Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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La Cour Européenne des Droits de l'Homme, plus influente que la commission Léger ?

Par Gascogne


C'est la question que l'on peut se poser à la lecture de l'arrêt du 13 janvier 2009 dans l'affaire TAXQUET c. BELGIQUE. La Cour a en effet conclu à la "violation du droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention".

Un des motifs allégués par le requérant portait sur l'absence de motivation de l'arrêt de Cour d'Assises l'ayant condamné à une peine de 20 ans de réclusion pour assassinat.

En la matière, la procédure belge est extrêmement proche de la procédure pénale française (Merci Nap'), à tel point que l'on retrouve au mot près dans l'article du code d'instruction criminelle traitant de la délibération des jurés d'assises des notions bien connues en droit français :

La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point : "Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins" ; elle ne leur dit pas non plus : "Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve, qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d'indices" ; elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : "Avez-vous une intime conviction".

L'article du code de procédure pénal français, un des mieux écrits de ce code, le 353 dispose ceci :

Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations. La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interrogereux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?.

Il semblerait que la Cour Européenne souhaite faire évoluer sa jurisprudence. Elle rappelle en effet que dans une affaire ZAROUALI c. Belgique, et plus près de nous dans l'affaire Papon c. France, si elle a pu accepter que la motivation des décisions de Cour d'Assises se résume aux réponses apportées aux questions prédéfinies, cela n'était que sous la condition que ces questions soient suffisamment précises pour équivaloir à une motivation.

La Cour va plus loin dans cet arrêt, accentuant encore les droits de la personne condamnée[1]. Elle précise que la motivation d'une décision est d'autant plus importante, pour que le condamné puisse accepter la décision, que l'on se trouve en première instance. Or, la Belgique ne connaît pas d'appel possible en matière criminelle.

Depuis l'affaire Zarouali, une évolution se fait sentir tant sur le plan de la jurisprudence de la Cour que dans les législations des Etats Contractants. Dans sa jurisprudence, la Cour ne cesse d'affirmer que la motivation des décisions de justice est étroitement liée aux préoccupations du procès équitable car elle permet de préserver les droits de la défense. La motivation est indispensable à la qualité même de la justice et constitue un rempart contre l'arbitraire. Ainsi, certains Etats, à l'instar de la France, ont institué un double degré de juridiction pour les procès en assises ainsi que la mise en forme des raisons dans les décisions des juridictions d'assises.

Les autorités belges, même si elles ont saisi la Grande Chambre semble-t-il (bien que je n'ai rien trouvé dans l'agenda de la Grande Chambre), préparent une réforme de la procédure d'Assises qui pourrait être compatible avec cet arrêt, s'il venait à être confirmé. L'appel ne semble cependant toujours pas à l'ordre du jour (pour les rédacteurs du projet, l'apport des assesseurs professionnels est jugé marginal et disproportionné par rapport au coût que leur présence entraîne : les collègues français et belges apprécieront...). A noter également que la réforme en question se prépare depuis plusieurs années, ce qui nous change de la méthode française (ici, on propose comme un ballon d'essai, on réfléchi un peu sur la proposition, et on la vote sans se préoccuper des moyens de la mettre en oeuvre).

Mutatis mutandis, comme on adore dire dans les facultés de droit, il semblerait que la procédure d'Assises à la française ait quelques soucis à se faire. C'est peut être une des raisons pour lesquelles la commission Léger a proposé la motivation des décisions d'Assises.

La motivation des arrêts, si elle ne semble que peu sujette à la critique, n'irait cependant pas sans poser quelques problèmes : rédiger un arrêt demande une technicité que seul un magistrat, ou un greffier formé, sera capable d'avoir. Les jurés seront dés lors en partie dépossédés de leurs prérogatives, encore que le principe de rédaction par le magistrat professionnel fonctionne bien dans les juridictions connaissant l'échevinage. Je ne suis par contre pas persuadé qu'elle fera disparaître, comme semblent le vouloir certains avocats, le principe de l'intime conviction, qui n'est au final qu'un mode de preuve. Il s'agira simplement d'expliquer quelles preuves ou présomptions ont emporté la conviction des juges.

En tout état de cause, je suis assez favorable à tout ce qui peut permettre à une décision de justice d'être mieux comprise. Et je n'ai jamais adhéré au raisonnement consistant à penser que les jurés d'Assises ne doivent pas motiver leurs décisions, ni ne peuvent faire l'objet d'une procédure d'appel, car la représentation populaire ne peut se tromper. Certains procès récents ou anciens nous ont démontré le contraire.

Notes

[1] mode message subliminal on : comme quoi, vous voyez bien que les institutions européennes nous font progresser. Alors le 7 juin, votez...

Commentaires

1. Le lundi 1 juin 2009 à 18:07 par GroM

Parce que le 7 juin, on vote pour les institutions qui dépendent du Conseil de l'Europe ? Je vais me précipiter, alors !


Gascogne :
Il ne vous aura pas échappé qu'il ne s'agissait que d'un clin d'oeil à ne pas prendre au premier degré...Si ?


2. Le lundi 1 juin 2009 à 18:13 par Miaou

J'avoue éprouver quelques réticences sur la question de la motivation des décisions de cour d'assises. En effet, il est déjà difficile pour un président de rédiger et de mettre en avant les arguments principaux lorsque les délibérés ont été houleux, alors qu'est-ce que cela peut donner en cour d'assises où la discussion se fait à douze ou quinze et où la position finale de chacun reste secrète et ne se traduit que par un vote !

Autrement dit, comment le rédacteur, qui a priori serait le président des assises, peut-il motiver la décision afin qu'elle soit comprise voire "acceptée" par l'accusé alors qu'il ignore en réalité qu'elle est cette motivation ? L'intérêt est limité.

En outre, qu'apportera la motivation ? De deux choses l'une, soit l'accusé reconnaît les faits qui lui sont reprochés, soit il les conteste. S'il les reconnaît, je ne suis pas certain que tous les condamnés soient prêt à entendre pourquoi la Cour les a trouvé très méchants. Pour certains, cela peut être le premier pas vers une prise de conscience, pour d'autre le dernier clou dans le cercueil. S'ils contestent, franchement, qui va penser que la pertinence d'une motivation en quelques lignes va les amener à voir la lumière ?..

Enfin, et j'émets là un avis qui ne conviendra pas à beaucoup, et proprement pas au Maître des lieux, toute procédure pénale doit constamment chercher un équilibre entre la nécessité des poursuites et des condamnations et la protection des justiciables. La synthèse opérée jusqu'à présent en matière de jugement des crimes me paraissait satisfaisant. L'évolution annoncée par la CEDH me semble sacrifier à un des plateaux de la balance. Va-t-il falloir créer un Cour Européenne des Droits de l'Accusation ?

J'observe qu'une partie de la doctrine commence à contester l'imperium que la Cour s'est peu à peu créé. Ces derniers temps, j'incline à les suivre.


Gascogne :
Soit le condamner reconnaît les faits : je pense dés lors que l'on peut au minimum indiquer pourquoi on lui applique telle peine (j'ai d'ailleurs cru comprendre que dans la procédure belge, seule l'arrêt prononçant la peine est motivé). S'il ne reconnaît pas les faits, décrire les éléments à charge qui ont emporté la conviction de la Cour peut au moins expliquer non pour le condamner, qui ne va pas se trouver d'un coup illuminé, je vous l'accorde, mais au moins pour le "public", pourquoi il n'est pas si certain que l'on ait affaire à une erreur judiciaire. C'est aussi une forme de contrôle social de la justice, qui est aujourd'hui totalement perverti par les prises de paroles des uns et des autres sur des dossiers qu'ils ne connaissent pas. Quant à l'équilibre de la balance, je ne vous suis pas : en quoi l'explication d'une décision est-elle attentatoire à l'intérêt social, qui s'oppose souvent à l'intérêt personnel de la personne poursuivi ? Faire œuvre de pédagogie ne diminue pas l'effectivité de l'action publique.


3. Le lundi 1 juin 2009 à 18:14 par l'optimiste

La motivation des arrêts d'assises en droit et en fait ne peut se justifier qu'en cours d'assises d'appel.(rappelons qu'il s'agit d'un appel "circulaire")

Mais faut -il prendre le risque que l'arrêt soit rédigé par le plombier zingueur le boucher ou le charcutier du coin ?Puisqu'il font le délibéré ils doivent le rédiger.Sinon il faut supprimer le jury populaire. Quand on voit comment sont rédigés les jugements rendus par les "amateurs" au commerce , aux prud'hommes,ou chez les "voisins "de la proximité le pire est à redouter!


Gascogne :
Je vous trouve un peu dur, notamment avec les "amateurs" des tribunaux de commerce que je côtoie toutes les semaines. Les jugements sont rédigés par le greffier en chef du tribunal, pas par les juges. Et la qualité juridique n'est pas si mauvaise que cela.


4. Le lundi 1 juin 2009 à 18:23 par ramon

D'une certaine manière, la motivation des décisions est une démarche intellectuelle qui pourrait se rapprocher de ce qu'ont connu les commissaires aux comptes avec la "justification des appréciations" ( art L823-9 Code de commerce).

Il ne suffit pas de formuler une opinion ( certification pure et simple ; réserves; ou refus) . le commissaire aux comptes ne peut pas se contenter de dire , comme M. Prud'homme : " C'est mon opinion, et je la partage". Il faut exposer les moyens raisonnables et cohérents qui ont conduit à se forger une opinion.

Par analogie, il ne serait pas déraisonnable que les arrêts de cour d'assises soient motivés selon le même schéma logique.

5. Le lundi 1 juin 2009 à 18:24 par Lucas Clermont

Mise à part le symbole démagogique de la représentation populaire, qu'est-ce qu'apporte le regard non-professionnel d'un juré d'assises ?


Gascogne :
Un regard extérieur qui force les professionnels à sortir de la routine. C'est déjà beaucoup, et à mon sens largement suffisant à justifier leur existence.


