Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Vade mecum de la comparution immédiate (3)

(Lien vers la première partie)
(Lien vers la deuxième partie)

Troisième partie, avec aujourd'hui : l'audience et ses suites.

Tout d'abord, avant même d'entrer dans le prétoire, votre préoccupation sera de retrouver les proches de votre client que vous aurez pu prévenir, pour qu'ils vous remettent les documents que vous leur avez demandés. À Paris, aucune photocopieuse publique n'est disponible. Le tribunal a l'habitude de se débrouiller avec les originaux, qu'il vous restituera dès le jugement rendu.

Vérifiez les documents. Écartez les inutiles et surtout les douteux. Qu'est-ce qu'un document douteux ? Dame ! Vous êtes juriste : lisez-les comme vous lisez les pièces adverses : cherchez la petite bête. Les faux sont souvent grossiers, mais c'est parfois plus subtil. Par exemple, deux grands classiques, qui disparaissent avec le temps, étaient les bulletins de paie antérieurs à 1990 qui mentionnaient la CSG et les bulletins de paie antérieurs à 1999 en euros, mais aussi des justificatifs dont la date est incompatible avec le récit de votre client. Le procureur, lui, aura cette lecture critique. Et en pleine audience, ça fait très mal. Un faux identifié, et vous pouvez dire adieu à toute chance de contrôle judiciaire. Écartez tout document suspect.

Arrivé dans la salle, deux voire trois visites s'imposent.

À l'huissier tout d'abord, qui est le chef d'orchestre de l'audience. Qu'il sache que vous êtes là, prêt à plaider ; profitez-en pour lui demander l'enquête rapide de personnalité et consultez-là avec soin.

Au greffier ensuite, si vous avez des conclusions à déposer. Il les visera, et si ce sont des conclusions en nullité de procédure,vous êtes à l'abri de la forclusion.

Pour les mékéskidis curieux : les demande en nullité de la procédure, ou de pièces de la procédure, doivent être soulevées in limine litis, à la frontière du litige, c'est à dire avant toute défense au fond (art. 385 du CPP). Faute de quoi, vous êtes forclos. La jurisprudence, de manière très critiquable, considère que l'interrogatoire du prévenu constitue une défense au fond (donc en suivant ce raisonnement, l'interrogatoire en garde à vue est aussi une forme de défense ; c'est pour ça qu'on tient l'avocat éloigné, je suppose) et rend irrecevable les moyens de nullité. Pour ma part, j'estime que l'article 385 doit s'entendre comme : ça doit être la première chose que demande l'avocat. Mais la cour de cassation ne m'écoute jamais, j'ai l'habitude.

Or en correctionnelle, surtout en comparution immédiate, ça va très vite. Le président va ouvrir l'audience en constatant l'identité du prévenu, en rappelant la citation, et en lui demandant s'il accepte d'être jugé tout de suite. Quand votre client aura dit “oui”, il ne vous reste qu'une fraction de seconde pour intervenir en disant que vous soulevez une nullité. Sinon, c'est trop tard : il suffit que le président aborde les faits pour que abracadabra tel monsieur Jourdain vous vous défendiez au fond sans le savoir. Résultat votre client sera valablement jugé même si la police a violé toutes les dispositions du code de procédure pénale. Déposer des conclusions, même sommaires et manuscrites, vous met à l'abri de ce piège. Et pour répondre à votre question probable sur l'utilité de ces dispositions, je vous réponds très clairement : aucune à part entraver la défense. Le législateur sait qu'il ne peut toucher à certains droits fondamentaux. Mais il peut tout à fait exiger de les exercer dans des délais qu'il impose et qui peuvent être fort courts. Au point de piéger immanquablement le prévenu qui voudrait se défendre seul (voyez le dernier cas du film 10e chambre de Raymond Depardon). Certains magistrats m'opposeront qu'il y a une certaine logique à traiter de la procédure avant le fond, et qu'il faut qu'il soit tranché sur la validité de la procédure avant que de commencer à juger. L'argument ne tient pas puisque le même CPP qui prévoit cette forclusion impose au tribunal de joindre l'incident au fond, c'est-à-dire que le fond devra de toutes façons être examiné (art. 459 du CPP), sauf impossibilité absolue ou disposition touchant à l'ordre public. Si là, on ne nage pas en pleine hypocrisie : votre client est jugé en violation de la loi pour avoir violé la loi.

Dernière visite, obligée : celle au procureur. A minima pour le saluer, et lui indiquer quel prévenu vous assistez. Lui présenter vos pièces si vous en avez, lui remettre une copie de vos conclusions si vous en déposez, et lui signaler les demandes particulières que vous comptez présenter (comme une non inscription au casier judiciaire). Ou signalez-lui si vous comptez demander un délai. C'est de la courtoisie et le respect du contradictoire. Et c'est dans l'intérêt de votre client. Si le parquet n'a pas vu vos garanties de représentation, vous pouvez être à peu près sûr qu'il requerra le mandat de dépôt. Pour une demande de non inscription au B2, le seul moyen de pouvoir espérer que le parquet se déclare favorable à votre demande (ce qui se traduit généralement par “ je ne m'y oppose pas ”), c'est qu'il en ait connaissance. Attention, cave procurem : un procureur à l'audience est par définition occupé. Ne débarquez pas n'importe quand. Le mode opératoire le plus simple est de vous placer discrètement au niveau de l'angle de son bureau le plus éloigné du tribunal (pour ne pas être dans sa ligne de vue), près du banc des parties civiles. Et là, vous attendez qu'il se tourne vers vous. Le moment idéal est en fait durant les plaidoiries de la défense : c'est le seul moment où il peut souffler, les plaidoiries, du moins les bonnes, j'y reviendrai, ne s'adressant qu'au tribunal (et certains confrères ont en plaidant la délicatesse de le laisser souffler très longtemps). Mais JAMAIS au grand JAMAIS pendant que le président instruit l'affaire, que le prévenu ou la partie civile s'exprime, ou pire que tout pendant que le tribunal rend un délibéré. Vous seriez l'équivalent judiciaire du téléphone qui sonne pendant qu'on est sous la douche.

Vous pouvez gagner votre place et attendre votre tour. Relisez vos notes, faites une première trame pour votre plaidoirie, et observez le tribunal, voyez comment se comporte le président, guettez les réactions des assesseurs pour voir ce qui les fait réagir, ce qui les énerve et ce qui les intéresse.
Dans un dossier où je défendais un étranger en situation irrégulière, je comptais demander que le tribunal ne prononçât point la peine d'interdiction du territoire français (ITF), car il y avait une possibilité de régularisation. Au cours du jugement d'autres affaires, j'ai remarqué qu'un des assesseurs semblait particulièrement attentif dès que des questions de droit des étrangers étaient abordées, hochant ou secouant la tête quand les arguments soulevés étaient corrects ou au contraire totalement fantaisistes. Visiblement, il connaissait la matière, ce qui est rare pour un juge judiciaire (c'est le royaume du juge administratif, le juge judiciaire n'y est qu'un clandestin). Quand mon tour est venu de plaider et que j'ai abordé cette question, c'est à cet assesseur que je me suis adressé lors de cette partie de la plaidoirie. Il a été très attentif (le président et l'autre assesseur étaient largués dans les méandres de l'article L.313-11 du CESEDA) et j'ai obtenu que l'ITF ne soit pas prononcée.

Profitons de ce temps de latence pour parler stratégie de la défense.

1 : Si vous demandez un délai ou que le tribunal renvoie d'office

Le tribunal pourra décider de renvoyer d'office si l'affaire n'est pas en état d'être jugée. En matière d'agressions sexuelles, si la victime est mineure, une expertise psychiatrique est obligatoire (art. 706-47-1 du CPP). Et il est impossible qu'elle soit produite en comparution immédiate, forcément. Plus prosaïquement, un B1 manquant peut conduire au renvoi. L'heure tardive peut aussi conduire le tribunal à renvoyer toutes les affaires restant à juger, estimant que l'épuisement des magistrats n'assure plus un procès équitable et serein (ce qui laisse deviner dans quelles conditions sera prononcé un éventuel placement en détention).

Le débat qui va se tenir est en tout point analogue à un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention (JLD). C'est l'article 144 du CPP qui va jouer les arbitres. Ne plaidez que sur ces points-là : tout le reste est hors sujet… ou presque, j'y reviens de suite. Le point principal du débat est la garantie de représentation : qu'est-ce qui dit au tribunal que votre client sera là à l'audience de renvoi et surtout pourra être retrouvé en cas de prison ferme à effectuer. Le risque de réitération sera immanquablement mis sur le tapis en cas d'antécédents voire de récidive. Ne faites jamais de déni du B1, ça ne sert à rien. Quand un avocat dit de ne pas tenir compte du B1, le tribunal ne tient pas compte de l'avocat. Voyez plutôt le temps qui s'est écoulé depuis la précédente condamnation (et assurez-vous que ce temps n'a pas été passé en détention). Si votre client s'est tenu à carreau pendant 4 ans, il est peut-être en récidive, mais il a montré qu'il tentait de se réinsérer. S'il a réitéré à peine sorti de prison, demandez-vous pourquoi vous avez demandé un délai. Le tribunal peut prononcer un contrôle judiciaire : suggérez-lui les obligations utiles. Le tribunal pensera de lui-même aux classiques : obligation de soin, domicile, travail, pointage. Indemniser la victime peut être une suggestion de votre part : ça informe le tribunal que votre client reconnaît les faits et veut assumer sa responsabilité. Mais l'article 138 du CPP contient une foule de possibilités : à vous de les explorer pour le tribunal, qui sera ravi d'avoir une proposition pertinente à laquelle il n'aurait pas pensé. N'hésitez pas, si le parquet a parlé de la gravité des faits, à rappeler au tribunal que le critère de trouble à l'ordre public a été supprimé pour les affaires correctionnelles. L'info a du mal à passer.

