Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 5 novembre 2009

Qu'est-ce qu'être français ?

Cette question semble ainsi obnubiler un ministre qui n’a visiblement pas d’autres préoccupations plus importantes, c’est dire si la France va bien et est admirablement gérée.

Comme d’habitude, on oublie de se tourner vers le droit, qui a pourtant des éléments de réponse.

Pour parodier un grand spécialiste de l’identité nationale, quand un juriste entend le mot “nationalité”, il dégaine son Code civil.

C’est là que sont définies les conditions très strictes de l’acquisition de la nationalité. Je rassure toutefois notre ministre bien-aimé, le droit se contente en fait de dire qui est français, pas ce que c’est. Le droit est en effet une matière bien trop sérieuse pour perdre son temps avec des questions qui n’ont pas vraiment de réponse, puisque chacun a la sienne et qu’aucune ne peut prétendre être la bonne. 

► La première catégorie de Français, et la plus nombreuse, est la catégorie des Français qui se sont donnés la peine de naître, pour citer Beaumarchais, né à une époque où la nationalité française n’existait pas (c’est une invention révolutionnaire). Ce sont les Français d’origine, ainsi appelés car ils sont français dès l’instant de leur naissance, sans avoir rien demandé à personne. Ils se divisent en deux (car si la Nation est Indivisible, le droit de la nationalité adore les divisions, c’est son côté rebelle).

D’abord, les Français par filiation : est français l’enfant de Français (art. 18 du Code civil). C’est le fameux droit du sang, le jus sanguini, qui pose qu’est de telle nationalité l’enfant de ce lui qui est de telle nationalité, par opposition au droit du sol, jus soli, qui veut qu’est de telle nationalité celui né sur le territoire de tel État, qui sont les deux façons envisageables d’attribuer une nationalité, chaque pays recourant à l’une ou l’autre de ces règles en les assaisonnant à sa façon. 

Mes lecteurs les plus sagaces auront tout de suite vu la difficulté : le problème n’est pas réglé, il n’est que transféré à la génération précédente. Comment le père ou la mère (un seul des deux suffit) était-il lui-même Français ? 

D’où la deuxième catégorie, mélange de droit du sang et de droit du sol, qui sert de filet de sécurité : est Français l’enfant né en France d’un parent lui-même né en France quelle que soit sa nationalité (art. 19-3 du Code civil). Ainsi, si vous êtes né en France et qu’un de vos parent est lui-même né en France, vous n’avez pas à vous soucier de prouver sa nationalité, vous avez prouvé la vôtre. Et si vous êtes né à l’étranger, il vous suffit de prouver qu’un de vos parents est né en France d’un grand-parent né en France, et vous voilà cocardisé. Sauf que pour les Français dont les parents sont nés dans les anciennes colonies, qui ne sont pas considérées comme territoire français avant la décolonisation pour ce qui concerne la nationalité française, le casse-tête reste entier, avec parfois des conséquences traumatisantes.

Il y a aussi des exceptions même pour ceux nés en France métropolitaine (le droit est la science des divisions et des exceptions) : si les parents nés en France ont vécu un demi-siècle à l’étranger et n’ont pas la possession d’état de français, et que leur enfant n’a pas non plus cette possession d’état, l’acquisition de la nationalité ne joue pas (article 30-3 du Code civil) et le parquet peut faire retirer la nationalité française de celui qui étant dans cette situation l’aurait néanmoins obtenue (art. 23-6 du Code civil). Création des abjectes lois Pasqua de 1993, une des pires œuvres législatives de la République qui s’y connait pourtant en la matière. 

Un mot sur la possession d’état, notion importante, à tel point que le législateur s’est abstenu de la définir. C’est un concept emprunté au droit romain de la filiation, les règles de nationalité s’étant largement inspirée de ce droit (le citoyen est un peu l’enfant de la mère patrie, patrie venant d’ailleurs du latin pater, le père (le nationalisme relèverait-il donc d’un Œdipe mal réglé ?), et qui suppose trois conditions : que la personne se dise française (le nomen), soit traitée comme un français par les autorités (le tractatus) et soit considérée par son entourage comme française (la fama). Il faut dire que dans la plupart des cas, la personne se croit vraiment française. J’y reviendrai lors de l’examen de la troisième catégorie.

Ajoutons quelques cas particuliers : l’enfant né de parents inconnus et l’enfant qui sinon naîtrait apatride en France, se voient conférer la nationalité française ; on ne peut naître apatride en France. Mais la générosité de la France a ses limites : si au cours de sa minorité on découvre que l’enfant né apatride ou de parent inconnus acquiert la nationalité d’un de ses parents (l’un des parents inconnus se manifeste et il est Syldave, or la loi syldave donne la nationalité syldave à l’enfant d’un syldave même né à l’étranger), l’enfant perdra la nationalité française et même sera réputé ne jamais l’avoir été. Oui, côté mère adoptive, la France est vraiment pas terrible (art. 19 et 19-1 du Code civil).

Comme vous le voyez et contrairement à une légende colportée par le Front national, le seul fait de naître en France ne suffit pas à conférer la nationalité française. Le droit du sol existe, mais pour faire effet dès la naissance, il faut que ce soit un double droit du sol : être né en France d’un parent lui-même né en France. Et pour ceux qui voudraient supprimer cette catégorie pour satisfaire leurs instincts xénophobes, je précise que c’est elle seule qui leur donne la certitude de pouvoir prouver leur nationalité française le jour où on leur demandera. Attention donc, à force de haïr les étrangers, de ne pas en devenir un soi-même. Le droit du sol simple existe certes, nous allons le voir tout de suite, mais le sol français est aride : il y a d’autres conditions à remplir avant que la nationalité française n’y germe.

► La deuxième catégorie est celle des Français par acquisition.
Non, ce ne sont pas les descendants d’esclaves achetés pour les colonies, ce sont les Français qui ne sont pas nés Français mais le sont devenus par la suite. 

D’abord (par ordre d’apparition dans le Code) viennent les conjoints de Français. Au bout de quatre ans de mariage, cinq ans si le conjoint n’a pas vécu au moins trois ans en France, et à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé et que le conjoint ait une connaissance suffisante de la langue (la communauté de vie est vérifiée par la convocation simultanée des deux époux pour la déclaration, la maitrise de la langue par le fait que toutes les questions sont posées au conjoint étranger ; le conjoint français a vraiment l’impression de perdre une demi-journée, et ce n’est pas une impression, mais depuis le jour de ses noces on lui fait comprendre qu’il est suspect du fait d’avoir épousé un étranger ; je parle d’expérience), le conjoint peut déclarer acquérir la nationalité française. Cette déclaration se fait au tribunal d’instance. Dans le délai d’un an, le ministre chargé des naturalisations peut s’opposer par décret à cette acquisition pour indignité ou défaut d’assimilation, autre que linguistique (ce point a été vérifié par le juge d’instance). C’est ce qui s’est passé dans l’affaire dont je vous avais parlée de cette femme qui portait le Niqab. Article 21-2 du Code civil.

Viennent ensuite les conjoints du président de la République, qui bénéficient d’une procédure médiatique à effet immédiat. (Aucun article de loi ne prévoit cela, mais depuis quand la loi s’applique-t-elle au plus haut du pouvoir ?)

Voici venir à présent le droit du sol, les Français par la naissance et la résidence en France (j’insiste sur le et la résidence) : devient automatiquement Français le jour de ses 18 ans l’enfant né en France de parents étrangers qui réside en France le jour de ses 18 ans, et qui y a résidé au moins 5 ans, de manière continue ou non, depuis ses 11 ans. Qu’une seule condition défaille, et il n’y a pas d’acquisition de la nationalité. Article 21-7 du Code civil.

L’intéressé peut renoncer à la nationalité française dans les six mois précédant son 18e anniversaire et les 12 mois le suivant, s’il prouve avoir une autre nationalité (on ne devient pas apatride en France). Dans ce dernier cas, il est réputé n’avoir jamais été français.

À l’inverse, l’enfant né en France de parents étrangers peut anticiper cette acquisition par déclaration : soit lui-même à partir de ses seize ans, soit ses parents en son nom à partir de ses treize ans. Dans ce dernier cas, la condition de 5 ans de résidence court à compter de ses 8 ans. Article 21-11 du Code civil.

► troisième catégorie : les Français par déclaration. La loi permet à des étrangers se trouvant dans certaines situations précises d’obtenir la nationalité par déclaration. C’est automatique mais suppose une démarche volontaire (auprès du juge d’instance), et la vérification que les conditions légales sont remplies.

Il s’agit d’abord des mineurs adoptés par des Français, recueilli légalement par des Français depuis 5 ans, ou l’Aide Sociale à l’Enfance depuis 3 ans, ou par un organisme agréé qui lui a permis de suivre un enseignement en France pendant 5 ans. Article 21-12 du Code civil.

Cela recouvre aussi les étrangers invoquant 10 ans de possession d’état de français. Article 21-13 du Code civil.

C’est d’ailleurs ce que suggère, toute honte bue (mais on sait sa soif inextinguible) Éric Besson au brigadier Guissé. Il a la possession d’état de français : il se dit français (et se croyait sincèrement français), est traité comme français par l’armée de terre et par l’administration qui lui a délivré deux certificats de nationalité, et il porte l’uniforme et les armes françaises (Nomen, Tractatus, Fa-Mas). En somme, “rendez moi votre nationalité, je vous la rends tout de suite (enfin un ou deux ans plus tard, ça prend du temps ces procédures. Bon, vous serez humilié et rayé des cadres de l’armée, dans l’intervalle, et alors, où est le problème ?)”. 

On rattache à cette catégorie les français par réclamation : il s’agit des étrangers privés de la nationalité française par filiation du fait de la résidence prolongée à l’étranger de leurs parents (art. 21-14 du Code civil). La loi leur permet de réclamer la nationalité française, à condition qu’ils aient conservé ou acquis avec la France des liens manifestes d’ordre culturel, professionnel, économique ou familial, soit effectivement accompli des services militaires dans une unité de l’armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre.

► Quatrième et dernière catégorie : les français par décision de l’autorité publique. Ce sont les naturalisés. 

Le cas le plus fréquent est celui de l’étranger qui le demande. La demande se fait en préfecture, et c’est là sans doute le service préfectoral le plus sinistré de tous. C’est une honte, un scandale sans nom. Le délai en région parisienne est de deux ans pour avoir un rendez-vous rien que pour retirer le formulaire de demande de naturalisation. Sachant qu’une fois que vous l’avez, vous devez réunir des pièces administratives en nombre, certaines de votre pays d’origine et traduites à vos frais, d’autres datées de moins de trois mois, et que si vous ne les avez pas réunies dans les six mois, votre demande part à la poubelle, tout est à refaire : art. 35 du décret du 30 décembre 1993.

