Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 30 janvier 2009

vendredi 30 janvier 2009

LibéréS par une faute de frappe, le retour...

Par Gascogne


Si le législateur, tel l'éminent député Lefebvre, a pu en son temps s'offusquer de la libération d'un individu peu recommandable du fait d'une faute de frappe dans un arrêt de Cour d'Appel, je ne doute pas que dans les jours à venir, la faute de frappe du législateur qui est en train de conduire dans beaucoup de juridictions de France et de Navarre à la libération de tout un tas de personnes tout aussi peu recommandables, va conduire à des réactions de ces mêmes députés en recherche de responsabilité.

Je m'explique (si ça, c'est pas du teasing...).

La loi du 5 mars 2007 visant à "rééquilibrer la procédure pénale", suite immédiate des conclusions rendues par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau, a instauré l'enregistrement obligatoire des auditions en garde à vue des personnes suspectées de crime. Ces dispositions ont été insérées dans un article 64-1 du CPP créé pour l'occasion :

Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

Il s'agissait de ne filmer que les auditions criminelles car les crimes ne sont pas seulement les infractions les plus graves, ce sont aussi les moins nombreuses, ce qui permet de limiter en partie la lourdeur du dispositif.

Seulement, voilà : lorsque le législateur fait bien son travail, il "toilette" le reste du code, et corrige en tant que de besoin les autres articles, lorsqu'il existe un risque de contradiction entre les anciens articles et les nouveaux, ou encore lorsque les renvois nécessaires d'un article vers un autre doivent être indiqués.

Et lorsqu'il ne le fait pas, par oubli, ou par précipitation, les erreurs qui en découlent, purement matérielles pourtant, peuvent avoir des effets procéduraux catastrophiques.

En l'occurrence, la loi du 5 mars 2007 a omis de corriger un article pourtant fort peu éloigné de l'article 64-1, puisqu'il s'agit de l'article 67 du CPP, qui, très court, impose les règles suivantes :

Les dispositions des articles 54 à 66 sont applicables, au cas de délit flagrant, dans tous les cas où la loi prévoit une peine d'emprisonnement.

J'avais déjà eu l'occasion de contredire respectueusement le Maître des lieux sur la base de cet article (c'est ) concernant la possibilité de placement en garde à vue pour des infractions non punies d'emprisonnement, puisque l'article 67 renvoie vers les dispositions concernant la garde à vue.

Vous commencez à voir où est le problème ? Et bien, si l'article 64-1 parle de procédure criminelle, l'article 67, lui, indique que les dispositions contenues dans les articles 54 à 66 s'appliquent également aux délits flagrants. Ça n'était bien évidemment pas ce que le législateur de 2007 souhaitait, mais il aurait donc dû réécrire l'article 67, ce qu'il n'a pas fait.

Résultat des courses, la trainée de poudre est partie de la Cour d'Appel de Versailles pour se répandre à très grande vitesse, particulièrement dans deux matières : le droit des étrangers, et les comparutions immédiates, où les présentations découlent quasi-systématiquement de procédures flagrantes. Les avocats de la défense ont soulevé sur la base de l'article 67 que l'audition en garde à vue aurait dû être filmée, ce qui ne fut pas le cas puisque la loi de 2007 ne le prévoyait pas, et plusieurs Cours d'Appel ont suivi, ordonnant dés lors la libération immédiate des prévenus suite à l'annulation de la procédure.

D'autres, comme Lyon et Nîmes, ont statué en sens contraire, faisant prévaloir l'esprit de la loi sur sa lettre. On attend donc les décisions de la Cour de Cassation pour harmoniser le droit, décisions qui devraient intervenir assez rapidement, vu l'urgence.

Il y avait déjà eu il y a quelques temps des difficultés liées à la rédaction des textes sur les réductions de peine, qui avaient donné des sueurs froides au Ministère. Aujourd'hui, ce problème. Et demain ?

Pierre Truche avait pu dire que l'on ne saurait juger que la main tremblante. Il me semble qu'il faudrait légiférer de la même manière. Les empilements de textes, pris dans l'urgence et sans étude d'impact, ne peuvent que mener à d'autres catastrophes.

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