Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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And there is no Winner

La Cour européenne des droits de l’homme statuant en Grande Chambre (qui est la formation d’appel de la cour) a rendu hier son arrêt Medvedyev c. France, dans l’affaire dite du “Winner”, du nom du navire cambodgien arraisonné par la marine française au large du Cap-Vert dans le cadre de la lutte contre le trafic international de stupéfiants. Et oui, je sais, Medvedyev n’est pas un nom cambodgien ; ce sont les joies du droit maritime, où marins et navires n’ont jamais la même nationalité (les marins du bord étaient ukrainiens, roumains, grecs et chiliens).

Le problème soulevé par les requérants était leur privation de liberté treize jours durant, confinés à bord de leur navire sous la garde de la marine française, avant leur arrivée à Brest où ils seront placés en garde à vue, Si la privation de liberté que constitue la garde à vue n’était pas contestée en soi (l’absence de l’avocat n’ayant malheureusement pas été soulevée), restait cette détention 13 jours durant. L’article 5 de la CSDH stipule en effet ceci :

Article 5 – Droit à la liberté et à la sûreté

§1 Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;

d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;

e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

§2 Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.

§3 Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.

§4 Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

§ 5 Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.

On se souvient qu’en première instance, la cour européenne des droits de l’homme avait précisé, alors même que le débat ne portait pas sur ce point, que la garde à vue française ne satisfaisait pas aux conditions de l’article 5 car cette privation de liberté n’était pas placée sous la surveillance de l’autorité judiciaire (je vous rappelle qu’en effet, un gardé à vue n’a AUCUN moyen légal de saisir un juge de sa situation : il ne pourra la contester qu’une fois cette mesure terminée, et encore, seulement s’il est poursuivi), car selon elle le parquet français ne saurait être une telle autorité au sens de la Convention faute pour ledit parquet d’être indépendant.

Autant dire qu’à la veille d’une réforme de la procédure pénale faisant du parquet le moteur unique des poursuites, c’était un caillou dans la chaussure du Garde des Sceaux, un caillou de la taille d’un pavé, même. Cet arrêt de grande chambre était donc attendu impatiemment.

Et il faut bien le dire, on en est un peu pour ses frais. La grande Chambre ne dit pas un mot sur la question, mais n’en pense pas moins vous allez voir, tout en confirmant la solution de première instance : la détention en mer de 13 jours viole l’article 5§1 de la Convention faute de base légale à une telle privation de liberté (bref, la France s’est livrée à un acte de piraterie…) mais une fois arrivés à Brest, la détention ne viole pas l’article 5§3. C’est sur les raisons de cette absence de violation que cet arrêt est néanmoins intéressant, car d’une part, la cour adresse un message discret mais clair à la France, et surtout, surtout l’argumentation déployée par le Gouvernement français est d’un cynisme qui laisse pantois. Vous allez voir, il fallait oser.

La différence de raisonnement des deux formations se situe sur un pur élément factuel, une preuve qui n’avait pas été apportée en première instance.

En première instance en effet, la cour avait décidé que le moment où la privation de liberté redevenait légale était la présentation au juge d’instruction, après deux jours de garde à vue sous la surveillance du parquet, estimant que le placement en garde à vue dont avaient fait objet les marins ne satisfaisait pas aux exigences de la Convention, car “le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié” (Arrêt Medvedyev I, §61).

En appel, le Gouvernement va apporter un élément nouveau qui change tout : en fait, dès le jour de leur arrivée à Brest, les marins ont été présentés à des juges d’instruction (Arrêt Medvedyev II, §19 et 127) entre huit et neuf heures après l’accostage. Note pour le Gouvernement : une audience devant la CEDH, ça se prépare.

La cour estime donc au vu de ces faits nouveaux que ce délai était tout à fait raisonnable, et que l’article 5§3 n’a pas été violé. Mutisme sur le statut du parquet, puisqu’en fait il n’est pas intervenu. Et communiqué triomphal du Garde des Sceaux :

La CEDH dans sa décision ne remet pas en cause le statut du parquet français. Cela met fin aux interprétations que certains ont voulu donner depuis le premier arrêt de la Cour, le 10 juillet 2008.

La Cour rappelle uniquement les principes qui se dégagent de sa jurisprudence s’agissant des caractéristiques que doit avoir un juge ou un magistrat habilité pour remplir les conditions posées par la convention européenne des droits de l’Homme, en matière de détention.

Qu’il soit permis à certains d’objecter que le ministre voit midi à sa porte. Car il est des mutismes fort bavards, et des arguments qui, s’ils permettent de gagner un procès, font perdre en cohérence.

La Cour n’a pas statué sur le statut du parquet puisque la question n’était plus pertinente. Mais néanmoins, le Garde des Sceaux a raison sur ce point, “la Cour rappelle uniquement les principes qui se dégagent de sa jurisprudence s’agissant des caractéristiques que doit avoir un juge ou un magistrat habilité pour remplir les conditions posées par la convention européenne des droits de l’Homme, en matière de détention.”

Et si nous les lisions ensemble, ces principes, puisque la cour prend la peine de les rappeler, comme si elle voulait que le Gouvernement en prenne connaissance avant de, par exemple, changer la procédure pénale, hmm ?

C’est le §124 de la décision. Je me permets de graisser les passages intéressants, à la Chancellerie, on a la vue basse, ces derniers temps.

124. Le magistrat [qui contrôle la légalité de la privation de liberté] doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public, et il doit avoir le pouvoir d’ordonner l’élargissement, après avoir entendu la personne et contrôlé la légalité et la justification de l’arrestation et de la détention (voir, parmi beaucoup d’autres, Assenov et autres c. Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, §§ 146 et 149). Concernant la portée de ce contrôle, la formulation à la base de la jurisprudence constante de la Cour remonte à l’affaire Schiesser précitée (§ 31) : « (…) A cela s’ajoutent, d’après l’article 5 § 3, une exigence de procédure et une de fond. A la charge du « magistrat », la première comporte l’obligation d’entendre personnellement l’individu traduit devant lui (voir, mutatis mutandis, Winterwerp précité, § 60) ; la seconde, celle d’examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l’existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d’ordonner l’élargissement (Irlande contre Royaume-Uni, 18 janvier 1978, série A no 25, § 199) », soit, en un mot, que « le magistrat se penche sur le bien-fondé de la détention » (T.W. et Aquilina, précités, respectivement § 41 et § 47).

Je la fais en plus court : la cour dit expressément que la privation de liberté doit être placée sous le contrôle d’un magistrat indépendant de l’exécutif et des parties, ce qui exclut le parquet puisqu’il n’est pas indépendant à l’égard de l’exécutif et quand bien même le serait-il, il sera partie poursuivante au procès pénal contre le gardé à vue, or on ne peut être juge et partie. Vous, je ne sais pas, mais moi, ça me paraît clair. Le contrôle de la garde à vue par le parquet est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Encore une gifle pour la procédure pénale française. Vous comprenez pourquoi je la qualifie de médiévale ?

Et hâtons-nous de rire de peur de nous mettre à pleurer quand nous lisons l’argumentation du Gouvernement.

Je vous rappelle que le Gouvernement est en train de mettre en route une réforme de la procédure qui va supprimer le juge d’instruction pour confier ses prérogatives au parquet. Cette suppression est acquise, la Chancellerie oppose d’emblée une fin de non recevoir à toute proposition le maintenant en place (c’est ce qu’on appelle une “concertation”, aujourd’hui).

Et pourtant, voilà ce qu’il va soutenir devant la Cour : c’est le paragraphe 114. Attention, c’est d’un cynisme violent.

114 Le Gouvernement estime, s’agissant des caractéristiques et pouvoirs du magistrat, que si la Cour a jugé qu’un procureur ou un autre magistrat ayant la qualité de partie poursuivante ne pouvait être considéré comme un « juge » au sens de l’article 5 § 3 (Huber précité), une telle hypothèse ne correspond aucunement au juge d’instruction. Ce dernier est un juge du siège, totalement indépendant, qui a pour mission d’instruire à charge et à décharge sans pouvoir, ni exercer des actes de poursuite, ni participer au jugement des affaires pénales qu’il a instruites. En outre, le juge d’instruction français surveille toutes les mesures privatives de liberté prises dans les affaires dont il a la charge et il peut y mettre fin à tout moment, qu’il s’agisse de garde à vue ou de détention provisoire. S’il doit saisir le juge des libertés et de la détention lorsqu’il envisage un placement en détention provisoire, il dispose en revanche de tout pouvoir pour remettre une personne en liberté ou la placer sous contrôle judiciaire. Le Gouvernement rappelle que la Cour a déjà jugé que le juge d’instruction remplit les conditions posée par l’article 5 § 3 (A.C. c. France (déc.), no 37547/97, 14 décembre 1999).

Oui, vous lisez bien. Le Gouvernement ne tente même pas de contester que le parquet ne remplit nullement les conditions posées par la jurisprudence de la Cour. Mais, dit-il triomphalement, pas de problème : en France, on a le juge d’instruction, qui remplit, lui, les conditions exigées par la Convention ! D’ailleurs, la Cour l’a déjà jugé dans un arrêt de 1999. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes judiciaires. Et vous noterez que la cour donne raison au Gouvernement sur ce point en disant qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5§3 du fait de la prompte présentation au juge d’instruction, magistrat indépendant.

En shorter : pour le Gouvernement, le juge d’instruction, contrairement au parquet, remplit les conditions posées la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut donc le supprimer pour le remplacer par le parquet.

Car l’avant projet non négociable soumis pour concertation à condition qu’on soit d’accord sur tout précise dans son futur article 327-8 que c’est bien le procureur et le procureur seul qui aura la haute main sur la garde à vue.

Pour ceux qui avaient des doutes, vous voilà fixés : le Gouvernement sait que sa réforme n’est pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme, mais la passera aux forceps. De toutes façons, quand les condamnations tomberont, les ministres actuels seront loin, et le président de la république siégera au Conseil constitutionnel. En attendant, ce sont vos libertés individuelles qu’on flanque à la poubelle, en vous demandant d’applaudir, puisque c’est pour vous protéger des juges indépendants.





” Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le cynisme appuyé sur le bras de la trahison. Mme Aliot-Marie marchant soutenue par M. Besson ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du Président de la République et disparait. Aliot-marie venait jurer foi et hommage à son seigneur ; la docteure en droit, à genoux, mit les mains qui firent tomber les droits de la défense entre les mains qui étranglèrent le CSM ; le ségoléniste apostat fut caution du serment.”

Maître Eolas, Mémoires d’Outre Blog (d’après Chateaubriand).

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi 30 mars 2010, 22:13 par uberVU - social comments

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2. Le mercredi 31 mars 2010, 11:31 par Combats pour les droits de l'homme

Affaire du “Winner”: La Cour européenne esquive la question

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu en formation de Grande Chambre son arrêt dans l’affaire Medvedyev c. France. La décision strasbourgeoise était impatiemment attendue du fait des profondes conséquences qu’aurait emportée sur ......

Commentaires

1. Le mardi 30 mars 2010 à 11:55 par François T.

Article très intéressant, comme toujours.

Mais si la nouvelle réforme n’est pas conforme à la CEDH, alors chaque recours devant cette même cour sera gagné d’office n’est-ce-pas? Peut-on vraiment faire passer une réforme qui mette en péril toutes les décisions de justice qui seront prises en France?…

Je suis perplexe/outré/ sur le c** (choisir la bonne proposition) là…

2. Le mardi 30 mars 2010 à 12:00 par rantanplan

Effondré par le communique triomphant (et parfaitement grotesque) de la chancellerie, une heure après la diffusion de l’arrêt. Ca ressemble à du DATI : celle-ci serait-elle la DGS officieuse ?

Lire aussi les attendus 119 et 120 de l’arrêt : la Cour s’est penchée sur “les premières heures après une arrestation (…) seul en cause en l’espèce”. Concernent donc la GAV.

Question : le CNB et le Barreau de Paris (notamment), ne devrait-il pas refuser de discuter d’un projet à l’évidence maintenant contraire à la CEDH ?

PS : et 55 000 €uros que doit verser la France à des trafiquants de drogue (plusieurs centaines de kg de cocaine).

Eolas:
Si vous lisez le paragraphe 27, vous verrez que six des requérants ont été acquittés deux fois par la cour d’assises. Sept innocents, trois coupables. Un bon ratio.

3. Le mardi 30 mars 2010 à 12:05 par Passant

Bah : la prochaine fois, on emploiera les lois d’exception pour le terrorisme et ça passera…

C’est vrai que par ces temps de crise économique et de remontée du front national, immigrer en France, c’est presque du terrorisme intellectuel.

4. Le mardi 30 mars 2010 à 12:12 par EUROPEOS

Effectivement on attendait beaucoup de cet arrêt, peut être trop…

Au delà des éléments nouveaux produits par la France (présentation à un JI dès l’arrivée à BREST), la question essentielle reposait sur le contrôle juridicitonnel du parquet lors du déroutement et donc de la détention des marins pendant treize jours.

Pas un mot…

Il faut lire néanmoins les avis dissidents:

Nul ne conteste que la présentation des requérants aux juges d’instruction n’est intervenue que treize jours après leur arrestation. L’argument du Gouvernement selon lequel le contrôle du procureur de la République de Brest sur le déroutement devrait être regardé comme une garantie contre l’arbitraire, au sens de l’article 5 § 1, est loin d’être convaincant, pareil contrôle ne pouvant passer pour répondre aux exigences des articles 5 § 1 ou 5 § 3 de la Convention, eu égard aux principes rappelés dans l’arrêt lui-même (paragraphes 123 et suivants) et à la jurisprudence de la Cour2.

5. Le mardi 30 mars 2010 à 12:18 par Killerjeff

Sur le cas précis du cargo, il y a un détail que je ne comprends pas (peut-être que j’ai raté un détail caché au mékeskidi que je suis).
1) les forces de polices ont arraisonné un navire dans le cadre d’une affaire
2) il ramène le navire en France pour juger en 13 jours (je n’y connais rien en navigation mais 13 jours pour Cap Vert - France ne me paraissent pas excessif) => c’est illégal selon la CEDH
3) Les marins sont présentés devant un juge dans les 9h une fois arrivé en France => c’est correct selon le CEDH

Question quel devrait être la procédure dans ce cas hyper spécifique pour que le 2) soit légal ? qu’un juge d’instruction soit là dès l’arraisonnement ? Laisser les marins libres jusqu’à l’arrivée en France ?

