Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 5 février 2009

jeudi 5 février 2009

Cinquième Prix Busiris pour Rachida Dati

Désolé, je m'étais promis d'arrêter, mais elle est trop forte. Rachida Dati, le regard gourmand, se demande ce qu'elle va pouvoir inventer pour le sixième prix Busiris ; c'est que la barre commence à être relevée - Photo ministère de la justice

Madame Rachida Dati se voit attribuer un cinquième prix Busiris, en référé du fait de l'absence de contestation sérieuse.

Voici les propos qui lui ont valu ce prix, tenus devant les auditeurs de justice (élèves-magistrats) de l'École Nationale de la Magistrature (ENM). Le discours est truffé de perles, mais il y a un Busiris extraordinaire.

C'est un Busiris en deux temps.

Premier temps :

Les Français attendaient davantage de sécurité et de fermeté vis-à-vis des récidivistes et des délinquants dangereux : nous avons mis en place un régime juridique clair, gradué et adapté contre la récidive. Plus de 20 000 décisions ont été prises par les tribunaux sur le fondement de cette loi. Une fois sur deux, les juges ont prononcé une peine plancher.

Bon, je croyais que c'était un progrès des droits de la défense, au temps pour moi, c'était une réponse à l'attente des Français pour lutter contre la récidive. Dont acte.

Bla bla bla, puis vient le deuxième temps.

Nous avons aussi développé les aménagements de peines (+ 32 % depuis mai 2007). C'est le meilleur moyen de faciliter la réinsertion et de lutter contre la récidive.

Tombez, mes bras, bée, ma bouche, dessillez, mes yeux.

Le Garde des Sceaux affirme, ce qui est tout à fait exact et on le sait depuis longtemps, que les aménagements de peine sont le meilleur moyen de faciliter la réinsertion et de lutter contre la récidive, après avoir affirmé quelques lignes plus haut que pour lutter contre la récidive, on avait institué les peines plancher, et qu'on en avait même prononcé 10.000.

Superbe contradiction.

J'entends des voix s'élever : l'affirmation est-elle vraiment juridiquement aberrante ? Après tout, on peut aménager une peine plancher : une peine plancher reste une peine. Et le ministre dit elle-même que la loi est claire, graduée et adaptée.

À cela je répliquerai deux arguments.

Premier argument : un aménagement de peine suppose la mise en place de mesures alternatives à l'emprisonnement, s'y substituant. Plus la peine est longue, et c'est l'objet des peines plancher d'imposer une durée minimale, plus il est difficile de l'aménager rapidement (voir plus bas). Il y a quand même une absurdité à dire que la solution est des peines de prison plus lourdes, avant de rappeler la nécessité d'éviter tant que faire se peut qu'elles soient exécutées… en prison.

Deuxième argument : un autre Garde des Sceaux facétieux et primé, un confrère dont le plus grand fait d'arme de sa carrière restera sans doute d'avoir soutenu la question préalable (visant à rejeter un texte sans même le discuter) sur l'abolition de la peine de mort (pdf, page 9), a fait voter le 12 décembre 2005 une loi qui, déjà, visait à lutter contre la récidive en aménageant les peines satisfaire son électorat en durcissant la répression.

Cette loi limite les possibilités de recourir au sursis avec mise à l'épreuve (deux maximum, un seul en cas d'infraction de violences, art. 132-41 du code pénal), permet au juge de décerner un mandat de dépôt immédiat, donc de faire emprisonner le condamné immédiatement même s'il fait appel, quelle que soit la durée de prison prononcée, et oblige le juge à le faire en cas de récidive de violences, sauf à motiver spécialement les motifs exceptionnels qui lui font écarter le mandat de dépôt (art. 465-1 du Code pénal). Qu'importe, me direz-vous, on peut aménager une peine de prison mise à exécution. Précisément, cela n'avait pas échappé à notre excité des cachots, qui du coup a limité les réductions de peine (art. 721 du code de procédure pénale) sachant que la loi ne permet l'aménagement de peine des récidivistes qu'une fois les deux tiers de la peine effectuée (au lieu de la moitié pour un non récidiviste), et mieux encore, écartant la possibilité pour les parents d'enfants de moins de dix ans vivant avec eux d'obtenir immédiatement une libération conditionnelle (art. 729-3 du code de procédure pénale).