Enfin, il y a un point à plaider qui n'est pas dans l'article 144. N'hésitez pas, si votre client conteste les faits et qu'une demande de relaxe est envisagée, de faire valoir rapidement les éléments laissant entendre que votre client est peut-être bien innocent. Pas de démonstration, mais juste de quoi instiller le doute. La probable culpabilité ne fait certes pas partie des critères de l'article 144. Mais quoi qu'on en dise, tout juge (ça vaut aussi devant le JLD) réfléchira à deux fois avant de mettre en détention une personne qui n'a peut-être rien fait. Ça peut être une phrase du certificat médical : “ aucune lésion traumatique visible ”, l'ITT ne reposant que sur des douleurs à la palpation et des céphalées… c'est-à-dire les propos de la victime. Ça peut être la pièce qui vous manque et qui fait que vous avez demandé le renvoi : votre client était en déplacement à ce moment, la police n'a pu le vérifier pendant la garde à vue, mais vous pouvez vous procurer une preuve (précisez laquelle). Là aussi, c'est du vécu : le client avait été mis en garde à vue le vendredi soir et comparaissait le lundi : son employeur n'avait pu être joint le week end. Il a finalement été relaxé : il était à Dijon le jour des faits et son employeur lui a fourni les documents le prouvant. Vous serez surpris de l'efficacité de cet argument bien que hors champ de l'article 144.

Épilogue : Si votre client est remis en liberté, la comparution immédiate est terminée et la procédure bascule dans le droit commun pour la suite (notamment, pas de placement en détention pour une peine inférieure à un an ferme sauf récidive). L'affaire est renvoyée contradictoirement. Attention : votre client ne recevra pas de convocation, l'avis donné verbalement vaut convocation. N'hésitez pas à le lui noter sur un papier : il est libre, vous pouvez lui donner des objets sans que l'escorte, qui n'est plus qu'un guide, n'y puisse redire.

Si votre client est placé en détention, l'affaire est également renvoyée contradictoirement, mais votre client n'a pas à noter la date : il sera conduit devant le tribunal (art. 409 du CPP). Le renvoi a lieu à entre deux six semaines, deux à quatre mois en cas de délit passible de sept ans de prison ou plus. Dans les deux cas, votre mission s'achève là. Si vous êtes choisi, vous devrez demander un avis de libre communication au parquet (appelé à tort permis de communiquer, le parquet ne vous permet rien du tout, c'est un droit) et à vous l'allée des Thuyas, des Peupliers ou la rue de la Santé. Vous pouvez d'ores et déjà écrire à votre client : n'oubliez d'apposer votre cachet et d'écrire lisiblement sur l'enveloppe "avocat" afin que votre courrier ne soit pas ouvert.

Demander un délai, c'est bien. Mais vous pouvez aussi, et c'est un droit très, trop rarement utilisé, demander au tribunal d'ordonner pendant ce laps de temps tout acte d'information que vous estimez nécessaire à la manifestation de la vérité, relatif aux faits reprochés ou à la personnalité de l'intéressé : art. 397-1, al.3 du CPP. Cette demande peut être présentée oralement, mais il vaut mieux déposer des conclusions pour être sûr d'être bien compris. C'est un droit : le tribunal qui refuse de faire droit à cette demande doit rendre un jugement motivé (même article). Un tel refus peut être frappé d'appel (mais pensez à faire une requête en admission immédiate de l'appel dans le délai de 10 jours : art. 507 du CPP). Attention, certains tribunaux joignent cette demande au fond, invoquant l'article 459 du CPP. Rappelez au tribunal qu'une circulaire du 14 mai 2004 prône un jugement immédiat sur la question. Une jonction au fond vide de tout intérêt une telle demande puisque vous avez besoin de cette mesure pour plaider au fond. Une circulaire n'a certes pas force obligatoire. Mais l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme sur le procès équitable, oui.

2 : Si vous plaidez au fond

Rappelons que cette branche de l'option ne doit être retenue qu'en dernier recours, si vous êtes certain qu'un délai n'apporterait rien, n'avez aucun acte à demander, que vous pensez avec assez de certitude pouvoir éviter une peine de prison ferme dans un dossier où la détention provisoire serait probable, ou que la peine de prison ferme prononcée permettrait d'envisager une sortie à peu près au moment de l'audience de renvoi. Et surtout, souvenez-vous que votre client doit participer à ce choix.

La comparution immédiate reste une procédure grandement dérogatoire. Les droits de la défense sont adaptés aux spécificités de cette procédure. Il faut les connaître et ne pas hésiter à les utiliser.

► Vous pouvez soulever une nullité de procédure (art. 385 du CPP).

Ça, tous les avocats le savent. Je ne reviendrai pas dessus. Et je ne vais pas vous faire une liste exhaustive des nullités potentielles. Si vous ne les connaissez pas, permettez-moi une question : qu'est ce que vous fichez aux comparutions immédiates ? Gardez à l'esprit qu'une nullité ne frappe que les actes concernés et ceux qui ont l'acte nul pour support nécessaire, et qu'en aucun cas une nullité de procédure ne peut désaisir le tribunal : le procès verbal de comparution reste valable (sauf s'il est lui-même nul, là c'est banco, le parquet ne peut que re-citer, c'est la remise en liberté automatique, mais ça n'arrive pratiquement jamais : j'ai vu une fois un procureur qui avait oublié de signer). Donc le tribunal reste saisi, et joignant l'incident au fond, peut statuer au vu des pièces non annulées et des déclarations à l'audience. Concrètement, il n'y a guère que la nullité de la saisine interpellation (conditions de la flagrance non remplies), ou un défaut de notification de la garde à vue qui peut faire assez de dégâts à un dossier pour rendre la relaxe inévitable (sous réserve de l'évolution jurisprudentielle de l'enregistrement des gardes à vue…). Après, chaque tribunal a sa jurisprudence. Ma position est : soulevez tout ce que vous pouvez.

► Vous pouvez demander un supplément d'information (art. 397-2 al. 1 du CPP).

La demande de supplément d'information peut être formée en cours d'audience, même si le prévenu a renoncé au délai : art. 397-2 du CPP. Tout simplement parce que la raison d'être de ce supplément peut apparaître au cours des débats. Le tribunal peut le faire d'office, mais n'hésitez pas à le demander. Dans cette hypothèse, le refus d'acte n'a pas à faire l'objet d'un jugement motivé. La mesure d'instruction est confiée à un des juges du tribunal, comme en droit commun (art. 463).

► Vous pouvez demander le renvoi devant un juge d'instruction (art. 397-2 al. 2 du CPP).

Même au cours des débats. Dans ce cas, le tribunal statue sur la détention du prévenu jusqu'à sa comparution devant le juge d'instruction qui doit avoir lieu le jour même, ou dans les trois jours ouvrables si votre tribunal n'est pas un pôle de l'instruction (avec le cas échéant passage par la case JLD). Cette possibilité ne doit être utilisée qu'avec précaution, le basculement vers l'instruction n'étant pas une garantie de clémence envers votre client (surtout si les faits reçoivent une qualification criminelle). Tâchez de savoir qui est le juge d'instruction de permanence avant de vous décider. J'ai déjà vu le parquet faire passer en CI un dossier manifestement criminel, et demander au tribunal de lui renvoyer le dossier. C'était juste une ruse (un esprit chagrin comme le mien parlerait de détournement de procédure) pour éviter de faire péter le délai[1] de 20 heures de l'article 803-3 du CPP.

► Vous pouvez citer des témoins (art. 397-5 du CPP).

