Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 2 juin 2009

Éric Besson se prend une claque devant le tribunal administratif de Paris

…Et encore, on n'en est qu'au référé.

Il s'agit bien sûr du marché des centres de rétention.

Résumé des épisodes précédents.

L'article L.553-6 du CESEDA prévoit que les étrangers maintenus en rétention bénéficient d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits (et préparer leur départ ajoute le texte, très cyniquement). L'article R. 553-14 (qui est le décret d'application de l'article L.553-6, le dernier décret en date étant du 22 août 2008) précise que

Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, l'Etat passe une convention avec une association à caractère national ayant pour objet d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. L'association assure à cette fin, dans chaque centre des prestations d'information, par l'organisation de permanences et la mise à disposition de documentation. Les étrangers retenus bénéficient de ces prestations sans formalité dans les conditions prévues par le règlement intérieur.

Les étrangers maintenus dans les locaux de rétention mentionnés à l'article R. 551-3 peuvent bénéficier du concours d'une association ayant pour objet d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci, dans des conditions définies par convention.

Depuis 1984, une association, le Comité Inter Mouvements Auprès Des Évacués (Le CIMADE, plus couramment appelé la CIMADE), assure ce service. Des permanents et des bénévoles de l'association assurent une présence quasi quotidienne, dans un local qui leur est réservé, informent les étrangers de leurs droits et le cas échéant les aident à les exercer. Ce dernier point, l'assistance, est crucial : le délai de recours contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) est de 48 heures sans interruption possible et le recours doit être rédigé en français et soulever des arguments de droit pour avoir une chance de prospérer.

La CIMADE fait un excellent travail. Il fallait donc la punir. Le précédent ministre de l'immigration a donc feint de s'offusquer de ce “monopole” durant depuis 25 ans. Et au lieu d'agréer d'autres associations EN PLUS de la CIMADE, il a décidé de fractionner cette convention en huit lots attribués par voie de marché public. Pas d'hypocrisie, soyons clairs : il s'agissait d'écarter la CIMADE dont je le répète personne ne critiquait la qualité du travail, auquel s'ajoutait 25 ans d'expérience.

La CIMADE ne se laisse pas faire. Notons au passage qu'elle a le soutien du GISTI. Autant dire que le ministre de l'immigration a face à lui des juristes de haute volée (Je précise que je n'appartiens à aucune de ces associations ni ne suis leur avocat). La suite le démontrera.

Le 30 octobre 2008, le premier marché est annulé, au motif que le ministre avait sous-estimé le critère de la compétence juridique dans l'attribution du marché (estimé à 15%). C'est un camouflet pour Brice Hortefeux, qui refile le bébé à son successeur Éric Besson.

Un nouveau marché est passé, divisé en huit lots, dont trois sont attribués à la CIMADE. Celle-ci attaque le marché public devant le tribunal administratif de Paris selon la même procédure dite de référé-marché public qu'en octobre 2008. Cette procédure suppose que le marché ne soit pas encore signé et interdit au ministre de signer ce marché pendant un délai de 20 jours. L'audience se tient, est fort longue, et une association, le Collectif Respect dont nous allons reparler, demande un délai pour présenter sa défense. L'audience est renvoyée à quelques jours, au-delà du délai de 20 jours, le juge demandant au ministre de ne pas signer le marché pour permettre à cette audience d'aller à son terme.

Mes lecteurs connaissent la suite : le ministre se précipitera à son bureau le dimanche précédant la deuxième audience pour signer le marché, ce qui privait le juge du pouvoir de juger. Justification officielle : le nouveau marché entrait en vigueur aujourd'hui le 2 juin, il y avait urgence à signer le marché pour les associations. Le fait que ce marché sente l'illégalité à plein nez n'a bien sûr pas été pris en compte pour cette signature dans la précipitation.

Mais vous vous souvenez ? Je vous ai dit que le GISTI avait mis son nez dans cette affaire. Et le Groupement n'est pas tombé de la dernière pluie.

Il avait formé (aux côtés de l'Association des Avocats pour la Défense du Droit des Étrangers et le réseau ELENA) ce qu'on appelle un “ recours TROPIC ”, du nom du grand arrêt du Conseil d'État [Société Tropic Travaux Signalisation du 16 juillet 2007|http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0724.shtml], qui permet à des tiers à un marché public justifiant d'un intérêt à agir de demander l'annulation d'un marché public quand bien même ils n'ont pas eux-même soumissionné à ce marché. Et ce recours, de droit commun, n'est pas affecté par la signature du marché par Éric Besson.