Une fois le dossier déposé, il n’y a plus qu’à attendre. Attendre. Attendre. Face à ces délais de traitement, la loi Sarkozy de 2006 a donné à l’administration les moyens de faire son travail (Ah ! Ah ! je plaisantais, bien sûr) imposé un délai de 18 mois pour traiter le dossier, réduit à 12 si l’étranger est en France depuis 10 ans (art. 21-25-1 du Code civil), mais faute de sanction, je n’ai jamais vu ce délai respecté (sauf pour la naturalisation de Carla Bruni, qui est allé tellement vite qu’il est considéré comme une preuve scientifique de la téléportation quantique). Je connais un couple de marocains qui vient d’avoir son décret de naturalisation ; ils ont engagé la procédure début 2000. 

Pour demander la naturalisation, il faut : avoir 18 ans, résider en France, et y avoir résidé 5 ans, 2 ans si on a fait des études supérieures en France ou si on a rendu ou on peut rendre des services importants à la France, et sans condition de délai (qu’on appelle stage) pour les ressortissant de pays francophones, les réfugiés et les étrangers ayant contracté un engagement militaire (concrètement, pour la Légion étrangère). De toutes façons, vu la durée de la procédure, cette condition de délai tient du gag.

Il faut également être de bonnes vie et mœurs (art. 21-23 du code civil) ; certaines condamnations pénales sont un obstacle insurmontable à la naturalisation (terrorisme, atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation). 

Il faut enfin justifier de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. Si quelqu’un a trouvé la liste de ces droits et devoirs, je lui en saurai gré, parce qu’à part le droit de vote, je vois pas, je crois que je serais recalé.

Ajoutons (et j’en aurai fini) que peuvent aussi être naturalisés à la demande du ministère de la défense les militaires étrangers ayant servi dans l’armée française en temps de guerre, et toute personne sur proposition du ministre des affaires étrangères à tout étranger francophone qui en fait la demande et qui contribue par son action émérite au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales. Le piston est parfois institutionnalisé. 

Voilà, vous pouvez souffler, on a fait le tour.

Quelques précisions : si la loi distingue les façons d’acquérir la nationalité française, elle ne distingue pas les nationalités françaises. Un français d’origine est aussi français qu’un naturalisé ou qu’un déclaré. Il n’y a pas de français de 1e classe et de 2e classe. Et quand on voit ce par quoi ils sont passés, je dirais même que ceux qui arrivent à passer le cap de la naturalisation ont plus de motifs d’être fiers de leur nationalité que moi qui fais simplement partie de la catégorie des français d’origine, ceux qui se sont donnés la peine de naître.

À ce propos, je voulais revenir sur cette citation de Beaumarchais que je citais en exergue. Il s’agit d’un extrait de la tirade de Figaro dans la Folle Journée, ou le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3 : 

Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes…

C’était en 1784, 5 ans avant la Révolution, qui a aboli le 4 août 1789 les privilèges et l’état de Noblesse. 

Et je ne saurais assez décrire mon malaise quand je réalise qu’aujourd’hui, cette nationalité française, qui n’est juridiquement qu’un état, est considérée par certains de mes concitoyens, souvent français d’origine, comme une nouvelle Noblesse dont ils prétendent tirer gloire et fonde un mépris de leur part pour la roture du reste de l’humanité, sans qu’on en perçoive la raison, ni pour la gloire ni pour le mépris. On peut tirer gloire de ce qu’on fait, pas de ce qu’on est ; de cela il faut simplement être digne

À tel point que Figaro pourrait être un étranger en remontrant à un Français d’origine. Tenez, ça donnerait cela : 

Nationalité, Sécurité sociale, des métiers réservés, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste, homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans l’humanité obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour obtenir ma carte de séjour seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner tous les EPAD…

Et une fois de plus, Figaro dirait la vérité (enfin, sa plus vraie, bien sûr). Troublant, n’est-ce pas ?

mardi 13 octobre 2009

Assez français pour se faire tirer dessus : l’affaire Guissé

Je vais vous parler aujourd’hui d’Ounoussou Guissé.

Celui que je traiterai dans ce billet comme mon compatriote, car au-delà de la controverse juridique que je vais vous expliquer, quiconque s’expose au feu parce qu’il porte l’uniforme de l’armée française est irréfragablement réputé français à mes yeux, ce brigadier au 1er régiment de hussard parachutiste, qui a servi en Afghanistan a eu la désagréable surprise de se voir assigner par le parquet de Rouen afin de voir constater son extranéité, c’est-à-dire le fait qu’il n’était pas français mais sénégalais.

J’avais déjà abordé le droit de la nationalité dans un précédent billet, où déjà plusieurs de nos concitoyens qui avaient des racines juives et algériennes se voyaient tracassés par l’administration, droit de la nationalité qui est un droit d’une particulière complexité du fait de la succession des lois sur ce sujet, succession qui traduit notre rapport passionnel, et donc irrationnel, à cet état. 

En effet, on acquiert la nationalité française une fois pour toute, en vertu de la loi en vigueur au jour où se produit l’événement donnant la nationalité, qui se transmet ensuite de parent à enfant. C’est donc un droit où on est amené à exhumer des textes forts anciens et depuis longtemps abrogés pour voir si en leur temps, ils n’avaient pas eu à s’appliquer à l’ancêtre d’une personne dont la nationalité française fait débat.

Tel est ici aussi le cas.

Bondissons tel le saumon à rebours du courant du temps pour frayer avec le droit. Jusqu’en 1960, si vous le voulez bien. Cette année là, le 20 juin 1960 (c’était un lundi), le soleil s’est levé sur un Sénégal libre et indépendant. Mais il ne s’est pas levé sur Daouda Guissé, futur père de notre futur hussard, qui se trouvait en France depuis le mois de mars de cette même année, sur le territoire métropolitain s’entend. Et c’est très important pour la suite.

En effet, le code de la nationalité alors en vigueur (ordonnance du 19 octobre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 28 juillet 1960) disposait en son article 13 que (je simplifie) les personnes domicilié ce lundi 20 juin sur le territoire du Sénégal étaient sénégalaises sauf :
- les personnes nées sur ce qui serait encore le territoire français le 28 juillet 1960 (qu’on appelle les originaires) et leurs enfants ;
- les personnes nées sur le territoire désormais sénégalais mais ayant leur domicile sur le territoire Français (tel qu’il se présentait le 28 juillet 1960, date de référence), j’attire votre attention sur cette catégorie, j’y reviens ;
- les personnes nées sur le territoire sénégalais mais ayant souscrit une reconnaissance de nationalité française.
- Tous ceux qui par la force des choses ne pouvaient acquérir une autre nationalité ce matin-là (règle de la voiture-balai). 

Et ce lundi matin là, le soleil de l’indépendance ne se lève pas sur Daouda, puisqu’il est en Normandie (il pleut donc) et s’en va travailler comme chaque jour. Ce matin-là, étant en France, il se réveille français.

Ce n’est pas moi qui le dis, mais le tribunal d’instance de Rouen le 6 août 1962 qui lui délivre un certificat de nationalité française.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et Daouda est un français comblé, et plusieurs fois comblé puisque, tel un président de la République, il a plusieurs épouses (sauf que Daouda, lui, les a simultanément). Et je crois que son trop grand bonheur conjugal sera à l’origine des malheurs de son fils.

Car si Daouda est l’heureux époux de toutes ces magnifiques sénégalaises, elles vivent sous le soleil du pays tandis que lui affronte la rigueur basse-normande. C’est ainsi qu’Ounoussou Guissé naquit des œuvres de son père le 13 octobre 1982 (c’était un mercredi) — joyeux anniversaire, cher compatriote— au Sénégal. 

La fée du droit qui se pencha sur son berceau récita la formule magique : « Tu es français car né d’un père français, in nomine article 17 du Code de la nationalité, en sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, ton père étant français le jour de ta naissance non plus en vertu de l’article 13 désormais abrogé mais de l’article 153 dudit code, interprété a contrario[1].(Mes lecteurs auront reconnu Sub Lege Libertas dans le rôle de la fée du droit).

Son père, pour s’en assurer, va solliciter et obtenir pour son fils un certificat de nationalité française du tribunal d’instance de Rouen le 20 février 1990, s’appuyant sur un nouveau certificat de nationalité qu’il avait obtenu en avril 1989, après avis positif de la Chancellerie. 

Il en obtiendra même un deuxième le 15 novembre 1999 du même tribunal. Bref, l’administration a dit par deux fois à Daouda Guissé qu’il était français, et par deux fois à son fils qu’il l’était. Et la République n’a qu’une parole. C’est pourquoi elle bien obligée de la reprendre.

En 2002, notre ami et encore compatriote Ounoussou s’engage sous les drapeaux du premier régiment de Hussards Parachutistes, basé à Tarbes, dont les ancêtres, pas encore parachutistes, ont combattu à Valmy, Jemmapes, Castiglione, Sebastopol, entre autres faits d’arme, et dont la devise est : Omnia si perdas, famam servare memento (Si tu as tout perdu, souviens toi qu’il te reste l’honneur).

Il va servir en Afghanistan en 2007-2008 où son comportement ne lui vaudra que des louanges. Il atteindra le grade de Brigadier.

Mais voilà. Depuis 1993 et le tournant des lois Pasqua, la République fait la chasse aux faux français. La décolonisation a été un tel foutoir que des gens sont devenus français sans vraiment en remplir les conditions (ce qu’eux même ignoraient d’ailleurs). Et le parquet de Rouen, suivant en cela les instructions générales de la Chancellerie, je tiens à le préciser (un procureur de la République aujourd’hui est autant capable d’initiative individuelle que l’attaque de l’équipe de France de football sous Domenech, c’est dire), va contester la nationalité d’Ounoussou Guissé. 

Le raisonnement est le suivant.

Ounoussou est né au Sénégal d’un père né en Afrique Occidentale Française devenue le Sénégal pour cette portion. Pour qu’il soit français, il faut donc que son père Daouda ait été français à sa naissance ou ait acquis la nationalité avant ses 18 ans.

