quand ça les arrange) contre les magistrats. Si le principe "des jurés partout" était appliqué, ce procès en légitimité tomberait de lui-même puisque les jurés, par définition, sont légitimes.

D'ailleurs, c'est bien ce principe de la représentation populaire par tirage au sort qui légitime les assises qui jugent les actes les plus graves. Mes observations ne sont donc peut-être pas complètement ridicules -"cessez de dire, etc"- puisque c'est le système des assises.

69. Le samedi 14 mars 2009 à 08:49 par Véronique

Concernant les jurés, en réaction aux échanges Didier Specq / Ranide, proc lamation.

Dans le post 62 Ranide oppose le premier verdict d'Outreau.

Il faut aussi rappeler qu'au premier procès, il s'est trouvé une majorité de jurés (donc des citoyens tirés au sort) pour condamner 7 des accusés qui ont été acquittés en appel.

Comme quoi la lucidité, l'impartialité, l'esprit critique, la faculté de résister aux idées reçues par l'opinion, non seulement ne sont pas l'apanage des citoyens-jurés tirés au sort mais ne sont même pas garantis par le tirage au sort.

Je voudrais juste dire que dans l'esprit des jurés du premier procès d'Outreau, il devait être quand même très difficile d'envisager jusqu'au bout l'éventualité qu'un tel ratage judiciaire soit possible et que l'institution judiciaire puisse être à ce point défaillante.

Pendant trois années des personnes sont accusées du pire. La plupart comparaissent détenus.

Très sincèrement, moi la première, par ignorance et par inexpérience du fonctionnement de la justice, mon premier mouvement aurait été de me dire que, par exemple, des rapports d'assistantes maternelles ont été forcément contrôlés, qu'une juridiction qui fait valoir son savoir faire et son expérience de ce type d'affaires, sait quand même de quoi il retourne quand il s'agit de maintenir des accusés en détention pendant trois années.

Le citoyen-juré n'imagine pas des JDL qui interviennent à contrecoeuret dans le registre ronchon... parce que le job n'est qu'une activité annexe, juste une intervention d'ordre formel.

Et puis, concernant un tribunal et une chambre d'instruction, le juré qui débarque dans l'histoire ne peut pas imaginer qu'au fond les décisions peuvent appartenir à des experts psychologues, relais des parties civiles .

Poser une équivalence entre un premier verdict de jurés qui n'ont pas eu accès aux dossiers et la succession de petits verdicts de professionnels qui ont figé le pré procès, ne me paraît être un argument décisif pour discréditer le souhait de Didier Specq en faveur d'une implication plus grande de la société civile dans une procédure judiciaire de type Outreau.

70. Le samedi 14 mars 2009 à 09:13 par proc lamation

A Didier Specq

si je vous suis, il faudrait des jurés pour tout.

Allez hop, tous les citoyens dans les facs de droit et à l'ENM.

Car juger c'est un métier où il ne suffit pas d'avoir du bon sens.

Le système que vous préconisez (les citoyens juges) a été essayé à diverses périodes troublées de notre histoire et on a très rapidement fait machine arrière car il produisait des aberrations pires que celles que vous dénoncez.

Et les préfets ils sont légitimes? Et les juges administratifs qui sez prononcent sur la responsabilité de l'Etat? Vos visions ont pour effet de dresser le peuple contre les juges alors que le système fonctionne tout de même pas si mal que ça.

71. Le samedi 14 mars 2009 à 16:11 par didier specq

@véronique

J'adore les gens qui sont d'accord avec moi et qui sont aussi percutants! Vous êtes libre ce soir?

@proc lamation

Bon, là vous êtes toujours un peu énervé. Lisez moi bien. Je n'ai jamais dit: tout le monde à l'ENM. Quelle horreur! Je dis qu'un système de jurés tirés au sort (35 ans, petite période de formation, un jour par semaine durant trois ans par exemple, casier judiciaire vierge, correctement rétribués et défrayés) permettrait d'allier harmonieusement un système de légitimité non politique (les deux jurés assesseurs) et la science des magistrats (le président). Le bon sens et la science. Le jugement empirique et la performance intellectuelle des magistrats. L'enracinement dans le peuple et la culture juridique. Le propriétaire d'un kébab, la caissière d'Auchan et le magistrat qui lit le blog d'Eolas. Etc, etc.

Vous me dîtes: période troublée, mauvais souvenirs, etc. Vous exagérer puisque, cré nom de Dieu, c'est le système qui fonctionne aux assises!