De plus, pour éviter les conséquences très lourdes qu'aurait une annulation prononcée dans plusieurs mois, ce recours Tropic a été accompagné d'un référé-suspension : les trois requérants demandaient au juge administratif de suspendre l'application du marché jusqu'à ce que sa légalité soit jugée. Il faut pour cela qu'il y ait urgence et qu'il existe un moyen sérieux mettant en doute la légalité du marché.

Et le 30 mai 2009, le juge des référés, accessoirement le même magistrat qui s'était vu dessaisi par la signature précipitée du marché, a suspendu le marché des droits de rétention. Bref, la déloyauté du ministre n'a servi à rien, le voici Gros Jean comme devant, avec son marché qui lui pète entre les doigts à 48 heures de son entrée en vigueur.

[Paragraphe mis à jour] : cette ordonnance de référé peut être lue ici(pdf). Le juge considère que la condition d'urgence est remplie car le marché prévoyait que les concurrents au marché devaient remplir une simple mission d'information sans imposer d'assistance juridique (c'est-à-dire que dans l'esprit du ministre, un simple présentoir avec des dépliants « Le recours en excès de pouvoir pour les nuls » et « le contentieux spécial de la reconduite à la frontière en bande dessinée » suffirait), contrairement à ce qu'exige la loi. Et il considère qu'il y a un doute sérieux sur la légalité du marché du fait de cette interprétation très contestable que fait le Ministre de l'immigration etc. des dispositions des articles L. 553-6 et R. 553-14 que j'ai cités ci-dessus (la loi n'exigerait que la mise à disposition de documentation et absolument pas une aide effective à l'exercice des recours) alors que les missions dont parle la loi incluent l'exercice effectif de leur droit à un recours. Le juge relève également les insuffisances manifestes des offres faites par deux candidats : Forum Réfugiés, qui se proposait simplement de mettre en rapport les étrangers avec des avocats ( Y'a les pages jaunes pour ça ; et le week end, ils font comment leur recours dans le délai de 48 heures ?) et le fameux Collectif Respect qui a au moins le mérite de la franchise : il ne proposait rien du tout.

La lecture de l'argumentation du ministère de l'immigration etc. fait froid dans le dos : c'est en tout cynisme la plus importante offensive contre les droits fondamentaux des étrangers en France depuis les lois Pasqua de 1993. Quand je vous dis que souvent, l'avocat doit se battre contre l'État pour défendre le droit, en voilà une sinistre illustration.

La suite des événéments ? Éric Besson a dû parer au plus pressé et, dès son chapeau avalé, va prolonger de trois mois le contrat de la CIMADE pour l'ensemble des centres, conformément au mode d'emploi que lui a donné le juge des référés (page 21 du pdf). Le tribunal administratif va annuler ce marché, c'est couru d'avance. Il y en aura donc un troisième. Soit cette fois le ministre arrête de tricher ou d'essayer d'imposer des candidats fantoches, et accepte le risque que la CIMADE se voit attribuer tous les lots parce que personne ne peut proposer mieux qu'elle. Soit il demande et obtient du Patron une loi sur mesure pour parvenir à évincer la CIMADE et mettre n'importe quoi à la place.

Je ne vous cache pas mon pessimisme.

Affaire à suivre.

Et bravo à ces incompétents sans crédibilité du GISTI.

Tribunal administratif de Paris, avec sa devise du jour : “ Judicat et Minister Mergitur ” : Il juge et le ministre coule. Éric Besson, abattu, écoute le jugement qui est rendu. Le juge lit un considérant : “ Considérant qu'en matière de foutage de gueule, le ministre a manifestement excédé ses pouvoirs…”. Le ministre rétorque : “ Même pas vrai ! Je fais appel. ”


Mise à jour 19h20 : j'ai rajouté des liens manquants dans la version initiale, veuillez accepter mes excuses pour cet oubli.


