Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Vive les magistrats civilistes !

Un beau cadeau est arrivé pendant la trêve des confiseurs, qui a fait grand bruit : le tribunal correctionnel de Paris a enfin annulé une garde à vue faute pour l’avocat intervenant au cours de cette mesure d’avoir eu accès au dossier alors qu’il l’avait réclamé. Ce n’est pas la première décision en ce sens : la cour d’appel d’Agen a déjà statué en ce sens dès 2011, arrêt cassé depuis. Ces décisions restent néanmoins isolées dans un océan de décisions rejetant des demandes identiques. Comme l’étaient en leur temps les décisions annulant les gardes à vue sans avocat au cours des interrogatoires, c’est donc plutôt encourageant.

Les attendus de cette décision ne me sont pas encore connus (les délais de rédaction des jugements sont d’environ 3 mois à Paris), et vu que le parquet a fait appel, le tribunal va vouloir ciseler son jugement pour la cour d’appel. Mais le fait que le bâtonnier de Paris ait été présente en personne pour plaider cette affaire aux côtés d’un secrétaire de la Conférence de 2013 et du premier secrétaire de 2014 me laisse à penser que ce succès n’était pas totalement inattendu.

Le parquet a fait appel de cette décision. J’ignore quelles conséquences cette nullité a eu sur le fond du dossier : il est parfaitement possible que le prévenu ait quand même été condamné si le tribunal a estimé que les preuves recueillis hors auditions du gardé à vue et celles dont la garde à vue était le support nécessaire suffisaient. Si le prévenu a été condamné et incarcéré, l’appel sera jugé très vite, sinon, le délai risque de nous conduire à la fin de l’année, où la question aura dû être tranchée par la loi de transposition de la directive 2012/13/UE.

On verra quel sera le sort de cette décision et l’avenir de cette jurisprudence. Je voudrais par ce billet répondre à un argument lu sur Twitter et émanant d’un procureur un peu agacé par cette décision. Selon lui, cette décision s’explique essentiellement par sa date, le 30 décembre. Elle a ainsi été tenue en période de service allégé, c’est à dire à un moment où les magistrats prennent en masse leurs congés, suivant en cela leurs greffiers. Durant ces périodes correspondant, vous l’avez compris, aux vacances scolaires, les tribunaux tournent au ralenti, les audiences ordinaires ne sont pas tenues, seules le sont celles urgentes, où des délais courent. Du coup, dans les gros tribunaux comme à Paris, pour suppléer l’absence des magistrats affectés à plein temps aux audiences pénales, on demande aux magistrats siégeant habituellement dans les chambres civiles de tenir les audiences à leur place. C’est ce qu’on appelle les audiences de vacations. En substance, ce procureur expliquait cette décision par le fait qu’elle a été prise par des civilistes, éminents magistrats sans nul doute mais ignorant de la chose pénale. En somme, une errance, le retour des magistrats habituels des pistes de ski allant faire rentrer les choses dans l’ordre, et en effet, ce fut le cas : depuis le début de la semaine, ces mêmes demandes émanant des magistrats sont à nouveau rejetées.

Alors voilà l’explication ? Une variante de “c’est la faute du stagiaire” ?

Je disconviens respectueusement.

À titre préliminaire, les observations que je vais présenter ne sont valables que dans les grosses juridictions, à commencer par la plus immense, Paris ; où le nombre des chambres permet leur spécialisation ; ainsi, des juges y pratiquent la même matière à temps plein ,ce qui en fait des juges très spécialisés dans leur domaine, et qui peuvent avoir besoin d’un temps de réadaptation pour en pratiquer une autre, essentiellement pour se mettre à jour, et la matière pénale est une des plus volatiles. Dans les petites juridictions, à une ou deux chambres, il n’y a pas une telle spécialisation, et chaque juge, bien qu’affecté à une fonction à titre principal (juge d’instance, juge d’application des peines…) est amené à tenir entre autres une audience correctionnelle de temps en temps, parfois à juge unique. Pas de spécialisation à outrance dans ces juridictions de campagne. De plus, il faut les prendre pour ce qu’elles sont : des déductions tirées de mon expérience personnelle ; vouloir les généraliser et en faire des règles absolues serait les dénaturer et me faire dire tout autre chose. Il s’agit ici d’expliquer pourquoi, si ce jugement a ben été rendu par des magistrats des chambres civiles, il y a lieu de le considérer non comme un cas d’espère, une errance passagère, mais au contraire se demander si ce n’est pas eux qui ont raison.

Il est vrai, je le concède à ce procureur acide, que je me rends à une audience de vacation tenus par des juges civilistes avec une certaine appréhension. Non pas que les civilistes soient totalement incompétents en droit pénal, loin de là (et en outre, ils ont le procureur et les avocats présents pour les éclairer sur les règles applicables). Mais d’une part, je perds à cette occasion mon repère qu’est la jurisprudence du tribunal. En temps ordinaire, je sais par exemple qu’une détention et usage de cannabis “vaut” telle peine pour telle quantité avec tels antécédents. Je sais à quoi m’attendre, et je sais quels sont les arguments auxquels le tribunal sera réceptifs et ceux qu’il vaut mieux garder pour l’apéro avec mes confrères. C’est le fruit de mes années de pratique. Quand des civilistes prennent la relève, ils n’ont pas de jurisprudence à eux, et n’ont pas l’habitude d’être confronté à des délinquants. Ils peuvent avoir une vision disproportionnée de la gravité et prononcer des peines plus lourdes que d’habitude. Le mandat de dépôt peut tomber comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, alors que je suis certain que le président habituel n’y aurait pas eu recours. On peut aussi, c’est le grand classique, avoir des peines illégales (une peine complémentaire est prononcée alors qu’elle n’est pas prévue par la loi, le procureur est obligé de faire appel). D’expérience, le changement se fait plutôt dans un sens répressif.

Mais, car il y a un mais.

Les juges pénalistes à temps plein développent une déformation professionnelle qui, s’il n’y prennent garde, peut virer au vilain défaut. C’est sans doute une conséquence inéluctable de la procédure inquisitoriale en vigueur en France, qui, d’année en année, me rend de moins en moins admiratif de cette procédure.

Ah, je vois mes amis mékéskidis se regarder entre eux, aussi interdits que Dieudonné. Excusez moi, amis juristes, je vais m’occuper d’eux. Allez au salon, le thé est servi.

À présent que nous voilà seuls, quelques explications.

La façon dont se déroule un procès obéit à deux grands modèles : l’accusatoire et l’inquisitoire.

Le modèle accusatoire est le plus ancien, il nous vient du droit romain. Dans celui-ci, le juge est en retrait, dans une position d’arbitre. Le procès est la chose des parties, qui sont sur un strict pied d’égalité juridique. Le juge est là pour s’assurer qu’il se déroule selon les règles de droit et pour trancher les litiges relatifs au déroulement dudit procès. Ce n’est qu’à la fin, quand les parties ont fini de présenter leur cause, qu’il prend la parole pour rendre son jugement.

Le modèle inquisitoire, qui tire son nom de l’Inquisition, précisément, fait du juge le moteur du procès. C’est lui qui recherche les preuves, dirige son audience, interroge l’accusé et les témoins, choisit les points qui sont abordés et dans quel ordre. Il donne ensuite la parole aux parties si elles veulent ajouter quelque chose, et met fin lui-même aux débats.

La procédure anglo-saxonne est bâtie sur un strict modèle accusatoire. Vous êtes familiarisé avec elle par les nombreuses séries américaines. En prenant les distances nécessaires qu’impose une fiction se voulant avant tout une mise en scène divertissante, vous constaterez dans ces séries que l’accusé et le procureur sont assis sur deux tables identiques et côte à côte, et que le juge reste coi sauf quand une partie lui demande de trancher une difficulté, le plus souvent de refuser que telle question soit posée ou que telle preuve soit admise : c’est le fameux “objection !”, généralement suivi d’un mot ou d’une phrase expliquant la nature de l’objection ; le juge peut alors y faire droit (“sustain”) ou la rejeter (“overrule”) ; l’objection est néanmoins actée au plumitif du procès et son rejet, s’il était injustifié, pourra conduire à la cassation de la décision en appel et à un nouveau procès. Le système accusatoire américain va très loin, beaucoup plus loin que le système anglais et gallois, en faisant du procès la chose des parties : le rôle du parquet est tenu par un avocat souvent élu à ce poste, et il permet la transaction pénale (plea bargaining), c’est à dire que le procureur et l’accusé peuvent convenir que ce dernier plaidera coupable, et que l’audience se limitera à fixer la peine. 90% des affaires sont traitées ainsi, hors prétoire, et le système américain s’écroulerait sans cela. C’est aussi le fait de ne traiter effectivement que 10% du volume des affaires qui permet à la justice américaine de juger ses affaires dans des délais qui nous font rêver. Si les séries US adorent les scènes où on voit un avocat roublard obtenir au détour d’un couloir une peine dérisoire sur une qualification sans commune mesure avec la réelle gravité des faits sous le regard impuissant de la victime (qui n’est JAMAIS partie au procès pénal accusatoire), la réalité est toute autre : beaucoup d’accusés mal conseillés plaident coupable sur des qualifications excessives, ou, ayant eu la malencontreuse idée de parler à la police lors de leur arrestation, n’ont plus rien à marchander et sont obligées d’accepter une offre maximaliste à prendre ou à laisser avec une peine de prison ferme à la clef. Le système américain encourt beaucoup de reproches, mais pas celui de laxisme, bien au contraire (le taux de personnes en prison est 8 à 9 fois celui de la France). L’art de l’avocat plaidant en système accusatoire oral comme l’est le droit pénal anglo-saxon est celui du contre-interrogatoire (cross-examination), c’est à dire l’art d’interroger le témoin de la partie adverse pour démonter sa crédibilité, un art peu pratiqué en France, réservé essentiellement aux affaires d’assises et de presse. Un contre-interrogatoire par Eric Dupond-Moretti peut être un grand moment, sauf pour celui qui en est l’objet.

Le système accusatoire est réputé plus favorable aux droits de la défense et au procès équitable, le système inquisitoire plus “efficace” dans la recherche de la vérité, le juge, supposé neutre et impartial, dirigeant la procédure sans considération pour les intérêts de l’une ou l’autre des parties. En théorie, bien sûr.

La procédure française emprunte aux deux systèmes, sans rime ni raison. La procédure administrative est un modèle de procédure accusatoire, de même que la procédure civile : l’office du juge dans la phase préparatoire (entre le moment où la demande est déposée et où l’audience de jugement a lieu) se borne pour l’essentiel à veiller à ce que les parties effectuent les diligences qui leur incombe, sauf à en assumer les conséquences lors de la décision, et à trancher sur les demandes faites par l’une ou l’autre des parties, par exemple sommer la partie de produire une pièce qu’elle détient et qui est utile à la manifestation de la vérité mais qu’elle n’a guère envie de produire. La procédure pénale, en revanche, est bâtie sur le modèle inquisitorial, dont l’archétype est le juge d’instruction, qui selon le code d’instruction criminelle de 1810, était saisi de toutes les infractions sauf les contraventions, comme c’est encore le cas en droit monégasque.

Ah, mes amis juristes ont fini leur tasse de thé et je les entends qui commencent à polémiquer sur la nature juridique de la dation en paiement, je n’aurais pas dû leur servir un Yin Zhen, ça leur est monté à la tête ; je vais les chercher et nous reprendrons le cours de notre billet.

Nous revoici.

Comme je le disais, les juges civilistes sont pétris de procédure accusatoire. Ils ont l’habitude de rester neutres dans un procès opposant deux parties auxquelles ils sont totalement étrangers. Seuls les préoccupent le respect de la procédure, les preuves produites, et l’application de la loi. Tandis que les juges pénalistes, qui portent bien leur nom juridique de juges répressifs, dirigeant leur audience, finissent par voir dans le dossier du parquet LEUR dossier (d’ailleurs il est sur leur bureau, pas sur celui du procureur), prennent très mal qu’on veuille l’abîmer en en retirant des morceaux, et se comportent à la longue comme les sauveurs de la procédure et les gardiens de l’ordre public répressif (rien de péjoratif pour moi dans ces mots), alors que la Constitution est très claire : c’est là le rôle du parquet, le rôle des juges est d’être garant de la liberté individuelle et de l’application de la règle de droit. Il faut dire que de ce point de vue, l’unicité du corps de la magistrature fait qu’un magistrat passe au cours de sa carrière aussi facilement du parquet au siège et vice versa qu’il passe de Toulouse à Rennes et vice versa. La seule difficulté est qu’un poste se libère. Dès lors, tout juge pénaliste voit dans le procureur un collègue (en privé, le tutoiement est de rigueur) et non plus une partie au procès à traiter comme telle. D’ailleurs, ils portent la même robe et partagent l’estrade ; ils entrent même par la même porte, le public, les parties et les avocats passant par l’autre. Torchons, serviettes…

Je sais que ce genre de propos, qui n’ont rien de très original, provoquent les mêmes dénégations indignées chez les magistrats. Je l’avais beaucoup entendu dire et suis entré dans la profession en étant dubitatif. Il demeure que les faits sont têtus et ont battu en brèche mes réserves. Il m’est arrivé de soulever des nullités d’assignation au civil, et des nullités de citation au pénal. Dans les deux cas, je demande la même chose : je prie le juge de constater qu’il n’est pas valablement saisi, mon adversaire n’ayant pas respecté les formes prévues par la loi.

Au civil, cette demande provoque comme il se doit des cris d’orfraie de la part de la partie adverse qui va tenter de démontrer que son assignation est parfaitement valable, le juge nous écoutant parfaitement indifférent avant de trancher ce point de droit.

Au pénal, c’est pareil, sauf que c’est le président qui pousse des cris d’orfraie et va tenter de démontrer que la citation le saisissant est parfaitement valable, le procureur nous écoutant parfaitement indifférent, se contentant à la fin d’un “de toute façons, si c’est nul, je ferai re-citer”. J’ai même vu le président proposer à mon client, face à une nullité invincible, de comparaître volontairement. “Hé, mon gars, puisque t’es là, ça te dit pas de te faire condamner de ton plein gré ? Non ? Vraiment pas ?” La comparution volontaire est un mode de saisine valable du tribunal. Mais ne serait-ce pas au procureur de la proposer (le rôle de l’avocat étant de la refuser) ?