72. Le samedi 14 mars 2009 à 19:33 par Escualdifargo

@ Lulu : Bon billet, un peu sur la défensive quand même (pour un magistrat ça fait drôle). D'abord un détail :

"Dans le système actuel, on considère que l'audition d'une personne mise en cause, lorsqu'elle se déroule hors garde à vue, ne doit pas excéder quatre heures, suivant le délai indiqué pour les vérifications d'identité."

Euh c'était vrai avant, mais depuis un arrêt du 10 Septembre 2008 de la Chambre criminelle de la cour de cassation rendu sur pourvoi de l'administration des douanes, consultable sur Légifrance (non, chai pas mettre le lien désolé), la justice française a rappelé sa jurisprudence constante : toute personne qui se présente librement sur convocation dans un service de police ou de gendarmerie ou de douanes peut être auditionnée sur les faits qu'on lui reproche avant d'être placée en GAV. Et en l'espèce, l'audition avait duré plus de six heures avant que la personne ne soit placée en GAV.... et encore 45 minutes après la fin de l'audition !

Sur l'essentiel, la disparition du juge d'instruction : Un peu de nostalgie devant cette page d'histoire qui se tourne, et à titre personnel je suis favorable à ce personnage car le juge d'instruction c'est celui (celle) qui est chargé de trouver la vérité seul ou quasiment, en toute impartialité malgré les obstacles que les parties mettent sur sa route... Bref celui qui se bat contre les moulins à vent. C'est lui qui représente de mon point de vue le mieux l'image que l'on se fait de la Justice. J'ai toujours beaucoup eu d'indulgence pour ce magistrat hyper-médiatisé qui au moindre coup de grisou va voir fondre sur lui toute une meute de journalistes, avec photos en une, biographie express etc. On n'en fait jamais autant pour un JLD ou un magistrat qui s'occupe de civil. Le meilleur exemple en est la décision de première instance dans l'affaire du mariage annulé dans le nord de la France pour non virginité de l'épouse : dans aucun journal national je n'ai vu les nom, prénom, photos de la magistrate qui avait rendu cette décision qui défrisait. Si ç'avait été un juge d'instruction dans une affaire pénale, on aurait tout eu y compris des photos volées voire son portrait en dernière page de Libération, s'il est d'accord ! Alors il faut être juste et ne pas tirer sur le lampiste. Si le lampiste est mauvais, on le change et on met un magistrat compétent à la place. Le système actuel du juge d'instruction a un vice important a mes yeux : il est totalement anormal qu'on puisse y nommer un magistrat sortant directement de l'ENM, avec tout le respect dû à cette école. Vu les responsabilités qui lui incombent, un juge d'instruction devrait avoir "de la bouteille", un minimum d'ancienneté professionnelle avant d'être nommé à ce poste.

Mais il me semble que les dés sont jetés, le président de la République s'est exprimé, il veut la mort de ce magistrat, il l'aura. A mes yeux l'affaire qui a fait le plus de mal ces dernières années au juge d'instruction et à l'information judiciaire à la française, ce n'est pas l'affaire d'Outreau mais l'affaire Bertrand Cantat : la Justice lituanienne a mis six mois a jugé convenablement ce que nous aurions mis trois ans à faire aussi bien ! Fermez le ban.

73. Le dimanche 15 mars 2009 à 08:34 par Véronique

@ Didier

En réalité, je ne peux pas dire que je partage en totalité votre enthousiasme pour une plus grande implication de jurés-citoyens.

Je pense que d'un point de vue simplement matériel et pratique, vous en sous estimez les difficultés.

Par exemple, peu de secteurs professionnels, je pense surtout au secteur privé, peuvent se permettre et permettre des absences longues, quand bien même ces absences seraient d'inspiration citoyenne.

Et puis... se retrouver avec des jurés-citoyens principalement issus des organisations type fonctions publiques, ça craint quand même...beaucoup.

Vous parlez de la légitimité.

Je pense que ce qui est cause n'est pas la question de la légitimité des magistrats, mais plutôt celle de la confiance.

Bien que cela puisse apparaître confondant de naïveté , quand un citoyen ordinaire qui, pour une raison ou pour une autre est en affaire avec la justice, dit cette phrase en apparence banale: j'ai confiance dans la justice, eh bien je pense que malgré les ricanements que cette phrase ne manquerait de susciter, sa confiance est spontanée, naturelle et sincère.

Ce qu'il ne peut pas envisager c'est l'idée que le mécanisme devienne fou et se transforme en machinerie que plus aucun acteur ne semble pouvoir réellement maîtriser.

Comme une sorte de système autonome qui avance tout seul, en roue libre, dont la principale finalité semble être celle de produire et de produire, encore et encore, du dossier, du papier, du suivisme et du duplicata à la chaîne et en cascade.