Je dois bien avoué que là je nage (voir je coule).

Merci d’avance pour des éclaircissements.

Eolas:
Précisément, la cour constate qu’il n’existe pas de texte international satisfaisant (la convention de Montego Bay n’est pas suffisante). Aux pays souhaitant lutter contre le trafic de stupéfiants en eaux internationales de prévoir les garanties nécessaires. Pas de piraterie contre la contrebande.

6. Le mardi 30 mars 2010 à 12:29 par dwarfpower

Au ministère on doit se contenter des communiqués de presse et ne pas lire les arrets

le communique de presse est nettement moins defavorable que l’arret, et la position du ministere a du etre definie avant communication de l’arret, ce qui expliquerait les raccourcis…

Un question me tarabuste tout de même. La cours entérine l’illégalité de l’arrestation, mais cela ne fait pas tomber la condamanation qui a ensuite été prononcée ?

Eolas:
Cela ouvre aux condamnés un pourvoi en révision.

7. Le mardi 30 mars 2010 à 12:32 par antoinef78

N’est pas politicien qui veut…
J’admire sincérement l’hypocrisie et la mauvaise foi qu’il faut au gouvernement français pour soutenir -devant le juge européen des droits de l’homme - que le juge d’instruction est, lui, garant des libertés fondamentales et indépendant du pouvoir executif, tout en reconnaissant que le procureur n’est statutairement ni l’un ni l’autre.
Vivement que le premier soit supprimé et que les pouvoirs du second soient renforcés.
Cela marquera le moment venu pour moi (et à tout ami de la liberté) de faire m(s)es valises.
Cassos!

8. Le mardi 30 mars 2010 à 12:33 par ancien

Merci.
Si j’ai bien compris, dans la procédure après “réforme” le procureur ne pourra plus requérir,
ayant été partie au contrôle de la garde à vue ce qui même est contestable au vu du premier arrêt
non annulé.
Toujours si j’ai compris cela va être curieux.

9. Le mardi 30 mars 2010 à 12:40 par Alixe

J’ai une question : quelle serait la procédure conforme à la CEDH pour traduire en justice les personnes présentes sur un navire arraisonné par la marine française (ou d’un autre pays) sur lequel on a trouvé de la drogue ?

Parce que s’il est normal d’appliquer les textes propres à défendre les Droits de l’Homme, il est aussi souhaitable de mener à bien les opération de lutte contre le trafic international de stupéfiants (ou autre trafic illégal).

Eolas:
La première chose est de prendre préalablement un texte régissant la question. Il faudra prévoir un contrôle immédiat du juge sur cette incarcération en haute mer. Un loi qui donne compétence au juge judiciaire français, et une audience où les marins auront des avocats qui discuteront de la légalité de cette mesure, et qui devront pouvoir s’entretenir avec leurs clients. J’ai toujours rêver de prendre l’hélicoptère pour aller vois mes clients.

10. Le mardi 30 mars 2010 à 12:52 par Idée fixe

Eolas, puisque la réforme semble acquise, que peut-on faire pour l’améliorer et s’approcher des systèmes étrangers qui n’ont jamais connu (ou n’ont plus) le juge d’instruction et dont les parquets instruisent déjà à charge et à décharge, et sont maitres des privations de liberté?

Eolas:
Vous pensez à la procédure schtroumphe ou à la procédure bisounours ? 

Comment faire? Quelles garanties sont-elles envisageables? Car tous les praticiens que j’ai rencontré m’ont assuré (mais vous les démentirez peut être) que la schizophrénie de notre juge d’instruction venait de sa tâche impossible; et qu’il instruisait déjà uniquement à charge dans la plupart des cas.

Eolas:
À se demander comment ils instruisent depuis deux siècles, en effet.

J’entends bien que la solution n’est pas la réforme envisagée : mais que faire?

Eolas:
Au niveau de la garde à vue, c’est pas compliqué. Permettre la présence de l’avocat à tout interrogatoire ou confrontation où les propos du suspect sont recueillis, avec accès préalable au client et droit de s’entretenir confidentiellement avec lui. Et permettre à tout gardé à vue ou son avocat de saisir par simple requête motivée le JLD qui statuera sur la légalité et l’opportunité de la garde à vue, au vu de la requête, ou en ordonnant s’il le juge utile que le gardé à vue lui soit présenté ainsi que le dossier. Un habeas corpus, quoi.

ps: merci pour la reprise magistrale de Chateaubriand, mais comparer Talleyrand à Besson c’est faire un compliment à notre bon ministre: ces deux tristes sires n’ont en commun que la mauvaise foi.

Eolas:
Talleyrand changeait parfois de maître, jamais d’idées. Pas sûr que la comparaison soit si injuste.

11. Le mardi 30 mars 2010 à 12:53 par Spadassin

O tempora, o mores ! Vivement le retour des lettres de cachet, au moins ce sera clair…

12. Le mardi 30 mars 2010 à 12:56 par Dr Tavuk

Ca ne mérite pas un Busiris ça ? Ou toute autre distinction du même ordre…

13. Le mardi 30 mars 2010 à 13:20 par greg971

Au moins le jeu du gouvernement est mis à nu et on voit bien en quoi notre système s’oriente de plus en plus vers une système à la russe. Bientôt, encore que c’est déjà fait non?, l’arrestation des opposants aux régime, placement en asile, détention pour terrorisme…
Mis à part voter que peut faire un citoyen lambda contre ça??

14. Le mardi 30 mars 2010 à 13:21 par patere legem

@ Killerjeff en 5
Pour que le 2) soit légal il fallait que l’arraisonnement du navire soit conforme au dt international (en gros une autorisation valide de l’État de son pavillon et non une note verbal comme en l’espèce). Après cela la CEDH ne critique pas le s13 jrs de détention en mer le temps du transport en raison des circonstance exceptionnelles (eut égard à la météo, la qualité du navire on a fait au mieux pour arriver à Brest le plus vite possible, même si la Cour refuse de se prononcer sur la possibilité d’un transbordement des suspects sur un navire militaire plus rapide) il resterait cependant dans ce cas la question de la légalité de la détention (ce qui a posé problème en première instance) le contrôle à distance du Procureur ne suffit pas puisqu’il n’ait pas une autorité judiciaire, la solution la meilleure était l’ouverture d’une information judiciaire et que les agents agissent sous l’autorité du juge d’instruction (éventuellement hélitreuillé à bord avec son greffier, l’idéal!) et une décision de privation de liberté par un JLD.
C’était donc pas si compliqué, mais il a fallu attendre 11 jrs de mer pour saisir un juge d’instruction (pourquoi si ce n’est parce qu’on ne le maîtrise pas?)

15. Le mardi 30 mars 2010 à 13:24 par Didounledodo

Vous voudrez bien m’excuser maître mais je préfère la citation originale de Chateaubriand. Nos ministres actuels sont quand même bien en-dessous de Talleyrand et Fouché.

16. Le mardi 30 mars 2010 à 13:40 par Thomas More

@ Eolas

Vous comprenez pourquoi je la qualifie de médiévale ?

L’emploi de l’adjectif médiéval comme disqualificatif de ce qui déplait, présente certes les caractères de généralité, de constance et de fixité propres à l’usage, mais aucunement celui de justification rationnelle.

Donc : non! je ne comprends pas… mais j’ai hâte d’apprendre.

17. Le mardi 30 mars 2010 à 13:40 par Qsmb

Et si le super-fameux JEL contrôlait les GAV ? (Qui a dit comme le JLD pour la DP ?!! C’est pas gentil de se moquer…non, vraiment)

18. Le mardi 30 mars 2010 à 13:43 par Pax Romana

Sans compter que la Cour va maintenant pouvoir reprendre l’affaire Moulin contre France… et là, les questions posées semblent indiquer que la réponse devra être encore plus précise, et obliger le garde des Sceaux à une gymnastique encore plus innovante…

19. Le mardi 30 mars 2010 à 13:44 par mbt

Salut,
Je m’étais posé exactement la même question que Killerjeff @5 et en fait en le lisant il m’en vient une autre.
Que se serait-il passé si aucune charge n’avait été retenues contre cet honnête bateau marchant après l’entrevue avec le Juge d’instruction?
Je n’ose pas imaginer 24h (ou 48h) de garde à vu alors 13j (aller simple!) pour rien ça commence à faire beaucoup.

Être “confinés à bord de leur navire” pour des marins c’est le moins qu’on peut attendre pendant un voyage. Heureusement que la marine française est là pour leur rappeler les limites extérieures de leur bateau pour leur éviter d’aller voir se qu’il se passe au delà… :o)

Mbt

20. Le mardi 30 mars 2010 à 13:51 par Simi

Il y a, malgré vos explications très cher Maître, quelque chose qui me chiffonne au niveau de la CEDH. Qu’elle n’aborde pas la question du parquet qui sera rendu maître des détentions, soit, ce n’est pas la première fois que la CEDH refusera de commenter la politique d’un gouvernement et je dirais même que quelque part, c’est tout à son honneur et qu’elle n’a pas à le faire puisqu’elle est juge de droit, pas de politique.
Cependant, comme vous le soulignez, l’intervention, d’une part, du gouvernement français qui se défend par l’existence du juge d’instruction et donc la conformité de la procédure pénale au regard de la Convention EDH ; et d’autre part l’absence de réaction de la Cour EDH sur la disparition de ce même juge d’instruction qui sert de bouclier au gouvernement pendant encore quelques temps, m’amènent à penser que la CEDH, ou bien a souhaité rester totalement neutre sur la politique menée par la France en ce qui concerne la procédure pénale (auquel cas elle accepte qu’une pléthore d’Etats se serve de cette jurisprudence pour se payer sa tête à l’avenir), ou bien elle sait effectivement très bien ce qui se passe mais n’a rien souhaité en dire pour donner une leçon plus claire à la France dès la prochaine affaire, qui depuis le début de celle-ci, semble ne pas entendre les avertissements de la Cour…
En bref, je suis perplexe sur ce silence de la CEDH, et n’étant malheureusement que peu renseigné sur la chose, j’aimerais savoir le pourquoi du comment de ce silence.

21. Le mardi 30 mars 2010 à 13:56 par Jean Philippe

{{Eolas:
La première chose est de prendre préalablement un texte régissant la question. Il faudra prévoir un contrôle immédiat du juge sur cette incarcération en haute mer. Un loi qui donne compétence au juge judiciaire français, et une audience où les marins auront des avocats qui discuteront de la légalité de cette mesure, et qui devront pouvoir s’entretenir avec leurs clients. J’ai toujours rêver de prendre l’hélicoptère pour aller vois mes clients.}}

Avez-vous connaissance d’un Etat qui prévoit dans sa procédure pénale de telles garanties en cas d’arrestation en haute mer ? Quelles sont les prérogatives des militaires de la marine ? Il me semble qu’ils ne sont pas OPJ. Est ce un problème pour la procédure ?

22. Le mardi 30 mars 2010 à 14:11 par H.

JM Aphatie, sur son blog du jour, pense que la suppression du juge d’instruction n’est plus à l’ordre du jour:
“….Deuxième effet perceptible: l’abandon des réformes certes importantes mais jugées désormais périphériques. Il s’agit, bien sûr, de la suppression du juge d’instruction. Depuis le résultat des élections régionales, Nicolas Sarkozy s’est exprimé une fois et François Fillon deux. Faut qu’il fasse gaffe celui là, il en fit toujours plus que son président, ça finira mal. Eh bien ni l’un ni l’autre n’ont parlé de la réforme du code de procédure pénale qui prévoit, justement la disparition du juge d’instruction.
En privé, plusieurs ministres expliquent que l’idée de faire passer cette réforme s’est évanouie. Personne n’a encore osé le dire à la Garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, qui continue ses auditions, mais personne non plus au gouvernement n’a envie de se lancer dans cette bataille épique que représente l’examen et la discussion au parlement de ce projet de loi qui comporte pour l’instant 550 articles et qui va susciter des dizaines de milliers d’amendements.

Elle est où, la poubelle? Elle est là, Michèle. Et n’oublie pas d’éteindre la lumière en sortant, s’il te plait…”

(http://blog.rtl.fr/aphatie/20100330…)

Le chroniqueur vedette de RTL occupe, qu’on l’apprécie ou non, une place de choix pour l’observation de la chose politique. Maintenant, si le refus d’obstacle qu’il prévoit a pour conséquence de faire basculer notre pays de Charybde en Scylla à travers un projet encore plus mal ficelé que le premier, il y a de quoi nourrir quelques inquiétudes.

A lire également le billet de votre confrère Gilles Devers, en particulier le dernier paragraphe (http://lesactualitesdudroit.20minut…)

23. Le mardi 30 mars 2010 à 14:13 par las!

Un avocat (mal) attentionné pourra-il déposer des conclusions de nullité au motif que les décisions du parquet en matière de privation de liberté, comme la prolongation de garde à vue, seraient contraires à l’article 5§3?

L’incise de la Cour sur le parquet me paraît assez claire en effet.

Je suis sûr que certains juges s’engouffreraient dans cette brèche.

24. Le mardi 30 mars 2010 à 14:13 par OrdinendaRei

Juste une question d’ordre de déroulement des choses, pour y voir clair… J’ignore tout de la procédure devant la CEDH, mais quand les conclusions du gouvernement (§ 114) ont-elles été déposées devant la cour ? Se pourrait-il qu’elles soient anciennes, disons 6 mois, et quasiment antérieures au lancement de l’infâme chambardement du juge d’instruction annoncé ?

25. Le mardi 30 mars 2010 à 14:18 par Azur

Une coquille Maître,

Dans la dernière partie du texte, le lien vers le projet de réforme du CPP : “à condition qu’on soit d’accord ” ?

Vivement qu’on intervienne VRAIMENT en GAV et que le parquet soit REELLEMENT indépendant …

Eolas:
Rectifié, merci.

26. Le mardi 30 mars 2010 à 14:31 par PSS

Curieux ! Pas un commentaire sur la possibilité ouverte aux avocats, dès cet arrêt, de lancer une deuxième salve de recours en annulation contre toutes les prolongations de garde à vue, autorisées par un magistrat qui ne peut être, parce qu’il est la partie poursuivante, l’autorité judiciaire neutre que la prise d’une telle décision nécessite.
Et contre le placement en garde à vue lui-même, car l’autorité qui prend cette décision, l’OPJ, est sans doute encore moins neutre que le ministère public, et n’a aucune ressemblance avec une quelconque autorité judiciaire.