Magie des combinaisons des lois votées sans vision globale : soit une personne, père de deux enfants de 9 mois et 2 ans, qui n'a pas de travail (son épouse, oui, il s'occupe donc des enfants), qui a été condamné à du sursis simple pour des violences il y a 4 ans, et à un sursis avec mise à l'épreuve il y a 3 ans, donc avant la naissance de ses enfants, qui est mêlé à une bagarre de rue au cours de laquelle il a utilisé une chaise contre un adversaire, touché à la tête (10 jours d'incapacité totale de travail). Le juge qui le voit passer devant lui est obligé par la loi de l'envoyer deux ans en prison au minimum, et avec un mandat de dépôt à la barre par dessus le marché, sauf motivation spéciale, dont le parquet pourra faire appel. Et il devra effectuer au moins un an de détention effective avant de pouvoir espérer bénéficier d'une libération conditionnelle. Son épouse devra se débrouiller pendant ce laps de temps seule avec les deux enfants et son travail. J'ajoute que l'administration pénitentiaire refuse de délivrer des permis de visite aux enfants en bas âge, pour ne pas les traumatiser. Donc ils ne verront pas leur père pendant un an. Et oui, ce cas est réel.

Que certains d'entre vous puissent applaudir en disant : “ quand on est père avec un casier, on se tient à carreau ”, admettons un instant. Mais qu'on ne vienne pas me dire que ce genre de décision vise à lutter contre la récidive : comme le dit l'actuel Garde des Sceaux : les aménagements de peine, c'est ça, le meilleur moyen de lutter contre la récidive. Pas la séparation d'un père d'avec ses enfants et réciproquement, pas la désocialisation par un an d'emprisonnement, pas l'enfer imposé à son épouse qui n'a rien fait de mal, elle. Or la récidive, dans notre droit, entrave l'aménagement de peine. Cherchez l'erreur, et vous aurez trouvé le prix Busiris.

ACCESSITS

Le Garde des Sceaux a orné son Busiris de perles qui, si elles ne sont pas éligibles au titre suprême, méritent malgré tout d'être relevées et copieusement raillées.

Un scoop

Il faut regarder la vérité en face : la justice n'a pas toujours été comprise de nos concitoyens.

La Chancellerie n'y est naturellement pour rien, ce n'est pas comme si c'était son rôle.
Oh.
J'ai rien dit.

De l'écoute des Français.

Les Français attendaient que notre justice soit mieux organisée, plus lisible, plus simple : nous avons réformé la carte judiciaire.

Depuis qu'il y a moins de tribunaux d'instance, les Français comprennent bien mieux la répartition des contentieux entre les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité, n'en doutons pas.

Avec des phrases dadaïstes :

« A ce jour, 114 condamnés sont concernés et nous avons ouvert en octobre dernier le premier centre fermé à Fresnes. »

Les 114 condamnés se sont donc aussitôt évadés.

Avec du vol de mérite :

« Nous avons créé (…) le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions.»

La proposition de loi venait des députés Jean-Luc Warsmann et Étienne Blanc. Merci pour eux.

Avec de la science-fiction :

« L'honneur de notre République, c'est aussi d'avoir des prisons dignes d'un Etat de droit moderne.»

À quoi bon les mettre aux normes, il suffit d'affirmer qu'elles le sont.

Avec des mises au point :

« Ce n'est pas parce que l'on est privé de sa liberté que l'on est privé de sa dignité et de ses droits fondamentaux. »

C'est juste parce qu'on n'a pas les moyens de les laisser aux condamnés.

Avec de l'économie pour les nuls, par des nuls :

Toutes ces réformes ont été possibles grâce à l'effort budgétaire accompli depuis 2007. Cette année encore, le budget du ministère de la justice augmente de 2,6 %.

Alors que l'inflation a été de 2,81% sur la même période, ce qui équivaut donc à une diminution de 0,2% en euros constants (soit environ 13 millions d'euros par rapport à l'année précédente). Et on arrive à le faire passer pour une augmentation et même un effort budgétaire.

Avec des vraies réformes, à commencer par la suppression du principe d'indépendance des magistrats (je crois que Gascogne nous concocte un billet là dessus) qui doit désormais se mériter préalablement :

L'indépendance n'est pas un dogme. Il ne suffit pas de la proclamer. Elle se mérite par la qualité de son travail. Elle se mérite par la légitimité de ses décisions. C'est parce que l'on est au-delà de tout reproche et de toute suspicion que l'on est indépendant.

