Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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[Journée d'action des magistrats administratifs] Le petit rapporteur

Par Bill le Bottier, qui va se présenter lui-même.

Je suis rapporteur. Pas public. Je veux dire pas rapporteur public. Rapporteur tout court quoi !

A l'audience je suis celui qui fait un - bref - rapport. Oralement. Et publiquement.

Le rapporteur public lui, c'est différent, il conclue.

Et les parties répondent, publiquement, à ses conclusions.

Si elles le souhaitent. Parfois, en public, c'est pas facile de trouver ses mots.



Enfin, ça c'est pour le moment.

Parce que bientôt le rapporteur public conclura seulement quand il veut.

Du coup les parties répondront seulement quand le rapporteur public aura daigné leur adresser la parole.

Tant mieux, ça ira plus vite.



J'adorais ça au début. Je veux dire le métier. La justice.

Ca me stimulait.

L'éthique de la discussion, la collégialité, rendre la justice ... tout ça avait un côté exaltant.



Et puis c'est venu progressivement.

J'ai pas fait gaffe. Je crois même que j'ai cru pouvoir y échapper.

Et puis non.

A force d'augmenter les cadences, j'ai perdu le goût !

Plus le temps d'y trouver de l'intérêt.

Aujourd'hui je compte. Les dossiers.



D'ailleurs je ne dis plus que je rends la justice.

Juste que je travaille dans une juridiction.



Bon là il faut que je file en séance d'instruction.



La barbe.



J'ai plusieurs dossiers sur lesquels je sens bien que le rapporteur public va encore avoir des pions à avancer.

Faut dire qu'il est terrible, le mien. Il ne se contente pas de reprendre poliment ce que j'ai eu bien du mal à écrire.

Ah ça non !

Il se pique de donner son avis sur la pertinence de mes raisonnements !

On croit rêver ! Un morveux ! Il sort à peine de l'école.

Non, non y'a pas d'école chez nous !

Mais j'me comprends !



Quand je pense qu'en juge unique - avec ou sans rapporteur public - les jugements seraient déjà notifiés !

Le requérant n'aurait pas fait appel, faisant confiance à la justice de son pays.

Et moi je pourrais envisager sérieusement mes vacances.

Au lieu de les passer à réécrire des jugements parce la formation de jugement a décidé de me pomper l'air.



Et là on discute.

On retourne le dossier dans tous les sens.

Et voilà que machin donne son avis !

Personne ne le lui avait demandé pourtant.

Ah ça on pourra dire que la requête a été examinée sous toutes ses coutures !

Que la solution a été pensée, soupesée ...



En première instance, le but, c'est quand même que ça sorte non ?

On vide.

Et après les mécontents font appel. Enfin quand c'est possible.



Alors que là, on discute... on discute ...



Faudra que je parle de tout ça dans un groupe de travail !

Ca me fera sûrement du bien.



Parce que rapporteur - public ou pas, j'ai fait les deux - j'en ai marre.

Tout ce temps dans les mêmes fonctions : j'en peux plus !

Bientôt président.



Enfin tranquille.

Je crois.

Non ?

Comment ça il faudra donner la cadence ?

Et pourquoi pas sonner du clairon ?

Commentaires

1. Le jeudi 4 juin 2009 à 09:39 par Nagli

Votre commentaire un rien désabusé-pessimiste me fait penser qu'il est bien dommage d'en arriver à destester faire quelque chose que l'on aime ... seulement parce qu'on le fait dans de mauvaise condition.

Ceci dit, que cela ne vous empêche pas de poursuivre votre carrière de billetiste, le sudoku ça finit par lasser aussi.

2. Le jeudi 4 juin 2009 à 10:31 par L'abbé Toule

Cher collègue, Je crois qu'il est temps pour toi (pour moi aiussi ?) de changer de métier... Je ne dis pas que tu le fais mal, au contraire même, si j'ai bien compris. Tu aimerais le faire mieux que ce que l'on te demande. Mais le métier est effectivement en train de changer, et tu n'as que deux solutions : soit changer aussi et t'adapter, soit souffrir. Et faire notre boulot sans plaisir, je ne te (nous) le souhaite pas.

3. Le jeudi 4 juin 2009 à 16:01 par ceriselibertaire

Cadence, rythme, c'est la galère le boulot de juge.

Comme caissier(ère) à l'hypermarché finalement.

4. Le jeudi 4 juin 2009 à 16:46 par cotes

Bon courage, vous en avez besoin!

5. Le jeudi 4 juin 2009 à 16:48 par sommelier

je suis assez triste de découvrir à quel point la justice de notre pays peut sembler si désabusée par ces événements.

6. Le jeudi 4 juin 2009 à 18:51 par Holmes

"Combien de phrases aussi bigrement espacées il faut caser... ...c'est pas pour cafter..."

7. Le vendredi 5 juin 2009 à 10:52 par Alma

Pensez-vous que si vous devenez président de chambre, vous aurez encore un peu l'envie, et peut être les moyens, d'essayer de changer un peu les choses ? D'accepter d'être minoritaire dans les délibérés ? D'atteindre la retraite avec la fierté de vous dire que vous n'avez jamais dégoûté un collègue de sa vocation, comme vous même l'avez été ? Je vous le souhaite. Bon courage.

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