6. Le lundi 1 juin 2009 à 18:27 par Receswind

"Or, la Belgique ne connaît pas d'appel possible en matière criminelle."

Quid de l'article 7 du Protocole n°7 de la CEDH: "Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L’exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi."?

Merci,


Gascogne :
Voici ce que la Cour répond à cet argument, qui a été invoqué par le requérant : "Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint que l'arrêt de la cour d'assises n'est susceptible de recours que devant la Cour de cassation qui ne connaît pas du fond des affaires. La Cour rappelle que ces articles ne garantissent aucun droit à un double degré de juridiction et, de surcroît, la Belgique n'est pas partie au Protocole no 7. La Cour a, du reste, à plusieurs reprises, affirmé que le fait que le réexamen auquel procède une juridiction suprême soit limité aux questions de droit, n'est pas contraire à l'article 6 § 1 (mutatis mutandis, Loewenguth c. France (déc.), no 53183/99, CEDH 2000-VI, Pesti et Frodl c. Autriche (déc.), nos 27618/95 et 27619/95, CEDH 2000-I, Deperrois c. France (déc.), no 48203/99, 22 juin 2000, et Ramos Ruiz c. Espagne (déc.), no 65892/01, 19 février 2002). Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention."


7. Le lundi 1 juin 2009 à 18:44 par Joel

Sujet important et interessant, mais j'avoue que je ne comprends pas tous les enjeux du debat. Prenons ce passage "si elle La cour europeenne a pu accepter que la motivation des décisions de Cour d'Assises se résume aux réponses apportées aux questions prédéfinies, cela n'était que sous la condition que ces questions soient suffisamment précises pour équivaloir à une motivation."

Pouvez-vous expliquer, peut-etre en donnant des exemples de questions qui sont "suffisament precises", et d'autres qui ne le sont pas ? Merci beaucoup.

La cour europpenne veut-elle obliger les cours d'assises a expliquer, en droit, pourquoi la reponse aux questions factuelles posees entraine telle ou telle qualification juridique et la possibilite de telle ou telle peine (auquel cas j'approuve), ou veut-elle que la cours d'assises motive sa reponse aux questions factuelles posees (auquel cas ca ne me parait pas bon du tout) ?

Il me semble et que le principe de non motivation des decisions factuelles tel qu'il est donne par l'article du code penal que cous citez est excellent. Car il ne s'agit pas de justifier quelque chose en droit, mais en fait : que l'accuse a bien tue Madame X, par exemple. Or qu'est-ce qu'une preuve en fait ? Meme en science, des siecles d'epistemologie n'ont apporte aucune reponse totalement convaincante.


Gascogne :
Pour la Cour, les questions posées concernant R. TAXQUET (est il coupable d'avoir à ... le ... volontairement donné la mort à X ? Cet homicide volontaire a-t-il été commis avec préméditation ?) ne sont pas assez précises quant aux éléments factuels qui peuvent emporter la conviction. Dans le cas de l'affaire Papon c. France, la Cour estime que les 768 questions étaient suffisantes pour constituer une "motivation". Ceci étant, l'arrêt me semble indiquer que si cette affaire lui était présentée aujourd'hui, la solution ne serait peut être pas la même. Et cela me semble logique, car les 768 questions étaient nécessairement juridiques, et non factuelles (ou très peu). Les questions ne peuvent remplacer la motivation indiquant quels éléments des débats ont fait pencher la balance dans le sens de la décision prise. Sur la question de la preuve, le débat est complexe. Mais en tout état de cause, il ne faut pas se fourvoyer sur la possibilité d'une preuve "scientifique", qui rassurerait d'ailleurs les juges. Elle n'existe pas. C'est bien là tout le mécanisme de l'intime conviction. Le juge doit se faire une idée sur les éléments du dossiers qui lui sont apportés par l'accusation, et qui sont contredits par la défense.


8. Le lundi 1 juin 2009 à 18:47 par H.

Sur la motivation des décisions de la cour d'assises, un avis éclairé sur ses difficultés de mises en œuvre "http://www.parolesdejuges.fr/" mis en ligne le 20 mai 2009.

9. Le lundi 1 juin 2009 à 18:54 par le téléspectateur

Partant du principe que tout bon président de cours d'assises (et ils sont nombreux et talentueux) contrôle son jury,il faut supprimer le jury populaire,la cour d'assises ne doit pas être une loterie! C'est la condition sine qua non de la motivation des arrêts d'assises! Quant à l'impérium de la CEDH il y a longtemps que nous avons renoncé à toute souveraineté.....


Gascogne :
Pour pouvoir "contrôler" un jury d'Assises, il faut avoir en face de soi des moutons, ce que les jurés que j'ai pu côtoyer ne sont pas. Ce sont souvent des gens en attente d'explications juridiques, que le président et les assesseurs peuvent apporter, mais qui sont des personnes apte à raisonner et à se faire une idée, sans aucune "manipulation".


10. Le lundi 1 juin 2009 à 19:00 par Fantômette

@ Miaou et Gascogne

Je rejoins la position de Gascogne.

Motiver un jugement ou un arrêt, c'est qualifier les faits. Les accusés ne se divisent pas uniquement entre ceux qui reconnaissent les faits et ceux qui ne les reconnaissent pas, ne serait-ce que parce que reconnaître les faits n'est pas strictement ou nécessairement équivalent à reconnaître leur qualification.

Et motiver une décision, ce n'est pas seulement la motiver au regard des éléments de preuve qui ont emporté la conviction des uns et des autres, c'est également la fonder en droit - et permettre par conséquent le contrôle de sa qualité juridique. Cela ne me semble pas venir s'opposer à l'intérêt général, loin de là.

11. Le lundi 1 juin 2009 à 19:02 par Miaou

@ Gascogne en 2

L'argumentaire que vous développer sur le contrôle social de la justice est intéressant. Je lui trouve toutefois, à chaud, au moins deux limites.

La première, c'est que les citoyens, dans les affaires médiatiques, ne lisent qu'extrêmement rarement les décisions, même lorsqu'on les trouve sur internet. Il est tellement plus facile d'écouter le compte-rendu à la radio ou à la télévision et se dire que les magistrats, encore une fois, n'ont rien compris. Je doute que la motivation ne change quoi que ce soit.

La seconde, c'est que la mission de la CEDH consiste à s'assurer que les droits d'un individu, confrontés à la puissance du Léviathan, ne sont pas bafoués. Elle n'a pas pour rôle de veiller au contrôle ou à l'intérêt social des décisions de justice. Ce serait là une perversion de sa fonction.

Sur ce, je retourne à ma permanence en ce jour ensoleillé.


Gascogne :
Sur le contrôle externe, il est évident que le rôle des média est énorme. Mais autant un journaliste va broder et éventuellement raconter n'importe quoi lorsqu'une décision n'est pas motivée, autant la polémique ne dure que peu de temps quand une décision est bien expliquée : il suffit pour s'en convaincre de lire l'arrêt de rejet suite à la énième demande de révision dans le dossier Seznec. Le demandeur a bien tenté de faire prendre la polémique, mais je reste persuadé que les journalistes, qui ont eu accès à l'arrêt, ont bien compris que les choses étaient bien plus complexes que l'erreur judiciaire qui leur avait été vendue.


12. Le lundi 1 juin 2009 à 19:57 par luc

Les autorités belges, même si elles ont saisi la Grande Chambre semble-t-il (bien que je n'ai rien trouvé dans l'agenda de la Grande Chambre), prépare une réforme...

aie, pour une fois, une faute d'orthographe sur ce blog d'habitude parfait. Pouvez vous rajouter ce "ent" qui manque ? Merci pour ce blog et bon courage pour le continuer...

13. Le lundi 1 juin 2009 à 20:04 par Youkoulélé

à Optimiste ... je ne prétends pas avoir la connaissance totale mais j'ai eu à lire "quelques" (soyons modestes) décisions prud'homales et je n'ai pas constaté la catastrophe que vous avez l'air de suggérer. Il y a de tout, des très bonnes (au sens de la rédaction et de la motivation) et des pas terribles. Mais pour avoir aussi lu "quelques" décisions de juges professionnels, j'ai aussi noté de très grandes disparités sur ce plan; Alors... Quant à la question précise de la motivation des arrêts de C.d'As, ce serait un progrès. Expliquer pourquoi, sur quels éléments, la décision a été prise, me semble une exigence minimale quelle que soit la "nature" de la juridiction. Et c'est d'autant plus important ici.

14. Le lundi 1 juin 2009 à 20:42 par jeanjean

et bien si cela devait être étendu aux décisions judiciaires en matieres familiales , il y a beaucoup de juges qui devraient se remettre au boulot ........


Gascogne :
...et beaucoup de commentateurs qui perdraient une occasion de se taire.


15. Le lundi 1 juin 2009 à 20:47 par l'optimiste

Gascogne,vous m'apprenez que les jugements du tribunal de commerce seraient rédigés par le greffier en chef.... pas par les juges......(sic!). Raison de plus pour supprimer immédiatement les juges "consulaires"!A quoi servent -ils?


Gascogne :
Je n'ai pas dit que les greffiers en chef prenaient les décisions (quoique, parfois...). Les juges statuent à l'audience, les greffiers en chef leur apportent éventuellement un éclairage juridique, tout comme le parquet, d'ailleurs. Le greffier en chef met ensuite en forme la décision rendue.


16. Le lundi 1 juin 2009 à 20:49 par cavejien

Merci Gascogne pour ces lignes... En effet, la justice est actuellement malmenée en France mais son salut, viendra peut-être de la CEDH !

17. Le lundi 1 juin 2009 à 21:27 par patrice lafonk

bonsoir,

en matière de "plaider coupable" la nouvelle super invention, je ne vois pas trop l'utilité d'une motivation, si ce n'est une motivation en droit. par contre, la motivation des décisions de cour d'assises me semble une très bonne chose quand il s'agit de condamner une personne, afin de pouvoir pleinement préparer l'appel de cette décision, exactement comme on prépare un appel de première instance, en présentant de nouveaux moyens et de nouveaux faits susceptibles de renverser l'intime conviction. de plus il faut préciser que c'est un systeme d'appel tournant, c'est à dire devant la meme cour... Les décisions des tribunaux correctionnels ne sont-elles pas motivées?