Quand je vois aux CI un avocat venir demander la bouche en cœur au président s'il veut bien entendre un témoin qui est dans la salle au titre de son pouvoir de police des débats (art. 444 du CPP), j'ai envie de lui jeter à la figure mon code ouvert à la page de l'article 397-5. Le président peut refuser d'utiliser son pouvoir de police, sans avoir de compte à rendre. Il ne peut pas refuser d'entendre un témoin régulièrement cité. Or en CI, vous pouvez les citer sans forme : pas de délai de 10 jours (on se demande comment on pourrait le respecter, l'infraction a eu lieu il y a deux jours), pas d'huissier : vous pouvez vous contenter de le faire oralement, à l'américaine, au début de l'audience, même si là aussi je recommande de le formaliser par écrit, écrit que vous aurez remis au greffier préalablement à l'appel de votre affaire (et informez-en le procureur !). Concrètement, vous prenez une feuille, vous écrivez dessus : Je soussigné maître Eolas, avocat au barreau de Paris, cite par la présente monsieur Tancrède Gétouvu-Méjdirayrien, né le 1er avril 1969 à Poisson (Saône et Loire), demeurant 1 rue du Blog 75021 Paris, à comparaître à l'audience de la 23e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris du 31 mars 2009 à 13h30, en tant que témoin dans l'affaire Ministère public contre Jtijure Spamoa, parquet n°0912345678. Datez signez, et en dessous, faites écrire à votre témoin : "reçu et pris connaissance de la présente citation", date et signature. Emballez c'est cité.

► Pensez aux demandes accessoires !

La relaxe ou la clémence, c'est bien gentil, mais pensez aussi à demander la restitution des scellés : elle est de droit sauf si la chose saisie est illicite ou dangereuse (auquel cas sa confiscation est de droit ; “ Non monsieur, le tribunal ne vous rendra pas votre barrette de shit, même si vous l'avez payée avec vos sous ”) ou que la confiscation est prononcée à titre de peine accessoire (chose ayant servi à commettre l'infraction ou en étant le produit) en cas de condamnation.

Pensez à la demande de non inscription au B2 du casier judiciaire. Motivez-là (travail dans la sécurité, concours administratif en préparation…). Évitez toutefois la motivation de cet avocat expliquant que son client poursuivi pour vente de stupéfiants voulait passer le concours de la gendarmerie (même si ça a bien fait rire les moblots de l'escorte).

► Plaidez sur la peine !

En CI, pas de chichi, on fait du subsidiaire quand on demande la relaxe. Ne prenez pas le risque de priver le tribunal de vos lumières s'il entrait en voie de condamnation contre toute évidence. Étudiez le B1, voyez les peines exclues ou impossibles, et proposez une solution réaliste (pas de dispense de peine quand il y a une victime non indemnisée). Le droit de la peine est formidablement complexe (même des procureurs s'y trompent parfois), mais il y a des trésors enfouis quand on se donne la peine d'aller les chercher au-delà du diptyque prison - amende. Une proposition originale et bien pensée peut séduire le tribunal.

Et pensez à la motivation ! De plus en plus, le tribunal se trouve forcé de motiver la clémence, et non plus la prison ferme. Si vous êtes en récidive, le tribunal devra motiver spécialement le fait d'écarter une peine plancher ou l'emprisonnement, voire exceptionnellement de ne pas recourir au placement en détention en cas de récidive de violence ou d'agression sexuelle. C'est à vous de fournir cette motivation, clés en main au tribunal. Si vous ne faites pas l'effort, il y a peu de chances qu'il le fasse à votre place. Surtout en fin d'audience.

Leave parquet alone !

Quand on plaide, on parle au tribunal. Ne répondez jamais aux réquisitions du parquet. Ça trahit le civiliste aussi sûrement que celui vouloir plaider au tribunal administratif. C'est la plaidoirie du néant, celle de ceux qui n'ont rien à dire. Répondre au parquet, ça revient à dire : “je suis nul, mais le proc l'est plus que moi”. C'est possible, notez, mais le proc, il prend le café avec le président et il lui dit “tu”. Je ne parle même pas d'agresser verbalement le parquetier. Non seulement c'est inutile (ce qui est déjà une faute pour l'avocat), mais c'est discourtois, et ça va braquer le tribunal : c'est un collègue que vous agressez, malgré tout.

En plus, la plupart du temps, le tribunal n'aura même pas écouté le parquet. Il aura juste noté la proposition de peine. Lui répondre, c'est attirer l'attention du tribunal sur son argumenation. Retenez bien : les réquisitions du parquet n'ont pas assez d'importance pour qu'on s'attarde dessus. Vous avez peu de temps pour plaider (le tribunal vous suivra 5 minutes, 7 si vous êtes un orateur hors pair ; au delà, il commencera à s'inquiéter de l'heure à laquelle il va finir par votre faute). Vous avez largement de quoi remplir ce peu de temps.

Il y a bien sûr une exception, comme toujours en droit : si vous êtes d'accord avec le parquet. Si le parquet a requis la relaxe, ou “s'en rapporte” ce qui chez certains parquetier semble être la formulation la plus proche du mot relaxe qu'il soient capables de prononcer, ou demande une peine légère avec remise en liberté à la clef, oubliez tout ce que je viens de dire : il faut attirer l'attention du tribunal là-dessus. Ne chipotez pas deux mois avec sursis simple si le proc en propose trois, ça fait mesquin (et souvent, le tribunal prononcera de lui-même deux mois pour bien montrer qu'il est indépendant). Dites que le parquet a raison d'écarter tout emprisonnement ferme, qu'une telle peine concilie les intérêts de la société représentée par le parquet, ceux de votre client en ne remettant pas en cause son insertion, ajoutez vos arguments en faveur d'une telle décision et soyez particulièrement bref, le tribunal ne devrait pas se montrer plus royaliste que le procureur.

► Soyez là lors du délibéré.

Quand je vois un avocat qui, ayant fini de plaider, s'en va et laisse son lient seul lors du délibéré, je cours récupérer mon code de procédure pénale que j'ai laissé dans la figure de l'avocat qui ne cite pas ses témoins pour l'envoyer dans celle de ce confrère (oui, à Paris, les compas, quand j'y suis, c'est violent). Vous devez être à ses côtés lors du délibéré, c'est la moindre des choses. Il va peut-être partir en prison plusieurs mois, voire plusieurs années. Vous pouvez lui accorder deux heures. Pour lui expliquer, pour lui conseiller de faire appel ou non, pour recevoir ses instructions quant à sa famille. C'est ça aussi, la défense. Depuis quelques années, je constate avec plaisir que nous sommes toujours plusieurs à rester jusqu'à la fin. C'était exceptionnel à mes débuts, et j'en suis ravi à chaque fois. Bravo les p'tits jeunes. Et je pense que le tribunal apprécie. Et puis, égoïstement, quand le résultat est bon, la poignée de main et le “merci” que vous dira le client, ça vaut mille indemnités d'AJ. C'est pour ça qu'on fait ce métier, aussi. Ne vous privez pas de ces moments.

► Classe jusqu'au bout.

Quand tout est fini, n'oubliez pas d'aller saluer le procureur, sans faire de commentaire sur ses réquisitions ni sur la décision, ce serait déplacé. Un simple “au revoir monsieur le procureur” avec un sourire aimable suffit. C'est votre contradicteur, au même titre que l'avocat de la partie civile.

Nothing really ever ends

Ce n'est pas fini pour autant. Pensez, de retour à votre cabinet, à commander une copie du jugement au greffe correctionnel (à Paris, porte 160, escalier H, 2e étage). Vous l'aurez quelques semaines plus tard (le délai se réduit peu à peu, ça trime sévère). Gardez en une copie dans votre tableau de chasse et envoyez-le à votre client. Il n'est pas juriste, il n'aura pas tout bien compris, et ce document aidera son assistant social, le JAP en charge de son dossier, et lui aussi à savoir à quoi il a été condamné. Si vous ne le faites pas, personne ne le fera et il n'aura jamais copie du jugement l'ayant envoyé là où il est. Accessoirement, s'il est content de vous, il y a votre nom sur le jugement…

Enfin, le greffier vous remettra, soit à l'audience, soit par le palais, votre Attestation de Fin de Mission (AFM). Joignez là à votre demande de paiement et envoyez le tout à l'Ordre pour être payé. C'est là que vous aurez besoin des informations que vous aurez pris soin de noter (cf. la 1e partie de ce vade mecum) : nom, date et lieu de naissance, domicile, numéro parquet de l'affaire.

Bravo. Vous avez gagné 200 euros. Vous avez bien mérité une tasse de thé.


Suite et fin bientôt avec le 4e épisode : la partie civile en comparution immédiate.

Notes

[1] En langage juridique, un délai expire. Dans le jargon des avocats, laisser s'écouler un délai par inattention s'appelle faire péter un délai.

Commentaires

1. Le mardi 31 mars 2009 à 16:23 par Um

Juste une question : comment fait-on la distinction entre l'incompétence et le manque d'expérience, normal pour un débutant ?

Par exemple, je ne suis pas pénaliste, mais m'y intéresse depuis toujours. Je ne me présenterai jamais à une audience de CI sans avoir suivi la formation à l'EFB, avalé deux ou trois bouquins de procédure pénale, revu mon droit pénal général et spécial, étudié autant que possible les peines (même si m'a l'air bien complexe).

Pourtant, si je me retrouve devant un dossier, toutes ces connaissances seront bien théoriques ; comment pourrais je conseiller à mon client le renvoi ou non alors que j'ignore la peine encourue, non pas légalement (je sais lire mon CP), mais en pratique ? J'ai eu beau aller pas mal voir de CI, je n'ai pas vraiment d'idées de ce que "vaut" telle ou telle infraction.