Parquetiers, réjouissez-vous : bientôt, les permanences de nuit et de week-end seront allégées ! Vous n’aurez à examiner que l’opportunité d’ouvrir ou de poursuivre l’enquête, et les suites judiciaires, ou “alternatives”, à lui donner, mais vous ne serez plus dérangés pour décider de la prolongation de garde à vue.

Eolas:
Ou alors il leur faudra EN PLUS argumenter leur demande de renouvellement devant le JLD/JEL.

Policiers et gendarmes : il va vous falloir, comme vos collègues d’outre-manche ou d’outre-atlantique, aller présenter vos arguments directement devant le JLD, ou JEL, et sans doute lui présenter également la personne concernée.

Eolas:
La présentation va devenir incontournable, vu les critères de la cour. Je sens que la durée de GAV va passer de 24 à 48h renouvelable, du coup.

Collègues assis, réjouissons-nous : nous allons pouvoir demander des primes correspondant à ces nouvelles astreintes. Mais évidemment, finis les nuits et les W.E. tranquilles.

Eolas:
Ha ! Ha ! Ha ! Excellent, le coup de la prime. Et pourquoi pas des greffiers en nombre suffisant, pendant que vous y êtes ?

Mais il faut assurer l’indépendance du JLD ou JEL, non seulement à l’égard des parties, comme le ministère public, et de la Chancellerie, mais également à l’égard des chefs de juridiction. Vous savez comme il peut être agaçant pour un président de tribunal d’avoir un juge à cheval sur les règles de droit, ce qui peut créer des tensions avec les services enquêteurs, le parquet, etc. Il est donc très simple de le remplacer à la première occasion par un collègue plus “compréhensif”. Il faut donc que les JLD ou JEL soient, comme les juges d’instruction aujourd’hui, nommés par décret.

Je crois qu’on bascule dans un autre monde, là.

Eolas:
C’est plutôt excitant, non ?

27. Le mardi 30 mars 2010 à 14:31 par patere legem

@ OrdinendaRei en 23
Dans son §19 la Cour indique que l’argumentation sur la présentation au juge d’instruction a été effectué devant la Grande Chambre donc à l’audience du 6 mai 2009 (au cours de laquelle le Gouvernement aurait pu de toute façon changer son argumentation). Cela intervient donc bien après le fameux discours à la Cour de cassation du président de la République et avec un rapport Léger déjà bien engagé, donc le Gouvernement avait déjà décidé de supprimer le juge d’instruction. De plus s’il était de bonne foi, il n’aurait pas présenté un projet après avoir plaidé dans ce sens (en sachant que plaider dans ce sens était la seule manière de s’en sortir).
La question de la busirisabilité du communiqué de la Chancellerie d’hier midi est d’ailleurs ouverte.

28. Le mardi 30 mars 2010 à 14:34 par PPS

Oups !
Erreur sur mon pseudo.
Et excuses à las ! (22) que je n’avais pas encore lu quand je me suis lancé dans mon commentaire.

29. Le mardi 30 mars 2010 à 14:34 par robindeswab

Merci de la lumière apportée par les services du ministère de la justice à mes obscures interrogations (rhétoriques au deumeurant) :

Bonjour,

Votre demande nous est bien parvenue, pourriez-vous nous indiquer pour quel média vous travaillez ?

Merci,
………
Pôle presse.

-Message d’origine-
De : robindeswab@…….
Envoyé : mardi 30 mars 2010 12:39
À : LISTE POLE-PRESSE/PRESSE
Objet : Question urgente

Bonjour,

Dans le communiqué concernant la condamntaion de la France par la CEDH dans l’arrêt Medvedyev mis en ligne, il est dit :

“La Cour rappelle uniquement les principes qui se dégagent de sa jurisprudence s’agissant des caractéristiques que doit avoir un juge ou un magistrat habilité pour remplir les conditions posées par la convention européenne des droits de l’Homme, en matière de détention.”

Je me demande juste quelles sont les caractèristiques que doit avoir un magistrat et qui ont été définies par la CEDH en matière de privation de liberté

Merci de votre réponse, elle m’interesse énormément!

Très cordialement,

30. Le mardi 30 mars 2010 à 14:45 par philippe913

euh, j’ai pas du bien comprendre alors, soit les différents commentaires, soit une partie de l’arrêt, ou alors j’en ai sûrement loupé une partie, ne dit il pas que ces délais de 13 jours ne posent pas de soucis?

“Considérant que la loi du 15 juillet 1994 déroge nécessairement aux règles de procédure pénale de droit commun pour tenir compte de la spécificité de la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants à bord des navires en haute mer conformément aux règles du droit international et de l’impossibilité matérielle, compte tenu des délais de navigation pour rejoindre le port de déroutement, d’appliquer les règles ordinaires de la garde à vue et de la présentation à un magistrat ; que dès lors les éventuelles restrictions apportées à la liberté d’aller et venir de l’équipage d’un navire arraisonné autorisées en cette matière par la convention des Nations unies signée à Vienne le 20 décembre 1988 ne sont pas contraires à l’article 5 paragraphe 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et ne constituent pas une rétention illégale ; qu’il y a lieu de retenir que dès l’arrivée à Brest, les membres de l’équipage du « Winner » ont été remis aux officiers de police judiciaire et placés en garde à vue avec notification immédiate des droits avant d’être présentés au juge d’instruction.”

Eolas:
Le problème n’est pas cette durée, puisqu’il était difficile de faire plus court sauf à hélitreuiller un juge, mais son absence de base légale puisqu’elle résulte d’un accord ponctuel entre États qui ne prévoit aucune garantie pour les personnes arrêtées.

31. Le mardi 30 mars 2010 à 14:46 par Torcafol

En fait, j’attendais ce post depuis quelques jours car je me doutais que l’annonce faite par le gouvernement cachait des choses. A considérer sa “communication” - quel affreux mot quand on y pense -, c’était presque comme si la CEDH n’était pas une institution judiciaire mais un organe politique qu’il s’agissait de combattre, un peu comme une collectivité territoriale ou l’union européenne.
D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas réellement comme cela qu’il considère la CEDH.

32. Le mardi 30 mars 2010 à 14:55 par MaboulCarburod....z

Si la Cour ne tranche pas le statut du Parquet, elle indique qu’en tout état de cause, et quelle que soit son indépendance à l’égard de l’exécutif, sa place procédrale interdit qu’il ait la maîtrise de la détention.

A cet égard, la question en suspens est celle de la durée maximale de rétention avant présentation à un magistrat du siège.

Pour la garde à vue, outre la jurisprudence actuelle sur la place de l’avocat, demeure cet ultime problème ; dès lors, le renouvellement de la garde à vue par le ministère public est-il possible ou incombe t-il au juge du siège ?

Toute la réforme proposée doit donc être passée au crible de ces arrêts. Vaste programme qui pourra inciter à la patience. Va t-il devenir urgent d’attendre ?

33. Le mardi 30 mars 2010 à 15:00 par OrdinendaRei

@patere legem : Merci, comme ça on ne peut vraiment plus douter de la mauvaise foi du gouvernement. A vrai dire je n’en doutais guère… mais la présomption d’innocence ne doit-elle pas s’appliquer aux pires multidélinquants multirécidivistes ?

Eolas:
Oui, mais les peines plancher aussi.

34. Le mardi 30 mars 2010 à 15:02 par RG

Je parie sur un enterrement de première classe, le gouvernement n’a plus les moyens de soutenir une Hadopi puissance 10.

35. Le mardi 30 mars 2010 à 15:05 par Arnaud

La prochaine fois on coulera le bateau en pleine mer, discret, et on sera moins emmerdés…

Eolas:
Et on butera les suspects dans les commissariats, discret, et on sera pas emmerdés par la récidive.

36. Le mardi 30 mars 2010 à 15:27 par vuparmwa

ceux qui annoncent que la cour européenne ne remet pas en cause le statut du parquet ont-ils (bien) lu la décision ?
Pour ma part, je vous offre un commentaire à cette adresse : http://vuparmwa.over-blog.com/article-le-nouvel-arret-medvedyev-est-arrive-47667797.html

37. Le mardi 30 mars 2010 à 15:28 par Ali

Quid de la compétence de nos ministres de la justice qui plus est, diplômés en droit…?

Eolas:
Lisez la Constitution. La compétence n’a jamais été un critère pour être nommé ministre, heureusement pour M. Estrosi.

38. Le mardi 30 mars 2010 à 15:55 par Nicolas

Quelqu’un a compris pourquoi Symeon Theophanous, qui a quand même pris 17 ans en appel, n’est pas parmi les requérants?

39. Le mardi 30 mars 2010 à 16:00 par patere legem

@ OrdinendaRei en 32
La présomption d’innocence ne s’applique qu’en droit pas en politique…

40. Le mardi 30 mars 2010 à 16:00 par Rum1

Maitre, au début de votre billet vous énoncez ceci :

“la détention en mer de 13 jours viole l’article 5§1 de la Convention faute de base légale à une telle privation de liberté (bref, la France s’est livrée à un acte de piraterie…) “

Sauf votre respect, je vous invite à aller lire les éléments constitutifs de l’acte de piraterie qui sont définis à l’article 101 du traité de Montego Bay. Je ne l’ai pas sous les yeux, mais pour qu’il y ait piraterie, il faut notamment que l’acte violent soit commis dans un but purement privé et de lucre : un navire d’Etat ne peut pas se livrer à la piraterie. C’est d’autant plus dommage de lire cette approximation toute journalistique que j’admire d’habitude la grande justesse et la pertinence de vos billets.

En ce qui concerne l’arrestation et la détention de suspects en mer :

1) Il ne s’agit pas de “forces de police”, mais de militaires de la marine nationale, qui exercent en mer les pouvoirs de police de l’Etat, encadrés et prévus par des tas de conventions internationales (Vienne pour le trafic de stupéfiant, Montego Bay pour la piraterie, par exemple).

2) La procédure PENALE en tant que telle n’est pas censée, pour le gouvernement, commencer à l’arraisonnelment du navire, mais à l’arrivée en France et le placement en garde à vue. Auparavant, il ne s’agit pas d’une mesure de garde à vue mais d’une mesure administrative de détention dans l’attente du lancement d’une procédure pénale. Une sorte de stand-by, qui à l’époque des faits ne reposait sur aucune base légale et n’était pas encadrée correctement, ce qui explique la condamnation. Entre temps, une loi de 2005 est venu mettre en place un contrôle pour les détention dans les affaires de trafic de drogue, puis par un projet de loi qui n’a pas encore été débattu concernant la piraterie. L’idée serait de placer les suspects en détention après autorisation du procureur (contacté par le préfet maritime compétent) pour une durée de deux jours avec une examen de santé. A l’issue des deux jours, le JLD (en l’état actuel du droit) est saisi pour un renouvellement de 5 jours assorti éventuellement d’un nouvel examen de santé. Il se prononce tous les 5 jours jusqu’à l’arrivée au port. Il est à noter que pendant cette période les suspects sont en détention et ne sont pas interrogés par l’équipage, qui se borne à les surveiller.

41. Le mardi 30 mars 2010 à 16:09 par patere legem

@ Rum1 en 39
Mais le projet de loi que vous citez en 2) n’est pas conforme à la CSDH, la privation de liberté deux jours sous contrôle du Procureur est contraire à l’article 5§3. D’autant plus que l’on ne comprend pas pourquoi le JLD ne statue pas tout de suite.

42. Le mardi 30 mars 2010 à 16:21 par lapocompris

@ eolas # 5
Si l’on arrêtait des pirates dans l’océan indien, devrait-on les faire voyager par avion afin de les présenter devant un juge dans les meilleurs délais ? Et si les “présumés pirates” refusaient d’embarquer ?

Eolas:
Si on arrête des gens à l’autre bout du monde, la moindre des choses est de leur garantir les moyens de se défendre immédiatement. Un avion n’est pas la seule solution, l’audience peut avoir lieu à distance dès lors qu’un avocat peut communiquer librement avec eux.

43. Le mardi 30 mars 2010 à 16:35 par rococco

A pousser les raisonnements trop loin on en arrivera à exiger que ce soit les juges (ou autorités équivalentes) eux-mêmes qui placent en garde à vue car c’est une mesure de déténtion, non?.

Si les juges souhaitent contrôler les GAV du début à la fin alors il faudra qu’ils soient d’une grande disponibilité, jour et nuit.

Comme les parquetiers actuellement.

Et s’ils ont prolongé les GAV et régi les incidents alors ils ne pourront plus juger.

On pourrait alors proposer aux procureurs de siéger et la boucle sera bouclée.

On permet d’ailleurs actuellement qu’un avocat remplace un juge au tribuanl correctionnel!!!

Bonnes réflexions et attendons le prochain oracle européen.

C’est distrayant.

Eolas:
À condition de  n’y rien comprendre comme vous, mais je soupçonne une mauvaise volonté de votre part, car vous ne pouvez pas être aussi bête. C’est le problème des préjugés antieuropéens : ils font ramer l’intelligence.

Les juges ne “souhaitent” rien. Ils tranchent ce que la loi leur dit de juger. Au législateur français de mettre la loi en conformité avec les engagements internationaux de la France en matière de droits de l’homme (ou alors que la France dise une bonne fois pour toute que sa parole n’a aucune valeur). Les juges sont déjà disponibles, merci pour eux. Demandez à un juge d’instruction de grande semaine de vous raconter comment ça se passe. Et figurez-vous que ça se passe déjà comme ça dans tous les autres pays de l’UE. Leurs juges sont des surhommes ?

L’idée que les procureurs siègent est évidemment une boutade qui faute d’être drôle tombe à plat.

Et oui, une juridiction pénale peut être complétée par un avocat en cas d’empêchement d’un magistrat. C’est le plus ancien présent (on prend la date de prestation de serment, pas l’âge), et il ne peut y en avoir qu’un. Enfin, il ne connait pas de son affaire, bien sûr, qui est renvoyée. 