Je n’ai encore jamais vu un président de tribunal d’instance ou un juge de la mise en état proposer, en présence d’une assignation nulle, aux parties de déposer une requête conjointe pour réparer tout ça. Sans oublier cet autre président, pénaliste éminent qui a longtemps présidé la chambre des comparutions immédiates, face à un jeune confrère un peu intimidé qui voulait soutenir une nullité de procédure, sortir dans l’ordre à ce confrère : primo, qu’il n’avait pas déposé de conclusions écrites, ce que la loi n’impose nullement ; secundo qu’il n’avait pas de mandat écrit de son client absent, ce que la loi n’exige plus depuis 2001 et, tiens donc, une condamnation par la CEDH, et tertio, qu’il n’avait pas soulevé cette nullité avant toute défense au fond, alors que ce sont les premiers mots qui étaient sortis de sa bouche, ce qui excluait qu’il y ait eu défense au fond. Ça a tourné vinaigre quand ce président, visiblement fâché, a tranché en disant “non, je déclare cette demande irrecevable comme tardive” et que je suis intervenu pour lui faire remarquer qu’il avait rendu de fait un jugement sans joindre l’incident au fond et sans que le tribunal, en formation collégiale, ait délibéré et que mon confrère devait aller former immédiatement appel de ce jugement avec une requête en examen immédiat. Pendant tout cet incident très tendu, le procureur, qui était la partie adverse à qui incombait naturellement le rôle de défense sa procédure, était assis sur sa chaise et n’a pas dit un mot : le président faisait tout son boulot. Et des exemples de ce type, j’en ai des dizaines. Et demandez à mes confrères pénalistes, ils en auront autant, et parfois des plus graves encore. Cela me rappelle cette phrase d’un confrère américain assistant à une audience d’assises et découvrant le système pénal français : “Mais à quoi sert l’avocat général ? Vous avez déjà le président.”

Cette déformation du juge volant au secours de la procédure se fonde sur les meilleures intentions du monde : le droit pénal est la défense de la société pacifiée face à des comportements qui mettent en péril cette paix sociale, qui est notre bien le plus précieux. Le juge peut se sentir investi d’une mission de défense de la société, surtout face à un dossier accablant, voire des faits reconnus, quand un avocat semble déployer des ruses pour permettre à son client d’esquiver la justice. Mais point d’esquive ici : l’avocat ne fait que demander l’application de la loi. C’est le procureur de la République, demandeur au procès pénal, qui est investi de la mission que s’arroge ces juges, et il est le demandeur au procès, pas une partie “pas comme les autres”, pas une espèce de rapporteur public comme il y en a un devant les juridictions administratives et qui donne son avis en toute indépendance dans le pur respect du droit. C’est une partie au procès, au même titre que le prévenu. Je ne vais pas jusqu’à demander qu’il descende sur le parquet (ce qui serait logique, vu son titre) à mes côtés. L’erreur du menuisier, comme appellent les avocats la conception des salles d’audience qui met le procureur sur la même estrade que le tribunal, ne me gêne pas. Le prétoire est à nous, les avocats, le procureur est très bien là où il est.

Mais cette déformation, les juges civilistes ne l’ont pas. Difficile de l’acquérir quand on tranche des litiges entre personnes privées, particuliers, sociétés ou associations et que le procureur n’est quasiment jamais là.

Ils ont cette conception accusatoire et ce recul qui fait que pour eux prime la règle de droit, même si son application rigoureuse met des bâtons dans les roues à la répression des infractions. Après tout, une infraction est une violation de la loi, et on ne saurait la sanctionner en violant la loi sauf à cautionner ce qu’on veut punir.

Une preuve a été apportée lors de la récente controverse sur la présence de l’avocat en garde à vue. La CEDH a condamné la Turquie pour interdire cette présence. Il était évident que cette condamnation concernait aussi la France qui avait la même règle. Le gouvernement de l’époque a fait le choix du déni. Et la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu des arrêts ignorant royalement cette jurisprudence clarissime et validant notre procédure non conforme. Il a fallu, mes lecteurs s’en souviennent, que la France soit condamnée à son tour et que le Conseil constitutionnel y mette bon ordre. Cependant, la non conformité du droit français étant désormais indiscutable, la chambre criminelle a continué à valider les procédures sans avocats en s’appuyant sur le délai d’un an accordé au législateur par le Conseil constitutionnel. Les droits de l’homme à retardement. Ça ne tenait pas, et il a fallu que le premier président de la Cour de cassation intervienne et réunisse l’Assemblée plénière de la Cour de cassation pour mettre les pénalistes de la chambre criminelle en minorité et faire triompher la Convention européenne des droits de l’homme, qui est applicable sans délai.

Voilà ce qui rend cette décision du 30 décembre, aussi exceptionnelle fut-elle dans un océan de décision contraire, si intéressante. Précisément parce qu’elle aurait été rendue par des juges civilistes, qui ont l’habitude d’appliquer la Convention européenne des droits de l’homme au même titre que le code de procédure civile, qui savent qu’en cas de conflit, c’est la Convention qui l’emporte, et qui ne se voient pas là pour sauver les procédures du parquet. Leur interprétation des arrêts de la CEDH en la matière, conforme à la mienne et qui ne demandent pas d’être Champollion pour être compris, peut être prise avec intérêt et sérieux. Ils ont fait du droit, et constaté, avec l’ensemble des avocats, que la loi française telle qu’elle est interprétée viole la CEDH. Et qu’en conséquence, tous les propos recueillis au cours de la garde à vue, avec un avocat tenu dans l’impossibilité de défendre de façon réelle et effective, doivent être écartés.

Ah, j’entends décidément les dents des magistrats pénalistes grincer, malgré toutes mes précaution oratoires. Je fais un constat déplaisant, mais il m’est difficile d’en faire un autre. Revenons-en à ma modeste expérience en la matière. À l’âge des ténèbres, quand l’avocat n’était pas admis dans le bureau des OPJ, j’ai soulevé quasiment à chaque fois que l’occasion m’en était donnée la nullité des gardes à vue sans avocat. J’ai plus de 80 jugements rejetant mes conclusions, un de chaque chambre du tribunal de Paris, même la 12e qui avait fait droit à une telle demande, faute d’être tombé sur la bonne section. J’ai même un collector, un jugement signé du plus réputé des vice-présidents, celui qui se voit confier les audiences les plus délicates, les affaires les plus sensibles, et qui me rejette ces conclusions. On connait la suite. J’ai même un arrêt d’appel postérieur au 14 avril 2011 qui me rejette mes demandes car “le CPP en vigueur à l’époque avait été respecté”. La théorie de la loi écran, ressuscitée 36 ans après Jacques Vabre. Mon client n’a pas voulu se pourvoir en cassation, la décision étant plutôt clémente sur le fond. Ces échecs répétés m’ont appris le respect de la hiérarchie des normes par les pénalistes.

Et cela continue. Je dépose à présent régulièrement des conclusions sur l’absence de communication du dossier, et l’insuffisance du parquet comme garantie des libertés lors d’une garde à vue. Il y a une jurisprudence accablante et uniforme en la matière : Medvedyev, Moulin, Vassis (Ah, Vassis, il faudra que je vous en reparle de cet arrêt, il torpille purement et simplement la garde à vue à la française). Je le fais sans aucun espoir, juste par curiosité, pour entendre les arguments juridiques qui me seront opposés par le parquet et retenus par le siège. Voici un petit florilège des arguments les plus entendus, je vous jure que je n’invente rien.

La garde à vue est régulière, le code de procédure pénale ayant été respecté”. Hiérarchie des normes ? Art. 55 de la Constitution ? Supériorité des traités à la loi ? C’est bon pour la fac, ici on est dans un prétoire, le CPP est la bible,la seule référence.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la garde à vue telle qu’issue de la loi du 14 avril 2011 était conforme à la Constitution, donc elle est nécessairement conforme à la CEDH.” On note ici un effort pour réhabiliter la hiérarchie des normes, mais manque de pot, la pyramide est construite à l’envers. On peut violer la CEDH en respectant la Constitution. On le fait d’ailleurs tous les jours dans nos commissariats.

Dans l’attente de la transposition de la directive 2012/13/UE, dont la date de transposition n’est pas échue, le droit français doit être regardé comme conforme au droit européen.” Heu, oui, sauf que je n’ai jamais parlé de cette directive ni dans ma plaidoirie (que tu n’as pas écoutée) ni dans mes conclusions (que tu n’as pas lues). Je parle de la CEDH, qui est vigueur depuis 1953, applicable en France depuis 1974, et directement invocable depuis 1981.

Curieusement, j’entends très peu invoquer l’arrêt de la cour de cassation du 19 septembre 2012 cassant l’arrêt d’Agen. Les juges du fond auraient-ils réalisé qu’il dit le contraire de ce que dit la CEDH, notamment l’arrêt Dayanan ?

Comment expliquer ces décisions juridiquement aberrantes, et qui ne relèvent pas de l’incompétence technique de ces magistrats, qui sont tous d’excellents juristes, sauf au moment de faire prévaloir les droits de la défense sur le dossier du procureur ? Quelle sorte de folie les saisit, et les effraie au point de décider de rejeter ce point de droit avec des arguments bidons, pour ne pas être celui par qui le scandale arrive ?

Voilà pourquoi ce jugement du 30 décembre 2013, résistant à la Cour de cassation, ne doit pas être balayé d’un revers de la main. Et vive les civilistes.

Commentaires

1. Le jeudi 9 janvier 2014 à 11:40 par Maitre_Jeff

MCC,
Si jamais le jugement vous était communiqué, pourriez-vous le publier céans ?
Nous vous en saurions éternellement gré.
VBD

2. Le jeudi 9 janvier 2014 à 11:55 par Narduk

Déjà qu’avec les pénalistes on arrive à de telles situations :

http://www.lefigaro.fr/actualite-fr…

Alors avec des civilistes…

Enfin ce n’est pas grave, ce sera de nouveau vite cassé, comme l’accès au dossier n’est toujours pas obligatoire.

3. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:04 par Eloy

Le système accusatoire présente assurément de grands avantages, mais sa mise en place n’est pas pour après-demain. Encore que la CEDH fonctionne sur ce système et en promeut l’esprit à travers sa jurisprudence : qui sait si, d’ici quelques dizaines d’années, notre système ne s’en trouvera pas définitivement transformé ?
En attendant, je me demande si la séparation claire des fonctions de magistrats du siège et du Parquet ne serait pas un pis-aller intéressant. Peut-être en obligeant les auditeurs de justice à choisir définitivement l’une des deux branches à l’issue de leur scolarité : pour ta profession de magistrat, electa una via et tiens-y toi en quelque sorte…

4. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:11 par Javi

C’est intéressant comme perspective.

Pensez vous réaliste d’imaginer par exemple que les magistrat civilistes et pénalistes fassent au cours de leur carrière quelques années dans la spécialité d’en face?

Cela pourrait ouvrir des perspectives à chacun. (à la fois dans la sévérité des peines coté civilistes et dans la validation des procédures coté pénalistes).

5. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:14 par keaau tree service

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6. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:17 par Le putain d'énergumène

Cher Maître,

En sirotant ma tasse de thé, je n’ai pas pu m’empêcher de prêter une oreille (ou plutôt un oeil) à vos explications quant aux deux grands modèles de déroulement d’un procès, une piqûre de rappel étant toujours bénéfique, même quand on a la prétention de se dire juriste (je parle bien évidemment de moi).

En revanche, il me semble que la procédure administrative contentieuse n’est pas à ranger dans le modèle accusatoire. En effet, la plupart des manuels de contentieux administratifs disent bien que ce qui caractérise la procédure devant la Juridiction administrative est en partie son caractère inquisitorial, en plus d’être écrite et contradictoire. Cela justifie notamment le rôle essentiel du juge dans la recherche de la vérité et l’existence de véritables pouvoir d’investigation (notamment : Conseil d’Etat, 1er mai 1936, Couespel du Mesnil et Conseil d’Etat, 28 mai 1954, Barel).

Bon, après j’admets que tout ceci demeure très théorique, car en pratique, il en faut quand même beaucoup pour qu’un magistrat administratif se bouge le séant afin de récolter des preuves, celui-ci laissant plutôt aux parties, en particulier au requérant, le soin de suffisamment fonder leurs allégations. Je souhaitais simplement rappeler ce point, qui demeure néanmoins le principe en matière de contentieux administratif.

Merci pour ce billet et que la Force soit avec vous !

7. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:25 par Kahlia

Vous dites qu’on peut violer la CEDH en respectant la Constitution.

Pour vous, la CEDH est à côté de la Constitution dans la pyramide ou au dessus? (Parce que le Conseil d’Etat, il me semble dans Sarran, a jugé que la Constitution était au dessus.)

Dans tous les cas, votre argument qu’on ne peut écarter la CEDH par conformité à la Constitution reste valable à mon avis. (Mais c’est pas vraiment la tradition française de la hiérarchie des normes.)

8. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:26 par Ptifiloum

Bonjour maître,

J’ai été très intéressé par ce billet, pour ma part, et en tant que civiliste, je trouve tout à fait surréaliste de déclarer qu’un texte sous prétexte qu’il serait conforme à la constitution serait nécessairement conforme à un traité (CEDH pour les mékeskidis) … je serai à ce titre particulièrement curieux de comprendre l’intérêt qu’il y aurait dès lors à permettre un contrôle de constitutionnalité et un contrôle de conventionalité selon deux procédure différentes ???

Durant mes études, il m’avait pourtant semblé que le droit pénal était d’interprétation stricte, on m’aurait menti ?

9. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:30 par chdorb

« Quelle sorte de folie les saisit, et les effraie au point de décider de rejeter ce point de droit avec des arguments bidons, pour ne pas être celui par qui le scandale arrive ? »

Je n’ai peut-être pas tout compris, mais je ne vois vraiment pourquoi respecter les Droits de l’Homme devrait nécessairement mener à un scandale.

10. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:38 par Eloy

@ Kahlia (7)

Théoriquement, la Constitution a une valeur supérieure à celle des traités internationaux, mais l’affirmation est en pratique discutable puisqu’en cas de contradiction, on modifie la Constitution pour qu’elle colle au traité (art. 54 de la Constitution).

Théoriquement donc, la Constitution est au dessus de la CESDHLF, mais la Constitution ne traite pas expressément de la question de l’accès au dossier par l’avocat de la personne placée en garde à vue. L’état du droit en la matière est donc fixé par les textes inférieurs, en l’occurrence le Code de procédure pénale.
Or, ce code est une loi, il a donc une valeur normative inférieure à la Convention européenne, en vertu de l’article 55 de la Constitution. La CEDH, organe compétent pour interpréter la Convention européenne, considère que ce texte impose la présence de l’avocat au cours de la garde à vue et son assistance effective (ce qui semble imposer qu’il ait accès au dossier). Partant, le Code de procédure pénale ne devrait pas pouvoir prévoir le contraire, car la Constitution lui impose de respecter cet engagement international de la France.

11. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:50 par Scif

Je ne suis pas certain que le système accusatoire américain, au-delà de l’approche abstraite, ait effectivement les qualités que vous lui prêtiez. De très nombreux juges pénalistes sont d’anciens procureurs. Certes ils n’appartiennent pas au même corps et ne portent pas la même robe, mais l’effet sociologique n’est pas très différent … Et les juges ont aussi un très fort tropisme pour la répression, peut-être plus qu’en France. En outre, la police a un poids extrêmement fort. Etant donné que dans ce système américain de rouleau compresseur, les peines prononcées sont plus sévères, et que les droits procéduraux ne semblent dans l’ensemble pas meilleurs, so what ?