Pour que Daouda ait été français en 1989, il fallait qu’il eût son domicile en France le 20 juin 1960, date de l’indépendance. Or la jurisprudence de la cour de cassation, inspirée sur ce point par un vent mauvais, a créé le concept de domicile de nationalité distinct du domicile civil au sens des articles 102 et suivants du Code civil. Par des décisions répétées des 20 décembre 1955, 9 janvier 1957, 25 juin 1974 et en dernier lieu du 28 janvier 1992, la cour définit le domicile de nationalité comme d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles.

Vous avez compris. Le parquet constatant que Daouda Guissé avait non pas une mais plusieurs épouses et que celles-ci vivaient semble-t-il au Sénégal puisque tous les enfants de l’intéressé y étaient nés, il estime que son domicile de nationalité était en fait au Sénégal, et que l’article 13 du Code de la nationalité devenu l’article 153 modifié a contrario n’avait pu jouer. 49 ans après, le parquet estime que Daouda Guissé n’avait jamais été français et que par voie de conséquence son fils ne l’avait jamais été non plus. Cachez moi cet uniforme que vous ne sauriez porter, brigadier. Et comme on dit chez vous, Nationalitas si perdas, famam servare memento.

Mais on n’abat pas comme ça le hussard sur le droit.

Le procureur de la République s’est, comme on dit en termes juridiques, fait bananer en première instance. Le tribunal de grande instance lui a dit qu’il est bien gentil de se réveiller en 2006, mais que la prescription, c’était trente ans à l’époque. Il aurait dû se réveiller dans les 30 ans qui ont suivi la délivrance du certificat de nationalité de 1962, soit en 1992 au plus tard. 

Que croyez-vous qu’il arriva ? Le parquet fit appel, et c’est cet appel qui a été examiné par la cour d’appel de Rouen. Le délibéré sera rendu une semaine après la commémoration de l’Armistice de 1918 (tiens, le régiment du brigadier Guissé s’est illustré à la bataille de la trouée de Charmes et à la deuxième bataille de l’Aisne pendant la Grande Guerre), le 18 novembre prochain.

À ce stade du récit, je dois confesser mon impuissance à comprendre cet acharnement du parquet à vouloir dépouiller de sa nationalité un de nos soldats, au comportement exemplaire, et qui est allé à un endroit ou porter un drapeau cousu sur l’épaule vous expose aux balles, aux bombes et aux couteaux. 

D’autant plus que le bien fondé de l’action du parquet m’apparaît assez douteux. Nul ne conteste que le père d’Ounoussou Guissé a résidé en France de mars 1960 à 1975. Ce qui semble indiquer qu’il y avait bien son domicile. 

Il y avait pourtant une issue élégante : ne pas faire appel. Il y en d’autres, moins élégantes. L’article 21-13 du Code civil lui permettra, en cas de perte de la nationalité, de la récupérer aussitôt par la possession d’état. Il peut aussi bénéficier d’une naturalisation-éclair selon la procédure dite Carla Bruni. 

Donc Ounoussou Guissé restera français ou au pire le redeviendra. Alors pourquoi le faire passer par cette humiliante procédure ? 

Et comme la République ne fait jamais les choses à moitié, non seulement elle lui conteste sa qualité de français sur le plan judiciaire, mais sur le plan administratif, cela fait un an qu’il demande à faire venir sa fiancée en France pour pouvoir l’épouser. En vain, le consulat général de France à Dakar refuse le visa à sa fiancée, et ce malgré les interventions de Jean Glavany, député SRC de Tarbes. 

Ounoussou Guissé est juste assez français pour se faire tirer dessus. Pour pouvoir voter ou épouser celle qu’il aime, la République qu’il sert le prie gentiment d’aller se faire voir.  

Contrairement à son président, la République est bien ingrate envers ses enfants. 

Notes

[1] L’article 153 disposait que les personnes non originaires domiciliées sur un territoire accédant à l’indépendance pouvait recouvrer par déclaration la nationalité française si elles établissaient préalablement leur domicile en France. A contrario, on en déduisait que les personnes non originaires domiciliées en France avaient gardé leur nationalité et n’avaient donc pas à souscrire de déclaration.

vendredi 25 septembre 2009

Peut-on twitter un procès ?

C’est une question qui semble agiter le Landernau de la presse ces jours-ci.

En effet, deux journalistes, Amaury Guibert pour France Télévision et Olivier Toscer pour le Nouvel Obs suivent le procès Clearstream et publient régulièrement des tweets (ici et ), ces messages de 140 caractères maximum publié sous forme de fil sur la plate forme twitter, et qui peuvent être envoyés depuis un téléphone mobile ou assimilé (iPhone, Blackberry, etc…) Plusieurs de leurs confrères se sont demandés (et certains m’ont demandé) si c’était conforme à la loi, et si on pouvait le faire depuis le prétoire (Amaury Guibert sortant lui de la salle pour taper son message).

Dadouche avait merveilleusement anticipé (qu’on ne vienne plus me parler de lenteur de la justice) en publiant son devoir de vacances en juillet dernier sur les nouvelles technologies et le cadre légal d’enregistrement des audiences. Je n’aurai pas la prétention de faire mieux qu’elle : allez-y, tout y est dit ou presque.

Presque car elle n’a pas abordé pas la question des tweets qui ne s’était pas encore posée.

Voici donc le complément.

Tout d’abord, je froncerai les sourcils, amis journalistes, envers ceux d’entre vous qui ont cru cela illégal. Aucune loi n’autorise expressément de tweetter depuis un prétoire, mais aucune loi ne l’interdit, donc c’est autorisé.

Ce que la loi interdit, c’est de fixer une image ou un son. L’écrit, et le tweet est un écrit, n’est pas concerné, il est même couvert par la liberté d’informer. La technologie et une couverture 3G sur le palais permettent de tweeter depuis un prétoire. Gaudeamus : la liberté d’informer progresse.

Certes, il est écrit, sur une feuille format A4 scotché aux portes, que les téléphones doivent être éteints. En fait, ce qu’on vise à prévenir, ce sont les sonneries intempestives et la tentation de retransmettre le son d’une audience, ce qui serait une captation prohibée par la loi.

L’essentiel est que l’assistance, journalistes compris, ne trouble pas le cours de l’audience. Veillez à mettre votre téléphone sur vibreur voire à couper la sonnerie, ne passez aucun coup de fil et ne répondez à aucun appel, et tweetez à l’envie. Somme toute, c’est comme prendre des notes publiées au fur et à mesure.

Qu’en pensent les présidents de correctionnelle qui me lisent ? (Les parquetiers peuvent aussi donner leur avis, bien sûr).

La difficulté va résider dans le fait d’arriver à rendre intelligible une audience à coup de messages brefs. Nos deux journalistes s’en sortent pas trop mal mais ils ont des progrès à faire. C’est normal, c’est un nouvel exercice, qui doit s’apprendre.

Enfin, nouveau… Pas tant que ça. Ce qui est nouveau, c’est la publication instantannée. Mais ça fait longtemps que la concision est un art pour les journalistes (très mal maîtrisé par les avocats, d’ailleurs).

Aliocha cite un exemple en la personne de leur confrère Félix Fénéon (1861-1944), qui a inventé l’art du tweet avant l’heure, en publiant dans le Matin des brèves remarquables par leur concision. Témoin ces deux exemples :

“M.X…, de Montauban, nettoyait son fusil. On l’enterre demain”. (63 caractères)

Le bateau de pêche la Marie-Jeanne, dix hommes dessus. Une lame de fond, dix hommes dessous”. (92 caractères)

Magnifique, non ?

Et pour tout vous dire, un jour que je m’ennuyais à une audience, je me suis prêté à l’exercice en juillet dernier. Voici mon modeste essai. Je dois avouer que je me suis bien amusé et que c’est une façon plaisante d’attendre son tour.

En espérant que je ne vais pas me faire radier pour ça…

Voilà ce que ça a donné.


12h56 : S’en va défendre un innocent. Trouillomètre à zéro, cœur à cent à l’heure.

14h03 : #miseredelajustice Le tribunal renvoie les affaires au mois de janvier 2010.

14h05 : “non Monsieur, vous étiez convoqué hier. Désolé. La décision ? 4 mois ferme.”

14h32 : Non, les 4 mois, ce n’est pas mon client. J’attends toujours mon tour.

15h02 : C’est la guerre autour de l’huissier. Une consœur me passe devant. P… de galanterie.

15h05 : Un prévenu de 19 ans se prend 18 mois ferme pour stups. Quand il comprend il crie : “maman ! Maman !” Sa mère est dans la salle.

15h12 : Affaire de violences avec armes (coups de couteau). La prévenue a 72 ans. Faut pas toucher à ses pigeons.

15h14 : La victime demande une expertise psy de Mamie Danièle. Ha bon ?

15h20 : Mamie Danièle dit que c’est elle la victime. Le proc : “c’est vous qui avez reçu le coup de couteau au sternum ?” Attention! Question piège.

15h24 : Mamie Danièle démontre brillamment à la barre que se taire n’est pas un si mauvais système de défense.

15h27 : “Je n’ai pas porté de coups de couteau. Je l’ai agité devant moi pour créer une zone de dissuasion”. Mamie Danièle rules !

15h29 : Plaidoirie de la partie civile : ” ce qu’a fait Mamie Danièle est parfaitement interdit”. C’est parfaitement exact.

15h34 : La partie civile a fini. Le juge : “heu alors vous demandez quoi au juste ?”

15h37 : Gros fail de la partie civile. Pas de mise en cause de la CPAM.

15h43 : Réquisitions du parquet : elle n’a pas de casier, mais comportement dangereux. 1 an sursis mise a l’épreuve.

15h44 : La défense n’est pas d’accord avec le parquet et la partie civile. Ça alors ?

15h45 : “Mamie Daniele est connue pour sa gentillesse et sa courtoisie”. Et sa zone de dissuasion.

15h48 : La défense s’échine à montrer que Mamie Daniele a toute sa tête. Pas sûr que ce soit une bonne défense.

15h50 : Ça y est le tribunal n’écoute plus.

15h51 : Un juge lit le dossier suivant, un autre se cure les ongles, le troisième discute avec lui. C’est le signe qu’il faut conclure.

15h57 : “vous relaxerez car vous n’avez pas de preuve objective hormis les blessures”. QUOI ??? 

16h00 : Affaire suivante : agression sexuelle dans le métro.

16h02 : Un type filé par la police ferroviaire qui soupçonnait un pickpocket se masturbe sur une jeune fille. #fail

16h06 : Arrêté par la police, il déclare grand seigneur : vous vous êtes trompés mais l’erreur est humaine. Pb: son sexe sortait encore du pantalon

16h10 : Au casier : une condamnation pour exhibition. “c’était un accident”. L’erreur est humaine.

