Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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samedi 16 juillet 2011

Pas de gilet pare-balle à la prochaine Gay Pride

Une rumeur court sur les réseaux sociaux ces jours ci, et j’ai beaucoup été interrogé sur la question. La rumeur se résume à cette affirmation : depuis le 1er juillet, la police a le droit d’ouvrir le feu sur des manifestants.

Le juriste que je suis ne peut que froncer les sourcils face à cette affirmation. Non, bien sûr, la police n’a pas le droit d’ouvrir le feu sur les manifestants depuis le 1er juillet.

La Gendarmerie le peut depuis le 28 Germinal an VI (17 avril 1798), date de sa création, et la police depuis le décret-loi du 23 octobre 1935 sur les manifestations publiques. Ces deux corps ont fait un usage plus que modéré de ce droit depuis, et ne semblent guère enclins à vouloir changer leurs habitudes.

La rumeur s’appuie sur un décret n°2011-795 du 30 juin 2011 paru au JO du 1er juillet qui fait la liste des armes pouvant être utilisées pour des opérations de maintien de l’ordre public. Le dernier tableau de ce décret a mis le feu aux poudres, puisqu’il prévoit qu’il peut être fait usage de fusils à répétition de précision de calibre 7,62 × 51 mm et ses munitions, heureuse mention pour l’utilité de l’arme, même si un coup de crosse de FR-F2, ça fait déjà assez mal comme ça.

J’ai bien conscience qu’un texte de loi (au sens large) est souvent abscons et qu’il est difficile voire impossible d’en comprendre le sens sans voir dans quel contexte il s’inscrit, et ce qu’il change par rapport à la situation antérieure. Surtout que là vous allez voir que c’est pas simple. Les juristes sont les premiers à pester face à la chose, car la déconnexion du citoyen et de la loi, qui est l’expression de la volonté générale, est pernicieuse en république. Mais déduire d’un texte qu’on ne comprend pas la solution du pire, qui peut se formuler ainsi : “le gouvernement se prépare à faire de chaque manifestation un bain de sang digne de la Syrie, la preuve est au Journal Officiel de la République” est remplacer l’esprit critique par la paranoïa pure et simple. Un peu de sérieux quand on parle de la chose publique n’est pas superflu.

Qu’en est-il réellement ?

En fait, ce n’est pas un, mais deux décrets qui sont parus le même jour au JO : le décret n°2011-795 dont on a déjà parlé et le 2011-794 qui est le plus important, et n’a donc naturellement attiré l’attention de personne (il suffisait pourtant de le lire pour comprendre que la rumeur du bain de sang ne tenait pas, ce qui me laisse croire que quelqu’un a eu une lecture très sélective du JO). Ce dernier décret modifie la partie réglementaire (c’est à dire constituée de textes relevant du pouvoir réglementaire du Gouvernement, donc de décrets et non de lois) du Code pénal, et ces deux décrets sont des décrets d’application d’une loi n°2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Reprenons tout ça dans l’ordre.

La loi du 3 août 2009 a transféré la Gendarmerie nationale du ministère de la défense, maison de tout les militaires, au ministère de l’intérieur, maison de tout ce qui porte képi, tout en laissant à la vieille dame son statut militaire.

Le projet de loi initial était fort court (10 articles), puisque l’essentiel de la paperasserie relevait ensuite du pouvoir réglementaire.

Lors de la première discussion devant le Sénat, les parlementaires se sont avisés qu’une des missions de la gendarmerie est le maintien de l’ordre (la plupart du temps, les CRS que vous traitez de SS comme vos grand-parents ont fait en mai 68 sont des gendarmes mobiles, que vous outragez ainsi doublement en les traitant de policiers). Or la loi supprimant la réquisition légale,c’est à dire la nécessité d’un ordre écrit pour que la gendarmerie emploie la force (la police nationale n’ayant besoin que d’un ordre verbal), les sénateurs ont estimé, à raison à mon sens, que ce faible encadrement par la loi n’était pas conforme à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils ont donc voté un article 2bis renvoyant à un décret les modalités d’autorisation de l’emploi de la force.

L’assemblée nationale a supprimé cet article lors de l’examen en commission, mais il est réapparu en Commission mixte paritaire sous une forme plus détaillée (c’est l’article 2bis).