Bref, soyez irréprochables et nous ne vous ferons aucun reproche.

Avec de l'informatique pour les nuls :

Soyez modernes : les nouvelles technologies sont désormais dans nos tribunaux, utilisez les !

Vous voyez, l'espèce de télé sur votre bureau ? C'est un ordinateur. Il est temps de l'allumer.

Avec de la campagne électorale aux frais de la Chancellerie :

La présidence [Française] de l'Union européenne (…) a montré la nécessité de travailler tous ensemble à la construction d'une Europe plus juste, plus sûre et plus protectrice. Je vais m'y engager avec conviction, passion et détermination.

Pas le choix, il faut dire.

Madame le Garde des Sceaux, il ne vous reste que quatre mois pour compléter votre collection. Je ne doute pas un instant que vous y parveniez.

Va-t-on enfin parler des vraies causes d'Outreau ?

Par Dadouche


Depuis quelques jours, Fabrice Burgaud comparaît devant le CSM.

Le billet d'Eolas sur ce sujet a déjà soulevé des points intéressants et Didier Specq, dans plusieurs commentaires, a notamment rappelé le poids du contexte de l'époque dans le traitement des affaires d'agressions sexuelles sur les mineurs.

J'ai déjà pour ma part exposé au fil de différents billets et commentaires ce que je percevais, du haut de ma modeste expérience de 5 ans d'exercice des fonctions de juge d'instruction et d'assesseur aux assises, des raisons profondes d'un "plantage" comme celui du dossier-dont-on-ose-encore-à-peine-prononcer-le nom.

Au moment où les audiences devant le CSM commencent à faire apparaître une réalité plus nuancée sur la façon dont a été menée l'instruction que celle qui a été servie à longueur d'articles, de commission parlementaire et de débats compassionnels, je voudrais reproduire ici une partie d'une réponse que j'avais faite aux commentaires sur l'un de mes billets.
Car il me semble que les débats actuels devant le CSM, focalisés sur l'éventuelle responsabilité disciplinaire de Fabrice Burgaud, est, malgré les nuances apportées, une nouvelle occasion manquée, après la commission parlementaire, de se pencher sérieusement sur les écueils que rencontre la justice pénale dans le traitement de ce type d'affaires.
La réflexion qui suit n'est donc pas une analyse du dossier d'Outreau (dont je ne connais que ce qui en a été dit dans la presse et lors des multiples auditions devant la commission parlementaire, y compris celles qui n'ont pas été diffusées), mais une tentative d'explication des difficultés rencontrées dans ce type de dossier, qui mettent régulièrement l'institution judiciaire en difficulté.


Sur "la pédophilie" : Je voudrais revenir sur ce point dans l'analyse des causes d'Outreau. Je soutiens depuis le début que les deux problèmes véritablement posés dans cette affaire sont la détention provisoire (et notamment sa durée) et le traitement judiciaire des affaires de moeurs et notamment celles impliquant des mineurs.
Pendant des années, ces affaires ont été insuffisamment prises en compte par l'institution judiciaire, qui leur appliquait rigidement sa grille de lecture pénale en matière de preuve (importance de l'aveu, recherche de preuves matérielles non équivoques).
Or, les affaire de ce type présentent des particularités que la justice pénale a tatonné à prendre en compte.

- l'absence de preuves matérielles évidentes : dans la majorité des cas, les actes commis laissent peu de traces. Des attouchements, une fellation, tout cela est sans conséquence physique pour les victimes. On résume souvent ces affaires à "c'est parole contre parole". Ce sont en réalité, sur la base des paroles des protagonistes, des faisceaux de faits qui sont recherchés (confidences faites à un proche à l'époque des faits, concomitance avec une dégradation de l'état psychologique de la victime, possibilité matérielle). Et il est plus difficile de se forger une conviction.

- le temps écoulé : dans ce type de dossier, les faits sont souvent révélés longtemps après leur commission. Parfois quelques mois, parfois des années. Et le législateur a renforcé cette tendance en augmentant petit à petit les délais de prescription. La recherche d'éléments matériels devient encore plus difficile, les témoignages sont fragilisés.

