Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 23 juin 2009

Au revoir Rachida, bonjour Mam' le Garde des Sceaux

Ça y est, Dati a pris Laporte. En France, tout finit en chanson, comme l'a rappelé très opportunément Dadouche.

Alors, pour continuer la fête de la musique, voici une chanson, sur l'air de l'inoubliable “ couleur menthe à l'eau ”, intitulée Couleur code Dalloz.

Paroles de Maboul CarburoD…Z et Eolas. Musique de Pierre Papadiamandis. Paroles originales d'Eddy Mitchell.


Elle était maquillée
Comme une voiture volée
Mais garée place Vendôme.
Elle rêvait qu'elle posait
Juste pour un bout d'essai
Chez Cartier ou Lancôme.

Elle semblait bien dans sa peau
Ses ongles couleur code Dalloz 
Cherchaient du regard un flash
Le dieu caméra
Et moi, je n'en pouvais plus
Bien sûr, elle ne m'a pas vu
Perdue dans sa mégalo
Moi, j'étais de trop

Elle marchait comme un chat
Qui méprise le p'tit pois
En frôlant l'procureur
La manif' qui couvrait
La réforme qu'elle rêvait
Semblait briser son cœur

Elle en supprimait un peu trop, 
Des postes et des tribunaux, 
L’Elysée est dans sa tête
Toute seule elle répète :
« Les peines plancher, c'est le pied,
« Les marmots, faut les enfermer !»
Perdue dans sa mégalo
Moi, je suis de trop.

Mais Sarko est entré
Et le charme est tombé
Agitant sa Rolex
Ses yeux noirs ont lancé
De l'agressivité
Comme s'ils voyaient un Solex.

La fille aux ongles code Dalloz
A rangé ses Busiris
Et s'est soumise à l'oukaze : 
« À Strasbourg, la Miss ! »
Et moi, je n'en pouvais plus
Elle n'en n'a jamais rien su
Ma plus jolie des gardes des Sceaux
Couleur code Dalloz.

Au revoir, madame le Garde des Sceaux. Je ne peux pas dire que vous me manquerez, mais avouez-le : ensemble, on aura bien rigolé.

Allez, pour la route, une dernière vacherie.

Plâce Vendôme, à l'aube. Gascogne sort les poubelles, en l'occurrence un bac jaune d'où sortent deux jambes fuselées élégamment bottées de Louboutin,ainsi qu'une main gracile tenant encore une flûte de champagne blanc de blanc millésimé. Eolas regarde la scène en fonçant les sourcils : “ la poubelle jaune ? Tu es sûr que c'est recyclable ?” demande-t-il.

Et ma contribution aux chansons d'adieu.

Another turning point, a fork stuck in the road
Time grabs you by the wrist, directs you where to go
So make the best of this test, and don't ask why
It's not a question, but a lesson learned in time

It's something unpredictable, but in the end it's right.
I hope you had the time of your life.

So take the photographs, and still frames in your mind
Hang it on a shelf in good health and good time
Tattoos of memories and dead skin on trial
For what it's worth it was worth all the while

It's something unpredictable, but in the end it's right.
I hope you had the time of your life.

It's something unpredictable, but in the end it's right.
I hope you had the time of your life.

It's something unpredictable, but in the end it's right.
I hope you had the time of your life.

dimanche 21 juin 2009

Comment te dire adieu ?

par Dadouche


Depuis quelques jours, chacun dresse le bilan de Rachida Dati place Vendôme.

L'intéressée elle même, d'abord, grâce à une coûteuse plaquette d'une centaine de pages envoyées aux gens importants (les parlementaires et les journalistes).
Les magistrats ont eu droit à une lettre d'adieu à la gloire de celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom-à-Moulins (ou Saumur, Riom, Charolles bref, mettez là le nom d'une des juridictions supprimées par la carte judiciaire).
Comme dans toute lettre de rupture, son auteur y réécrit l'histoire du couple à sa façon (c'est pas toi, c'est moi / ta mère ne m'a jamais supporté / je n'en peux plus que tu sois incapable de baisser la lunette des toilettes).
En adieu ministériel, ça donne "vos conditions de travail se sont améliorées" (pas les miennes, c'est de pire en pire) ou "vos carrières ont été revalorisées" (pas la mienne, elles sont où les "revalorisations substantielles des traitements" ?).
Les syndicats de magistrats ont eux aussi fait le bilan, curieusement franchement moins glorieux que celui dressé par la Chancellerie...

Nous laisserons chacun juge de tout cela.

Sur ce blog en tous cas, c'est un bilan fastueux :
- sept prix Busiris (l'Académie songe à lui décerner un Lifetime Achievement Award)
- le journal des magistrats en colère
- de la matière pour d'innombrables billets (et encore, on est tous un peu occupés par nos coupables industries, on n'a pas tout relevé).
- quelques dessins inoubliables du maître de lieux (je ne résiste pas à l'envie de remettre un de mes préférés...)



Pour ma part, en cette nuit de Fête de la Musique (vu comme c'est parti sous mes fenêtres, Cendrillon va encore souffrir ce soir), je préfère me rappeler, comme Beaumarchais, que tout finit par des chansons.

Voici donc quelques chansons d'adieu à Rachida Dati (que mille bottines Louboutin de septante lieues lui adoucissent les trajets Paris - Bruxelles)



Au suivant !




Edit :

Rachid Dati n'est plus Garde des Sceaux
Les taupes se déchaînent et nous ont donné un accès exclusif à son i-pod


mardi 16 juin 2009

Prix Busiris à Henri Guaino

Et c'est un prix summa cum laude, s'il vous plaît. Du lourd, du très lourd. Henri Guaino, les mains déjà avidement tendues pour se saisir de son Prix Busiris tant attendu. (Photo Reuters)

Le Conseiller spécial, très spécial même précise l'Académie dans son communiqué, commentait la décision du Conseil Constitutionnel sur la loi HADOPI lors du Grand Rendez-Vous sur Europe 1, ce dimanche 14 juin. Et c'est un festival.

Écoutons-le. À ce niveau, ce n'est plus du Busiris, c'est de l'art. Tenez-vous bien c'est deux minutes de grand n'importe quoi non-stop.

Pendant que le SAMU réanime les Académiciens terrassés d'extase face à autant de sottises compressées en aussi peu de mot pour être diffusées à aussi haut débit, décomposons, et profitons-en pour éclairer ce pauvre Riton le Dérouté.

Tel les meilleures bières belges, le prix est ici triple. Tout d'abord, sur l'ironique remarque des révolutionnaires protégeant le droit d'accès à l'internet. Ensuite, sur le droit à l'internet mieux défendu que l'accès à l'eau et à l'électricité (ce qui accessoirement est faux, vous allez le voir) et enfin sur les principes de la déclarations des droits de l'homme et du citoyen, simples principes philosophiques et non juridiques.

Summa : les révolutionnaires n'ont pas entendu défendre l'accès à internet.

Personne ne l'a dit. Sauf un conseiller spécial de l'Élysée, ce qui revient au même.

Les Révolutionnaires ont entendu protéger la liberté d'expression, car elle est toujours la première attaquée. Par les despotes, bien sûr, mais aussi par tous les susceptibles qui trouvent qu'une langue occupée à autre chose qu'à lécher leurs bottes est une incongruité condamnable. Et même avec les meilleures intentions du monde, comme celle de ces artistes qui défendent leur gagne-pain et sont prêts au nom d'Euterpe à occire Polymnie.

La liberté de dire ce que l'on pense, c'est une chose. Mais la déclaration de 1789 ne se contente pas de cela. En effet, crier dans le désert ou être silencieux dans la multitude revient à peu près au même. La déclaration est donc plus précise. Ayons plus de curiosité que M. Guaino et lisons-là.

Article 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

La liberté d'expression s'entend comme la liberté de communiquer, ce qui suppose un émetteur et un récepteur. Elle recouvre le fait de parler, mais aussi d'écrire et d'imprimer librement. En 1789, imprimer s'entendait uniquement sur papier avant distribution. Aujourd'hui, imprimer s'entend directement de l'acte de publication, sans passer par la fixation sur papier (mais fixation il y a, sur un serveur d'abord, sur votre ordinateur ensuite). En quoi l'invention de l'informatique a-t-elle changé quoi que ce soit à cette situation ? Écrire sur internet ne serait pas écrire au sens de la déclaration de 1789 sous prétexte que ce beau jour de juillet 1789, on ne pouvait pas écrire sur un ordinateur ? Henri Guaino veut-il vraiment laisser entendre que la liberté d'expression ne saurait s'appliquer à l'internet car il n'existait pas à la fin du XVIIIe siècle, date à laquelle nos libertés auraient été à jamais figées en l'état ? Dois-je donc comprendre que je puis l'empêcher par la force de s'exprimer à la radio car les révolutionnaires n'ont pas précisé que la liberté de parler s'entendait aussi du droit de dire des sottises au micro d'Europe 1 ?

Henri Guaino commet ici une erreur classique : il ne peut pas concevoir que le droit s'adapte à son époque sans que le législateur n'ait besoin d'intervenir, lui qui en la matière tient plus souvent de la mouche du coche que de la colombe de Noé. Fort heureusement, les juges sont plus intelligents que M. Guaino, ce qui n'est guère les flatter, et eux ont compris depuis longtemps que la liberté de s'exprimer recouvrait toutes les formes, y compris les plus nouvelles. Et tout comme les révolutionnaires ont voulu défendre dans cet article 11 l'imprimerie, non par amour de l'encre pressée sur la feuille de papier mais parce que c'était l'outil qui permettait l'exercice de cette liberté qui sans lui ne serait qu'illusoire, le Conseil constitutionnel défend aujourd'hui le TCP/IP pour le même motif.

Puisque je ne risque plus la suspension de mon accès à internet en cas de piratage, je dirai que le problème de l’Élysée, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance, dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès. À bon entendeur…

Cum : Le droit à l'internet, mieux défendu que le droit à l'eau ou à l'électricité.

Là, tous en chœur, poussons : “ Bouhou-ou ” aux journalistes présents qui laissent passer ce genre d'ânerie sans tiquer ou pire, en pouffant du bon mot. La moindre des choses, quand on est journaliste, c'est de s'offusquer quand on se paye votre tronche. Aliocha le fait très bien, d'ailleurs.

Comment l'eau et l'electricité arrive-t-elle chez vous ? Seule une personne ayant un jour vécu dans autre chose qu'un appartement de fonction, ce qui disqualifie visiblement M. Guaino, aura la réponse. Par un contrat d'abonnement. Oh ? Comme internet ? Eh ben oui, comme internet.

Que se passe-t-il si on ne paye pas sa facture d'eau ? On vous coupe l'eau. Que se passe-t-il quand on ne paye pas sa facture d'électricité ? On vous coupe l'électricité. Que se passe-t-il quand on ne paye pas sa facture internet ? On vous coupe internet. Admirez la différence de protection.

Allons plus loin dans le détail. Oubliez UNE facture d'internet et votre service sera coupé dans les 15 jours. J'ai testé. Oubliez une facture EdF et vous aurez une lettre de relance, puis une autre, puis un recommandé, et votre dossier sera transmis au service solidarité qui vous proposera un échéancier ou mille moyens d'éviter la coupure. Tous les avocats qui font du droit de la solidarité ont l'habitude de négocier avec EdF et savent qu'on trouve toujours une oreille attentive. La coupure d'électricité est rare, du fait des conséquences graves qu'elle peut emporter (plus de chauffage, plus de réfrigération des aliments et surtout plus d'accès à mon blog). Il en va de même de l'eau, qui a un rôle sanitaire essentiel. L'eau courante dans tous les quartiers évite bien des épidémies, et des factures d'eau impayées aboutissent chez l'assistant social plutôt que chez l'huissier.

Et revenons-en donc à la loi HADOPI. Que proposait-elle ? Qu'une autorité administrative puisse vous suspendre votre abonnement si vous n'empêchiez pas que celui-ci serve à télécharger, peu importe quel autre usage légal vous puissiez en avoir parallèlement. J'ai beau retourner mon journal officiel dans tous les sens, je n'ai pas trouvé de loi prévoyant comme sanction à un comportement illicite la suspension de l'abonnement à l'eau ou à l'électricité. Même pour les coupables de meurtre par noyade ou pire encore ces monstres à sang froid plus proches de la bête que de l'homme qui percent un trou dans leur mur à 8 heures un dimanche.

Conclusion : l'abonnement à l'eau ou à l'électricité est mieux protégé en France que l'abonnement internet, nonobstant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi HADOPI.

Non seulement M. Guaino dit des sottises quand il critique la décision du Conseil constitutionnel, mais il en dit aussi quand il défend son point de vue. Et ce type conseille le président de la République, tout va bien.

Laude : En faisant référence à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen on n'est pas dans l'ordre du juridique mais dans la philosophie du droit.

Comme dirait Hans Kelsen réfutant le jusnaturalisme hobbesien d'un Carl Schmitt : « Et ta sœur, elle fait de la philosophie du droit ? »

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n'est pas un texte de philosophie du droit. J'en ai lu beaucoup et ai adoré cette discipline qui m'a réconcilié avec la philosophie après une brouille qui a duré toute mon année de terminale, et je puis vous le dire bien haut : les textes de philosophie du droit ne se divisent pas en articles précédés d'un préambule, et ne s'intitulent jamais « déclaration des droits ». Ce sont les déclarations des droits qui sont rédigées ainsi, et c'est à ça qu'on les reconnaît (j'ai eu mention à mon épreuve de repérage de déclarations de droits en maîtrise).

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen est un texte juridique. Les plus subtils d'entre vous auront sans doute perçu un indice de par la présence du mot “ droits ” au pluriel dans le titre. Ce texte consacre des droits et des libertés, en en faisant des faisant des droits et libertés intouchables par le législateur sauf dans les limites qu'elle prévoit. Principe-exception, l'essence même du raisonnement juridique. Je rappelle que le droit crée une créance, c'est à dire permet à son titulaire d'exiger d'autrui un comportement respectant ce droit, tandis que la liberté s'entend d'une interdiction d'interdire. Les droits reconnus par la déclaration de 1789 sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression (article 2). Les libertés consacrées par ce texte sont la liberté de conscience (article 10), d'expression (article 11), et de manière générale la liberté de faire tout ce que la loi ne prohibe pas et qui ne nuit pas aux libertés d'autrui (article 5). Bien sûr, c'est un texte héritier direct de la philosophie des Lumières. Mais c'est un texte qui traduit les valeurs des Lumières en principes de droit, en posant des règles générales, courtes et claires et en prévoyant strictement les exceptions qu'elles admettent.

Cette déclaration fait d'ailleurs partie intégrante de notre Constitution depuis 1958. Amusant de la part de quelqu'un se disant gaulliste que de vouloir ainsi liquider l'héritage de 58.

Assurément, on peut affirmer sans crainte d'être démenti ou de devoir présenter des excuses que l'homme de l'Élysée est assez entré dans l'Histoire, grâce à ce prix mille fois mérité. Fini désormais les scènes de jalousie dans le Salon Doré, quand Claude Guéant le faisait bisquer avec son Busiris à lui. Plus de jaloux, chacun le sien.

Monsieur le Conseiller, l'Académie vous présente ses félicitations les plus spéciales (au cube, ça va de soi) pour ce feu d'artifice, un dimanche qui plus est.


