par Dadouche
Je n’ai pas la voix de stentor de Gascogne.
Ni le lyrisme de Sub Lege Libertas
Et je n’ai vraiment pas beaucoup d’humour en ce moment, contrairement à Eolas.
Juste l’incrédulité narquoise de celle qui apprend qu’il est indispensable, si les magistrats et greffiers venaient à tomber malades en trop grand nombre pour assurer le fonctionnement des juridictions, de prendre des mesures d’exception qui permettraient, par la simple grâce d’une série d’ordonnance, de voyager gratis en Corée du Nord.
Un genre de téléportation juridique.
Quatre magistrats absents en même temps sur un effectif de vingt ? J’ai connu. Et les prolongations de détention, les audiences collégiales etc.. on se les est tapées.
C’est tellement “normal” que ça n’est venu à l’idée de personne de nous en remercier.
Pas suffisamment de greffiers pour tenir les audiences ? C’est mon quotidien de juge des enfants.
Des dossiers renvoyés parce qu’on ne peut pas les juger ? Ca arrive tous les jours dans beaucoup de juridictions. Pas parce que les magistrats ou les greffiers sont malades. Parce qu’il est 22 heures et que vraiment, avec la meilleure volonté du monde, on n’arrivera pas à passer trois dossiers de plus.
Du retard dans le traitement des procédures ? Je connais plusieurs juridictions où le délai d’enregistrement d’une procédure au bureau d’ordre se chiffre en mois. Avant même qu’un magistrat du parquet jette un coup d’oeil dessus.
Des piles de jugements à taper qui ne sont pas exécutés ? Allez faire un tour dans un greffe correctionnel.
Des sursis avec mise à l’épreuve “mis en oeuvre plus”[1] de six mois après leur prononcé ? Bienvenue au SPIP.
La Justice française est grippée du 1er janvier au 31 décembre, et depuis longtemps. Le diagnostic est posé par tous les praticiens.
Certes, il était temps que ça affole quelqu’un.
Mais c’est plutôt la loi de finances qui a besoin d’un plan pandémie.
Notes
[1] enfin, mis en oeuvre, au rythme d’un rendez-vous tous les 4 mois hein