Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 29 avril 2014

mardi 29 avril 2014

J'aime mon métier

Par Bobcat


J’aime mon métier. Il est vrai qu’à la loterie de l’affectation, j’ai été un peu déçue d’échouer à un poste à haute teneur administrative, le secrétariat de la Première Présidence d’une Cour d’appel, ce n’est pas vraiment le poste dont on rêve quand on passe le concours. J’ai néanmoins la chance de travailler au sein d’une équipe sympathique, dynamique et supervisée par une GEC[1] compréhensive et des magistrats agréables, compétents, qui se sont tout de suite attachés mon respect et mon estime. Alors j’aime mon métier.

Depuis le début de la mobilisation, je lis les articles qui parlent de nous et de notre profession, et même si j’avais conscience de faire partie du côté obscur du métier (non seulement, nous portons une robe noire mais en plus nous sommes dans l’ombre. Greffier ninja!), je ne m’attendais pas à lire certains commentaires désobligeants proposant de supprimer notre profession de “gratte-papier” et de nous remplacer par des logiciels de reconnaissance vocale.

La méconnaissance que le grand public peut avoir de notre métier est particulièrement blessante quand on sait que le greffe est en première ligne face au justiciable. Le greffe est le premier contact du public avec la justice et pourtant, rares sont ceux qui savent vraiment ce que fait un greffe. Non, nous ne sommes pas limités à de la prise de note même si c’est souvent l’impression que nous donnons. Non, nous ne faisons pas que des photocopies même si nous passons tellement de temps devant le photocopieur que nous avons tendance à lui parler pour l’encourager à aller plus vite quand nous nous croyons seuls.

Nous sommes fatigués (j’ose m’inclure, vous comprenez, je suis solidaire de mes collègues même si je ne suis pas encore abîmée par le métier). Fatigués d’essuyer les plâtres, fatigués d’avoir l’impression de compter pour des nèfles, fatigués de ne pas être estimés à notre juste valeur alors que tous les jours nous sommes des milliers à nous casser la chute de reins pour que le fauteuil roulant de la Justice roule un peu plus loin malgré tous les bâtons qu’elle se met elle-même dans les roues.

J’ai peu d’espoir que notre mobilisation des ces derniers temps nous obtienne quoique ce soit. Mais si nous ne faisons pas entendre nos voix, personne ne le fera pour nous.

Alors je fais grève aujourd’hui, même si je suis venue travailler parce que les deux tiers des urgences devaient être traitées avant mercredi et même si je repasserai sans doute ce soir, histoire de vérifier que tout est bien carré.

Et je vais aller manifester tout à l’heure en robe parce que j’aime mon métier. J’aime mon métier, je trouve ça immensément gratifiant de faire partie de ce rouage de la démocratie. J’en tire une grande satisfaction et un incommensurable honneur. C’est peut-être un peu ridicule de dire ça, mais j’aime mon pays et ça me fait plaisir de me dire que grâce à moi, à ma maigre participation, ma nation peut exercer son droit régalien de rendre la Justice. C’est aussi très idéaliste, mais que voulez-vous, je suis (encore) jeune et l’idéalisme est ma prérogative.

Bobcat

Note

[1] Greffier en chef. NdEolas

J'ai fait un pacte avec la justice

Par un bébé greffier arrivé à maturation


J’ai fait un pacte avec la justice : Parcours d’Accès aux Carrières Territoriales de l’Etat

J’ai fait un pacte avec la justice, qui m’a sauvé la vie ce 3 septembre 2007, jour de mon affectation en tant que catégorie C dans une prestigieuse cour d’appel. J’avais 20 ans et j’ai tout plaqué pour monter à Paris

Pas de parcours universitaire, pas de bac en poche, juste une furieuse envie de faire quelque chose de ma vie ; ça y est on m’avait enfin donné ma chance !

Pour moi le monde judiciaire (même si je n’y connaissais strictement rien à l’époque) était un monde où j’avais la sensation d’apporter quelque chose aux autres.

J’ai travaillé quelques années dans un service visiblement évité par tous et où on m’avait placée : et oui ! petite dernière arrivée oblige : Apostille[1] ! Quel doux mot. J’en avais des joujoux , des beaux tampons ! Quelques centaines de justiciables par jour, deux personnes au guichet, le public énervé par l’attente. Ce fut difficile mais pas sans émotions.