Tant qu'il s'agit de faire du droit (soulever une nullité, essayer d'apprécier ce qu'on considère comme "actes subséquents"), je me sens capable.

Mais lorsqu'il s'agit de "pratique", je suis légèrement (litote) apeurée. Et je me dis qu'un avocat apeuré n'est pas la meilleure chose qu'on puisse souhaiter à un prévenu.

En même temps, dans ma matière (le droit public), la première fois que j'ai plaidé - mais si, ça arrive - en référé, j'étais très apeurée.. et pourtant, franchement, j'étais pas mauvaise ...

Donc, comment savoir si je suis prête ??

2. Le mardi 31 mars 2009 à 16:30 par le droit c'est pas facile

D'abord merci maître pour cet article. Pourriez-vous faire, pour ceux qui n'iront jamais (enfin il faut espérer) aux comparutions immédiates une liste (même non exhaustive) des demandes de nullités potentielles. Merci.

Eolas:
Je dis dans le billet que je ne le ferai pas. Elle est complexe, mouvante, et assommante. C'est un travail de thésard, en somme.

3. Le mardi 31 mars 2009 à 17:17 par La Biscotte

Je ne suis pas sûre que vous ayez raison d'affirmer que si le tribunal, lorsqu'un renvoi est demandé, remet en liberté ou sous CJ le prévenu, on sort alors du cadre procédural de la compa et que le tribunal ne pourra notamment pas prononcer un mandat de dépôt même pour un non-récidiviste..

(cas d'école je pense, si le tribunal l'a remis en liberté avant de renvoyer, ce n'est sans doute pas pour lui coller ensuite un mandat de dépôt..)

Le système que vous décrivez s'applique en amont, quand le JLD, en cas de comparution préalable, a remis votre client en liberté (article 396 al.4).

Là, on se situe au moment où le tribunal statue. Sur quel texte vous basez-vous pour penser qu'une remise en liberté en cas de renvoi ne permet plus ensuite un mandat de dépôt ?

Parce que l'article 397-4 ne laisse pas beaucoup de place à une interprétation différente, non ?

Eolas:
Il est vrai qu'on est dans une hypothèse d'école. Je n'ai jamais vu requérir un placement en détention d'un prévenu libre lors d'une audience de renvoi. Mais la logique du système telle que je la comprends est la suivante : le prévenu est privé de liberté par la garde à vue. Par définition, on ne comparaît pas libre en CI. D'où le fait que 397-4 ne parle pas de mandat de dépôt, mais de placement en détention. Le mandat de dépôt prend un homme libre et en fait un détenu. Le placement en détention prend un homme retenu et en fait un détenu. Il y a débat, et remise en liberté, éventuellement sous CJ. La privation de liberté cesse. L'art. 397-4 ne s'applique pour moi qu'en cas de jugement le jour même ou de renvoi avec placement en DP (car il y a maintien en détention). il y a de la jurisprudence contraire ? Un indice serait : peut-on citer un témoin sans forme à l'audience de renvoi ?

4. Le mardi 31 mars 2009 à 17:32 par Gabriel

En suivant votre lien vers l'article 138 du CPP, je vois qu'en 2010 le texte changera, remplaçant « juge d'instruction » par « collège de l'instruction. » C'est un dommage collatéral d'Outreau, un avant-goût de la suppression du juge d'instruction ou encore autre chose ? Bref, ça vient d'où et ça change quoi ?

(Si cela avait déjà été traité ici et que je ne m'en souvienne plus, un simple lien me rafraîchissant la mémoire serait très apprécié.)

5. Le mardi 31 mars 2009 à 17:47 par gil blas

Bravo pour cette leçon de procédure et surtout (de mon point de vue) de savoir-vivre judiciaire. Puissent les jeunes avocats continuer à vous lire et à suivre vos conseils; c'est la seule façon pou eux de forcer le respect et l'estime de magistrats pas forcément bienveillants d'entrée de jeu.

6. Le mardi 31 mars 2009 à 17:48 par ramon

"Des bulletins de salaire antérieurs à 1999 libellés en euros"

Comme c'est étrange. Je vous assure, mon cher cousin, que l'euro n'est devenu monnaie légale qu'au 1er janvier 2002.

Précédemment, depuis 1997 ou 1998, les B.S comprenaient souvent l'indication légale en francs, et la mention didactique et prévisionnelle de l'équivalent en euros.

7. Le mardi 31 mars 2009 à 17:56 par procurette

Mon commentaire sera totalement autocentré : Merci cher maître de rappeler à vos jeunes confrères qu'il est préférable d'attendre le moment des plaidoiries pour venir voir le Procureur : avant il risque de ne pas être très réceptif, voire franchement désagréable. Vous allez déposer sur son bureau un fouilles de papiers en chuchotant "regardez, mon client a des garanties", alors que le Procureur est en train d'écouter l'instruction d'un autre dossier. Au mieux, il les regardera d'un oeil distrait sans véritablement comprendre de quoi il retourne, au pire il vous les rendra d'office en marmonnant "c'est pas le moment", résultat zéro pour le client. Merci également de ne pas plaider en regardant le Procureur avec des yeux furibonds qui semblent crier "méchant ! méchant!", ça ne sert à rien si ce n'est à indisposer tout le monde, et surtout cela ne sert pas le prévenu. Jeunes avocats, les conseils de maître éolas sont précieux, suivez-les et les audiences ne s'en porteront que mieux.

8. Le mardi 31 mars 2009 à 17:58 par procurette

"fouillis de papiers" et non fouilles, cela va sans dire mais ça va mieux en le disant, certains ici sont si tâtillons ...

9. Le mardi 31 mars 2009 à 18:00 par Confrère des champs

@ Um

Comment savoir si vous êtes prête ?

Mais chère consoeur, plaider au pénal, c'est comme faire des enfants. Si vous attendez d'être prête, vous ne le serez jamais. Jetez-vous, vous dis-je !

N'hésitez pas à faire appel à un confrère un peu plus expérimenté pour lui demander son sentiment sur le dossier. Personnellement, il m'arrive de planter là Madame Ouinouin et sa demande de prestation compensatoire lorsqu'un (et surtout une) jeune confrère m'appelle au cabinet pour une CI qui le terrorise. En général, je le laisse se débrouiller à l'audience mais j'étudie le dossier avec lui et, en général, il trouve tout seul ce qu'il y a à faire. Je fais comme pour apprendre le vélo à mes enfants : une fois qu'ils sont partis, je les lâche en courant à côté pour leur faire croire que je les tiens toujours.

j'imagine qu'il doit bien y avoir des confrères un peu frottés de défense pénale, que vous avez déjà rencontrés et qui accoureront à un appel du genre : "Cher confrère, je suis la jeune et brune collaboratrice de Me Golfdesaintnomlabretèche et je me trouve devant une procédure de CI dans laquelle il me semble bien qu'une légère nullité pourrait être logée... etc". Personnellement, pour aider une brune à soulever une nullité en correctionnelle, je laisse tomber la prestation compensatoire de Victoria Beckham.

Et puisque vous êtes parisienne et que les CI s'y font un peu à la chaîne, si j'ai bien suivi les leçons d'Eolas, il doit bien y avoir à porté de main des confrères qui viennent de plaider et qui n'hésiteront pas à vous conseiller.

Mais ce sont peut-être là des moeurs de province. Lors de mes rares passages au Palais de Paris je n'ai pas trouvé les confrères très conviviaux... (Désolé, Eolas, je n'ai probablement pas eu la chance de vous croiser).

Allez, foncez ! Vous avez toutes les qualités pour réussir à commencer par l'humilité. Et revenez très vite nous raconter vos impressions.

10. Le mardi 31 mars 2009 à 18:02 par Shad

C'est intéressant votre remarque sur les avocats civilistes, parce que j'ai remarqué que les parquetiers redoutaient également beaucoup les juges civilistes amenés à siéger en CI: ils les soupçonnent d'être plus enclin à annuler les actes de procédure et de se considérer davantage comme des arbitres du débat que comme des intervenants supplémentaires dans la recherche de la vérité.

11. Le mardi 31 mars 2009 à 18:33 par X.

L'euro est devenue monnaie sonnante et trébuchante en 2002 mais dès 1999 on pouvait avoir des BS en euros (l'euro étant une monnaie depuis 1999) ou un compte bancaire en euros... le tout avec des chéquiers en francs et en euros !

Ne confondez pas monnaie scripturale et divisionnaire...