La loi du 3 août contenait donc un article 5 (les articles sont renumérotés une fois la loi adoptée pour supprimer les bis) modifiant l’article 431-3 du Code pénal, article prévoyant les formalités préalables à l’emploi de la force : trois sommations de se disperser pacifiquement non suivies d’effets, par des autorités déterminées arborant les insignes de leurs fonctions. Et prévoit deux cas où ces sommations ne sont pas nécessaires : violences ou voies de fait exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent.

Cet article se termine par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

Les modalités d’application des alinéas précédents sont précisées par décret en Conseil d’État, qui détermine également les insignes que doivent porter les personnes mentionnées au deuxième alinéa et les conditions d’usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre public.

Vous avez compris, ce sont ces décrets qui sont parus le 1er juillet 2011.

Le premier rajoute des articles R.431-3 et R.431-4 au Code pénal qui n’existaient pas auparavant et précisent, comme l’exigeait le législateur, les conditions d’emploi de la force. Avant, ces précisions n’existaient pas, seule comptait l’appréciation de l’autorité civile présente (le préfet ou son délégué, concrètement), ce qui était un peu léger au regard de la Convention européenne des droits de l’homme (art.2, droit à la vie).

Désormais, la loi précise (art. 431-3 du Code pénal issu du décret n°2011-794, article 2) :

I- L’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre public dans les conditions définies par l’article 431-3. La force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser et doit prendre fin lorsque celui-ci a cessé.

Oui, ce texte figure tel quel dans le même JO que le décret sur les armes, mais n’a pas eu l’heur de retenir l’attention des sonneurs de tocsin.

Le même article précise (les précisions entre parenthèses sont de moi) :

II. ― Hors les deux cas prévus au quatrième alinéa de l’article 431-3 (violences exercées sur les forces de l’ordre, défense du terrain tenu), les représentants de la force publique ne peuvent faire usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre public que sur ordre exprès des autorités habilitées à décider de l’emploi de la force dans des conditions définies à l’article R. 431-4.

Cet ordre est transmis par tout moyen permettant d’en assurer la matérialité et la traçabilité.

Histoire de trouver le responsable pour rechercher sa responsabilité pénale si nécessaire.

« III. ― Pour les forces armées mentionnées aux 1° et 3° de l’article L. 3211-1 du code de la défense, (armée de terre, marine, armée de l’air, groupes interarmes, bref tout le monde sauf les gendarmes), l’ordre exprès mentionné au II prend la forme d’une réquisition spéciale écrite délivrée par les autorités mentionnées à l’article R. 431-4.

La réquisition écrite a été abrogée par la loi du 3 août pour la gendarmerie. Elle demeure pour l’armée.

Et voilà le cœur du sujet :

« IV. ― Hors les deux cas prévus au quatrième alinéa de l’article 431-3 (violences exercées sur les forces de l’ordre, défense du terrain tenu), les armes à feu susceptibles d’être utilisées pour le maintien de l’ordre public sont les grenades principalement à effet de souffle et leurs lanceurs entrant dans le champ d’application de l’article 2 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 (décret établissant la classification des armes entre les 7 catégories) et autorisés par arrêté du Premier ministre.

« V. ― Sans préjudice des articles 122-5 (légitime défense) et 122-7 (état de nécessité), peuvent être utilisées dans les deux cas prévus au quatrième alinéa de l’article 431-3 (violences exercées sur les forces de l’ordre, défense du terrain tenu), outre les armes mentionnées au IV (grenades à effet de souffle), les armes à feu de 1re et de 4e catégorie adaptées au maintien de l’ordre correspondant aux conditions de ce quatrième alinéa, entrant dans le champ d’application de l’article 2 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 et autorisées par arrêté du Premier ministre. »

Le fameux décret n°2011-795 se contente de dire de quelle arme on peut faire usage dans ce dernier cas :

En application du V de l’article R. 431-3 du code pénal, outre les armes à feu prévues à l’article précédent, est susceptible d’être utilisée pour le maintien de l’ordre public, à titre de riposte en cas d’ouverture du feu sur les représentants de la force publique, celle mentionnée ci-après : Fusil à répétition de précision de calibre 7,62 × 51 mm et ses munitions.