- l'exploitation de la parole des uns et des autres : le témoignage humain est fragile, ce n'est pas nouveau. La perception d'une même scène peut être différente pour chacun et des divergences apparaissent souvent. Il est particulièrement difficile d'avoir une grille de lecture raisonnée des témoignages. On a tendance à penser que si un élément est faux, tout le reste l'est nécessairement. Et pourtant, particulièrement s'agissant d'enfants, et encore plus quand les faits sont anciens et ont été répétés, la non réalité d'un élément n'invalide pas pour autant le reste. J'ai le souvenir notamment d'un dossier, où les faits étaient reconnus, et où les récits de la victime et de ses deux agresseurs divergeaient notablement sur les lieux (elle situait la plupart des agressions dans une chambre, ses deux frères dans une autre pièce) et les dates (à l'âge qu'elle pensait avoir au moment de certaines agressions ses frères ne résidaient plus au domicile). Chacun d'eux était pourtant sincère dans son récit.

- la réprobation sociale qui s'attache à ce genre de faits : les agresseurs sexuels, particulièrement ceux qui s'en prennent à des enfants, sont fortement réprouvés. Un homme qui tue sa femme pourra espérer garder le soutien de sa famille et de ses proches. Un agresseur d'enfant qui le reconnaît perd tout. Ce sont des faits extrêmement difficiles à admettre, parce qu'il leur est même souvent difficile de l'admettre en leur for intérieur. Les dénégations des coupables sont aussi fortes que celles des innocents. Il n'est pas rare qu'un agresseur qui reconnait les faits dans le cabinet du juge d'instruction continue à protester de son innocence devant ses proches.

Toutes ces particularités bousculent les repères judiciaires. Faut-il les prendre en compte et traiter différemment les affaires de moeurs, avec des exigences différentes en matière de preuve ? Faut-il au contraire leur appliquer la même grille de lecture et les mêmes standards qu'aux autres infractions ?
La justice pénale a oscillé (et oscille sans doute encore) entre ces deux positionnements, qui portent chacun en germe des risques d'erreur judiciaire, dans des sens opposés. Une lecture non spécifique conduit à innocenter des coupables, une lecture sur-adaptée amène le contraire. Le choix devrait être facile à faire : celui de la présomption d'innocence.

Les repères se sont pourtant progressivement brouillés en la matière. Le législateur a délibérément fait le choix de privilégier de plus en plus les victimes, pour des raisons au fond tout à fait louables.
Par exemple, l'allongement des délais de prescription, s'il a pu être une avancée quand on a retardé leur point de départ à la majorité de la victime, devient délirant. En faisant croire que l'on peut établir des faits de ce type (s'ils ne sont pas reconnus) parfois vingt ou trente ans après les faits, on fait porter sur la justice pénale un poids qui pousse insensiblement à baisser un peu le curseur en matière d'exigences de preuves. Et on favorise la religion de l'aveu, on se raccroche au moindre point reconnu par les mis en examen.
De même, les dispositions de la loi de 1998 sur l'enregistrement des auditions des mineurs victimes pour éviter d'avoir à les multiplier durant la procédure ne sont évidemment pas mauvaises en soi. Mais en "vendant" l'idée qu'il n'y aurait qu'une seule audition, on pousse là encore la justice pénale à la faute. Faut-il, parce que la victime est un enfant, dénier au mis en examen le droit à une confrontation ? Faut-il, alors que des incohérences apparaissent, s'empêcher de poser de nouvelles questions ? C'est pourtant à cela qu'ont parfois abouti ces dispositions. Et on a baissé un peu plus le curseur.

Et puis il y a l'accroissement de la place des expertises psychologiques dans les procédures de ce type. En l'absence de preuves matérielles, en présence de deux versions contradictoires, il est facile et tentant de chercher ailleurs des éléments que l'on espère solides.
Parce qu'on lui demande parfois l'impossible, la justice pénale a essayé de trouver des réponses auprès des experts. Qui n'ont pas refusé. Et le législateur a aussi poussé à la roue, en encourageant ce type d'expertises.
Le développement d'une certaine idéologie sur la parole de l'enfant n'a pas aidé. Rappelons que, pendant l'instruction d'Outreau, des parlementaires (parmi lesquels certains membres de la Commission parlementaire qui s'est penchée sur cette affaire, et qui n'ont pas eu de mots assez durs pour stigmatiser ces benêts de magistrats qui avaient aveuglément "suivi" les enfants), ont proposé une loi visant à créer une présomption de crédibilité de la parole de l'enfant.

