Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 19 avril 2007

Affaire "Radiateur" : le délibéré

Le tribunal correctionnel de Saint Nazaire a rendu son jugement dans l'affaire "Radiateur". Les deux prévenus, "Radiateur" lui-même et le directeur de la publication du site Actuchômage ont été déclaré coupables et condamnés tous les deux à 500 euros d'amende avec sursis. Cela signifie que si dans les cinq ans qui viennent, ils ne sont pas condamnés à nouveau à une peine délictuelle, cette condamnation sera réputée non avenue ; dans la cas contraire, ils devront payer l'amende en plus de la peine qui sera prononcée à cette occasion.

Je n'ai pas encore les motifs de la décision, mais Actuchômage devrait les publier. J'en ferai le commentaire le moment venu, cette affaire posant des questions intéressantes sur la responsabilité des éditeurs de site pouvant s'appliquer aux blogueurs.

Le directeur de la publication d'Actuchômage envisage de faire appel ; il a dix jours pour cela.

Piqûre de rappel : j'avais traité l'affaire Radiateur ici.

mardi 20 mars 2007

Agenda

Quelques dates susceptibles d'intéresser mes lecteurs, et qui entraîneront des billets idoines en leur temps :

  • 21 mars 2007 : Conseil de prud'hommes de Paris.

Procès de Petite Anglaise contre son ancien employeur. Données du litige ici.

27 rue Louis Blanc, PAris 10e, M° Louis Blanc, section Activités Diverses, premier étage, je crois (vérifiez sur les panneaux près des ascenseurs, puis cherchez sur les listes d'affaires affichées aux portes des salles d'audience le cabinet Dixon Wilson comme défendeur).

  • 22 mars 2007 : 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.

Délibéré dans l'affaire Charlie Hebdo et des caricatures.

6 Boulevard du Palais, Paris 1er ; Métro Cité ou Chatelet ; escalier B, premier étage, porte à gauche en haut de l'escalier : suivez les nombreuses caméras de télévision.

  • 17 avril 2007 : Tribunal correctionnel de Saint Nazaire.

Délibéré dans l'affaire "Radiateur".

77 rue Albert de Mun, demandez à l'accueil.

Le printemps s'annonce chaud. Les nouvelles fraîches seront ici.

vendredi 29 décembre 2006

L'affaire "Radiateur", ou la responsabilité d'un webmestre du fait d'un commentaire.

Le 6 mars prochain, le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire aura à étudier une affaire très intéressante de responsabilité d'un webmestre du fait d'un commentaire laissé par une tierce personne, dont la solution pourra sans difficulté se transposer aux blogues, à une réserve près toutefois, que j'aborderai tout à l'heure.

Les faits en eux même sont simples.

L'association "Alternatives Pour une Nouvelle Économie de l'Emploi" (APNÉE) a été créée en 2004 en vue d'aider et soutenir des chômeurs tant dans leur recherche d'emploi que dans leur parcours administratif vis à vis de l'Assurance chômage que de l'ANPE.

Elle a créé à cette fin le site Actuchomage. Ce site n'est pas un blogue à proprement parler, mais y ressemble, en ce qu'il publie des billets d'actualité, de conseils et de témoignage qui peuvent être commentés à l'instar des billets d'un blogue comme celui que vous me faites l'honneur de lire en ce moment.

Pour mémoire, courant janvier 2006, plusieurs agences de l'ANPE ont été détruites ou endommagées par des incendies criminels.

Le 27 janvier 2006, Christophe T., agent de l'ANPE mécontent des consignes qu'il dit avoir reçu de sa hiérarchie visant à augmenter le nombre de radiations des listes de chômeurs afin de permettre au gouvernement de présenter à peu de frais de bons chiffres pour le chômage, laisse sous un billet d'Actuchômage un commentaire signé « Radiateur » et ainsi rédigé :

le feu à l'anpe, j'informe les enervés qui crament les anpe qu'il en reste encore : donc suivez le guide :

(suivent les coordonnées de l'agence de Saint-Nazaire où il exerçait)

Qui sème la misère récolte la colère. Les mots ne sont jamais trop forts quand il s'agit de qualifier le traitement actuel des chomeurs. Dans la réalité d'une anpe vous assistez au reprise de fin de stock, les gl2, gl3 (radiations), convocations. C'est comme une usine capitaliste normale avec des numéros de produits correspondant à des humains. J'ai lu ici et là l'évocation du STO et je confirme qu'il y a de cruelles ressemblances..."

Ce message a été signalé à la police qui a aussitôt diligenté une enquête qui a permis d'identifier l'auteur du commentaire et le webmestre du site, Yves B., président de l'association APNÉE, rédacteur en chef du site Actuchomage selon ses propres déclarations, et ayant qui plus est une formation de journaliste, et modérateur des commentaires du site.