44. Le mardi 30 mars 2010 à 16:38 par patere legem

@ lapocompris en 41
Dans le cas de l’Océan Indien il est évident que l’on ne ferait pas route par voie maritime, l’arrêt Medvedyev est basé sur un arraisonnement dans l’Océan Atlantique (au niveau du Cap Vert)

On pourrait faire voyager les marins par avion/ hélicoptère/ train/ voiture même si la CEDH a refusé d’étudier la légalité de la procédure au regard de cette hypothèse.
Pour la contrainte, les militaires sont armés et munis de menottes…

45. Le mardi 30 mars 2010 à 16:41 par Rum1

@ Patere Legem : la privation de liberté de 2 jours est effectivement sujette à caution, je vous l’accorde. Mais la question est justement délicate du fait de l’arrêt Medvedyev 2, du moins selon l’interprétation qu’on peut en faire. Ensuite, la procédure n’est pas “pénale”, mais administrative, ce qui peut changer la donne : le procureur (comme le JLD) interviennent dans une procédure qui n’est pas censée être judiciaire (pour l’instant). C’est à mon sens la plus grosse faille de cette loi, qui aurait du rester pré-judiciaire, mais sous le contrôle total du JLD et des JIRS (Juridiction Inter Régionales Spécialisées).

@ lapocompris : Dans l’océan indien, l’idée est de faire juger les pirates aussi souvent que possible par un Etat local, ce qui évite les complications du style transferts en avion (autorisations à demander pour le survol, etc.). Je crois que pour l’instant le cas ne s’est jamais présenté de pirates refusant d’embarquer (notamment un vol Seychelles - Puntland par un avion Français pour y ramener des pirates)

EDIT pour patere legem : on peut également ramener des pirates par voie de mer, notamment dans le cas d’un navire en fin de mission qui rentrerait, par exemple, à Toulon.

46. Le mardi 30 mars 2010 à 16:49 par Turb

@Eolas en 10

Travaillant depuis longtemps sur l’article Wikipédia sur Talleyrand (et à la fin d’une partie de son image dans l’inconscient intellectuel), j’ai eu peur que vous n’ayez été convaincu par les (magnifiques) persiflages jaloux de Chateaubriand. Vous me rassurez. En revanche, qui a dit que Besson ne changeait pas d’idées en même temps que de maître ?

47. Le mardi 30 mars 2010 à 17:03 par PPS

@ rococco (42)
Pour résoudre le problème de l’impossibilité, pour un juge qui a déjà statué sur la détention, de juger sur le fond, afin de ne pas porter atteinte au caractère équitable de la procédure, il faut et il suffit que les JLD ou JEL soient dédiés à ces fonctions, donc qu’ils soient nommés par décret, et que si d’autres charges leur sont confiées pour combler leurs temps libres, elles ne touchent pas au domaine pénal.

48. Le mardi 30 mars 2010 à 17:12 par Caïus

Pour la réforme régression de la procédure pénale concoctée par nos gouvernants actuels faux-culs, a-t-on un espoir si minime soit-il que le Conseil constitutionnel la retoque sévèrement ?

Eolas:
L’actuel président ne cache pas qu’il aiguise son hachoir.

49. Le mardi 30 mars 2010 à 17:32 par Ruben

Bonjour,

Petite question de forme:
Le terme “stipule” s’applique-t-il dans le cas d’une convention?
(L’article 5 de la CSDH stipule en effet ceci)

Lorsqu’il s’agit d’un article d’un traité, d’une convention, d’un code juridique ou d’un texte de loi, les termes “pose” ou “dispose” ne sont-ils pas plus appropriés?

Merci par avance

50. Le mardi 30 mars 2010 à 17:37 par François

Votre démonstration est assez brillante, comme souvent. Elle me semble toutefois teintée d’une légère mauvaise foi.

Eolas:
Déformation professionnelle.

Sur le cynisme du gouvernement tout d’abord. Ce dernier devait défendre le système actuel puisque c’est sa mise en œuvre qui était la cause de l’affaire. Il était donc légitime qu’il défende l’indépendance du juge d’instruction puisque dans le système actuel, cette indépendance constitue l’une des garanties exigée par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Pour autant, défendre la conformité du système actuel aux exigences (ou, tout du moins à certaines d’entre elles) de la Convention n’empêche pas de considérer que ce système peut, voire doit, être amélioré et modifié. Il me semble à ce titre que l’institution du juge d’instruction n’est pas exempte de tout reproche.

Eolas:
L’institution est exempte de reproches en matière d’impartialité. Juges nommés par décret, règles de désaisissement encadrées, inamovibilité, interdiction de siéger par la suite. C’est la pratique individuelle de certains qui pose problème, quand ils ne prennent même plus la peine de donner une apparence d’impartialité.

Concernant le juge d’instruction et sa suppression enfin. A vous lire, ce dernier semble être le seul garant d’une justice pénale équitable et indépendante. Or, force est de constater que le juge d’instruction est une exception française qui a disparu dans de nombreux pays. Le fait d’être une exception n’est ni un bien ni un mal mais amène à s’interroger sur le fonctionnement des autres systèmes. Il ne me semble pas que les pays disposant d’un système accusatoire (pas seulement les Etats-Unis mais également le Royaume Uni ou l’Italie) ait une justice moins indépendante ou équitable que la nôtre. Il est, à mes yeux, un vice fondamentale dans l’institution du juge d’instruction : il doit instruire à charge et à décharge, autrement dit être schizophrène ! Le juge d’instruction, d’aussi grande qualité soit il, reste un homme qui se forge une opinion sur un dossier et instruit en conséquence à la lumière des convictions qu’il acquiert au fil du dossier.

La difficulté du système accusatoire est de répartir le pouvoir d’instruction entre le parquet et la défense. Il ne faut ni bloquer l’avancée de l’enquête et la manifestation de la vérité ni faire perdre aux personnes poursuivies la moindre opportunité de se défendre et de faire valoir le respect de leurs droits (en particulier présomption d’innocence et liberté). Si je conçois volontiers que l’on souhaite le maintien du juge d’instruction (et pas seulement par conservatisme), il me semble que présenter la suppression du juge d’instruction comme une atteinte (grave) aux libertés et à l’indépendance de la justice n’est ni honnête ni constructif. Il me semblerait en revanche plus utile de définir les conditions auxquelles doit satisfaire un système accusatoire pour être conforme au nécessaire respect du Droit et de ses principes fondamentaux.

Eolas:
Je n’ai jamais dit qu’hors du juge d’instruction, point de salut. Je ne danserai pas sur sa tombe, mais un autre système est parfaitement envisageable; D’ailleurs, 95% de mes dossiers pénaux n’ont pas vu un cabinet d’instruction. Je veux juste un juge indépendant qui m’écoutera dès la garde à vue. Je ne suis pas difficile.

51. Le mardi 30 mars 2010 à 17:41 par PPS

Une stipulation est une clause insérée dans un contrat. Cela peut concerner aussi bien un contrat entre particulier qu’une convention entre Etats, qui n’est jamais qu’un contrat qui n’a force de loi qu’à l’égard de ceux qui l’ont signé.
En revanche, une loi, un réglement, un jugement, pris par une autorité et que doivent respecter toutes les personnes soumises à cette autorité, ne contient pas de stipulations, mais des dispositions.

52. Le mardi 30 mars 2010 à 17:42 par holden

@Ruben:

Une convention est un accord passé entre plusieurs Etats (modèle contractuel ou horizontal), donc ses articles “stipulent” x ou y.

Seules les actes d’un organe souverain “disposent” (modèle vertical ou hiérarchique): la Constitution, la loi, un règlement.

53. Le mardi 30 mars 2010 à 17:45 par Baalthazar

Maître, concernant la réforme visant à supprimer le juge d’instruction, si le gouvernement sait pertinamment que celle-ci est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, et que ceux-ci savent qu’ils ne seront plus là d’ici 2 ans et encore plus loin lorsque les premières condamnations tomberont, alors pourquoi le gouvernement s’entête-t-il à vouloir faire passer ce texte ?
Electoralement, ça ne semble pas parlant (visiblement aucun magistrat n’est en accord avec ce texte, concernant les forces de police, celles-ci semblent plus inquiétées par les suppressions de postes au sein de leurs services que de savoir que c’est un magistrat du parquet, plutôt qu’un juge d’instruction qui dirigera les enquêtes, et pour le citoyen λ, il n’y comprend rien et n’a pas l’impression que ça va lui changer sa vie). Juridiquement, ça n’a aucun intéret, puisque c’est comme revenir au XVIIIème siècle, et dès que les premières condamnations de la CEDH tomberont (certes, d’ici longtemps mais elles finiront par tomber), il faudra recréer le gégène et on reviendra à 0.
Bref, un gouvernement, tel qu’il soit ne semble avoir aucun intéret à pondre une réforme de ce genre, qui finira par être annulée au bout d’un certain temps.
Alors ai-je oublié un élément important, en ai-je mésestimé (sic) un ?

Eolas:
Nous quittons le domaine du droit pour la politique. Mais il est certain qu’une telle réforme ne peut se faire que comme la réforme du code pénal de 1992 : par un consensus qui permet au projet de survivre à l’alternance. On n’en prend pas la voie, et un tel consensus est quasi impossible à l’approche d’une présidentielle. Il faut cliver, disent les communiquants.

54. Le mardi 30 mars 2010 à 17:55 par BR

Maître, je comprends bien que vous souhaitez voir le gouvernement rectifier la maure du juge d’instruction en retirant les mesures qu’il propose. Mais par pitié, ne confondez pas mesure et maure, comme dans ce fragment bizarre (que je ne doute pas voir rectifié rapidement) :

je vous rappelle qu’en effet, un gardé à vue n’a AUCUN moyen légal de saisir un juge de sa situation : il ne pourra la contester qu’une fois cette maure terminée

55. Le mardi 30 mars 2010 à 17:55 par Petruk

@François en 49
Dans les autres pays où il n’y a pas de juge d’instruction, le procureur bénéficie d’une autonomie beaucoup plus importante.
Aux Etats unis il est est carrément élu.
En Angleterre la police a une grande indépendance de même que le parquet.

56. Le mardi 30 mars 2010 à 18:09 par Clb

Cher Maître,

Une autre lecture est possible.

1) La Cour admet que, une fois le cargo arrivé à Brest, un délai de 8-9h avant présentation au JI remplit les conditions de l’article 5 § 3 (“force est de constater…”)

2) La Cour a déjà condamné un Etat pour une durée de plus de quatre jours (arrêt Brogan).

Quid entre 9h et 4 jours? La vérité, c’est qu’on n’en sait rien : la porte est restée entrebâillée pour des GAV de 48h voire de 96h…

3) Il ne faut pas oublier que la Cour ajoute une condition ici par rapport à Medvedyev I : le magistrat doit non seulement être indépendant de l’exécutif, mais également des parties. Ici, on peut en conclure que même un parquet indépendant ne serait pas une autorité judiciaire au sens de la Convention puisqu’il est aussi partie à la procédure.

En allant dans ce sens, la seule voie qui semble être ouverte est celle du statu quo actuel (un parquet qui contrôle la GAV pour une durée très restreinte, la présentation devant une autorité judiciaire devant être “prompte”) ou une réforme du type de celle proposée, c’est-à-dire un JEL qui ordonne ou contrôle tous les actes portant atteinte aux libertés.

L’indépendance du parquet n’étant plus alors qu’une condition pour ce qui concerne la juridiction des poursuites qu’il est, càd pour éviter des classements d’affaires qui concernent les amis du pouvoir, mais pas pour ce qui est des mesures attentatoires aux libertés où même son indépendance serait insuffisante.

Cordialement

57. Le mardi 30 mars 2010 à 18:58 par François

@Petruck
Election n’est pas indépendance ! Je ne suis pas sûr que l’élection des magistrat du parquet soit une solution adaptée à la France. Par ailleurs il me semble légitime que la politique pénale soit définie par le gouvernement issu des urnes. Autant l’indépendance des juges du siège est un élément essentiel dans une démocratie, autant celle du parquet me semble plus discutable. Je crois que la question de l’indépendance du parquet n’est pertinente que pour quelques affaires “politico-médiatiques” qui sont insignifiante (en nombre bien sûr) au regard du “droit pénal commun” et pour lesquelles une totale transparence assurerait efficacement une absence d’abus. Quant à l’indépendance de la police, elle me semble des plus dangereuse.

58. Le mardi 30 mars 2010 à 19:13 par Arabesque

Laisser la FRANCE avec une législation digne d’un pays du tiers monde, pour pouvoir arrêter plus facilement quelques malfrats ou petit dealers. That’s the question.

59. Le mardi 30 mars 2010 à 19:15 par L'optimiste

Dans la pagaille actuelle à droite,suite à la déroute électorale du sarkozisme,ce n’est pas demain la veille que la réforme de la procédure pénale verra le jour.ce n’est plus une priorité.
Eventuellment une “reformette” de la GAV….A voir!

60. Le mardi 30 mars 2010 à 19:16 par Teejee (mékeskidi de base)

Donc, si j’ai bien compris, le gouvernement sait parfaitement qu’il prépare une réforme liberticide, contraire à la CEDH, et il s’en bat ce qu’il n’a même pas. Et le citoyen lambda n’a aucun recours.
Vous concevrez que je demande. Vu mon pseudo, j’ai sans doute mal compris…

61. Le mardi 30 mars 2010 à 19:17 par bernard

Ne peut t’on pas penser que si la CEDH a cru indispensable de rappeler dans le paragraphe 124 la manière de poser la question du statut du parquet en procédure pénale c’est bien sur en direction du gouvernement mais aussi en direction des juridictions françaises pour qu’elles appliquent directement la Convention européeenne.
Le problème ne serait pas alors décalé dans le temps; il pourrait se poser trés rapidement.

62. Le mardi 30 mars 2010 à 19:20 par William

En 43, Patere Legem nous dit : ” Dans le cas de l’Océan Indien il est évident que l’on ne ferait pas route par voie maritime, l’arrêt Medvedyev est basé sur un arraisonnement dans l’Océan Atlantique (au niveau du Cap Vert).

Dans l’Océan Indien, ne pourrait-on pas envisager d’amener ces personnes à la Réunion, de leur notifier là leur garde à vue, puis de transférer les détenus en France par avion ?

63. Le mardi 30 mars 2010 à 20:06 par ji_louis

Je prends la discussion sur la tard.
Le gouvernement aurait pu argumenter:
- L’arraisonnement a eu lieu d’après le droit de poursuite continue. En effet, la marine a effectué une opération de police sur renseignements sudaméricains (colombiens, il me semble) et la poursuite des colombiens a été transférée aux français pour une question de moyens effectifs (impossibilité matérielle de poursuivre aussi loin de la part des colombiens). C’est bancal mais ça peut se défendre un peu mieux.
- Impossibilité matérielle de faire comparaitre les “clients” devant un juge d’instruction plus tôt (c’était avant le détournement du ‘Ponant’).

