Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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lundi 2 février 2009

lundi 2 février 2009

C'est pas moi qui le dis

Ce billet aurait pu s'intituler également la sagesse des anciens.

Voici deux textes, qui ne datent pas d'hier, sur lesquels je vous invite à méditer. Et desquels le législateur contemporain, qui se croit sûrement meilleur que celui d'hier, devrait s'inspirer. Car, non seulement ils sont fort bien écrits, mais de plus, le fait que 288 ans et 205 ans plus tard respectivement, ils soient autant d'actualité est accablant.

Le premier est de Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, un magistrat qui tenait un blog anonyme au XVIIIe siècle nommé les Lettres Persanes. C'est la lettre CXXIX (129 pour les arabophones) que je vous propose de lire (du moins un large extrait), lettre qui contient une des citations les plus célèbres de Montesquieu.


Usbek à Rhédi, à Venise.

La plupart des législateurs ont été des hommes bornés, que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n'ont presque consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies.

Il semble qu'ils aient méconnu la grandeur et la dignité même de leur ouvrage: ils se sont amusés à faire des institutions puériles, avec lesquelles ils se sont, à la vérité, conformés aux petits esprits, mais décrédités auprès des gens de bon sens.

Ils se sont jetés dans des détails inutiles; ils ont donné dans les cas particuliers, ce qui marque un génie étroit qui ne voit les choses que par parties, et n'embrasse rien d'une vue générale.

Quelques-uns ont affecté de se servir d'une autre langue que la vulgaire: chose absurde pour un faiseur de lois. Comment peut-on les observer, si elles ne sont pas connues?

Ils ont souvent aboli sans nécessité celles qu'ils ont trouvées établies; c'est-à-dire qu'ils ont jeté les peuples dans les désordres inséparables des changements. Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l'esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare, et, lorsqu'il arrive, il n'y faut toucher que d'une main tremblante: on y doit observer tant de solennités et apporter tant de précautions que le peuple en conclue naturellement que les lois sont bien saintes, puisqu'il faut tant de formalités pour les abroger.

Souvent ils les ont faites trop subtiles, et ont suivi des idées logiciennes plutôt que l'équité naturelle. Dans la suite, elles ont été trouvées trop dures, et, par un esprit d'équité, on a cru devoir s'en écarter; mais ce remède était un nouveau mal. Quelles que soient les lois, il faut toujours les suivre et les regarder comme la conscience publique, à laquelle celle des particuliers doit se conformer toujours.

(…)

De Paris, le de la lune de Gemmadi 1719.


Le second est un extrait du discours préliminaire du premier projet de Code civil, signé des quatre rédacteurs du code : Tronchet, Portalis, Maleville et Bigot de Préameneu, mais dont on sait que le rédacteur fut Portalis. Il a été prononcé devant Napoléon, qui n'était encore que Bonaparte, c'est à dire Premier Consul, le 1er pluviôse an IX (21 janvier 1801). D'août 1800 à janvier 1801, une commission composée de ces quatre juristes issus des deux traditions juridiques de la France, le droit romain au sud et le droit coutumier au nord, a rédigé un projet de Code regroupant des règles uniques valables pour tout le royaume pour tout ce qui concernait les citoyens : le mariage, la filiation, la nationalité, les successions, les contrats, la propriété… La Commission présente donc ce qu'on appellerait aujourd'hui son rapport, avant que le projet ne soit envoyé aux diverses cours de France pour avis (oui, à l'époque, on faisait rédiger les lois par des magistrats et des avocats, et on demandait leur avis aux juges sur la législation ; étonnez vous que ce code ait tenu 200 ans) avant d'entrer dans la phase de rédaction définitive par le Conseil d'État, en présence des quatre rédacteurs et sous la houlette du premier Consul, qui s'intéressera beaucoup à ce Code, qui s'appelle encore officiellement le Code Napoléon.


Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce.

Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites : qu’il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que sil est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ; qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même ; qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative ; qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ; que l’histoire nous offre-à peine la promulgation de deux ou trois bonnes lois dans l’espace de plusieurs siècles.


L'année 2008 aura vu la promulgation de 1545 textes normatifs, loi ou décret.

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