Voilà la réserve que j'annonçais en avant-propos. Yves B. n'est pas un blogueur amateur, mais, quand bien même il ne tire pas de revenus de son activité sur Actuchômage, anime un site quasi-professionnel, qui diffuse des informations, aide les chômeurs, et surtout, il a une formation de journaliste, qui a dû lui lui inculquer la B.A.BA de la loi de 1881 sur la presse. Il sait ce qu'est un directeur de la publication et quelle est sa responsabilité, et cetet qualité peut changer le regard que portera sur lui le tribunal.

Après une brève instruction, Yves B. a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Saint Nazaire pour Provocation publique (non suivie d'effet, ce que l'ordonnance de renvoi ne précise pas) à la commission de délits, en l'espèce destruction volontaire par moyen dangereux pour les personnes. Peine maximale encourue : 5 ans de prison et 45.000 euros d'amende. Christophe T. a lui également été renvoyé comme complice de ce délit.

Ici, une pause s'impose.

Pourquoi Yves B. va-t-il être jugé comme l'auteur de cette provocation, alors que c'est Christophe T. qui a écrit le message et que celui-ci n'est prévenu que comme complice ?

Là, je vous invite à lire mon billet "Blogueurs et responsabilité". C'est le droit de la presse qui s'applique ici, comme à toute publication au public. Le responsable pénal est le directeur de la publication, c'est à dire celui qui décide de la publication et met à disposition les moyens techniques pour ce faire. Celui qui a rédigé le texte litigieux n'a fait que prêter assistance à la commission du délit. Il n'est donc que le complice.

La portée de cette distinction est cependant doublement limitée. La jurisprudence permet depuis longtemps de ne poursuivre que le complice et de laisser en paix le directeur de la publication, et si le complice encourt la même peine que l'auteur principal, rien n'interdit de le sanctionner plus sévèrement que ce dernier.

Fin de la pause.

Je laisserai de côté la responsabilité pénale de Christophe T. Ses propos sont univoques, et donnent l'adresse de l'agence où il travaille.

Celle d'Yves B. est plus intéressante. Que lui est-il reproché exactement ? L'ordonnance de renvoi le précise ainsi : il aurait directement provoqué à la commission d'infractions :

étant directeur de publication du site internet www.actuchomage.org, moyen de communication au public par voie électronique, (…) en s’abstenant de supprimer un message consultable sur ledit forum dont il avait eu connaissance et dont le contenu était : «J’informe les énervés qui crament les ANPE qu’il en reste encore donc suivé(sic) le guide ANPE de XXX : (adresse)», appelant ainsi directement à la commission d’un incendie volontaire, cette attitude d’abstention étant constitutive de la fixation du message préalablement à sa diffusion.

En effet, l'instruction a établi, à en croire l'ordonnance de renvoi, qu'Yves B. a eu connaissance de ce commentaire le jour où il a été mis en ligne, mais ne l'a pas immédiatement mis hors ligne. Il aurait déclaré ne pas avoir pris conscience immédiatement du caractère délictueux de ce message, mais néanmoins, il a aussitôt verrouillé le sujet, c'est à dire fermé les commentaires, si j'ai bien compris. Bon, il y a à mon sens une contradiction entre les propos et les actes : si Yves B. n'a pas eu conscience du caractère délictueux de ces propos, pourquoi avoir aussitôt verrouillé le sujet et décidé d'en parler aux autres responsables du site ? Ses collègues auront quant à eux moins d'états d'âme et effaceront le commentaire le 29 dans l'après midi, soit 48 heures après sa mise en ligne.

Je suis pour ma part chiffonné par l'étrange tournure de l'ordonnance de renvoi. Qualifier une attitude d'abstention postérieure à la publication de fixation du message préalable à sa diffusion me paraît juridiquement et même d'un point de vue logique paradoxal.

Car en matière de publication au public par voie électronique (c'est comme ça que le législateur appelle un site web, ils sont rigolos, au parlement), l'article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle a lieu de s'appliquer :

Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse[1] est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi[2], le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public.

A défaut, l'auteur […]sera poursuivi comme auteur principal.

Le juge d'instruction, par son raisonnement, invite le tribunal à considérer qu'une abstention d'effacer un commentaire délictueux, abstention si durable qu'elle en devient fautive, équivaut à la condition de fixation préalable à sa communication au public. En toute bonne interprétation stricte de la loi pénale, le tribunal ne devrait pas pouvoir suivre ce raisonnement.

