Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Retour de flamme

Par Cyberkek


Je reviens de Paris, je n’aime pas la foule, les mouvements collectifs mais, comme je l’ai dit ailleurs sur ce blog, j’aime l’idée d’une justice digne de ce pays, digne des citoyens qui la composent et qui auront un jour, à un titre ou à un autre, à lui rendre ou lui demander des comptes.

Je sais bien que je suis un salaud de fonctionnaire nanti à un moment où tant de mes concitoyens et de mes proches connaissent des fins de mois difficiles, surtout les trente derniers jours aurait dit Coluche (même si je lui préfère Desproges). Que chacun sache que je ne suis dans la fonction publique que parce que j’ai été élevé par des gens très biens (mes parents en l’occurrence) épris de la notion de service public n’y changera rien. Les esprits fâcheux et les mesquins continueront à croire que notre colère ne s’appuie que sur des revendications salariales.

Que l’on me comprenne bien, l’aumône qui m’est faite ne constitue pas à mes yeux un salaire décent puisque j’ai une haute estime de moi, mais cela n’est rien au regard de ce qui se trame dans la fonction publique : nous attendons tous, lorsque nous nous adressons à un service d’État, que notre cause trouvera une oreille attentive, même si elle a l’honnêteté de nous faire comprendre que notre démarche est déplacée, incongrue, disproportionnée (cochez donc ce qui vous sied).

J’ose espérer que, si je suis malade, je trouverai un médecin, un chirurgien, une infirmière à même de prendre en charge ma détresse. Il en est de même de notre justice et des personnes qui y concourent, personnel de greffe, magistrats, avocats, etc. Je ne fais pas, au final, de distinguo entre professions libérales et fonctionnaires dès lors que nous avons tous conscience de concourir à un même bien général. Et je conchie ceux qui s’attribue ces oripeaux pour d’autres fins.

Or, l’on voudrait faire croire, au nom d’une politique qui n’a de libérale que l’économie (et je ne vise aucun parti en particulier), qu’une rentabilité peut se faire sur le principe d’une baisse des moyens d’exercer. Qui peut dire combien de personnes malades, combien d’infractions au code de la route, combien de couples devant se séparer composeront les cohortes des mois à venir ?

Qui souhaite voir sa fin de vie allégée par des bricolages « parce qu’on a plus les ressources », son divorce sans cesse repoussé « parce qu’on a plus de budget imprimante », sa sécurité mise en attente « parce qu’on a pas les effectifs pour intervenir » ?

J’ai, salaud parmi les salauds de nantis, fais grève et manifesté aujourd’hui, non pas pour moi, ni pour mes collègues, mais pour mes concitoyens. Et si vous avez des doutes, je ne peux rien y faire si ce n’est vous considérer d’un air désolé, et regretter que ce bien commun, cette maison commune que nous avons, génération après génération, contribué à construire, vous souhaitiez la laisser à l’abandon.

Cyberkek

Commentaires

1. Le mercredi 30 avril 2014 à 13:04 par Thoscellen

Il y a quelque chose qui m’échappe dans cette histoire :
Dans cette structure qu’est la Justice, quel sont les moyens, les outils qui permettent de mesurer les conditions de travail, de mesurer le confort et le pouvoir des fonctionnaires ? Qu’est-ce qui permet de faire remonter l’information ? Et s’il n’y en a pas pourquoi n’a-t-on pas penser a le mettre ? A Qui cette tache reviendrait-elle ? Qui est (ou doit être) l’oreille attentive dont vous parlez ?
Est-ce qu’on est obligé de faire descendre les gens dans la rue pour dire a l’Etat “Hey, On peut pas faire notre Job car on en a pas les moyens” pour qu’il se réveille ?

Parce que, du coup, quand je vois les médecins qui galèrent également, et de même pour le corps enseignant, c’est une question de moyens financier, mais pas que ! On peu mettre beaucoup d’argent, si la machine n’est pas adaptée, c’est surtout du gâchis. (Enfin, la je ne sais pas vraiment si c’est plus qu’une question de financement)

J’essaye de formuler ma pensée : Quand l’état met en place une structure essentiel au fonctionnement de la République, n’est-il pas évident de prévoir de quoi évaluer l’efficacité de cette structure? De la réformer et de l’ajuster pour qu’elle fonctionne ?