Merci au maitre de ce lieu de parfaire mon maigre droit pénal :)

12. Le mardi 31 mars 2009 à 18:38 par L'argent du beurre

Merci a Me Eolas pour ce tres bon billet. Un billet (no 5) sur la fabuleuse histoire des nullites de procedures serait sympa..et si un procureur veut faire un billet (no6) ou il nous explique comment il se prepare pour cette audience et convaincre au dela de tout doute les juges que le prevenu est coupable..ce serait urbain.

en attendant une nullite sur l'article 3 de la Convention avait reussi a Creteil...

http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1059546&clef=ARC-TRK-NC_01#ens_id=1119968

13. Le mardi 31 mars 2009 à 18:41 par NicoB73

Tiens, en lisant le commentaire d'Eolas sous n°2, une idée pour notre Ordre: base de données en ligne sur les nullités en matière pénale, avec référence bibliographiques et arrêts en accès libre, pour assister les bagnards Confrères en CI ! Facile, pas cher, et efficace, non ?

14. Le mardi 31 mars 2009 à 18:44 par Victoire

Cher Maître de céans,

Je lis souvent, et n'interviens jamais (une fois, de mémoire). Lectrice silencieuse, donc.

Mais là ! Permettez-moi de relever le fait que vous ayez choisi de faire citer comme témoin une personne dotée du même prénom que mon fils (à moi que j'ai). Prénom assez rare pour attirer mon regard, d'une part, et mon commentaire, ensuite. Dans le contexte, et vu le nom de famille que vous lui collez, je ne sais pas si c'est une marque d'affection ou de mépris pour ledit prénom, notez-bien.

Mais ça m'a fait rire (et c'est déjà ça).

Au plaisir de continuer à vous lire, donc.

15. Le mardi 31 mars 2009 à 18:49 par PM28

§5 : visite au greffier...

C'est gentil de venir le saluer... Cà lui fait du bien de parler.. lui le témoin muet de la procédure.. et puis, on est entre gens de bonne compagnie !

Mais il me semble que devant le tribunal correctionnel ( comme devant toute juridiction répressive) la procédure est orale. Le visa du greffier sur les conclusions me parait être une tradition bien ancrée ( mais inutile ?) dont je ne trouve pas trace dans le code de procédure pénale.

Me trompe-je ?

16. Le mardi 31 mars 2009 à 18:51 par (...)et avec votre esprit...

bouuu.... pourquoi on n'apprend pas tout ça à la fac. pfff satanés diplômes inutiles....j'ai l'impression parfois que deux années collées (les années) aux bask d'un bon avocat (je ne vise personne) auraient été plus utiles.

peut-être un dernier billet sur "si ça vaut le coup de faire appel ou pas" ?

merci Maître

17. Le mardi 31 mars 2009 à 18:57 par Barbemolle

Si je puis me permettre, c'est pas mal.

Un point cependant concernant la citation des témoins : s'assurer que le témoin en question est en possession d'une pièce d'identité.

Par ailleurs, je n'ai jamais vu en CI un Président s'opposer à l'audition d'un témoin. La citation manuscrite me semble donc superfétatoire. D'autant qu'en cas de refus, il suffit de demander à la greffière d'acter l'identité du témoin et du refus du Tribunal, en général, ça calme. En cas de clash, rédaction de conclusions en visant 397-5 CPP et 6 CEDH.

Enfin, ne pas hésiter à demander le renvoi si le témoin est absent.

Et là, on touche à la grande difficulté de la CI : en toutes hypothèses, il vaut mieux demander le renvoi parce qu'en matière de procédure attentatoire aux droits de la défense, la CI on fait pas mieux.

Sauf que l'on se dit immanquablement, "si je demande le renvoi et que le gus va au trou alors que ça peut valoir un sursis simple, un SME un TIG ou que sais-je encore alternatif à un emprisonnement, j'aurai du mal à trouver le sommeil." Pas de réponse, si ce n'est l'expérience, vous savez cette lanterne allumée qu'on se trimballe tous, accrochée dans le dos.

Pour répondre donc à Um, rien ne vaut la fréquentation des audiences pour se faire une petite idée d'autant que comme le fait remarquer EOLAS on plaide parfois pour un assesseur et même on ne plaide pas la même chose selon que l'on plaide devant Monsieur le Président DUPONT ou DURAND.

18. Le mardi 31 mars 2009 à 19:04 par terrien kilipabien

Juste une remarque au passage

Eolas : Vous pouvez lui accorder deux heures. Vous avez gagné 200 euros.

Je ne soutiens pas qu'un avocat gagne 100€ de l'heure, c'est vous qui le dites. Au ton de la phrase, il m'était venu l'impression qu'il n'était peut être pas dans votre intention de souligner à qu'elle point cette partie de votre rémunération vous faisait tomber dans le plus crasse des opulences.

Pourtant l'implacable mathématique nous signal que 151h/moisX100€=15100€/mois. Cher maitre, soit vous êtes trop payé pour le métier que vous faites, soit le fait de prendre 2 phrases hors de leur contexte m'aura encore induit en erreur.

Eolas:
Non, il faut lire : vous êtes arrivé à 10 heures, avez potassé un dossier, rédigé des conclusions, eu un entretien avec le client, contacté sa famille, réuni et vérifié les pièces, attendu votre tour, plaidé, attendu le délibéré ; il est 21 heures et vous avez gagné 200 euros. Soit 18 euros de l'heure. Soit 2718 par mois en reprenant votre base de 151 heures (que vous aurez fait en 3 semaines, c'est ça qui est cool). Amputez vos 45% de charge et vous voilà à 1498 euros par mois net avant impôt. Que vous filez à votre secrétaire pour payer son salaire. Il ne vous reste plus qu'à inventer la photosynthèse pour vous nourrir et à vendre un rein pour payer votre loyer. Pour passer le temps en salle de réanimation, vous pourrez lire terrien kilipabien dire que vous vivez dans une grasse et oisive opulence.

19. Le mardi 31 mars 2009 à 19:09 par pat ibulaire

(réédit d'un billet jamais parvenu)

merci maître.

un dernier billet sur "si ça vaut le coup de faire appel ou pas"? (quand, comment, sur quels fondements, tout ça tout ça). d'avance merci

20. Le mardi 31 mars 2009 à 19:17 par Mussipont

Je crois pouvoir apporter une précision importante : la commune de Poisson (Saône et Loire) d'où est originaire le témoin Tancrède Gétouvu-Méjdirayrien est officiellement jumelée avec la commune d'Avril (Meurthe et Moselle).

Et ceci n'est pas une farce!

21. Le mardi 31 mars 2009 à 19:24 par Barbemolle

A terrien kilipabien

Tu portes bien ton nom mon gailard. Sache donc que si toutes les heures travaillées d'un avocat lui étaient payées même seulement 100 € de, les Traders de Wall Street, du temps de l'opulence, l' auraient envié. Sache en outre que pour un cabinet un peu structuré, le taux de charge oscille entre 50 et 60 % avant IR. Sache qu'un avocat, qui culmine facilement à bac + 6, qui endosse pas mal de responsabilités, qui travaille comme un forçat peut légitimement prétendre gagner un peu plus que le SMIC!

22. Le mardi 31 mars 2009 à 19:33 par Babar

@20 Barbemollle heu ben pas vraiment, un trader ca a un bonus dans une fourchette entre 200 000 d'euros et 30 millions d'euros...mais bon si un trader est mauvais il est vire.

23. Le mardi 31 mars 2009 à 19:40 par Fantômette

@ Um

Je m'associe au conseil de confrère des champs.

En ce qui me concerne, et quoiqu'ayant reçu une formation universitaire en droit pénal, je ne me sentais pas prête pour les CI dès ma sortie de l'école. Je me disais que j'allais manquer de réflexes. Mon barreau me permettait de m'inscrire sur la liste des avocats pouvant être commis d'office en pénal hors permanence CI. J'intervenais commise d'office pour des prévenus convoqués par OPJ, la plupart du temps. Cela m'a permis de me frotter à la procédure pénale en disposant d'un peu plus de temps que les quelques heures accordées en CI. Cela m'a permis également de commencer de connaître les magistrats, les procureurs, leur jurisprudence, la façon dont ils mènent les débats, ce qu'ils apprécient ou non.

Evidemment, même dans ce cas là, confrère des champs a mille fois raison : il ne faut pas hésiter à solliciter d'autres confrères.

Le ou les premiers d'entre eux sont vos patrons, s'ils font du pénal, bien sûr (je suppose que vous êtes collaborateur ?) (Attention au patron qui a fait du pénal, il y a vingt ans, plus jamais depuis, et qui en garde un grand souvenir. Ses histoires sont toujours sympa à écouter, mais ses conseils pas toujours bon à suivre).

Je connais beaucoup d'avocats autour de moi qui n'hésitent pas à donner des coups de main à ceux qui en font la demande. Renseignez-vous pour avoir des noms d'avocats qui font les permanences, et demandez-leur si vous pourriez les accompagner un jour. Si vous êtes sur Paris et que vos patrons ne sont que modérément enthousiastes à l'idée de vous voir déserter le cabinet si ce n'est même pas pour vous occuper d'une clientèle personnelle, vous pouvez le faire le samedi matin, à Paris (sauf erreur de ma part. En tout cas, c'était le cas il y a quelques années). Suivez les formations pénales, et profitez-en pour faire connaissance avec d'autres avocats - ce ne sont pas seulement les jeunes avocats débutants qui les suivent (enfin, ça dépend lesquelles), certains avocats plus expérimentés les suivent pour valider des heures de formation continue dans leur spécialisation.