En tout cas, le tribunal va devoir clairement trancher la question de la responsabilité du webmestre d'un site qui autorise tout le monde à publier un texte en commentaire (comme sur ce même blogue) et qui, reconnaissant avoir eu connaissance de l'existence d'un message délictueux, ne l'a pas spontanément effacé. A ma connaissance (donc sous toutes réserves), cela n'a jamais été tranché. Cette décision est donc appelée à avoir une portée bien plus large que la seule affaire "Radiateur".

En effet, si le tribunal exonère Yves B. de sa responsabilité du fait qu'il n'y a pas eu fixation préalable à la publication, cela revient à délivrer les blogueurs de l'obligation de surveiller leurs commentaires. Victoire de la liberté d'expression, mais risque d'abus.

Mais ce n'est pas la conséquence la plus importante. Car il y a un cas où il y a fixation préalable du commentaire à la publication : c'est la modération des commentaires. Dans ce cas, les blogueurs modérant leurs commentaires endosseraient la responsabilité de leur teneur alors que ceux ne modérant pas les commentaires seraient absous par la lecture généreuse mais rigoureuse de l'article 93-3 de la loi de 1982. Bref, ce serait la fin de la modération, qui succomberait à son vice de conception (et qui explique ma réticence à en user ici, sauf provisoirement pour cause de brame de trolls) : valider un commentaire pour qu'il soit publié revient peu ou prou au webmestre de le ratifier, de l'approuver, non pas sur le fond, mais d'apposer un contreseing disant : je ne m'oppose pas à ce qui est dit dans ce commentaire et suis d'accord pour qu'il soit publié.

Parce que ça, quand on y réfléchit, ce qu'on appelle du doux nom de modération, c'est exactement ce qu'on appelle de la censure : pas de publication sans accord préalable. Confortable, sans doute, mais qui désormais aura un prix. Messieurs les censeurs, bonsoir.

Le 6 mars prochain, je retiendrai mon souffle...


Edit 21:56 : Merci à Clems (je n'aurai jamais cru devoir écrire ça un jour !) qui me signale un jugement du 21 juillet 2005 du TGI de Lyon qui a effectivement statué dans un sens conforme à mon analyse, mais dans un cas où le directeur de la publication avait été diligent : il avait supprimé le message litigieux dans les 24 heures de la demande de la société s'estimant diffamée. Ici, il n'y a pas eu suppression, mais pas de demande non plus, l'affaire ayant été directement traitée par la police. Il n'y a donc pas désert de jurisprudence (quoiqu'un jugement a une autorité doctrinale plutôt modeste...). Si quelqu'un a d'autres références, je suis preneur et complèterai le billet au fur et à mesure. Merci de les mettre en commentaires (non modérés...).

Notes

[1] Ce qui inclut le délit de provocation à la commission d'infractions.

[2] Hypothèse où le directeur de publication jouit d'une immunité parlementaire.

mercredi 1 février 2006

Où l'on reparle enfin d'Outreau

Je reviens enfin sur cette affaire, où les auditions en cours de la commission d'enquête parlementaire donnent matière à réflexion.

J'ai été durement parfois pris à partie à la suite de mon premier billet sur cette affaire . Les commentateurs s'offusquaient de mon point de vue qu'ils interprétaient à tort comme une défense corporatiste de l'institution judiciaire. Et le même prisme est apposé un peu témérairement sur le point de vue exprimé par le président Montfort dans son discours que j'ai publié hier.

La colère engendrée par cette affaire est vive, mais les réactions qu'elle engendre n'en sont pas légitimées pour autant parce que frappées du sceau de l'indignation. Critiquer la justice est un droit absolu pour les citoyens, car la justice est rendue en leur nom : tous les jugements et arrêts, que ce soit du juge de proximité de Bourganeuf (Creuse) ou de l'Assemblée plénière de la cour de cassation (Paris) commencent par les mots "Au nom du peuple français". Mais pour que cette critique soit utile, il faut qu'elle soit pertinente. Les procès d'intention ou ceux en sorcellerie ne relèvent pas de la démocratie mais de la démagogie.

Alors évacuons d'entrée les arguments disqualifiant les plus tentants : ni le président Montfort ni votre serviteur n'ont eu à connaître de près ou de loin de ce dossier. Le président Montfort a une carrière qui le met à l'abri de devoir jouer les larbins des politiques pour s'assurer une promotion, quant à votre blogueur préféré, étant profession libérale, il jouit à leur égard d'une totale indépendance, n'étant pas partie intégrante de l'institution judiciaire. M'accuser de vouloir caresser la justice dans le sens du poil est saugrenu, mon rôle consistant plutôt à jouer les troubles fêtes dans les procédures trop lisses.

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