Gascogne :
En matière de CRPC, la motivation peut (doit) se faire sur la peine plus que sur la culpabilité. Quant aux décisions correctionnelles, elles ne sont motivées à l'écrit qu'en cas d'appel. Sinon, il s'agit d'un jugement type (attendu qu'il ressort des éléments du dossier que la culpabilité de Trucmuche est établie ; et attendu que son casier judiciaire ne portant trace d'aucune condamnation, il peut bénéficier du sursis). Cela ne dispense normalement pas le président d'audience d'expliquer la décision lorsqu'il la rend, c'est à dire de la motiver.


18. Le lundi 1 juin 2009 à 21:46 par le téléspectateur

L'appel "circulant" rend inutile la motivation en droit de l'arrêt d'assises de première instance. @ 17 Relisez votre CPP, la chambre criminelle n'est pas obligée de désigner la cour d'assises d'appel dans le même ressort que celle de première instance .

19. Le lundi 1 juin 2009 à 21:56 par Lucas Clermont

Lors d'une réunion de la C6R, la Convention pour la sixième république, des personnes très favorables à l'extension de la démocratie participative, le juge Halphen avait été interrogé sur la pertinence de jurés non professionnels. Tout en restant évasif, il avait évoqué, songeur, ces jurés dont les réponses laissent penser qu'ils n'ont pas compris les questions pourtant simples.

L'intime conviction, dans des procès qui par surcroît peuvent concerner des affaires particulièrement émotionnelles, je crains que ce ne soit une porte ouverte à l'expression de l'inconscient plus que de la raison. Motiver les décisions, expliquer les mécanismes qui fondent la décision c'est obliger à sortir de l'irrationnel. Or, ce ne seront pas les jurés qui rédigeront ces motivations. Et si l'on imagine un nouveau vote du jury pour valider ces motivations, au regard de la complexité d'un arrêt pour quelqu'un qui n'a pas de formation juridique, que vaudrait ce vote ?


Gascogne :
Il y a toujours un risque de tomber sur l'abruti de service, c'est évident, mais en général le juré en question sera récusé pour les dossiers suivants. Toujours est-il que très majoritairement, les jurés que j'ai vu à l'œuvre étaient très impliqués dans leurs fonctions. Les questions de pure droit, c'est à dire essentiellement de procédure, sont en tout état de cause laissées à la seule appréciation de la Cour proprement dite, c'est à dire les trois magistrats professionnels.


20. Le lundi 1 juin 2009 à 21:58 par Babar

Rien ne vaut une petite condamnation de la France a la Cour europeene des droits de l'homme pour evoluer..la France en a une sacree experience...et cela n'est pas pret de s'arreter...

21. Le lundi 1 juin 2009 à 22:36 par l'optimiste

@ 15 Gascogne

"L'éclairage juridique des juges" consulaires"...par le greffier en chef" C'est tout un programme! Il faut relire le rapport de la commission parlementaire rédigé par Arnaud Montebourg il y a quelques années.

22. Le lundi 1 juin 2009 à 22:36 par GroM

En fait, c'était un autre clin d'oeil: c'est finalement une institution qui n'associe que de manière très indirecte les peuples à son fonctionnement qui a fait le plus pour le respect de l'état de droit sur le continent.

23. Le lundi 1 juin 2009 à 22:47 par Trompette

Bonsoir,

Lisant silencieusement ce blog depuis plusieurs mois, je saisis ici l’occasion d’apporter un (très) léger complément d’informations, en ma qualité (si, si !) de Belge égaré en plein milieu de ce journal d’avocat baignant dans le droit français.

Depuis ce fameux arrêt Taxquet, qui a fait assez bien de bruit par ici, comme vous l’imaginez probablement, de nombreux procès d’Assises tentent désormais de motiver leur décision. La première raison à ceci est que cela fait office de « rustine » afin d’empêcher tout effet boule de neige, qui verrait forcément exploser le nombre de recours auprès de la CEDH. Une situation qui est tout sauf idéale et qui ressemble souvent (du moins pour les mékeskidis, dont je fais partie) à du bricolage au cas par cas. La réforme de la cour d’Assises, entre autres choses, est désormais censée trouver une solution à cette situation. Vous semblez, Gascogne, louer le travail patient et méticuleux de nos responsables, qui planchent sur cette réforme depuis plusieurs années. J’ignore très franchement ce qu’il en est réellement, n’ayant ni les compétences ni les informations pour en juger, mais cette fameuse réforme qui se fait à ce point attendre nous est jusqu’ici plus souvent apparue comme un monstre du Loch Ness, pointant le bout de son nez tous les six mois avant de replonger dans l’oubli jusqu’à la prochaine fois, qu’au fruit d’un long et patient travail.

Pendant ce temps, toujours suite à l’arrêt Taxquet, le débat sur la pertinence du jury populaire est revenu çà et là sur le devant de la scène, plusieurs avocats et acteurs du monde judiciaire discutant, parfois même par plumes interposées à travers la presse, de cette question sous un nouvel angle, compte tenu de l’arrêt Taxquet, qui met donc à mal un des fondements de la cour d’Assises que nous connaissons. Ainsi, pour répondre à la difficulté (voire au non-sens, comme disent certains) de demander aux jurés de motiver une « intime conviction », certains prônent tout simplement la suppression pure et simple du jury populaire. Les Belges, comme sans doute les Français, sont très attachés, à tort ou à raison, à cette dernière forme de représentation populaire au sein de notre système judiciaire. Cela pose au moins un problème : les autorités fédérales (qui sont toujours en charge du système judiciaire, bien que les débats sur une régionalisation ne datent pas d’hier) sont très frileuses sur ce sujet, à plus forte raison compte tenu de l’instabilité gouvernementale et de la proximité des élections régionales et communautaires (ah, les joies de la tuyauterie institutionnelle belge, une de nos meilleures blagues !), qui, paradoxalement, plongent le gouvernement fédéral dans une quasi-léthargie depuis décembre (avant même l’arrêt Taxquet donc). En résumé, les mékeskidis sont attachés au jury populaire, un débat sur la pertinence de celui-ci refait surface de façon malheureusement trop sporadique pour intéresser les citoyens et, du point de vue du législateur, tout est gelé depuis des mois et le restera sans doute encore un peu.

En plus de ceci, il est à noter que, ces derniers mois, plusieurs procès d’Assises retentissants (drame de Termonde, affaire Joe van Holsbeek, etc.) ont « déçu » l’opinion publique, échauffée par le voyeurisme et le sensationnalisme de certains médias, par leur clémence. Si je mentionne ceci, ce n’est pas pour entrer dans le débat (fort intéressant) autour du rôle des médias quant à la perception de la justice et de la surmédiatisation de certains procès mais pour indiquer que, malgré ces « déceptions » d’une part des mékeskisdis, en manque de lynchages publics ou de peines exemplaires, les Belges restent attachés au symbole du jury populaire, jury qui est désormais appelé à motiver une « intime conviction »…

Bon, à me relire, je plaide coupable de message complètement embrouillé et n’apportant sans doute pas grand-chose… Cela dit, pour ma défense, j’invoque l’heure tardive !


Gascogne :
Je ne fais pas droit à votre demande de plaider coupable. Votre point de vue "intérieur" est extrêmement intéressant, car je me dois d'avouer que le débat belge n'a été que très peu suivi en France, jusqu'à ce que nous nous rendions compte que l'arrêt Taxquet risquait fort d'avoir également des répercussions chez nous, même si nous connaissons l'appel en matière criminelle depuis 2000. Merci beaucoup pour toutes ces précisions.


24. Le lundi 1 juin 2009 à 23:03 par Flo

Jury populaire ou pas, je n'ai jamais compris comment il pouvait sembler normal d'exiger la motivation de toutes les décisions de justice sauf des plus lourdes de conséquences en terme de sûreté et de liberté individuelle. Comme souvent en matière de procès équitable, et même si ça prendra du temps (cf. la question de la composition de l'organe délibérant...), d'avance, merci Strasbourg !


Gascogne :
C'est un des effets pervers de la révolution de 1789 : le peuple ne se trompe jamais, donc il n'a pas besoin de motiver ses décisions. Il semble que nous commencions un peu à sortir de cette "logique" révolutionnaire.


25. Le lundi 1 juin 2009 à 23:29 par hum?

La CEDH n'est pas une institution communautaire (art. 7 TCE) mais c'est la CJCE, donc aucun rapport à mon avis avec les élections du 7 juin... Sauf si le traité de Lisbonne est adopté, ce qui permettra l'entrée de l'UE dans le système de la CEDH mais c'est une autre histoire...

26. Le lundi 1 juin 2009 à 23:38 par Flo

La CEDH n'a rien à voir avec l'Europe communautaire mais avec le Conseil de l'Europe, qui compte aujourd'hui 47 états membres (http://www.coe.int/DefaultFR.asp), Strasbourg n'est pas Luxembourg... Aucun rapport avec le 7 juin, donc...

27. Le mardi 2 juin 2009 à 00:45 par ranide

Je suis avocat et j'ai été une fois juré, dans une affaire où les faits étaient contestés par l'accusé et les éléments de preuve mis en avant par l'accusation, disons... équivoques.

J'avoue que j'ai été choqué et que j'ai réagi, lorsque, au début du délibéré, le président des assises a expliqué aux jurés dont j'étais, que l'article 353 (un des plus beaux du Code pénal, je suis d'accord avec vous) leur permettait de condamner un jeune type (mais un vieux, ça m'aurait choqué pareil) à 10 ou 15 ans de prison sans même être capable d'énoncer les éléments qu'ils retenaient comme révélateurs de sa culpabilité au seul motif que que c'était leur "intime conviction". A ce compte-là, il serait admissible de condamner un accusé simplement parce qu'il a une sale gueule et que la victime est sympathique.