64. Le mardi 30 mars 2010 à 20:24 par Guerandal

@ Eolas

- ‘‘Car l’avant projet non négociable soumis pour concertation à condition qu’on soi d’accord sur tout précise dans son futur article 327-8 que c’est bien le procureur et le procureur seul qui aura la haute main sur la garde à vue.”

qu’on soi d’accord avec un t sur soi me plussoie.

65. Le mardi 30 mars 2010 à 21:21 par JkB

Amis terriens, bonjour

Et sur terre, donc, la garde à vue commence quand ? A l’arrivée au commissariat ou dans le fourgon de police ?

Ensuite que le trajet dure 18 jours au lieu de 18 minutes, ben c’est ça la vie des marins.

Et puis si vraiment la garde à vue commence pendant le voyage, il y a un commandant seul maitre à bord et qui peut représenter l’état de son pavillon dans toutes ses fonctions il me semble. Donc pas d’hélicoptère pour Maitre Eolas (qui a un piètre idées des distances à franchir et des autonomies de ces engins) mais plutôt un vague lieutenant désigné comme avocat d’office.

Et ne vous plaignez pas, on ne pend plus ! (plus de vergues adéquates sans doute)

66. Le mardi 30 mars 2010 à 22:08 par Arnaud

Bravo pour la chute! Excellente!
Toutefois, et heureusement pour notre pays, Besson n’arrive pas à la cheville de Talleyrand. Car Besson est Talleyrand, non? A moins que Besson ne soit Fouché.
Je vais vous avouer que j’ai du mal à determiner qui est qui.
Prenons la 1° phrase:
“Tout à coup une porte s’ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché;”
“Tout à coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le cynisme appuyé sur le bras de la trahison. Mme Aliot-Marie marchant soutenue par M. Besson ;”
Vous conviendrez que MAM est Talleyrand et Besson, Fouché.
Mais ensuite nous avons:
“Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr; l’évêque apostat fût caution du serment.”
“Aliot-marie venait jurer foi et hommage à son seigneur ; la docteure en droit, à genoux, mit les mains qui firent tomber les droits de la défense entre les mains qui étranglèrent le CSM ; le ségoléniste apostat fut caution du serment.”
Les rôles sont inversés, MAM et Besson ont changé de tunique(pour ce dernier, ça va devenir une habitude).
Alors, qui est qui?

Et pour finir, si vous me le permettez, une chute qui vaut ce qu’elle vaut.
Le lendemain, les conseillers de l’Elysée arrivèrent : tout se mêlait de la nomination de Besson déjà obtenue, le népotisme comme le clientélisme, l’opportunisme comme le vice, le républicain monarchique comme le réformateur, l’européen comme le Français.

67. Le mardi 30 mars 2010 à 22:57 par Minerva

@ Eolas

j’avoue avoir pris un fou rire en lisant le communiqué du ministère… j’ai vérifier la date, et non, nous n’étions pas encore le 1er avril… puis le doute m’a assaillie (quel bon futur petit pois je fais!) j’ai donc relu la décision de la CEDH pour voir si je l’avais bien comprise, et j’ai attendu votre commentaire avec impatience! me voilà rassurée, je sais encore lire…

@56 François :

à mon sens, la difficulté liée à l’indépendance du parquet ne concerne pas uniquement la question de la politique pénale, dont la définition appartient logiquement au GDS (pour l’homogénéité), mais surtout celles de leur nomination, promotion et sanction disciplinaire, qui ne doivent plus dépendre du ministre (pour éviter tout soupçon de pression ministérielle quand le parquet prend une décision - c’est l’indépendence objective de la CEDH)

@ 58 L’optimiste

je suis optimiste aussi! avant, à croire à la surivie du JI, j’étais illuminée… je suis ravie de changer de statut.

@ 59 Teejee

et non, mekeskidi peut être, mais vous avez tout compris… mais qu’est-ce donc ? démagogie ? schizophrènie ? politique (sans “P”) ?
quoi faire ? bonne question, c’est déjà bien de se la poser… on est beaucoup à chercher la réponse (s’il y en a qui ont des idées…)

@ 63 JkB

il me semble que sur terre le temps de garde à vue est décompté dès l’arrestation… donc comprend le temps de transport.

68. Le mardi 30 mars 2010 à 23:17 par Simplet

Une question -désolé très bête - qui ne recouvre peut être pas le cas de votre billet; Dans le cas d’arraisonnements de navires transportant de la drogue, ou des armes , par un navire militaire: Si ça a lieu dans les eaux internationales: n’est ce pas le navire militaire qui se livre à de la piraterie ? Quelle est son autorité? ( Vous me direz peut être les canons, mais admettons qu’en face on dispose de quelques torpilles…). En admettant que les deux soient de force égale, qui a le droit d’arraisonner l’autre et de le couler ?

69. Le mardi 30 mars 2010 à 23:18 par RG

@ Minerva

je suis optimiste aussi!

Vous aurez votre réforme de la garde à vue et ça s’arrêtera là:

“Il reste très peu de temps dans la législature”… “Or je ne suis pas sûr que la France soit en ce moment préoccupée au premier chef par ce problème de suppression du juge d’instruction”, a ironisé Robert Badinter.

Jean Léonetti, vice-président du groupe UMP de l’Assemblée: La majorité est prête à aller au combat sur les retraites, elle n’est pas prête à se battre pour une réforme de la justice qui va mobiliser tous les lobbies. Alors on va bien empaqueter la garde à vue, parce qu’on est obligé de le faire. Le reste, on remettra à plus tard. Après 2012.

70. Le mercredi 31 mars 2010 à 01:51 par Gabriel

Je plussoie fortement François en 49.

Que le Gouvernement s’appuie sur l’existant pour répondre à un dossier actuel n’est en rien problématique. Ce qu’Eolas ne nie pas, au demeurant.

Mais Eolas suppose que le juge d’instruction est seul à pouvoir offrir des garanties d’indépendance, et s’offusque de sa disparition annoncée.

La seule question valable, c’est que nous réserve la réforme à venir ? Et l’impossibilité d’y répondre ne manquera pas de susciter quelque inquiétude légitime, mais aucunement de prétendre que le Garde des Sceaux se prépare sans autre forme de procès à remplacer le juge d’instruction par le parquet.

A tout seigneur, tout honneur : célébrons donc Beaumarchais qui rappellera mieux que moi à celui qui s’est pris pour Chateaubriand que l’excessif se noie régulièrement dans le dérisoire.

Eolas:
Boire sans soif et faire l’amour en tout temps, il n’y a que cela qui nous distingue des bêtes, disait l’oncle Pierre-Augustin. J’ajouterais le fait de lire les projets publiés par le ministère de la justice(pdf) pour être dans la possibilité de répondre à la question : “que nous réserve la réforme ?” en fait partie, sous peine de faire croire qu’on est bête.

71. Le mercredi 31 mars 2010 à 07:57 par cristina corsi

j’aime beaucoup vous lire maitre. Vos commentaires sont tellement plus parlants que les longs cours magistraux auxquels j’assiste !
Merci

72. Le mercredi 31 mars 2010 à 08:49 par Cinquo

Je m’étonne que dans les réactions de quelque uns, il soit fait état de la nécessité d’un lien hiérarchique entre le GDS et le parquet pour faire appliquer la politique pénale voulue par le gouvernement. C’est un peu comme si l’on disait que les juges du siège, du fait de leur indépendance, jugent selon leur humeur matinale ou au gré du vent.

Je rêve sans doute mais n’est-il pas possible de concevoir que l’attachement profond au respect de la loi par le parquet est assez fort pour que ce dernier, tout en étant indépendant, puisse mettre en œuvre la politique pénale voulue par un l’exécutif et votée à travers des lois par le législatif ?

73. Le mercredi 31 mars 2010 à 09:05 par Alex

@68: à Gabriel, qui dit que “…aucunement de prétendre que le Garde des Sceaux se prépare sans autre forme de procès à remplacer le juge d’instruction par le parquet””.
Il vous suffit pourtant de lire l’avant projet de réforme du code de procédure pénale pour voir que tel est bien le cas…

74. Le mercredi 31 mars 2010 à 09:32 par Taz

Imaginons, je commets un crime, la police me place en garde à vue sous contrôle du parquet.
J’avoue, je fournis tout élément nécessaire pour prouver ma culpabilité lors de la garde à vue (j’ai un fond honnête) et ensuite j’invoque la nullité de la garde à vue car soumise au contrôle du parquet (partie requérante) (j’ai l’esprit retords…). Est ce à dire que tout ce qui a été dit et trouvé grâce à la garde à vue sera considéré comme nul et non avenu ? Que tout ce qui a été saisi me sera rendu ?
J’ose espérer que ce ne sera pas le cas, sinon je vois déjà un certain nombre d’applications pratiques grâce à cette réforme ;-)

75. Le mercredi 31 mars 2010 à 10:34 par Miaou

Après lecture du billet de Me Eolas et celle de la majorité des commentaires, il m’est difficile d’établir une religion définitive. Mais je souhaite revenir sur deux concepts.

Tout d’abord, le débat système accusatoire - système inquisitoire. Les deux tendent à la manifestation de la vérité, mais l’un postule que la vérité découle de la confrontation de deux thèses, tandis que le second part du principe qu’il n’existe qu’une vérité qu’il convient d’établir dans toute la mesure du possible.

Les deux présentent des limites et des failles. Dans le système accusatoire, il existe nécessairement une inégalité entre l’accusation, qui s’appuie sur l’organisation très structurée et compétente qu’est la police et l’ensemble de ses moyens, et la défense d’autre part, sauf, cas minoritaire, quand on dispose des moyens de la financer. Une égalité de droit conduit à une inégalité de faits dans 95 % des poursuites. Par ailleurs, le système accusatoire suppose des audiences longues - sous peine d’être engorgées, les juridictions sont obligées de procéder dans de très nombreux cas par le biais de négociations sur la peine entre l’accusation et la défense, ce qui peut conduire, dans des cas non négligeables, à accepter une condamnation parce que le mis en cause ne dispose pas des moyens de se défendre. Et puis, fondamentalement, chacune des parties peut ne pas avoir intérêt à la manifestation de la vérité : comment le juge peut-il alors se forger une opinion éclairée ?

Passons au système inquisitoire. Il a comme pour principale faiblesse de concentrer tous les pouvoirs entre des représentants de l’Etat confrontée à une défense structurellement faible.

Ensuite, la conception du ministère public français. C’est un Janus, entre le juge objectif tendant à la manifestation de la vérité et l’accusateur. A vrai dire, il n’est ni l’un ni l’autre. Il ne doit pas soutenir une thèse à l’audience, mais prendre les réquisitions qu’il croit utile à la manifestation de la vérité. Il n’est pas non plus un rapporteur public au sens du droit adminsitratif, apportant un éclairage juridique à la juridiction ainsi qu’une proposition au vu des éléments de faits.

Et puis c’est un magistrat, ce qui explique que nombre d’attributions autre, en matière de protection de l’enfance, de régularité de l’état civil, de procédures collectives lui soient confiées.

A mon sens, ce statut hybride lui permet de contrôler les gardes à vue, au moins dans un premier temps (jusqu’à la prolongation éventuelle ?). Il en annule un certain nombre (absence de flagrance, pas d’avis au parquet, etc…) mais cet aspect ne sera jamais connu des avocats puisqu’ils ne verront jamais ces procédures.

Et puis, il ne faut pas non plus se faire trop d’illusions sur les systèmes anglo-saxons, avec une autonomie forte de la police et de l’autorité de poursuite.

Pour prendre exemple sur le Crown Prosecution Service anglais, son rôle se rapproche peu à peu, dans la pratique, de ce qu’est un parquetier français. “Ah bon, vous voulez des poursuites contre tel individu pour tel type de faits ? Pour cela, il va falloir accomplir tel vérification et entendre tel témoin. Vous ne souhaitez pas le faire car vous estimez ne pas avoir les moyens ou le temps, ou alors parce que cela reviendrait à remettre en cause le travail des policiers ? Très bien, ne les faites pas, mais il n’y aura pas de poursuites”. Que pensez-vous du rapport de force qui s’instaure ?

Il n’est pas sûr que nous ayons collectivement à gagner à la réduction des prérogatives du Parquet, et encore moins à la séparation du corps qui irait immanquablement de pair avec la perte du statut de magistrat de ses membres.

76. Le mercredi 31 mars 2010 à 11:27 par Sylvain J

Content de voir que je n’ai pas été le seul à sursauter en voyant le maitre de céans parler de piraterie des autorités françaises. Rum1@40 a raison de souligner qu’un navire d’Etat ne peut, par définition, se livrer à la piraterie. La piraterie suppose nécessairement des intérêts privés.

En outre, l’arraisonnement en haute mer du Winner n’est pas un acte illicite au regard du droit international : l’Etat du pavillon, le Cambodge, avait donné son consentement aux autorités françaises.

La CourEDH est un peu frileuse en considérant que cela ne justifiait pas l’arraisonnement. La jurisprudence américaine admet quant à elle qu’une autorisation de l’Etat du pavillon, même donnée informellement, fonde l’intervention de l’US Coast Guard. De plus, la décision de la Cour dans l’affaire Medvedyev a pour effet d’étendre l’exigence de sécurité juridique à la haute mer, ce qui parait très exagéré.

Et bravo à Eolas-Chateaubriand, le pastiche est magnifique.

77. Le mercredi 31 mars 2010 à 12:37 par François

@67 Minerva
Je suis d’accord avec votre commentaire. La solution pourrait être de faire valider les nominations par le parlement (ou tout du moins une commission mixte (AN + Sénat) représentative), un peu sur le modèle de ce qui était envisagé pour le Conseil constitutionnel mais avec un vote conforme des 2/3. Pour ce qui concerne la discipline, je ne suis pas très partisan des juridictions corporatistes mais j’avoue ne pas avoir mieux à proposer, donc va pour le CSM.