Mise à jour 21h30 : J'ai mis hors ligne le billet pour modifier le paragraphe central. Je vous dois des explications et des excuses. Je voulais absolument faire ce billet aujourd'hui, malgré un agenda très chargé, ce qui n'était pas raisonnable. Du coup, pressé par le temps, j'ai fait une erreur de débutant en lisant trop vite la décision, et en confondant les motifs de l'ordonnance avec la reprise de l'argumentation des requérants. Bref, j'ai cru que le juge parlait alors que c'était le demandeur, d'où une analyse erronée (pas à contre-sens, mais suffisamment erronée pour me faire monter le rouge au front). Mes sincères excuses. La leçon est apprise.

mardi 12 mai 2009

Marché des centres de rétention : la grande classe du ministre

Éric Besson a accompli un exploit de taille : il a réussi à me faire oublier ma chère Rachida avant même qu'elle soit nommée in partibus. Car outre sa capacité à nier la réalité et à salir les irréprochables, il sait afficher le même mépris du juge que la belle de Strasbourg (que mille Zwatschgawaajer enchantent sa Mühl).

Je vous avais narré que le marché des centres de rétention, en cours de réattribution dans le but évidant d'empêcher la CIMADE d'avoir cette précieuse vision globale de ce qui s'y passe, avec au passage une association sous-marin de l'UMP qui se retrouve attributaire du marché des centres de rétention les plus ignobles de la République, ceux de l'Outre-mer, était soumis au juge administratif de Paris.

La procédure de contestation d'un marché public se fait sous la forme d'un référé, c'est à dire d'une procédure en urgence jugée par un juge unique sans rapporteur public, mais qui n'est pas vraiment un référé car le juge statue bien au fond : il annule le marché, il ne prend pas de mesures provisoires jusqu'à ce que la formation normale du tribunal (qui est collégiale : trois juges plus un rapporteur public) statue.

La loi prévoit un délai maximum de 20 jours pour que le juge statue. Il peut pendant ce délai enjoindre le ministre de ne pas signer l'attribution du marché le temps pour lui de statuer; C'est ce qu'a fait le juge administratif de Paris.

Hélas, à l'audience du 6 mai dernier, des pièces et arguments produits à la dernière minute ont contraint le juge à différer sa décision : il ne pouvait pas statuer sans que lui et les parties aient pris connaissance de ces éléments le fameux Collectif Respect a estimé que sa mise en cause était tardive et a demandé un délai (Le récit complet de l'audience se trouve sur le blog de Serge Slama). Ce qui a contraint le juge à reporter la suite de l'examen de cette affaire au-delà du délai de 20 jours, à l'audience de mercredi 13 mai. Le juge a donc demandé au ministre d'attendre encore un peu, afin d'éviter le risque qu'un marché illégal ne soit signé (car la signature du marché le rend définitif, le juge perd son pouvoir de statuer).

Que croyez-vous qu'il arriva ?

Le ministre est revenu à son bureau un dimanche pour signer le marché avant que le juge ne puisse rendre sa décision. Si ça, c'est pas la grande classe…

Oh, oui, c'est tout à fait légal (quoique le droit à un recours effectif garantie par la CSDH me paraît quelque peu mis à mal). Le délai de 20 jours était passé. Le ministre pouvait légalement signer. Il demeure qu'il n'y avait aucune urgence à signer ce marché un dimanche, puisque le service de soutien juridique est effectivement assuré dans les centres de rétention, par la CIMADE. Le seul intérêt de la manœuvre est d'empêcher le juge de statuer sur la légalité de ce marché, qui était pour le moins douteuse (une association qui postulait a bénéficié d'une grosse subvention qui lui a permis de financer sa candidature, une autre a été créée par un chargé de mission du ministère qui attribue le marché…). Quitte à lui aire un bras d'honneur au passage. Comme disait ma grand-mère, une sainte femme, c'est quand on n'a pas le cul propre qu'on a hâte de se torcher.

Là, je voudrais m'adresser à ceux de mes lecteurs qui ne partagent pas mon combat en faveur du droit des étrangers. Je respecte votre opinion favorable à une politique de fermeté, fût-elle même implacable pour les plus rigoureux d'entre vous, quand bien même j'estime qu'elle repose sur des prémices fausses, et à condition qu'elle ne serve pas de cache-sexe à de la pure xénophobie. Mais il ne s'agit même pas ici de savoir quelle politique doit être appliquée. Trouvez-vous normal et acceptable qu'un ministre méprise ainsi la demande d'un juge (qui statue au nom du peuple français, cela figure sur tous ses jugements) pour signer un marché très probablement illégal, favorisant une association fantoche visiblement inféodée au pouvoir, dans le but d'écarter une association trop insoumise et critique qui fait pourtant remarquablement bien son travail depuis plus de 20 ans ? La politique de fermeté que vous approuvez justifie-t-elle qu'on foule au pied ainsi le respect dû au juge ? Peut-on dire que c'était légal de signer pour justifier la signature d'un marché illégal ? La fin que vous approuvez justifie-t-elle ces moyens fort peu républicains ? Faudra-t-il que la République sacrifie jusqu'à son âme pour pouvoir remplir des quotas de reconduites ?