Il me semble que la motivation des arrêts de cour d'assises obligerait chaque juré pendant le délibéré à expliquer quels sont les éléments qu'il retient comme preuve de la culpabilité.

J'ajoute que j'ai été frappé de voir à quel point mes "co-jurés" avaient à coeur de bien faire et avec quelle conscience ils s'efforçaient de remplir leur mission.

28. Le mardi 2 juin 2009 à 01:38 par Esurnir

La cour européenne des droits de l'homme est aujourd'hui un peu l'équivalent en Europe de la Cour Suppreme des États Unis, ce n'est pas un mal ^^.

29. Le mardi 2 juin 2009 à 08:51 par melianos

Le mékeskisdis que je suis n'a pas réellement compris ce billet. Une âme charitable pourrait-elle expliquer ceci en français mékeskisdien ?

Merci

Je pense avoir compris que la Cour Européenne reproche à la justice Belge d'avoir jugé un homme sans lui avoir clairement énoncé (et là je ne sais pas ce qui manque).

30. Le mardi 2 juin 2009 à 10:06 par ariane

c'est vrai que j'ai toujours également trouvé curieux que les arrêts de cour d'assises ne soient pas motivés, alors que toutes (ou quasi) les autres décisions de justice le sont! il est vrai, comme le dit ramide, qu'il est tout à fait possible en l'état de condamner quelqu'un sur la mauvaise impression qu'il ferait à l'audience. et cela même si l'article 353 du code de procéudre pénale fait quand même référence à une mise en perspective des éléments de preuve débattus à l'audience.

@ le téléspectateur "Partant du principe que tout bon président de cours d'assises (et ils sont nombreux et talentueux) contrôle son jury,il faut supprimer le jury populaire,la cour d'assises ne doit pas être une loterie!" => il n'est pas faux qu'il est possible d'influencer un jury (certes Gascogne, ce ne sont pas des moutons, mais n'avez vous jamais entendu des jurés regarder les magistrats professionnels en disant "vous avez l'habitude, vous, qu'est-ce qu'on met comme peine dans ces cas là?"), mais si une telle influence est exercée, je suis désolée, mais c'est que le Président d'assises n'est pas bon! or, vous semblez bien sous entendre dans votre propose qu'il faut que le président "contrôle" son jury : d'accord avec vous pour éviter des erreurs de droit (cf le juré qui répond "non" à la question "M. machin a-t-il porté volontairement percuté X en voiture?" alors que Machin a reconnu l'avoir percuté, mais que le juré a confondu dans cette question intention et préméditation), mais il est indispensable que les jurés aient une autonomie, ou alors la cour d'assises n'a plus de sens... quant à la "loterie" que vous évoquez, il faut quand même être conscient qu'au sein d'un même Tribunal, suivant la composition de la correctionnelle, ça peut carrément être l'euromillion!

31. Le mardi 2 juin 2009 à 10:42 par ceriselibertaire

Donner les motivations d'une "intime conviction" lui ferait perdre son caractère "intime". Pratiquement : est-il envisageable d'avoir des motivations identiques pour tous les jurés?

32. Le mardi 2 juin 2009 à 10:55 par ophise

Melianos : merci de me rassurer ! J'allais annoncer "une Mékeskidis perdue en route" et nous voici deux :) Pour ma part, je n'arrive pas à comprendre ce que pourrait être la motivation de "intime conviction" (par définition, subjective et personnelle) de xx jurés... Je reviendrai en deuxième semaine :)

33. Le mardi 2 juin 2009 à 11:02 par le téléspectateur

Prochaine étape prévisible avec la CEDH: Le ministère public français n'est plus une "autorité judiciaire indépendante" Résultat: plus de composition pénale plus de CRPC (un ovni judiciaire) plus de réforme Léger et Consorts (ce ne serait pas un mal) plus d'exécution des peines et les trois quart des lois Perben au tapis! En matière de procédure pénale il est urgent d'attendre.

34. Le mardi 2 juin 2009 à 11:03 par Véronique

N'est-ce pas plutôt, en amont, la qualité de la motivation des décisions antérieures au procès - exemple, décision de la chambre d'instruction au sujet d'une remise en liberté - qu'il conviendrait proritairement d'améliorer ?

35. Le mardi 2 juin 2009 à 11:18 par Shad

J’ai assisté à de nombreux délibérés d’assises en qualité d’assesseur et je suis toujours aussi étonné devant les caricatures et fantasmes dont ils font bien souvent l’objet.

Nombre de délibérés sont de grande qualité: ils donnent lieu à un débat nourri, à des échanges rigoureux d’arguments, au cours duquel il faut savoir convaincre ou se laisser convaincre sans manipuler ni mépriser, ce qui caractérise, si l’on en croît Aristote, le savoir juridique.

Pour un juriste, c’est une épreuve passionnante. La rationalité juridique est confrontée au sens commun (avec ses qualités et ses défauts). Il faut pouvoir expliquer et justifier raisonnablement des principes et notions juridiques qui ne vont pas de soi (expliquer ce qu’est l’ animus necandi en matière de tentative d’assassinat est, croyez-moi, un exercice périlleux...).

Certes, vous êtes confronté à la diversité de la société et des opinions avec le meilleur comme le pire (racisme, intolérance, névrose sécuritaire). Mais, cela peut être justement l’occasion de faire oeuvre de pédagogie et de civisme, comme le soulignait Tocqueville, avec des gens qui n’ont pas l’habitude d’entendre des opinions différentes et d’en débattre.

D’ailleurs le principal écueil vient peut être davantage des magistrats professionnels, qui refusent le jeu normal de l’argumentation et préféreraient s’en tenir “à la logique du dossier”. Ceux-là, à mon avis, sont davantage des fonctionnaires que des juristes. La raisonnement juridique est réflexif, saccadé et non mathématique. Un procès n’est pas une machine à juger, mais une mise à distance, une mise en scène du doute. Juger n’est pas faire oeuvre de doctrine.

D’ailleurs les reproches que l’on fait à la Cour d’assises sont contradictoires, on leur reproche leur irrationalité, c’est-à-dire, notamment, que les verdicts seraient imprévisibles (mais alors si la vérité est connue d’avance, si elle est inscrite dans le dossier d’instruction, à quoi sert l’audience, les plaidoiries et le délibéré?). Et d’un autre côté, le président ferait nécessairement ce qu’il veut. Dès lors comment se ferait-il que les verdicts soient irrationnels, puisque le professionnel a forcément raison et qu’il a imposé sa décision?

Pour comprendre cette institution peut-être faudrait-il s’efforcer de s’extraire des représentations savante du droit que le positivisme universitaire assène et se rappeler que d’autres traditions, qui ont du jugement et du droit une conception plus haute, font du jury la 1ère exigence du procès équitable.

S’agissant de la question de la motivation, pour moi elle n’est pas incompatible avec cette institution, mais pourvu que cela ne soit pas l’occasion de brider le rôle des jurés; la meilleure garantie contre une telle dérive serait de rappeler également le bien fondé de leur présence, qui n’a rien d’une erreur historique ou d’un archaïsme que sur lequel la “démocratie d’opinion” empêcherait de revenir.

36. Le mardi 2 juin 2009 à 11:48 par nicocerise

De mon coté, le premier lien vers l'affaire TAXQUET ne donne aucun résultat.

37. Le mardi 2 juin 2009 à 12:05 par Thaliane

Après d'autres cantons, le canton de Genève vient de supprimer, par référendum, le jury populaire. Est-ce une réforme envisageable en France ? Faut-il le souhaiter, le craindre ? Je vois à la fois des avantages et des inconvénients au jury populaire et si j'étais suisse, j'aurais eu bien du mal à répondre à la question...

38. Le mardi 2 juin 2009 à 12:23 par Ferdi

Bonjour,

Est-ce que la motivation des décisions de cours d'assises ne reviendrait pas justement à la réponse à des questions ? J'ai du mal à y voir une autre alternative au fait de demander à chaque juré de motiver sa décision.

Je tente de développer mon point de vue: Si chaque juré motive sa décision et que cette motivation est publiée, c'en est fini de l'anonymat car il sera alors possible de remonter à la personne qui a pris la décision (chacun étant influencé par son parcours personnel). L'unique alternative que je voie (à moins de supprimer purement et simplement le jury populaire comme vous semblez l'envisager) serait de créer une décision macroscopique à partir d'une somme d'éléments microscopiques approuvés à la majorité par le jury.

Typiquement, sur 8 jurés, il y a peu de chances que tous admettent une même preuve comme ayant emporté leur décision. Il faudrait donc motiver en disant que tel élément à été reconnu prépondérant à 7 jurés ou plus. Et prendre ensuite tous les éléments "prépondérants" pour déterminer un quantum de peine à partir d'eux seuls ?

J'ai peur que tout ça ne devienne rapidement un 'joyeux cirque' si vous me passez l'expression.

Bon, on pourrait supprimer le jury populaire ceci dit ...

39. Le mardi 2 juin 2009 à 14:34 par Dereckson

L'URL exacte de l'arrêt et non dépendante d'une session de recherche utilisateur est celle-ci.

40. Le mardi 2 juin 2009 à 15:54 par X.

Il est normal que rien ne soit connu dans l'agenda de la Grande Chambre: ce n'est pas un droit inconditionnel de la saisir. Le "collège" de la grande chambre va examiner si le recours de la Belgique sera ou non admis à cette voie de recours. Ce n'est qu'après la décision du collège que l'on pourra savoir ce qu'il en est. Décision probablement lors de la réunion de septembre.

41. Le mardi 2 juin 2009 à 16:08 par tschok

Bonjour Gascogne,

Juste deux remarques, en trois temps:

1) l'article 353, un des articles les mieux écrits du code, dites vous.

