Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 15 octobre 2009

jeudi 15 octobre 2009

Bravo Jade

Je vous invite à aller voir chez mon confrère Mô combien Jade est une jeune fille digne d’admiration.

N’hésitez pas à lui laisser un petit mot gentil en commentaire, elle les lit.

Au-delà du récit, qui n’appelle qu’un silence respectueux de ma part, deux détails m’ont marqué. Parfois, la profession d’avocat, c’est ça aussi, tout simplement : tenir la main de sa jeune cliente pendant trois heures et demie, ou se positionner l’air de rien à l’audience pour servir de rempart au regard de celui qu’il est si difficile pour son client de croiser à nouveau. Ça ne s’apprend pas dans les livres de droit.

Attention, c’est un billet violent. Car tout ce qu’il raconte est vrai.

Petite fille.

Guissé ce type ?

Il est un territoire où le plus audacieux des avocats, ou le plus intransigeant des procureurs n’ose s’aventurer. Aux frontières métaphysiques de la rhétorique et de la mauvaise foi, là où la négation de la réalité touche à l’art, un mur invisible nous arrête : celui de la pudeur.

Mais il est un homme qui a atteint un état de toupétude[1] qui en fait le Kwisatz Haderach de la justification de l’injustifiable : j’ai nommé mon grand ami Éric Besson.

Alors que même la majorité n’arrive pas à cacher son embarras face à l’affaire Guissé dont je vous ai entretenu, qu’Hervé Morin, ministre de la défense, affiche clairement son soutien au hussard, il reste le gaulois qui résiste encore et toujours à l’invasion de la vérité.

Ainsi, notre ministre de la baguette mais pas du croissant s’est fendu d’un communiqué de presse pour affirmer que l’affaire Guissé n’en est pas une et que l’administration est dans son bon droit.

— Excusez-moi, maître ?

— Oui, mon petit ? Ah, laissez moi vous présenter Jeannot, mon stagiaire. C’est un étudiant en deuxième année de droit à Assas que son père, un confrère à qui je ne peux rien refuser, m’a confié afin que je le forme un peu en droit pour son nouveau boulot, vu que ses études ne sont pas une brillante réussite pour le moment.
Qu’y a-t-il, mon Jeannot ?

— Pourquoi est-ce le ministre de l’Oriflamme qui prend publiquement position ? Je croyais que les questions de nationalité relevaient de la Chancellerie ?

— En effet, mon Jeannot. Mais le décret d’attribution du ministère du fifre et du pipeau précise en son article 1 qu’ «il a la charge des naturalisations et de l’enregistrement des déclarations de nationalité à raison du mariage. Il est associé à l’exercice par le garde des sceaux, ministre de la justice, de ses attributions en matière de déclaration de nationalité et de délivrance des certificats de nationalité française». J’ajouterai que, bien que le décret ne le dise pas, quand il y a un sale travail à faire, cela tombe toujours dans ses attributions.

— Et que dit-il, ce communiqué ? Papa m’a dit qu’il fallait que je me forme à faire semblant de ne pas voir des problèmes de la taille d’un éléphant.

— Il a raison, tu vas en avoir besoin. Le voici .

Nationalité de MM. Ounoussou Guissé et Amara Guissé

 

Paris, le 13 octobre 2009,

 

COMMUNIQUÉ

 

 
Nationalité de MM. Ounoussou Guissé et Amara Guissé

 

L’attention d’Eric BESSON, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, a été appelée sur la situation au regard de la nationalité de MM. Ounoussou Guissé et Amara Guissé, qui ont choisi le fondement de la nationalité par descendance pour se voir reconnaître la nationalité française. Ce choix se heurte à l’absence de nationalité française de leur père, qui n’a pas fixé son domicile en France ce qui a empêché de lui reconnaître la nationalité de plein droit, et dont la situation matrimoniale a empêché d’enregistrer la déclaration de nationalité. Cette procédure est actuellement portée devant les juridictions.

S’ils souhaitent obtenir la nationalité française, d’autres voies sont envisageables :

- S’ils ont la possession d’état de français depuis plus de 10 ans, ils peuvent faire une déclaration sur le fondement de l’article 21-13 du Code civil. Cette procédure a été suivie par leur frère M. Mamadou Guissé en 1998, qui, depuis cette date, a la nationalité française.

- Compte tenu des services accomplis dans l’armée française, ils peuvent aussi s’ils le souhaitent demander leur naturalisation auprès de la Préfecture de leur département, sur le fondement de l’article 21-19 4° du Code civil, sans exigence d’avoir leur résidence habituelle depuis 5 ans en France, mais en satisfaisant les exigences légales concernant l’âge, la moralité et l’absence de certaines condamnations pénales, et l’assimilation à la communauté française notamment par la connaissance de la langue.

- S’ils peuvent attester de services exceptionnels rendus à la France, ils peuvent enfin solliciter une naturalisation pour services exceptionnels au titre de l’article 21-19 6° du Code civil, sur la base d’un rapport du ministre chargé de la défense et d’un examen par le Conseil d’Etat.

Si MM. Ounoussou Guissé et Amara Guissé souhaitent s’engager dans une telle procédure, Eric BESSON a demandé à ses services de procéder à un examen attentif et bienveillant de leur demande de naturalisation.

 


 

— Wohaah… Bon sang, je n’y arriverai jamais, c’est trop dur !

— Ah, ça, je dois reconnaître qu’il est bon. Demande-lui de te parler du délit de solidarité, tu verras, c’est impressionnant : on sent le tissus de l’univers commencer à se dissoudre face à autant de déni de la réalité. Allez, mon Jeannot, exercice pratique : explique à mes lecteurs en quoi ce communiqué se fiche d’eux.

— Alors voyons… D’abord, il est faux de parler de choix fait par les frères Guissé pour se faire reconnaître la nationalité française. Ils sont nés français de plein droit et ont toujours été traités comme tels, y compris par la France, qui a délivré par deux fois un certificat de nationalité française à Ounoussou, le premier alors qu’il était âgé de six mois, ce qui rend douteux qu’on puisse parler de choix de sa part.

— Fort bien mon Jeannot, tu as bien mérité ton passage en deuxième année ; ce qui nous change. Et quoi d’autre ?

— Il affirme comme un fait établi que le père d’Ounoussou Guissé, Daouda Guissé, n’avait pas son domicile de nationalité en France en 1960, alors qu’aucune décision de justice n’a jamais reconnu ce fait.

— Tout à fait. Et…?

— Outre le fait que la voie de la déclaration de nationalité par possession d’état ou par naturalisation ferait perdre rétroactivement aux deux enfants d’Ounoussou Guissé leur nationalité française par filiation, on peut se demander pourquoi un tel acharnement à retirer sa nationalité à m’sieur Guissé pour la lui rendre aussitôt en disant en prime qu’on ferait preuve de magnanimité ce faisant. 

— Et tu t’y connais en matière d’examen attentif et bienveillant de demandes, hein, petit sacripant ? Bravo, je n’ai rien à ajouter. 

— Maître, vous croyez que quand je serai grand, je serai aussi bon qu’Éric Besson ?

— Il te faudra beaucoup travailler, mais je suis là pour te former. Tiens, re-cire mes pompes. 

Notes

[1] Toupétude (n.f.) : plénitude du toupet.

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