La compassion pour les victimes, surtout celles-là, a favorisé un activisme qui a poussé à brouiller les principes. Ainsi, on note de plus en plus d'exceptions au principe selon lequel seule la victime directe de l'infraction peut se constituer partie civile. La place prise par certaines associations dans quelques procédures a contribué un peu plus à faire de la lutte contre les atteintes aux mineurs une espèce de grande cause sacrée qui pouvait justifier qu'on abaisse un peu plus le curseur. Et qui a aussi contribué à ce que l'on recoure à des détentions provisoires longues fondées en réalité uniquement sur la gravité des faits reprochés.

Et les magistrats au milieu de tout ça ? N'est-ce pas aussi leur rôle de garder un peu de raison au milieu de tout cela ? Ils essayent de le faire. Contrairement à l'idée répandue par certains au moment d'Outreau, toutes les dénonciations ne sont pas suivies de poursuites, d'instructions et de détentions provisoires quasi arbitraires. Beaucoup de faits signalés sont classés sans suite, faute d'élément suffisants.

Mais les magistrats ne sont pas imperméables à la compassion pour les victimes, et peuvent être ponctuellement aveuglés. Et puis il y a une certaine expérience de ce genre de dossier, qui conduit à ne pas refuser de croire ce qui peut paraître improbable ou impossible au plus grand nombre. Anatole Turnaround écrivait : "Le soupçon de pédophilie ne devrait guère impressionner un magistrat pénaliste moyennement expérimenté, pour qui le récit de viols d'enfants commis de façon variée et répétée et par des personnes différentes fait hélas partie du quotidien." pour en tirer la conclusion que (si j'ai bien compris) cette habitude lui permettait de garder son sang froid et procéder, malgré la charge émotionnelle qui s'attache à ce genre de chose, à une analyse rigoureuse du dossier.
Je suis d'accord, mais je pense que cette expérience en la matière conduit aussi le magistrat pénaliste moyen à savoir que l'Homme est capable de tout. Quand on a vu certaines photos pédophiles, on peut, je trouve, plus difficilement rejeter d'emblée certains récits qui pourraient paraître délirants. On essaye de vérifier. Cette mithridatisation à l'horreur, particulièrement dans les juridictions du Nord, fausse également la perception.

Après ce très long développement, j'en viens (enfin) au coeur de ce que je voulais dire : Outreau est le paroxysme des tâtonnements (peut être des errements) de la justice pénale en matière d'affaires d'atteintes sexuelles sur mineurs.
Tout y est, pêle mêle : la difficulté à faire le tri dans la parole des uns et des autres, les fragilités des expertises, la peur de prendre le risque de laisser s'en tirer des monstres supposés, le refus des confrontations avec les enfants, la pression exercée par l'idéologie de la parole de l'enfant, des détentions d'une longueur à mon sens injustifiable compte tenu des garanties de représentation de certains, le poids phénoménal des aveux de certains pour retenir des charges contre les autres, tout cela dans un certain émoi médiatique.
Ce cocktail explosif (ajouté encore une fois au manque de moyens qui, comme le rappelait Anatole, favorise les plantages), on ne peut en faire porter la responsabilité à ceux qui, individuellement, ont traité cette affaire hors-normes suivant les mêmes standards que ceux auxquels tous nous ont poussés. C'est une responsabilité collective de l'institution judiciaire d'abord, de ne pas avoir su y résister, mais aussi dans une certaine mesure des politiques et notamment du législateur, qui en a semé les germes .
Et c'est ensuite la responsabilité des politiques d'avoir attisé le feu et focalisé le débat sur cette affaire particulière au lieu d'en examiner les ressorts plus profonds, ce qui n'a abouti qu'à bloquer l'institution judiciaire dans une positions défensive peu propice à l'analyse de ses propres dysfonctionnements.
Je crois que c'est aussi à la société dans son ensemble, par la voix du législateur et de l'exécutif, de faire un choix clair : faut-il faire passer en priorité les intérêts des victimes ou ceux de ceux qu'elles accusent ? Une position intermédiaire peut sans doute être trouvée, et je pense que les pratiques sont désormais à des standards plus proches de ceux des affaires traditionnelles, mais on en revient à la spécificité de ces affaires : il y aura toujours des erreurs dans un sens ou dans l'autre. La réforme du CSM, l'élargissement de la responsabilité disciplinaire ou l'enregistrement des interrogatoires d'instruction n'y changeront rien. Du tout.

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.

Calendrier

« février 2009 »
lun.mar.mer.jeu.ven.sam.dim.
1
2345678
9101112131415
16171819202122
232425262728

Contact