Un autre question pour Maitre Eolas : Je vois la démocratie comme, entre autre, un équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs. N’y a-t-il pas un contre-pouvoir concernant le rapport entre les agents de la Justice et son Ministère (hormis la manifestation)  ?

2. Le mercredi 30 avril 2014 à 17:31 par Christophe

Je pense avec nostalgie au temps ou le fonctionnaire était payé d’honneurs et de reconnaissances. Il contribuait à la grandeur de son pays, et en se mettant au service du bien public, de l’intérêt général, de l’Histoire, il en obtenait un statut, certes symbolique mais supérieur. On lui donnait les moyens, car ceux-ci enrichissaient tout le pays.

Mais l’offensive néo libérale, avec son dogmatisme financier, a balayé ces valeurs. Plus personne ne songe autrement, jusque dans sa vie sentimentale, qu’en terme économique. Plutôt Meetic que le mariage !
La générosité n’est que perte, irrationalité et manque d’optimisation. La science de la rentabilité à très court terme a chassé tout ce qui se donne, tout ce qui s’offre. Les cœurs sèchent. Les mains se crispent. Il faut faire 17% de profit même du contenu d’une poubelle.

Dés lors, le fonctionnaire, plus payé de rien, montré du doigt comme une vieille chose encombrante onéreuse, se voit laissé et lassé de tout. La grandeur de son monde appartient à un monde révolu dont se moquent les jeunes générations.

S’il n’arrive plus à porter à bout de bras sa mission, privé de moyens, de reconnaissances, de sens, il ne lui restera plus qu’à demander rageusement du fric, de l’oseille, du blé ! Puisqu’il n’y a plus que ça qui compte désormais !

3. Le mercredi 30 avril 2014 à 22:08 par Egidio

@Thoscellem 1

Pour une fois et une seule, je me fais substitut de notre cher Maître Eolas :

1) Le parlement légifère à courte vue en ne prévoyant pas les moyens nécessaires à l’application des lois. Autrement dit, une loi coûte cher, encore faut-il en prévoir le financement ?

2) Le contre pouvoir existe : c’est le syndicat, encore faut-il que les salariés adhérent et cotisent. Or, le discours ambiant est de dénigrer le rôle des syndicats. A peine 20% des salariés sont syndiqués.

Alors, Peuple de France, loue tes citoyens greffiers qui descendent dans la rue. Crois sincèrement que c’est pour ton bien.

4. Le vendredi 2 mai 2014 à 08:25 par christophe

@Egidio
Il y a quand même un cadre à tout ça, la Loi organique de finance, puis les lois de finances, et lois de finance rectificatives, etc. le budget de l’état. Il y a les commissions des finances, les contrôles à priori et à postériori. Les parlementaires peuvent adresser des questions au gouvernement, se faire assister de la cour des comptes, créer des commissions d’enquête, etc.

5. Le lundi 12 mai 2014 à 10:32 par professeurtournesol

“J’ai, salaud parmi les salauds de nantis, fais grève et manifesté aujourd’hui, non pas pour moi, ni pour mes collègues, mais pour mes concitoyens. Et si vous avez des doutes, je ne peux rien y faire si ce n’est vous considérer d’un air désolé, et regretter que ce bien commun, cette maison commune que nous avons, génération après génération, contribué à construire, vous souhaitiez la laisser à l’abandon.”

Lorsque les universitaires ont fait grève contre la loi dite “d’autonomie” des université, on leur a fait le même procès d’intention. Pourtant à l’époque nous disions que l’autonomie n’était que de façade et que les facs allaient vers l’appauvrissement, et que nous n’étions pas sur des revendications salariales. Aujourd’hui plusieurs facs rencontrent d’énormes difficultés budgétaires (à tel point qu’on envisage d’augmenter les droits d’inscription…), mais on pense toujours que nous avons manifesté pour nos petits intérêts corporatistes.

Je vous souhaite bon courage, même si je n’y crois pas vraiment.

6. Le mardi 20 mai 2014 à 14:01 par Cabinet gallet

Merci pour les informations, cet article nous permet de suivre les
actualités juridiques! Bonne continuation

7. Le mardi 20 mai 2014 à 14:02 par Cabinet gallet

Merci pour les informations, cet article nous permet de suivre les
actualités juridiques! Bonne continuation

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