Traduction : les armes à balles réelles sont réservées pour la légitime défense, l’état de nécessité, et la riposte à des tirs sur les représentants de la force publique, trois situations très analogues au demeurant. En aucun cas les forces de police ou de gendarmerie n’ont le droit de tirer à balles réelles sur un attroupement si des coups de feu ne sont pas tirés vers elles depuis cet attroupement.

J’ajoute que les armes de 6e catégorie (matraques, triques, tonfas, pulvérisateurs de gaz lacrymogène) sont autorisées dès le premier stade de l’emploi de la force, ces décrets ne réglementant que les armes à feu, qui incluent les grenades à déflagration.

En conclusion, vous pouvez aller manifester en paix le 1er mai prochain, le JO vous protège. Et n’oubliez pas mes recommandations : rentrez chez vous dès la 1e sommation d’obéissance à la loi que vous entendez (ou à la première fusée rouge que vous voyez tirée par les forces de l’ordre) ; ne lancez ni pierre ni pavé ni cocktail molotov sur les forces de l’ordre ; ne tentez pas de forcer le passage, surtout si c’est vers l’Élysée, un ministère ou une Assemblée parlementaire, et n’ouvrez pas le feu sur les forces de l’ordre. En suivant ces conseils avisés, vous devriez pouvoir passer une bonne journée insurrectionnelle et être rentrés chez vous à temps pour Question pour un Champion. Sinon, selon votre situation, Jaddo ou moi-même nous ferons un devoir de mettre notre art à votre service.

vendredi 4 juin 2010

Renatus

Cette année, le barreau de Paris fête une date importante, qui a par ricochet une importance certaine pour tous les avocats de France : le bicentenaire de son rétablissement par le décret impérial du 14 décembre 1810.

L’Ordre des avocats, et avec lui la profession d’avocat elle-même, avait en effet été supprimée par l’assemblée Constituante par la loi des 16 août et 2 septembre 1790 (qui abolissait les corporations d’ancien régime, dont l’ordre faisait partie), pour des raisons qui restent assez mystérieuses pour les historiens, puisque les avocats étaient majoritaires au sein de cette assemblée (165 sur 300 députés). Le rapporteur de la loi était lui-même avocat (le lyonnais Bergasse) et de fait, les comptes-rendus des débats nous apprennent que l’unanimité des avocats de l’assemblée ont voté cette loi, sauf un : le député de l’Artois Maximilien Robespierre.

Toute partie aura le droit de plaider sa cause elle-même, si elle le juge convenable et afin que le ministère des avocats soit aussi libre qu’il doit l’être, les avocats cesseront de de former une corporation ou un ordre, et tout citoyen ayant fait les études et subi les examens nécessaires, pourra exercer cette profession : il ne sera plus tenu de répondre de sa conduite qu’à la loi.

(Rapport du député Bergasse, cité dans Histoire des avocats en France, Bernard Sur, Ed. Dalloz, 1997, qui a largement inspiré ce billet).

Apparaissent à la place de la profession d’avocat les défenseurs officieux, et est créée la profession d’avoué, qui représente, rédige les actes et plaide devant la juridiction à laquelle ils sont attachés. Elle ne sera pas supprimée lors du rétablissement de l’Ordre, malgré les protestations des avocats. Les avoués près les tribunaux de grande instance seront supprimés en 1971 et la suppression des avoués d’appel est sur les rails et devrait devenir effective en 2011, ces deux professions fusionnant avec les avocats.

Les avoués sont les héritiers des procureurs d’ancien régime, qui étaient clercs (alors que les avocats étaient laïcs) et plaidaient principalement devant les juridictions ecclésiastiques où la procédure était écrite, tandis que l’avocat plaidait devant les juridictions séculières à la procédure orale, d’où la séparation des tâches : l’avoué rédige les placets et les conclusions, et l’avocat les plaide. En Espagne, les avoués existent encore et s’appellent… procuradores.

