Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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lundi 10 novembre 2008

lundi 10 novembre 2008

André Ride presque prix Busiris

L'Académie Busiris est réunie au grand complet dans le salon doré du chateau d'Eolas. Fantômette lit une lettre adressée à l'académie : “Le prof de yoga d'André Ride nous prie de bien vouloir excuser son élève qui doit réviser ses tantras et nous demande de bien vouloir justifier des bases légales de notre convocation.”

Ah, combien il l'aurait mérité, ce prix ! Mais les règles sont faites pour être respectées, et à un cheveu, il y échappe.

La contradiction, la mauvaise foi, l'opportunité politique prenant le pas sur le respect du droit, tout y était SAUF l'affirmation juridiquement aberrante, qui est le cœur du prix.

C'est donc en retenant ses sanglots que l'Académie Busiris a rejeté à la majorité absolue de lui accorder la Distinction que toute la classe politique rêve secrètement d'obtenir, vu les efforts qu'elle déploie en ce sens.

Qui est André Ride ?

Un magistrat, et quel magistrat : l'inspecteur général des services judiciaires en personne, qui dirige l'Inspection Générale des Services Judiciaires, l'IGSJ, la police des juges. Et ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), cela a son importance.

Ce sont ses services qui ont convoqué en urgence et au milieu de la nuit la substitut de Sarreguemines qui a mis à exécution le jugement exécutoire du tribunal pour enfants de la même ville condamnant un mineur à de la prison ferme, mineur qui a mis fin à ses jours la nuit de son arrivée à la maison d'arrêt.

Convocation qui avait mis la magistrature dans une profonde colère, puisqu'il suffisait à l'IGSJ d'ouvrir son code de procédure pénale à l'article 707 pour savoir pourquoi ce jugement avait été mis à exécution :

Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais.

On se demandait donc sur quel fondement, sur quelle suspicion de faute cette jeune femme procureur avait été rappelée de congé pour répondre aux questions de cinq magistrats inspecteurs de l'IGSJ. Qu'on convoque un procureur suspecté d'avoir dit qu'il ne souhaitait pas appliquer la loi, passe encore (quoi que…). Mais qu'on le convoque aussi quand il applique la loi, ça commence à être lourd.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature, dont le rôle constitutionnel est d'assister le président de la République dans son rôle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire (Oui, Nicolas Sarkozy est dans nos institutions le garant de l'indépendance de la justice. Pourquoi vous faites cette tête là ?), a donc convoqué à son tour André Ride le 6 novembre dernier pour s'informer des raisons de cette convocation. Pas au milieu de la nuit, pas sur son portable, par une lettre, et aux heures de bureau.

Or André Ride a indiqué qu'il ne déférerait pas à cette convocation avant de savoir sur quelle base légale était émise cette convocation.

Admirez la souplesse dorsale : il fait convoquer un substitut au milieu de la nuit, quitte à la faire revenir de congé, alors qu'aucune faute ne peut être seulement soupçonnée puisque la loi a été appliquée à la lettre (aucune sanction n'a d'ailleurs été prise à l'encontre de ce substitut), mais quand vient son tour de s'expliquer dans des conditions bien plus respectueuses de sa qualité de magistrat, le voilà qui redevient juriste et s'inquiète de déférer à une convocation qui pourrait être dépourvue de base légale. De la part d'un ancien membre du CSM, on admire l'élégance.

Voilà la contradiction, l'attitude teintée de mauvaise foi, et l'opportunité politique, la convocation de Sarreguemines étant uniquement destinée à donner l'impression à la presse et à la famille du détenu décédé que quelque chose était fait et que des responsables seraient trouvés.

Las, juridiquement, il a raison, ce qui exclut l'attribution du prix.

Le CSM ne peut pas s'auto-saisir de questions mettant en cause l'indépendance de la magistrature, aucun texte ne lui en donne le pouvoir. Tout au plus peut-il adresser spontanément des avis au président de la République sur telle ou telle situation, pouvoir qu'il s'est arrogé sans qu'aucun texte ne le lui donne expressément, mais il n'a dans ces situations aucun pouvoir d'enquête et notamment d'audition auquel il serait obligatoire de déférer. C'est une lacune, aucun doute là-dessus, d'autant que dans l'hypothèse, qui n'est pas d'école, où c'est l'exécutif qui porte atteinte à l'indépendance de la justice, il ne faut pas compter sur le pouvoir législatif pour remplir sa mission de contrôle. L'équilibre des pouvoirs (terme plus propre que séparation des pouvoirs) est fort mal établi sous la Ve république, c'est un fait.

Enfin, il semblerait que ce soit du directeur de cabinet de la Garde des Sceaux (Que nulle convocation ne dérange jamais son divin sommeil) qu'a émané l'instruction de ne pas se rendre à la convocation sans avoir eu de précision sur la base légale. Et l'Académie Busiris ne souhaite pas distinguer quelqu'un qui ne serait qu'un lampiste.

Pour l'ensemble de ces raisons, et malgré l'enthousiasme qui l'a saisie au début de cette affaire, l'Académie, à la majorité absolue, dit n'y avoir lieu à prix Busiris, mais délivre un accessit avec encouragements : la récompense n'était pas loin.

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