Ainsi, lorsque cette femme ayant, au bout de quelques années d’attente enfin obtenu l’adoption de sa petite fille, vint nous voir les yeux rouges pleins de larmes une plante dans les bras pour nous dire : « j’ai quelque chose à vous annoncer, nous avons ramené notre petite fille mais mon mari n’a pas survécu à un crash d’avion en allant la chercher… » C’est ce jour là que j’ai tout compris.

J’ai fait plusieurs autres services et puis, un jour, j’ai enfin eu les années d’ancienneté requises pour passer ce fameux concours de greffier en interne.

J’ai obtenu ce concours avec l’aide de beaucoup de personnes, qui m’ont apporté leurs connaissances, leur savoir, leur aide et leur soutien. Oui, comme me le disait une collègue ce métier fait rencontrer des personnes avec qui l’on partage beaucoup de choses.

Une fois ce concours obtenu, à 25 ans, j’ai fait (comme l’a dit Max) “la potiche, le stagiaire, le TÉKITOI” pendant 18 mois…18 mois où je suis restée passionnée, mais parfois désespérée aussi …

- déçue quand on m’a annoncé qu’évoluer dans sa carrière c’était bien mais que l’ancienneté ne serait reprise qu’aux deux tiers…

- agacée quand, à une réunion lors de mon dernier passage à l’école, on nous annonça qu’il n’était pas possible de permettre aux greffiers, en pré-affectation sur leur poste, de récupérer leurs heures supplémentaires, qu’ils ne donneront pas officiellement l’autorisation d’en faire, parce que, vous comprenez, sinon les 18 mois de formation ne seraient pas justifiés, qu’elle passerait à 1 an et que par conséquent la revalorisation de notre statut/indice ne pourrait se faire !

- dubitative, quand notre ministre nous annonça en personne à l’école que notre revalorisation sera reconsidérée en 2015… quand je vois le résultat aujourd’hui….justice du 21e siècle…

J’ai intégré le service de l’instruction en région parisienne pour ma première affectation en tant que greffier, je suis passionnée par ce service, comme Wonderwoman l’a si bien expliqué, cette multitude de compétences et de rapports humains et à la fois passionnant et émotionnellement difficile, mais je ne regrette en rien mon choix.

Mais je suis fatiguée quand je vois quel combat c’est d’être greffier stagiaire dans ce genre de service où les heures ne se comptent pas et où il est impossible de se les faire payer et presque impossible de les récupérer…

Aujourd’hui, titularisée depuis peu, j’ai 27 ans et cela fera 7 ans en septembre que je suis fonctionnaire de la justice ; 7 ans mais mon point d’indice n’a que très peu évolué et mon salaire a augmenté d’à peine 100 euros…

Je n’ai pas perdu cette passion pour ce métier et je continue toujours de l’aimer autant et d’y passer une grande partie de mon temps au détriment de ma vie privée parfois.

Toutes ces histoires entendues, ou ces photos sordides vues, m’ont parfois brisée mais m’ont toujours donné envie de continuer parce qu’un greffier (ou autre) passionné, c’est un bon greffier!

Alors oui je suis en colère : j’ai fait un pacte avec la justice un jour, j’ai promis cette année là en 2007 devant un jury de m’investir plus que jamais si elle me donnait ma chance.

Je suis en colère parce que j’ai tenu ma promesse et fait plus encore.

Je suis en colère parce qu’ils sont avec moi des milliers à le faire, des C jusqu’aux A.

Et que je ne supporte plus d’entendre “il faut faire des efforts”. Ces efforts nous les faisons, tous les jours mais je ne suis pas certaine du tout, qu’en face, on les voie, les apprécie ou les considère.

Je vous remercie Maître pour ce si bel hommage, et pour cette opportunité d’expression.

Loin de moi la prétention d’avoir une aussi belle plume que certains mais je souhaitais vous faire partager cette expérience peu commune qu’est le contrat-Pacte.

Note

[1] L’apostille est une procédure de légalisation simplifiée, prévue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961. C’est une authentification normalisée d’un acte judiciaire français afin d’assurer aux autorités d’un Etat étranger lui aussi partie à cette Convention que le document est bien authentique, afin qu’il puisse produire des effets juridiques dans ce pays étranger. Très utilisé en matière d’adoption internationale notamment. NdEolas

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