Il me semble plutôt que ce que vous décrivez correspond à la différence entre les juges habitués (les pénalistes) et ceux qui ne le sont pas (les civilistes), dans un tribunal énorme, avec des problématiques d’ultra-spécialisation en plus. Comme le disait Charles Péguy “Un juge qui s’habitue est un juge mort pour la justice”. Le juge acquiert progressivement une meilleur connaissance du droit et son environnement, mais développe également des habitudes et des tropismes,et la spécialisation conduit également à ce que des arguments considérés comme dignes d’intérêt et méritant réflexion peuvent être considérés, au fil du temps, comme du rabâchage de lieux communs ou de l’empêchement de tourner en rond.

Sur la CEDH, vous choisissez l’exemple de la garde à vue, mais les pénalistes ne sont pas toujours les seuls à “résister”. La jurisprudence de la CEDH est bien moins univoque que la façon dont vous la présentez, pleine de faux-fuyants et d’ambiguïté, toujours très imprégnée de considérations d’espèce, avec des divergences entre chambres, des revirements, des arguments de circonstance … Il est facile de faire des spéculations et de déclarer a posteriori “je vous l’avais bien dit”, mais l’anticipation de ses positions n’est nullement évidente. Regardez l’affaire “Marc-Antoine” de la CEDH par rapport à la jurisprudence antérieure, concernant le rapporteur public justement. Une certaine prudence est de mise avant de tirer des conclusions tonitruantes à partir de la jurisprudence CEDH, notamment lorsque l’impact est important, et on comprend que généralement il vaut mieux attendre une décision concernant le système national par la chambre qui juge les affaires françaises.

En outre et dans certains cas, les juridictions nationales laissent clairement à la CEDH ses responsabilités et lui laissent assumer sa jurisprudence, notamment lorsqu’au dela de sa rectitude juridique, sa pertinence ne s’impose pas avec la force de l’évidence. Dans le cadre d’un système juridictionnel européen, la CEDH n’est pas une cour suprême et ses décisions ne sont pas des oukases. Les décisions de justice nationales et européennes prennent de plus en plus une dimension persuasive, et certaines convainquent moins que d’autre. Si le respect se commande, ce n’est pas le cas de l’adhésion …

12. Le jeudi 9 janvier 2014 à 12:57 par Simone

Éclairage intéressant sur ces magistrats, “pétris de procédure accusatoire”, qui, à titre heureusement exceptionnel, ont pu prendre, le 30.12.2013, une décision aussi critiquable, à savoir celle d’annuler une garde à vue au motif que l’avocat assistant le suspect n’a pas eu accès à l’intégralité de la procédure à ce stade des investigations.
Je constate que notre hôte ne peut s’empêcher de rappeler le comportement des autorités françaises sur la présence de l’avocat en garde à vue (en contradiction avec la jurisprudence pourtant claire de la CEDH) pour laisser sous-entendre que le refus actuel de laisser les avocats accéder à l’entier dossier, toujours à ce stade des investigations, répond au même aveuglement.
Enfin, je remarque que le Maître des lieux s’abstient, intelligemment selon moi, de mettre en avant la Directive européenne 2012/13/UE pourtant invoquée de manière véhémente, à tort selon moi, par un nombre certain de ses confrères.
L’accès à l’intégralité du dossier en garde à vue est une idée a priori séduisante, accessible au grand public par sa simplicité et ses atours chatoyants. Mais elle se heurte à la réalité de notre processus pénal, soucieux de fournir une justice de qualité, en préservant aussi bien les droits de la défense que les moyens, certes attentatoires aux libertés, mis en œuvre pour que la vérité puisse se manifester.
http://www.maitre-eolas.fr/post/201…

13. Le jeudi 9 janvier 2014 à 14:16 par Jason_de_crystal_lake

Bonjour
vous avez fait une bourde !
J’ignore quelles conséquences cette nullité a eu sur le fond du dossier : il est parfaitement possible que le prévenu ait quand même été condamné si le tribunal a estimé que les preuves recueillis hors auditions du gardé à vue et celles dont la garde à vue était le support nécessaire suffisaient.
c’est
et celles dont la garde à vue n’en était pas le support nécessaire

14. Le jeudi 9 janvier 2014 à 14:18 par sans

Cher Maître,

vive les ingénus aux têtes bien faites. Si l’expérience est vénérable, c’est la vue d’extérieur qui découvre les habitudes erronées (et je ne mentionne que cet associé soumis aux peines du purgatoire quand l’équipe qui venait hériter de la revue fiscale annuelle d’un client très ancien constatait, sans se douter que c’était malvenu, une illégalité potentiellement très onéreuse et validée année par année par l’équipe précédente).

Vous priant me croire votre bien dévoué

15. Le jeudi 9 janvier 2014 à 14:20 par Ptifiloum

J’apporte une petite précision nécessaire, la constitution n’a pas pour vocation de tout régir (heureusement) mais seulement de pourvoir à l’organisation institutionnelle de la France pour assurer son bon fonctionnement. Ainsi, même si certains principes (notamment en matière pénale) ont été élevés à valeur constitutionnelle, rien n’interdit d’y ajouter par la voie d’un traité international, d’une loi etc.

Bref, quelle que soit la règle invoquée, le fait qu’elle ne soit pas contraire à la constitution n’implique pas qu’elle ne soit pas contraire à l’une quelconque des autres règles.

Dans cette hypothèse, il revient au Juge de trancher du conflit entre les deux règles en refusant d’appliquer celle dont la valeur est la moins élevée selon la hiérarchie des Normes (inventée par KELSEN).

Et le fait qu’une règle internationale comme la CEDH soit contraire à un texte de loi (de valeur inférieure) qui ne soit pas contraire à la constitution n’implique pas nécessairement que le traité viole la constitution.

Bref, la violation de la constitution est de la compétence du Conseil constitutionnel qui est seul susceptible de trancher de la question, les Tribunaux (administratifs ou judiciaires) n’ayant pas compétence pour se prononcer.

En revanche, n’importe quel juge (administratif ou judiciaire) peux se prononcer sur la conformité d’un texte à une convention internationale depuis les arrêt Jacques VABRE de 1975 (pour les juridictions judiciaires) et NICOLO de 1989 (pour les juridictions administratives).

Aussi est-il particulièrement surprenant de voir un juriste invoquer une conformité d’un texte à la constitution pour en déduire qu’il serait nécessairement conforme à un traité …

16. Le jeudi 9 janvier 2014 à 14:21 par Xavier

Pour vous, la CEDH est à côté de la Constitution dans la pyramide ou au dessus? (Parce que le Conseil d’Etat, il me semble dans Sarran, a jugé que la Constitution était au dessus.)

La constitution est logiquement au dessus de la CEDH dans la mesure où elle définit le fonctionnement de l’état, et c’est via la constitution que les traités sont partie du droit français, l’article 55 déclarant

Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Il peut y avoir conflit direct entre la constitution et un traité (quoi que la justification #2 en dise), et la constitution devra primer jusqu’à possible révision les mettant en accord.

À noter néanmoins que la constitution n’est étrangement pas le seul critère de constitutionnalité, le pays ayant un concept de *bloc de constitutionnalité* qui ajoute à la constitution de 1958 son préambule, le préambule de la constitution de 1946, la déclaration des droits de l’homme de 1789 et (depuis 2004) la charte de l’environnement. Ces textes accessoires ont donc valeur constitutionnelle depuis 1971.

17. Le jeudi 9 janvier 2014 à 15:25 par Bureaucrator

Une erreur s’est glissée dans votre papier. La procédure administrative est inquisitoire. Le juge administratif dirige bien la procédure, et est parfois (très rarement, certes) amené à demander aux parties leurs avis et précisions sur tel ou tel point.

18. Le jeudi 9 janvier 2014 à 15:41 par siarres

La procédure administrative est elle inquisitoire ? en tout cas elle est rapide , on dit sur BFM que le référé du conseil d’état pourrait se prononcer cinq heures aprés le juge de premiére instance !!( dans l’affaire MBALA ) Chapeau , tout ceux qui attende un mois pour un référé et deux ans pour une cassation au CE apprécierons .

C’est donc possible , mais alors de combien est le délai résonnable ?

Cinq heures ou deux ans ?

19. Le jeudi 9 janvier 2014 à 16:20 par Cyril

Une coquille à la fin du 4ème paragraphe :

“…ces mêmes demandes émanant des magistrats sont à nouveau rejetées.”

Je pense qu’il faut lire :

“…ces mêmes demandes émanant des avocats …”

20. Le jeudi 9 janvier 2014 à 16:43 par Diab (@MoquetteEnBois)

Qu’il soit permis au “procureur acide” de présenter quelques observations en réplique.

Vous présentez un certain nombre de biais qui sont réels. La volonté de “sauver la procédure” est un mauvais réflexe, et il appartient à chacun (civiliste comme pénaliste, parquet comme siège) d’en être conscient et de lutter contre. Vous avez le sentiment que, culturellement, le civiliste est mieux protégé contre cette mauvaise tendance que le pénaliste. C’est votre sentiment. Les exemples que j’ai croisés sont beaucoup plus contrastés. Mais bon, de toute façon, mon expérience n’est pas plus représentative que la votre et là n’est pas le débat.

Vous omettez toutefois dans votre billet un aspect qui me semble important, et qui est la base de ma réaction d’humeur post 30 décembre : l’argumentation fondée sur la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 ne vaut pas un début de cacahuète, et ce serait insulter l’intelligence d’un bâtonnier et de deux secrétaires de la Conférence que de croire qu’ils l’ignoraient. Or, cette argumentation qu’ils savaient complètement foireuse, ils ont fait le choix délibéré et assumé de la présenter devant une formation de non-spécialistes, entre Noël et Nouvel An. On ne m’enlèvera pas de l’idée que c’était avant tout dans l’idée de “roucouler” le tribunal, et certainement pas en raison d’une prétendue plus grande rigueur des collègues civiliste (qui les aurait conduits à rires aux éclat devant des conclusions de nullités fondées sur l’applicabilité directe d’une directive dont le délai de transposition était toujours en cours).

Et ça, je trouve ça carrément de mauvaise foi, et ce n’est vraiment pas l’idée que je me fais du débat judiciaire.

21. Le jeudi 9 janvier 2014 à 16:56 par L'étudiant en droit

” La procédure administrative est un modèle de procédure accusatoire” ???!! Horreur ! Vous vouliez dire inquisitoire bien sûr.

22. Le jeudi 9 janvier 2014 à 17:29 par Ti

Certains civilistes pourraient même vous étonner : je penche pour ma part, en ma qualité de modeste juge d’Instance, hein, non seulement pour un contrôle juridictionnel approfondi de la légalité des procédures pénales mais également pour un examen de la proportionnalité voire de l’opportunité des actes de police, et notamment du placement d’une personne en garde à vue.
Annuler une procédure d’outrage car la mesure de placement en garde à vue n’était pas nécessaire en raison des faits de l’espèce.
Un jour, peut-être.

23. Le jeudi 9 janvier 2014 à 17:40 par L'étudiant en droit

J’y suis allé un peu fort… Pour préciser, on peut dire que l’office du juge administratif ne peut être comparé à l’office du juge civil, qui applique le principe dispositif. Le contentieux administratif est dans de nombreux cas un contentieux d’ordre public, notamment en matière des recours pour excès de pouvoir où le juge exerce un contrôle de légalité scrupuleux. Il peut à ce titre soulever d’office des moyens d’ordre public. Par ailleurs, tout passe par lui: requête, mémoires … il est la charnière de la procédure contentieuse, il collecte et redistribue lui même les écritures et les pièces faisant régner le contradictoire. Pour conclure, je pense qu’il y est un peu court de dire que la procédure administrative contentieuse est accusatoire. Plus j’y pense, plus j’ai un doute, et je me dis qu’il s’agit d’une question doctrinale qui n’intéresserait que des férus de procédure.

24. Le jeudi 9 janvier 2014 à 17:56 par Tendance

Il y a une troisième procédure que vous oubliez de citer et qui est celle-là même que met en œuvre actuellement Manuel Vals: la procédure incantatoire.

Elle consiste de la part d’une partie à l’action à faire du vent en lançant des actions à coup sûr perdantes.

25. Le jeudi 9 janvier 2014 à 19:15 par Tendance

Du moins en première instance…..

26. Le jeudi 9 janvier 2014 à 19:24 par sans

Mais, cher et honorable Ti! Qui vous a dit de chercher des mots étrangers à l’esprit français, genre proportionnalité! Que ne pourrait-on flinguer avec ce terme venu d’outre Rhin (ou d’ailleurs), comme d’ailleurs le terme d’Etat de droit (la soumission des organes étatiques à la règle de droit), présenté encore dans quelques manuels de droit public que j’ai eu l’heur de consulter dans ma prime jeunesse juridique comme atteinte à la souveraineté Française!

27. Le jeudi 9 janvier 2014 à 19:29 par Arn0

Il y a également des éléments inquisitoires dans le système pénal américain : le grand jury par exemple (où l’avocat de la défense est pour ainsi dire exclu et où la procédure est bien plus inquisitoire que devant le juge d’instruction français) et surtout… le rôle des procureurs.

En toute rigueur dans un système purement accusatoire il n’y a tout simplement pas d’équivalent du ministère public. C’était le cas durant les premiers siècles de Rome (actio popularis) et c’était d’ailleurs le cas en Angleterre jusqu’à récemment (private prosecution). Le rôle d’accusateur n’était pas réservé à la victime, mais c’est bien souvent cette dernière (ou une personne choisie par elle) qui s’en chargeait : dire que dans un système pénal accusatoire la victime n’est jamais partie au procès est donc un contre-sens historique.

La mise en place d’un ministère public dans les treize colonies fut inspiré des système inquisitoire français ou néerlandais. Le très grands pouvoir actuel des procureurs américains n’a rien à voir avec l’idéal du système accusatoire (dans une certaine mesure ils sont véritablement devenu des “inquisiteurs”).

28. Le jeudi 9 janvier 2014 à 21:20 par zerb

Leur interprétation des arrêts de la CEDH en la matière, conforme à la mienne et qui ne demandent pas d’être Champollion pour être compris, peut être prise avec intérêt et sérieux.

Il faudrait un peu réorganiser cette phrase, non ? Par exemple (désolé d’insulter ainsi votre intelligence) :

Leur interprétation, conforme à la mienne, des arrêts de la CEDH en la matière, qui ne demandent pas d’être Champollion pour être compris, peut être prise avec intérêt et sérieux.

29. Le jeudi 9 janvier 2014 à 21:21 par Carambar

Eolas : La procédure administrative est un modèle de procédure accusatoire

Allons, allons, Eolas, n’importe quel étudiant en droit vous dira que traditionnellement, la procédure administrative est classée en procédure inquisitoire.

30. Le jeudi 9 janvier 2014 à 21:33 par msp

J’attendais le billet. Merci !

31. Le jeudi 9 janvier 2014 à 23:27 par XS

face à une nullité invincible

Rachida D. est de retour dans les tribunaux?

32. Le vendredi 10 janvier 2014 à 00:22 par CANDIDE

La procédure administrative n’est ni inquisitoire ni accusatoire, elle est Drefusienne!
En atteste la décision du 9/01/2014 sur l’affaire Dieudonné où l’arrière petit neveu de Mr Dreyfus, le juge en référé, Bernard Stirm a interdit le spectacle de Dieudonné sans que personne ne soulève le fait qu’un procès doit être impartial et que le juge doit être indépendant.