Crédit photo : Reuters.

jeudi 11 juin 2009

In Memoriam HADOPI

La loi HADOPI est donc allée devant le Conseil Constitutionnel comme César est allé aux Ides de Mars : pour y rencontrer sa fin.

Un rapide rappel de ce qu'est le Conseil constitutionnel pour mes lecteurs étrangers, car pour tout citoyen français, il va de soi que les articles 56 et suivants de la Constitution n'ont aucun secret.

Le Conseil constitutionnel est le gardien de la Constitution, la norme suprême, supérieure aux lois et aux traités, même européens[1]. La Constitution est une loi adoptée dans des conditions très particulières qui rendent sa modification extrêmement difficile et qui fixe les grands principes de la République (la Constitution inclut ainsi la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, pose le principe de l'égalité sans distinction d'origine, de race ou de religion, etc…) et de son fonctionnement (c'est la Constitution qui établit le drapeau, l'hymne national, ainsi que les pouvoirs du président de la République, du Gouvernement, du Parlement, etc…).

Quand une loi est adoptée, elle peut (c'est facultatif, sauf trois exceptions : les lois soumises à référendum, les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires) être déférée au Conseil constitutionnel qui jugera de leur conformité à la Constitution. La décision de déférer une loi au Conseil constitutionnel peut être prise par le président de la République, le président du Sénat, le Président de l'assemblée nationale, ou un groupe de soixante députés ou soixante sénateurs (pas de panachage entre les deux assemblées). Cette décision, appelée recours, doit idéalement être motivée, c'est-à-dire indiquer en quoi cette loi violerait la Constitution. La qualité des recours est très variable, et je ne sais pas ce qu'attendent les groupes parlementaires pour se constituer une équipe d'avocats constitutionnalistes. Ils en ont les moyens et ce serait redoutablement efficace.

Survolons rapidement les arguments rejetés par le Conseil avant de nous attarder sur ceux qu'il a retenus, soit en formulant une réserve d'interprétation, soit en annulant purement et simplement.

(NB : les numéro après le symbole § renvoient aux numéros de paragraphe de la décision).

Les moyens rejetés.

► La procédure d'adoption de la loi : les parlementaires auteurs de la saisine affirmaient ne pas avoir reçu les informations suffisantes du gouvernement pour pouvoir légiférer en connaissance de cause. La Conseil estime que les assemblées ont disposé, comme l'attestent tant les rapports des commissions saisies au fond ou pour avis que le compte rendu des débats, d'éléments d'information suffisants (§3).

► L'obligation de surveillance de l'accès à internet : les requérants soutenaient que l'obligation faite aux abonnés à l'internet par l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle (créé par la loi HADOPI) de veiller à ce que cet accès ne serve pas à pirater[2] ferait double emploi avec le délit de contrefaçon et serait formulée de façon trop générale, alors que la Constitution exige que la loi soit claire et accessible. Le Conseil rejette, estimant au contraire que la définition de cette obligation est distincte de celle du délit de contrefaçon ; qu'elle est énoncée en des termes suffisamment clairs et précis (§7). Je suis d'accord.

► Le renvoi à des décrets en Conseil d'État : les requérants critiquaient le renvoi à des décrets pour définir les modalités de délivrance du label HADOPi certifiant qu'une source de téléchargement est légale. Le Conseil rejette en rappelant qu'il s'agit d'une simple information du public et que l'HADOPI n'aura pas le choix et devra délivrer ce label à tout site en faisant la demande qui remplit les conditions légales. Dès lors, le législateur a bien rempli son rôle, le reste n'étant que de l'intendance, domaine du décret (§35).

Les réserves d'interprétation.

Une réserve d'interprétation est une façon inventée par le Conseil de corriger une inconstitutionnalité sans dégainer l'arme nucléaire de l'annulation. Le Conseil dit que si on applique le texte de telle façon, alors il n'est pas contraire à la Constitution. Ces réserves d'interprétation sont prises en compte par les juges, qu'ils soient administratifs ou judiciaires.

On commence à entrer dans les aspects intéressants de la décision. La loi HADOPI n'est pas, sur ces points, censurée, mais elle est modifiée dans son esprit.

► L'atteinte à la vie privée : Attention, c'est un peu subtil.

Les données relatives aux infractions de piratage sont relevées par des agents assermentés qui sont salariés des sociétés de gestion collective de droits d'auteur (essentiellement pour transférer le coût des ces opérations sur ces sociétés plutôt que les faire supporter par l'État). Ces données sont collectées dans un fichier informatisé géré par ces sociétés privées. Jusqu'à présent, ces données étaient soit communiquées au parquet au soutien d'une plainte, soit directement utilisées par ces sociétés pour poursuivre les internautes concernés en justice. Dans tous les cas, c'était l'autorité judiciaire qui ordonnait au fournisseur d'accès internet (FAI) la communication de l'identité du titulaire de l'abonnement suspect[3]. Avec la loi HADOPI, la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet (HADŒPI) qu'elle crée acquiert le droit de se faire communiquer directement et sur simple demande par le fournisseur d'accès internet concerné, les coordonnées du titulaire de l'abonnement, pour mettre en jeu sa responsabilité. L'autorité judiciaire est court-circuitée. C'est cela que contestaient les requérants devant le Conseil constitutionnel : il y a une atteinte disproportionnée au droit des citoyens au respect de leur vie privée en permettant à une autorité administrative de se faire communiquer ces données personnelles sur simple demande.
Le Conseil donne raison aux requérants, mais sans aller jusqu'à interdire ce dispositif. Il précise que la loi HADOPI permettant l'identification des titulaires des abonnements correspondants aux adresses IP collectées par les agents assermentés a pour effet de rendre ces données nominatives, ce qu'elles n'étaient pas auparavant. Le Conseil rappelle donc que la Commission Nationale Informatique et Liberté (la CNIL) a pour vocation de surveiller les traitements informatiques de données nominatives, et qu'il lui appartiendra de s'assurer que les modalités de ce traitement sont proportionnées au but poursuivi. En clair, cela signifie que toute poursuite fondée sur ces relevés sera nulle tant que la CNIL n'aura pas donné son feu vert quant au fonctionnement de ce fichier (§29). Où comment la rue Montpensier venge la rue Vivienne. La CNIL est notamment invitée à veiller à ce que ces données ne servent que dans le cadre des procédures judiciaires liées au piratage supposé et ne soient pas conservées à d'autres fins, genre une liste noire des pirates.

► Les mesures judiciaires envers les FAI : l'article 10 de la loi ajoute au code de la propriété intellectuelle un article L. 336-2 qui permet aux ayant-droits d'une œuvre objet de piratage d'obtenir du tribunal de grande instance, au besoin en référé, toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte à leurs droits, auprès, là est la précision importante, « des personnes susceptibles de contribuer à y remédier », et non uniquement auprès des personnes auteurs de cette atteinte. Quelle périphrase, mes amis, pour dire simplement fournisseur d'accès internet et hébergeurs ! En clair, la loi permet aux ayant-droits d'une œuvre piratée d'obtenir du FAI qu'il puisse suspendre l'accès internet du pirate supposé, et de l'hébergeur qu'il supprime de son serveur le fichier ou le site illicite (mais sur ce dernier point, la loi n'invente rien, le droit commun le permet déjà). Suspension, il y a, mais ordonnée par l'autorité judiciaire, ce qui est une garantie. Insuffisante, estime le Conseil, qui souffle à l'oreille du juge le mode d'emploi : il appartiendra à la juridiction saisie de ne prononcer, dans le respect de cette liberté [la liberté d'expression, voir plus bas], que les mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause (§38). Bref, le juge devra se contenter d'ordonner le minimum minimorum pour mettre fin à cette atteinte au droit d'auteur sans porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'expression, qui devient la marraine, comme on va le voir, de l'accès à internet. Autant dire que le seul abonnement qui pourra être suspendu est celui qui ne sert qu'à pirater à l'exclusion de tout blogging, twitting, facebooking, netsurfing et autres mot en -ing visant à précipiter les Académiciens vers une mort prématurée par apopléxie.

Le Conseil a posé ses banderilles. Vient le moment tant attendu de l'estocade. Cette fois, le Conseil frappe pour tuer.

Les annulations.

Les annulations portent sur toutes sur le même point : la répression des manquements à l'obligation de surveillance.

Rappelons d'une phrase le mécanisme de la loi HADOPI : tout abonné à internet a l'obligation de veiller à ce que son abonnement ne serve pas à pirater, peu importe qui pirate ; tout piratage constaté depuis un abonnement donné est une violation de cette obligation par le titulaire de cet abonnement, qui peut être sanctionné, après deux avertissements, par une suspension de l'abonnement décidée par une autorité administrative, la Commission de Protection des Droits (et non la HADŒPI), hors de toute procédure judiciaire.

Et c'est là que le bât blesse pour le Conseil constitutionnel. Au cours des débats, on a beaucoup entendu dire et répéter que, que diable, il n'y a pas de droit à l'abonnement à internet, et qu'internet n'est pas un droit fondamental[4]. Le Conseil disconvient respectueusement (§12) :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ; qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services ;

Internet ne devient pas une liberté fondamentale, mais le voici le pupille de la liberté d'expression, ce qui le met sur un beau piédestal.

Mais le Conseil constitutionnel apporte aussitôt un tempérament (§13), en rappelant qu'on est ici dans un conflit entre deux droits fondamentaux : la liberté d'expression, dont internet est le prophète, et la propriété, dont le droit d'auteur est une variante immatérielle mais tout aussi protégée.

Face à ce conflit, le législateur a un certain pouvoir d'appréciation :

Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines[5] ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle (§14).

Là, on retient son souffle. HADOPI est-elle sauvée ? Une incise pendant que vous virez lentement au rouge puis au bleu : ce genre de conflits entre des principes d'égale valeur mais contradictoires est le cœur de ce qu'est le droit. C'est l'essence du travail du juriste que de résoudre ce conflit, non pas en disant lequel des deux l'emporte, mais en délimitant le territoire de chacun selon les hypothèses. Dans tels et tels cas, le premier l'emportera, mais avec ces limites ; dans telles autres, ce sera le second, mais là encore dans telles limites pour préserver le premier. Exemple typique : le juge pénal, qui doit concilier la nécessité de la répression d'un comportement interdit avec celle de réinsérer l'individu qui a commis ces faits. Punir le passé en tenant compte du présent sans insulter l'avenir. On n'est pas trop de trois (le juge, le procureur et l'avocat) pour y arriver.

Allez-y, vous pouvez respirer : ici, c'est la liberté d'expression qui l'emporte, et le couperet tombe aussitôt sur la loi.

Le Conseil rappelle d'abord que « la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés » ; et « que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi » (§15). Tous ceux qui ont lu la loi savent déjà que c'en est fini de son mécanisme répressif. Pour les autres, le Conseil continue :

les pouvoirs de sanction institués par les dispositions critiquées habilitent la commission de protection des droits, qui n'est pas une juridiction[6], à restreindre ou à empêcher l'accès à internet de titulaires d'abonnement ainsi que des personnes qu'ils en font bénéficier ; que la compétence reconnue à cette autorité administrative n'est pas limitée à une catégorie particulière de personnes mais s'étend à la totalité de la population ; que ses pouvoirs peuvent conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins ;

En clair : la liberté d'expression ne s'efface pas pour protéger des intérêts économiques catégoriels aussi nobles soient-ils (rires).

Le coup est mortel mais alors que la bête titube encore, le Conseil porte une seconde estocade : la loi HADOPI piétine également la présomption d'innocence.

En effet, la loi HADOPI met en cause la responsabilité de l'abonné par la simple constatation du piratage, qui suffit à mettre en branle la machine à débrancher, sauf à ce que l'abonné démontre que le piratage est dû à la fraude d'un tiers (je laisse de côté la force majeure, qui exonère de toute responsabilité sans qu'il soit besoin de le prévoir dans la loi, et l'installation du logiciel mouchard, qui au contraire interdit de facto à l'abonné d'invoquer la fraude d'un tiers). Preuve impossible à rapporter.Ce renversement de la charge de la preuve aboutit à faire de l'abonné mis en cause un coupable jusqu'à ce qu'il prouve son innocence(§18). C'est prévu par le code pénal nord coréen, mais pas par le nôtre. Le législateur a imaginé ce mécanisme anticonstitutionnellement[7]

La bête s'écroule et le Conseil prélève les deux oreilles et la queue : toutes les dispositions donnant un pouvoir de sanction à la Commission de Protection des Droits sont annulées.

Conclusion : la loi HADOPI est-elle morte ?

Elle est en coma dépassé : son corps vit encore mais son esprit a basculé dans le néant. Le reste de la loi étant validé, le président de la République a quinze jours pour la promulguer, ou demander au parlement une seconde délibération (art. 10 de la Constitution). La HADŒPI sera créée (mon petit doigt me dit qu'elle va fusionner avec l'Autorité de Régulation des Mesures Techniques créée par DADVSI), ainsi que la CPD. La HADŒPI se contentera donc de délivrer son label “ ici, on télécharge légalement, lol ” à qui en fera la demande, et remplira ses autres missions, purement consultatives.

Le Conseil constitutionnel tire d'ailleurs les conclusions de son annulation et de l'absence de jugeotte du parlement en donnant le mode d'emploi qui ne manque pas d'ironie (§28) :

…à la suite de la censure résultant des considérants 19 et 20, la commission de protection des droits ne peut prononcer les sanctions prévues par la loi déférée ; que seul un rôle préalable à une procédure judiciaire lui est confié ; que son intervention est justifiée par l'ampleur des contrefaçons commises au moyen d'internet et l'utilité, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie ; qu'il en résulte que les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre par les sociétés et organismes précités ainsi que la transmission de ces données à la commission de protection des droits pour l'exercice de ses missions s'inscrivent dans un processus de saisine des juridictions compétentes ;

Traduction : la CPD existera bel et bien mais sera cantonnée à un travail d'avertissement sans frais (les mises en garde par courrier existent toujours, tout comme l'obligation de surveillance de sa ligne, mais elles ne peuvent aboutir à des sanctions), de filtrage et de préparation des dossiers pour l'autorité judiciaire, dans le but, et c'est là qu'on voit que le Conseil constitutionnel a le sens de l'humour, de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie.

Bref la machine à punir 10.000 pirates par jour devient la machine à s'assurer qu'on ne poursuive pas trop de pirates, emporté par l'enthousiasme au mépris de la charge de travail des tribunaux au budget insuffisant.

On n'avait pas vu un tel succès législatif depuis la promulgation-abrogation du Contrat Première Embauche en 2006.


Voir aussi l'avis de Jules, toujours le plus rapide s'il n'a pas un verre de Chardonnay dans une main et la taille d'une jolie fille dans l'autre.

Notes

[1] Oui, c'est un appeau à troll, mais c'est quand même vrai.

[2] Ce verbe sera utilisé, brevitatis causæ, dans le sens de “ reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise ”, afin d'économiser ma bande passante.

[3] Rappelons qu'une adresse IP permet d'identifier l'accès internet utilisé, mais pas forcément l'ordinateur utilisé si plusieurs sont connectés, et en aucun cas la personne devant son clavier.

[4] Jean-François Copé, président du groupe UMP (quand il a le temps d'être à l'assemblée), le 24 mai 2009 sur Europe 1.

[5] C'est à dire que toute faute amenant à une sanction doit avoir été prévue par la loi, de même que la sanction qui l'accompagne : pas d'arbitraire en ce domaine.