Littérairement parlant, la prose est belle. Juridiquement, cela se discute car l'ensemble du texte assimile l'intime conviction à un acte de foi (en fait, l'article 353 donne une définition quasi parfaite de la "foi rationnelle" c'est à dire l'impression que produit sur la Raison la Révélation de la présence divine, pour peu qu'on transpose l'article dans le domaine religieux). Cet article décrit une sorte de "pari intellectuel" dans l'existence de quelque chose (la culpabilité ou l'innocence d'un accusé) qui ne se révèle pas immédiatement à nos sens et qui, éventuellement, demeurera impossible à prouver en logique.

Cette conception est marquée très "XIXième siècle".

Du coup, traditionnellement, la plaidoirie de l'avocat se construisait elle aussi comme un acte de foi (foi dans l'innocence du client ou foi dans sa possible rédemption).

Tout cela est un peu désuet aujourd'hui ou, à tout le moins, la part symbolique qui subsiste une fois qu'on a évacué l'arrière fond religieux n'est pas immédiatement accessible et donne constamment lieu à des confusions logiques.

Par exemple, vous faites de l'intime conviction un "mode de preuve". Or, l'intime conviction n'est pas un mode de preuve, en logique, c'est une façon de se convaincre que quelque chose est vrai, ou faux. Elle invite à un choix en conscience, mais pas en logique. C'est du psychologique, à la rigueur, mais pas du logique.

Ainsi, vous vous rendez bien compte que si, dans un raisonnement, vous mettez la technique des faisceaux d'indices (qui est un mode de preuve, elle) au départ et l'intime conviction au milieu, vous pouvez sans difficulté "prouver" la culpabilité d'un innocent à l'arrivée, ce qui s'est vu une multitude de fois dans l'histoire judiciaire.

2) L'obligation de motiver les arrêts d'assises ne fera pas disparaitre l'intime conviction

Je suis assez d'accord avec vous.

La motivation est l'exposé des motifs. Dans les motifs on peut très bien mettre que tel élément a emporté l'intime conviction des jurés en faveur de l'innocence ou la culpabilité.

Néanmoins, la motivation pourrait être perçue comme l'obligation d'avoir à s'expliquer sur les raisons pour lesquelles tel élément a emporté l'intime conviction des jurés.

Si la cour européenne a cette conception de la motivation, au deuxième degré, alors, l'article 353 - et pas seulement le principe de l'intime conviction - prend un sérieux coup dans la figure.

Car il faut quand même rappeler que l'intime conviction, en France, est exclusive de l'obligation d'élaborer une preuve logique et de la décrire dans le texte du jugement: "La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ".

En France comme en Belgique semble t'il, la méthode dans l'art de la preuve, on s'en fout. C'est facultatif. Nous, on mise tout sur la conscience, c'est notre truc à nous, notre illumination. On y va à l'instinct quoi. Au pif, disent les mauvaises langues.

C'est ça qu'il faut rappeler.

Or, les techniques d'élaboration de la preuve ont évolué et l'alibi de la conscience tient de moins en moins la comparaison, au moment même où le développement des technique de preuve, en raison de leur caractère intrusif et aliénant, fait que la question de la conscience, loin d'être secondaire, est au contraire primordiale.

3) Synthèse

c'est là qu'on se rend compte qu'en définitive notre bel article 353 est très mal rédigé. Il nous invitait à privilégier la conscience par rapport à la logique et la technique. La logique et la techniques se sont vengées. Il faudrait concilier les deux.

Car vous dites vous même, et assez justement, si je perçois l'esprit, que la "preuve scientifique n'existe pas". En fait, la preuve absolue n'existe pas (la preuve scientifique existe mais elle ne porte que sur des faits très précis qui s'incorporent à un ensemble complexe qui n'est pas forcément déterminant au final).

Donc, il nous faut bien quelque chose qui ne soit pas à 100% de la logique et il faut que ce quelque chose soit compatible avec l'obligation de motivation, dont les contours se font de plus en plus précis.

42. Le mardi 2 juin 2009 à 16:20 par villiv

flash info - désolé du HS

Impossibilité de développer effectivement une clientèle personnelle = requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail

Source : LEXIS-NEXIS

Cass. 1re civ., 14 mai 2009, n° 08-12.966, FS P+B+R+I : JurisData n° 2009-048151

43. Le mardi 2 juin 2009 à 17:19 par omen999

il serait opportun de rappeler que l'intime conviction n'est pas une notion suspecte réservée au seul jury populaire mais qu'elle s'applique tout autant au juge professionnel.
bon d'accord, l'article 427 du cpp est plus sec que le 353 mais il s'adresse à des habitués
par ailleurs, je trouve assez plaisant de voir les héritiers (spirituels) des contempteurs de la grande ordonnance criminelle de 1690, déglinguer aujourd'hui l'intime conviction qui avait été présentée au siècle des lumières comme une avancée majeure face à l'obscurantisme des juristes anciens
anéfé, le système des preuves légales avait été imaginé par des professionnels pointilleux justement rebutés par l'arbitraire de la seule conviction du juge
ce système a été dévoyé alors qu'il aurait pu s'orienter vers une recherche de la preuve scientifique, mais on peut en tout cas retenir que la "question préparatoire" infligée à l'accusé est née d'un scrupule de juriste et non d'une pulsion sadique de ses juges

44. Le mardi 2 juin 2009 à 18:35 par Sub lege libertas

Cher ami (et néanmoins collègue) Gascogne, Chers mékeskidis,

Voilà en effet un arrêt de la CEDH bien intéressant par ricochet (puisqu’il s’agit d’une histoire belge au départ) pour le fonctionnement de nos cours d’assises et de la justice pénale en général. J’y vois pour ma part deux enseignements.

Le premier - celui sur lequel porte essentiellement votre billet - est effectivement la question de la motivation de la décision en matière criminelle. Il faut rappeler pour certains mékeskidis un peu paumés (c’est normal) qu’en France, comme en Belgique, une Cour d’assises pour déclarer coupable ou non un accusé répond par oui ou par non à une série de questions, qui sont en réalité très général dans la formulation. On dit qu’elles sont peu “articulées en fait”.

Je m’explique, par exemple dans le cas du meurtre, la cour doit répondre à la question :

  • “l’accusé X... est-il coupable d’avoir, le (date des faits) à (lieu des faits), volontairement donné la mort à Y... ?”

Comme vous le voyez les seuls éléments de fait sont le jour et le lieu des faits, le nom de l’auteur présumé et le nom de la victime ! Pour “(r)affiner” un peu la qualité de la réponse, le président de la cour d’assises peut “décomposer” la question pour mieux faire comprendre ce que la cour dit par sa décision. Ainsi, on aura à répondre à :

  • 1°) l’accusé X... est-il coupable d’avoir, le (date des faits) à (lieu des faits ), volontairement commis des violences sur la personne de Y... ?
  • 2°) lesdites violences ci-dessus spécifiées à la question n°1 ont-elles entraîné la mort de Y... ?
  • 3°) lesdites violences ayant entraîné la mort de Y... comme spécifiées ci-dessus à la question n°2 ont-elles été commis par X... avec l’intention de donner la mort à la victime ?

Si la Cour répond oui trois fois, c’est un meurtre ; oui au deux premières questions et non à la troisième, ce sont des coups mortels sans intention de tuer ; oui à la première question non au reste, ce sont des violences mais le décès de la victime n’en n’est pas la conséquence ; non à tous, l’accusé est acquitté ! C’est déjà mieux pour comprendre ce que la cour d’assises pense mais vous voyez que l’on n’en sait pas beaucoup plus sur les faits retenus pour comprendre les réponses.

Dans l’absolu, rien n’interdirait de “détailler” encore plus les questions du genre :“l’accusé X... est-il coupable d’avoir, le (date des faits) à (lieu des faits ), volontairement commis des violences sur la personne de Y... en lui assénant des coups sur la tête à l’aide d’un marteau ?” Mais, comme la Cour de cassation qui surveille l’application du droit interdit les “questions complexes” pour être sûr que les jurés et les magistrats de la cour d’assises ont répondu à une question claire, il faudrait déjà plutôt demander : “l’accusé X... est-il coupable d’avoir, le (date des faits) à (lieu des faits ), volontairement commis des violences sur la personne de Y... en lui assénant des coups sur la tête ? Question suivante : lesdites violences ont-elle été commises avec usage ou menace d’un arme par destination, en l’espèce à l’aide d’un marteau ?”

Et puis très vite on viendra vous dire : attention seul le témoin Jérôme Idevoudir parle d’un marteau, le légiste fait l’hypothèse d’un objet contondant sans autre précision et l’accusé dit être innocent. Imaginez en plus, que les coups de marteau aient été portés à la tempe et au plexus, mais que dans le déterminisme mortel le légiste penche plutôt pour le coup au plexus comme fatal, je ne vous dis pas comment rédiger les questions. Donc, si les présidents d’assises ne “factualisent” (quel barbarisme) pas plus les questions, c’est que très vite ça pourrait devenir un questionnaire presque sans fin : c’est possible pourtant mais c’est une autre “culture” judiciaire.

Remarquez bien que la décision de la CEDH commentée par Gascogne devrait conduire à ce changement de culture qui, pour ma part, ne me gène pas. Cela revient à demander à l’accusateur (votre serviteur) de rédiger son acte d’accusation (réquisitoire définitif) comme un catalogue de question dans un ordre logique à soumettre à la cour. On pourrait demander d’ailleurs à la défense de fournir son catalogue de questions à décharge : il ne resterait plus à la cour qu’à remettre le tout en une seule liste bien ordonnée, avant de partir délibérer sur près de 250 questions pour un “petit crime simple”, au bas mot quarante heures de délibéré (moins de dix minutes vote compris par question)...