78. Le mercredi 31 mars 2010 à 13:27 par sir yes sir

moi je veux bien ne plus être dérangé en pleine nuit parce qu’on vient de coller un mineur en garde-à-vue… Et même, ça me plaît pas mal comme idée.
Encore que, il paraît que je suis toujours un magistrat, certes pas indépendant (encore qu’avant de me faire poursuivre l’ennemi public du Grand Patron, alors que je n’en ai pas envie… Il va falloir se lever tôt, et surtout me le mettre par écrit : on peut être sous l’autorité du pouvoir exécutif et avoir sa dignité, mais c’est vrai qu’il paraît que certains parquetiers acceptent de tenir le croc de boucher sur lequel on compte bien pendre les coupables…), mais un magistrat quand même, et comme tel gardien des libertés individuelles. Toutes. De tout le monde. Et donc, je ne maintiens pas un pauvre hère en garde-à-vue juste parce que je compte le poursuivre. Et même, parfois, je lève des gardes-à-vue de coupables dont les droits n’ont pas été respectés, et je me crame ma procédure, tout seul, comme un grand. Alors même que j’ai vu des collègues du siège refuser de reconnaître des nullités pourtant encourues afin de faire tenir une procédure bancale parce que le prévenu était quand même très méchant.
Enfin.
En outre je ne veux pas faire mon très très vilain parquetier mais j’ai une question pratique : comment fais-je pour résoudre mes enquêtes avec un avocat présent pour conseiller son client, même lors de la GAV ? Parce que je veux bien que la GAV ce n’est pas très rigolo, et que le suspect est livré à lui même… Mais en même temps, c’est fait pour. Les quatre cinquièmes de nos affaires sont résolues pendant la GAV. Si j’ai un avocat qui, très légitimement, cherche à sauver la peau de son client (il est là pour ça) et conseille à son client, alors qu’il a eu accès à toute la procédure, de ne surtout pas parler de tel ou tel point qui gartouille un peu, on est bien mal partis.
En tant que parquetier je pense que mon boulot c’est de chercher la vérité. Pas de poursuivre quoi qu’il en coûte. Et je suis un peu triste de voir que Maître Eolas veut un juge indépendant qui l’écoute dès la GAV, alors que moi je veux bien l’écouter…(snif).

79. Le mercredi 31 mars 2010 à 14:14 par Guerandal

@78. sir yes sir

- Et même, parfois, je lève des gardes-à-vue de coupables dont les droits n’ont pas été respectés, et je me crame ma procédure, tout seul, comme un grand. Alors même que j’ai vu des collègues du siège refuser de reconnaître des nullités pourtant encourues afin de faire tenir une procédure bancale parce que le prévenu était quand même très méchant.

C’est le “Et même, parfois, (…)” qui me chagrine.

Ca devrait être la règle et non pas l’exception, que l’on soit juge du siège ou parquetier.
Malheureusement, le fait de vouloir placer un curseur à tout prix entre pseudo intérêt général et libertés individuelles fait déraper régulièrement l’application des règles de procédure par les juges.

- Si j’ai un avocat qui, très légitimement, cherche à sauver la peau de son client (il est là pour ça) et conseille à son client, alors qu’il a eu accès à toute la procédure, de ne surtout pas parler de tel ou tel point qui gartouille un peu, on est bien mal partis.

Regardez plus souvent les séries TV américaines. Vous verrez que les policiers et les juges cherchent et veulent des preuves, pas des aveux extorqués à coup de bottin (pas gourmand et pas mondain).
Avec votre réflexion, on se demande comment font les polices espagnole, allemande, américaine, etc, pour trouver des auteurs d’infraction alors que l’avocat intervient immédiatement.

80. Le mercredi 31 mars 2010 à 14:18 par Javi

Bonjour,
Je suis étonné de la réaction de la CEDH sur la durée de détention pendant la traversée. (je ne dis pas que je désapprouve, hein). Il me semblait en effet que le cas était prévu dans le droit maritime du traitement à réserver à un suspect d’infraction le temps de pouvoir le présenter à une autorité compétente.
De mémoire, il s’agissait de le mettre aux arrêts sous la responsabilité du commandant en attendant l’escale suivante où il devait être remis aux autorités compétentes. Est-ce que c’est bien de cela qu’il s’agit?

Merci pour vos billets.

81. Le mercredi 31 mars 2010 à 16:27 par Solo

“Car l’avant projet non négociable soumis pour concertation à condition qu’on soit d’accord sur tout “

Vous avez une âme de noniste sur ce point. Vraisemblablement, le juge d’instruction sera remplacé. Pourquoi penser que plus aucun magistrat ne sera indépendant après cette réforme ? Pourquoi jouer sur cette peur pour refuser la réforme ?

82. Le mercredi 31 mars 2010 à 16:41 par béelle

La réponse à la question posée par plusieurs intervenants se trouve dans l’opinion dissidente exprimée par plusieurs juges, retranscrite au bas de la décision que commente Eolas.
En voici deux paragraphes, un peu longs mais instructifs :
8. Il nous semble qu’un certain nombre de pistes auraient été susceptibles d’être envisagées par les autorités françaises afin d’assurer le respect des droits reconnus aux requérants par l’article 5 § 3 de la Convention. Par exemple, dès lors que l’aviso Lieutenant de vaisseau le Hénaff avait appareillé de Brest avec pour mission d’intercepter le Winner (repéré par les services américains, espagnols et grecs, et suspecté de transporter une importante cargaison de drogue, donc faisant l’objet d’une demande d’interception de l’OCRTIS), la nécessité d’une intervention d’un magistrat, pendant ou juste après l’opération, était raisonnablement prévisible. Dès lors, on aurait pu décider qu’un juge embarque à bord de l’aviso à Brest, voire en Espagne comme ce fut le cas pour les experts de l’OCRTIS.
9. A défaut, les autorités auraient pu examiner la possibilité de transférer les membres de l’équipage sur un navire militaire (nous relevons à cet égard que le Lieutenant de vaisseau le Hénaff n’a mis que six jours depuis Brest pour rejoindre le Winner). Compte tenu de l’état du navire, il est surprenant que les autorités en charge de l’opération aient décidé de maintenir les membres de l’équipage du Winner sur ce dernier, au risque de voir le délai de présentation à un juge durer exagérément. Par ailleurs, il ne semble pas qu’on ait étudié la possibilité de les transporter en France par voie aérienne, alors que cette option a déjà été utilisée par les autorités françaises dans des affaires de piraterie et aurait pu être envisagée ici aussi.

83. Le mercredi 31 mars 2010 à 16:47 par e-Lyenn

Que penser du contrôle de constitutionnalité qui s’opèrera inévitablement sur la loi réformant la procédure pénale? Peut-on espérer du Conseil Constitutionnel qu’il suive les considérants de la Cour, dans le respect de son interprétation de la CESDH?
De même, le nouvel article 61-1 de la Constitution prévoyant une saisine par exception n’est-il pas envisageable pour tout justiciable dans le cas ou une telle réforme devait être actée sans souffrir les arguments qu’il est raisonnable de lui opposer?

Je m’inspire ici de la décision du Conseil Constitutionnel du 19 novembre 2004 ou les sages avaient repris, dans leurs considérants, le visa d’un arrêt de la Cour de Strasbourg. Ce choix, naturel, de conformer la législation française aux attentes européennes devrait, sinon calmer, dumoins dompter les véléités de certains…

84. Le mercredi 31 mars 2010 à 16:50 par Vincent

Victoire à la Pyrrus:
Encore une bataille gagnée de cette façon et le cordon ombilical entre l’exécutif et le Parquet sera rompu.
Vous parlez, cher Maître, de cynisme, c’est juste de l’imprévision où une petite victoire pour le gouvernement l’amène, inéluctablement, à une situation intenable. Ce sera d’autant plus amusant qu’à cette date le parquet sera seul en charge des poursuites et que chacune de ces poursuites sera viciée.

85. Le mercredi 31 mars 2010 à 17:24 par favoreu

maitre , la meilleur solution dans cette affaire ne serait-elle pas de laisser le gouvernement faire passer sa réforme puis a posteriori demander un contrôle de conventionnalité à la CEDH , qui condamnerait certainement la France .

86. Le mercredi 31 mars 2010 à 17:41 par RG

@81 e-Lyenn

Que penser du contrôle de constitutionnalité qui s’opèrera inévitablement sur la loi réformant la procédure pénale?

Que penser ? entre:

- La CEDH 2010: Le magistrat ….. doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif

et

- La constitution, DDH de 1789: Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

Vous voyez une différence fondamentale ?

87. Le mercredi 31 mars 2010 à 18:06 par Miaou

@80 Béelle

L’opinion dissidente fera doucement sourire sur ce point la majorité des praticiens . Pourquoi ? D’abord parce qu’elle part du principe que la procédure pénale est parfaite (au sens d’achevée) et raisonnablement prévisible pour le délinquant lambda.

Cependant, la criminalité évolue, on peut se trouver confronter à une situation où rien de spécifique n’est prévu. Dès lors, que faite-vous ? Vous laissez quelques tonnes de drogue arriver à destination ? Ou vous tentez quelque chose, en espérant que les textes “génériques” existants feront l’affaire ? C’est ce qui a été fait dans ce cas de figure par les magistrats brestois.

Se posera alors tout un ensemble de question : comment être sûr, si les mis en cause sont transportés dans les meilleurs délais, que personne n’a porté atteinte à l’intégrité du navire et de sa cargaison, en clair que la perquisition est régulière ? Comment organiser le transport par avion militaire - ce qui peut être compliqué - d’un juge d’instruction, d’un greffier, et vraisemblablement d’un parquetier depuis Brest ? Comment assurer également le transport d’un ou plusieurs avocats (risque de conflits d’intérêt massif) ? Comment mettre à exécution un éventuel mandat de dépôt (ne pas oublier le JLD dans les bagages, etc…).

Bref, l’opinion dissidente sur ce point à le bénéfice de dix ans de recul sur les faits, ce qui lui donne en apparence un lustre de sagesse, en revanche sur le fond c’est du niveau Café du Commerce “y’a qu’à - faut qu’on”.

C’était une situation d’urgence, avec des délais en pratique relativement courts, chacun des intervenants était pris dans ses activités habituelles. Le temps qu’on se retourne, le bateau entrait déjà en rade de Brest.

Comme quoi, on peut être juge à la CEDH et dire des bêtises.

88. Le mercredi 31 mars 2010 à 18:47 par béelle

@85 Miaou

Libre à vous de sourire et j’ignore si la majorité des praticiens le fera.
Les juges de la CEDH sont assez grands pour se défendre eux-mêmes. Il n’est que de lire leur opinion qui répond à vos questions. Au besoin, relisez-la.
Le temps qu’on se retourne, comme vous dites, a duré pas moins de 13 jours !
Peut-on sérieusement parler de bêtises ?
Moi, ce que j’en dis…, je n’appartiens pas au corps des juges de la CEDH.
Mais avons-nous le droit de les offenser avec aussi peu de biscuits ?

89. Le mercredi 31 mars 2010 à 19:37 par toto

désolé pour le HS : Besson se déchaîne :

Eric Besson veut faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière
http://www.lemonde.fr/societe/artic…

90. Le mercredi 31 mars 2010 à 20:28 par ivan

un petit hors-sujet(jeudi 25):
-y’a aussi Landru et Petiot…
-mais,mais a la decharge de Zemour-and-co,on n’a jamais prouve que Jack-the-ripper n’etait ni noir ni arabe(ni Ama-zoulous ni Ghazis)
-signe Sherlock!
a plus!
ivan…

91. Le mercredi 31 mars 2010 à 20:40 par parquezaco

A force de réflexions alambiquées, le serpent risque de se mordre la queue.

J’ai l’impression que les juges veulent être procureurs à la place des procureurs.

Et qu’ils se retrouveront bientôt seuls face à la police.
Bravo, encore un effort et vous aurez supprimé vos alliés objectifs dans la recherche de la vérité que sont les parquetiers.

92. Le mercredi 31 mars 2010 à 20:49 par Stéphanie

Pardon, je suis hors sujet

Je regardais les travaux parlementaires sur la réforme de la garde à vue (en bonne étudiante qui voit les partiels arriver! J-6) et en écoutant Mme la Ministre de la Justice j’ai trouvé cette phrase très drôle …

“le rôle de la garde à vue c’est de permettre en posant des questions à une personne de faire avancer les moyens de connaître la vérité”

on simplie pas ou on oublie pas des choses MaM?

Ca pourrait même mériter un billet de plus sur la garde à vue Maître Eolas :D

93. Le mercredi 31 mars 2010 à 22:36 par Christophe

J’avoue ne pas connaitre la jurisprudence de la CEDH,donc je vous fait confiance.
Mais n’y a-t-il pas là une distinction à faire dans la “détention”. En d’autres mots, celle qui est en relation avec la garde à vue, et celle relative à la détention provisoire ou la condamnation?

94. Le mercredi 31 mars 2010 à 23:49 par zadvocate

Petites réflexions après ce deuxième arrêt Medvedyev:

Dernièrement, on a beaucoup discuté de la conformité de la procédure de garde à vue française avec les dispositions de la CEDH au regard du droit d’être assisté d’un avocat pendant la GAV. Mais si on lit bien les deux arrêts medvedyev, ne serait il pas plus judicieux de critiquer le droit français au regard de l’article 5.3 de la convention ?

La cour a pu définir ce qu’est un magistrat et une autorité judiciaire à raison notamment de son indépendance et juger que le procureur de la république chez nous n’est pas de ceux la.

Or en droit français, le pouvoir de placer quelqu’un en garde à vue appartient aux officiers de police judiciaire, le tout sous le contrôle du procureur de la république. Un OPJ n’est pas une autorité judiciaire et la Cour nous dit que le procureur ne l’est pas non plus. Dès lors, la privation de liberté que constitue la garde à vue peut-elle être conforme à la CEDH ?

95. Le jeudi 1 avril 2010 à 00:11 par zadvocate

et une interrogation: Le cas jugé par la Cour concerne un dossier ou les gardés à vue ont finalement été présentés à un juge d’instruction lequel dispose d’un pouvoir certain pour contrôler directement (remise en liberté, placement sous contrôle judiciaire) ou indirectement (via saisine du JLD) la privation de liberté.

Mais qu’en serait il dans une affaire ou le gardé à vue après 48h de gav serait présenté au Tribunal correctionnel dans le cadre d’une comparution immédiate ? Doit on considérer que le fait que le gardé à vue ne soit présenté à un magistrat indépendant (ici le tribunal composé de juges du siège) qu’à l’issue d’un délai de 48h est contraire à l’article 53 ?