Effets de manche, exagération d'un avocat qui plaide sa cause, direz-vous. Vraiment ?

Écoutez donc bien cet extrait du journal de 8 heures sur France Inter ce matin. La journaliste vient de parler de cette affaire et conclut en soulignant l'escalade verbale sans précédent qui oppose le ministre aux associations (le GISTI traitant Éric Besson de menteur, et la CIMADE qualifiant cette signature de “ méthode de voyou ”, et dans les deux cas j'ai du mal à leur donner tort ; Brice Hortefeux était un ministre d'une autre envergure, quelle que soit mon désaccord avec la politique qu'il a menée). Écoutez bien ce qu'elle révèle, l'air de ne pas y toucher.

Alors ? Votre soutien à cette politique couvre-t-il aussi les démarches auprès des médias pour censurer leur contenu ? J'ose espérer que sur ce coup là, nous serons dans le même camp.

Allez, puisqu'il faut savoir rire de tout :

Salle d'audience du tribunal administratif de Paris, la même que celle du dessin illustrant l'annonce de la suspension de la signature sous un précédent billet. Le juge a disparu, son siège étant monté sur ressort et quelqu'un ayant déclenché le mécanisme d'éjection. Éric Besson fait face au requérant, à présent bien seul, et lui dit : « J'ai fait reconduire le juge aux frontières de la légalité. Pour l'occasion, la devise du tribunal a été modifiée : « Judicat quando Sinunt » : Il juge quand on le laisse faire.

mardi 28 avril 2009

Le marché des Centres de rétention à nouveau suspendu

Première victoire pour la CIMADE[1] dans la deuxième bataille du marché des centres de rétention : le tribunal administratif de Paris vient d'enjoindre au ministre du pipeau et du drapeau de ne pas signer les attributions des lots le temps pour le juge administratif d'examiner la légalité de cette passation de marché.

La loi impose en effet la présence dans les centres de rétention d'intervenants extérieurs pour assurer, de manière impartiale, l'information des étrangers sur leurs droits et le cas échéant leur permettre de former les recours auxquels ils ont droit, et surveiller les conditions de rétention. Jusqu'à présent, le Comité Inter Mouvements Auprès Des Evacués était la seule association autorisée à intervenir dans les Centres de Rétention. Elle remplissait ce rôle sans qu'aucun reproche ne puisse lui être fait : les permanences sont tenues, les bénévoles sont compétents et disponibles et ils sont souvent les intermédiaires des avocats pour la transmission des documents. Et son rapport annuel dénonçait régulièrement la situation déplorable dans les Centres de Rétention.

Face à cela, le Gouvernement pouvait débloquer les moyens pour faire des Centres de rétention des lieux conformes aux valeurs de la République, ou faire taire la CIMADE. C'est naturellement cette deuxième option qui a été choisie, et le M3I a décidé de diviser le marché des Centres de Rétention en huit lots et de les soumettre à un appel d'offres, selon le principe du diviser pour régner. Le premier marché a été annulé en octobre dernier par un référé exercé par ces gros nuls du GISTI, et le nouveau ministre a repris le dossier et fait un nouvel appel d'offres.

Qui a abouti à l'annonce de la répartition des huit lots entre la CIMADE (Lot 1 : Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse et Hendaye ; Lot 4 : Nîmes, Perpignan et Sète ; et Lot 6 : Mesnil-Amelot 1, 2 et 3, c'est-à-dire tout Roissy), l'Ordre de Malte (Lot 2 : Lille 1 et 2, Metz, Geispolsheim), le Forum Réfugié (Lot 3 : Lyon, Marseille et Nice), France Terre d'Asile (Lot 7 : Palaiseau, Plaisir, Coquelles et Rouen-Oissel), l'Association Service Social FAmilial Migrants (Lot 8 : Bobigny et Paris) et pour l'Outre-Mer (Lot 5, un des plus délicats, voyez ceci pour mémoire — la 2e vidéo), le Collectif Respect.