16h12 : Il plaide coupable sur le fait qu’il n’avait pas de ticket. On salue l’honnêteté.

16h13 : L’expert diagnostique “des pulsions sexuelles mal contrôlées”. Il a bien gagné ses honoraires.

16h17 : Réquisitions : la victime est une touriste, elle va ramener une mauvaise image de la France. L’office du tourisme partie civile ?

16h18 : Requis 4 mois sursis mise a l’épreuve de deux ans, obligation de soin.

16h21 : La défense : “mon client voyageait sans ticket, il guettait les contrôleurs, ça l’a stressé”. Ah, l’érotisme des contrôleurs RATP.

16h22 : “L’incarceration que vous demandez serait dramatique” : c’est du sursis qui est requis !

16h22 : Je vous laisse, c’est à moi. Wish me luck !

16h32 : Fini. Épuisé. Bouche sèche. Peux pas rester au delibéré. 5 mois sursis et interdiction du territoire requis.

Les délibérés ont été rendus plus tard : Mamie Danièle a été reconnue coupable, condamnée à 4 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans, avec une obligation de soins. Pervers Pépère a été reconnu coupable et condamné à  4 mois de prison avec sursis mise a l’épreuve pendant 2 ans : obligations de travail et de soins, le tribunal a ordonné son inscription au FIJAIS. Quant à mon client… Secret professionnel.

Il n’est pas dit que je ne me prête pas à nouveau à l’exercice. Et mon compte twitter, c’est celui-là.

Allez et tweettez en paix, et surtout, n’ayez pas peur d’être libres.

jeudi 21 mai 2009

Clap de fin

Au détour d'une de ces redoutables lois de simplification du droit dont le législateur raffole pour compliquer le travail des juristes (si vous croyez que je fais de l'ironie facile, lisez l'article 138 de la loi), en l'espèce la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, le législateur vient de mettre fin à la controverse née de la rédaction de l'article 67 du code de procédure pénale, dont Gascogne vous avait parlé ici.

Désormais, la loi exclut expressément l'enregistrement des gardes à vue en matière délictuelle (l'article 67 est désomrais ainsi rédigé : « Les dispositions des articles 54 à 66, à l'exception de celles de l'article 64-1, sont applicables, au cas de délit flagrant, dans tous les cas où la loi prévoit une peine d'emprisonnement. »).

Au passage, voilà comment, sous couvert de simplification et clarification, le législateur ôte de la loi une garantie de la défense (car cet enregistrement permettait à celui qui affirmait que ses aveux avaient été contraints ou faussés d'avoir une preuve) qui y était entrée, certes par accident, bien sûr par accident.

Amis juristes, parcourez bien cette loi, car elle change beaucoup de choses, et pas toujours dans un sens de simplification et de clarification.

Ainsi, désormais, la déclaration de nationalité du conjoint de Français depuis 4 ans se fera à la préfecture et non au tribunal d'instance. Sachant qu'il y a en France métropolitaine 95 préfectures et 473 tribunaux d'instance, je suppose que contraindre à un long déplacement est une simplification pour le législateur. Il y en a aussi pour l'indivision, la copropriété, les successions.

Comme d'habitude à chaque fois que le législateur simplifie le droit, l'aspirine est de rigueur.

mercredi 26 novembre 2008

RIP Wizzgo

Un juge pas gogo guillotine tout de go l'escargot logo de Wizzgo.

Je disais que ça sentait le sapin pour Wizzgo. C'est fait, le certificat de décès vient d'être publié.

Le coup de grâce est venu d'un jugement de la 3e chambre du TGI de Paris, rendu au fond le 25 novembre 2008, après deux ordonnances de référé déjà assassines. Voici les motifs sur la question : copie privée ou contrefaçon ?

Sur l’atteinte aux droits d’auteur et droits voisins:

Le raisonnement juridique de la société Wizzgo tendant à démontrer la licéité de son activité repose sur l’existence de deux copies réalisées successivement par deux personnes distinctes : la société demanderesse puis l’utilisateur.

Il est constant que l’utilisateur demande à la société Wizzgo de procéder pour lui à l’enregistrement des programmes des chaînes de TNT qu’il a sélectionnés, que c’est donc la société Wizzgo qui va procéder à cet enregistrement puis qui va le transmettre à l’utilisateur sous une forme cryptée. Celui-ci doit ensuite procéder à son décryptage s’il veut visionner le programme.

Cependant, le fait de procéder à un décryptage ne constitue pas une opération d’enregistrement et de copie mais une opération technique qui rend accessible dans un langage clair, des informations pré-existantes, en leur restituant leur forme première.

Ainsi, la copie décryptée n’est pas une copie distincte de la copie réalisée par la société Wizzgo et l’opération de décryptage accomplie par l’utilisateur ne fait pas de lui un copiste. Il convient d’ailleurs de relever que les débats n’ont pas fait apparaître la nécessité technique de ces opérations de cryptage et de décryptage dans la transmission de la copie et que celles-ci paraissent davantage répondre à un besoin de confidentialité allégué par la demanderesse.

Dès lors, la copie réalisée par la société Wizzgo ne présente pas de caractère transitoire puisque décodée, elle pourra être conservée de manière définitive par son utilisateur.

Cette copie est, par ailleurs, dotée d’une valeur économique propre puisqu’elle constitue l’assise de l’activité commerciale de la société Wizzgo laquelle repose sur la création et le développement d’un groupe d’utilisateurs de ce service d’enregistrement en ligne, réceptifs à des annonces publicitaires.

Par ailleurs, la société Wizzgo étant le créateur de la copie mais n’en étant pas l’utilisateur, l’exception de copie privée n’est pas applicable et la réalisation de la copie, même si elle ne génère pas directement une recette, ne présente donc pas de caractère licite.

Ainsi, ce n’est que surabondamment que le présentjugement reprendra les développements de l’ordonnance de référé du 6 août 2008 sur les atteintes à l’exploitation normale des programmes et aux intérêts légitimes des défenderesses par une activité qui élude le paiement des droits de propriété intellectuelle et qui perturbe l’équilibre économique de la création et de la production des oeuvres audiovisuelles.

La société Wizzgo étant mal-fondée à se prévaloir des exceptions de copie transitoire et de copie privée, son activité doit être déclarée contrefaisante à l’égard de:

- des sociétés Métropole télévision, Edi TV, M6 Web, Studio 89 productions et C productions, pour avoir reproduit et communiqué au public les programmes diffusés sur les deux chaînes de télévision M6 et W9 sans les autorisations qu’elles auraient dû accorder en leurs qualités de cessionnaires des droits d’auteur et d’artistes-interprètes, de producteurs et d’entreprises de communication audiovisuelle,

- des sociétés TFI, TF1 vidéo et e-TF1 pour avoir reproduit et communiqué au public les programmes diffusés sur la chaîne de télévision numérique TF1 et sur les sites www.tf1.fr et www.tf1vision.com sans les autorisations qu’elles auraient dû consentir en leurs qualités titulaires des droits d’exploitation des oeuvres, de producteur et d’entreprise de communication audiovisuelle,

- des sociétés NT1 et Panorama pour avoir reproduit et communiqué au public les programmes diffusés sur la chaîne de télévision NTI sans les autorisations qu’elles auraient dû consentir en leur qualité d’entreprise de communication audiovisuelle pour la première et de cessionnaire de droits d’auteur et de producteur de vidéogrammes pour la seconde.

Le clou du cercueil vient du mode de calcul des dommages-intérêts. Alors que la société Wizzgo revendiquait 1 294,76 euros de recettes publicitaires; et admettait avoir ainsi mis à disposition de ses clients 119329 copies de programmes de M6 et 95380 copies de programmes de W9, le tribunal a fixé le montant des dommages intérêts au prix moyen d'une vidéo à la demande commercialisée par ces chaînes, multiplié par le nombre de copies. Soit de l'ordre de 2 euros par copie, ce qui fait pour M6 230 478 euros et W9 190 760 euros. Sans compter les contrefaçons des marques (Wizzgo utilisait les logos des chaînes sans autorisation), TF1 devant encore se faire fournir les éléments de calcul de son préjudice.

Autant dire que Wizzgo est en cessation de paiement. La société a aussitôt suspendu son service.

Avant de hurler contre ces méchants juges qui ne voient pas qu'un magnétoscope de salon ou une photocopieuse à La Poste, et une SARL qui diffuse des enregistrements par internet, c'est exactement la même chose, et donc ne savent pas calculer des dommages intérêts, précisons que les juges n'ont fait qu'appliquer l'article L.331-1-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, issu de la loi du 29 octobre 2007 relative à la lutte contre la contrefaçon, qui prévoit une indemnisation forfaitaire sur la base du manque à gagner théorique et non du préjudice réel ou du gain réalisé par le contrefacteur. Ils n'avaient absolument pas le choix, le lobby des ayants-droits ayant bien fait son travail en amont.

Resquiescat In Pace.

mercredi 12 novembre 2008

Ça sent le sapin pour Wizzgo…

Après M6 et W9, ce sont les chaînes du groupe France Télévision qui viennent d'obtenir une très lourde condamnation de la société Wizzgo, qui exploite le logiciel iWizz, présenté comme « un magnétoscope numérique en ligne ».

Le 6 novembre dernier, le tribunal de grande instance de Paris a en effet fait interdiction à cette société de mettre à disposition les programmes des chaînes du groupe France Télévision (France 2, 3, 4 et 5, pas France Ô, qui n'était pas partie à l'instance) sous huit jours et d'utiliser les marques France 2, France 3, France 4 et France 5, et condamné cette société à produire les justificatifs de ses recettes publicitaires, le tout assorti d'une condamnation de 10.000 euros d'article 700 (Pour un simple référé-mesure urgente ? Champagne, les tarifs montent !)

Cette ordonnance se situe dans le droit fil de l'ordonnance du 6 août 2008 concernant les chaînes du groupe Métropole Télévision, mais est bien mieux rédigée.

La société Wizzgo, pour sa défense invoquait le droit à la copie privée et fait qu’elle se contenterait de mettre à disposition une plate-forme technologique générant une copie transitoire conforme aux prévisions des articles L. 122-5, 6° et L. 211-3, 5° du code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal fait litière de ses arguments ; pour la copie privée, il estime d'une manière cette fois limpide que :

Il convient de rappeler que les exceptions sont d’interprétation stricte.

La copie doit être réservée à l’usage du copiste. Elle doit être faite par le copiste pour son propre usage.