Peut être que le fait de soulever le manque d’impartialité de Monsieur Bernard stirm dans cette affaire aurait constitué une acte antisémite?
Je ne vois que ça comme explication.
J’aimerai avoir votre avis Maître Eolas sur ce qui s’est passé ce jeudi 9 Janvier 2014. Avouez que cela mérite un nouveau billet.

33. Le vendredi 10 janvier 2014 à 02:47 par Yacine

Bien sûr que cela constituerait un acte antisémite! Et arrêtez de délirer: Ce juge a juste dit qu’il n’y avait pas d’illégalité grave et manifeste dans l’interdiction du spectacle, il n’a pas dit que l’arrêté d’interdiction n’était pas illégal.
Les avocats de Dieudonné peuvent intenter à présent un recours de plein contentieux pour engager la responsabilité de l’Etat pour faute simple en faisant valoir l’illégalité de l’interdiction dont il a été victime. Et si cette illégalité est reconnue, Dieudonné obtiendra réparation de son préjudice financier.
Les médias et BFM en particulier sont saoulant: ils ont tort de dire que le Conseil d’Etat aurait donné raison au ministre de l’intérieur. Pour l’instant le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur le fond.

34. Le vendredi 10 janvier 2014 à 06:57 par sans

Cher TI, sur un ton plus sérieux, quel fondement utiliseriez-vous pour la proportionnalité?

35. Le vendredi 10 janvier 2014 à 08:07 par Oult

Maître Eolas, bravo pour vos billets!

Ils sont chaque fois, très bien rédigés et très intéressants! Mais ce que j’apprécie aussi, c’est de lire les commentaires de vos jaloux confrères! De véritables juristes - ils cherchent la petite bête, quitte à en devenir bête à leur tour! Trop de gna gna gna gna gna gna ( Oui parce que leurs longues phrases mêlées de mots savants sont en réalité des gna gna gna)! Ca cherche les virgules mal placées, ça rectifie la grammaire, conjugaison, orthographe!

Monsieur Eolas, sur le fond AINSI que sur la forme, vos billets sont très bons! Nous ne sommes pas au tribunal, Maître Eolas vous êtes le seul orateur et cela les énerve!

36. Le vendredi 10 janvier 2014 à 09:40 par srill

Et là je sens poindre, même en n’étant ni pénaliste ni publiciste, un joyeux parallèle entre le magistrat pénaliste et l’éminent magistrat du Conseil d’Etat qui a été amené à statuer dans l’arrêt DIEUDONNE…

37. Le vendredi 10 janvier 2014 à 10:24 par Noël

Je ne vais pas jusqu’à demander qu’il descende sur le parquet (ce qui serait logique, vu son titre) à mes côtés.
Et vous avez tort… Vous devriez !

38. Le vendredi 10 janvier 2014 à 10:28 par CANDIDE

@yacine.

Si je comprends bien d’après ce que vous me dites, lors d’un procès qui confronte un défendeur qui est poursuivi pour antisémitisme à un demandeur, un ministre de l’intérieur qui a affirmé haut et fort son attachement éternel à Israel ; le tout parrainé par un juge des référé qui n’est autre que l’arrière petit neveu de Mr Dreyfus de confession juive ; le fait de soulever la non impartialité du juge ou le fait que le procès n’est pas équitable serait un acte antisémite?

39. Le vendredi 10 janvier 2014 à 10:43 par CANDIDE

@yacine

Vous avez parfaitement raison, en recherchant sur internet, j’ai trouvé un précédent concernant un avocat Maitre Alexis Dubruel qui avait déposé une demande de récusation du juge Albert Levy pour cause d’impartialité du fait de son patronyme à consonnance juive.

Cette demande avait été rejetée et on a demande la radiation de l’avocat en cause.

ERRATUM de ma part par méconnaissance : tout est parfait dans la procédure de Dieudonné et conforme. Comme quoi le droit est un art qu’il faut maîtriser et non ignorer comme moi.

40. Le vendredi 10 janvier 2014 à 10:51 par Ajax

@ Candide : disons que si considérer Dreyfus comme un traître parce qu’il était juif n’était pas antisémite, alors en effet vos propos ne le sont pas non plus.

Je vous propose une grille de lecture pour vous y retrouver : si vous attribuez un acte immoral (comme détourner la justice, par exemple) à quelqu’un parce qu’il est juif, vous tenez des propos antisémites. Voilà. Simple, non ?

41. Le vendredi 10 janvier 2014 à 11:17 par candide

@Ajax

En aucun cas, ne me faites pas le procès de Dieudonné je vous prie. Peut on ne serait ce que douter lorsqu’on ne connait pas les règles de droit sans être immédiatement taxé d’antisémitisme?

Je me posais des questions sur le sujet auquel Yacine a répondu et de part une recherche sur internet, j’ai trouvé un précédent. Don’t act.

Je viens de relire ceci :
Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Il s’ensuit donc qu’il est interdit de demander la récusation pour impartialité d’un juge parce qu’il est de confession juive car cela reviendrait à demander la récusation de tous les magistrats sur une quelconque motif : il est blond et je suis brun, il est cato et je suis musulman, c’est une femme et je suis un Homme etc…
Je ne suis pas un professionnel du droit Ajax, je m’instruis en venant ici.
Don’t act.

42. Le vendredi 10 janvier 2014 à 11:22 par Ajax

@ Candide : excusez-moi, je n’ai pas vu votre com’ de 10:43 avant de poster le mien.

Cela dit en l’occurrence je ne me limitais pas au champ du droit positif ; je commentais juste le raisonnement qui conduit à soupçonner quelqu’un de tripatouillages parce qu’il est juif.

43. Le vendredi 10 janvier 2014 à 11:45 par CANDIDE

@ajax

ne vous excusez pas, y a pas de mal.
Nous sommes là pour échanger et surtout (dans mon cas) nous améliorez grâce aux lumières de Maître Eolas.

Sur ce que vous avez indiqué, “le raisonnement qui conduit à soupçonner quelqu’un de tripatouillage parce qu’il est juif”, vous avez parfaitement raison, ce qui montre bien le danger subliminal des propos antisémites car une personne qui n’est pas antisémite peut être corrompue par la multiplication de ce qui est dit et entendu. C’est pernicieux.

44. Le vendredi 10 janvier 2014 à 12:44 par Flavour

Écoutez, qui que soit le magistrat du conseil d’État qui s’est prononcé, on a le droit de s’interroger sur son indépendance.
Parce que je vous invite juste à relire ce qu’a écrit eolas juste dans le présent article : les magistrats du siège au pénal ont quelques difficultés à s’autonomiser d’un rôle de magistrat du parquet.
Donc, là, on peut raisonnablement dire que le magistrat du conseil d’État a eu quelques difficultés à “s’autonomiser” du pouvoir politique qui a tiré à hue et à dia pour obtenir une interdiction PRÉALABLE.
C’est bien un problème politique qu’il y a derrière tout cela : le premier flic de France a encore réussi à faire reculer nos droits fondamentaux en s’adjoignant comme supplétif le conseil d’État (qui vient de ravaler sa jurisprudence traditionnelle).

45. Le vendredi 10 janvier 2014 à 14:19 par Ti

Cher sans en 34,

simplement ceci : le placement en garde à vue n’est pas nécessaire à l’enquête.
Pour illustrer mon propos, cet arrêt de la Cour de Cassation, en sens contraire.

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 4 janvier 2005
N° de pourvoi: 04-84876
Publié au bulletin Cassation

M. Cotte, président
M. Valat., conseiller rapporteur
M. Davenas., avocat général

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre janvier deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE POITIERS,

contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 18 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Edith X… du chef d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, a prononcé l’annulation de la procédure ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

Attendu que ce mémoire n’est pas signé par un avocat à la Cour de cassation ; que, dès lors, il est irrecevable, par application de l’article 585 du Code de procédure pénale ;

Au fond,

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 29 novembre 2003 à 0 heure 35, trois gardiens de la paix, agissant en application des articles 53 et 73 du Code de procédure pénale, ont interpellé Edith X… et Alain Y… en raison de propos outrageants qu’ils auraient tenus à leur encontre ; qu’ils les ont conduits de force au commissariat et les ont soumis à l’épreuve de l’éthylomètre ; qu’Edith X… présentait un taux de 0,51 mg d’alcool par litre d’air expiré ; que, le même jour, à 1 heure 05, elle a été présentée à un officier de police judiciaire qui a constaté, par procès-verbal, qu’elle était “manifestement sous l’empire d’un état alcoolique important, qu’elle était surexcitée, que son haleine sentait l’alcool, qu’elle tenait des propos répétitifs et incohérents, discréditant les fonctions des policiers, et qu’elle n’avait pas assez de lucidité pour s’entendre notifier les droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale ni les exercer utilement” ; qu’aux termes du même procès-verbal, Edith X… a été placée en garde à vue ” pour les nécessités de l’enquête et au vu des indices faisant présumer qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction d’outrage par paroles sur personnes dépositaires de l’autorité publique, cette mesure, ainsi que les droits y attachés, lui étant notifiée ultérieurement dès que son état le permettra ” ; que le procureur de la République en a été immédiatement informé ; qu’après que les policiers se disant victimes des outrages eurent été entendus, l’officier de police judiciaire a, le 29 novembre 2003 à 6 heures 10, procédé à la notification à Edith X… des droits découlant de la garde à vue ; qu’il a été mis fin à cette mesure après audition de l’intéressée, le même jour, à 16 heures 35, sur instruction du procureur de la République, en même temps qu’était remise une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel pour outrages à agents de la force publique ;

Attendu qu’Edith X… et son coprévenu ont excipé de la nullité de la poursuite aux motifs, d’une part, que la mesure de garde à vue n’avait aucun fondement légal et, d’autre part, qu’elle était intervenue sans que les droits y attachés aient été immédiatement notifiés ; que le tribunal correctionnel a rejeté ces conclusions, condamné les prévenus à une peine d’amende ainsi qu’à des réparations civiles ; que seule Edith X… a relevé appel, ainsi que le ministère public ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 63 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs ;

Vu l’article 63 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, l’officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

Attendu que, pour faire droit à l’exception de nullité régulièrement soulevée par la prévenue qui faisait valoir qu’elle avait été gardée sans fondement légal à la disposition de l’officier de police judiciaire, l’arrêt, après avoir constaté qu’il ressortait des procès-verbaux de police que celle-ci pouvait être soupçonnée d’avoir commis l’infraction d’outrage envers des personnes dépositaires de l’autorité publique, énonce que la garde à vue ne répondait pas aux nécessités de l’enquête et que l’audition d’Edith X… aurait dû être réalisée après convocation au commissariat ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que la décision de placer en garde à vue une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction relève d’une faculté que l’officier de police judiciaire tient de la loi et qu’il exerce, dans les conditions qu’elle définit, sous le seul contrôle du procureur de la République ou, le cas échéant, du juge d’instruction, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 63-1 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et manque de base légale ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;

que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour faire droit à l’argumentatîon de la prévenue qui soutenait que la notification des droits découlant de la garde à vue était tardive, l’arrêt, après avoir énoncé que celle-ci peut être retardée par des circonstances insurmontables, tel ” l’état d’ébriété rendant la personne incapable de comprendre la portée de ce qu’on lui dit “, retient ” qu’un taux d’alcoolémie de 0,51 mg/l d’air expiré relevé par l’éthylomètre et l’état éventuel d’excitation et d’énervement d’Edith X… ne constituent pas des circonstances insurmontables au sens de l’article 63-1 du Code de procédure pénale ” ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi sans mieux s’expliquer sur les mentions non contestées du procès-verbal de l’officier de police judiciaire ayant constaté qu’Edith X… se trouvait dans un état d’imprégnation alcoolique tel ” qu’elle n’avait pas assez de lucidité pour s’entendre notifier les droits prévus aux articles 63-1 à 63-4 du Code de procédure pénale ni les exercer utilement “, les juges n’ont pas donné de base légale à leur décision ;

D’où il suit que la cassation est derechef encourue ;

Et, sur le moyen de cassation relevé d’office, pris de la violation des articles 174, 385 et 802 du Code de procédure pénale ;

Vu les articles 174 et 802 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’il résulte des dispositions combinées de ces textes que, lorsqu’une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire ;

Attendu qu’après avoir retenu qu’Edith X… avait été placée en garde à vue dans des conditions irrégulières et qu’elle n’avait pas reçu immédiatement notification des droits prévus par la loi, la cour d’appel a annulé l’ensemble de la procédure d’enquête et relaxé la prévenue ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi alors que, la régularité des procès-verbaux d’interpellation et de dépôt de plainte n’était pas en cause et ne pouvait être affectée par l’éventuelle annulation d’actes postérieurs, les juges ont excédé leurs pouvoirs ;

D’où il suit que la cassation est encore encourue ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le troisième moyen de cassation proposé par le procureur général qui critique des motifs surabondants de la décision attaquée,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Poitiers, en date du 18 juin 2004, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Analyse

Publication : Bulletin criminel 2005 N° 3 p. 9

Décision attaquée :

46. Le vendredi 10 janvier 2014 à 14:24 par Yacine

Non le Conseil d’Etat n’a pas “ravalé sa jurisprudence traditionnelle” En tous cas pas encore, il a simplement considéré que sa jurisprudence pouvait évoluer de façon extensive dans le prolongement de la brèche qu’elle avait ouvert en 1995 avec le lancer de nain et qu’en présence de spectacles polémiques d’un provocateur notoire qui a déjà maintes fois été condamné au pénal dont on connait grosso modo déjà les temps forts la jurisprudence devait justement se prononcer, qu’elle n’était pas encore clairement définie ou fixée et que la porte à une interdiction pour protéger la dignité n’était pas forcément fermée. Il a juste considéré que l’interdiction du spectacle n’était pas entachée d’une illégalité grave et manifeste sans se prononcer sur la légalité de l’arrêté d’interdiction. Or dans le cadre d’un référé liberté le juge administratif ne peut neutraliser le comportement administratif litigieux que s’il est entaché d’une illégalité grave et manifeste. A l’avenir si les avocats de Dieudonné font un référé suspension et non plus un référé liberté ils seront certain d’obtenir la tenue des spectacles puisqu’il existe évidemment un doute sérieux quant à la légalité de l’ interdiction de ces spectacles et qu’il suffit simplement que ce doute sérieux soit établi pour obtenir la suspension de l’interdiction.

S’agissant des spectacles annulés je ne comprends pas pourquoi les avocats en sont déjà à parler d’un recours devant la CEDH, puisqu’ils peuvent écrire à l’administration pour demander la réparation du préjudice chiffré de leur client et attaquer le refus de l’administration par un recours de plein contentieux en engageant la responsabilité de l’Etat pour faute, ce n’est que si le Conseil d’Etat donne alors raison au ministre ce qui reste assez improbable quoique pas impossible qu’ils pourront alors saisir la CEDH pour obtenir des dommages intérêts puisqu’ils auront alors épuisé en France tous les recours.