La Cour juge en effet que Le contrôle juridictionnel lors de la première comparution de la personne arrêtée doit avant tout être rapide car il a pour but de permettre de détecter tout mauvais traitement et de réduire au minimum toute atteinte injustifiée à la liberté individuelle.

Un délai de 48h répond il à cette exigence de promptitude ? Et que dire du délai de 96h applicable dans certaines matières ?

96. Le jeudi 1 avril 2010 à 08:10 par Véronique

”Et qu’ils se retrouveront bientôt seuls face à la police.
Bravo, encore un effort et vous aurez supprimé vos alliés objectifs dans la recherche de la vérité que sont les parquetiers.” (parquezaco - post 89)

Et pourquoi pas envisager la suppression du parquet, comme le préconise Samuel Corto (idée évoquée à partir de 35’ dans la discussion avec Antoine Garapon) ?

Bon, je ne néglige pas le fait que d’un point de vue institutionnel, constitutionnel etc., etc. cela ne manquerait pas de poser de très grosses questions et de très grandes difficultés.

Mais au fond, compte tenu de la réalité que Samuel Corto décrit dans son roman judiciaire, après tout l’hypothèse d’une justice pénale qui ne serait composée que par des magistrats du siège serait beaucoup moins ambigüe pour le justiciable.

97. Le jeudi 1 avril 2010 à 09:31 par Gascogne

@ Véronique : et confier l’action publique uniquement à la police, dont on ne sait que trop qu’elle est totalement soumise à la culture du chiffre ? Bon courage…

98. Le jeudi 1 avril 2010 à 10:18 par ranide

@zadvocate

Il me semble au départ que la GAV était contestée au regard de l’article 5-3 et du statut du parquet. Les choses ont changé à partir des arrêt Salduz et Dayanan et ce sont les articles 6-1 et 6-3 qui ont été mis en avant.

A juste titre à mon avis, puisque dans l’arrêt Aquilina / Malte de 1999, qui est cité dans l’arrêt Medvedyev, la Cour a admis qu’une comparution devant le juge 2 jours après l’arrestation pouvait passer pour avoir eu lieu « aussitôt », au sens de l’article 5 § 3 (§ 51).

La GAV de droit commun (24 + 24 heures) serait sans doute jugée conforme à l’article 5-3.

Les questions qui restent en suspens au regard de l’article 5-3 portent plutôt sur les GAV dérogatoires de 72 et 96 h à un double point de vue : le délai entre l’arrestation et la présentation devant un juge ou un magistrat habilité à des fonctions judiciaires (ce qui exclut le parquet) ; la pratique qui procède de manière abstraite et tend à ouvrir en retenant la qualification la plus haute, alors que la CEDH exige un examen au cas par cas.

99. Le jeudi 1 avril 2010 à 11:11 par Miaou

@86 Beille

Ce qui est intéressant, c’est que vous ne relevez l’existence que d’une des deux opinions dissidentes. Pourtant celle-ci, sur la violation de l’article 5§1, réunissait 7 voix sur dix (dont celle de M. COSTA, président de la CEDH, qui me paraît assez peu liberticide d’habitude) et me semble beaucoup plus au fait des difficultés pratiques de la mise en oeuvre du droit.

Et puis 13 jours peuvent vous paraître long, mais le temps que tout le monde réaliser l’ampleur de la situation (2 ou 3 jours), qu’on se plonge dans la jurisprudence/le jurisclasseur/la doctrine (encore 2 ou 3 jours), qu’on cherche frénétiquement la solution la moins mauvaise et la plus respectueuse des libertés (et oui !), surtout au vu d’une note cambodgienne dont la CEDH fait manifestement une lecture très étroite (la France avait le droit d’arraisonner le navire, d’entamer les poursuites, mais surtout pas de détenir, ô non), le navire est en plein milieu de l’Atlantique et doit arriver d’ici un jour ou deux.

Vous trouvez que quand même les magistrats brestois avaient quand même le temps ? S’ils n’avaient eu que ce dossier à gérer, vous auriez certainement raison.

@ 94 Véronique : Parquet Flottant comme une bonne description de la réalité judiciaire ? C’est une bonne description de la médiocrité humaine, présente dans les juridictions comme ailleurs, ainsi que de certaines vicissitudes propres aux magistrats.

Mais de là à y voir une description réaliste de la vie judiciaire, il y a un énorme pas que je franchirai pas. J’y vois une sorte de caricature rabelaisienne, la transformation de la réalité par “l’hénaurme” afin de critiquer l’objet de son étude, mais rien de plus. C’est un roman, point.

100. Le jeudi 1 avril 2010 à 12:17 par Simone

@ JkB (65)
(…) la garde à vue commence quand ? A l’arrivée au commissariat ou dans le fourgon de police ?
A compter de l’interpellation du mis en cause ou de sa présentation volontaire dans le service de police… bref à partir du moment où il est pris en charge par les policiers.

@ sir yes sir (78)
Les quatre cinquièmes de nos affaires sont résolues pendant la GAV.”
Eolas vous rétorquera peut-être que les erreurs judiciaires naissent aussi pendant ces fameuses gardes à vue… à proportion d’environ quatre cinquièmes des affaires traitées ! Je plaisante.
En tant que parquetier je pense que mon boulot c’est de chercher la vérité.
C’est aussi ce qui anime les policiers.

101. Le jeudi 1 avril 2010 à 12:51 par Véronique

@ Gascogne

Je suis bien d’accord que confier l’action publique à la police n’est pas envisageable.

Dans la discussion A. Garapon/ S. Corto, cette question de l’action publique n’est pas évoquée. Mais il n’empêche que j’ai du mal à faire la distinction, par exemple pour les enquêtes, entre le travail de la police et celui du parquet.

@ ranide

J’ai lu Parquet flottant il y a quelques mois. Je pense que ce roman a les défauts d’un premier roman et que d’une certaine façon S. Corto (ancien magistrat et ancien avocat) est trop proche de son sujet, trop impliqué pour avoir la distance nécessaire. Il connaît de trop de son sujet . En fait la trop grande proximité d’un écrivain avec son sujet peut souvent se révéler être une limite pour un romancier.

Mais je pense que son désabusement et son cafard sont intéressants car il humanise l’univers de la justice que le justiciable idéalise de trop.

102. Le jeudi 1 avril 2010 à 14:58 par PPS

@ Parquezaco (89)
Les juges du siège ne veulent pas être procureurs à la place des procureurs, sinon ils demanderaient des postes au Parquet, tant que l’unité du corps le leur permet.
Mais il faut tirer la conséquence logique de ce nouvel arrêt : la privation de liberté que constitue la GAV ne peut être ordonnée, et contrôlée, par une autorité qui peut devenir partie dans la suite de la procédure.
Combiné avec l’impossibilité pour un magistrat qui a statué sur la privation de liberté de statuer ensuite sur le fonds : il va donc falloir créer une fonction qui se consacrera uniquement, en matière pénale, à la détention, et au suivi des enquêtes si le juge d’instruction est supprimé. Cela pourrait être une reconversion des parquetiers qui regretteront leurs permanences nocturnes et de WE !
Ah oui ! Si la CEDH allait jusqu’au bout de son raisonnement, elle devrait interdire à un magistrat qui a déjà connu de l’affaire pour une question de privation de liberté de connaître de toute nouvelle demande concernant la même procédure, puisqu’il aura alors forcément une idée préconçue (ie conçue antérieurement à la nouvelle demande) de l’affaire. Il faudrait donc délocaliser les affaires au fur et à mesure de la “carbonisation” de chaque magistrat. Enoncé du problème qui en résulterait nécessairement : combien de temps faudra-t-il à un prévenu, en fonction des règles de procédure concernant les demandes successives, pour qu’aucun des 7 000 (ou à peu près…) magistrats de France ne soit plus en mesure de le juger ?

103. Le jeudi 1 avril 2010 à 17:33 par SB

“Cela ouvre aux condamnés un pourvoi en révision”

Précision: il ne s’agit pas d’une révision, mais d’un réexamen, procédure bien distincte et beaucoup plus récente (le seul point commun entre ces deux procédures, c’est qu’elles se déroulent devant des formations de la Cour de cassation).

104. Le jeudi 1 avril 2010 à 21:52 par villiv

“Car l’avant projet non négociable soumis pour concertation à condition qu’on soit d’accord sur tout précise dans son futur article 327-8 que c’est bien le procureur et le procureur seul qui aura la haute main sur la garde à vue.”

c’est normal, tout ça, non ? ah bon !

c’est pas comme si c’était pas conforme à la CESDH…

ah c’est pas conforme ?! euh, bah c’est normal on est en France !

105. Le vendredi 2 avril 2010 à 11:29 par parquezaco

à PPS

la privation de liberté dans le cadre de la garde à vue n’a pas à être stricto sensu “ordonnée” par un magistrat répondant aux qualités d’independance etc etc.

Elle est actuellement ordonnée par un OPJ, ce qui est conforme aux exigences de la CEDH, sous certaines conditions de délai et de droits.

Et ce système continuera nécessairement car sinon il faudrait admettre que ce soient les juges qui placent dès le début en GAV, ce qui est évidemment impensable.

C’est pourquoi à force de ratiocinations le serpent risque de se mordre la queue.

C’est pourquoi également, il est de mon point de vue vain et dangereux de se priver du contrôle que le Parquet exerce sur l’enquête.

C’est une double garantie (voire triple: OPJ, Parquet et in fine juge)

Cordialement

106. Le vendredi 2 avril 2010 à 11:54 par PPS

@ parquezaco (103)

Certes, certes, le placement en GAV par un OPJ est actuellement encore conforme aux exigences de la CEDH. Mais vous aurez observé comme moi que ces exigences évoluent au fur et à mesure des décisions.

Qui aurait imaginé il y a 5 ans que la Cour pourrait écrire : 124. Le magistrat (qui contrôle la légalité de la privation de liberté) doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public ?

Et ne pensez-vous pas que l’on passera rapidement du “contrôle de la légalité de la privation de liberté” à l’autorisation de procéder à cette privation de liberté, seule l’arrestation restant de l’initiative des services de police ?

107. Le vendredi 2 avril 2010 à 15:38 par Seul maître à bord après Dieu

Bonjour à tous,

Ce pseudo surrané pour tout de même attirer votre attention sur un aspect qui me semble être trop souvent mis de côté dans les commentaires, au profit d’une rhétorique peut-être trop centrée sur les textes juridiques, je veux parler du déroulement des faits replacé dans son contexte tant géographique qu’organisationnel, et c’est sans doute ce que soulevaient également les précédents « marins » (au moins @65).

Le texte qui suit ne sert qu’à illustrer qu’en mer, les délais de réaction ne sont pas toujours ceux des procédures légales, et que les moyens à disposition ne sont pas toujours ceux figurant sur le site internet de la Marine ou du ministère de la Justice (l’essentiel étant dit, les gens « pressés » peuvent donc passer au commentaire suivant :) ).

Le présent commentaire, pour être précis, mériterait une excellente connaissance de tous les textes cités, que je n’ai pas, ainsi que celle ces événements, dont je ne dispose qu’à travers les médias. Malgré ces lacunes, que je confesse volontier, une chose est sûre : les décisions prises répondent à différents degrés de gravité et de nécessité physiques et temporelles. Notamment, une fois l’opération lancée in situ :

  • les membres du commando (Jaubert) qui sont intervenus sont chacun seuls décideurs pour ce qui ne concerne que leur propre personne dans le cadre de la tâche qui leur a été confiée, mais également pour tout ce qui relève du cadre de la légitime défense. Ils prennent leurs ordres et rendent compte à leur chef d’équipe ;
  • le chef de l’équipe du commando, sur le navire arraisonné, juge des mesures immédiates à prendre (on peut dire : « de conservation ») au vu de toute évolution de la situation, tout en cherchant à atteindre l’objectif qui lui a été fixé au début de la mission (sans doute de prendre contrôle du navire). L’un des autres critères de décision est le risque encouru par ses hommes. À l’instar de la légitime défense, ces décisions sont « reportées » à la responsabilité de son supérieur en fonction du délai nécessaire à la réaction envisagée, il ne demande donc d’autorisation à son supérieur que lorsque l’ensemble de son équipe (et autant que faire se peut l’équipage du navire) est « préservée ». Il prend ses ordres et rend compte au pacha du navire sur lequel il a été détaché, en l’occurrence le LV Le Hénaff ;
  • le commandant (ou « pacha ») du bâtiment juge des actions à mener pour remplir la mission qui lui a été confiée par son supérieur, ainsi que pour sauvegarder les vies qui sont sous sa responsabilité. Dans le cas présent, il s’agit bien sûr de l’équipe du commando déployée sur le navire arraisonné mais également de son équipage - et par conséquent de son bâtiment - et de l’équipage du Winner. Il est officier de police judiciaire, son second sans doute également (sans compter les renforts). Il prend ses ordres et rend compte au préfet maritime commandant la zone où il opère, Atlantique en l’occurrence ;
  • le préfet maritime, autorité à la fois civile et militaire, est responsable des agissements de tout élément français (civil ou militaire) dans la zone dont il a la responsabilité, mais également de la sauvegarde du territoire national lorsque celle-ci est mise en cause par des éléments opérant dans sa zone de responsabilité. Dans l’opération « Winner », il coordonne les forces à sa disposition (potentiellement tout ce qui bouge sous l’eau, à la surface ou dans les airs en Atlantique et qui bat pavillon français) pour accomplir la mission qui lui a été confiée, sans doute d’amener le Winner dans les eaux territoriales et de placer les membres de son équipage sous l’autorité de la justice nationale, en préservant la vie des hommes sous sa responsabilité - ce qui inclut à la fois les militaires et civils de l’opération et l’équipage du Winner. Il prend ses ordres et rend compte au premier ministre, au ministre de la Défense et/ou au président de la République. A priori, il lui a été indiqué qu’il pouvait « sans restriction procéder à l’arraisonnement du Winner » (cette citation est un raccourci de l’originale).

Dans cette dernière phrase, je ne sais quelle valeur revêt l’expression « sans restriction », surtout du point de vue des lois françaises. Et lorsque j’écris « sous l’autorité de la justice nationale » je n’entends pas par là qu’un commandant de bâtiment de la Marine nationale n’en est pas un représentant et un acteur (comme tout un chacun, me direz-vous), mais simplement qu’il fait partie d’un dispositif qui n’est pas directement relié au ministère de la Justice.