Dès lors, l’exception de copie privée ne saurait être applicable à une société qui offre un service de copie à des tiers, le copiste et l’usager n’étant pas la même personne. Il est constant que la société WIZZGO effectue elle-même les copies, qu’elle capte directement pour ce faire le signal à copier et qu’elle les met à disposition des internautes.

C'est limpide, et difficilement contestable.

S'agissant de la copie transitoire :

En l’espèce, et contrairement à ce qu’elle prétend, la copie générée par WIZZGO n’est pas transitoire puisqu’elle est téléchargée et conservée par l’utilisateur, qu’il importe peu à ce sujet que cette copie soit cryptée puisqu’elle est décryptable par l’utilisateur et que la copie dans sa version cryptée et décryptée forme un tout. Par ailleurs, cette copie “n’a pas pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’oeuvre ou sa transmission entre tiers […]" puisque la copie réalisée est illicite dans la mesure où elle n’est pas couverte par l’exception de copie privée. En outre, la reproduction réalisée a “une valeur économique propre” puisque sa réalisation et sa mise à disposition constitue l’objet même du service de WIZZGO, service qui se présente comme gratuit mais est en fait rémunéré par la publicité.

La copie transitoire, c'est par exemple la mise en mémoire tampon d'une bande annonce que vous regardez licitement en ligne, par exemple sur le site officiel du film. Afin de vous assurer un visionnage fluide, votre ordinateur va réaliser une copie de la vidéo contenue sur le serveur du site du film dans votre mémoire vive, et sur une espace de votre disque dur (la mémoire tampon). Ce processus vous échappe complètement, il a lieu dès lors que vous avez demandé à visionner la vidéo et lui est nécessaire. C'est ça, une copie transitoire. Elle n'est pas destinée à être récupérée par l'utilisateur et n'est pas censée l'être, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne l'est pas. Plus pratiquement encore, une copie transitoire est réalisée quand vous utilisez un service de Video On Demand (VOD). Vous n'achetez pas une copie de l'œuvre (ça, c'est l'achat d'un DVD, qui est un plus cher que la VOD) mais un droit limité de représentation (généralement limité dans le temps). L'œuvre va être copiée à tout le moins partiellement soit sur un disque dur soit en mémoire vive, alors que vous n'avez pas payé le droit de reproduction. La loi vous en donne quitus, et interdit à l'auteur de s'y opposer : c'est la copie transitoire.

Dès lors, les services proposés par la société WIZZGO sont illicites et constituent des contrefaçons des droits d’auteur et des droits voisins[1] des demanderesses.

Wizzgo avait déjà cessé de proposer les programmes de M6 et W9. La voilà contrainte d'ôter les programmes de France 2 à 5. De plus, il est établir désormais que son modèle économique repose sur une base illicite : la contrefaçon des droits d'auteur et des droits voisins.

Donc soit Wizzgo négocie promptement avec ces chaînes un accord pour diffuser leurs programmes, en admettant que ces chaînes soient disposées à donner leur accord (je reformule : en admettant que la SARL Wizzgo ait les moyens de les rémunérer pour leur accord) ce qui est douteux pour une société dont le modèle économique repose sur une matière première considérée à tort comme gratuite, soit il est à craindre que le magnétoscope numérique en ligne aille bientôt rejoindre au rebut son ancêtre VHS.

Notes

[1] Un droit voisin n'est pas un droit qui habite à côté de chez vous ; c'est un terme qui désigne les droits voisins du droit d'auteur et qui protègent ceux qui, sans être les auteurs de l'œuvre, lui ont apporté un aspect essentiel : les interprètes (le chanteur ou l'acteur est généralement plus connu que l'auteur du texte) et les producteurs de phonogramme.

mardi 7 octobre 2008

Les mathématiques de l'insécurité

Par Fantômette


Le 24 juin dernier, le Figaro titrait glorieusement sur le palmarès de la violence, "ville par ville".

"Où court-on le plus de risques de se faire agresser ? Quelles sont les communes les plus sûres ?" Tendez-vous déjà la main vers votre tube de lexomil ?

Le Figaro poursuit inexorablement : "D’après les chiffres incontestables de la PJ".

Nous y voilà. Les chiffres. Incontestables. Forcément.

Qu’un chiffre soit incontestable, cela pourrait déjà se discuter. Que son interprétation le soit, cela ne se discute même plus.

Alors dans le but de faire de vous, chers lecteurs, des lecteurs avertis qui en vaudront plusieurs, quelques complexités à garder à l’esprit toutes les fois où l’on vous parlera des "chiffres de la délinquance" et plus particulièrement des "chiffres incontestables".

Qu'est-ce que l'on compte ?

Pour commencer, de quoi parle t’on exactement ? Qu’est-ce que l’on compte ? Le nombre d’infractions dites-vous ? Ce n’est pas si simple.

Pour mieux comprendre, imaginez une série de cercles concentriques, qui dessinent une cible.

Le cercle extérieur, le plus large, représente le fameux "chiffre noir du crime". Si l’on admet que ce chiffre représente l’ensemble de toutes les infractions commises, sur une période donnée et sur un territoire donné, il augmente lorsque vous vous garez sans mettre d’argent dans l’horodateur. Lorsque vous resquillez en prenant le métro. Lorsque vous trouvez un billet de dix euros par terre, et que vous l’empochez[1].

Ce chiffre noir est inconnu et risque fort de le rester. Combien d’infractions sont-elles réellement commises par an en France ? On ne le sait pas.

Mesurer l'activité policière

Le second cercle, plus petit, correspond quant à lui à des données plus quantifiables. Il ne répond pas à la question de savoir combien d’infractions ont été commises, mais plutôt de savoir combien d’infractions ont été signalées ou constatées.

Ah, me direz-vous, il s’agit du nombre de plaintes. Celles-ci, du moins, peut-on les compter. C’est exact. Les dénonciations, également. Ceci dit, de nombreuses infractions ne feront pas l’objet de plainte. Il existe des infractions sans victime, au sens juridique du terme : la consommation de substances illicites, la conduite sans permis, le défaut d'assurance... Celles-ci seront découvertes sur la seule initiative de la police.

Nous pouvons donc, direz-vous, compter le nombre d’infractions dont la police et la gendarmerie auront eu connaissance, que ce soit par le biais d’un dépôt de plainte, ou par ses propres activités d’investigation.

D’accord. Cela nous donnera un chiffre donné.

Remarquez que ce chiffre nous donnera donc, non pas une image de la criminalité en tant que telle, mais bien plutôt une image de l’activité répressive de la police et de la gendarmerie. Et si les deux ne sont pas sans lien, sans doute faut-il se garder d’y voir un lien trop étroit.

Qu’un commissaire dynamique sache donner à ses troupes un peu de cœur à l’ouvrage, les envoie dans les quartiers sensibles, et stimule leur motivation : voilà "les chiffres incontestables de la délinquance" qui montent. Cela révèle t-il pour autant une hausse de la délinquance ? Pas nécessairement. En fait, toutes choses étant égales par ailleurs, si l’on remplace un commissaire un peu dépassé par un commissaire extrêmement efficace, on peut même imaginer que la délinquance va baisser dans son secteur (quitte à passer dans le secteur voisin). Pourtant, en faisant son travail très efficacement, il fait augmenter les chiffres de la délinquance, et créera, selon toute probabilité, du sentiment d’insécurité.

Qu’un gouvernement, soudainement soucieux d’offrir un meilleur accueil aux usagers du service public de la police, crée de nouvelles structures pour recueillir des plaintes, dans de meilleures conditions, et y forme ses agents, voilà les "chiffres incontestables" de la délinquance qui montent.

Que des campagnes soient lancées pour inciter les victimes de tel ou tel type d'infractions à porter plus systématiquement plainte, et les "chiffres incontestables", infatigablement, reprennent leur ascension.

Faut-il en déduire quoi que ce soit relativement au chiffre noir ? Augmente t-il ? Peut-être. Mais rien ne le prouve. Il pourrait aussi bien baisser. Les "chiffres incontestables" n’en augmenteraient pas moins.

Mesurer l'activité des juridictions

A l’intérieur de ce second cercle, le troisième cercle représente une autre catégorie de chiffres, qui nous informent sur l'activité des juridictions. Il pourra s'agir de compter le nombre de condamnations prononcées sur une période donnée, ou encore, plus généralement, le nombre de réponses pénales apportées, l'expression englobant aussi bien les condamnations classiquement prononcées par les tribunaux de police, tribunaux correctionnels et cours d'assises, que les réponses apportées par le biais des procédures alternatives au procès[2].

Ce chiffre-là est inférieur au précédent[3].

En effet, pour commencer, une plainte transmise au parquet ne fera pas systématiquement l’objet d’un jugement, faute, par exemple, d’avoir identifié l’auteur de l’infraction. L’infraction peut également avoir été mal caractérisée, ou bien, si un fauteur de trouble a dûment été dénoncé, le parquet peut estimer que les charges pesant contre lui sont insuffisantes[4]

La plainte pourra ainsi faire l’objet d’un classement sans suite, faculté ouverte au ministère public par l’article 40 du code de procédure pénale.

Imaginons une circulaire émise à l’intention du Parquet, sollicitant les procureurs de poursuivre avec fermeté tel ou tel type d’infraction, de ne pas les classer sans suite, de les orienter de préférence vers les tribunaux et non les voies alternatives, et voilà le chiffre incontestable de la délinquance, aimablement fourni par les juridictions pénales, qui augmente.

Toute instruction de ce type, qui ira dans le sens d’une poursuite plus systématique, d’une "réponse pénale" plus systématique, fera évidemment augmenter les mesures de l’activité judiciaire pénale[5]

Mais qu'est ce que cela signifie, au regard du "chiffre noir" de la délinquance ? Augmente t-il ? Diminue t-il ? Qui peut le dire ?

Un disciple optimiste du grand Beccaria serait en droit de voir dans l'augmentation du nombre de poursuites engagées et menées à terme, une raison de supposer que l'on prévient dans le même temps une délinquance potentielle, par le mécanisme dit de prévention générale. Plus la répression est active et visible, plus elle dissuade. C'est fort possible. Cela signifierait alors que plus les tribunaux poursuivent, et plus l'on a des raisons de supposer que le chiffre noir diminue.

Ce n'est pourtant pas souvent l'impression que le public retirera de l'idée que "les chiffres incontestables" de la délinquance augmentent.

Mesurer l'activité de l'administration pénitentiaire

Dernier cercle, et dernier chiffre, qui contribue probablement à créer du sentiment d'insécurité : celui qui concerne la population carcérale.