[6] Spéciale dédicace à Franck Riester, rapporteur du texte, qui a affirmé le contraire le 4 mai 2009 dans l'hémicycle, juste avant qu'un prix Busiris ne lui frôle les oreilles.

[7] Pour une fois qu'on a l'occasion de l'utiliser, lâchons-nous.

mercredi 20 mai 2009

Prix Busiris pour Christine Albanel

L'Académie Busiris a le plaisir de décerner à madame le ministre de la culture et de la communication, madame Christine Albanel, son deuxième prix Busiris.

Christine Albanel, le regard dans le vide, contemple donc la loi HADOPI.

Le prix a fait débat car le propos soumis aux Sages ne porte pas sur le droit en général, mais sur un texte en particulier, la loi HADOPI, vous aviez deviné. L'Académie est, selon le mot d'Anatole Turnaround, gardienne de l'utilisation du droit dans le discours public. Autant elle est enthousiaste dès lors que c'est le raisonnement juridique même qui est lâchement exécuté à des fins inavouables, autant dès lors qu'un politique fait montre de la simple mécompréhension d'un texte, elle renâcle. L'Académie n'a jamais exigé que ceux qui font la loi la comprissent, mais tout au plus qu'ils évitassent de l'invoquer pour celer leurs turpitudes.

Néanmoins, le vote a finalement été emporté par le spectaculaire contresens sur la disposition essentielle d'un texte que le ministre a porté à bouts de bras sur les fonts baptismaux, contresens qui ne peut être accidentel et montre bien que la torsion imposée par cette loi à des principes élémentaires du droit fait du déni de la réalité l'échappatoire la plus facile et ainsi préférée à l'explication pédagogique.

Le propos récompensé est le suivant (source : Lemonde.fr) :

Interrogée sur le problème du coût du logiciel de sécurisation (appelé abusivement “ le mouchard ”) censé prévenir toute utilisation abusive de la connexion ET tout téléchargement de contenu protégé, coût qui sera supporté par l'utilisateur comme l'a confirmé le rapporteur du texte, le ministre réplique que ce n'est pas un problème car… :

Si vous ne piratez pas, non seulement vous ne risquez pas de suspension, mais vous n'êtes pas obligés de mettre un logiciel de sécurisation.

Pour bien comprendre la beauté du propos, il faut rappeler ici brièvement le mécanisme mis en place par la loi.

La loi crée une présomption de responsabilité pesant sur le titulaire d'un abonnement internet servant à télécharger des œuvres protégées[1]. Dès lors qu'un agent assermenté (salarié des sociétés de gestion collective des droits d'auteur, et non agent de l'État) constate que l'adresse IP correspondant à cet abonnement est utilisée pour télécharger un contenu protégé, la Commission de Protection des Droits, rattachée administrativement à la HADŒPI mais juridiquement indépendante, lance le processus d'avertissement (courrier électronique puis papier recommandé, étant précisé qu'à aucun moment l'abonné n'est informé du contenu protégé qu'il est supposé avoir téléchargé) avant de prononcer la suspension de l'abonnement.

Le simple constat par l'agent assermenté établit la responsabilité du titulaire de l'abonnement. Celui-ci ne peut s'exonérer de cette responsabilité qu'en établissant l'usage frauduleux de son abonnement par un tiers (preuve quasi impossible à rapporter), la force majeure (cause extérieure, irrésistible et imprévisible, difficile à concevoir ici) ou en installant un logiciel homologué censé prévenir aussi bien l'usage frauduleux de l'abonnement que le téléchargement de contenu illicite (ce qui suppose qu'il surveille la connexion à internet d'où le terme de mouchard). Tout ça est contenu dans le futur article L.336-3 du code de la propriété intellectuelle (sous réserve de sa validation par le Conseil constitutionnel).

Ainsi, comme vous le voyez, il y a bel et bien un risque de suspension d'abonnement pesant sur celui qui ne pirate pas. La loi le prévoit implicitement en lui indiquant comment il peut éviter cette suspension.

Là où la contre-vérité touche au sublime et donc au Busiris, c'est quand le ministre dit qu'il existerait un quatrième moyen de se prémunir contre le risque de suspension et dispensant d'installer le “ mouchard ” : en ne téléchargeant pas des contenus protégés. En effet, si le crime disparaît, plus personne n'a à redouter d'être puni.

Mais le mouchard vise expressément à protéger celui qui ne veut pas pirater contre celui qui voudrait pirater frauduleusement de chez lui. Dès lors, celui qui ne veut pas pirater non seulement a l'utilité de ce logiciel mais a même tout intérêt à l'installer. De fait, seul celui qui ne veut pas pirater a un intérêt à installer un tel logiciel, et non celui qui veut pirater, puisque ce logiciel l'en empêcherait. Le propos du ministre est donc un total contresens de la loi, et est aberrant en ce qu'il revient à dire que seuls les voleurs devraient installer des serrures à leur porte, et non les honnêtes gens.

Le propos est émis de mauvaise foi car ce serait faire injure à l'intelligence du ministre que de penser qu'elle ait pu croire un seul instant sérieusement que seuls les pirates seraient obligés d'installer un logiciel anti-piratage.

Quant à l'opportunité politique, il s'agit pour le ministre de répondre par une interprétation contra legem au souci des innocents se sentant floués par cette loi qui met à leur charge la lutte contre ce qu'ils ne pratiquent pas, par l'argument classique du : “ seuls les méchants ont à craindre les lois sécuritaires qui par leur nature ne concernent pas les honnêtes citoyens, qui n'ont rien à cacher ”.

Un ministre qui n'assume pas la loi que le gouvernement auquel il appartient a fait adopter aux forceps au point d'en cacher le contenu réel répond à tous les critères de l'opportunité politique et de la mauvaise foi.

Félicitations au ministre, qui ne partira pas les mains vides de la rue de Valois.

Notes

[1] …par le droit d'auteur s'entend : Musique, logiciel, films soumis aux droits d'auteur : rappelons que télécharger un morceau de musique ou un film n'est pas illégal en soi : il peut être dans le domaine public ou l'auteur peut avoir renoncé à ses droits (licence creative commons). Le téléchargement illicite d'œuvre protégé est appelé brevitatis causa “piratage ”.

vendredi 8 mai 2009

Responsabilité des magistrats: Dati busirisée une septième fois.

L'académie Busiris récompense pour la septième fois Madame Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, pour les propos suivants, tenus le 5 mai 2009 à l'assemblée nationale:

Si ça relève du privé, évidemment, le garde des Sceaux n'est pas en charge de la vie privée des magistrats

Rachida Dati tâchant difficilement de garder un visage serein après cette septième consécration- Photo ministère de la justice

Indifférence des Mékéskidi qui n'y virent que bon sens. Stupeur des magistrats qui y virent le déguisement de leur régime disciplinaire. Mobilisation immédiate de l'académie, qui, à la majorité absolue, y vit une affirmation juridiquement aberrante, teintée de mauvaise foi, et mue par l'opportunité politique plus que par le respect du droit. Paraissaient réunies les trois conditions d'attribution de la célèbre distinction éolassienne.

L'affaire

Le groupe Casino et une famille Baud, fondatrice des enseignes Leader Price et Franprix, s’étripent judiciairement pour se disputer un milliard d’euros. Deux instructions judiciaires sont en cours au tribunal de Paris. L’une contre Baud sur plainte de Casino. L’autre contre Casino sur plainte de Baud. Les deux juges ont donné commission rogatoire à la brigade financière de Paris. Or, voilà que le bon procureur de Nanterre, qui n’est pas à Paris et qui n’est donc pas en charge des dossiers instruits à Paris, mais qui est donné pour devenir le prochain procureur de Paris, et dont la femme est chargée de mission à la fondation du groupe Casino, ce qui le mettrait en position délicate dans les deux affaire Baud contre Casino et réciproquement, aurait donné chez lui un dîner. Et à ce dîner, il aurait réuni, outre sa conjugale chargée de mission de Casino, le PDG de Casino, l’avocat de Casino et le chef de la brigade financière chargée du dossier Casino. On ne sait trop ce qui s’est dit à table, mais, informés de ces agapes privées entre professionnels, les deux juges d’instruction ont montré leur courroux en retirant promptement leurs enquêtes à la brigade financière.

Le 5 mai 2009, à l’Assemblée nationale, Madame Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, interpellée par un honorable parlementaire sur l’hospitalité du procureur, et pressée de dire si elle envisageait contre lui quelque sanction, a solennellement clamé cette phrase à graver dans le marbre:

Si ça relève du privé, évidemment, le garde des Sceaux n'est pas en charge de la vie privée des magistrats

L'académie précise n'avoir aucune idée de l'éventuel caractère fautif du procureur hospitalier. Cette question ne ressortit pas à sa compétence.

En revanche, l'académie, gardienne de l'utilisation du droit par les politiques, ne peut laisser dire que la vie privée des magistrats échappe à la responsabilité disciplinaire. L'issue piteuse des poursuites disciplinaires contre le juge Burgaud, l'annonce par le président de la République d'une accentuation de la responsabilité personnelle des magistrats, et l'hostilité vraisemblablement grandissante du peuple envers les juges perçus comme irresponsables, imposent de faire circuler cette information méconnue: Les magistrats sont responsables disciplinairement de leur vie privée.

Première condition d'attribution du prix: l'aberrance juridique.

Tout magistrat, et Madame Dati comme les autres, a embrassé sa glorieuse carrière en jurant, la main droite levée sous les ors de la grande salle d’audience de la cour d’appel de Bordeaux, de bien et fidèlement remplir (ses) fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de (se) conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. En tout. Ces deux mots, apprend-on à l’Ecole Nationale de la Magistrature, rendent les magistrats responsables disciplinairement de leur vie professionnelle, mais aussi de leur vie privée.

De même tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire, ainsi que l'énonce sans ambiguïté l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature. Tout manquement. Y compris dans la vie privée.

La fréquentation de prostituées, la malhonnêteté dans une opération immobilière, l’abandon d’une voiture après avoir causé un grave accident, le retard important à régler une facture, le non respect des obligations fiscales, quelques violences sur une concubine, et bien d’autres agissements privés ont été sanctionné car, bien que privés, ils rejaillissaient sur l'institution et en ternissaient l'honorabilité.

L’autorité disciplinaire qui statue sur ces fautes de la vie privée est le Conseil supérieur de la magistrature. Pour les magistrats du siège (article 50-1 du Statut de la magistrature), le conseil est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse la garde des sceaux, ministre de la justice Pour les magistrats du parquet (article 63 du Statut de la magistrature), le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur compétente pour la discipline des magistrats du parquet, des faits motivant une poursuite disciplinaire contre un magistrat du parquet. Dans un cas comme dans l'autre, le garde des sceaux est à la manoeuvre en cas de faute disciplinaire.

Les décisions disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature ont été minutieusement collationnée et offertes à la consultation publique. Les curieux pourront s'en repaître sur le site du conseil. Et, y trouver confirmation que le garde des sceaux est bien ''en charge de la vie privée des magistrats, lorsque celle-ci rejaillit sur l'institution judiciaire.

Deuxième condition d'attribution du prix: la teinture de mauvaise foi.

Rappelons que la garde des sceaux est interrogée sur les suites disciplinaires qu'elle entend réserver à un de ses procureurs qui recevait, certes chez lui, le président d'une société tour à tour plaignante et mise en cause dans plusieurs gros dossiers instruits dans un tribunal voisin, l'avocat de la même société et le chef des policiers financiers chargés de l'enquête par les juges d'instruction. Ajoutons que le dit procureur semble promis au poste de procureur du tribunal où ces dossiers sont instruits, ce qui lui donnerait de l'influence sur leur aboutissement. Et ajoutons encore que la femme de ce procureur serait rémunérée par la société, en qualité de chargée de mission d'une fondation.

Quel sens donner à la démarche de ce procureur ? Sa femme est en relation d'intérêt avec la société, il régale à ses frais le président et l'avocat de la société, il rapproche intimement les deux précédents et le policier chargé des enquêtes. Enfin il court-circuite les deux juges d'instruction, qui légalement sont les seuls à piloter les dossiers (ces deux juges ont vu rouge et, derechef, ont dessaisi le policier repu).

Envisager qu'un tel dîner puisse relever exclusivement de la sphère privée constitue déjà largement la mauvaise foi exigée pour l'attribution du prix. Et l'envisager pour proclamer inexactement que la vie privée des magistrats échappe au domaine du disciplinaire, de la part d'un magistrat, ministre des magistrats et ne pouvant ignorer le statut des magistrats, vient constituer doublement la mauvaise foi requise.

Troisième condition d'attribution du prix: le mobile d'opportunité politique.

La question est ici plus délicate.

La garde des sceaux ne souhaitait-elle pas protéger le magistrat mis en cause par solidarité avec ses hommes. L'académie n'a envisagé cette hypothèse que le temps nécessaire pour l'écarter, la trouvant peu compatible avec la rudesse habituellement endurée par les procureurs, du premier secoué, Philippe Nativel, au dernier évincé, Marc Robert.

Ne restait que l'hypothèse de la servilité politique. A en croire le blog du journaliste Michel Deléan, proche de Nicolas Sarkozy, qui lui a remis les insignes d'officier de l'ordre du Mérite, le 24 avril à l'Elysée (en présence des avocats Paul Lombard, Jean-Michel Darrois et Jean-Yves le Borgne), Philippe Courroye est cité comme probable successeur de Jean-Claude Marin au poste envié de procureur de Paris.

La fidélité de Madame Dati au président de la République est de commune renommée. Elle suffit à faire présumer chez elle le souci d'épargner un proche du président, haut magistrat promis à encore plus d'altitude. La troisième condition est réunie.

Attribution du prix

L’académie Busiris décerne à Madame Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, son septième prix Busiris, lui présente ses très respectueux compliments, et lui confirme que, contrairement à ce qu'elle fait mine de croire, en cas de vie privée fautive d'un magistrat de son ministère, elle est bien en charge du problème. En termes plus clairs, elle s’occupe de ce qu’on lui donne à s’occuper et puis... elle s’occupe de ce qu’on lui donne à s’occuper avec les personnes qui peuvent porter ses affaires à s’occuper .

Sous vos applaudissements.

jeudi 7 mai 2009

Prix Busiris pour madame Christine Albanel

Le Ministre de la culture et de la communication avait avec la loi HADOPI un terreau fertile et pourtant, elle aura attendu avant d'obtenir ce prix bien mérité, grâce à cette loi, ça va de soi.

Christine Albanel, cherchant désespérément du regard le paquet télécom qu'elle venait juste de poser là.

Le propos primé est le suivant, tenu dans un communiqué de presse à la suite de l'adoption cette nuit par une écrasante majorité de l'amendement 168 138 au « paquet telecom » posant le principe que toute suspension d'une connexion à l'internet doit être décidée par un juge :

Christine Albanel prend acte du vote intervenu ce matin au Parlement européen, amendement qui n'a aucun lien direct avec le projet de loi Création et Internet et qui a pour seul effet d'en retarder l'adoption définitive.

L'affirmation est déjà aberrante en soi : comment un acte législatif pourrait-il ne pas avoir de lien direct avec une loi dont il entraîne le report de l'adoption définitive (ce qui accessoirement est faux) ?

Mais elle est aussi juridiquement aberrante, ce qui caractérise le prix Busiris, qui récompense l'invocation à tort et à travers du droit pour justifier une position purement politique.

Voici en quoi.