Et puis, même sans accompagner un confrère, allez assister à des audiences, plein d'audiences, de CI mais pas seulement, toute audience correctionnelle est bonne à prendre. Je crois que c'est tout simplement en trainant beaucoup dans les audiences (et en laissant passer devant moi des millions de confrères ravis de l'aubaine), en suivant les affaires et en les écoutant tous plaider (et parfois même, vous avouerai-je, je prenais des notes !), que j'ai pris de l'assurance dans cette matière.

Qui en vaut la peine.

24. Le mardi 31 mars 2009 à 19:58 par Mr Parquet

eolas : "Il y a bien sûr une exception, comme toujours en droit : si vous êtes d'accord avec le parquet. Si le parquet a requis la relaxe, ou “s'en rapporte” ce qui chez certains parquetier semble être la formulation la plus proche du mot relaxe qu'il soient capables de prononcer, ou demande une peine légère avec remise en liberté à la clef, oubliez tout ce que je viens de dire : il faut attirer l'attention du tribunal là-dessus. Ne chipotez pas deux mois avec sursis simple si le proc en propose trois, ça fait mesquin (et souvent, le tribunal prononcera de lui-même deux mois pour bien montrer qu'il est indépendant)."

Méfiance : certains juges du siège veulent tellement démontrer leur indépendance qu'ils sont capables de prononcer une peine ferme même si le parquet a proposé un sursis. Avec mandat de dépôt en prime...

En parquetier, ça s'appelle se faire dépasser, et ça fait toujours comme un choc (procureur errant dans les couloirs : "je me suis fait dépasser, je le crois pas, je me suis fait dépasser !!!...)

25. Le mardi 31 mars 2009 à 20:07 par max

"Quand tout est fini, n'oubliez pas d'aller saluer le procureur, sans faire de commentaire sur ses réquisitions ni sur la décision, ce serait déplacé." Même pas un petit "Good game"?

26. Le mardi 31 mars 2009 à 20:09 par Greffier d'Assises

@15 : l'article 459 du Code de procédure pénale indique :

''Le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions. Ces conclusions sont visées par le président et le greffier ; ce dernier mentionne ce dépôt aux notes d'audience''.

27. Le mardi 31 mars 2009 à 20:32 par Ploki

pour éviter la comparution immédiate, les texans ont instauré une loi spéciale :

http://videos.tf1.fr/video/news/monde/0,,4324051,00-texas-permis-de-tuer-.html

28. Le mardi 31 mars 2009 à 20:38 par Ploki

Comme tout bon fonctionnaire de police le ferai, je vais mettre Maître Eolas devant ses contradictions pour qu'il avoue, cela va être du velours :

Je cite Maître Eolas : "Amputez vos 45% de charge et vous voilà à 1498 euros par mois net avant impôt. Que vous filez à votre secrétaire pour payer son salaire. Il ne vous reste plus qu'à inventer la photosynthèse pour vous nourrir et à vendre un rein pour payer votre loyer."

Maître Eolas a déclaré rechercher en Ile de France, un bureau professionnel et à cette occasion il a déclaré y travailler seul. Il n'a donc point besoin de payer une secrétaire et les 1498 euros net sont pour sa poche, point besoin donc de photosynthèse et de vendre un rein.

Je ne serai pas étonné que l'on trouve le Maître sur les listings de clearstream ou du lichtenstein ;)

Eolas:
J'ai une secrétaire, mais elle travaille en Roumanie pour un euro de l'heure. Pas besoin de bureau pour elle. Vive internet.

29. Le mardi 31 mars 2009 à 20:55 par X.

Sauf que les avocats peuvent disposer de secrétaires et d'autres facilités matérielles par le biais de SCM, SCP et autres outils juridiques qui ne servent pas qu'à de l'optimisation fiscale :)

30. Le mardi 31 mars 2009 à 21:21 par geranione

salut maître, je kiffe vos news et jé tro l'envie de vous voir bientôt. j'aimeré ossi organiser votre annif' mais je ne sais pa ken c... allé tchiaaaaaoooo

31. Le mardi 31 mars 2009 à 21:25 par Couplus

Ce n'est pas le point essentiel du billet, mais quel est le délai de paiement de l'indemnité de 200 € ?

Par comparaison, en Belgique, l'AJ est payée une fois par an, en mai-juin, pour les prestations ayant fait l'objet de rapports déposés le 30 juin de l'année précédente et qui représentent l'ensemble des prestations d'un dossier (ou plusieurs).

Eolas:
À Paris, un mois environ à compter du dépôt de la demande.

32. Le mardi 31 mars 2009 à 22:19 par jalmad

très instructif pour le petit juge de petit Tribunal de Province que je suis, qui siège en CI mais qui ne les préside pas, 2ème grade oblige....

moi qui suis du style, comme assesseur, à rouler des yeux au ciel, hausser les épaules, hocher ostensiblement, sourire en coin, etc...je saurai à l'avenir qu'alors que je me croyais invisible car en général prévenu et avocat n'ont d'yeux que pour le Président, des avocats, tapis dans l'ombre en attendant leur tour, m'observent attentivement....

cependant : je l'écoute le Parquet, quand il requiert (sauf à être mauvais et rabâcher la même idée dix fois, bien sûr), je ne me contente pas de noter la peine requise ; et l'avocat, il retient mon attention plus de 5 à 7 minutes sans que je ne consulte ma montre (sauf à être mauvais et rabâcher la même idée dix fois, bien sûr). L'effet Province

à Eolas et à Mr Parquet 23 : quand il m'est arrivé (rarement), en juge unique, de "dépasser" le parquetier, ou bien quand il m'est arrivé (plus souvent) de prononcer par exemple 2 mois sursis quand 3 mois sursis étaient requis, je vous assure que ce n'était pas pour "bien montrer mon indépendance de juge du siège", c'était juste par appréciation différente....de la même manière, je n'ai jamais hésité à prononcer la peine requise si elle m'apparaissait adaptée, ou celle avancée par l'avocat de la défense.

Eolas:
J'aime beaucoup parsemer mes billets de petites piques. Ce genres d'incises n'est pas à prendre trop au sérieux. Bien sûr que les juges écoutent le parquet et la défense plus de 5 minutes. Mais, magie du verbe : en les prenant au pied de la lettre, ces conseils restent bons. Il ne faut pas revenir sur les réquisitions, mais faire une plaidoirie originale, et la condenser en 5-7 mn max. 7, ça me paraît déjà bien long.

En tout cas, je suis contente de lire ce billet qui conseille vivement aux avocats de plaider la peine, de connaître le droit de la peine ; je trouve qu'autant il y a chez moi de nombreux avocats très pertinents pour pointer les faiblesses d'un dossier sur le fond, autant lorsque la culpabilité est bien établie, les plaidoiries tournent un peu court (parcours difficile, regrette, clémence...), sans proposition concrète de peine, et c'est bien dommage.

33. Le mardi 31 mars 2009 à 22:27 par floran

Etant un jeune confrère, je lis ce billet avec ravissement et plaisir.

Merci.

34. Le mardi 31 mars 2009 à 22:46 par Gathar

@ Eolas : pour l'envoyer dans celle [la figure] de ce confrère (oui, à Paris, les compas, quand j'y suis, c'est violent)

Donc, en plus de pavés pesant plusieurs kilos, vous balancez à la tête de vos confrères ces ustensiles destinés à tracer des cercles, et au bout si pointu... C'est effectivement violent...

35. Le mardi 31 mars 2009 à 23:27 par Rizgar Amin

"la plupart du temps, le tribunal n'aura même pas écouté le parquet. Il aura juste noté la proposition de peine. Lui répondre, c'est attirer l'attention du tribunal sur son argumentation"
Oh, comme c'est vrai ! Il préfère écouter la défense :-)

Non, ne partez pas, je rigole... :-)

"Soyez là lors du délibéré"
Alors, là, Chapeau, c'est si rare... Après 18-19 heures, il n'y a plus guère que les mamans et les petites amies qui attendent la décision... :-(

Tiens, demain je préside les CI ! Je vais regarder les avocats de la défense d'un autre œil :-)

36. Le mardi 31 mars 2009 à 23:43 par ramon

@ ramon en 6

L'esprit de l'escalier ou le repentir actif.

Il ne faut pas se fier à sa mémoire, mais à des documents. L'euro devient monnaie légale au 1er janvier 1999, même si le franc est une des subdivisions nationales.

C'est seulement au 1er janvier 2002 que l'euro est matérialisé en pièces et billets et que le franc s'efface.

De 1999 à 2001, les bulletins de salaire sont généralement calculé en francs. Mais les montants significatifs ( brut et net) sont indiqués en euros.

En toute hypothèse, des B.S. antérieurs à 1999, et comportant des indications en euros, constituent une anomalie de date certaine.

Toutes mes excuses, Maître.