C'est sur ce dernier point que le bât blesse le plus. Le Collectif Respect, personne n'en avait jamais entendu parler. Leur site est pour le moins indigent, leur devise ambiguë (“ Respect à ceux qui, par la force de l'intelligence, refusent l'esclavage de la violence”), et une rapide recherche a permis de découvrir que ce collectif a été créé et présidé jusqu'en janvier 2008 par un membre de l'UMP, chargé de mission du ministère de l’Immigration qui représenté le ministère comme expert dans deux colloques internationaux en 2008. L'actuelle coordinatrice figurait sur la liste conduite par François Copé aux régionales de 2004 en Île de France. Ajoutons à cela l'absence totale de transparence de l'association (la coordinatrice ne sait même pas si le Collectif Respect emploie des salariés, les comptes ne sont pas publiés). Voyez le billet accablant de Serge Slama sur son blog (full disclosure : Serge Slama est membre du GISTI). Quand même. Le ministère du pipeau aurait pu faire un effort pour que ça ne se voit pas trop, quand même.

Bref, ce nouveau marché public semble aussi mal engagé que le précédent ; en tout cas le juge administratif a décidé de prendre le temps de regarder ça de plus près. Je vous tiens au courant.

Salle d'audience du tribunal administratif de Paris. Sur un mur, trône fièrement la devise (inventée) du tribunal : Judicat Nec Mergitur (Il juge mais ne coule pas). Sur le bureau —vide, c'est un référé— du rapporteur public est affiché un permis de démolir. Eric Besson, tout penaud, écoute le juge lire sa décision. Dans une main, il a un drapeau tricolore et son nez, comme celui de Pinochio, a visiblement poussé au-delà du raisonnable — même pour un homme politique. Le juge déclare : “Considérant qu'en matière de marchés publics, la crédibilité du ministre est proche de zéro…”

Notes

[1] On devrait dire LE CIMADE puisqu'il s'agit du Comité Inter Mouvement Auprès Des Évacués, mais la sonorité de l'acronyme a fait que l'usage est d'utiliser le féminin, en sous entendant “l'association CIMADE”.

jeudi 4 décembre 2008

Des képis dans le préau

Je vous parlerai un peu plus longuement des opérations anti-drogue dans des collèges du Gers qui font couler beaucoup de pixels sur les blogs. Je n'ai pas le temps de faire un billet complet, et je ne trouve guère d'éléments factuels, les récits des témoins étant contestés par les gendarmes.

Mais beaucoup de personnes se disent choquées, à tout le moins dérangées, que la police —en l'espèce la gendarmerie— puisse faire ainsi irruption dans un collège.

Mais il y a mieux.

Le 24 novembre 2008, à 15h45, Monsieur Kurtishji, accompagné de deux policiers en civil, est venu chercher trois de ses quatre enfants (un scolarisé en primaire, deux en maternelle), en pleine classe, pour «un rendez-vous en préfecture», ont compris les enseignants.

«A 19h, on apprenait que la famille au complet était au centre de rétention de Lyon», rapporte une militante du Réseau éducation sans frontières de l'Isère. Prévenus, les permanents de la Cimade, seule association autorisée à entrer dans les centres de rétention, ont cherché les Kurtishji, sans succès. Dès le mardi matin, la famille avait été expulsée vers l'Allemagne, porte par laquelle elle était entrée en Europe.

Nous sommes donc en présence d'un demandeur d'asile, d'origine albanaise semble-t-il, qui est entré dans l'espace Schengen par l'Allemagne. Les Albanais fuient généralement des vendettas, des dettes de sang où pour venger un mort, on assassine quelqu'un de la famille ennemie, qui à son tour devra le venger, et ainsi de suite.

Les accords de Schengen prévoient dans ces cas là que la demande d'asile doit être examinée par le pays d'entrée dans l'espace Schengen pour éviter une fraude à l'asile (un demandeur présentant une demande tour à tour dans les 24 pays de l'Espace Shengen, la demande d'asile donnant droit au séjour en vertu de la Convention de Genève ; à ma connaissance, même avant Schengen, une telle hypothèse ne s'est jamais présentée mais on n'est jamais trop parano prudent).

Cette famille a donc été conduite en Allemagne où leur demande sera examinée.Photo AFP/JOEL ROBINE

Alors bien sûr, c'est un départ vers l'Allemagne, pas vers l'Albanie. La famille Kurtishji ne risque rien à son arrivée.

N'empêche. Était-ce à ce point urgent, le risque que cette famille reste malgré tout irrégulièrement en France était-il à ce point intolérable, pour faire débarquer des policiers au milieu de classes de maternelle ? L'élément de surprise s'imposait-il au point d'infliger ce spectacle à des marmots âgés entre 4 et 6 ans, de voir leur copain de classe partir entre deux policiers, comme un criminel, pour ne plus jamais revenir à l'école, sans même pouvoir lui dire au revoir ? C'est ça, qu'on apprend à nos enfants dès la maternelle ?