Le nombre de détenus augmente. Qu'est-ce que cela signifie ?

Il y a toujours deux explications possibles à l'accroissement ou à la diminution d'une population donnée. Elle s'accroit si le nombre de naissances augmente, et si le nombre de décès diminue. Inversement, lorsque le nombre de naissances diminue, ou lorsque le nombre de décès augmente, la population décroit. Il en va de même de la population carcérale. Remplacez seulement la naissance par l'incarcération, et le décès par la sortie de prison.

Deux origines possibles, donc, évidemment non exclusives l'une de l'autre, à l'augmentation sensible de la population carcérale. Plus de personnes qui entrent. Mais aussi, moins de personnes qui sortent. Ajoutez à cela une politique pénale qui tend à prononcer des peines plus longues d'incarcération, et vous disposez là d'une explication qui pourrait suffire à expliquer le phénomène de surpopulation carcérale, sans qu'il soit besoin d'extrapoler sur les variations supposées d'un chiffre noir, plus que jamais obscur et mystérieux.

Et destiné à le rester.

Notes

[1] Oui, c'est un vol.

[2] Passage devant le délégué du procureur, médiation pénale, composition pénale, notamment

[3] Je laisse de côté les affaires dans lesquelles les plaignants saisissent directement les juridictions pénales par le biais notamment des citations directes, relativement bien moins nombreuses.

[4] Ainsi, en 2005, sur près de 4.900.000 infractions traitées, 8,4% d'entre elles ont été classées sans suite pour motif juridique, ce qui recouvre notamment des hypothèses où l'infraction est inexistante ou n'est pas caractérisée. Un peu plus de 60% sont classées pour défaut d'élucidation. 22% d'entre les infractions restantes, dites poursuivables, seront classées sans suite pour un motif d'opportunité (le plaignant a pu se désister de sa plainte, être désinteressé spontanément. L'infraction peut être de très faible gravité, le préjudice inexistant...) Source : Annuaire statistique de la Justice 2007.

[5] Entre 2001 et 2005, le nombre de classements sans suite opéré par le parquet est passé de 434.475 à 323.594, faisant passer le taux de classement sans suite des affaires poursuivables de 32,7% à 22,1%. Il est intéressant de noter que cette diminution a notamment concernée les affaires classées sans suite pour le motif du peu d'importance du préjudice causé ou du trouble à l'ordre public. Source : Annuaire statistique de la Justice 2007.

mercredi 24 septembre 2008

Ô Blogueurs Républicains…

Une petite annonce dans une journée chargée qui sera sans billet.

Ce soir, comme chaque dernier mercredi du mois se tient la République des Blogs, rencontre mensuelle et informelle de blogueurs et lecteurs de blogs à thématique politique, au sens large et donc noble, de tous bords du moment qu'ils sont ouverts au dialogue et raisonnablement assoiffés. De vraies superstars des blogs avec certificat d'authenticité décerné par Lieu-Commun seront là, comme l'élégant Jules de Dinersroom, que vous trouverez sans nul doute non loin du comptoir, surtout si vous êtes une jeune fille célibataire, Authueil, en train de titiller des blogueurs de gauche (désolé mesdemoiselles, il est marié), et bien d'autres. Si vous voulez mettre un visage sur un pseudo ou une main dans une figure, l'occasion est excellente.

Sans pouvoir affirmer que j'y serai, emploi du temps oblige, je relaie néanmoins l'information, l'initiateur de cette sympathique coutume, Versac, ayant appliqué à son blog le rituel de Seppuku.

Attention toutefois pour les habitués : la brasserie Le Pavillon Baltard, hôte habituel, est fermé pour travaux. C'est donc en face, chez mon confrère Maître Kanter, qu'aura lieu l'assemblée, comme ce fut le cas en juillet et en août.

C'est donc au 16 rue Coquillière dans le premier arrondissement, à la Taverne de Maître Kanter - Les Halles. Métro ligne 1, Louvre-Rivoli, ligne 4 et RER A, B et D Les Halles, bus lignes 67, 74 et 85 arrêt Louvre Coquillière stations, Vélib 1024 Louvre-Coq-Héron ou 1012 Bourse du Commerce, à partir de 19 heures, mais n'attendez pas la foule avant vingt heures.

lundi 18 août 2008

L'affaire Wizzgo

Aujourd'hui, je vous propose d'étudier une décision judiciaire rendue cet été qui mérite l'attention.

Distribution

La société Wizzgo exploite un logiciel éponyme présenté comme un magnétoscope numérique en ligne.

Ce logiciel, une fois téléchargé, permet d'afficher les programmes des chaînes de la TNT, et d'un simple clic sur l'un d'eux effectué avant sa diffusion, d'en demander l'enregistrement. Une fois le programme diffusé, l'utilisateur, en lançant le logiciel, télécharge automatiquement un fichier vidéo du programme en question.

Ce service est présenté comme gratuit, mais vise à se financer par la publicité qui agrémente la fenêtre du logiciel quand i lest ouvert. Il est, pour le moment, limité à 15 heures de programme sur une période d'un mois.

La société Métropole Télévision exploite une chaîne de télévision baptisée M6 ; la société EDI TV exploite une chaîne baptisée W9 et diffusée uniquement sur le TNT. La société M6 web exploite quant à elle un site baptisé M6 replays, qui permet de revisionner les programmes des deux chaînes précitées. Enfin, les sociétés 89 Productions et C Productions, dont les sièges sont à la même adresse que les deux chaînes de télévision précitées, produisent des programmes diffusés par ces chaînes.

Voilà pour le casting.

Pourquoi tant de haine ?

Ces cinq sociétés se sont émues comme un seul homme de l'activité de la société Wizzgo et ont porté leur émotion en plein mois d'août devant le juge des référés de Paris.

Les demanderesses estimaient que l'activité de la société Wizzgo était parasitaire et constituait une concurrence déloyale à leur égard, puisqu'elle exploite les programmes que ces sociétés ont produit ou acheté sans verser aucune rémunération aux titulaires des droits d'auteur. Elles demandent donc que le juge fasse interdiction à la société Wizzgo de poursuivre son activité en ce qui concerne leurs programmes et soit condamnée à leur verser une provision de 15000 euros à valoir sur les dommages-intérêts qu'ils obtiendront lors d'un procès ordinaire (on dit “au fond”) à venir et à produire les éléments permettant d'établir l'ampleur de ce préjudice (nombre et désignation des programmes de ces sociétés reproduits pour les clients de la société Wizzgo).

La société Wizzgo répondait en réplique (le mot réplique s'imposant ici) que le service qu'elle propose s'assimile en tout point à ce que fait un magnétoscope, artefact parfaitement licite, et que le programme est reproduit in extenso, coupures pub incluses. Elle invoquait donc l'exception de copie privée (article L.122-5, 6° du CPI), celle-là même qui rend licite la reproduction d'une œuvre par un particulier à son seul usage personnel.

And the winner is…

Par ordonnance en date du 6 août 2008, le juge des référés de Paris a fait droit aux demandes des sociétés Métropole Télévision et autres.

Le juge écarte l'argumentation de l'ordonnance de copie privée par des motifs qui, je le crains, ne brillent pas par leur limpidité. On sent que les greffiers habituels sont en vacances, la rédaction des jugements s'en ressent.

Voici ce que dit le tribunal (j'ai légèrement modifié la ponctuation défaillante de l'ordonnance ; je n'ai pas touché aux mots en eux-même).

(…)L’autorisation de la loi est tirée de l’exception de copie privée, laquelle, dérogatoire, est d’interprétation stricte, et d’une technique qui permettrait d’invoquer le bénéfice de l’article L. 122-5, 6° du Code de la propriété intellectuelle par la création d’une copie transitoire destinée à un usage licite ;

L’ajustement de la technique logiciel aux prescriptions légales évoque une pratique “limite” habituelle des publicitaires en matière de boissons alcooliques et de tabac ; que le rapprochement est justifié par les caractéristiques d’un service qui repose d’abord sur une inscription dans le sillage d’une “addiction” des consommateurs, en l’espèce l’attrait pour les nouvelles technologies de l’image et audiovisuelle et la gratuité apparente, la position du problème des pouvoirs du juge des référés face à des pratiques qui tentent de limiter l’effet des prohibitions légales ;

J'avoue ma perplexité face à ce paragraphe. La juxtaposition de deux substantifs non séparés par un tiret, qui plus en en faute d'accord (« la technique logiciel »), n'est pas correcte en français. Le juge semble ensuite faire une analogie avec les manœuvres des producteurs d'alcool ou de tabac pour contourner la législation prohibant la publicité, mais cette législation sanitaire est sans lien aucun avec la présente affaire qui porte sur le droit d'auteur exclusivement, la publicité n'étant que la source des revenus des parties. Quant à la mention de l'addiction des consommateurs aux nouvelles technologies, je la trouve incongrue, discutable, et sans intérêt pour la solution du litige. Voilà qui n'aide pas à la compréhension.

Reprenons, en sautant le paragraphe où le tribunal rejette la demande de la société de Wizzgo tendant à ce qu'une question préjudicielle soit posée sur ce point de droit à la Cour de Justice des Communautés Européennes, au motif que les délais d'une telle procédure sont incompatibles avec la rapidité de la demande en référé. Passons rapidement en relevant que ce motif n'est pas pertinent, et qu'il aurait été plus simple de rappeler que le juge national est compétent pour interpréter le droit européen, et que l'article L.122-5, 6° du CPI n'est en tout état de cause pas du droit européen mais du droit national.

Les demanderesses font valoir les règles acquises pour la protection des droits de propriété intellectuelle dans le domaine de la photocopie, de la reproduction des supports numériques ; … le défendeur soutient que, comme pour un magnétoscope, la copie utilisable est faite chez le particulier et sur son action pour son usage privé ; qu’à tout le moins ce service suppose l’utilisation coordonnée des moyens techniques de la société et de l’utilisateur ;

Les principes juridiques et économiques en cause sont clairs ; la copie privée, qui fait exception au droit de la reproduction de l’œuvre, est par définition sans valeur économique, ne pouvant supporter pratiquement un acquittement de droits de reproduction et n’étant pas placée sur un marché ; la production et l’acquisition des matériels nécessaires sont [donc] licites ;

Le service querellé, économique, qui n’est pas de l’ordre du don, qui permet la réalisation par son utilisateur d’une copie est illicite quel que soit le montage technologique ; il est interdit de créer et s’approprier une richesse économique à partir d’un service de copie d’œuvres ou de programmes audiovisuels qui se soustrait à la rémunération des titulaires des droits de propriété intellectuelle ; le service offert par la société WIZZGO est [donc] manifestement illicite ; (…).