74. Le dimanche 15 mars 2009 à 12:25 par didier specq

@ Véronique

Effectivement, il ne faudrait pas avoir une sur-représentation de la fonction publique parmi les jurés. Dans le "stock" de jurés d'un gros tribunal, il suffirait de veiller à une répartition (en suivant les classifications des professions INSEE) des différentes catégories. Exemple: si on manque de travailleurs du secteur secondaire, on va à la pêche jusqu'au moment où on en a assez. Une fois le corps des jurés constitué, on en aurait pour trois ans avant de recommencer. Fastoch, non?

Pour les petits tribunaux, avec un moins gros "stock" de jurés, ce serait plus délicat. Est-ce impossible? Je ne le pense pas. Regardez, on a bien réussi à instaurer plus ou moins la parité sur les listes des candidats aux municipales par exemple, même dans les petites communes.

Il existe des juges (administratifs) très efficaces pour juger aasez vite les contentieux électoraux, ils pourraient être chargés de constituer ces "stocks" de jurés. Cahier des charges: la société, chers juges administratifs, vous demande de procéder au tirage au sort des jurés avec une répartition honnête des catégories socio-professionnelles.

Confiance? Je ne pense du tout, évidemment, que c'est contradictoire avec la légitimité jurés-magistrats. Personnellement, je pense surtout à l'autonomisation du pouvoir judiciaire face au pouvoir politique. Il n'est possible à mon sens que si ce pouvoir repose sur une base populaire et, plus prosaïquement, sur un nombre conséquent de jurés-magistrats. Une masse critique suffisante, en quelque sorte. Les magistrats, tout compris, ne sont que 10.000! Une goutte d'eau dans la mer des citoyens.

Au fil des ans, avec les jurés en place et ceux qui l'ont été, la magistrature, par ramifications en quelque sorte, aurait des dizaines de milliers de sympathisants attentifs et expérimentés dans le corps social.

Imaginons l'association des anciens jurés qui disent (en termes plus choisis que moi) au pouvoir: <qu'est-ce que c'est que ce bordel, on nous parle d'être moderne et tout mais il n'y a même pas le matos, en correctionnelle, pour voir et étudier correctement un enregistrement video!> Si les juges disent ça, on leur répond: <Toujours plus! Vous n'êtes jamais contents, c'est du corporatisme!>. Si des jurés disent la même chose, ça risque de peser plus car ce serait l'émanation incontestable de la volonté populaire.

75. Le dimanche 15 mars 2009 à 15:32 par Véronique

@ Didier

Regardez, on a bien réussi à instaurer plus ou moins la parité sur les listes des candidats aux municipales par exemple, même dans les petites communes.

Euh...je ne suis pas sûre que ce genre de bricolage poussif soit une référence en soi...

Franchement, je ne suis pas certaine non plus que le corps social se sente intéressé et motivé par les questions de justice, et plus particulièrement celles de la justice pénale, au point de s'investir comme vous le souhaiteriez dans le fonctionnement de la justice .

Par ailleurs, concernant par exemple les systèmes vidéo défaillants, j'ai envie de vous répondre ce que j'ai déjà dit ici il y a quelque temps.

Perso, depuis que je travaille je règle régulièrement des impôts. A mon avis il n'est pas nécessaire de transformer la nature des jurys dans les tribunaux pour que l'Etat sache enfin investir des moyens là où les besoins sont les plus criants.

Je vous assure que compte tenu des rapports annuels de la Cour des comptes, je vous trouve sans difficulté la ressource nécessaire.

Vouloir un Etat réellement et efficacement gestionnaire, mettre de l’ordre et de la cohérence, c'est avant tout vouloir en finir avec des modes de fonctionnement tellement ancrés qu’ils ont fini par acquérir force de loi. Vouloir en finir avec les clientélismes et les soupoudrages de toutes sortes, c'est en premier, selon moi, une question de qualité, d'intelligence et de maturité de la classe politique.

A gros traits, sur le principe, où je trouve votre idée de juré-citoyen très intéressante c'est, d'une part, par l'intervention d'un regard extérieur - un appel d’air et un contrôle à la fois - dans les confinements judiciaires que l'intervention de jurés citoyens permettrait.

D’autre part, votre juré-citoyen, intervenant au-delà de la seule cour d’assises, permettrait que le corps social assume directement sa part d’implication et de responsabilité dans certaines décisions judiciaires particulièrement graves et lourdes de conséquences.