Avons-nous perdu la raison ?


PS : Merci de donner une leçon de dignité à nos gouvernants en évitant soigneusement toute allusion historique déplacée en commentaire.


Photo AFP/JOEL ROBINE : Dans un couloir de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le 27 octobre 2003.

mercredi 20 février 2008

Les caisses de l'Etat sont vides : c'est la faute des étrangers

"Les caisses de l'Etat sont vides" nous a avoué le président de la République. Ce en quoi il avait tort, puisqu'en réalité elles sont plus que vides, a précisé le ministre du budget.

Et qui les vide ? Les étrangers.

STRASBOURG (AFP) - Un ressortissant ivoirien, dont le visa de touriste pour l'Europe était arrivé à expiration, a été placé en centre de rétention en Alsace alors que, billet d'avion en poche, il s'apprêtait à regagner son pays, a-t-on appris mardi auprès de la Cimade.

(...)

Cette procédure permet aux autorités françaises "de comptabiliser comme expulsé un touriste avec un visa expiré de quelques jours puisque son retour sera payé par la France", a dénoncé pour sa part un responsable régional de la Cimade, service oecuménique d'entraide et seule association présente dans les centres de rétention des étrangers.

Ange Djedje était arrivé le 29 décembre en Italie muni d'un passeport et d'un visa d'un mois. Il s'est ensuite rendu en France où habite sa soeur pour faire des achats en vue de son mariage programmé à Abidjan le 13 février.

La nuit de noce, il l'aura finalement passée dans les geôles de la République.

Lorsqu'il a rejoint en train l'Italie pour prendre son avion muni de son billet, il a été interpellé parce que son visa était périmé. Il a alors été reconduit en Suisse, dernier pays emprunté par son train, puis en France où la préfecture du Doubs a décidé de le faire conduire au centre de rétention interrégional de Geispolsheim, près de Strasbourg.

Oui, vous avez bien lu. Il a été arrêté en Italie où il allait prendre son avion, puis ramené en France pour être placé en rétention administrative, privé de liberté, donc, en attendant d'être reconduit à la frontière vers la Côte d'ivoire. Je rends hommage au passage au juge des libertés et de la détention qui a ordonné le maintien de ce monsieur en rétention pour quinze jours, de peur sans doute qu'il ne profite d'une éventuelle remise en liberté pour aller prendre son avion pour Abidjan avant d'être dûment reconduit à la frontière.

Interrogé par l'AFP, la préfecture du Doubs n'a pas souhaité commenter ce dossier.

Sans blague ?

Selon M. Djedje, elle lui a fait savoir qu'il partirait pour Abidjan le 25 février, avec un billet réglé par les autorités françaises. "Les caisses sont vides en France, pourquoi tout ce gâchis?", s'est-il interrogé.

Pour info, un aller simple pour Abidjan pour le 25 février coûte 3077 euros.

Avec une escorte de deux policiers, ajoutez deux aller-retours (je vous fais cadeau de la nuit d'hôtel) :

Grand total pour le contribuable : 11 483,38 euros. Si ça vous parle mieux en francs : 75 326,03 francs.

Pour un type qui allait prendre son avion en Italie pour rentrer chez lui.

MAIS ça fait un bâton dans la case "reconduite à la frontière" : et ça, pour un préfet, ça n'a pas de prix. Surtout que ce n'est pas lui qui paye.

Et le premier ministre a indiqué que les objectifs de reconduite, pour 2008, étaient montés à 26 000.

A vos chéquiers, amis contribuables. Le pouvoir d'achat attendra.


Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article. 15. -

La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.


Il serait peut être temps, non ?

Sur le même sujet : la machine folle.

[Via Econoclaste]

lundi 28 août 2006

Il est de retour

Où l'auteur signale son retour et fait le point sur ce qui lui tient à coeur.

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vendredi 5 mai 2006

Acceptons les étrangers à ce blog

Je recopie ci-joint un commentaire laissé sous "Bienvenue en France" par un bénévole qui intervient en ZAPI. Un autre point de vue, de l'intérieur, par quelqu'un qui y est confronté plus souvent et bien moins superficiellement que votre serviteur, qui fréquente plus les prétoires. J'y ai inséré quelques commentaires, en gras. Merci à lui en tout cas de ce témoignage, qui complète fort bien mon billet.

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