Deux remarques là aussi. D'une part, la jurisprudence a déjà établi qu'un échange d'enregistrement sur la base du don était également illicite s'il sort du cadre privé proche permis par l'exception de copie privée (il s'agissait d'une personne enregistrant des films diffusés en français sur la télévision nationale et envoyait les cassettes à sa famille installée à l'étranger). la copie privée ne doit pas sortir du foyer. D'autre part, il faut rappeler que les disques durs des ordinateurs ne font pas l'objet à ce jour (gageons que ça ne durera pas) de la perception d'une redevance reversée aux sociétés d'auteurs comme tel est le cas pour les disques durs et DVD réinscriptibles ou non des magnétoscopes de salon. Les programmes audiovisuels transitant sur les serveurs de Wizzgo puis chez le client passent par des supports mémoire non soumis à cette rémunération. On peut donc se demander ce qu'il en serait si la commission prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle relative à la rémunération pour copie privée[1]taxait ainsi les mémoires des ordinateurs…

La société Wizzgo se voit donc interdire de proposer l'enregistrement des programmes de M6 et W9, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, et doit fournir aux demanderesses les données relatives à leurs programmes ainsi illicitement enregistrés. Autant dire que si les autres chaînes de la TNT font de même, c'est la survie même de Wizzgo qui est en cause.

Enfin, cela pose à nouveau la question récurrente du modèle économique dit du « web 2.0 », déjà soulevé lors de l'affaire Fuzz. Ce modèle repose, je le crains, sur des mythes, le principal étant celui de la création de richesse à partir d'une matière première qui serait gratuite, que ce soit le contenu des blogues (Wikio), du User Generated Content (Youtube, Fuzz) ou des flux RSS des autres sites (Lespipoles). Déjà que l'idée de faire payer ses services par d'autres que ses clients (comprendre : par la pub) me paraît pour le moins audacieuse, seul Google ayant réussi pour le moment ce tour de force (encore que de plus en plus de ses services gratuits sont proposés en version améliorée payante, selon le bon vieux modèle du web 1.0.

Au-delà de sa viabilité économique, qui ne concerne que les associés de ces sociétés commerciales (Wizzgo est une Société Anonyme), ses créanciers et dans une moindre mesure ses clients, le problème de la licéité du modèle semble de plus en plus douteuse. Une telle activité faite sans le consentement des fournisseurs de la matière première est illicite car parasitaire.

Ajoutons à cela la crise du secteur du crédit bancaire, et il n'y a plus qu'à se demander si ça ne sent pas l'explosion prochaine de bulle, explosion 2.0 (béta) bien sûr…

Notes

[1] C'est son nom officiel, je n'y peux rien.

vendredi 9 mai 2008

Se moquer de nous, c'est réservé au mari.

Dans Paris-Match (Via David Abiker, lui même via un article très critique sur Bakchich.info), qui a bel et bien tourné la page Genestar, une attachée de presse journaliste fait un dithyrambe article sur la Prima Donna.

Ce passage relance la polémique sur la nationalité d'icelle.

En se mariant la belle Italienne a acquis la nationalité française. “Cela prend du temps [d’acquérir la nationalité française], même quand on connaît du monde”, dit-elle avec malice. Désormais, elle n’a plus à aller faire des heures la queue à la Cité - la dernière fois, elle portait son fils Aurélien en kangourou - pour renouveler sa carte de séjour.

Voilà qui confirme que Carla Bruni-Sarkozy serait donc bien devenue française.

Problème : elle ne peut avoir acquis la nationalité par déclaration en raison de son mariage car il faut attendre quatre années pour ce faire.

Seule la voie de la naturalisation lui semble ouverte. Naturalisation qui vu la situation personnelle de l'intéressée, je ne prle pas de son récent mariage mais du fait qu'elle vive en France depuis l'âge de cinq ans et soit mère d'un enfant français) ne pose pas de problème sur le principe : encore faut-il la demander (art. 21-15 du code civil), ou être mort en mission pour l'armée française au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel (art. 21-14-1 du même Code).

Or aucune demande de naturalisation n'a été déposée au nom de Carla Bruni. Il faut me croire sur parole, j'en ai eu confirmation (de même que j'ai eu confirmation qu'elle n'a pas été tuée en opération militaire).

Quelqu'un qui a accès au JO papier pourrait-il regarder les décrets de naturalisation de février à ce jour pour trancher la question ?

S'agissant de son traumatisme préfectoral, pour connaître le service des étrangers de la préfecture de Paris (au métro Cité, sise sur l'île du même nom, d'où sa désignation par métonymie), je confirme qu'il faut y attendre des heures, et que les très jeunes enfants, non encore scolarisés, s'y ennuient à mourir à côté de leurs parents angoissés qui viennent faire renouveler leur carte de séjour. Et encore a-t-elle oublié de mentionner qu'il n'y a en tout et pour tout qu'une toilette accessible au public qui a parfois l'heur d'être à l'opposé du service qui s'occupe de vous et que si vous êtes absent quand on vous appelle (ce que vous n'avez aucun moyen d'anticiper), vous avez perdu votre tour, il ne vous reste qu'à revenir. Donc on se retient.

Carlita a dû bénéficier à ses 18 ans (en 1985 - elle est de fin décembre, elle a dû l'avoir en 1986) d'une carte de séjour “CEE” valable cinq ans renouvelable de plein droit en 1991 par une carte de 10 ans ; valable jusqu'en 2001 (art. 7 du décret n°81-405 du 28 avril 1981 alors en vigueur, dispositions reprises à l'identique dans le décret n°94-211 du 11 mars 1994). Il est exact que ce renouvellement de plein droit ne dispense pas de la visite à la préfecture. Son expérience doit donc se résumer à trois visites en 1986, 1991 et 2001 (celle avec son fils en bandouillère).

Je comprends que ces expériences, pour espacées qu'elles fussent, aient été fort désagréables. Mais j'ose espérer qu'elle n'a pas convolé contre la promesse d'échapper désormais à cette funeste visite par une prompte acquisition de la nationalité française.

En effet, depuis la loi (Sarkozy, quelle intuition…) du 26 novembre 2003 (article 14), devenu l'article 121-1 du CESEDA, modifié par la loi (Sarkozy, il a bien préparé son coup) n°2006-911 du 24 juillet 2006 (art. 23) les ressortissants de l'Union Européenne sont dispensés de l'obligation de détenir un titre de séjour.

Même s'ils ne sont pas mariés à un président de la République.

Notez que cette théorie tient la route : elle n'aurait pas la nationalité française mais croirait l'avoir puisqu'effectivement, grâce à son mari, elle n'aura plus à aller à la préfecture de police. Notre président est machiavélique.

mercredi 7 mai 2008

Avis de Berryer : Marc Guillaume

La prochaine conférence BERRYER aura lieu le mercredi 21 mai à 21 heures, en la Salle des Criées du Palais de Justice, 6 Boulevard du Palais Paris 1er, Métro Châtelet, Cité ou Saint-Michel.



L’invité sera Monsieur Marc Guillaume.

— « LE Marc Guillaume ? » s'exclame incrédule le peuple de Berryer, pris de vertige à l'idée de rencontrer enfin une vraie star dans ce lieu de perdition qu'est devenue la Conférence Berryer, et qui fait passer les plus infâmes tripots de Macao pour le casino Partouche de Deauville.

— En chair et en os, petit veinard. Oui, Marc Guillaume, le Secrétaire général du Conseil Constitutionnel nous honorera de sa présence durant ces travaux de la Conférence Berryer, qui examinera les sujets suivants :



1er sujet: faut il avoir de la haine pour son ADN ?



2ème sujet: faut il travailler plus au Conseil Constitutionnel ?



Monsieur Grégory Saint-Michel, 11ème Secrétaire, se chargera du rapport.



Je vous rappelle qu'il n'y a pas de réservations de places possibles, compte tenu des nouvelles consignes de sécurité et qu'il est fortement recommandé de venir de bonne heure, en raison du nombre de places limitées. Considérez qu'après 20h30, c'est folie, et que 20 heures, c'est risqué (même si le fan club de Marc Guillaume compte une poignée de groupies de moins que celui de Patrick Bruel, qui a occasionné un mémorable embouteillage en son temps).

mardi 22 avril 2008

Affaires Fuzz et autres, réplique à Adscriptor

Dans un long billet, Jean-Marie Le Ray répond à mon billet “Affaires Fuzz, Dicodunet, lespipoles et autres : et si le juge avait raison ?

Je ne pensais pas pouvoir y répondre rapidement vu sa longueur, mais en fait, il s'avère que la partie argumentative, au demeurant intéressante, peut se résumer aisément, le reste n'étant que des scories atrabilaires contre le droit, accusé d'être contraire au “bon sens”, comprendre celui de Jean-Marie Le Ray, ou votre serviteur, accusé de n'être qu'un valet dudit droit. L'auteur me pardonnera de passer rapidement sur ces paragraphes qui n'ont d'autre intérêt que lui permettre de passer ses nerfs, et lui conseiller amicalement de se relire et élaguer la prochaine fois avant de poster, par respect pour son lectorat et surtout son interlocuteur, faute de quoi ce dialogue risque de terminer prématurément[1].

L'auteur de ce billet exprime son vif désaccord avec les décisions Olivier Martinez. J'espère ne pas trahir son argumentation en la reprenant ainsi.

À titre préliminaire, il reprend à son compte l'analogie funeste du kiosque à journaux, me reprochant de ne pas y répondre. En fait, j'y ai répondu en commentaire, et Narvic aussi de son côté. Je vais y répondre une dernière fois et rapidement parce que cette analogie, comme la plupart des analogies, est une perte de temps. Un kiosque à journaux est un édicule sur la voie publique qui vend des journaux. Pour y lire un journal, il faut acheter un exemplaire dont on devient propriétaire. Il n'y a pas de journaux gratuits en kiosques, ils sont distribués ailleurs, dans des présentoirs dans le métro et dans les boutiques. Car un kiosque à journaux fait partie d'un réseau de distribution qui n'inclut pas les gratuits. Le kiosquier n'a aucune liberté sur les journaux qu'il propose à la vente. Il doit vendre la presse d'extrême droite comme d'extrême gauche, la presse por-nographique comme la Vie du Rail. Cette absence de liberté l'exonère de sa responsabilité, c'est la loi, sauf s'il distribue des revues ne mentionnant ni directeur de publication, ni auteur, ni imprimeur. Enfin, en raison de leur différence de nature, la presse relève d'une loi spéciale, la loi du 29 juillet 1881, tandis que l'internet relève de la LCEN. J'ajoute dans la série des évidences invisibles au “bon sens” que les quotidiens sont retires du kiosque chaque jour, les hebdomadaires chaque semaine, et les mensuels chaque mois, tandis que sur internet, rien ne s'oublie, et que l'intégralité des numéros du Journal d'un avocat®, quatre ans de mépris et de morgue garantis sans un gramme de bon sens, est toujours disponible d'un simple clic dans la colonne de droite. L'analogie aurait quelque pertinence si on pouvait se servir gratuitement dans les kiosques à journaux, qui conserveraient en plus en réserve des exemplaires de tous les numéros qu'ils aient jamais détenus (ce qui suppose des kiosques de la taille de la bibliothèque nationale), le réseau de distribution espérant se rentabiliser uniquement par la publicité affichée sur les édicules. Vous voyez qu'on en est loin.