76. Le dimanche 15 mars 2009 à 18:42 par didier specq

@véronique

Donc, grosso modo, on est d'accord. Sur les dépenses qui sont opérées vers l'appareil judiciaire, il y a vraiment beaucoup à dire. En résumant très vite je pense que, très souvent, le pouvoir réagit, exprime une idée (éventuellement bonne d'ailleurs) et, dans la foulée, la fait voter. Mais il n'y a pas d'études d'impact. Exemple: les bracelets électroniques et leur possible généralisation à beaucoup de situations. Derrière, bugétairement parlant, ça merdouille; on n'a pas réellement de crédits pour que ces bracelets électroniques, les centrales de surveillance, le personnel technique, etc, soient au niveau. Les juges d'application des peines peuvent raconter de dizaines d'histoires cocasses (ou dramatiques d'ailleurs) sur ces cafouillis.

77. Le lundi 16 mars 2009 à 09:21 par Véronique

@ Didier

Ben...je ne suis pas une super enthousiaste d'une généralisation du bracelet électronique. Mais bon, ce n'est pas le sujet.

En revanche l'exécution de la peine me semblerait être un bon motif pour une plus grande implication du corps social.

Illustration:

Garcia a été incarcéré en mars 2006. Fin de peine : mars 2031. Avec application du crédit de réduction de peine : 4 ans et trois mois. Fin de peine : décembre 2026. Mi peine : juillet 2017. Il pourra donc solliciter une libération conditionnelle dans un peu plus de huit ans. Le meurtre simple n'est pas assorti d'une période de sûreté.

Ce n'est pas la condamnation de M. Garcia en tant quelle qui m'intéresse ici, mais bien le paragraphe d'Eolas:

Avec application du crédit de réduction de peine : 4 ans et trois mois. Fin de peine : décembre 2026

Dans l'esprit d'Eolas il ne fait pas de doute que la fin de la peine est en 2026.

Je ne comprends pas un avocat général qui demande 25 ans tout en sachant pertinemment qu'en matière de calcul de peine 25 est égal à 21. Je ne comprends pas un jury qui condamne à 25 ans conscient, toujours en matière de calcul de peine, que 25 est égal à 21.

Sans évoquer les libérations conditionnelles qui interviendront et qui seront évaluées par des commissions dont la composition, là, me pose problème en terme de légitimité.

Je sais bien que ces commissions sont constituées sur la base de textes votés par le parlement, que de ce point de vue leur légitimité est difficilement contestable.

Il n'empêche que concernant le volet application de la peine, quelque chose ne va pas dans l'écart entre un verdict décidé par une cour d'assises et des transformations aménagements de peine discutés que par et entre des professionnels issus de la sphère judiciaire.

Mon idée n'est du tout de dire qu'il conviendrait de permettre par exemple à des parties civiles de participer à ces commissions. Je pense que ce n'est du tout pas leur place.

Mais il me semble que le corps social devrait être partie prenante plus directement dans l'application de la peine.

Je ne suis pas sûre que sur ce chapitre de l'application de la peine l'intervention seule d'un procureur de la République comme représentant de l'intérêt social soit pleinement satisfaisante.

78. Le lundi 16 mars 2009 à 12:19 par Shad

@ Véronique: non désolé cela ne marche pas comme ça.

Sans entrer dans les détails très techniques. La très grande majorité des modalités d'aménagements de peine n'ont rien d'automatique et sont fonction du comportement du détenu, de ses gages de réinsertion... Donc il n'est pas possible de savoir a priori combien d'années de prison seront effectivement exécutées. C'est une question qui revient souvent dans la bouche des jurés qui sont attentifs (à raison) à ce que leur verdict soit effectif. Généralement le président ou les assesseurs leur exposent qu'elles sont les suites possibles, mais leur indiquent également que ces aménagements n'ayant rien d'automatique, il vaut mieux ne pas en tenir compte (c'est-à-dire ne pas augmenter le quantum de la peine en prévision puisque la personne condamnée peut ne pas en bénéficier: si elle ne le demande pas ou si elle ne remplit pas les conditions. Mais, les jurés peuvent tout à fait en tenir compte en conscience au moment du vote, et on en a souvent le sentiment après un vote sur la peine).

Quant aux réductions de peine. Certes elles sont automatiques, mais c'est là tout leur sens. Lorsqu'une personne est condamnée, on lui explique qu'elle bénéficie d'une réduction de peine (je ne reprends pas le mode de clacul), mais il lui est immédiatement indiqué que ces réductions peuvent lui être enlevées si elle démontre par son comportement aucun effort de réisertion. L'idée est donc d'encourager la réisertion et donc de faire baisser la peine prononcée.