37. Le mercredi 1 avril 2009 à 00:02 par Bziaou

Désolée pour le hors sujet total: mais en passant par hasard sur une émission de TF1, j'ai vu un OPJ entendre une femme "en tant que témoins assisté" (dixit le commentaire). Je pensais que le statut de témoins assisté était réservé aux affaires donnant lieu à instruction (le juge d'instruction prononçant ce statut intermédiaire). Y a-t-il une possibilité d'avoir ce statut avant l'ouverture d'une instruction?

Eolas:
Non, pas de témoin assisté en enquête de police, et un OPJ ne peut entendre un témoin assisté sur commission rogatoire (l'avocat du témoin assisté doit être convoqué et avoir eu accès au dossier).

38. Le mercredi 1 avril 2009 à 00:14 par Solo

Rien à voir, mais Le Monde propose à ses lecteurs d'enfreindre la loi (lien).

39. Le mercredi 1 avril 2009 à 00:27 par benoil

Pour un étudiant en 3ème année de Droit comme moi qui ne connaît de la procédure pénale que les droits du gardé à vue ou encore le régime du statut de mis en examen (entre autres... quand même !), ce récit d'une implacable précision (décidément Me Eolas !) me fait frissonner ! Pour moi c'est encore très technique, mais pour les jeunes avocats en exercice, à qui vous avez l'air de vous adresser, ce doit être en effet une sacrée mine d'or ! Juste une demande : ne voudriez-vous pas remplacer "cour de cassation" par "Cour de Cassation" ? Mes chargés de TD (ça vous rappelle des souvenirs, avouez !) nous bassinent tous avec cela : "La juridiction suprême de l'ordre judiciaire mérite que l'on lui attribue 2 majuscules à l'écriture". Je suis tiraillé moi ! Qui croire ???

Bien à vous.

Eolas:
En fait, c'est Cour de cassation. La majuscule va à Cour car c'est une cour souveraine. Cassation reste un nom commun. On fait appel, pas Appel.

40. Le mercredi 1 avril 2009 à 00:38 par Mobile

Clair, net, précis, mais je ne pouvais y résister! http://www.youtube.com/watch?v=o4xrbJe1RHM

Meilleures salutations, etc.

41. Le mercredi 1 avril 2009 à 00:50 par Mobile

Désolé! http://www.youtube.com/watch?v=c45FtDhdDoY&feature=related

42. Le mercredi 1 avril 2009 à 02:24 par malpa

Cher Maître et chers commentateurs,

Il n'est quasiment pas un billet qui n'évoque les "garanties de représentation", mais je ne vois toujours pas très bien de quoi il s'agit.

Je me trompe peut-être, mais je crois comprendre qu'il vaut mieux objectivement être père de famille, employé et habiter un pavillon chauffé (et être citoyen français, ça va sans dire), que philosophe cynique dans un pithos, ce qui heurte un peu mon idée de la justice, au moins avant que la culpabilité soit établie...

Alors pourquoi faut-il réunir ces garanties de représentation ? Pour montrer qu'un mis en examen est un bon citoyen par ailleurs, qu'il paye son électricité, son loyer, qu'il a un emploi, etc ? Est-ce donc un moyen qui entre dans la discussion sur la personnalité, et on se situe toujours après l'établissement de la culpabilité ? Ou que quelqu'un se porte garant pour lui (mais qu'est-ce que ça veut dire pénalement ?) ? Qu'il a une vie qu'il serait dommage de briser par une peine trop lourde (Mais Diogène aussi a une vie, qu'est-ce qu'elle a de moins que celle d'Alexandre ?) ? Ou qu'il a un endroit pour crécher et que la prison ne serait pas un service pour lui éviter de dormir sur la grille d'aération du métro ? Est-ce pour argumenter la possibilité de réinsertion ? Pour savoir où le joindre pour lui envoyer les convocations ?

Un mekeskidi reconnaissant d'avance.

43. Le mercredi 1 avril 2009 à 08:44 par Dante Timélos

A Malpa, commentaire 42: la garantie de représentation sert en principe à montrer que le prévenu, bien inséré socialement, se présentera une audience ultérieure et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter qu'il se fasse la malle si on le libère: il est donc inutile de l'envoyer en détention jusqu'à la date de son procès. On suppose en effet que quelqu'un qui a un boulot, une petite famille, etc. ne partira pas en cavale pour un petit procès.

Bien entendu, dans ces conditions, mieux vaut être un notable qu'un SDF, un patron qu'un chômeur, un habitant du centre-ville qu'un originaire de ces quartiers douteux ou tout le monde vivote en se livrant quotidiennement à la petite délinquance, comme chacun sait...

Bref, la garantie de représentation est un des moyens (et pas le seul) qui fait de la justice ce qu'elle est, une justice de classe.

44. Le mercredi 1 avril 2009 à 10:16 par Koudou

Cela fait déjà longtemps que je lis ce blog régulièrement mais je suis toujours aussi épaté de voir quelqu'un réussir à rendre passionnant des explications de procédures.

(au passage je serais curieux de savoir comment devrait être la justice selon Dante Timélos !).

45. Le mercredi 1 avril 2009 à 10:51 par malpa

Merci Dante.

Donc, en principe, si le client est innocent, et qu'on n'est pas dans une figure de demande de délai, il n'est pas nécessaire de perdre du temps à faire courir les gazelles ni à leur suggérer que le président ne se rappellera plus en quelle année l'euro a été institué, n'est-ce pas ?

Ou même si vous avez en main la preuve que votre client se trouvait à l'autre bout de la France ce jour-là, vous les accumulez quand même, ces garanties de représentations ?

Bref rassurez-moi : même Diogène peut se défendre s'il est innoncent, tout de même ? S'il est coupable, qu'il doive passer par une justice de classe, ça ne me fait pas sursauter plus que ça. C'est bien pour protéger une société de classe qu'elle existe, cette justice, comment lui demander d'être autre chose ? Mais tant qu'à faire, qu'elle soit aussi "politiquement correcte", question d'esthétique...

46. Le mercredi 1 avril 2009 à 13:02 par bloodymarie

je vous lis régulièrement mais ne commente pas souvent cependant cette fois je ne peux m'empecher de vous dire un grand bravo et un grand merci pour cette suite de billets passionnants, la jeune élève avocate que je suis l'a precieusement imprimé et ajouté dans ses papiers importants....le cours que j'ai eu à l'ecole à ce sujet était bien moins complet....je ne sais pas si vous enseignez mais si ce n'est pas le cas, vous devriez y songer...

47. Le mercredi 1 avril 2009 à 16:08 par Béelle

Communiquer les pièces au Parquet, c'est bien. Rien n'interdit de les communiquer également au tribunal ? Croyez-moi, ça intéresse bougrement le président d'audience. Et il n'aime pas découvrir après coup des documents qui auraient pu modifier le cours de l'interrogatoire du prévenu.

48. Le mercredi 1 avril 2009 à 16:44 par Krigatobal

@ Malpa et @Dante Timélos (42, 43, 45)

Partageant avec le Maître de ces lieux l'idée qu'un Tribunal est avant tout un théâtre, plus qu'une arêne j'ai toujours compris les garanties de représentation dans le même esprit : artistique.

Le Tribunal (les juges, pas l'édifice souvent prétentieux, ni l'institution maladroite) se comporte en fait comme un régisseur ou un Directeur Music-Hall échaudé et méfiant vis-à-vis des comédiens et artistes se prétendant tels : il tient absolument à ce qu'il soient présents au jour dit pour y jouer leur rôle, éventuellement à leur corps défendant.

Pour cela il est prêt à offrir le gîte et le couvert au sein même du Théâtre (le dépôt) ou dans l'une de ses annexes (les maisons d'arrêt) afin d'être absolument sûr qu'aucun caprice de diva, hésitation artistique ou trac bien compréhensible n'empèchera l'artiste (*) d'assurer son numéro. Il faut dire que cette représentation (qui donne son nom aux garanties dont il est question) est assez exceptionnelle : elle est unique (les (r)appels y sont strictement encadrés) et s'effectue devant un public de grande première : certes les proches sont là pour vous soutenir et des inconnus viennent vous y observer (à défaut de vous applaudir) mais tout le monde sait que c'est l'opinion (la conviction ?) des professionnels et la critique (le jugement) qu'ils prononceront qui importe vraiment.

Il arrive d'ailleurs régulièrement que la représentation soit si réussie que le Tribunal-Théâtre invite l'artiste à devenir sociétaire : c'est la détention, notamment si l'artiste est confirmé (récidive). Parfois c'est seulement un accessit (le sursis). Il arrive que le molière (la statuette pas le génie sinon j'aurais mis une majuscule) soit manqué, parfois à plusieurs reprises (18 mises en cause, 18 non lieux prononcés...). L'artiste peut alors être sûr que sa carrière sera suivie de près, tant par les professionnels (magistrats assis ou debout) que par les découvreurs de talents (gendarmes et policiers).