Cette longue description pour rappeler qu’un bâtiment au milieu de l’Atlantique a beau être relié par tous les moyens satellites possibles et imaginables, lorsqu’un navire effectue des manœuvres mettant en danger son bâtiment et son équipage, lorsque l’équipage du navire en face jette à l’eau des ballots blancs qui sont potentiellement des preuves importantes, le pacha n’a parfois que quelques instants pour décider de l’action à mener, sans pouvoir en référer immédiatement à son supérieur. Et les « indices » d’agressivité (qu’il faut certes distinguer de la non-coopération) peuvent parfois constituer un faisceau suffisamment important pour juger dans l’instant que les membres du navire arraisonné doivent être « consigné ».

Ce qui ne veut pas forcément dire qu’en 13 jours on n’ait pas pu en référer à une autorité judiciaire compétente, mais encore une fois un navire au milieu de l’Atlantique n’est pas un appartement dans une ville d’un département français, et être « consigné » dans sa cabine ne veut pas nécessairement dire que les membres d’équipage n’en sont pas du tout sortis pendant la durée du transit, la cabine d’un navire où un équipage a l’habitude de vivre n’est pas une cellule de garde à vue. Allez donc demander une revue ou un livre au policier qui vous surveille dans un commissariat où vous aurez eu l’occasion d’être amené en garde à vue…

Quant au transfert d’un équipage de navire au grand complet à travers sans doute plusieurs pays (Sénégal ? Espagne via les Canaries ? Portugal via Madère ?) et avec plusieurs moyens de transport (hélicoptère ? Mais combien d’hélicoptères de classe « 10 passagers » capables de faire de l’hélitreuillage sur un navire étaient disponibles sur zone ?), je pense que les délais de mise en place et de mise en œuvre ne seraient pas forcément beaucoup plus intéressants qu’un transit « classique ».

Enfin, à @80, je parierais que les conditions d’accueil de 10 personnes sur un aviso type LV Le Hénaff aurait entraîné une nouvelle plainte. Un aviso n’est pas un ferry de Corsica Ferries, d’autant qu’il y avait des personnes en renfort et qu’ils devaient déjà être certainement très « serrés ».

Signé : Fidèle lecteur et déférent admirateur du maître des lieux, seul maître à bord après… son ministre ? (non, pardon, je m’égare)

P.S. : Pour intérêt :
http://www.lexmaritima.net/penal.ht…
http://www.netmarine.net/bat/avisos…

108. Le vendredi 2 avril 2010 à 16:13 par Toplasme

à l’attention de PPS
aucun système ne peut permettre la conduite directe d’une personne arrêtée, sur qui pèse des soupçons d’infraction, devant un juge ou “magistrat présentant les garanties d’indépendance …”.
Il est heureux qu’il en soit ainsi, sinon le juge se verrait transférés en fin de compte les pouvoirs de l’OPJ actuel.

Les juges souhaitent-ils exercer les pouvoirs de l’OPJ ou prendre suffisamment de recul?
Il y a place pour une phase de détention avant présentation à un juge (la GAV), contrôlée par un magistrat à qui le pouvoir exécutif ne peut en aucun cas donner d’instructions non écrites.
Ce magistrat est le parquetier, n’en déplaise à certains.

L’accroissement des pouvoirs du parquet, qui ne réduit aucunement l’espace d’appéciation du juge à durée de GAV inchangée, est une garantie des libertés publiques.

Je n’ai jamais entendu quiconque, avant que bruissent de vertueuses protestations sur la disparition du juge d’instruction (dont de grands noms, hérauts de l’indépendance, sont passés en politique…), prôner la disparition du Parquet au motif qu’il n’aurait pas les qualités d’un magistrat ni exiger que le juge d’instruction se voie confier toutes les enquêtes pénales.

Bref, le débat en cours et à venir semble essentiellement politicien et a peu à voir avec la protection contre l’arbitraire.

109. Le vendredi 2 avril 2010 à 16:59 par PPS

@ Toplasme (106)

Vous êtes trop aimable de me rappeler la réglementation actuelle de la GAV en France.

Mais le motif de la CEDH que j’ai déjà reproduit devrait avoir pour conséquence de faire retirer au parquet le contrôle du déroulement de la GAV et le pouvoir de la prolonger : ce n’est pas un souhait que j’émets, c’est la déduction logique qui me paraît devoir être tirée de ces considérations.

Et je pense, comme je l’ai déjà écrit, qu’il est probable que l’évolution de la jurisprudence de la CEDH, son approfondissement de la portée des droits dont elle entend assurer le respect, conduise encore au-delà.

C’est tout. Il n’y a là aucune critique du rôle du parquet, ni aucun désir de l’en déposséder. Simplement un raisonnement logique à partir des nouvelles prémisses fournies par la CEDH.
Montrez-moi en quoi ce raisonnement est erroné.

110. Le vendredi 2 avril 2010 à 21:31 par segil

N”en déplaise à certains, la CEDH n’est pas une bulle de savon flottant dans l’air, libre de toutes entraves, C’est aussi d’une certaine façon un organe politique qui a besoin pour survivre d’une coopération politique avec les états signataires. Elle ne peut pas se permettre un choc frontal avec un état aussi important que la France sans qu’il y ait des répercussions politiques désastreuses à son niveau.
Elle a déjà du mal à rester la tête hors de l’eau, quasi noyée par les dossiers.
Imaginons que la France décide d’avoir à son égard une posture plus offensive, elle a largement les moyens de lui mettre la tête sous l’eau définitivement. Il y a plus d’un moyen d’avoir la peau de l’ours. En l’espèce, il suffit simplement de ne rien faire, de s’opposer à toute modifications des moyens de saisine, de refuser de pallier aux défauts constatés.
Ceci explique peut-être et même sûrement la décision en demi-teinte de la grande chambre.

111. Le vendredi 2 avril 2010 à 21:58 par Fantômette

@ Miaou (#75)

Je suis plutôt d’accord avec votre synthèse. Mais il y a un élément supplémentaire qu’il ne faut pas oublier, et qui concerne l’évolution du rôle du procureur dans la détermination de la sanction.

On se passe de plus en plus du juge, aujourd’hui. Délégués du procureur, médiation pénale, composition pénale, crpc… C’est une tendance lourde sur laquelle je doute que le législateur songe à revenir. Le ministère public gère les poursuites, mais également les réponses pénales à leur apporter, de bout en bout, pour un nombre croissant d’affaires. C’est un fait à mettre en cohérence avec les évolutions (ou absences d’évolution) qui planent sur le statut des procureurs.

J’ai pris connaissance avec une certaine surprise du chiffre suivant, qui semble dater de 2006: plus de 50% de ces fameuses réponses pénales relèveraient aujourd’hui d’une voie alternative au procès. Le chiffre a été donné par Mireille Delmas-Marty, récemment interrogée sur la chaîne parlementaire. Mais je n’ai pas réussi à le retrouver, et il faudrait le confirmer.

112. Le vendredi 2 avril 2010 à 22:09 par RG

@110 segil

la CEDH …. Elle ne peut pas se permettre un choc frontal avec un état aussi important que la France

Mais si, il lui suffit de dire très clairement mais sans avoir l’air de le dire, ça s’appelle le langage diplomatique.

Ceci explique peut-être et même sûrement la décision en demi-teinte de la grande chambre.

CQFD.

113. Le samedi 3 avril 2010 à 16:38 par Miaou

@ 111 Fantômette

Je rejoints votre constat sur le fait que le parquet gère de plus, de bout en bout, les modalités de la poursuite. Toutefois si le juge est marginalisé dans ce nouveau schéma, il n’est à mon sens pas absent.

Après tout, il doit homologuer les CRPC et valider les compositions pénales. Les refus d’homologations existent, de mémoire je crois que cela représente 10 % des procédures au niveau national. Les refus de validations sont rarissimes - je n’en ai vu qu’une fois, et c’est parce que le juge trouvait la sanction proposée nettement insuffisante…

En résumé, les privations de droits ou de libertés ou encore les atteintes au droit de propriété qu’entraînent ces sanctions sans audience ne peuvent se passer du juge, ainsi que l’avait d’ailleurs exigé, à juste titre, le conseil constitutionnel. Le juge est tenu de vérifier si l’infraction est caractérisée.

Seuls les classements sous conditions d’indemnisation peuvent éventuellement poser problème, non pas sur le plan pratique (il s’agit de petits préjudices, les victimes sont en général fort raisonnables, les faits sont simples et reconnus), mais sur le plan théorique, le mis en cause s’appauvrissant pour réparer le préjudice d’autrui sans qu’un juge ait constaté le principe de sa responsabilité ou l’étendue de celle-ci.

Cette situation hybride, marquée par une prééminence du ministère public, ne peut exister que parce que le parquet est composé de magistrats.

A défaut, nous devrions renoncer à ces voies procédurales qui permettent de sanctionner de manière adaptée des faits de gravité modérée. Je ne crois pas que cette option soit souhaitée par la majorité de nos concitoyens.

114. Le samedi 3 avril 2010 à 19:46 par ranide

@ Fantomette

On retrouve les chiffres de Mme Delmas-Marty sur le site du ministère, dans les chiffres-clés de la justice pour l’année 2006 (activité des parquets, p. 14), pour l’année 2007 (activité des parquets, p.14) et pour l’année 2008 (activité des parquets, p.14).

L’évolution entre 2002 et 2006 est dans l’annuaire statistique de la justice édition 2008 (activité des parquets, p. 109).

En résumé :

2002 :
affaires poursuivables :1 350 081

poursuites devant tribunaux correctionnels : 383 411 (étant rappelé qu’à l’époque, il n’y avait ni CRPC ni ordonnances pénales en matière correctionnelle)

poursuites devant les tribunaux de police : 147 201

compositions pénales réussies : 6 755

Procédures alternatives : 289 485

2008 :

affaires poursuivables : 1 500 411

poursuites devant tribunaux correctionnels : 530 760 (dont 56 326 CRPC et 136 124 ordonnances pénales)

poursuites devant tribunaux de police : 58 272

Compositions pénales réussies : 67 230

Procédures alternatives : 544 715

CRPC + ordonnances pénales + compositions pénales + procédures alternatives = 804.395 soit plus de la moitié des affaires poursuivables.

Et la tendance va encore s’accélérer, puisque le Parlement va être saisi d’un nouveau projet de loi, à la suite du rapport Guinchard, sur de nouveaux allégements de certaines procédures, c’est-à-dire en matière pénale, l’extension du champ de la CRPC à toutes les infractions correctionnelles et à l’extension du champ de l’ordonnance pénale à de nouvelles infractions, avec possibilité pour le juge de statuer sur la demande de dommages-intérêts de la partie civile (sur le modèle d’HADOPI).

Ce n’est pas que le juge qui disparaît, c’est aussi le contradictoire.

115. Le dimanche 4 avril 2010 à 10:59 par gallois eric

je vous invite sur mon blog: hypocrisie.over-blog.org

c’est du droit!
pouvez vous poster sur le deuxième article de mon blog?

à votre avis, l’huissier, corrompu ou pas corrompu?

116. Le lundi 5 avril 2010 à 11:17 par ...

“L’article 5 de la CSDH stipule en effet ceci :”

je pense qu’une coquille s’est glissée : l’article 5 CSDH “dispose”?

Il me semble que le contrat stipule et la loi dispose.

117. Le lundi 5 avril 2010 à 14:56 par Miaou

@ 116

CSDH est l’acronyme de “Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme”. Il s’agit d’un traité, donc d’un contrat, entre Etats. L’article 5 de la CSDH stipule puiqu’il s’agit d’un contrat.

118. Le mardi 6 avril 2010 à 22:52 par Fantômette

Bonsoir Ranide, et merci pour les chiffres. Qui laissent effectivement songeurs.

119. Le mercredi 7 avril 2010 à 00:16 par Strasbourg bientôt

@108
“L’accroissement des pouvoirs du parquet, qui ne réduit aucunement l’espace d’appéciation du juge à durée de GAV inchangée, est une garantie des libertés publiques.”

Ceci a condition de voir ceux de la défense ni stagner ni meme et encore moins régresser. Vous me direz ils sont déja faibles, il n’en demeure pas moins que la question de l’accès à une défense pénale efficace et je pense ainsi à l’intervention de l’avocat durant la GAV n’est pas tranché et ne semble pas en phase de l’être.

120. Le mercredi 7 avril 2010 à 10:17 par aspi-rine

Je connais cet argument car, il a été soulevé par le SM et par certains magistrats de ma liste.
A mon avis (avec le peu d’autorité que j’ai dans ce domaine, mais avec mon seul bon sens), la cour se borne à rappeler ses précédentes décisions, et, de plus, elle n’a pas annulé la GAV des requérantes, sur la base de ce motif (à savoir que la GAV était sous le contrôle du Parquet).
Cet arrêt n’apporte donc rien de nouveau par rapport à la jurisprudence antérieure.

Même si sur les conclusions tirées de l’ensemble de cette jurisprudence, je pense comme Eolas que la réforme du CPP sera contraire à la CEDH et à son interprétation actuelle (mais pas sur cet arrêt spécifiquement).

121. Le vendredi 9 avril 2010 à 11:22 par bernadic

A 115 (Eric GALLOIS)

si vous voulez qu’on poste sur votre blog il serait bon que vous appreniez, sur ce dernier, à écrire un français correct.

122. Le lundi 12 avril 2010 à 15:50 par récap59

Bonjour Miaou (80)

“Le temps qu’on se retourne, le bateau entrait déjà en rade de Brest.”

Donc, dans les eaux territoriales françaises, où s’applique la loi nationale, sans problème de délai particulier. Ne trouvez vous pas étrange, voire suspect, que cette solution ait été écartée ?

Etait-on si sûr de la destination du bateau, et donc de la compétence territoriale de la justice française dans cette affaire ?

Quant à ceux qui s’inquiètent des difficultés matérielles pour respecter les délais de droit commun sur de grandes distances, ils me font bien rire.

On va bien chercher des procureurs en hélicoptère dans l’Himalaya sans aucune nécessité juridique, uniquement par opportunité politique.

Et je suis sûr que pour le pilote, c’est beaucoup plus dangereux qu’un intervention en mer.

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