D'abord, qu'est-ce que le « paquet telecom » ? Du jargon européen dont la suppression définitive devrait être la priorité de l'Union dans les mois à venir. L'UE est assez compliquée comme ça pour éviter d'employer des termes aussi peu clairs hormis pour les initiés. Il s'agit d'une révision simultanée de plusieurs directives visant des domaines différents mais concernés par la réforme projetée, afin de coordonner les modifications à apporter. On parle de “paquet” car les trois révisions sont solidaires : elles forment un tout indivisible. Le paquet telecom regroupe ainsi les directives sur les communications électroniques, les droits des utilisateurs d'internet et la création d'un nouvel Organe des régulateurs européens de télécommunications (ORET) (procédures COD/2007/247, 248 et 249).

Dès lors que l'Europe se penche sur les droits des utilisateurs d'internet, il est déjà osé de dire que ça n'a rien à voir avec la loi HADOPI qui vise à prévoir une sanction administrative des utilisateurs d'internet.

Mais quand en plus un amendement est déposé par un eurodéputé français, Guy Bono, et un autre eurodéputé, certes Allemand, mais du plus français des allemands puiqu'il s'agit de Daniel Cohn Bendit, et qu'il est candidat en France en juin prochain, et déposé spécifiquement pour contrer le projet de loi HADOPI, là, ça devient de l'aveuglement… Bessonnien.

D'ailleurs, le site du Parlement Européen ne s'y trompe pas et commente l'information en expliquant, dans son communiqué, après avoir rappelé que cet amendement avait été adopté par le parlement en première lecture, repoussé à l'unanimité par le Conseil[1] et a à nouveau été adopté par 407 voix pour, 57 voix contre et 171 abstentions (dont beaucoup d'eurodéputés socialistes français, sans doute coincés derrière un rideau…) :

En France, la loi "Création et Internet", actuellement examinée par l'Assemblée nationale, a pour objectif de lutter contre la violation des droits d'auteurs. Elle prévoit notamment pour les personnes qui téléchargent illégalement une "riposte graduée" pouvant aller, en cas de récidive, jusqu'à couper l'accès à Internet. Le droit de suspendre un accès à Internet serait confié à une autorité connue sous le nom d'"Hadopi". Le texte qui suscite de nombreux débats devrait être soumis au vote le 12 mai.

Bref, ça n'a tellement rien à voir que le parlement trouve naturel d'expliquer pourquoi cet amendement a été déposé et adopté : pour contrecarrer l'initiative française HADOPI. Mais sinon ça n'a rien à voir.

Bon, sur ce point, Christine Albanel a une excuse : ce n'était pas elle qui siégeait au Conseil européen du 27 novembre 2008 ayant repoussé une première fois l'amendement HADOPI-killer, mais… Éric Besson. Décidément, dès qu'il s'agit de nier la réalité, il n'est jamais loin, celui-là.

Donc cette adoption a un lien direct avec la loi HADOPI, d'autant plus que l'adoption de cette directive révisée obligerait la France à mettre sa législation en conformité… et donc de supprimer le pouvoir de la Commission de Protection des Droits créée par cette loi de suspendre l'abonnement à internet des contrevenants présumés. Et là, plus rien n'est certain. Si la France a obtenu le rejet à l'unanimité de l'amendement Bono en novembre 2008, ses partenaires vont s'impatienter de voir traîner le paquet (je ne parle pas de Christine Albanel mais bien du paquet telecom), d'autant que le parlement ayant adopté deux fois cete position à une large majorité, il en fait donc une question de principe, et les 26 autres États membres peuvent passer outre l'opposition de la France pour adopter le texte incluant l'amendement Bono, puisqu'il s'agit d'un vote à la majorité qualifiée. Comme le dit Jean Quatremer sur son excellent blog :

les intérêts financiers en jeu dans cette affaire sont énormes, à la fois pour les États et les opérateurs, et dépassent très largement la seule loi Hadopi : nouveau régulateur européen, protection de la vie privée sur le web, ouverture des marchés des réseaux à grande vitesse et des spectres radios, réforme de la directive GSM. Un rejet retarderait l’adoption d’un nouveau paquet de trois à quatre ans… Les partenaires de la France pourraient donc estimer que le jeu n’en vaut pas la chandelle : le pouvoir de Paris est limité, ce paquet pouvant être adopté à la majorité qualifiée.

Et c'est là que nous touchons le second aspect juridiquement aberrant, mais qui relève peut-être d'une maladresse de rédaction.

L'adoption de l'amendement Bono n'a aucune conséquence sur l'adoption par le parlement français de la loi HADOPI mardi prochain, qui ne devrait pas poser de problème vu le nombre des députés UMP qui seront présents, sauf à ce que les députés socialistes maîtrisent d'ici là le Kage Bunshin no Jutsu . Il la condamne à brève échéance, mais le processus législatif n'est pas affecté.

La loi HADOPI sera adoptée, entrera en vigueur, et le restera jusqu'à ce que le paquet Telecom entre à son tour en vigueur et le cas échéant oblige la France à modifier la loi HADOPI en conséquence (c'est à dire en prévoyant l'intervention d'un juge avant la suspension). L'Union Européenne ne peut en aucun cas intervenir sur un processus législatif national en cours. C'est le Conseil constitutionnel qui veille à ce que les lois adoptées ne violent pas le droit européen.

Mais sur ce point, je pense qu'il s'agit d'une maladresse de rédaction. Le ministre voulait sans doute dire que l'amendement Bono adopté retardait l'adoption du paquet telecom, et non de la loi HADOPI : en effet, un vote conforme par le parlement européen aurait adopté le paquet ; au lieu de ça, le paquet doit aller en procédure de conciliation (notre commission mixte paritaire assemblée-Sénat, en quelques sortes), et devrait être examiné par le conseil européen du 17 décembre prochain.

En conclusion, Christine Albanel, lâchée par deux parlements, se réfugie derrière le droit européen qu'elle sait depuis le 29 mai 2005 largement incompris des Français pour nier deux revers politiques, le tout à proximité d'un remaniement ministériel dont elel risque de faire les frais.

Félicitations, madame le ministre, pour ce prix bien mérité, qui couronne presque une année d'efforts.

Notes

[1] Rappelons que le Conseil Européen est avec le parlement européen le second organe législatif de l'Union Européenne ; si le parlement représente les citoyens à due proportion de leur poids démographique, le Conseil représente les États membres sur un pied d'égalité et est constitué des ministres concernés des différents gouvernements. Le Conseil a le dernier mot, mais c'est de moins en moins le cas au fil des traités et le futur traité de Lisbonne renforce encore ses pouvoirs.

jeudi 30 avril 2009

Prix Busiris pour Éric Besson

Le travail finit toujours par payer.

Et cela faisait deux semaines que notre très cher[1] ministre au titre interminable œuvrait pour rentrer dans le club des happy fewsl'attendait déjà son prédécesseur.

Portrait d'Éric Besson, qui s'affiche à droite, naturellement, rougissant d'aise de ce prix et déjà le regard dans le lointain se demandant ce qu'il va pouvoir inventer pour le deuxième. Photo ministère de l'Oriflamme et des Sarrasins.

Il l'avait déjà manqué d'un cheveu lors de son affirmation sur la crédibilité du GISTI et son délit mythique, mais dans son Grand Arrêt GISTI, l'Académie Busiris avait écarté le recours de l'association (Acad. Busiris, ass., 25 avril 2009, GISTI et autres, concl. Eolas, à paraître au recueil Tébonne et aux Grands Arrêts de l'Académie Busiris dès que Dalloz est intéressé) en retenant que l'affirmation était aberrante et mensongère, mais pas juridique, ce qui est un critère essentiel d'attribution du prix (v. dans le même sens : Acad. Busiris, ass., 10 nov. 2008, ''André Ride'', concl. Fantômette).

Le cabinet du ministre a donc pris en compte cette jurisprudence constante et a produit ce communiqué publié sur le site du Ministère-qui-a-beaucoup-de-I-et-un-peu-de-N, qui permet au ministre de remporter haut la main le prix tant convoité.

Passons sur la réitération de la décrédibilisation du GISTI. Wishful thinking comme disent nos collègues de l'Académie Française : ce n'est pas à force de le répéter que ça deviendra vrai.

Voici le paragraphe concerné (les gras sont d'origine) :

Éric Besson rappelle qu’en droit pénal, un délit n’est constitué que si son auteur a eu l’intention de le commettre. Or, en aucun cas, ce caractère intentionnel ne peut être constitué à l’égard d’un acte accompli à titre humanitaire. C’est pourquoi aucune poursuite ni condamnation n’a jamais visé une personne ayant accompli un tel acte.

Eh oui, j'entends déjà les parquetiers et les juges des juridictions pénales applaudir. Le silence venant des rangs des Mékeskidis étant embarassant, décomposons pour eux.

« un délit n’est constitué que si son auteur a eu l’intention de le commettre. » Jusque là, c'est bon. C'est l'article 121-3, alinéa 1er du Code pénal :

Il n'y a point de crime ou de délit sans l'intention de le commettre.

Notons que le reste de l'article n'est qu'exceptions à ce principe, mais aucune ne s'applique au délit d'aide au séjour, qui est un délit volontaire. Je vais revenir tout de suite sur le sens exact de cet article car le prix Busiris vient du fait que le ministre lui fait dire tout autre chose.

« Or, en aucun cas, ce caractère intentionnel ne peut être constitué à l’égard d’un acte accompli à titre humanitaire. » Voilà l'affirmation juridiquement aberrante. Elle est bien juridique car c'est du droit pénal. En quoi est-elle aberrante ? Faisons un peu de B-A-BA du droit pénal (c'est un des premiers cours de droit pénal général).

Une infraction, pour être constituée suppose la réunion de trois éléments.

L'élément légal : le comportement doit être incriminé par un texte antérieur à sa commission, qui doit définir le comportement ET prévoir la peine. Sinon, ce n'est pas un délit. Démonstration avec le cas Georges Frêche.

L'élément matériel : il faut un comportement caractérisé, qui peut être une action (frapper autrui, lui voler sa chose), ou plus rarement une omission (omission de porter secours, non dénonciation de crime…).

Et enfin l'élément moral de l'infraction : agir en connaissance de cause. Ce qui exclut le fou (de la condamnation, mais désormais plus du jugement). L'élément moral peut changer la nature de l'infraction même si l'élément matériel est le même. Ainsi, lancer une pierre qui blesse quelqu'un et le tue : si vous avez imprudemment lancé la pierre sans vous assurer que personne n'était dans la trajectoire, c'est un homicide involontaire. Si vous l'avez lancé vers cette personne pour lui faire peur, ce sont des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Si vous vouliez le tuer, c'est un meurtre. Pour le vol, l'élément moral est la conscience de ce que la chose appréhendée appartient à autrui. Pour l'escroquerie, c'est la conscience que la chose est remise par l'effet de la tromperie.

Et pour le délit d'aide au séjour irrégulier, l'élément moral est la conscience de ce que la personne que l'on aide est en situation irrégulière. Point.

Un principe essentiel du droit pénal, que j'avais rappelé à l'occasion de l'agression filmée dans un bus de nuit, est que les mobiles de celui qui commet l'infraction sont indifférents pour constituer l'infraction, sauf exception comme le mobile raciste. Le mobile est pris en compte une fois la culpabilité établie pour personnaliser la peine. Une illustration classique de cet état de fait sont les affaires dites d'euthanasie. Une personne en tue une autre. C'est généralement un proche, ou un soignant, mû par le désir de mettre fin aux souffrances considérées comme insupportables du patient (et peut-être aussi de ses proches…). L'opinion publique, aussi partagée fût-elle sur la question, est dans l'ensemble d'accord pour accorder une certaine indulgence à ceux qui commettent l'acte. Il demeure : c'est un meurtre. C'est pourquoi le docteur Tramois a été condamné à un an de prison avec sursis (la peine minimale, non inscrite au casier judiciaire qui plus est) pour avoir mis fin aux jours d'une patiente atteinte d'un cancer en phase terminale, et que le parquet a fait appel de l'acquittement de Lydie Debaine du meurtre de sa fille de 26 ans.

Donc, comme vous le voyez, l'élément moral d'une infraction peut être constitué même quand celui qui agit l'accomplit à titre humanitaire.

Revenons-en à notre délit d'aide au séjour. Voici la définition de ce délit (article L.622-1 du CESEDA) :

Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros.

La loi prévoit des exceptions (art. L.622-4 du CESEDA) :

ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsqu'elle est le fait :

1° Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément ;

2° Du conjoint de l'étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s'appliquent pas lorsque l'étranger bénéficiaire de l'aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d'une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

Comme vous le constaterez, la loi ne prévoit aucune exception pour motif humanitaire. J'ajouterai que celui qui héberge son fils, son frère, son époux agit pour des motifs humanitaires : l'amour d'autrui. Or il a fallu l'exclure expressément de la loi. C'est donc que sans cela, il aurait été condamné. Et si vous doutez encore, sachez que c'est justement quand des juridictions répressives ont commencé à condamner des frères et des époux que la loi a été modifiée (vous trouverez copie de ces décisions sur le site du GISTI : voyez l'année 1996, par exemple).

Voici pour l'affirmation juridiquement aberrante, qui vaudrait à son auteur de redoubler sa deuxième année de droit ou de devenir conseillère à la communication du ministre, je ne sais pas ce qui est le pire (je plaisante, Laure, je sais que tu aurais préféré repiquer).

Le caractère facultatif du contradictoire et aussi présent, mais discret, en ce qu'Éric Besson affirme qu'un acte accompli à titre humanitaire serait accompli sans intention de le commettre. Humanitaire, folie, tout ça, c'est un peu la même chose, n'est-ce pas ?

La mauvaise foi est ici évidente, tant l'obstination du ministre à persévérer dans son mensonge avec l'abnégation du kamikaze, en calomniant au passage l'organisation la plus respectée en matière de droit des étrangers suscite l'admiration (tenez, encore aujourd'hui sur France Info).

Enfin, le mobile (qui n'est pas indifférent au prix Busiris) d'opportunité politique l'emportant sur le respect du droit ne fait pas débat ici.

Un prix Busiris d'école, donc : un sans-faute. Ça valait le coup d'attendre.

Décidément, Éric Besson, c'est comme le délit de solidarité : s'il n'existait pas, il faudrait l'inventer.

Notes

[1] Trente deniers, c'est pas donné…

lundi 20 avril 2009

Prix Busiris pour Christian Estrosi

C'est sous les acclamations que l'Académie Busiris, qui l'avait depuis longtemps dans son collimateur, a décerné son (premier, l'impétrant est prometteur) Prix Busiris à Christian Estrosi, député maire de Nice, ancien Champion de moto[1] mais qui a pourtant raté l'Intérieur en 2007[2], impérissable auteur de phrases immortelles telles que :

Je veux aujourd'hui annoncer solennellement que Nice sera demain ma seule priorité (sic).

Le 10 mars 2008, 2 mois avant d'être candidat à la députation.

Ou bien, interpellé à l'Assemblée quand il était ministre délégué à l'aménagement du territoire sur les délais de procédure de naturalisation :

Qu'est ce que quatre heures d'attente pour devenir français ?

alors que le gouvernement auquel il espère bientôt appartenir pour démontrer une fois de plus que Nice est sa priorité, vient de s'émouvoir que le délai était plutôt… de dix ans ?

Bref, l'Académie piaffait : quand est-ce que le prioritaire vrombissant allait enfin décrocher la timbale ?