Bref, si l'on souhaite éviter l'internat avant ou après la réprésentation, il convient de démontrer que l'on habite un endroit clairement déterminé et non un hôtel à la suite du précédent, que l'on est attaché par sa famille et / ou par d'autres engagements à l'endroit en question, etc, en un mot que l'on ait beaucoup plus à perdre qu'à gagner à ne pas paraître là et quand on est attendu. L'agent / avocat de l'artiste (qui prend 10% au civil lui aussi) devra donc faire preuve de diligence pour présenter ces contrats et s'assurer qu'ils ne fussent pas bidon afin d'éviter que sont client passe pour un schpountz.

Pardon Maître de souiller ainsi la robe austère de la justice en la dépeigant comme un repaire de saltimbanques mais vous avouerez (oui pour une fois ce sera vous) que les décors et les costumes varient peu d'une saison à l'autre... Ou sont les Roger Harth et Donald Cardwell d'aujourd'hui ?

Bon je sors, encadré par deux halebardiers déguisés en infirmiers.

(*) lire comme dans l'interjection : "Hé, l'artiste, t'as pas un peu fini ?"

49. Le mercredi 1 avril 2009 à 17:36 par INTIME CONVICTION

Un film de cinéma, avec roshdy Zem, et réalisé par l'une de vos Consoeurs, bientôt sur les écrans, illustrera votre billet:

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=39775.html

50. Le mercredi 1 avril 2009 à 17:58 par malpa

@ Krigatobal 48

(cependant que notre hôte est en code noir...)

Ah ah ! Il fallait qu'on l'ait un jour celle-là ! On pourrait en faire une collection : le tribunal comme parcours hippique d'obstacles, le tribunal comme combat au fleuret, le tribunal comme combat de catch (façon Roland Barthes), le tribunal comme arrangement floral, le tribunal comme jardin zen (quelques rochers moussus sur du gravier, avec toujours un caché par les autres de quelque position qu'on regarde)... Il y aurait un prix du maître des lieux et un prix du public... Amoureux de la métaphore filée, à vos claviers !

51. Le mercredi 1 avril 2009 à 19:13 par nicolas

fin de l'etat de droit !!!! http://fr.news.yahoo.com/69/20090401/tfr-un-sans-papiers-a-os-faire-appel-300-b8d393e.html

52. Le mercredi 1 avril 2009 à 21:51 par Pierma

Stupéfait qu'un avocat ait le droit d'être absent au moment où l'accusé entend prononcer sa peine. Se trouve-t-il quelqu'un d'autre pour la lui expliquer, s'il ne comprend pas tout ?

53. Le jeudi 2 avril 2009 à 11:32 par troun de l'air

A shad en 10

bonjour

vous écrivez que les parquetiers redoutent les juges civilistes.

Permettez-moi d'indiquer que les parquetiers redoutent aussi et surtout les (rares) juges dépourvus de bon sens.

Le bon sens commun, lequel est distinct de l'encalaminage des dyptères;)).

54. Le jeudi 2 avril 2009 à 13:40 par Dante Timélos

C'est bien pour protéger une société de classe qu'elle existe, cette justice, comment lui demander d'être autre chose ?

Tout à fait Malpa (commentaire 45), c'est bien pour cela que le problème n'est pas de réformer la justice, mais de changer la société.

Cela n'empêche pas qu'on ne comprend vraiment le fonctionnement de la justice que si on n'en n'oublie pas le caractère de classe. Par exemple, la justice condamne souvent des "innocents", comme vous dites (en fait: des gens que, suivant ses propres principes, elle devrait tenir pour "innocents"), tout simplement parce que son rôle de maintien de l'ordre social le lui impose.

Eolas:
J'ai eu l'occasion d'étudier de manière très approfondie ce qu'était la justice d'une société dite sans classe. Eh bien je garde celle avec des classes, des sous classes et des surclasses.

55. Le jeudi 2 avril 2009 à 14:51 par Ti

Excellent billet, sur tout .. juste une (minuscule) remarque : si vous citez un témoin, n'oubliez pas de prévenir le Président d'audience, qu'il fasse sortir ce témoin avant l'instruction des faits. 2 précautions valent mieux qu'1

56. Le jeudi 2 avril 2009 à 18:40 par Dante Timélos

à maître Eolas: de même qu'il ne suffit pas à la justice de se dire juste pour être juste, de même il ne suffit pas à un régime totalitaire de se dire "sans classes" pour avoir aboli les classes.

57. Le jeudi 2 avril 2009 à 19:27 par DMonodBroca

"Summum jus, summa injuria"

"Plus il y a de droit, plus il y a d'injustice"

Oui, je sais, la citation est bateau.

Mais comment ne pas voir, dans ce billet comme dans d'autres, que notre société, guidée par une soif légitime de justice, en arrive à transformer une audience en une guerilla procédurale qui n'a plus que de lointains rapports avec la justice ?

58. Le jeudi 2 avril 2009 à 23:42 par Tinkerbell

Cher Maître,

2 points sur lesquels, à priori, je ne suis pas d'accord avec vous.

Le premier : plaider la peine même après avoir plaidé la relaxe. Lorsque j'étais élève avocat, j'ai assisté la plaidoirie d'un ténor de mon barreau lors d'un appel d'un jugement correctionnel. 3 appelants qui plaidaient tous la relaxe. Ledit ténor avait fait une plaidoirie brillante, j'ai trouvé, pointant chaque faille du dossier de l'accusation. Jusqu'à ce qu'il plaide la peine. J'ai trouvé ça catastrophique ! ça donnait le sentiment suivant : il crie qu'il est innocent mais si vous le condamnez quand même, il se contenterait d'une petite peine. Pensez vous sincèrement que l'on puisse ainsi jouer sur les deux tableaux ?

La seconde : ne pas attaquer le parquet. Mon associé, qui a un don pour le pénal, aime à critiquer le parquet, notamment dans ses contradictions ou dans les faiblesses de son dossier. Bon, il le fait aussi parce que ça l'amuse, surtout devant de jeunes parquetiers. Blague à part. Parfois, il y a des perles. Ex (véridique) : bon, le dossier n'est pas carré mais vu le casier du prévenu, vous ne pourrez entrer qu'en voie de condamnation ! Je peux vous dire que 8 fois sur dix, sa technique fonctionne !

59. Le vendredi 3 avril 2009 à 02:23 par zadvocate

Gardez à l'esprit qu'une nullité ne frappe que les actes concernés et ceux qui ont l'acte nul pour support nécessaire, et qu'en aucun cas une nullité de procédure ne peut dessaisir le tribunal : le procès verbal de comparution reste valable

A condition que la procédure de gav soit régulière. Si la gav est entâchée d'irrégularité (avis parquet tardif, avis avocat tardif ...), le pv de CI l'est également car je n'ai jamais vu quelqu'un arrivé en CI sans être passé par la case gav au préalable.

Vous écrivez aussi que lorsque un renvoi est décidé ou demandé et que le tribunal n'évoquera donc que les garanties de représentation, sans plaider le fonds, il peut-être important de rappeler que le prévenu conteste les faits et les quelques éléments au soutien de cette contestation.

J'approuve.

Mais que dire lorsque vous entendez soulever une nullité de procédure et que l'affaire doit être renvoyée (exemple du dossier ou la pc n'a pas été avisée ou que son expertise psychiatrique est obligatoire) ? On s'entend dire par le tribunal que dans ces conditions, la question de la nullité sera abordée à l'audience de renvoi.

Et on se retrouve dans une situation parfois ubuesque ou la nullité peut-être évidente (ca arrive) et un tribunal qui ne veut pas en entendre parler au risque de placer un individu en détention dans le cadre d'une procédure nulle.

Pour ma part, je fais de la résistance et je plaide ma nullité avant de parler garanties de représentation. Et ca produit parfois son effet. Le tribunal ne juge pas la question de procédure mais en tient compte pour ne pas placer la personne en détention provisoire.

Enfin, pourriez-vous m'indiquer comme les magistrats parisiens juge la nullité tirée de la combinaison des articles 67 et 64-1 du CPP (absence d'enregistrement vidéo des gav en matière de délits flagrants faisant encourir une peine de prison).

Dans le neuf cinq, les JLD annulent moultes procédures et sont suivis globalement en appel (c'est la préfecture qui boude ensuite), en correctionnel c'est plutôt l'inverse, certains magistrats jugeant que le texte ne s'applique qu'aux crimes, d'autres jugeant que ça s'appliquent bien en matière délictuelle mais que faute de justifier d'un grief la nullité ne tient pas ...

60. Le mardi 7 avril 2009 à 12:47 par audrey k.

Bonjour très cher Maître, Sauriez-vous où il est possible de trouver des statistiques précises sur les comparutions immédiates en France (outre l'annuaire statistique de la Justice) ? D'avance merci pour votre réponse et bravo pour votre formidable travail d'analyse et de transmission de l'information. Une fidèle lectrice. Audrey k.

61. Le samedi 11 avril 2009 à 00:50 par tschok

@ procurette, com 8,

Vous êtes toute pardonnée: ce lapsus vous va si bien.

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