Dans la mesure où le contenu et les temps forts d’un spectacle destiné à se répéter sur toute la France sont en l’occurrence déjà connus à l’avance, il est tout à fait concevable que le juge administratif puisse être d’accord avec son interdiction pour protéger cette composante de l’ordre public qu’est la dignité humaine et il y a là un vrai débat sur lequel le juge administratif peut en effet réfléchir, s’interroger et décider éventuellement d’une évolution de sa jurisprudence en admettant de plus en plus d’hypothèses où la dignité humaine pourra servir à interdire des activités.

Ce serait peut-être une complicité par abstention de la part d’un maire que de laisser se tenir sur sa commune des spectacles dont on connait déjà les moments forts parfois constitutifs d’infractions pénales d’apologie de crime contre l’humanité, de négationnisme, etc… et souvent marqués par un discours à connotation antisémite avec un acharnement dans la dérision mémorielle qui peut apparaître attentatoire à la dignité humaine d’autant qu’il revient de toutes façons de façon récurrente dans une ambiance dont il est notoire qu’elle rassemble toutes sortes d’éléments d’habitude farouchement ennemis les uns des autres mais qui se groupent devant un ennemi commun fantasmé qui semble être celui qu’ils détestent le plus et qui tient lieu de fonds de commerce.

Mais dans ce cas, dans toutes les villes où comme cela été prévisible Dieudonné s’est rendu coupable de délits, qu’est ce qu’on attend pour poursuivre pour complicité tous les maires qui jusqu’ici n’ont pas pris les décisions d’interdiction qu’ils auraient donc dû prendre?!
Le gouvernement se ridiculise.

En tous cas il faudrait que les médias arrêtent de dire que le Conseil d’Etat a donné raison au ministre de l’intérieur, c’est parfaitement faux. BFM me casse les oreilles! Ils déblatèrent bêtises sur bêtises. Le Conseil d’Etat a simplement infirmé l’ordonnance du juge des référés nantais en considérant que les spectacles du requérant dont on connait déjà de toutes façons les grandes lignes et les temps forts les plus récurrents qui permettent de faire parler de lui, posent une vraie question de dignité humaine dont la protection pourrait alimenter une réflexion vers une jurisprudence plus extensive dans le prolongement de l’interdiction du lancer de nain et qu’en conséquence l’interdiction du spectacle n’est pas entachée d’une illégalité grave et manifeste. C’est tout. Le Conseil d’Etat ne dit pas que l’interdiction n’est pas illégale il dit simplement que cette illégalité n’est pas manifeste. Il n’a pas tort compte tenu de la brèche ouverte par l’arrêt commune de Morsang-sur-Orge et compte tenu de la jurisprudence de la CEDH (voir l’arrêt de la CEDH, Omega du 14 octobre 2004). Mais il reste très improbable que statuant non plus en référé mais au fond, le Conseil d’Etat donne raison au ministre. C’est au contraire un très sévère camouflet qui lui pend au nez. Et si comme on peut l’imaginer le Conseil d’Etat donne tort à l’administration en statuant au fond, par la suite si l’administration persiste à vouloir interdire ce type de spectacles, il existera alors une jurisprudence cinglante sur laquelle pourront s’appuyer les référés-libertés pour faire valoir une illégalité grave et manifeste des mesures d’interdiction.

47. Le vendredi 10 janvier 2014 à 15:05 par sans

Cher TI en 45, grand merci.
Chercher le mot nécessaire, mais bien sûr!!
Et merci pour l’arrêt que je n’ai pas eu le loisir de lire attentivement en pleine journée (et ma pauvre tête de fiscaliste a besoin d’un peu de réflexion pour le comprendre)

48. Le vendredi 10 janvier 2014 à 17:02 par candide

@Yacine,

Je viens de lire l’ordonnance de référé du juge de Nantes, on y parle d’atteinte à l’ordre public “immatériel” comme justification à l’interdiction par le préfet de Loire Atlantique et que l’accumulation de propos injurieux à l’encontre de personnes de religion ou de culture juive incitant à la haine raciale contre ces personnes constitue un trouble à l’ordre public en raison de l’atteinte portée à la dignité de la personne humaine.
Il précise par la suite, que la tenue d’un spectacle et la diffusion de paroles contraires à la dignité de la personne humaine, constitue en soi, un trouble public « immatériel » qui ne peut être prévenu que par l’interdiction de la représentation.

Es ce que cela ne vise que les personnes de religion juive ou tout le monde? Car les blagues sur les homosexuels, sur les arabes, sur les belges, les portugais, les blondes peuvent aussi être contraire à la dignité de la personne humaine et constitué un trouble à l’ordre public immatériel.

Vous nous avez parlé tout à l’heure que le juge en référé s’est basé sur la dignité de la personne humaine issu d’un arrête Mortsang sur Orge de 1995 mais ile préfet nous sort aussi une nouvelle conception de l’ordre public : l’ordre public “immatériel”. Qu’es ce donc? Es ce que la décision du Conseil d’Etat va créer cet “ordre public immatériel” en autorisant l’exécution de l’arrêté du préfet?

Le juge des référé de Nantes a répondu que :

- il n’est pas établi par les seules pièces du dossier que le spectacle ait été construit autour de cette thématique (les injures contre la communauté juive) ni même qu’elle en constitue une partie essentielle ; le motif tiré de l’atteinte que, par suite et dans les circonstances de l’espèce, à la dignité humaine ne permettait pas de fonder légalement l’arrêté d’interdiction attaqué

-Considérant, en deuxième lieu, que, s’il appartient à l’autorité administrative, en vertu des pouvoirs de police qu’elle détient en application des dispositions précitées, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être justifiées par les troubles, risques ou menaces qu’il s’agit de prévenir et, dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à une liberté, être strictement proportionnées à leur nécessité.

-qu’il est constant le spectacle « Le Mur » prévu à Nantes apparaît comme la reprise, dans le cadre d’une tournée, du même spectacle présenté depuis plusieurs mois sur une scène parisienne ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette manifestation ait donné lieu, au cours de cette période, à des troubles à l’ordre public ; que si la que préfecture de la Loire-Atlantique a été saisie de nombreuses protestations quant à la tenue du spectacle « Le Mur » et de la possibilité d’une manifestation devant la salle prévue pour le spectacle, il n’est pas justifié de ce que le préfet ne disposait pas des moyens nécessaires pour assurer le maintien de l’ordre public.

- ordonne la suspension de l’exécution de l’arrête du 07/01/2014.

Le juge de Nantes écarte l’atteinte à la dignité humaine et l’atteinte à l’ordre public, dans ce cas Yacine, comment pouvez vous soutenir que la décision du Conseil d’Etat du 9/01/2014 n’a pas ravalé la jurisprudence établie depuis 1933 et que l’interdiction du spectacle de Dieudonné n’était pas entaché d’une illégalité grave et manifeste puisque le juge de Nantes dit qu’il n’y a pas atteinte à la dignité humaine, ni atteinte à l’ordre public. C’est quoi pour vous une atteinte grave et manifeste? Une bombe atomique sur le lieu du spectacle peut être par le préfet?

J’aimerai que vous m’expliquez votre raisonnement comme si vous parliez à un enfant de 5 ans afin que je puisse percevoir le raisonnement du Conseil D’Etat. Merci

49. Le vendredi 10 janvier 2014 à 17:22 par candide

Il ne peut y avoir atteinte à la dignité de la personne humaine que s’il y a consécration d’un ordre public immatériel car l’atteinte à la dignité de la personne humaine provient d’actes et non de parole.
Le moyen soulevé par le préfet d’ordre public immatériel n’est il pas le fondement juridique nécessaire pour un juge afin qu’il puisse se baser sur la dignité pour interdire et que les paroles contraire à la dignité humaine puissent porter atteinte à l’ordre public immatériel?
Je ne connaissais que l’ordre public, l’ordre public immatériel, qu’es ce donc?

50. Le vendredi 10 janvier 2014 à 17:38 par Tendance

@Yacine
Il y a dans la décision du Conseil d’Etat une étonnante pirouette.
En effet, je cite:
6. Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre  public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau  portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la  personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ;

Le point 6 de la décision vise uniquement l’absence d’illégalité de la décision du préfet. Or, la défense a fait valoir que les propos incriminés ne seraient pas repris à Nantes. Mais ce point ne pouvait pas faire partie de la décision du Préfet. Le seul motif de la décision sur ce point (les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine) est en dehors du périmètre de l’interdiction préfectorale et donc il n’y a pas de base légale pour ce nouveau moyen de droit soulevé par la défense.

51. Le vendredi 10 janvier 2014 à 20:42 par Yacine

J’ai du mal à vous suivre.

La dignité humaine n’est pas autre chose depuis 1995 qu’une composante immatérielle de l’ordre public, c’est ce que dit en substance l’arrêt commune de Morsang-sur-Orge et commune d’Aix en Provence. Ce n’est donc rien de nouveau, on le sait depuis 1995 et on sait aussi que la jurisprudence n’a pas donné de critères précis. Ensuite quant à savoir si le spectacle de Dieudonné peut être interdit sur ce fondement, la réponse peut être éventuellement oui et c’est donc à tort que le juge de première instance a répondu que l’interdiction était manifestement entachée d’illégalité. En effet, l’illégalité de l’interdiction n’est pas si évidente que cela. Le juge des référés saisi du référé-liberté n’est pas compétent pour dire si l’interdiction est légale ou pas, ce n’est donc pas ce qu’il a fait, ce n’était en effet pas la question à laquelle il devait répondre, il devait juste dire si l’interdiction était entachée d’une illégalité grave et manifeste. (Autrement dit, d’une illégalité évidente qui ne souffre aucun doute au regard d’une jurisprudence solide et clairement établie qui a déjà précisé ces questions avec une évidente constance et parait clairement à l’abri de tout revirement de jurisprudence. Or là on est dans le flou et dans l’incertitude puisque l’arrêt commune de Morsang-sur-Orge et l’affaire de la soupe au cochon ont ouvert une brèche qui peut être la porte ouverte à toutes sortes d’interdictions nouvelles, la jurisprudence n’est donc pas encore précisée quant à l’étendue des cas où la dignité humaine peut servir à censurer des spectacles et des initiatives en tout genre qui peuvent en effet poser un problème de dignité humaine et le spectacle de Dieudonné pose donc une vraie question, qui ne peut pas être tranchée comme l’a fait le juge de première instance dans cette affaire en relevant que l’illégalité de l’interdiction serait manifeste, c’est à dire qu’elle ne ferait aucun doute.

Le doute existe puisque la dignité humaine comme composante de l’ordre public est dans l’air du temps et que les hypothèses où elle va pouvoir servir à restreindre des libertés et plus particulièrement la liberté d’expression constituent une vraie question sur laquelle c’est bien au juge du fond de se prononcer (et non au juge des référés comme cela a été le cas en première instance) Mais le ministre ne perd probablement rien pour attendre.
Le Conseil d’Etat dit simplement que la protection de la dignité pourrait aboutir à l’instauration dans certains cas d’un régime préventif en matière de liberté d’expression, c’est une évolution qu’il ne se l’interdit pas, mais il ne dit pas qu’il admet déjà cela. Il dit juste que c’est envisageable et qu’en l’espèce comme un sérieux risque de tels troubles à l’ordre public était parfaitement établi, l’interdiction devait donc être maintenue (faute d’illégalité grave et manifeste c’est à dire à cause de l’incertitude qui plane sur l’étendue des situations où le concept de dignité va permettre de restreindre les libertés)

La décision du Conseil d’Etat accepte simplement l’idée que le spectacle de Dieudonné pose un vrai problème d’ordre public et que compte tenu des incertitudes jurisprudentielles qui entourent la question de la dignité ou des débats qui agitent la doctrine, la légalité de son interdiction est une vraie question susceptible de faire jurisprudence, ainsi elle dit simplement qu’une évolution de la jurisprudence dans le prolongement de l’arrêt commune de Morsang-sur-Orge est possible pour interdire ce qui devrait en principe éventuellement être sanctionné qu’ à posteriori, que le Conseil d’Etat y est peut-être prêt et ne ferme pas la porte à une telle évolution vers un régime préventif, de là à dire qu’une telle chose arrivera, on y est vraiment pas.

Il est même possible et bien plus probable que lorsqu’il sera saisi au fond et qu’il devra se prononcer, le Conseil d’Etat fasse marche arrière et enterre sa jurisprudence très critiquée sur le lancer de nains en excluant enfin de nouveau la dignité humaine de la définition de l’ordre public, ce qui simplifierait bien les choses et fermerait la boite de pandore d’une dignité potentiellement très liberticide.

52. Le vendredi 10 janvier 2014 à 21:29 par récap59

La notion d’ordre public immatériel est intéressante.

Des générations d’avocats se sont battus pour arracher aux juges une définition objective, et donc nécessairement matérielle de la notion d’ordre public afin de lui ôter son caractère arbitraire dans l’optique d’un minimum de sécurité juridique pour les citoyens et ils n’ont même pas encore gagné que déjà l’administration (l’exécutif ?) invente une nouvelle déclinaison de la notion vaccinée contre toute tentative d’objectivation.

Pauvre doctrine !

53. Le vendredi 10 janvier 2014 à 22:31 par herve_02

On peut stigmatiser un “peuple” au niveau de l’état (les roms) pour ce qu’ils sont cela ne pose aucun soucis juridique, mais le sketch d’un comique parle de juif (comme d’autre d’arabes, de noirs, de corses, de belges, de blondes…) et c’est la fin du monde. Dire que le respect de la loi est le mobile lorsque l’on voit la résistance du sénat à propos de leur collègue Dassault me laisse un peu de marbre.

Cette décision intervient au moment ou le ministre (probablement envoyé de dieu sur terre pour nous faire comprendre la bonne parole et la vérité) a décidé qu’il interdirait (par tous les moyens). On se demande pourquoi on paie autant d’institutions alors qu’un bon conducator pourrait faire la même chose avec 3 francs 6 sous.

En période d’économie budgétaire, c’est une piste à creuser. Et comme la majorité est plutôt pour cette “expédition”, je me dis que c’est ce que nous aurons et que tout le monde sera content. Faut juste que le conducator ait les même opinions qu’eux… sacré pari.

54. Le vendredi 10 janvier 2014 à 22:39 par herve_02

@Yacyne

il m’avait un poil semblé qu’en matière de liberté, la règle est le laisser faire, on ne choisit l’interdiction que dans les cas certains : n’est interdit QUE ce qui est précisément cité comme interdit.

N’assistes-t-on pas à un renversement de l’ordre de Allow-deny à Deny-allow ? Est-ce que l’on ne vient pas de vivre un changement de société ? Est-ce que l’on avance d’un pas vers l’humanisme (mais quid des gens qu’on laisse crever dehors ?) ? ou est-ce que l’on fait un pas en arrière vers l’obscurantisme répressif d’état ? l’affirmation d’une justice de classe : ceux avec qui on prend des pincettes, et les autres que l’on juge un peu à la va-vite, en note de gueule ?