Paradoxalement, 1790, année de la suppression de la profession sera aussi celle de la naissance de la profession d’avocat moderne. La Révolution a en effet profondément modifié l’organisation de la justice, réforme dont les principes sont encore en vigueur aujourd’hui : instauration d’une justice de paix pour les petits litiges, devenue les tribunaux d’instance et de proximité. En Belgique, elle porte encore ce nom. Création de 545 tribunaux de première instance (devenus 157 tribunaux de grande instance, une fois la réforme de la carte judiciaire entrée en vigueur), l’appel se faisant d’un tribunal à l’autre, des tribunaux de commerce, héritiers des juges consulaires du Chancelier de l’Hospital, des tribunaux criminels, avec jury criminel, ancêtre des cours d’assises, et du Tribunal de cassation, qui deviendra Cour sous l’Empire.

L’instauration des tribunaux criminels, avec jury (douze citoyens mâles, délibérants hors la présence du juge sur la seule culpabilité, la peine étant prononcée par le juge seul) et loi de procédure unique pour toute la France qui prévoit le droit à un défenseur, est la naissance de la défense pénale moderne. Et très vite, ce sont les anciens avocats qui vont assurer la défense devant cette juridiction. Et face aux dérives des défenseurs officieux qui ne se caractérisaient pas par leur probité, ceux-ci vont fonder un groupe informel, “les avocats du Marais”, du nom du quartier où ils étaient établis (3e et 4e arrdt de Paris), instaurant entre eux une déontologie rigoureuse. Leurs noms sont entrés dans l’Histoire : Berryer père, Bonnet, Bellart, Target, Férey, dont nous reparlerons, Delamalle, Chauveau-Lagarde, De Sèze, Billecoq, Théloriern Tronson du Coudray, défenseur de la Reine, qui sera arrêté aussitôt sa plaidoirie terminée et déporté en Guyane pour avoir trop bien défendu sa cliente. Ils organisent aussi des cours privés pour former leurs successeurs, l’Université ayant aussi été abolie. C’est l’ancêtre des Centre Régionaux de Formation des Avocats.

Le premier grand procès pénal sera celui de Louis XVI, qui fera appel à Tronchet, dernier Bâtonnier des avocats en 1790, Malesherbes, qui sortira de sa retraite pour défendre le roi, sachant que cela pourrait lui coûter la vie (et de fait il fut condamné à mort sous la Terreur) et de Sèze.

L’heure de gloire des avocats du Marais sera l’heure la plus sombre de la Révolution : le Tribunal Révolutionnaire, créé par le décret du 13 mars 1793, qui précise que la défense y est “autorisée”. Les audiences sont publiques, et le public est souvent surexcité et en armes. Les avocats sont convoqués le matin du procès, à l’aube, pour une audience ouverte à douze heures, une éventuelle sentence de mort étant exécutée dans la foulée, l’avocat devant accompagner son client jusqu’à la Place de Grève (place de l’Hôtel de Ville, ce qui tombait bien, c’était sur son chemin pour rentrer au Marais).

En 1794, Fouquier-Tinville, l’accusateur public, en ayant assez de ces avocats qui plaidaient trop bien, exige qu’ils présentent un certificat de civisme pour pouvoir plaider. Sachant que si ce certificat leur était refusé, c’était la mort assurée en vertu de la loi des Suspects. Une loi du 11 juin 1794 prévoit que désormais, c’est le Tribunal lui-même qui désignera les défenseurs parmi des “patriotes”. Comme disait Couthon, membre du comité de salut public (dont le fauteuil roulant est conservé au musée Carnavalet), il est inconcevable que tyrans et conspirateurs puissent obtenir un défenseur qui se permette de les justifier et de critiquer la Révolution ; ces “mercenaires” doivent être interdits. Il finira par admettre son erreur deux mois plus tard, quand lors du9 Thermidor, il sera arrêté aux côtés de Robespierre et Saint-Just, et immédiatement conduits à la guillotine, sans avoir droit à un défenseur. Déjà, on voyait apparaître ce travers du législateur qui trouve toujours saugrenue l’idée qu’on lui applique la loi qu’il vote.

Le Directoire sera une période d’apaisement et dès 1795, les “avocats défenseurs” reprennent leur office (ils étaient 305), et les avoués, interdits aussi sous la Terreur, sont rétablis. Les avoués sont attachés à un ressort, pas les avocats.