Le deuxième enseignement de l’arrêt TAXQUET c. Belgique me semble plus encore plus intéressant pour “la justice pénale” en général. Car la CEDH a trouvé - à juste titre à mes yeux et c’est un procureur qui vous le dit - une autre violation des droits de l’homme dans cette affaire : “le témoin anonyme”. Oh, la cour de Strasbourg ne dit pas que c’est “en soi” une hérésie. Non, plus sagement, elle relève que dans le système belge, ce témoin entendu par la police qui garde secrète son identité, n’a pas pu être ne serait-ce que “réentendu” par un juge d’instruction, ni bien sûr par la cour d’assises, et que l’absence de motivation de l’arrêt de condamnation criminelle ne permet pas de savoir si la culpabilité ne repose pas que sur ce témoin qui avait peut-être des motifs d’inimitié personnelle à l’égard de celui qu’il accuse, d’où elle déduit que le procès est inéquitable...

Bref le témoin anonyme, ça ne sert pas à grand chose, si vous ne rapportez pas à coté la preuve du crime, et en tout cas, si on ne sait pas ce qui détermine vraiment les juges entre le témoin anonyme et le reste pour vous condamner, c’est inéquitable. Et comme c’est le reste qui doit vous déterminer, témoin anonyme= zéro ! Bah de tout façon, les anciens disaient testis unus, testis nullus, un seul témoin (et pas anonyme) ne vaut rien. Et rappelons que le petit témoignage de la vertu virile se porte par paire (pour les amateurs d’étymologie de testicule) !

45. Le mardi 2 juin 2009 à 18:41 par Emilie, CIP

@27 Un avocat peut être juré d'Assises ? Je pensais que votre corps faisait également partie des exceptions (professionnels de la Justice) ? Excusez moi pour le côté mekeskidi de la question mais ma maison c'est la Pénitentiaire et parfois le Judiciaire me réserve des surprises ! Si vous en savez plus, merci d'éclairer ma lanterne ! Cordialement

46. Le mardi 2 juin 2009 à 19:01 par sub lege libertas

à Emilie, CIP (conseiller d'insertion et de probation, pour les mékéskidis)

oui légalement un avocat peut figurer sur la liste des jurés. (article 257 du C.P.P., code de procédure pénale). Les fonctions de jurés sont incompatibles uniquement avec celles de :

  • membre du Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique et social
  • Membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, magistrat de l'ordre judiciaire, membre des tribunaux administratifs, magistrats des tribunaux de commerce, assesseurs des tribunaux paritaires de baux ruraux et conseiller prud'homme
  • secrétaire général du Gouvernement ou d'un ministère, directeur de ministère, membre du corps préfectoral
  • fonctionnaire des service de police ou de l'adminsitration pénitentiaire (snif pour Emilie, CIP) et militaire de la gendarmerie, en activité de service.

fermez le ban.

Bon le risque majeur pour un avocat sur la liste des jurés c'est d'être récusé, plus d'ailleurs par la défense. Mon expérience de la correctionnelle avec un avocat complétant le tribunal pour remplacer un magistrat empéché démontre que cela n'est pas défavorable à l'accusation : un avocat devenu juge est peut-être moins indulgent pour les moyens de la défense... ?

47. Le mardi 2 juin 2009 à 19:25 par PrometheeFeu

Je pense que ce serait une tres bonne chose, surtout si on faisait voter les jures sur la motivation. J'imagine par exemple que si le parquet avance 4 arguments qui remportent chacun l'adhésion de 2 jures, on a une condamnation. Mais pourtant, il est possible que l'argument 1 ne soit pas compatible avec l'argument 2. Dans ce cas, les jures qui adhèrent a l'argument 1 ne voteraient pas pour une motivation qui inclue l'argument 2, et vice versa. Ce qui, il me semble serait préférable.

Aussi, je suis toujours en faveur de l'explication des decisions de justice qui il me semble sont souvent mal comprisent par les citoyens en general...

48. Le mardi 2 juin 2009 à 19:26 par Léandre

Ayant été successivement côté siège et côté parquet dans de nombreux dossiers d'assises, je confirme le sérieux du travail effectué par cette "cour d'assises" composées à la fois de jurés et de magistrats professionnels. L'idée de laisser les jurés statuer seuls, sans autoriser les magistrats professionnels à participer au débat sur la culpabilité, me paraissait absurde et inquiétante. La complémentarité entre des magistrats professionnels, avec toute la technicité et l'expérience qu'ils apportent, et de simples citoyens, avec leurs regards neufs et leurs parcours variés, est un gage de qualité. L'idée de demander aux cours d'assises de motiver leurs décisions est pertinente au plan des principes, mais se heurte cependant à un obstacle de taille : au cours d'un délibéré de cour d'assises (contrairement aux délibérés des autres juridictions pénales), personne n'est obligé de s'exprimer verbalement. Sur les 12 personnes présentes, seules celles qui le souhaitent font part de leur position sur la culpabilité, ou même sur la peine. Les autres préfèrent garder le silence, et ne s'expriment qu'à bulletin secret. Comment faire alors pour motiver une décision qui n'a pas été explicitée ? Faudrait-il contraindre chacun à prendre position a haute et intelligible voix, et à faire connaitre son raisonnement ? A supposer que cela soit possible, certains auront bien du mal à exprimer leurs idées... tout simplement parce qu'ils n'ont jamais été habitués à exprimer des idées, à argumenter, à parler en public. Ou alors, faudrait il motiver uniquement à partir des idées qui ont été formulées, en sachant qu'elles ne recouvrent que partiellement ce qui aurait fondé la décision. Et que faire si la décision votée est contraire à la position soutenue par les seuls qui se seraient exprimés ?

49. Le mardi 2 juin 2009 à 19:29 par yves

Un billet a disparu. Encore un coup de ces incompétents sans crédibilité juridique du GISTI ?

50. Le mardi 2 juin 2009 à 19:36 par Sub lege libertas

@ Léandre qui écrit : L'idée de laisser les jurés statuer seuls, sans autoriser les magistrats professionnels à participer au débat sur la culpabilité, me paraissait absurde et inquiétante.

Tss Tss ! Souvenez vous que c'est le Maréchal Pétain qui a mis les magistrats professionnels dans le délibéré sur la culpabilité pour des raisons somme toute assez similaires, mais dans un contexte très différent : l'acte dit loi du 25 novembre 1941 réduit le nombre de jurés de 12 à 6 et adjoint les 3 professionnels pour le délibéré sur la culpabilité...

Ah je suis vraiment un emmerdeur !

51. Le mardi 2 juin 2009 à 19:42 par ancilevien74

@49
Oui, je l'ai vu passer en rss, mais disparu à l'arrivée. Une fausse manœuvre sans doute, soit une publication trop tôt, soit un effacement malencontreux.
J'attends avec impatience ce billet qui va faire rougir les fesses de Besson.

52. Le mardi 2 juin 2009 à 19:53 par Sub lege libertas

à yves :

Non je pense que Notre Maitre Vénéré corrige quelques coquilles dans son billet sur Gisti et autres versus Besson ... il semblerait d'après certains lecteurs qu'il ait un peu trop mêlé les arguments des demandeurs et les motifs favorables du juge administratif !

53. Le mardi 2 juin 2009 à 20:43 par yves

Ah bon. Je venais d'arriver au bout et je clique sur le lien pour lire les commentaires, et j'apprends que je viens de lire un billet qui n'existe pas.

Quelques secondes je me suis cru entré dans la 3ème dimension et demi.

54. Le mardi 2 juin 2009 à 20:59 par Nichevo

Merci à vous Gascogne de défendre ce jury populaire hérité en droite ligne de 1789. Ce n'est pas n'importe quoi tout de même. N'oublions pas de dire que les avocats peuvent "éliminer" certains membres de ce jury populaire quil apporte un point de vue non professionnel indispensable au procès. Le citoyen ne doit pas se couper de sa justice mais y participer. N'ayez crainte; les têtes ne tombent plus aujourd'hui... Pour revenir sur cette "motivation", je crains que nous ayons un débat sur la preuve irréfutable face aux faisceaux d'indices et une procédure encore plus lourde à gérer avec en prime le consentement du prévenu, je ne sais pas ce que la justice aura à gagner, d'ou la tentation très forte de ne pas atteindre ce niveau et de "proposer" un plaider coupable dont vous connaissez les effets.

55. Le mardi 2 juin 2009 à 21:02 par Bobby

@ 49 50 51 52

Je pense comme Sub lege libertas 51 Le billet doit être à la refonte

56. Le mardi 2 juin 2009 à 22:13 par Simon

Halte à la censure ! le billet intitulé "Éric Besson se prend une claque devant le tribunal administratif de Paris" a disparu !

Et le 30 mai 2009, le juge des référés, accessoirement le même magistrat qui s'était vu dessaisi par la signature précipitée du marché, a suspendu le marché des droits de rétention. Bref, la déloyauté du ministre n'a servi à rien, le voici Gros Jean comme devant, avec son marché qui lui pète entre les doigts à 48 heures de son entrée en vigueur.

Là où ça devient humiliant pour le ministre, c'est quand on lit la motivation de ce référé. C'est accablant pour le ministre et ne laisse subsister guère de doute sur la future annulation de ce marché.

57. Le mardi 2 juin 2009 à 22:27 par didier specq

@Lucas Clermont

Quand j'assiste à un procès d'assises, je vois des jurés qui, la plupart de temps, prennent des notes. Encore faut-il préciser que les jurés aux assises ne suivent qu'une histoire à la fois un peu comme les spectateurs d'un film ne voient qu'un seul film à la fois. Je veux dire par là qu'un juré, même sans prendre de notes, peut avoir une opinion valable sur un procès un peu comme un spectateur peut être capable d'avoir un avis sur un film sans nécessairement prendre de notes.