55. Le samedi 11 janvier 2014 à 02:59 par Aikos

A mon sens, et j’essaie de généralement de suivre le bon sens, il faut arrêter de tout chercher à judiciariser à tout va pour lutter contre les propos racistes, homophobes, antisémites et j’en passe. Je ne dis pas qu’on doit pouvoir tout dire mais que tant que cela ne relève pas de l’appel à la haine, il faudrait peut être s’abstenir de régler la chose devant un juge.

Il serait grand temps de se rappeler que c’est d’abord par l’éducation, le logos et donc le débat et la liberté de parler que l’on s’oppose aux préjugés.

Ici cela va encore plus loin puisqu’on en vient à condamner à priori et non a posteriori, ce qui constitue une menace plus conséquente encore pour la liberté d’expression. Ce n’est au fond qu’un aboutissement logique dans un pays où l’on estime que c’est le rôle de la justice de condamner l’expression de propos racistes alors que le droit n’a pas à se calquer sur la morale.

Je partage le fond des propos de Maître Eolas mais n’oublions pas que cela s’inscrit dans un mouvement de fond. Il faut se garder de faire comme si cette décision du Conseil d’Etat était totalement saugrenu et incompréhensible.

56. Le samedi 11 janvier 2014 à 06:20 par Franck Ferdinand

Très ignorant en matière de droit, je suis heureux de constater que des éminents juristes semblent penser comme moi que cette affaire Dieudonné et son dénouement provisoire sentent très mauvais. Une quenelle dans le cul de la liberté, si j’ose dire…

57. Le samedi 11 janvier 2014 à 11:25 par Cobab

Heureusement, Charlie Hebdo, grand défenseur de la liberté d’expression, publiera le texte du spectacle dans sa prochaine une. À moins qu’il n’y ait deux poids deux mesures…

58. Le samedi 11 janvier 2014 à 12:45 par CANDIDE

@Yacine

Nous avons un juge de Nantes qui indique clairement qu’il y a une atteinte à la liberté d’expression dans le cas de Dieudonné car son ordonnance indique :
- qu’il n’y pas atteinte à l’ordre public (ne reprenant pas à son compte le nouveau concept d’ordre public immatériel soulevé par le préfet et qui est une construction doctrinal, un fourre tout attentatoire aux libertés publiques et qui je crains sera la base d’une prochaine jusrisprudence).
- qu’il n’y a pas d’atteinte à la dignité humaine. Les atteintes à la dignité humaine constitue des ACTES (la jurisprudence Mortsang sur Orge) et non pas les paroles (domaine de la liberté d’expression). Le préfet sachant cela, il a introduit la notion d’ordre public “immatériel” qui est la véritable boite de pandore dans cette affaire car si elle est reprise, elle permet tout. L’ordre public “immatériel” ce sont les bottes de cuir de la dictature qui claquent en France.

Une heure après, nous avons une ordonnance qui nous indique le contraire : dire que l’acte n’est pas entaché d’illégalité (après examen sur le fond contrairement à ce que vous indiquez puisque le juge s’est appuyé sur l’arrête d’interdiction du préfet de loire atlantique qui se basait sur l’ordre public immatériel, le fameux fourre tout) alors que le 1er juge indique qu’il y a une atteinte à la liberté d’expression en écartant l’ordre public immatériel pour ne retenir que le droit positif en vigueur.

Je pose la question : qu’es ce donc pour Monsieur Bernard Stirm une illégalité grave? (illégalité est apprécié sur le fond et la forme et les éléments de fond ont été discuté par un avocat commis d’office au conseil d’Etat) puisque le 1er juge lui y a vu une atteinte grave à la liberté d’expression dans son exercice à travers la liberté de réunion.

Tout et son contraire en moins d’une heure. Il s’agit bien donc d’une question d’interprétation et non plus de droit. Le droit, les libertés, on s’en fout. Ce n’est là que pour la parade. Ce qui compte est la cause et que la cause était entendue : Dieudonné devait absolument disparaître. Il fallait absolument le faire taire et peu importe le droit, les libertés fondamentales (tout cela n’est que pour l’étudiant en droit prépubère juridique et naif).

Mission accomplie, peu importe le Droit, peu importe la liberté d’expression. Le pouvoir politique devait exterminer Dieudonné, mission accomplie, Dieudonné a été exterminé car si on lui retire tout support pour s’exprimer, il est mort, il n’existe plus. Game over pour Dieudonné.

Les décisions s’enchaînent sur ordre de l’ordonnance de Mr Bernard Stirm, la ligne est tracée. L’humoriste veut faire des spectacles sur Paris différent du MUR, il est automatiquement interdit.

Je ne supporte pas la CENSURE. Je préfère entendre les ignominies que de supporter la censure. Je préfère combattre les ignominies que de les faire taire.

Si on ne peut douter des propos antisémites de Dieudonné, nous ne pouvons pas douteur non plus que la démocratie française, que la République Française est sérieusement touchée par la CENSURE et par une atteinte généralisée à la liberté d’expression par ces décisions généralisées d’interdiction qui aujourd’hui visent Mr Dieudonné mais qui demain, devront viser les femen (y a pas de raison, uriner dans v un bénitier est aussi un acte d’atteinte à la dignité de l’être humaine et constitutive d’un trouble à l’ordre public immatériel, vous n’y pensez pas, très bien dans ce cas là, soulevons l’hypothèse d’une femen urinant dans une synagogue pour voir s’il n’y a pas 2 poids 2 mesures). Chalie Hebdo devrait être poursuivi pour ses caricatures sur le prophète car l’ordre public immatériel est troublé et il y a atteinte manifeste à la dignité humaine des musulmans. C’est sans fin sauf si c’est une décision d’exception comme j’ai entendu hier soir sur Taddei pour uniquement la communauté juive. Parce qu’ils le méritent bien et pas les autres.

Nous avons tous dérapé dans cette affaire car l’ordonnance de Mr Bernard Stirm a été rendue au nom du peuple français,c’est à dire que nous sommes tous responsable de la censure et de la non défense de notre liberté à tous, celle de pouvoir nous exprimer de manière libre, tout en devant répondre de ce que l’on dit devant un tribunal impartial et indépendant, ce dans un procès équitable.
Es ce que ce fut le cas pour Mr Dieudonné? Soyons honnête : NON.

Journée noire pour les libertés fondamentales dans notre cher pays la France. La censure frappe et la liberté d’expression, si difficile ou inacceptable à entendre soit elle, se meurt à chaque censure.

59. Le samedi 11 janvier 2014 à 13:34 par RG

@58 CANDIDE

Le préfet sachant cela, il a introduit la notion d’ordre public “immatériel” qui est la véritable boite de pandore dans cette affaire car si elle est reprise, elle permet tout. L’ordre public “immatériel” ce sont les bottes de cuir de la dictature qui claquent en France.

Le conseil d’État voit dans la “dignité humaine” une des valeurs ou un des principes consacrés par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or cette valeur est bien revendiquée, de façon certaine chez les catholiques intégristes, peut-être d’autres intégristes, mais sauf à avoir la berlue pas dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour qui la liberté d’expression est la règle.

Après quelques jours il devient clair que c’est un homme qui est clairement censuré alors qu’il a changé de spectacle et qu’aucun trouble a l’ordre public n’a été relevé, et que ce n’est pas autre chose que de la censure politique.

60. Le samedi 11 janvier 2014 à 14:11 par Franck Ferdinand

Moi je refuse d’échanger mon baril de liberté contre deux barils de dignité en tout cas, y arnaque là.

61. Le samedi 11 janvier 2014 à 15:01 par récap59

La notion de dignité humaine figure dans la constitution allemande mais pas dans la notre.

Comment se fait-il que la juridiction administrative protège un élément de droit constitutionnel étranger pendant que notre conseil constitutionnel s’obstine à ne pas protéger les droits qui sont vraiment reconnus aux français par leur propre loi fondamentale ?

Un exemple : “tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits” et “la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas autrui” La cour constitutionnelle allemande n’a pas eu besoin de s’appuyer sur ces textes empruntés au bloc de constitutionnalité français pour statuer que la prohibition de l’usage des drogues était contraire à la loi fondamentale de la république fédérale. Elle s’est appuyée sur le principe de proportionnalité.

Avec des textes aussi clairs et univoques que les articles 1 et 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen la cour de Karlsruhe n’aurait pas eu besoin d’examiner longuement à quel point la brutalité de la répression est démesurée au regard de l’objectif poursuivi pour statuer que l’interdiction générale et absolue de consommer telle ou telle substance paisiblement dans un cadre privé sous peine de prison ou d’amende viole la loi fondamentale.

Mais se mêler du travail des autres sans achever sa propre tâche est une manie bien française.

C’est ainsi que Pôle Emploi verse aux employeurs des subvention, ce qui ne fait pas partie de sa mission, tout en refusant d’assumer les responsabilités qui lui incombent. La majorité des chômeurs chez nous n’ont droit à aucune indemnisation.

On pourrait citer aussi le cas moins grave de la SNCF qui ferme des lignes de train et ouvre des lignes de bus. Si vous ne voulez pas qu’on vous critique pour ne pas faire votre travail, mêlez vous de celui des autres.

62. Le samedi 11 janvier 2014 à 17:10 par récap59

“Ce qui est sûr, c’est que Dieudonné ne vaut pas qu’on jette nos valeurs à la poubelle. Et que la “victoire de la République” dont s’est réjoui Manuel Valls est illusoire”

http://tempsreel.nouvelobs.com/soci…

Comme toujours les attaques contre la liberté sont incompatibles avec le respect de l’égalité (je n’ai jamais compris pourquoi la doctrine prétend au contraire que la liberté s’oppose à l’égalité) Si on trouve qu’un homme est plus libre qu’un autre c’est qu’il n’y a pas de liberté du tout. Et comme il est impossible de restreindre la liberté de son prochain sans se placer au-dessus de lui et méconnaître ainsi l’égalité entre tous les êtres humains…c’est le contraire de ce qu’on nous raconte toujours qui est vrai.

Imagine-t-on Manuel Valls interdit de discours par la justice par souci de prévenir la réitération de ses propos sur les roms ou les noirs ? On reconnaît facilement les atteintes à la liberté au fait qu’elles ne peuvent pas par nature s’appliquer à tous les humains sur un pied d’égalité.

Loin de s’opposer la liberté et l’égalité sont les deux faces d’une même médaille.

Si vous n’avez pas le droit de dire des choses stupides, incohérentes et de mauvais goût c’est qu’il y a quelqu’un qui a le droit de décider ce qui est stupide, incohérent ou de mauvais goût et pas vous. La liberté de Dieudonné de dire les pires choses qu’il imagine est la notre de dire les meilleures que nous nous efforçons de trouver.

63. Le samedi 11 janvier 2014 à 18:42 par RG

Selon la philosophe Gertrude Elizabeth Margaret Anscombe le respect de la dignité humaine impliquerait le refus catégorique de l’euthanasie, de l’avortement, de la contraception, des méthodes de procréation médicalement assistée (fécondation in vitro, etc.) et enfin la condamnation de l’homosexualité.

J’attends de sa dignité de gauche et néanmoins président de la République laïque François Hollande qu’il saisisse le conseil d’État afin qu’il se prononce là dessus.

64. Le samedi 11 janvier 2014 à 18:49 par RG

@61 récap59

La notion de dignité humaine figure dans la constitution allemande mais pas dans la notre.

Notons qu’elle est également reprise par le Machin

65. Le samedi 11 janvier 2014 à 18:59 par Yacine

Si, bien sûr que la dignité humaine a valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel DC 27 juillet 1994) Ce principe qui se déduit du préambule de la Constitution de 1946 est le fondement de tous les droits de l’Homme et du système juridique français et la doctrine a même pu se demander s’il n’avait pas une valeur supra-constitutionnelle.

La Cour de cassation l’a toujours placé au dessus du principe constitutionnel de la liberté d’expression. (voir Crim 7 décembre 2004) : http://www.courdecassation.fr/publi…

Evidemment, le constituant de 1958 évite “de la ramener” sur le sujet de la dignité humaine puisque la Constitution actuelle a été adoptée dans un contexte qui est celui de la Guerre d’Algérie, où les forces coloniales torturent de façon systématique des centaines de milliers d’algériens… mais comme l’a décidé en 1971 le Conseil constitutionnel, le préambule de la Constitution de 1946 visé par le préambule de la Constitution de 1958 fait bien partie du bloc de constitutionnalité (de même que la DDHC du 26 août 1789).

Cependant, la dignité d’une démocratie c’est peut-être justement de répondre à l’indignité d’une propagande par des mots et non pas par de la censure. Le programme du FHaine et donc sa propagande sont à l’évidence clairement contraires à la dignité humaine puisqu’il y est question de préférence nationale et d’apologie de la préférence nationale avec les discriminations subséquentes. Comment le gouvernement pourrait interdire les spectacles de Dieudonné sans censurer dans la foulée les interventions publiques du FHaine qu’il pourrait aussi interdire sur le fondement de la dignité humaine…? Comment pourrait-il censurer Dieudonné et s’arrêter là en laissant s’exprimer des misogynes coutumiers du flirt avec la xénophobie et le sexisme le plus forcené comme le polémiste E.Zemmour ou A.Soral? Sauf que s’il fait cela, il aura à coup sûr des millions de lépénistes très en colère dans les rues, qui manifesteront tous les jours, qu’il interdise ou non d’ailleurs leurs manifestations…
Donc bonjour le désordre ainsi que la radicalisation de ceux qu’il entendait pourtant combattre.

En tous cas j’attends toujours que le gouvernement fasse interdire E.Zemmour qui fait l’apologie des discriminations à l’embauche ou trouve en tous cas cela très bien ou en tous cas “normal” et affiche par exemple une xénophobie des prénoms tout à fait décomplexée à des heures de grande écoute sur des médias de masse quand ce ne sont pas carrément des chaines publiques où il reste régulièrement invité.

Au lieu de partir à la chasse aux propos qui portent atteinte à la dignité en censurant à terme toutes sortes de personnalités, le gouvernement français ferait peut-être mieux de cesser d’édicter lui même des normes attentatoires à ce principe (préférence nationale ou plutôt exclusivité nationale (ou finalement communautaire) dans la fonction publique et dans certains métiers du secteur privé / préférence nationale ou plus exactement exclusivité nationale et communautaire c’est à dire discrimination et exclusion contre les étrangers extra communautaires dans le CAPES de l’enseignement du secteur privé http://www.sauvonsluniversite.com/s… / vote d’une loi putophobe qui encourage le mépris et la condescendance à l’égard d’adultes qui décident de gagner leur vie honnêtement et gagnent enfin davantage que ce que le salariat peut leur offrir / maintien dans la clandestinité d’une main d’oeuvre de travailleurs sans papiers surexploitée qui sera payée au lance pierre pour la plus grande joie de ceux qui raflent les dividendes, stigmatisation de populations plus ou moins nomades, etc… )

Il est très dangereux pour les libertés fondamentales que le concept de dignité soit compris comme servant à permettre aux autorités de prendre des mesures liberticides pour interdire tout ce qui pourrait choquer les esprits et heurter la susceptibilité et la sensibilité des gens ou le bon goût et les valeurs essentielles mais forcément subjectives qui fondent cette société. Le principe essentiel qui découle du principe de dignité c’est avant tout le principe d’égalité et celui de non discrimination qui est grosso modo la même chose. Il est dangereux de s’en servir pour autre chose que pour garantir l’égalité des droits et l’égalité de tous devant la loi et c’est d’ailleurs éventuellement le principe constitutionnel de la sûreté et non celui de la dignité qui devrait justifier la constitutionnalité de la loi Gayssot contre les discours racistes.