Grâces soient rendues à Jean-Michel Aphatie, c'est lui qui a fourni l'occasion, ce matin, sur RTL. Et je dois dire que l'Homme au Casque de Gomina nous a gâté.

Jean-Michel Aphatie : Vous savez combien de lois le Parlement a votées sur la sécurité depuis 2002 ?

Christian Estrosi : Oui, nous avons voté 6 ou 7 lois.

J.-M. A. : 17.

C. E. : 17, bon ...

En fait, du 1er janvier 2002 au 18 juillet 2008, le droit pénal français (je ne compte pas la procédure pénale) a été modifié par 116 lois. Je vous fais grâce des décrets, mais comptez facilement le double. Source : table chronologique, code pénal, Ed. Dalloz, 106e édition, Paris, 2009.

J.-M. A. : 17. Extension de la comparution immédiate, sanction contre les regroupements dans les immeubles, allongement de la garde à vue pour les 16-18 ans, loi sur la récidive, renforcement du pouvoir des maires ... 17 lois !

C. E. : J'ai été présent sur tous ces textes ...

Tellement présent que je ne sais même pas combien il y en a.

J.-M. A. : Et il faut en voter encore ?

C. E. : Et il faut en voter. Il faudra encore en voter parce que vous savez, le XXIème siècle avec l'arrivée des nouvelles technologies, avec Internet, avec la vidéo protection, avec tout ce qui fait que la délinquance s'adapte en permanence aux nouvelles législations. Vous savez, les délinquants dans les cités, ils lisent eux aussi le code pénal et le code de procédure pénale ...

Celle-là, je l'adore. Mais elle n'est pas busirible, juste risible. Ce n'est pas une affirmation juridiquement aberrante. Elle est juste aberrante.

J.-M. A. : C'est pas vrai ! Ah, vous croyez !

C. E. : Quand on a mis en place ...

J.-M. A. : Vous croyez que le Code de procédure pénale est un best-seller dans les cités ?

Arrive le prix Busiris :

C. E. : Les premiers qui ont été sanctionnés par les peines-plancher, c'était au mois de septembre 2007, et qui d'un coup s'en sont pris pour un ou deux ans ferme alors que depuis 22 interpellations, ils s'en sortaient avec une stricte impunité ; d'un coup se sont demandé ce qui avait changé dans notre code pénal. Et ils s'adaptent parfaitement à tout cela. Voilà pourquoi il faut faire évoluer nos législations.

Reprenons cette affirmation au ralenti. Laissons de côté l'affirmation des 22 strictes impunités. À Nice, tout le monde sait que les prisons étaient vides jusqu'à la loi sur les peines plancher.

Selon monsieur Estrosi, un délinquant récidiviste qui se serait pris deux ans fermes en septembre 2007, et qui se serait alors demandé ce qui avait changé dans notre Code pénal (qu'il lit pourtant quotidiennement dans sa banlieue insécure) s'est à présent parfaitement adapté à cette loi (sans doute parce qu'on ne l'a pas encore revu dans un prétoire), qu'il faut donc changer. Outre le fait qu'on se demande quel changement il faudrait apporter (appliquer la peine plancher sans attendre la récidive ? Sans attendre la commission d'un délit ?), quelqu'un pourrait-il faire remarquer à M. Estrosi que si notre délinquant n'est pas encore repassé devant les juridictions répressives, ce n'est peut-être pas parce qu'il s'est adapté à la législation plus vite qu'un docteur en droit lisant le J.O., mais… parce qu'il est en prison jusqu'en septembre 2009 (ou pour chipoter, juin 2009 en comptant les réductions de peine elles même réduites à cause de l'état de récidive) ?

Comme le bon vin, le prix Busiris de M. Estrosi a gagné à être attendu patiemment. L'Académie joint à son prix une motion suppliant le Président de la République de prendre le récent primé dans le futur gouvernement, car le record de Mme Dati semble assurément à sa portée. C'est une graine de champion que nous avons là, ne l'oublions pas.

PS : une caméra de vidéosurveillance a capturé l'exploit. Des images d'une rare violence, sur le site de RTL.

Notes

[1] Il a gagné le championnat du Monde 750 cm³ couru à Dijon en 1977.

[2] Merci à Dirty Denys à qui j'ai sans vergogne piqué son jeu de mot.

mercredi 15 avril 2009

Chasse aux Trésors : les réponses

Par Dadouche



Pour tous ceux qui ont eu la patience de chercher les billets laissés par les cloches en ces lieux, et pour tous ceux qui veulent simplement redécouvrir les trésors cachés du Journal d'un avocat, voici les réponses du petit jeu de piste proposé il y a quelques jours.

Des félicitations s'imposent ceux qui ont particpé avec enthousiasme et réalisé un sans faute, notamment Djaysee, Ferdydurke et RG, qui trustent le podium, avec une belle médaille en chocolat pour MM.


C'est parti pour la visite guidée...

Lire la suite...

lundi 13 avril 2009

Du délit de solidarité et du mensonge des politiques

Mercredi 8 avril, un mouvement national a eu lieu contre le « délit de solidarité » (les guillemets s'imposent car il ne s'agit pas de son nom juridique, mais de son nom de com', assez bien trouvé d'ailleurs), plus connu chez les juristes sous son petit nom de L. 622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros.

La loi prévoit depuis 1996 une série d'immunités dites familiales : ne peuvent être poursuivies pour ce délit les ascendants ou descendants de l'étranger, leur conjoint, leurs frères et sœurs ou leur conjoint ; les époux ne doivent pas être séparés de corps, avoir un domicile distinct ou avoir été autorisés à résider séparément ; sont également immunes le conjoint de l'étranger sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ; et enfin toute personne physique ou morale (dont les associations), lorsque l'acte reproché — c'est-à-dire l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers — était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte, ces dernières dispositions n'étant qu'une reprise du texte général sur l'état de nécessité et n'apportant rien au droit (article L.622-4 du CESEDA).

Ces faits sont punis de 5 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende, portés à 10 ans et 750.000 euros d'amende quand ils sont commis en bande organisée (et un réseau comme RESF pourrait furieusement ressembler à une bande organisée…).

Le jour de ces manifestations, 5 500 personnes se sont symboliquement livrées à la justice en confessant avoir commis ce délit, et demandaient à être condamnées de ce fait. Rassurez-vous, leur revendication n'a pas été suivie d'effet. Le même jour, mon M.P.A.R.[1], Éric “30 deniers et un maroquin” Besson, est passé sur France Inter, chez Nicolas Demorand, pour désamorcer la bombe médiatique. D'entrée, il déclare :

Il n'y a pas de délit de solidarité en France, et (…) toutes celles et ceux qui de bonne foi aident un étranger en situation irrégulière ne risquent rien. Ce ne sont pas des mots, ce sont des faits. En 65 ans, depuis qu'existe ce fameux article L.622-1 désormais célèbre, personne en France, personne en 65 ans, n'a jamais été condamné pour avoir simplement comme je le lis hébergé, donné à manger, transporté en auto-stop, un étranger en situation irrégulière. Deux bénévoles humanitaires ont été condamnés à des dispenses de peine en 65 ans pour être entrés dans ce qu'on appelle la chaîne des passeurs (…). En clair, ils avaient transporté des fonds, ils avaient pris de l'argent de ces étranger en situation irrégulière qu'ils avaient apporté à des passeurs. Donc le délit de solidarité n'existe pas. C'est un mythe.

Voici l'intégralité de l'intervention.

L'Académie Busiris s'est penchée sur ces déclarations, mais après en avoir délibéré conformément à ses statuts, a rejeté la candidature de M. Besson, estimant qu'il s'agissait d'un mensonge intentionnel et d'un travestissement de la réalité, plus connu sous le nom de “communication politique”, et non des propos Busiribles.

Car Monsieur Besson ment, ou du moins colporte un mensonge (il est possible qu'il ait été fort mal informé par ses conseillers ; vous savez ce que c'est, les hauts fonctionnaires, ils comprennent rien à rien…). Une très sommaire recherche de jurisprudence m'a rapidement fait trouver deux décisions récentes condamnant pour le délit d'aide au séjour irrégulier des personnes qui ne sont pas des bénévoles humanitaires pour des faits autres que porter de l'argent à des passeurs.

Ainsi, la chambre criminelle de la cour de cassation, le 7 janvier dernier, a cassé un arrêt de la cour d'appel de Fort de France qui avait estimé qu'une reconnaissance de paternité de complaisance (un Français avait reconnu les enfants d'une étrangère en situation irrégulière afin de lui permettre d'obtenir des papiers sachant qu'il n'était pas le père) ne constituait pas le délit : si, répond la cour de cassation, les reconnaissances de paternité de complaisance effectuées par le prévenu au profit de mineurs haïtiens visaient à apporter à ces derniers une aide directe destinée à faciliter leur entrée ou leur séjour irréguliers en France, au sens de l'article L. 622-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui est aller très loin car un mineur ne peut être au sens strict en situation irrégulière puisque la loi n'exige un titre de séjour qu'aux majeurs.

La cour d'appel de Douai (4e chambre) a rendu un arrêt n°06/01132 (publié au Dictionnaire permanent du droit des étrangers, Éd. Législatives) le 14 novembre 2006 condamnant un français vivant en concubinage (établi) avec un étranger en situation irrégulière qui avait eu le malheur de déclarer devant le juge d'instruction qu'il ne s'était installé chez son ami qu'une fois que les « choses s'étaient stabilisées », ce qui excluait que le concubinage avant cette date pût être notoire (ce qui apporte une immunité, comme nous allons le voir), et donc l'aide apportée avant cette date tombait sous le coup de la loi (il a été condamné à une dispense de peine).

Voilà ce que j'ai trouvé en 5 minutes de recherches. Deux décisions qui ont toutes les deux moins de trois ans. Pour un délit qui n'existe pas et relève de la mythologie, vous admettrez que ça fait beaucoup.

À ceux qui me demanderont pourquoi devrait-on protester contre la condamnation de celui qui reconnaît sciemment les enfants d'autrui pour tromper l'administration, je répondrai que je ne leur demande pas d'exprimer leur solidarité, mais seulement de m'expliquer en quoi aller mentir à un officier d'état civil en disant “ ces enfants sont les miens ” mériterait 5 ans de prison tandis qu'un ministre qui va mentir à des millions de français à la radio mériterait ne serait-ce que de garder son maroquin. Sans aller jusqu'à exiger une parfaite probité des politiques (quelle idée…), je trouverais normal qu'on leur appliquât la même sévérité que celle qu'ils votent à tours de lois… quand ils sont dans l'hémicycle s'entend.

Et sans aller jusqu'à fouiller 65 années d'archives du recueil Dalloz, Monsieur Besson a reçu récemment, le 31 mars c'est-à-dire une semaine avant son passage chez Nicolas Demorand un document très intéressant, qui ne pouvait que lui révéler que cette infraction était tout sauf un mythe.

Ce document, qui lui est adressé personnellement, dit ceci :

En 2008, 4300 personnes ont été interpellées pour des faits d'aide illicite à l'entrée et au séjour d'immigrés en situation irrégulière. Nous vous demandons de viser un objectif de 5000 pour l'année 2009.

Soit 14% d'augmentation tout de même.

Ces propos sont signés par Nicolas Sarkozy, président de la République et François Fillon, Premier ministre, dans la lettre de mission adressée à Éric Besson, que vous pourrez trouver sur le site de l'Élysée (pdf).

Ce qui permet de prendre les déclarations de M. Besson avec, comment dire… Un peu de recul.

L'hypocrisie va plus loin, je le crains. La lettre de missions parle d'interpellations, et non de poursuites ou de condamnations. Je suis convaincu que les poursuites pour aide au séjour irréguliers restent rares et aboutissent souvent à des dispenses de peine. Je n'en ai jamais vu pour ma part.

Mais l'existence de ce délit donne à la police le pouvoir d'interpeller et de placer en garde à vue toute personne apportant un quelconque soutien aux étrangers. Oh, l'affaire sera classé sans suite. Mais au bout de plusieurs heures, pouvant aller jusqu'à 48 heures, ou mieux encore en cas de suspicion de bande organisée : 96 heures, pas d'avocat avant 48 heures. La police a autre chose à faire que placer e ngarde à vue des gens qui ne font de mal à personne, me direz-vous ?

Mais le président vient d'ordonner le contraire. Les 5000, il va falloir les trouver. Et il reste 9 mois.

Les cellules des commissariats vont devenir mythiques, cette année…

Notes

[1] Ministre Préféré Après Rachida ; c'est plus rapide à écrire que Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du développement Solidiaire.

mercredi 8 avril 2009

Chasse aux trésors

Par Dadouche


Avisssse à la population !

Cela fait bientôt 5 ans que l'hôte de ces lieux, dont les autres colocataires et moi ne sommes que des squatteurs occasionnels, vous régale de billets instructifs, drôles ou émouvants, parfois polémiques.

Il y a parmi ses lecteurs de vieux grognards (parfois grognons) qui commentent sa prose depuis plusieurs années. Certains ont lâché en cours de route (Mémé ! Donne nous un signe de vie !), d'autres persévèrent.

Mais il y a aussi tous ceux qui sont venus par le son du buzz alléchés.

Avec, par désordre d'apparition derrière l'écran, les amis de Guillermito, les putéoliens, les laïcards , le porte parole de la Chancellerie, les Vélibophiles, les outrés d'Outreau, ceux qui aiment faire la leçon à Luc Besson et dernièrement les papistes et anti-papistes.

Parmi ces nouveaux venus, certains se plongent alors dans les archives de ce blog pour en extraire la substantifique moëlle. Je me suis même laissée dire que, dans des bureaux bourguignons reculés, on passe sa pause déjeûner à flâner dans les anciens billets.

D'autres prennent le train en route, et s'indignent d'être traités de mekeskidi, s'interrogent sur la passion du maître de ces lieux pour le pisum sativum ou s'inquiètent pour cette Berryer sur qui on fait des conférences.

A tous ceux là (et aux autres) je propose , plutôt que de chercher des oeufs dans le jardin, de partir, au delà des billets "à retenir" obligeamment signalés par notre hôte (sur la droite de votre écran), à la découverte de trésors de ce blog, grâce à un petit jeu de piste.

Toutes les réponses aux questions qui suivent sont dans des billets d'Eolas ou de l'un de ses commensaux.
Tous (ou presque...) peuvent être retrouvés en regardant attentivement la table des matières ou par un mot-clé judicieux dans l'outil de recherche.

Il n'y aura aucun lot pour celui ou celle qui trouvera toutes les bonnes réponses, rapport à tout ce qu'on dépense en antidépresseurs pour Eolas et Gascogne après les matches contre la perfide Albion.
Restera la satisfaction d'avoir découvert (ou redécouvert) certaines perles de ce blog après 5 ans d'activité. Et peut être de comprendre certaines private jokes de vieux habitués.

Les réponses seront mises en ligne le 15 avril, pour les 5 ans "officiels" du blog.

Et si vous êtes sages, il y aura une surprise...

Place au jeu !

(roulement de tambour, musique)


Question n° 1 : Quelle est l'origine du Prix Busiris ?

Question n° 2 : Quel événement a marqué le Journal d'un avocat le 23 octobre 2008 ?

Question n° 3 : Qu'est-il arrivé à Amélie Gatépouri et Prosper Vert ?

Question n° 4 : Quel était, en juillet 2005, le montant de l'indemnité de l'aide juridictionnelle totale pour un divorce pour faute ?