En revanche, si j'assiste à une audience (par exemple) de comparutions immédiates qui va examiner une quinzaine de cas dans l'après-midi, je constate que, sauf exception les assesseurs ne prennent pas de notes. Vers 20H (puisque très souvent les trois magistrats professionnels délibèrent sur l'ensemble des cas en même temps), l'assesseur ne peut pas se souvenir de toutes les affaires: tel prévenu a eu telle attitude (ou non) de regret à l'audience, tel autre avait un gros casier alors que le suivant dans une affaire similaire n'avait jamais été condamné, tel concubin violent avait lui-même été frappé mais pas tel autre, etc... Bref, l'assesseur professionnel, à moins qu'il possède une mémoire étonnante, va s'en remettre plus ou moins à l'avis du président.

Tout ça pour dire que le non-professionnalisme, contrairement à vos assertions un peu trop rapides sur les jurés populaires, ne se niche pas nécessairement où vous le croyez.


Gascogne :
J'ai suffisamment siégé comme assesseur pour ne pas être d'accord avec vous. Il suffit en délibéré, non pas de "s'en remettre au président", mais de se remémorer les circonstances de l'espèce pour que la mémoire immédiate fasse effet. Les notes à l'audience, c'est bien, mais ça fait également perdre certains éléments des débats oraux. Difficile d'être concentré sur son papier et sur les attitudes du prévenu ou de la victime en même temps.


58. Le mardi 2 juin 2009 à 22:52 par didier specq

Oh que oui, Véronique, il n'y a pas que les arrêts des cours d'assises qui devraient être rédigés!

Beaucoup de magistrats (certes pressés) par le manque de temps rédigent peu. Je me souviens même que, avant l'informatisation, certaines prolongations de détention provisoires étaient "rédigées" aussi: des petites croix dans des petits cases sur un imprimé tout fait! Imaginez la tête de celui qui repart en détention alors qu'il a cru être remis en liberté! Aujourd'hui, le copié-collé de l'informatique permet de cacher plus adroitement ces décisions peu "rédigées".

De très nombreuses décisions prises par des magistrats professionnels ne sont pas rédigées. En correctionnelle, faute de temps, on a souvent pris l'habitude de rédiger un jugement uniquement s'il est frappé d'appel.

Résultats des courses: un justiciable, qui prétend être innocent par exemple et qui a sorti une batterie d'arguments, ne sait pas sur quels éléments principaux les juges le condamnent. Il fera donc appel à l'aveuglette sans savoir s'il a des chances de convaincre la juridiction d'appel puisqu'il ignore pourquoi les magistrats en première instance ont tiqué. Vous aller me dire: le condamné doit bien s'en douter.

Pas du tout: ce n'est ni un professionnel ni obligatoirement un habitué des tribunaux...

Autre exemple qui va faire bondir tôt ou tard Sarkozy et ceux qui l'informent sur le fonctionnement réel de la justice: les peines planchers. Comme vous le savez, chers lecteurs non spécialisés, les juges, s'ils n'appliquent pas la peine plancher demandé par le parquet (qui n'en a pas rien à cirer), doivent rédiger le motif de la non-application. Or, pour aller plus vite, les juges le font de moins en moins. C'est devenu souvent par exemple "étant donné la modicité du préjudice", ce qui peut sembler un peu court.

Mais, désormais, c'est souvent: "étant donné les circonstances de l'infraction", ce qui ne veut plus rien dire du tout...


Gascogne :
Et oui, que voulez vous, lorsque vous tenez une audience avec 25 dossiers correctionnels, il est impossible de tous les rédiger. Ceci étant, comme vous le faites remarquer, les présidents rédigent lorsqu'il y a appel. Et un "appel à l'aveuglette" ne fait courir aucun risque au condamné, qui peut toujours se désister de son appel s'il est convaincu par l'argumentation, ce qui est tout de même fort rare...


59. Le mardi 2 juin 2009 à 22:58 par Rizgar Amin

"le principe de rédaction par le magistrat professionnel fonctionne bien dans les juridictions connaissant l'échevinage" Nous apprend Gascogne.

Hum, je ne sais si vous parlez d'expérience, mais dans la mienne d'expérience, je peux témoigner que s'il est vrai que la rédaction par le président professionnel fonctionne, c'est aussi parce que les assesseurs non professionnels ont un peu tendance à dire "Je pense comme vous, Monsieur le Président".
Il faut que nos lecteurs s'imaginent un peu la situation du professionnel qui verrait son analyse juridique balayée par ses deux assesseurs non professionnels, et devrait motiver une décision pour justifier une position qu'il estime contraire au droit !!
Une légende voudrait (mais je suis sûr que c'est une plaisanterie...) que dans ce cas, il suffirait de dire innocemment aux assesseurs : "Ah, vous êtes deux contre un, pas de problème... Au fait, lequel de vous deux rédige le jugement ?", pour qu'au moins un des deux change d'avis "Finalement, Président, je me demande si vous n'avez pas un peu raison..." :-)
Bon, ce qui me fait penser à une plaisanterie, c'est que cette histoire reprend la même méthode que certaines dernières lois sur les peines plancher (ou futures lois sur la confiscation des bagnoles) : Inverser le principe en obligeant à motiver non pas pour sanctionner, mais pour NE PAS sanctionner, en pariant sur la paresse des juges. :-)


Gascogne :
Ce que vous dites là n'est pas entièrement dénué de bon sens...Je me suis laissé emporté par les seules expériences positives que j'ai pu connaître (présidence de TPE).


60. Le mardi 2 juin 2009 à 23:57 par Dom

(Complètement hors-sujet)


Gascogne :
Je vous le confirme.


61. Le mercredi 3 juin 2009 à 08:36 par Véronique

@ Didier (post 56)

Mais, désormais, c'est souvent: "étant donné les circonstances de l'infraction", ce qui ne veut plus rien dire du tout...

Ben, vous voyez bien que quand ils le veulent bien...

Et VEO dans le billet au sujet du dépôt de Paris qui me dit que non, avant 2004, pas la moindre chance pour un avocat d'être écouté et pris en compte par le juge si on tente de faire valoir que le prévenu a été dans l'impossibilité de se laver et de se reposer...

62. Le mercredi 3 juin 2009 à 10:00 par Shad

@ Didier et Véronique (j'ai retenu la leçon...): l'exigence de motivation est beaucoup trop fondamentale pour que l'on se satisfasse de la pratique pénale actuelle. Toutefois, je n'ai pas l'impression que cette pratique soit aussi dégradée que ça ! (en tout cas là où j'officie). Il faut comprendre qu'un président de chambre correctionnelle a en moyenne une quarantaine d'affaires à juger par semaine (parfois plus) et qu'il n'est pas possible de motiver soigneusement tous ses jugements. La grande qualité des Assises est que l'on prend le temps. On a une audience et un débat digne de ce nom, un délibéré également. Cela nous rappelle qu'un procès est un événement et non une routine. La grande hypocrisie de notre système est que l'on néglige les formes judiciaires avec des micros audiences (en juge unique, CI, même les collégiales lorsque vous avez une trentaine d'affaires) et des jugements peu ou pas motivés, et l' on a beau jeu ensuite (moi le premier) de critiquer le système de common law et son désormais célèbre plea bargaining, mais au moins chez eux l'audience a de la gueule ! Il ne faut pas oublier que ces formes judiciaires (débat public et motivation argumentée) sont consubstantielle de l'idée de justice et de la légitimité du juge (je me permets de renvoyer sur cette question au désormais classique Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire d'Antoine Garapon).

63. Le mercredi 3 juin 2009 à 10:47 par Shad

@ Didier: Comme vous le savez, chers lecteurs non spécialisés, les juges, s'ils n'appliquent pas la peine plancher demandé par le parquet (qui n'en a pas rien à cirer), doivent rédiger le motif de la non-application. Or, pour aller plus vite, les juges le font de moins en moins. C'est devenu souvent par exemple "étant donné la modicité du préjudice", ce qui peut sembler un peu court.

Les présidents de correctionnelle que je fréquente sont au contraire très soucieux de motiver précisément lorsqu'ils écartent les peines planchers, notamment, pour éviter un appel ou d'être infirmé. Mais il faut bien reconnaître que lorsque la peine plancher vous est requise pour une personne sans ressources, sans emploi et hébergée de façon précaire pour vol d'un teeshirt dans un supermarché et qu'elle est en récidive parce que trois ans avant, elle a volé un caleçon et n'a rien fait entre temps (je caricature un peu, mais la réalité dépasse parfois la fiction): difficile de ne pas écarter la peine plancher et difficile de motiver autrement que par compte tenu des circonstances de l'infraction et de la modicité du préjudice d'ores et déjà réparé... Il faut bien comprendre que parmi les premiers concernés par cette loi, se trouve les indigents, non en raison de leur dangerosité particulière mais parce qu'ils ne présentent aucune des conditions d'insertion sociale nécessaires pour pouvoir écarter la peine plancher. Face à de tels cas, il me semble préférable que les juges motivent peu leur décision plutôt que de prononcer la peine plancher au motif qu'ils ne dépasseront pas les trois lignes de motivation...

64. Le mercredi 3 juin 2009 à 11:22 par didier specq

@Shad et Gascogne

Loin de moi l'idée de tirer sur les juges qui, effectivement, sont débordés à l'audience. Mais... Vous me dîtes que les assesseurs retrouvent la mémoire vers 20 h sur la quinzaine d'affaires qu'ils examinent sans prendre de notes depuis 14 h. Permettez-moi de rester dubitatif. Surtout quand Gascogne ajoute à peu près: prendre des notes risque que de faire rater certains détails du débat oral.

Permettez-moi de sourire respectueusement: je vois tous les jours des assesseurs qui ne prennent pas de notes mais qui, en plus, étudient d'autres dossiers pendant qu'ils siègent!

Encore une fois, je sais que les magistrats sont contraints par le rythme des audiences. Mais, en acceptant tout ça, je crains qu'ils ne se tirent une balle dans le pied. Un jour, un élève de Sarko va leur dire: pourquoi pas l'automaticité (puisque souvent vous ne motivez pas sérieusement ou pas du tout) et pourquoi pas la généralisation du juge unique puisque vos assesseurs n'ont pas l'air de suivre beaucoup...