66. Le samedi 11 janvier 2014 à 19:15 par Yacine

… et idem pour le délit d’apologie de crimes de guerre ou de crime contre l’humanité dont la constitutionnalité devrait reposer non pas sûr le principe constitutionnel de la dignité humaine comme c’est le cas jusqu’ici, mais sur le principe constitutionnel de la sûreté (sécurité publique)
Quant à l’opportunité de telles incriminations c’est un autre problème, d’ordre purement politique celui-là.

67. Le dimanche 12 janvier 2014 à 02:25 par Yacine

… d’ailleurs si on voulait faire reposer la constitutionnalité de la loi Gayssot sur le principe constitutionnel de la dignité on serait obligé d’admettre que cette loi Gayssot est anticonstitutionnelle, puisque le conseil constitutionnel a déjà déclaré inconstitutionnelle la loi pénalisant la négation des autres génocides (en réalité le génocide arménien) que seul le principe de la dignité aurait pu rendre en effet conforme à la Constitution (puisque dans le négationnisme du génocide arménien il n’y a pas l’idée de faire un nouveau génocide mais simplement la honte de reconnaître un épisode pas du tout glorieux qui fait donc l’objet d’un refoulement, exactement comme le négationnisme colonial en France où les crimes et l’injustice du passé colonial sont refoulés davantage car ils attirent la honte que parce qu’il s’agirait de les réitérer.)

Dans les deux cas (négationnisme du génocide arménien / négationnisme colonial) cela ne vole pas haut mais ce n’est pas la même chose que le négationnisme des crimes de la seconde guerre mondiale qui est cette fois bel et bien une modalité du discours raciste et antisémite et tend clairement à refaire le génocide et cette fois jusqu’au bout en reprenant d’ailleurs la propagande utilisée pour le premier (complo t juif mondial/ juifs présents partout pour manipuler l’opinion / tapis dans l’ombre / ne disent pas qu’ils sont juifs pour mieux infiltrer le monde et le conduire à sa perte et pour mieux infiltrer la civilisation chrétienne et la détruire de l’intérieur, bref les traditionnelles conneries de l’extrême droite antisémite qui ont permis le génocide juif dans le prolongement du protocole des sages de S ion auquel fait référence d’ailleurs H itler dans son livre et qui seront repris par la propagande nat zi pour exciter l’antisémitisme et détruire les juifs ou plus généralement tout ceux dont Hit.ler décidait qu’ils étaient juifs.)

Avec le protocole des sages de S ion les antisémites (en l’occurrence les services secrets russes tsaristes qui avaient besoin d’un bouc émissaire pour faire diversion et détourner le mécontentement et le mépris populaire que le régime tsariste savait n’avoir que trop mérité) étaient déjà clairement des faussaires. Avec le négationnisme, les antisémites du monde entier continuent ce travail de faussaire pour exciter et propager l’antisémitisme. Ce n’est pas anodin, ce délire du complot juif mondial inventé par des gens qui ont vu un intérêt à exciter l’antisémitisme a conduit à “la solution finale”.

La constitutionnalité de l’incrimination du négationnisme des crimes de la seconde guerre mondiale peut donc bien se justifier par le principe constitutionnel de la sûreté. Mais certainement pas l’incrimination du négationnisme des autres génocides (le génocide arménien n’a pas été perpétré pour mettre fin à un prétendu complot qui menacerait le monde. En niant ce génocide les nationalistes turcs ne cherchent pas à refaire un génocide mais affichent simplement un désaccord lié au poids des représentations et à leur propension à refouler des épisodes qui vont à l’encontre de leurs traditions de grandeur nationale et entachent le prestige de leur pays et dont ils ont donc tout simplement honte. Ils ne sont pas forcément malhonnêtes, ils sont surtout prisonniers du poids des représentations et n’admettent donc pas la qualification ou l’idée de génocide et ne supportent pas l’idée que leur pays aurait pu faire quelque chose d’aussi grave et d’aussi négativement connoté)

En niant en revanche malhonnêtement le génocide juif, les négationnistes du monde entier insinuent qu’il existerait une force occulte, un lobby assez puissant pour falsifier l’Histoire et imposer une Histoire officielle, là encore certainement pour mieux contrôler le monde et le conduire à sa perte… bref ils raniment la propagande qui avait servis à la mise en oeuvre du génocide juif en préparant de nouveau sa répétition. La sécurité des personnes peut donc justifier constitutionnellement que cette propagande soit sanctionnée pénalement.
Quant à l’interdiction de spectacles à priori: elle peut éventuellement se justifier aussi. Mais uniquement si c’est une exigence de sécurité qui justifie cette censure. Il faut laisser la dignité là où elle doit être, ce serait par dessus tout indigne de continuer de s’en servir contre la liberté d’expression. Les discours antisémites devraient être combattus le plus possible par des paroles et non par une censure qui permet à des zéros intellectuels complets de s’ériger en victimes et pire encore en défenseurs de la liberté d’expression.

Et puis en ce qui concerne les spectacles de Dieudonné il ne faut pas exagérer, même parmi les plus tordus de ses fans, il n’en est je pense qu’une très petite minorité qui pourrait vouloir remettre “la solution finale” au goût du jour. Donc censurer ce polémiste provocateur qui est surtout un affairiste de la dérision mémorielle cela peut ressembler à de la bouffonnerie. A moins qu’on pense vraiment qu’un génocide ou des porgoms se préparent à travers ses spectacles et que la menace est telle que les sanctions pénales sont insuffisantes pour faire face et garantir la sûreté des personnes tant le péril serait alors imminent ou inéluctable dans sa réalisation.

De toutes façons le conseil constitutionnel a déjà fait prévaloir le principe de la liberté d’expression sur celui de la dignité en censurant la loi qui incriminait la négation des autres crimes contre l’humanité que ceux de la 2nde Guerre mondiale (loi qui en incriminant dans les faits finalement que le seul génocide arménien attentait au passage d’une certaine manière au principe de dignité et au principe d’égalité qui en découle également )
Ce n’est donc que la préservation de la sécurité qui pourrait justifier une interdiction des spectacles de Dieudonné.

68. Le dimanche 12 janvier 2014 à 02:34 par Yacine

Il faut quand même voir qu’il y a un pays qui s’appelle les Etats-unis où la liberté d’expression est juridiquement telle qu’elle permet non seulement les propos racistes, homophobes, xénophobes, l’apologie du terrorisme ou des crimes contre l’humanité, le négationnisme mais aussi ce qui constituerait en France un délit de diffamation publique et que pour autant ce pays n’est pas à feu et à sang, ce pays où régnait encore il y a quelques décennies la ségrégation raciale a même élu un Président noir !
Il est peut-être préférable que chacun sache qui pense quoi et il vaut mieux laisser les tordus dire clairement toutes les saloperies qu’ils pensent, cela les rend d’une certaine manière moins dangereux, au moins on sait exactement ce qu’ils pensent.

69. Le dimanche 12 janvier 2014 à 02:43 par Yacine

Le Conseil d’Etat réplique aux critiques: http://www.lemonde.fr/politique/art…

Lire ce lien très intéressant.

Comme l’indique le vice Président du Conseil d’Etat jean-Marc Sauvé dans cet interview “M. M’bala M’bala demande au fond l’annulation des interdictions de son spectacle” donc évidemment il y aura bien une audience au fond.
^^

70. Le dimanche 12 janvier 2014 à 02:45 par Yacine

cette intervew (pardon)

71. Le dimanche 12 janvier 2014 à 03:38 par Yacine

Si la dignité doit restreindre la liberté d’expression il faudrait aussi interdire la Bible qui regorge d’appels au meurtre, de prescriptions sexistes ou homophobes, d’apologie de la lapidation contre la femme adultère, les homosexuels ou encore les apostats, etc… la Bible est tout ce qu’on voudra sauf un livre clair; les passages contradictoires et les prescriptions contradictoires sont légion. Il y a dans ce livre (en particulier dans l’ancien testament) quantité de passages et de prescriptions au moins aussi choquants que le spectacle de Dieudonné.

En terminale, mon professeur de philosophie avait même qualifié ce livre de “manuel du génocide”.

Il faudrait aussi pendant qu’on y est interdire à l’intérieur même des églises les crucifix qui représentent rappelons le une scène de torture donc une scène de négation par excellence de la dignité humaine dans laquelle certains pourraient même voir de la pornographie mémorielle et pourquoi pas… un acte antisémite d’incitation à la haine?! Je rappelle quand même que jusqu’à Vatican II la lithurgie catholique comprenait une prière contre ceux que nombre de catholiques qualifiaient alors de “peuple déicide” ! “Prions aussi pour les Juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur”

Que de chemin parcouru! Voyez le nouveau pape:
http://diversitychronicle.wordpress…

… et Ruquier qu’est ce qu’on attend pour l’interdire? Regardez: http://www.youtube.com/watch?v=R6Aa…
ça ça ne porte pas atteinte à la dignité?
… et son ex chroniqueur E.Zemmour qui raconte à la télévision que ce sont les arabes qui ont soit disant inventé l’esclavage et qui dit apparemment également du couple Karembeu que c’est “la belle et la bête”, on attend quoi pour le censurer? Il est coutumier de ce genre d’indignité.

72. Le dimanche 12 janvier 2014 à 15:15 par Eloy

Les magistrats civilistes ne sont plus seuls !
Par un arrêt du vendredi 3 janvier 2014, la 23e chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Paris a annulé une garde à vue pour violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’avocat n’ayant pas eu accès au dossier.
La présidente était Mme Isabelle Pulver, pénaliste et présidente de la 10e chambre correctionnelle.
Intéressante décision qui confirme que les pénalistes ne sont pas nécessairement moins intéressés par la défense des libertés et de l’égalité des armes. They are so cricket !
Il faut néanmoins préciser que le prévenu a tout de même été condamné. La cour aurait-elle prononcé cette nullité si les éléments restants avaient été insuffisants pour établir la culpabilité du prévenu ? Mystères et cyclotron.
Mais je ne voudrais pas troubler plus avant la dieudonnesque controverse qui persiste en ces lieux : veuillez excuser mon interruption.

73. Le dimanche 12 janvier 2014 à 15:50 par Sam

Le point de vue d’un éditorialiste canadien au sujet de la décision du Conseil d’Etat #Dieudonné M’Bala M’Bala.

http://plus.lapresse.ca/screens/444…

74. Le dimanche 12 janvier 2014 à 16:38 par Bobby

@ Yacine 69

Vous avez oublié le “si”.

La phrase exacte du vice-président du Conseil d’Etat est “si M. M’bala M’bala demande au fond l’annulation des interdictions de son spectacle, je suis susceptible de siéger en cas de pourvoi en cassation, après examen collégial par le tribunal puis la cour administrative d’appel”.

Mais rien ne dit qu’une demande au fond en annulation a été ou va être effectivement déposée (par quelqu’un y ayant intérêt). Juridiquement, cela vaudrait le coup, pour un arrêt précisant plus clairement les limites du pouvoir d’interdiction en cas d’atteinte à la dignité humaine. En tout cas, une telle demande en annulation reste possible (contra Eolas qui pensait que non).

PS. Contrairement à ce qu’on lit parfois dans la presse, le Conseil d’Etat n’a pas interdit le spectacle de Dieudonné. Il a seulement jugé qu’il n’y avait pas d‘“illégalité grave et manifeste” dans les interdictions prises par les maires ou préfets compétents, au vu des circonstances de l’affaire.

75. Le dimanche 12 janvier 2014 à 18:49 par Matthieu

Maître,

En parlant de séries américaines ayant pour sujet principal la justice, en regardez vous ? Et si oui quelles sont vos préférées ?

Bien à vous.

76. Le dimanche 12 janvier 2014 à 19:37 par RG

@74 Bobby

Contrairement à ce qu’on lit parfois dans la presse, le Conseil d’Etat n’a pas interdit le spectacle de Dieudonné.

Si la censure n’est pas judiciaire c’est qu’elle est administrative, et de source politique, CQFD.

Et ce n’est pas ce cafouillage hystérico-médiatico-politico-diplomatico-judiciaire digne de la série “je marque un but contre mon camp” qui tend à prouver le contraire.

77. Le lundi 13 janvier 2014 à 04:41 par Franck Ferdinand

Le Conseil d’Etat n’a peut-être pas interdit le spectacle en droit, mais il l’a interdit en fait.

Et (http://www.lepoint.fr/societe/dieud…), le conseiller d’Etat Arnaud Klarsfeld, qui en l’occurrence s’arroge une autorité décisionnaire, a décidé d’autoriser Dieudonné à remonter sur scène SI ET SEULEMENT SI le citoyen M’bala M’bala (dont la citoyenneté est devenue virtuelle) lui écrit un courrier stipulant qu’il n’évoquera pas les sujets litigieux.

78. Le lundi 13 janvier 2014 à 04:43 par Franck Ferdinand

@RG
Vous êtes mauvaise langue, notre conseiller d’Etat voulait sans doute évoquer les consignes d’Istanbul ou d’Islamabad. Seriez-vous antisémite, RG ?

79. Le lundi 13 janvier 2014 à 08:48 par Titre de Noblesse

Il y a quelque chose qui m’intrigue dans l’accès au dossier pour les avocats lors de gardes à vue:
“normalement” (hors flagrant délit ou pathologie) , un (ou plusieurs : fonctionnent ils collègialement) policier qui met en garde à vue a réfléchi assez longuement -et demandé des consignes-  ; si un mis en gav n’est pas riche, un avocat est désigné -ou est de permanence- et commis d’office (donc, il n’a aucune connaissance du dossier a priori; il peut être spécialiste disons de divorces , ce qui n’a vraisemblablement qu’un très lointain rapport avec la défense d’un gav).
En admettant que les connaissances en droit des avocats -commis d’office- soient supérieures à celles des OPJ (dans le cas des OPJ, elles sont vraisemblablement plus homogènes, de par leur concours ), le mis en cause peut être handicapé par un avocat dont ce n’est pas la spécialité, et ce, même s’il y a accès au dossier.

80. Le lundi 13 janvier 2014 à 15:55 par pims

En bonne mekeskidi, j’ai pas grand’chose d’intelligent à dire sur le fond de cet article (je veux dire : pas grand’chose qui ne soit admiration sans bornes et remerciements sans limites). En revanche, sur la forme, je crois que vous vous êtes pris les pieds dans le tapis de l’inversion du sujet, quand vous écrivez ” C’est le procureur (…) qui est investi de la mission que s’arroge ces juges”.

(maintenant, je croise les doigts pour que ce commentaire surnage dans le flot de messages à propos de Dieudonné….)