L’Empire mettra fin à la Révolution, mais la réorganisation de la République ne verra pas tout de suite le rétablissement des avocats (la profession est rétablie par la loi du 13 mars 1804, dans la foulée de l’entrée en vigueur du Code civil). Napoléon, comme de manière générale tous les monarques jaloux de leur pouvoir, détestait les avocats, dont nombre d’entre eux critiquaient durement la politique autoritaire de l’empereur, comme le duo Bellart et Bonnet, qui défendit avec brio Cadoudal devant le tribunal d’exception qu’il avait créé pour le juger (vieille tradition reprise par le général de Gaulle), qu’il avait voulu pour ce fait envoyer au bagne de Cayenne. Quand son ministre Cambacérès lui soumit un projet de décret rétablissant l’Ordre des avocats, il annota dessus : « Tant que j’aurai l’épée au côté, jamais je ne signerai un pareil décret. je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s’en sert contre le gouvernement ». Mais s’il les détestait, l’Empereur savait reconnaître leurs mérites : ce sont quatre avocats qui rédigèrent le Code civil, dont le Bâtonnier Tronchet, le défenseur de Louis XVI.

Le seul avocat qui trouva grâce à ses yeux fut Férey, qui gagna même l’amitié de l’Empereur (ce fut le seul avocat à recevoir sous l’Empire la Légion d’Honneur ; la chose s’est depuis banalisée). Et Férey fut un avocat rusé jusqu’au bout. À sa mort en 1807, il légua sa bibliothèque à “l’Ordre des Avocats”. Ce legs devait être validé par décret, ce qui était tout sauf évident puisque l’Ordre des avocats n’avait pas d’existence juridique. Pourtant, par attachement à son ami, l’Empereur signa le décret, reconnaissant implicitement l’existence d’un tel Ordre. Et comme l’Empereur aimait l’ordre faute d’aimer l’Ordre, il lui fallut bien se résoudre à l’organiser. Ce sera fait par un décret du 14 décembre 1810, mais à quelles conditions ! Amis magistrats, cela va vous faire rêver.

Le tableau des avocats est dressé par le Procureur Général est approuvé par le Garde des Sceaux (Camabacérès). La totalité du Conseil de l’Ordre est désigné par le Procureur Général. L’avocat ne peut plaider que dans son ressort. Ils doivent prêter serment de fidélité à l’Empereur. Les décisions du Conseil de l’Ordre peuvent être portées en appel devant la cour d’appel (règle encore en vigueur), et le Garde des Sceaux a un pouvoir de sanction directe.Enfin, les avocats doivent mentionner leurs honoraires au pied des actes (Une ordonnance de Blois avait tenté d’imposer cette règle en 1602, provoquant la première grève des avocats).

C’est dit-on de ces années terribles que les avocats ont hérité leur passion pour la liberté, qui transcende leurs opinions politiques ou philosophiques.

Delamalle devient le premier Bâtonnier de l’Ordre recréé, Bellart et Bonnet siégeant au premier Conseil de l’ordre (ce qui convenons-en est une meilleure villégiature que le bagne). La première décision du Conseil est de rétablir le Bureau de Consultation gratuite pour les pauvres et la Conférence du Stage, ancêtre de l’actuelle Conférence. Celle-ci se réunira dans la Bibliothèque de l’Ordre, constituée avec le fonds légué par Férey et 2000 ouvrages de l’Ordre aboli en 1790 et retrouvés conservés à l’Arsenal. Aujourd’hui encore, c’est dans la Bibliothèque de l’Ordre que se réunit la Conférence pour le concours d’éloquence qui désigne ses douze membres. Le 2 juillet 1812, l’Ordre obtient le rétablissement du monopole de la plaidoirie, au détriment des avoués, qui perdure encore aujourd’hui, sauf pour les incidents et au pénal, encore qu’on les y voit rarement (et encore plus rarement l’année prochaine…).

Alors, comme on n’a pas tous les jours 200 ans, trinquons virtuellement pour la seule profession qui a obtenu son rétablissement de celui qui voulait sa mort, et qui depuis deux siècles se fait une joie d’être un caillou dans la chaussure de ceux qui veulent nous mener où ils veulent et non où nous voulons, qui se fait un honneur d’être le dernier soutien de ceux qui n’en ont plus, d’être aux côtés des pauvres, des sales, des aubains, des abimés de la vie, des petits truands ou des grands malfrats, pour rappeler qu’avant tout, ce sont des êtres humains, ce sont nos semblables.

Champagne.

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