Question n° 5 : A propos de quel petit dîner entre amis Eolas s'est-il fait l'apôtre de la résurrection de la liberté d'expression par la grâce d'un Jugement Dernier de la Cour de Cassation ?

Question n° 6 : A quelle occasion la SACEM a-t-elle fait valoir ses droits jusqu'au ridicule ?

Question n° 7 : Quel est le livre préféré d'Eduardo ?

Question n° 8 : Mais qui peut bien être ce Gilles à qui Eolas s'était fendu une lettre ?

Question n° 9 : Quelle était la température du café servi par Ronald Mac Donald à Stella Liebeck ?

Question n°10 : Quel a été le premier billet d'un auteur invité du blog (avant qu'Eolas ne laisse officiellement un double des clés aux colocataires) ?

Question subsidiaire (pour les aficionados) : quelle est l'origine de la Mémé à Moustaches ?

Question super bonus : Qu'est ce que la Mémé à moustaches a exposé à 11 ans ?

Vous avez le droit d'appeler des amis, de demander l'aide du public mais, dans une semaine, j'aurai le dernier mot !

Edit : Je savais que j'avais oublié un léger détail !
Ceux qui veulent vraiment jouer sérieusement peuvent m'envoyer leurs réponses à dadouche at maitre-eolas.fr

jeudi 26 février 2009

Encore un prix Busiris pour Rachida Dati

Je vous assure, j'essaie de me retenir. Mais c'est elle qu'il faut retenir. Rachida Dati lançant au maître des lieux un regard de défi disant : “Alors, tu croyais pas que j'allais y arriver, hein, mon cochon ?” - Photo ministère de la justice

Je commence à la soupçonner de faire comme ces maires battus aux élections qui emportent avec eux les ordinateurs, la photocopieuse et les interrupteurs de la mairie, et de faire le plein de prix Busiris avant son exil à Strasbourg (symbolique, son lieu de détention sera en réalité au 116 rue de Grenelle).

Mais là, je ne peux faire autrement.

Revenant ensuite devant la presse sur la mise en place de bureaux d'aide aux victimes (BAV[1]) au début de l'année, Mme Dati a jugé que ceux-ci permettaient "d'expliquer la procédure, comment se constituer partie civile, comment on demande un avocat".

“On accompagne les victimes jusqu'à ce que la décision soit rendue. Une fois qu'elle est rendue, on continue à les prendre en charge jusqu'à ce que la décision soit réellement exécutée. C'est ça, être respectueux des victimes, parce que je considère que le premier des droits de l'homme, c'est le droit des victimes”, a-t-elle jugé.

Affirmation juridiquement aberrante, car elle confond non pas deux mais trois sens du mot droit : le droit objectif (droit de propriété, droit d'auteur), la discipline juridique (droit civil, droit pénal) et le droit subjectif (qui est la mise en application application pratique d'un droit objectif : le droit pour la victime d'un fait précis de demander réparation à l'auteur de ces faits par exemple). Dans l'expression “droit de l'homme”, droit a le sens de droit objectif.

Le “droit des victimes” tout court s'entend comme discipline juridique. Il regroupe des aspects de procédure pénale (comment se constituer partie civile, répliquer à une exception de nullité), de procédure civile (le renvoi sur intérêts civil, la procédure devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction), de droit de la responsabilité civile et du droit de la réparation du préjudice corporel (car chiffrer un préjudice est une science).

Mais en analysant les propos du Garde des Sceaux (ce qui n'est pas facile, c'est un peu comme skier sur un lac gelé, on sent vite que ça manque de pente), on réalise vite qu'elle voulait parler du droit des victimes à obtenir réparation, ce qui est confirmé par un passage antérieur :

Revenant ensuite devant la presse sur la mise en place de bureaux d'aide aux victimes (BAV) au début de l'année, Mme Dati a jugé que ceux-ci permettaient "d'expliquer la procédure, comment se constituer partie civile, comment on demande un avocat".

Manifestement, il s'agit d'aider les victimes à exercer leurs droits (ce qui en soit est une excellente idée). Mais c'est dans ce cas leur droits subjectifs.

Ça peut paraître du pinaillage, mais le sens du mot “droit”, c'est le premier cours qu'on a en fac de droit, juste avant “droit et morale”. La phrase récompensée ce jour ne veut absolument rien dire. Et Mme Dati est magistrate (désolé de le rappeler aux magistrats qui me lisent, mais nous, on a bien eu Clément, hein, chacun sa croix).

Car qu'est-ce qu'un droit de l'homme ? On pourrait faire des thèses sur cette question, mais pour faire simple, disons que c'est un droit supérieur à tout, intangible. On l'a mis hors de portée du législateur, et idéalement, on a désigné un juge pour le protéger (ce n'est pas encore tout à fait le cas en France). Le noyau dur, c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

Art. 2.

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Vous constaterez que le droit des victimes n'y figure pas, et que l'ajouter à la liste n'aurait aucun sens, ou plutôt serait un contresens. Et en droit, un contresens, c'est un sens interdit (c'est dans le code de la route).

La déclaration de 1789 en contient d'autres, mais ce ne sont pas vraiment des droits, plutôt des libertés ou des principes juridiques (Égalité, art. 1er et 6 face à la loi ; tout ce qui n'est pas interdit est autorisé, art. 5 ; non rétroactivité de la loi pénale, art. 8 ; présomption d'innocence, art. 9 ; liberté de conscience, article 10, d'expression, art. 11 ; …). On les appelle néanmoins droits de l'homme par synecdoque.

Par la suite, quelques expériences postérieures malheureuses ayant montré l'insuffisance de cette liste, d'autres droits ont été reconnus et proclamés, dans le préambule de la Constitution de 1946 (préambule encore en vigueur) et par la Convention européenne des droits de l'homme en 1950. Tous ces droits forment l'ensemble des droits de l'homme, la discipline juridique les étudiant et surtout étudiant les moyens de les faire respecter s'appelant droits de l'homme et libertés fondamentales, ou parfois libertés publiques, programme de troisième année de droit en principe (et c'est une matière beaucoup plus ennuyeuse qu'il n'y paraît).

Le droit des victimes n'y figure pas. Ce n'est pas un oubli, c'est juste que, et on a tendance à l'oublier, les victimes sont des hommes et des femmes comme les autres. Ça s'appelle l'égalité, et ça, c'est un droit de l'homme.

Voilà pourquoi l'affirmation « le premier des droits de l'homme, c'est le droit des victimes » est juridiquement aberrante.

Il n'y a pas de contradiction, mais ce n'est pas un critère obligatoire pour un Busiris, quand le caractère aberrant atteint une certaine amplitude, et là, on est proche du volume d'Antarès (pour vous faire une idée, voyez ici).

L'affirmation est teintée de mauvaise foi car elle a été proférée en réponse à cette interpellation :

"Ce que je regrette, c'est de vous entendre toujours sur le droit des victimes et (de vous voir) apparaître de temps en temps dans les médias quand un détenu se suicide", lui a lancé une avocate, dénonçant son "silence et (ses) carences s'agissant des prévenus et des mis en cause".

Invoquer les victimes pour se défendre de ne pas respecter les droits de l'homme des personnes poursuivies, cela ne peut qu'être dit de mauvaise foi. J'ai une trop haute opinion de l'intelligence du Garde des Sceaux pour penser un seul instant qu'elle soit sincère en disant cela.

Enfin, le mobile d'opportunité politique est caractérisé par le fait que ces propos s'inscrivent dans son interminable tournée d'adieux aux frais de la République, où elle va dans le moindre recoin relevant de son ministère faire un discours à base de "je, je, je, je" et de chiffres pour expliquer en quoi elle a été formidable et tentant de nous convaincre qu'elle va nous manquer (démonstration avec son discours du jour). Pour ma part, j'en suis convaincu, elle va laisser un grand vide. Un très grand vide, même. Si le comptable de la Chancellerie me lit, il me comprendra.

Bref, et de six. L'exploit est sans précédent, et il lui reste 4 mois pour améliorer le record.

Je ne doute pas qu'elle saura les mettre à profit.

Notes

[1] Non, ce n'est pas une plaisanterie. On accueille les victimes dans des BAV.

mercredi 18 février 2009

Tout le monde n'a pas le talent de Luc Besson

À moins que ce ne soit son audience. Mais il y en a qui font de tels efforts qu'ils méritent néanmoins qu'on leur présente nos compliments.

Et je dois reconnaître que Frédéric Lefèbvre s'est surpassé avec cette interview dans 20 minutes. L'académie Busiris n'a pas été convoquée faute de propos juridiquement aberrant : ils sont simplement atterrants.

Pourquoi êtes-vous venu en aide à Luc Besson?
Les propos de Luc Besson ne sont qu’un élément déclencheur, mais cela fait longtemps que les sites de vidéos en streaming se développent sur le Net, faisant fi des droits d’auteur. C’est pourquoi je demande une commission d'enquête parlementaire.

Ah, il n'aura pas attendu longtemps pour la première bêtise.

Les commissions d'enquête sont prévues par l'article 6 de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (cette ordonnance a valeur de loi organique). Cet article précise que les commissions d'enquête « sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées. »

Des faits déterminés. Une commission d'enquête ne peut donc se réunir sur le thème général du streaming et des droits d'auteur. Il peut s'en réunir une sur l'affaire Beemotion.fr, par exemple. Mais "les sites de vidéo en streaming" n'est pas un sujet de commission d'enquête. Il y a les rapports d'information pour ça, et ça ne prend qu'un seul parlementaire (mais ça ne donnera pas lieu à l'audition télévisée de gens célèbres, c'est vrai…).



Dans quel but?
Je veux que l’on trouve une façon de rendre le Net plus responsable.

La prochaine fois que je déjeune avec le Net, promis, je lui demande d'être plus responsable. Le Net, ou l'internet, est un réseau d'ordinateurs pouvant se transmettre des fichiers informatiques grâce à des protocoles normalisés (le HTTP étant le plus répandu). C'est comme demander à un téléphone d'être responsable.

Or certains sites, comme beeMotion, sont des dealers.

Là, on a un parlementaire qui fait fi des droits d'auteur de Luc Besson : c'est lui qui a inventé cette analogie. Je demande une commission d'enquête.

beeMotion a profité du système et gagné de l’argent pendant six mois en mettant des pubs sur son site, grâce à des films dont il n’a pas les droits. C’est illégal! beeMotion a fait un bras d’honneur au groupe Iliad, qui a hébergé ce site sans en vérifier le contenu.

D'une part, personne ne sait combien BeeMotion a gagné grâce à la pub. Rappelons que la société Wizzgo, avec son “magnétoscope numérique”, affichait 1294 euros de recettes publicitaires en une année d'existence. Je crois qu'il y a une vraie illusion d'une criminalité extrêmement lucrative, entretenue par les chiffres fantaisistes de l'industrie (rappelons que Luc Besson parle d'un milliard d'euros par an pour la France), donc d'argent à confisquer ou taxer, qui va faire des malheureux. D'autre part, si quelqu'un comprend cette histoire de bras d'honneur, merci de me l'expliquer.

Là, excellente question de la journaliste, qui a bien préparé son sujet :



Sauf qu’Iliad n’a pas vocation à vérifier le contenu a priori, puisqu’il n’est pas éditeur, donc pas responsable pénalement. C’est ce que dit la LCEN (loi de confiance en l’économie numérique)...

Article 6, I, 2. Pwned. Réponse immédiate qui laisse pantois :

Je veux changer la loi.

Il y a un député qui n'a pas préparé son sujet. La LCEN est la transposition (avec retard) d'une directive européenne, la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Donc pour changer le régime actuel de responsabilité de l'hébergeur, il faudrait un consensus au niveau des 27 pays de l'UE[1] puisqu'il faudrait que tous changent leur législation pour calmer les humeurs de M. Lefèbvre. Mais bon, hein, si les politiques tenaient compte de la faisabilité de leurs caprices, où irait-on ?



Légiférer le Net: mission impossible?
Non, pas impossible. Il faut légiférer, car les dealers vont justement se nicher dans les endroits sans règle.

Laisser entendre que l'internet est un “endroit sans règle” — Passons sur le fait que ce serait un “endroit” ce qui est déjà aberrant— juste après qu'on lui a cité la loi qui a légiféré sur l'internet, ça demande quand même une certaine audace grâce à laquelle on reconnaît facilement M. Lefèbvre à l'assemblée.

Si vous faites fermer les sites de streaming, ils délocaliseront leurs serveurs à l’étranger...
C’est pour cela que je demande un G20 du Net. De la même façon qu’on fait la chasse aux paradis fiscaux à l’échelle mondiale, il faut faire la chasse aux dealers du Net. Il y a une dimension nationale et internationale à cette affaire.

Je vous la refais en abrégé, en shorter comme on dit sur le Net sans foi ni loi :

—Que voulez-vous ?
— Une commission d'enquête.
— Mais il y a déjà une loi.
— Alors je veux changer la loi.
— Mais il y a une dimension internationale.
— Alors je veux un G20 du Net.

Débranchez-le, encore deux questions, et il demande l'usage de l'arme nucléaire.

La journaliste ne lâche pas l'affaire : un G20 du Net, rien que ça. Voilà un scoop. Question logique, pour voir si le député a bien préparé son dossier.

Qui sont vos interlocuteurs européens et américains sur cette question?

Vous avez déjà vu une baudruche se dégonfler ?

C’est à déterminer. Pour l’instant, je demande aux autorités publiques l’organisation de ce G20 du Net.

Le député Lefèbvre, qui il y a quelques lignes voulait une commission d'enquête, changer la loi, que dis-je, le droit européen, refile piteusement le bébé aux autorités publiques, ce qui n'inclut pas les membres du parlement visiblement, réalisant que houlala, c'est bien compliqué cette affaire, pourtant, en lisant Besson, ça avait l'air simple.

Las, le chemin de croix de Frédéric Lefèbvre n'est pas encore terminé, la journaliste a encore des questions dans son sac.



Le visionnage en streaming n’est-il pas un frein au piratage de peer-to-peer?
Si, car il offre souvent une meilleure qualité et évite aux consommateurs de perdre de la mémoire en stockant des fichiers téléchargés. Mais justement, le streaming est plus dangereux et plus puissant quand il se fait sans respecter les droits d’auteur...

Mes bras étant tombés, j'écris la suite de ce billet en tapant sur mon clavier avec mon front. Le streaming, de meilleure qualité que le téléchargement d'un fichier DivX ? Donc les téléchargeurs sont des imbéciles d'utiliser une technologie obsolète ? Ah mais non, ils ont dû oublier que ça existe, puisque le streaming “fait perdre de la mémoire aux consommateurs”, un peu comme le shit, en fait (puiqu'on vous dit que ce sont des dealers !). Quant au final : “le streaming est plus dangereux et plus puissant quand il se fait sans respecter les droits d’auteur”, on sent que le député souhaiterait déjà être ailleurs. Le streaming n'est pas un Pokémon : il n'est ni puissant ni dangereux ; et s'il se fait dans le respect des droits d'auteur, il est légal, point.

Heureusement arrive une question facile.

Pourquoi n’aurait-on pas le droit de regarder une série gratuitement sur le Net si on peut la voir à la télévision?
La télé paie l’auteur de cette série, le téléspectateur paie une redevance. Il n’y a pas de raison que le Net y échappe. C’est comme si vous me disiez «les oranges sont trop chères au supermarché, alors quelqu’un va les distribuer gratuitement dans la rue». Il faut développer une offre légale et alléchante sur le Net pour les consommateurs.