Il y a beaucoup à dire sur la suppression du juge d'instruction. Mais, quand Philippe Lemaire, le procureur de Lille, dit publiquement que les juges d'instruction à Lille sont de plus en plus nombreux et sortent de moins en moins de dossiers, c'est une roquette particulièrement bien ajustée et difficile à contrer.

Même raisonnement quand on refuse l'application de la peine plancher avec les seuls mots: "étant donné les circonstances de l'infraction". Vous êtes bien d'accord: ça ne veut strictement rien dire. Un jour, il risque d'y avoir une petite statistique là-dessus et ça risque de retomber sur les juges qui "n'appliquent pas la loi" sans motiver sérieusement leur refus et qui, donc, doivent être contrôlés de plus en plus par exemple avec des peines automatiques désormais sans exception. Je vois très bien les émules de Sarko tenir ce raisonnement.

Lorsque Gascogne explique que ne pas motiver un jugement ne fait courir aucun risque au condamné qui peut toujours se désister de son appel... Le moins qu'on puisse dire c'est que ce raisonnement est un peu étonnant.

Mettons nous à la place d'un justiciable qui estime à tort ou à raison être innocent. Il doit faire appel dans les 12 jours. Il doit encaisser le choc, (re)trouver un avocat, se demander si ça vaut le coup d'interjeter appel (il n'a eu, par exemple, qu'un sursis et il se demande s'il ne va pas prendre plus en appel), compter ses sous parce que tout ça coûte cher, etc. Et on a le culot de ne pas rédiger le jugement! Voilà ce que le justiciable pense!

Et, entre nous, cher Gascogne, si un jour vous comparaissiez devant une juridiction, c'est ce que vous penseriez aussi!


Gascogne :
Pour que les choses soient parfaitement claires, je suis en immense partie d'accord avec vous. Un assesseur qui dort ou fait autre chose est inadmissible, et cela existe. Je crois cependant que l'on s'éloigne du problème de la motivation des jugements. Je ne fais en tout état de cause que décrire un système qui rend impossible la motivation de tous les jugements, qui devrait pourtant être la règle, tout comme la collégialité ne devrait pas être l'exception. Je persiste cependant à penser que la motivation orale de la décision à l'audience revêt plus d'importance que la motivation écrite du jugement, même si des avocats ont pu me dire dans une vie antérieure que j'expliquais très bien mes décisions, mais qu'avec notamment le stress de l'audience, il fallait qu'ils reprennent tout en sortant du tribunal, la compréhension de leur client se limitant souvent à prison/pas prison, suspension du permis/annulation...Quant au fait que la magistrature puisse se tirer une balle dans le pied, je crains que cela n'ait déjà été fait, et à l'arme automatique, encore...


65. Le mercredi 3 juin 2009 à 11:54 par Shad

@ Didier: Mais, en acceptant tout ça, je crains qu'ils ne se tirent une balle dans le pied. Un jour, un élève de Sarko va leur dire: pourquoi pas l'automaticité (puisque souvent vous ne motivez pas sérieusement ou pas du tout) et pourquoi pas la généralisation du juge unique puisque vos assesseurs n'ont pas l'air de suivre beaucoup...

Vous avez complètement raison, et c'est déjà le cas (la généralisation de la juge unique et l'extension de la CRPC sont dans les cartons et certains procureurs répètent à qui veut l'entendre que les audiences ça ne sert à rien...), mais vous savez des alibis pour réformer, les gouvernements quel qu'ils soient n'en manquent pas.

Pour ma part je préfère qu'un juge écarte les peines planchers lorsque le cas s'y prête (absence de dangerosité, infraction modique...) quitte à ce que la motivation soit succincte (parce que la personne ne présente pas beaucoup de garanties), plutôt qu'il ne se dise: "je ne vais pas contrarier le gouvernement qui pourrait se venger quand il en aura l'occasion". Ne vous inquiétez pas des occasions de mécaniser toujours plus la justice, ils n'en manqueront jamais.

Il n'en demeure pas moins que je suis tout à fait d'accord sur l'image que pourraient donner de la justice des assesseurs qui liraient des dossiers en pleine audience. Je ne dis pas que c'est impossible, mais personnellement je ne l'ai jamais vu et si cela arrivait, il me semble que le président d'audience pourrait utilement se fendre d'une petite remarque pour y mettre fin. Je suis également d'accord sur le fait que la motivation est bien trop importante pour que l'on se résigne à ce qu'elle soit négligée, mais la plupart des magistrats n'acceptent pas cette situation de fait, mais lorsqu'ils s'en plaignent, au mieux ça fait sourire, sinon on les taxe de corporatisme ou on leur jette toutes ses mauvaises pratiques à la figure comme si cela aller arranger quoi que ce soit: tu type "on a pas de leçons à recevoir de la part de gens qui ...", c'est un cercle vicieux.

66. Le mercredi 3 juin 2009 à 13:42 par ranide

à Emilie, CIP #45 et à sub lege libertas

Oui, ça a été une surprise pour moi aussi. Quand j'ai appris que j'avais été tiré au sort, j'ai épluché mon code de procédure pénale mais il n'y a pas d'incompatibilité entre l'exercice de la profession d'avocat et le fonction de juré (art. 254 à 257 CPP). J'ai juste pu obtenir d'être dispensé dans une affaire où j'étais de perm lorsque l'accusé avait été présenté devant le juge d'instruction (art. 258). J'ai été souvent tiré et toujours récusé, en général par le Parquet (qui ne faisait en fait que prendre de vitesse ceux de mes confrères qui plaidaient en défense), sauf une fois, ce qui m'a tellement surpris que je n'ai pas répondu au premier appel (d'habitude, dès que mon numéro sortait, j'entendais "RECUSE!", alors je ne me levais même plus !). Dans cette affaire, le confrère qui plaidait en défense n'était pas de mon barreau et il ne me connaissait pas. Il s'est beaucoup interrogé pour savoir s'il devait ou s'il ne devait pas me récuser car effectivement les avocats comme juges assesseurs ou jurés ont mauvaise réputation auprès... des avocats (car ils ont la réputation d'être dans les délibérés encore plus répressifs que des parquetiers !). Il m'a longuement jaugé, les yeux dans les yeux (j'étais au fond de la salle qui est assez grande, près de la sortie). Il ne m'a pas récusé mais il en a été très tourmenté car j'ai appris après par radio-couloir qu'il avait occupé son temps pendant le délibéré à interroger mes confrères pour savoir comment j'étais et s'il n'avait pas eu tort de me garder.

à Didier Specq # 55

Gascogne a raison.

J'avais remarqué depuis longtemps que certains jurés prenaient des notes et que d'autres n'en prenaient pas, et je ne savais pas quoi penser de ces derniers. Alors j'ai profité de ma participation à un jury pour poser la question à l'un de mes "co-jurés" qui n'en prenaient pas. Il m'a expliqué qu'il n'arrivait pas à prendre des notes en continuant à suivre les débats et qu'il préférait donc ne pas prendre de notes.


Gascogne :
Qu'est-ce que j'aime quand un avocat dit qu'un procureur à raison...


67. Le mercredi 3 juin 2009 à 14:11 par ranide

Ah mon cher Gascogne, il faut que votre moral soit tombé bien bas pour que vous cherchiez des motifs de satisfaction dans les propos d'un avocat :-)


Gascogne :
De TTR, on se contente de peu...


68. Le mercredi 3 juin 2009 à 15:34 par Pax Romana

En ce qui me concerne, j'ai les plus grandes réserves sur cette formule française (et belge) d'avez-vous une intime conviction ?. Je trouve la formule britannique, êtes-vous convaincu au-delà d'un doute raisonnable ? bien meilleure.

Je n'ai jamais été juré, mais il me semble bien que le logicien que je suis ne pourrait jamais avoir une intime conviction, alors qu'il pourrait être convaincu au-delà d'un doute raisonnable.

69. Le jeudi 4 juin 2009 à 00:05 par trouble fete

@ Pax Romana, c'est la que vous faites erreur et quand tschok parle de sentiment au pif, on nage dans le contresens. On a une intime conviction quand on est convaincu (excusez la tautologie mais il faut apparemment rappeler que les mots ont un sens). On n'est guere convaincu quand on a un doute raisonnable, ie les elements de preuve ne sont pas convaincants. Je ne comprend pas que l'on puisse encore opposer ces deux notions que me semblent strictement identiques. Quant aux pays europeens qui ont un jury deliberant sans professionnel, je leur souhaite bien du plaisir quand ils devront exiger la motivation. Sur le papier, c'est une belle idee, dans la realite des faits, c'est strictement infaisable en Angleterre.

70. Le vendredi 5 juin 2009 à 15:18 par parquezaco

Dans nos procès d'assises, il n'est pas demandé aux juges et aux jurés d'exclusivement faire dépendre la décision de leur intime conviction.

Ce serait oublier qu'en droit la conviction dont il s'agit doit émaner des "impressions faites sur la conscience" par les preuves et les moyens de la défense débattus lors du procès (article 353 du code de procédure pénale).

Il est donc inexact de dire que le verdict d'assises repose en France sur la fragilité de l'intime conviction.

Et je ne vois pas ce qu'apporterait de plus l'introduction de l'improbable notion de doute raisonnable, sauf à vouloir singer une nouvelle fois les manières anglo-saxonnes.

71. Le jeudi 11 juin 2009 à 23:43 par martine s

Un procès en cours d'assises présente un aspect spectacle effarant, sans oublier les habitués qui prennent des paris dans les couloirs...Parfois, c'est plié d'avance, preuves à l'appui. Mais n'oublions pas que les jurés ne voient et ne connaissent que ce qui leur est montré pendant la durée du procès et que ce n'est pas toujours convaincant. Ils n'ont pas le temps d'étudier les piles de dossiers et doivent alors se fier aux avocats, aux témoins, au facteur humain (un accusé peu sympathique, un témoin timide, un avocat peu habile ou le contraire), je ne suis pas certaine que la démocratie soit bien servie.

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