Pour le reste je suis d'accord avec vous. On pourrait envisager un meilleur contrôle social, et pas forcément sur le mode "droits des victimes".

79. Le mardi 17 mars 2009 à 06:54 par didier specq

@ shad @ veronique

Le "droit des victimes", c'est un symptome. J'entends bien le "droit des victimes" avec cette inflation de compassionnel surjoué qui n'a rien à voir bien sûr avec le "droit des victimes" à être une partie et à être effectivement représentée aux procès.

Bref, le pouvoir joue sur le rôle des victimes car il sait que le juge manque de légitimité populaire. Regardez le verdict d'une cour d'assises qui bénéficie de l'onction populaire avec ses 12 jurés: sa décision est rarement contestée longtemps. Dans le procès d'Yvan Colonna, en revanche, ses avocats se dépêchent de taper sur la cour d'assises spéciale anti-terroriste justement parce qu'elle est constituée spécialement et qu'elle ne comporte pas de jurés dans sa composition. La défense sous-entend toujours qu'elle manque de légitimité.

Tant que la magistrature, dans la plupart de ses décisions sauf les assises, ne s'appuiera pas sur des jurés tirés au sort, on lui fera le coup de la légitimité et des victimes qui, en quelque sorte, "ont des droits sur elle".

80. Le mercredi 18 mars 2009 à 14:38 par ariane

dites, Didier Specq, les jurés, vous les mettriez juste pour le jugement ou à toutes les phases de la procédure?

Escualdifargo, vous ressortez ce fameux argument du magistrat instructeur qui a besoin "d'avoir de la bouteille".... qui me laisse toujours autant perplexe, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il y a d'autres fonctions dans la magistrature où les responsabilités sont énormes. De toute façon, il y a toujours une prise de responsabilité quel que soit le poste, et beaucoup de fonctions ont un impact direct sur la vie des gens : au Parquet, ou encore à l'application des peines, et que dire du juge des enfants! Autre chose : ce n'est pas parce qu'on a exercé d'autres fonctions de magistrat qu'on sera meilleur juge d'instruction. Tout dépend de l'envie qu'on a d'exercer cette fonction, et de la compétence qu'on peut avoir. Vous savez, les magistrats qui deviennent juges d'instruction en sortie d'école ont derrière eux plusieurs mois de spécialisation (théorique et pratique) dans cette fonction; or, si vous prenez le cas d'un juge des tutelles par exemple qui choisit de devenir juge d'instruction, il ne bénéficiera pas d'une formation aussi longue avant de devenir juge d'instruction, peut être même qu'il n'en aura pas du tout et passera abruptement des tutelles à l'instruction. Peut être faisiez vous allusion à cette fameuse "épaisseur humaine" désirée par M. VALLINI ou HOUILLON (même sur ce blog on ne sait plus trop)? mais c'est oublier qu'il y a des gens qui à 30 ans ont eu une vie très riche, alors que d'autres à 40 ont une expérience plus limitée. Cela pose le problème de toute façon de "l'expérience" attendue : j'aimerai que vous me disiez quelle expérience devrait avoir un juge d'instruction. Il me semble finalement qu'une des principales qualités humaines du magistrat instructeur, c'est la motivation : pour faire des heures pas possible bien sûr (mais ça, ça devient récurrent dans beaucoup de professions), pour écouter des récits scabreux à longueur de semaine sans savoir si ces récits sont vrais ou faux le plus souvent, pour regarder des photos de gens assassinés, écrasés par des machines lors d'accidents de travail, pour vous écharper avec les enquêteurs parce que tel acte n'a pas été fait comme il l'aurait fallu, pour batailler avec le parquet, pour écrire la énième lettre de relance à l'expert psychologue qui ne vous a pas rendu le rapport attendu depuis 6 mois... et tout ça avec en toile de fond plein de gens qui crachent sur l'instruction sans savoir de quoi il retourne exactement, politiques en tête. Et là, ce n'est pas toujours facile de ne pas se décourager... Vous pouvez avoir passé des années à exercer d'autres fonctions de magistrat et n'être jamais prêt pour exercer celle de magistrat instructeur, ou tout simplement n'avoir jamais envie de l'exercer. Tout dépend des qualités et des défauts de chacun, comme dans toutes les professions. J'ai croisé des jeunes magistrats instructeurs qui faisaient de très bons dossiers, des juges d'instruction plus proches de la retraite que de l'ENM qui en faisaient de très bons aussi, et aussi (plus rarement) des dossiers d'instruction incomplets menés par des juges d'instruction d'âges et d'expérience divers. Vive la diversité des âges au sein d'une même fonction!

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