Bon, une bonne fois pour toute, il faut arrêter les analogies. Ça suffit. Je fonde ce jour l'ACAF, l'Association Contre les Analogies Foireuses. Après les voleurs, les dealers, les distributeurs d'orange. Non mais je crois rêver. En plus ça gâche la première phrase intelligente : le constat de l'absence d'offre légale intéressante, qui est la source du problème à mon sens. Sur la question sur la série, rappelons que les chaînes de la TNT et du câble, qui diffusent la majorité des séries, ne touchent pas un centime de la redevance audiovisuelle. C'est par la publicité et le cas échéant les abonnements qu'elles gagnent de l'argent. Précisément, regarder une série sur le net leur porte préjudice puisque leurs tarifs publicitaires dépendent directement de leur audience, et l'internet peut détourner une partie de cette audience.



Une offre de quel type?

Las, M. Lefèbvre n'a vraiment pas préparé son dossier.

Il faut qu’on organise des concertations. Notamment avec des sites comme Dailymotion, d’ailleurs victimes des sites de streaming pirates, qui leur piquent des annonceurs. Les régies publicitaires n’ont pas à proposer à leurs clients de faire de la pub sur des sites illégaux. Je plaide notamment pour le raccourcissement du délai entre la sortie d’un film au cinéma et sa sortie en DVD. On pourrait le réduire à trois mois, voire à quelques semaines, et autoriser la vente du DVD dès que le film n’est plus exploité en salles.

Contre le piratage sur internet, le DVD. Frédéric a tout compris.



Pourquoi vous intéressez-vous au Net depuis quelques mois?

Quelques mois, pas plus, visiblement. Mais Frédéric Lefèbvre ne voit pas la vacherie.

Je suis porte-parole de l’UMP, tous les sujets m’intéressent, mais ma spécialité, ce sont les médias et l’audiovisuel. Or le Net est un nouveau média.

Un nouveau média, comme M. Lefèbvre est un nouveau député.

(Propos recueillis par Alice Antheaume.)

Notes

[1] C'est une procédure dite de codécision : il faut que le parlement européen soit d'accord et que 55 % des membres du Conseil représentant les États membres participants, réunissant au moins 65 % de la population de ces États le soient aussi. Articles 238 et 294 du TCE.

vendredi 6 février 2009

Au moins, les choses sont claires...

Par Gascogne


Pour ceux qui avaient encore quelques doutes, non pas sur le statut des magistrats du parquet, pour lesquels Rachida Dati est clairement la "chef", mais pour ceux du siège, l'indépendance n'est pas un dû en soi, elle se mérite.

Ainsi donc, et contrairement aux textes en vigueur, nos politiciens sont clairs : les juges ne sont pas indépendants par nature, ils ne le sont que par leur comportement.

Mais qui va définir quel doit être ce comportement ? Un juge qui déplairait au pouvoir en place, parce qu'il ne condamne pas dans le sens voulu, par exemple celui de la récidive avec application automatique des peines "plancher", ou parce qu'il renvoie des amis politiques devant la juridiction de jugement, aurait donc un mauvais comportement, contraire à l'indépendance que l'on peut attendre de lui ? Au contraire, celui qui va dans le sens des victimes, même si les preuves sont faibles, serait un bon juge indépendant, parce que plaisant à l'opinion ? Je ne doute dés lors pas que mon collègue Burgaud, que je soutiens bien évidemment par corporatisme mal placé, était à l'époque des mises en examen prononcées un excellent juge indépendant.

Un juge indépendant, fut-il juge disciplinaire, irait donc dans le sens de ce que souhaite l'opinion publique, le dossier qui lui est soumis serait-il parfaitement creux ?

Et puis franchement : comment définit-on la "légitimité d'une décision" ? Est-elle légitime par rapport à la loi, ou par rapport à ce que les français attendent, notamment dans le cadre des sondages dont les journaux nous abreuvent grâce à internet ? De quel "légitimité" parle-t-on ? Politique ou purement légaliste ?

Mais que Madame la Ministre, qui fut un temps magistrat, se rassure : l'indépendance n'a rien d'un dogme que les magistrats, éventuellement par le biais de leurs syndicats, ânonneraient par monts et par vaux : il s'agit avant tout d'un texte de valeur constitutionnelle qui le dit. L'ordonnance du 22 décembre 1958, qui n'a finalement valeur constitutionnelle que par un tour de passe-passe que seule notre démocratie semble connaître, le déclare, particulièrement dans son article 4 sans toutefois le dire directement, tant le législateur de l'époque semble s'être fait peur en disant que les juges étaient inamovibles. Figurez-vous qu'un juge ne peut faire bien son office que s'il est libéré de toutes pressions extérieures. Faire bien son office dans les limites humaines que nous connaissons, et que nous tentons de corriger, par exemple par la voie de l'appel, puis de la cassation.

Eh bien non. Cela ne suffit pas. Encore faut-il rappeler aux piou-pious de Bordeaux que l'indépendance, on ne l'acquiert pas comme cela : "c'est parce que l'on est au-delà de tout reproche et de toute suspicion que l'on est indépendant".

Bien entendu, le pouvoir politique saura nous protéger de toute suspicion de pression, d'intervention, de mise en cause médiatique, pour nous permettre d'être au-delà de tout reproche.

Et bien évidemment, Madame le Ministre, vous me permettrez respectueusement, à la lecture de votre approche de ce que doit-être la magistrature de vos vœux, ou de ceux de celui qui vous a fait politiquement, d'avoir quelques divergences sur ce que doit être l'indépendance de la magistrature. Vous en fûtes quelques temps, vous n'en êtes visiblement plus, au vu du nombre record de prix Busiris qui ont pu vous être octroyés.

Un juge ne rend pas de décision en toute indépendance pour son propre confort, mais pour ne pas rendre de décision sous la pression du plus fort, qu'il pourrait dés lors craindre, ou par lequel il pourrait se trouver corrompu. Un juge n'est pas soumis à la pression d'une quelconque autorité, fut-elle membre de son propre corps, et magistrat chargé de son évaluation, il ne se soumet qu'à la loi. Un juge n'a ainsi que faire du statut social des parties qui sont face à lui, pauvre ou riche, faible ou puissant : c'est cela qui fait sa noblesse. Que vous soyez puissant ou misérable, les arrêts de la cour ne vous rendrons pas blanc ou noir. Il vous diront simplement ce qu'est le droit.

jeudi 5 février 2009

Cinquième Prix Busiris pour Rachida Dati

Désolé, je m'étais promis d'arrêter, mais elle est trop forte. Rachida Dati, le regard gourmand, se demande ce qu'elle va pouvoir inventer pour le sixième prix Busiris ; c'est que la barre commence à être relevée - Photo ministère de la justice

Madame Rachida Dati se voit attribuer un cinquième prix Busiris, en référé du fait de l'absence de contestation sérieuse.

Voici les propos qui lui ont valu ce prix, tenus devant les auditeurs de justice (élèves-magistrats) de l'École Nationale de la Magistrature (ENM). Le discours est truffé de perles, mais il y a un Busiris extraordinaire.

C'est un Busiris en deux temps.

Premier temps :

Les Français attendaient davantage de sécurité et de fermeté vis-à-vis des récidivistes et des délinquants dangereux : nous avons mis en place un régime juridique clair, gradué et adapté contre la récidive. Plus de 20 000 décisions ont été prises par les tribunaux sur le fondement de cette loi. Une fois sur deux, les juges ont prononcé une peine plancher.

Bon, je croyais que c'était un progrès des droits de la défense, au temps pour moi, c'était une réponse à l'attente des Français pour lutter contre la récidive. Dont acte.

Bla bla bla, puis vient le deuxième temps.

Nous avons aussi développé les aménagements de peines (+ 32 % depuis mai 2007). C'est le meilleur moyen de faciliter la réinsertion et de lutter contre la récidive.

Tombez, mes bras, bée, ma bouche, dessillez, mes yeux.

Le Garde des Sceaux affirme, ce qui est tout à fait exact et on le sait depuis longtemps, que les aménagements de peine sont le meilleur moyen de faciliter la réinsertion et de lutter contre la récidive, après avoir affirmé quelques lignes plus haut que pour lutter contre la récidive, on avait institué les peines plancher, et qu'on en avait même prononcé 10.000.

Superbe contradiction.

J'entends des voix s'élever : l'affirmation est-elle vraiment juridiquement aberrante ? Après tout, on peut aménager une peine plancher : une peine plancher reste une peine. Et le ministre dit elle-même que la loi est claire, graduée et adaptée.

À cela je répliquerai deux arguments.

Premier argument : un aménagement de peine suppose la mise en place de mesures alternatives à l'emprisonnement, s'y substituant. Plus la peine est longue, et c'est l'objet des peines plancher d'imposer une durée minimale, plus il est difficile de l'aménager rapidement (voir plus bas). Il y a quand même une absurdité à dire que la solution est des peines de prison plus lourdes, avant de rappeler la nécessité d'éviter tant que faire se peut qu'elles soient exécutées… en prison.

Deuxième argument : un autre Garde des Sceaux facétieux et primé, un confrère dont le plus grand fait d'arme de sa carrière restera sans doute d'avoir soutenu la question préalable (visant à rejeter un texte sans même le discuter) sur l'abolition de la peine de mort (pdf, page 9), a fait voter le 12 décembre 2005 une loi qui, déjà, visait à lutter contre la récidive en aménageant les peines satisfaire son électorat en durcissant la répression.

Cette loi limite les possibilités de recourir au sursis avec mise à l'épreuve (deux maximum, un seul en cas d'infraction de violences, art. 132-41 du code pénal), permet au juge de décerner un mandat de dépôt immédiat, donc de faire emprisonner le condamné immédiatement même s'il fait appel, quelle que soit la durée de prison prononcée, et oblige le juge à le faire en cas de récidive de violences, sauf à motiver spécialement les motifs exceptionnels qui lui font écarter le mandat de dépôt (art. 465-1 du Code pénal). Qu'importe, me direz-vous, on peut aménager une peine de prison mise à exécution. Précisément, cela n'avait pas échappé à notre excité des cachots, qui du coup a limité les réductions de peine (art. 721 du code de procédure pénale) sachant que la loi ne permet l'aménagement de peine des récidivistes qu'une fois les deux tiers de la peine effectuée (au lieu de la moitié pour un non récidiviste), et mieux encore, écartant la possibilité pour les parents d'enfants de moins de dix ans vivant avec eux d'obtenir immédiatement une libération conditionnelle (art. 729-3 du code de procédure pénale).

Magie des combinaisons des lois votées sans vision globale : soit une personne, père de deux enfants de 9 mois et 2 ans, qui n'a pas de travail (son épouse, oui, il s'occupe donc des enfants), qui a été condamné à du sursis simple pour des violences il y a 4 ans, et à un sursis avec mise à l'épreuve il y a 3 ans, donc avant la naissance de ses enfants, qui est mêlé à une bagarre de rue au cours de laquelle il a utilisé une chaise contre un adversaire, touché à la tête (10 jours d'incapacité totale de travail). Le juge qui le voit passer devant lui est obligé par la loi de l'envoyer deux ans en prison au minimum, et avec un mandat de dépôt à la barre par dessus le marché, sauf motivation spéciale, dont le parquet pourra faire appel. Et il devra effectuer au moins un an de détention effective avant de pouvoir espérer bénéficier d'une libération conditionnelle. Son épouse devra se débrouiller pendant ce laps de temps seule avec les deux enfants et son travail. J'ajoute que l'administration pénitentiaire refuse de délivrer des permis de visite aux enfants en bas âge, pour ne pas les traumatiser. Donc ils ne verront pas leur père pendant un an. Et oui, ce cas est réel.

Que certains d'entre vous puissent applaudir en disant : “ quand on est père avec un casier, on se tient à carreau ”, admettons un instant. Mais qu'on ne vienne pas me dire que ce genre de décision vise à lutter contre la récidive : comme le dit l'actuel Garde des Sceaux : les aménagements de peine, c'est ça, le meilleur moyen de lutter contre la récidive. Pas la séparation d'un père d'avec ses enfants et réciproquement, pas la désocialisation par un an d'emprisonnement, pas l'enfer imposé à son épouse qui n'a rien fait de mal, elle. Or la récidive, dans notre droit, entrave l'aménagement de peine. Cherchez l'erreur, et vous aurez trouvé le prix Busiris.

ACCESSITS

Le Garde des Sceaux a orné son Busiris de perles qui, si elles ne sont pas éligibles au titre suprême, méritent malgré tout d'être relevées et copieusement raillées.

Un scoop

Il faut regarder la vérité en face : la justice n'a pas toujours été comprise de nos concitoyens.

La Chancellerie n'y est naturellement pour rien, ce n'est pas comme si c'était son rôle.
Oh.
J'ai rien dit.

De l'écoute des Français.

Les Français attendaient que notre justice soit mieux organisée, plus lisible, plus simple : nous avons réformé la carte judiciaire.

Depuis qu'il y a moins de tribunaux d'instance, les Français comprennent bien mieux la répartition des contentieux entre les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité, n'en doutons pas.

Avec des phrases dadaïstes :

« A ce jour, 114 condamnés sont concernés et nous avons ouvert en octobre dernier le premier centre fermé à Fresnes. »

Les 114 condamnés se sont donc aussitôt évadés.

Avec du vol de mérite :

« Nous avons créé (…) le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions.»

La proposition de loi venait des députés Jean-Luc Warsmann et Étienne Blanc. Merci pour eux.

Avec de la science-fiction :

« L'honneur de notre République, c'est aussi d'avoir des prisons dignes d'un Etat de droit moderne.»

À quoi bon les mettre aux normes, il suffit d'affirmer qu'elles le sont.

Avec des mises au point :

« Ce n'est pas parce que l'on est privé de sa liberté que l'on est privé de sa dignité et de ses droits fondamentaux. »

C'est juste parce qu'on n'a pas les moyens de les laisser aux condamnés.

Avec de l'économie pour les nuls, par des nuls :

Toutes ces réformes ont été possibles grâce à l'effort budgétaire accompli depuis 2007. Cette année encore, le budget du ministère de la justice augmente de 2,6 %.

Alors que l'inflation a été de 2,81% sur la même période, ce qui équivaut donc à une diminution de 0,2% en euros constants (soit environ 13 millions d'euros par rapport à l'année précédente). Et on arrive à le faire passer pour une augmentation et même un effort budgétaire.

Avec des vraies réformes, à commencer par la suppression du principe d'indépendance des magistrats (je crois que Gascogne nous concocte un billet là dessus) qui doit désormais se mériter préalablement :

L'indépendance n'est pas un dogme. Il ne suffit pas de la proclamer. Elle se mérite par la qualité de son travail. Elle se mérite par la légitimité de ses décisions. C'est parce que l'on est au-delà de tout reproche et de toute suspicion que l'on est indépendant.

Bref, soyez irréprochables et nous ne vous ferons aucun reproche.

Avec de l'informatique pour les nuls :

Soyez modernes : les nouvelles technologies sont désormais dans nos tribunaux, utilisez les !

Vous voyez, l'espèce de télé sur votre bureau ? C'est un ordinateur. Il est temps de l'allumer.

Avec de la campagne électorale aux frais de la Chancellerie :

La présidence [Française] de l'Union européenne (…) a montré la nécessité de travailler tous ensemble à la construction d'une Europe plus juste, plus sûre et plus protectrice. Je vais m'y engager avec conviction, passion et détermination.