81. Le lundi 13 janvier 2014 à 16:03 par tschok

@ Yacine, com 71,

Il y a des petits loupés dans la cohérence du message christique, repris par l’Eglise catholique romaine, partant, les cathos.

Bon, il est clair que certaines instructions du logiciel catho comme “Juifs, peuple déicide”, ça vous prépare les mentalités pour les rendre aptes à un génocide de façon aussi efficace que la radio des Mille collines. Par comparaison, un spectacle comme “Le Mur” est un doux amusement.

Mais, normalement, sur instruction du chef de projet, les programmeurs ont viré cette ligne d’instruction du logiciel catho, en procédant à sa mise à jour dite “Vatican 2.0”, en 1962, je crois. Ce qui a permis de rompre avec la fonctionnalité dite “antisémitisme institutionnel de l’Eglise”, qui n’est désormais plus disponible dans l’application, de telle sorte qu’il ne reste, en principe, plus aujourd’hui d’utilisateurs de cette version du logiciel, parmi les abonnés.

Enfin, on espère (il doit rester quelques ilots dispersés ça et là).

Ce d’autant que l’ancienne version du logiciel bugait méchamment (grand nombre de victimes brûlées au dernier degré, sans compter les asphyxies), au point que la conduite du projet par l’interlocuteur unique Pie XII a été critiquée.

Dès lors, l’extension de la MAJ du logiciel à l’ensemble de la société ne semble pas abusive, afin qu’il n’y ait pas de problème d’incompatibilité avec l’autre grand logiciel: le logiciel républicain.

Il est vrai que les deux systèmes ne sont pas toujours interopérables (comme Apple et PC), malgré l’existence d’interfaces nombreuses permettant une “catho-compatibilité” globale du logiciel républicain avec le logiciel catho, sous système laïque uniquement.

Il est vrai aussi qu’il reste des bugs non traités: mariage homo, fin de vie, cellules souches, etc.

Les éditeurs de ces logiciels ne sont donc pas en mesure de garantir aux utilisateur de leurs produits une parfaite cohérence, en raison de la complexité de la chose, ce qui nécessite la collaboration active de ces utilisateurs au projet, dont ils conservent normalement la maîtrise d’ouvrage.

Cela dit, sur ce plan, le ministère de l’intérieur a décidé que les utilisateurs du logiciel républicain n’étaient pas à même de faire face aux difficultés qui apparaissaient à l’occasion de la découverte d’un virus nommé “Dieudonné”. En conséquence, depuis sa position de maître d’œuvre, il a choisi de préempter la maîtrise d’ouvrage en activant une fonction de nettoyage (désignée Bernard Stirn dans la nomenclature Justice, catégorie Conseil d’Etat, protocole référé liberté), de son propre chef.

Le bug a été traité. Mais la compatibilité du traitement du bug avec certaines sous couches du logiciel républicain est en cours d’analyse: l’intégrité de la fonction “liberté d’expression” pourrait être compromise, mais la question fait discussion. Le rapport n’est pas encore disponible.

Point important: la totalité du processus a été documentée. Les différentes parties impliquées ont donc une bonne visibilité de l’ensemble de l’opération, ce qui rend possible le maintien d’une logique collaborative, en dépit du choix du ministère de l’intérieur de recourir unilatéralement à une mesure de nature coercitive pour les besoins propres de sa politique.

Il n’en reste pas moins qu’il existe un consensus large sur le traitement qu’il faut réserver au bug en question, l’ensemble des parties concernées estimant qu’on ne peut lui permettre d’ouvrir sans contrôle une fonctionnalité “apologie des crimes contre l’humanité -je me fous de ta gueule - et vlan! prend toi une quenelle dans le cul” sans compromettre l’intégrité de la totalité du système.

Et pour l’instant, on en est là.

82. Le lundi 13 janvier 2014 à 20:24 par Franck Ferdinand

@tschok
Je ne répondrai pas sur l’ensemble de votre post qui implique trop de choses pour qu’on les traite sérieusement dans le modeste cadre des commentaires d’un blog. Mais il me semble que le système d’exploitation a encore évolué, on en est à la version 3.0, et le logiciel catholique n’en est qu’à 2.0, il ne s’adapte pas très bien. Le logiciel musulman 1.0 et le logiciel juif 1.0 sont pour leur part totalement inadaptés. Car le nouvel système d’exploitation a certaines caractéristiques qui font planter les utilisateurs de ces programmes désuets :

-l’abolition des nations;
-les pogroms négrophobes en Lybie provoqués par l’armée française;
-la mise en esclavage des peuples pour dette;
-la soumission du conseil d’Etat français aux consignes d’un Etat étranger;
-l’égorgement des chrétiens d’Orient (1.0) et de musulmans (1.0 eux aussi) et des Kurdes par les takfiristes (les musulmans 3.0 ?) soutenus par les puissances occidentales, alliées au Qatar et à l’Arabie Saoudite (2.0 ? 3.0 ? Je ne sais plus…) et qui, en quelques occasions, en ont même profité pour dévorer leurs victimes;
-le soutien de notre gouvernement à des femmes qui, elles, ne troublent nullement l’ordre public, puisqu’elles ont l’idée amusante de venir pisser dans les églises et de déposer du foie de veau sur les autels.

Des bugs, de simples bugs, tout cela.

83. Le mardi 14 janvier 2014 à 15:55 par Schumacher

1) Typographie: Le passage “le CPP est la bible,la seule référence.” mériterait un espace après la virgule, dans votre belle démonstration.

2) Hors sujet: Schumacher a fourni aux assureurs la preuve qu’il skiait hors piste (avec sa caméra). Connaissez-vous d’autres cas où quelqu’un a fourni la preuve de sa culpabilité, avec son téléphone ou sa caméra ? Qu’en pensez-vous ? Je propose timidement de limiter ces auto-accusations au pénal, voire une une restriction plus forte encore, afin que l’énumération des crimes concernés puisse être apprise par chaque porteur de téléphone. La maxime “nul n’est censé ignorer la loi” est en effet absurde vu l’énorme quantité de lois …

84. Le mardi 14 janvier 2014 à 17:40 par pierre

Bonjour,
“Typographie: Le” mériterait un espace avant les “:” et se contenterait d’un “L” minuscule ;-)

L’adage “nul n’est sensé ignorer la loi” signifie simplement que l’on ne peut valablement se prévaloir de sa méconnaissance des textes pour s’exonérer de leur application. Rien à voir, en fait, avec la connaissance de la loi.
Uniquement pour réfléchir, à bâton rompu. La preuve, elle est apportée par tout moyens au civil. A chacun d’adapter son comportement au risque qu’il est prêt à encourir. Quel serait le message envoyé par une mesure visant à rendre plus difficile la preuve volontairement ? “C’est illégale, mais bon, on tolère, voir, on cautionne” ?

85. Le mercredi 15 janvier 2014 à 10:42 par sans

@ TI en 45:
On va essayer la nécessité (et la proportionnalité), art. L 3211-3 al1 csp contre une hospitalisation sans consentement. Merci pour l’idée

86. Le mercredi 15 janvier 2014 à 14:43 par PIA

Un contre-interrogatoire par Eric Dupond-Moretti peut être un grand moment, sauf pour celui qui en est l’objet.…je ne suis pas d’accord… c’est un grand moment aussi pour celui qui est en l’objet. Je parle en connaissance de cause.

Ma remarque est surtout un prétexte à recueillir ou susciter votre réaction cher Maître à cet article d’un de vos confrères, curieux que j’étais de savoir ce qui se passe à Paris (sans doute un honteux réflexe de provincial frustré) et de savoir s’il s’agit bien de la même personne citée dans votre article.

87. Le mercredi 15 janvier 2014 à 22:58 par Clément Azaïs

C’est avec plaisir que je vois que cette affaire Dieudonné peut être vu avec des yeux de juriste, et je suis par ailleurs bien de votre avis maitre.

88. Le jeudi 16 janvier 2014 à 00:15 par tschok

@ Franck ferdinand, com 82,

Vous avez certainement raison, mais je voulais juste, en filant une métaphore informatique par esprit de boutade, réagir au com 71 de Yacine qui prenait en exemple, pour les besoins de sa démonstration, les mauvaises intentions prêtées à la religion catholique romaine.

Or, il se trouve qu’elle a été expurgée de ses appels au meurtre les plus flagrants et qu’en définitive elle traite avec sérieux les questions qu’aborde Dieudonné avec grande désinvolture.

Alors, je me demandais si, au final, la comparaison que faisait Yacine était aussi pertinente que cela, tant il me paraît certain qu’on ne lit plus aujourd’hui la bible comme on la lisait au XVIe siècle, ou même dans les années 60 du siècle dernier.

En clair, oui, la bible dit des horreurs, mais on n’y fait plus attention, parce qu’on y croit pas, ou plus, ou plus de la même façon. Donc, dans le fond on peut la laisser telle qu’elle est.

Il y a un bémol à ce que je dis: les curés ont modifié le pater noster récemment, par exemple. Il y avait un passage qui frôlait la licence: le moment où le croyant, dans la prière, demande à Dieu de ne pas le soumettre à la tentation. Or, dans l’imaginaire chrétien, soumettre quelqu’un à la tentation, dans l’espoir qu’il y cède, c’est plutôt le job du diable. Pas le job de Dieu, of course.

C’est de la provocation à délit quoi. Donc il y avait un erreur de casting.

Alors, ils ont rectifié ça (trois fois rien dans le logiciel catho, les développeurs qui s’en sont chargés ont dû taper au grand max trois-quatre lignes de code, mais ça a pris du temps parce que les protocoles de vérif sont hyper complexes).

Par contre, j’ai pas vu que, sur les sujets que vous mentionnez (abolition des nations, pogroms négrophobes, etc) y ait eu une mise à jour aussi bien du logiciel catho que républicain. Par exemple, les Fremens se font normalement interpeler, même si c’est avec le soutien du gouvernement.

Moi aussi, enfant, j’ai pissé dans les bénitiers et je peux vous assurer que le garde champêtre du (petit) coin n’était même pas au courant. En tout cas, l’idée que les communiants se signent avec deux gouttes de mon urine diluée dans un verre d’eau du robinet a éveillé mes sens artistiques et développé une faculté à ne pas respecter l’idole qui, je l’espère, présente un intérêt pour mes contemporains, et pas une nuisance. Pour ce qui est du foie sur l’autel, je suis d’accord avec vous: il y a une très nette faute de goût. Il serait bien mieux dans une bonne petite poêle bien chaude à se faire rosir en attendant de descendre dans mon estomac.

Je crois pouvoir réunir sur ce point un large consensus, pourvu que le foie soit bon.

89. Le jeudi 16 janvier 2014 à 02:59 par Franck Ferdinand

@tscok

Je suis chrétien catholique et je ne verrais aucun inconvénient (sauf médiatique) à prier pour la conversion des juifs : je prie bien pour la mienne, et celle de mes parents, ce n’est pas une façon détournée de dire que je me hais ou que je hais mes parents.

Que vous ayez pissé dans un bénitier, je m’en contrefous, j’ai fait des conneries de ce genre aussi, on a tous été gosses.

Sur les Femen et Dieudonné, le problème est le deux poids/deux mesures : une transgression subventionnée par le pouvoir (et soutenue par le même pouvoir quand Charlie Hebdo représente Mahomet sodomisé par un porc) vs une transgression (Shohananas) interdite par le pouvoir au point de suspendre l’Etat de droit. L’abolition de la jurisprudence Benjamin, ils appellent ça une victoire de la République. Chez nous, on y voit une forme moderne de fascisme. De la part de Dieudonné, ce n’est pas de la désinvolture, je ne crois pas, c’est de la rage et du dégoût, et vous aurez compris que ce n’est pas Dieudonné que j’accuse de semer cette haine.

En tout cas je suis de plus en plus convaincu que nous sommes gouvernés par des menteurs, des assassins et des traîtres, et, devant la liste des abominations (que je peux allonger à loisir) que je présente pour justifier mon pessimisme, je suis surpris que vous me répondiez benoîtement “vous avez certainement raison” avant de parler d’autre chose. Désolé mais je ne suis pas d’humeur à causer posément de l’histoire du catholicisme.

Car je crois que les choses sont en train de mal tourner pour le pays, et ça pourrait tourner aisément en guerre civile car la haine à l’égard du pouvoir, le sentiment de la trahison de la république par les républicains eux-mêmes, les rivalités entre communautés religieuses et ethniques montent dangereusement.

C’est de tout cela que Dieudonné parle dans ces spectacles. Et en faisant fraterniser Blancs et Noirs, chrétiens et musulmans, athées et croyants. Et il y a aussi des juifs, même si pas beaucoup je vous le concède. Le pouvoir a décidé de le faire taire. Ils semblent même prêts à renoncer à l’Etat de droit pour cela. On a entendu Christophe Barbier, éditorialiste influent, récemment réclamer que le pouvoir établisse le même contrôle sur Internet que celui qu’il y a en Chine. C’est un clair appel à l’établissement d’une dictature. Eh ! bien, c’est pour cette raison même que nous n’avons pas l’intention de nous taire.

Les gens comme moi, et les musulmans de façon encore plus marquée, ont tendance à voir la main du lobby sioniste dans toute une série de manipulations et de méfaits. Je n’ai pas la place ici mais je peux vous assurer que cela est parfaitement défendable et rationnel.

Soyez assuré, monsieur, que les gens instruits parmi les anti-sionistes, dont je considère faire partie, et Alain Soral systématiquement, expliquent inlassablement aux plus rustres d’entre nous que les juifs ne sont pas responsables des agissements de leur oligarchie ou de l’oligarchie en général. Mais systématiquement l’accusation d’antisémitisme nous est opposée d’une façon infamante et malhonnête. Et plusieurs quenellistes ont perdu leur travail pour avoir fait la quenelle. Sous la pression de qui ? de quoi ?

Bref, je suis pessimiste quant à l’avenir à moyen terme. Pourtant la France est encore une république et les Français ont les moyens d’influer sur leur avenir et sur le pouvoir qui les gouverne. Mais étant, comme vous, tschok, généralement aussi frivoles qu’ils sont intelligents, je ne crois guère à leur prise de conscience des enjeux.

90. Le jeudi 16 janvier 2014 à 03:30 par Franck Ferdinand

@tschok

Ayant dit ce que j’avais à dire de grave, je me suis radouci et j’en profite pour faire la pub de mon petit blog que j’aime, où j’aborde un point précis que vous évoquez vous-même. J’y ai fait figurer la traduction que je propose du Sermon sur la montagne, où Jésus offre le Notre Père à ceux qui l’écoutent, prière traduite de façon totalement absurde en français. Le résultat est ici :

http://franckferdinand.wordpress.co…

Et l’explication de ma traduction là :

http://franckferdinand.wordpress.co…

Bien à vous,

91. Le jeudi 16 janvier 2014 à 11:44 par Holmes

@ tschok (89) (“…pourvu que le foie soit bon.”)

Maldoror !

  • Beau comme la loi de l’arrêt du développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n’est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s’assimile.

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