Pas le choix, il faut dire.

Madame le Garde des Sceaux, il ne vous reste que quatre mois pour compléter votre collection. Je ne doute pas un instant que vous y parveniez.

mercredi 28 janvier 2009

Un prix Busiris comme si vous y étiez

Merci à la Chancellerie et à Rada Marinova qui ont mis en ligne la vidéo du discours de Mme Dati qui lui a valu l'attribution de son quatrième prix Busiris.

Le moment historique commence à 2 minutes et 40 secondes.

Je suis rassuré sur un point : quand le Garde des Sceaux se lance, elle a quand même du mal à ne pas se marrer.

vendredi 23 janvier 2009

Un nouveau prix Busiris pour Rachida Dati

Le Garde des Sceaux a décidé de partir sur un feu d'artifice. À tel point que je la soupçonne d'avoir écrit spécialement en vue de cette récompense son discours tenu ce jour devant la Conférence des Bâtonniers, qui réunit tous les bâtonniers de France sauf celui de Paris, mais qui a son siège à Paris, ne cherchez pas à comprendre.Rachida Dati, étouffant de fierté face à son quatrième prix - Photo ministère de la justice

Voici le texte qui lui a valu cette récompense à l'unanimité des suffrages moins une voix, un des membres de l'académie Busiris s'étant évanoui de joie avant d'avoir pu exprimer son vote et les efforts pour le réanimer étant restés vains pour le moment. C'est du beau, du très beau Busiris.

Toutes les réformes conduites depuis mai 2007 ont offert une place majeure aux droits de la défense.

Bon déjà en soi ça méritait un prix, mais dans un louable effort de pédagogie, le Garde des Sceaux a voulu aller plus loin.

Permettez-moi de prendre un premier exemple concret : la loi du 10 août 2007 sur la récidive.

Oui, la loi sur les peines plancher est invoquée pour vanter son action en faveur des droits de la défense. Vous ne rêvez pas.

Depuis son entrée en vigueur, cette loi a montré son utilité : plus de 10 000 condamnations à une peine plancher ont déjà été prononcées.

Clin d'œil à un de ses précédents prix Busiris.

Ce dispositif laisse toute sa place à la défense : une fois sur deux, le juge écarte l'application de la peine minimale. C'est la preuve de l'efficacité de l'intervention de la défense.

Ou de l'inefficacité de la loi ? Mais bon, non bis in idem : le prix Busiris est déjà passé par là.

La mission de l'avocat est tout aussi fondamentale dans le cadre de l'application de la loi du 25 février 2008 sur la déclaration d'irresponsabilité pénale pour trouble mental. La mise en place d'une audience contradictoire et publique sur la question de la responsabilité pénale de l'auteur permet aux parties de s'exprimer par l'intermédiaire de leurs avocats. De même, le prononcé d'une mesure de surveillance de sûreté ou de rétention de sûreté suppose un débat contradictoire au cours duquel la personne sera obligatoirement assistée par un avocat.

Oui, mes chers confrères : les peines plancher, c'est-à-dire l'obligation de principe faite au juge de prononcer une peine minimale est un progrès des droits de la défense, car elle oblige les avocats à plaider pour l'écarter, alors qu'avant, dame ! Ils n'avaient pas à argumenter sur ce point là, au grand détriment des droits de la défense, donc. Première affirmation juridiquement aberrante.

Mais le jugement des fous aussi est un progrès des droits de la défense. Hé quoi ? Avant, on ne jugeait pas les fous, ils ne pouvaient donc pas se défendre ! C'est imparable comme démonstration, non ? Deuxième affirmation juridiquement aberrante.

Mais la rétention de sûreté, c'est-à-dire la possibilité d'enfermer au-delà de la fin de la peine quelqu'un à vie car il POURRAIT commettre un nouveau crime s'il sortait, hé bien c'est AUSSI un progrès des droits de la défense, car là encore, les criminels en fin de peine s'exposaient à une sortie de prison sans qu'un avocat ait à plaider. Désormais, ils auront droit à un avocat, mais ne seront plus sûrs de sortir. Magnifique avancée des droits de la défense.

Trois affirmations juridiquement aberrantes, en rafale. C'est un miracle qu'il n'y ait pas de morts. Et contradictoires en ce qu'elles tentent de faire passer les pires reculs des droits de la défense depuis la loi du 12 décembre 2005 comme des avancées.

Et circonstance aggravante, devant 180 bâtonniers en exercice. Qui sur le coup en sont restés scotchés, et muets comme des procureurs généraux.

Ai-je vraiment besoin de caractériser la mauvaise foi, et l'opportunité politique primant sur le respect du droit de ces propos ?

Ah, je crois qu'elle me manquera. Un peu comme Bush.


Mon dieu, mais c'est une mine d'or, ce discours : quelques lignes plus bas, on lit ;

Notre code de procédure pénale a été modifié une vingtaine de fois en 20 ans et a incontestablement perdu son unité. Notre société a évolué, nos règles doivent désormais évoluer aussi.

Comme dit Fantômette : Ça suffit les réformes, il faut réformer cela.

lundi 8 décembre 2008

Prix Busiris pour Rachida Dati

On va encore m'accuser de m'acharner, mais face à un tel talent, je suis impuissant. C'est le troisième trophée que notre Élégantissime Justicière remporte haut la main, par acclamations du jury extatique : une récidive de récidive, c'est bien le moins qu'elle pouvait faire. Rachida Dati, cachant avec difficulté sa fierté pour cette troisième consécration - Photo ministère de la justice

Voici les propos récompensés. Ils ont été tenus, le contexte compte, le 3 décembre dernier lors du discours de réception du rapport Varinard, dont Dadouche et Justice (un et deux) vous ont abondamment entretenu.

Les voici :

Dans l’ordonnance de 1945 [ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante] le mot « victime » n’apparaît à aucun moment, pas plus d’ailleurs qu’il n’apparaissait auparavant dans la loi de 1912 [loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée].

Détaillons, voulez-vous ?

L'ordonnance de 1945 ne contiendrait pas le mot « victime ». Affirmation juridiquement aberrante car contraire au texte qu'elle cite : il y figure à sept occurrences (voyez vous-même : articles 5, 7-2, 8-1, 12-1 par deux fois, 14 et 15-1), sa première apparition remontant à la loi du 4 janvier 1993 (c'est l'article 12-1, qui prévoit la possibilité de prononcer une mesure d'aide ou de réparation à l'égard de la victime, seulement si celle-ci est d'accord).

J'ajoute que la victime est implicitement citée à l'article 6, depuis la loi du 24 mai 1951, qui parle de « l'action civile », qui est l'action de la victime demandant réparation devant le tribunal pour enfants (avant 1951, la victime devait saisir la juridiction civile de droit commun, tribunal d'instance ou tribunal de grande instance selon le montant demandé), ce qui caractérise une première fois la mauvaise foi.

Celle-ci est une deuxième fois caractérisée par le fait que cette affirmation n'est exacte que si l'on prend les mots “ ordonnance de 1945 ” au sens de “ telle qu'elle fut promulguée en février 1945, abstraction faite de l'évolution législative des 57 dernières années ”, ce qui ne ressort nullement du discours et est même contradictoire avec le fait de recevoir un rapport visant à une réforme de l'ordonnance telle qu'elle est actuellement en vigueur.

Enfin, l'objet de cette affirmation étant de laisser entendre qu'une fois de plus, le garde des sceaux vole au secours des victimes laissées à l'abandon par tous ceux qui l'ont précédée, cela caractérise l'opportunité politique prenant le pas sur le respect du droit, qui est ici déshonoré sans rémission.

L'Académie présente donc ses compliments au Garde des Sceaux, qui aura sans nul doute réussi à marquer de sa griffe son passage par la Chancellerie.

mercredi 19 novembre 2008

Prix Busiris attribué à Brice Hortefeux

Si André Ride a échoué au pied du podium, c'est quatre à quatre que Brice Hortefeux a grimpé les trois marches pour arriver au sommet et recevoir un prix bien mérité, conquis de haute lutte ce matin sur RTL, face à Jean-Michel Aphatie. Brice Hortefeux sur RTL le 23 juillet 2008

Les propos récompensés sont les suivants. Ils ont été prononcés dans le cadre d'une interview relative à une affaire révélée par la station luxembourgeoise d'une femme camerounaise menacée de reconduite à la frontière à la suite du décès de son enfant français (je détaille les faits plus bas).

Après avoir affirmé d'entrée de jeu au début de l'interview (ce sont ses premières paroles hormis le bonjour adressé à son hôte), en réponse à la question « Y avait-il eu erreur d'appréciation de la part du préfet ? » :

Tout d'abord, en terme d'erreur, je voudrais soulever un point de forme. (…) Qu'est-ce que j'ai entendu hier à l'antenne de RTL ? (…) Une affirmation assénée… assénée concernant effectivement la situation d'une jeune femme étrangère, affirmation assénée sans vérification préalable, sans contact avec les services préfectoraux, des Hauts de Seine, comme vous venez de le citer, sans interrogation auprès de mon ministère[1] et un reportage donnant la parole à tous sauf à l'administration ;

le Ministre de l'immigration, l'intégration, l'identité nationale et du développement solidaire (M3I pour les intimes et les paresseux ; je suis les deux) finit par conclure :

Le rôle d'un ministre (…) est de rectifier les dysfonctionnements de l'administration quand il y en a (…) et j'ai donc décidé de confirmer l'autorisation de séjour de l'intéressé.

Tenez, je vous ai fait le montage.

Décomposons les composants du prix : l'affirmation juridiquement aberrante, c'est tout simplement celle du dysfonctionnement. La préfecture a parfaitement appliqué la loi en la matière. L'article R. 313-36 du CESEDA impose à l'étranger de justifier à chaque renouvellement annuel de sa carte de séjour qu'il remplit toujours les conditions de sa délivrance, faute de quoi ce renouvellement peut être refusé, et en pratique l'est systématiquement. On comprend que le ministre ait du mal à assumer publiquement la politique en la matière quand elle frappe des mères frappées par la perte de leur enfant, mais la qualifier de dysfonctionnement est faux, et pas très charitable pour ce pauvre préfet des Hauts de Seine (comme s'il n'avait pas assez de moi pour lui faire des malheurs). Ce qui caractérise la mauvaise foi.

La contradiction se résume par le rapprochement des propos : le problème qui a fâché Brice tout rouge, c'est que RTL ait « asséné » qu'il y avait un problème et n'ait pas demandé à la préfecture de s'exprimer. Mais bon, c'est vrai, il y a bel et bien eu un problème qui a obligé le ministre à intervenir pour le réparer.

L'opportunité politique est manifeste, et est admirablement mise en valeur par cette inutile charge contre les journalistes qui en l'occurrence ont bien fait leur travail (et je suis prêt à parier que le journaliste avait appelé la préfecture des Hauts de Seine qui n'a pas souhaité faire de déclaration et a dû l'inviter à appeler le patron, selon une technique de transfert hiérarchique grâcieux qu'en droit administratif on appelle la patate chaude).

Détaillons un peu le droit en la matière pour édifier notre ministre bien aimé, avant de conclure, après toutes ces railleries, par un petit hommage qu'il mérite néanmoins.

Il s'agit donc d'une femme camerounaise arrivée irrégulièrement (c'est à dire sans visa) en France en 2001, et qui a été régularisée en 2004 à la suite de la naissance de son enfant, né d'un père français et donc lui-même français. En tant que mère d'un enfant français, elle bénéficiait d'un droit au séjour, issu de l'article L.313-11, 6° du CESEDA.

Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (…)

6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 [être entré en France muni d'un visa long séjour] soit exigée.

Notons pour les adeptes de la théorie des clandestins pondeurs qu'il ne suffit pas d'avoir un enfant né en France pour être régularisé : il faut que cet enfant soit lui même français, donc que son père soit français (art. 18 du Code civil) ou né en France et que l'enfant soit aussi né en France (art. 19-3 du Code civil), et qu'il faut prouver à la préfecture que l'on participe effectivement à l'éducation de l'enfant (pension alimentaire, droit de visite et d'hébergement). Car ne croyez pas qu'être français suffise en soi à pouvoir grandir auprès de ses deux parents quand on a eu le mauvais goût d'avoir un des deux étranger (étranger hors Union Européenne s'entend).

Dans notre affaire, un titre de séjour avait été délivré à la mère de l'enfant. Malheureusement, le nourrisson est mort à l'âge de trois mois d'une infection. Néanmoins, le titre de séjour de cette dame a été régulièrement renouvelé. Pourquoi ? Je l'ignore. Juridiquement, la préfecture n'avait à compter du décès de l'enfant plus aucune obligation de renouveler ce titre. Elle pouvait néanmoins le faire, je rappelle que l'administration est libre de régulariser qui elle souhaite sans avoir à s'en justifier.

Arrive 2008 et le préfet des Hauts de Seine s'avise que le bambin est mort. Il prend donc une décision de refus de renouvellement du titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français sous un délai d'un mois. Cette décision peut faire l'objet d'un recours suspensif dans le délai d'un mois qui doit être jugé dans un délai de trois mois (pourquoi ? Parce que le législateur a décidé que rien n'était plus urgent pour les tribunaux administratifs que le contentieux des étrangers qui veulent rester. Le contentieux fiscal ? Le contentieux des marchés publics ? Le contentieux de l'indemnisation des victimes de transfusion et des accidents médicaux ? Ils peuvent bien patienter un an de plus.).

A priori, cette décision paraît légale. Sous réserve de la situation actuelle de cette dame (qui a eu deux autres enfants mais qui ne sont pas français précise Jean-Michel Aphatie en début d'interview, ce qui en soi ne crée aucun droit au séjour) et surtout que la préfecture n'ait pas délivré une carte de séjour en connaissant le décès de l'enfant : la jurisprudence ne permet pas à la préfecture de revenir sur une telle délivrance discrétionnaire par application de la théorie des droits acquis : CAA Douai, 20 déc. 2002, n°01DA00657, Kalloga. Mais le ministre emploie le terme d'autorisation de séjour, ce qui laisse à penser qu'en fait, la préfecture avait délivré des titres provisoires à répétition pendant la durée de l'examen de la demande de carte de séjour. Mais là, je commence à faire de la divination, et ce n'est pas toujours mon fort.

Nouvelle illustration du caractère rigoureux jusqu'à l'absurde du droit des étrangers en France. Que ce soit une mère qui a perdu son enfant, une veuve, une femme battue si elle a le malheur d'être algérienne (non pas que les femmes d'une autre nationalité soient bien mieux protégées), ou un étranger déjà en partance pour chez lui, tout est bon pour atteindre les 26000 expulsions par an.

Un hommage néanmoins à Brice Hortefeux. Malgré la maladresse de la forme, justement récompensée par ce prix, ce qu'il a fait, user de son pouvoir hiérarchique pour tempérer une application rigoureuse mais selon toute vraisemblance légale de la loi, c'est très bien. Éviter des mois de procédure à cette femme qui ne fait de mal à personne et élève ses deux enfants en essayant de se remettre de l'insurmontable, cela mérite malgré toute mon ironie un coup de chapeau et un merci pour elle.

Notes

[1] Ce qui est accessoirement inexact, le M3I avait été contacté la veille par RTL et avait répondu qu'il désirait s'informer de ce dossier avant de répondre officiellement.

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