Donc, cette analogie n'est pas pertinente, et s'obstiner à comparer des situations sans rapport revient à changer les données du problème, donc renforce la confusion.

J'espère (sans trop y croire hélas) que nous en avons fini avec elle. En tout cas, je refuse de perdre mon temps à continuer à expliquer à des professionnels de l'internet la différence entre un site web et un kiosque à journaux. Surtout, mais là, cher Jean-Marie, vous l'avez cherché, quand vous écrivez plus loin dans le même billet, pour contester mon affirmation que la loi sur la presse de 1881 s'est bien adaptée à la radio puis à la télévision :

…qu'Internet n'a rien à voir ni avec la radio, ni avec la télévision ! Parce qu'Internet n'a rien à voir avec tout ce qui a précédé ... Internet.

Sauf avec les kiosques à journaux, le lecteur aura rectifié de lui-même.

Redevenons donc sérieux.

Le postulat de Jean-Marie Le Ray est que les sites comme Fuzz, Wikio, et je suppose, bien qu'ils ne soient pas cités, dicodunet et lespipoles, devraient être irresponsables de ce qu'ils publient car ils n'ont aucun degré de liberté sur leur contenu.

À l'appui de cette affirmation qui a de quoi surprendre, l'auteur explique que le contenu est composé d'infos au sens large, qui apparaissent soit en automatique via un flux RSS (Wikio, lespipoles, dicodunet) soit manuellement par les utilisateurs (Fuzz). Cette info peut être le titre seul, le titre accompagné d'une courte présentation ou l'intégralité de l'article, peu importe.

Cette apparition étant indépendante de la volonté de la personne qui exploite le site, elle exclurait sa responsabilité. Certes, reconnaît tout de même Jean-Marie Le Ray, il y a bien volonté en amont de s'abonner à tel flux, mais en aval, il est matériellement impossible d'en surveiller le contenu : Wikio invoque par exemple 4 millions d'articles indexés par mois. Cette impossibilité matérielle devrait aboutir à une impossibilité juridique d'engager la responsabilité des sites concernés, sauf à condamner à terme les sites d'agrégation, et, ce qui semble être pire encore pour l'auteur, “aller dans un sens totalement opposé à l'évolution d'internet”. Pour l'auteur, en conclusion, le “choix éditorial” est le choix, en amont, d'indexer tel flux, qui, s'il n'est pas illicite par sa nature, ne saurait engager la responsabilité de celui qui le reprend à raison d'un contenu ponctuel qui, lui, serait illicite. Quant à Fuzz, puisque l'éditeur du site ne peut supprimer a priori un lien qui est mis en ligne par un tiers,cela imposerait une validation préalable qui serait une tâche considérable ; et encore est-il douteux qu'en lisant qu'Olivier Martini et Kellé Mignone sont toujours amoureux et ont été vus ensemble à Paris, Éric Dupin aurait immédiatement compris qu'il s'agissait d'une atteinte à leur vie privée.

Je passe sur le reste du billet qui selon Pierre Chappaz, fondateur de Wikio, « fait honneur au web », où on apprend entre autres que son auteur « n'ose même plus aller pisser sans consulter d'abord le Code civil. Des fois que ça porterait atteinte à quelqu'un sans [qu'il ne] le sache'' ». Des fois, quand on lit ça, on se dit qu'expliquer le droit, c'est miction impossible.

Là où le raisonnement de Jean-Marie Le Ray est erroné est qu'il n'accepte que l'hypothèse d'une responsabilité immédiate, conséquence directe d'une faute, toute autre hypothèse étant invalidée comme “contraire au bon sens”, ce qui est un peu léger dans un débat qui, ne lui en déplaise, est essentiellement juridique. Selon Jean-Marie Ray, seule la personne ayant publié une information illicite comme résultat d'un acte volontaire (donc soit le site qui rédige l'original de l'article soit l'usager qui le reprend sur Fuzz) seraient responsable de son contenu. Tous ceux qui reprendraient la nouvelle mécaniquement (Wikio) ou offriraient à quiconque les moyens de la faire figurer sur leur site (Fuzz) seraient irresponsables car ils n'auraient pas commis de faute ; tout au plus auraient-ils fait encourir le risque à des victimes de contenus illicites de donner une chambre d'écho à ces contenus, sans qu'on puisse les en blâmer parce qu'ils ne sont au courant de rien. Le triomphe de l'autruche, en somme.

Le droit, qui, comme l'internet, cher Jean-Marie, s'écrit toujours avec une minuscule, admet depuis longtemps des hypothèses de responsabilité pour faute indirecte, pour faute de négligence, voire sans faute : tout le droit de l'indemnisation des accidents de la circulation repose sur un système excluant la recherche d'une faute. Et cela fait 23 ans que ça marche. Il en va de même depuis 110 ans pour la responsabilité du fait des choses (arrêt Teffaine, 1897), sans oublier la responsabilité du commettant du fait des préposés (de l'employeur pour les dommages causés par ses salariés dans l'exercice de leurs fonctions, si vous préférez), des parents du fait de leur enfant, etc. Bref, en matière civile, on peut être responsable sans nécessairement être fautif (il n'en va pas de même au pénal, mais les affaires Wikio, Fuzz et autres sont exclusivement civiles), dès lors que l'on cause un dommage.

Et c'est précisément ce que dit la loi en matière d'atteinte à la vie privée. Cette loi, l'article 9 du Code civil, prévoit que la publication d'une information portant atteinte à la vie privée cause nécessairement un dommage qui doit être réparé. Et aucune acrobatie intellectuelle sur la nature d'un flux RSS ne peut faire croire que cette information n'a pas été publiée sur Fuzz ou sur Wikio. De même que l'argument de Jean-Marie Le Ray qui croit avoir découvert que cette information ne portait pas en réalité atteinte à la vie privée des intéressés est une torsion brutale de la raison. Une relation sentimentale, comme sa fin ou sa reprise, relève de la vie privée. C'est du bon sens, pourtant.

L'informatique permet aujourd'hui des reprises d'information instantanées qui font qu'une info publiée sur un site peut être reprise en quelques minutes à des centaines d'exemplaire, et en quelques heures, à des milliers. Il y a même des outils pour surveiller ces phénomènes. Et les sites en cause, Fuzz, Wikio, lespipoles, dicodunet, se proposent d'offrir aux internautes un aperçu de ce dont on parle le plus, sous entendu : pas besoin de cavaler sur tous les sites d'actualité ou autres, vous trouverez ce dont on parle chez nous, classé par catégories.

Une de ces infos peut être illicite, porter atteinte à la vie privée, et sa publication causer un préjudice à qui en est victime. Sa reprise sur des centaines de site, fût-elle automatique, participe à ce préjudice. Chaque reprise aggrave ce préjudice. C'est une chose que le Courrier de l'Oise publie le récit de ma virée à la soirée mousse au Dépôt, c'en est une autre que cette info soit reprise par Libération, Le monde, le Figaro, Wikio et Mickey Magazine. Le fait qu'il y ait eu un être humain derrière chaque reprise dans la presse écrite et que ce ne soit que des automates informatiques qui l'aient fait sur l'internet n'est qu'une très maigre consolation, dès lors que dans les deux cas, ce sont des êtres humains qui ont accès à l'information ainsi diffusée.

Néanmoins, l'internet obéit à des spécificités techniques particulières, et la loi a pris en considération cet état de la technique. La LCEN a distingué trois intervenants sur l'internet : le fournisseur d'accès, l'hébergeur, et l'éditeur. Le FAI est en principe irresponsable, l'hébergeur est responsable à certaines conditions (d'information préalable du caractère illicite du contenu), et l'éditeur est pleinement responsable. Rappelons la définition de l'hébergeur : « La personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». La personne qui assure le stockage informatique. Par opposition à l'éditeur : « Personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne ». Dans l'esprit du législateur, l'hébergeur, c'était le propriétaire des serveurs qui loue un hébergement mutualisé, virtuel ou dédié. Et s'il est difficile de définir un visiteur de Fuzz comme une personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public, il devient impossible de qualifier Gala.fr d'éditeur de Wikio. Cependant, la jurisprudence a accepté d'étendre le statut d'hébergeur à des sites comme Dailymotion ou Youtube, dont l'activité consiste à fournir un service de stockage de vidéos (Flickr aussi pour les photos, mais à ma connaissance il n'a jamais été poursuivi). Mais il reste un critère essentiel : le stockage (rappelons qu'on peut faire apparaître une vidéo hébergée sur Youtube ou Dailymotion par un lecteur embarqué). Le juge a refusé de considérer Fuzz et lespipoles comme un hébergeur (pour Wikio, la question reste entière, il n'a pas répondu) car ces sites n'étaient pas un simple site de stockage, et opéraient un vrai choix éditorial pour l'organisation des liens (lespipoles) ou en agençant différentes rubriques et décidant seule des modalités d’organisation et de présentation du site (Fuzz). Retour donc au droit commun.

Le juge se retrouve alors face à un dilemme. Une personne a subi un préjudice du fait d'une atteinte à sa vie privée. La loi dit qu'il a le droit d'être indemnisé. Mais la personne qui a véhiculé cette atteinte n'a fait que mettre en place une machine à reprendre des contenus (sans vouloir dénigrer Wikio ou Fuzz : je simplifie). Le juge a le choix entre refuser une indemnisation qui est légitime (qui est même exigée par la loi), et la mettre à la charge de quelqu'un qui n'a pas voulu causer ce dommage mais qui l'a causé en mettant en place les moyens qui l'ont permis. Cela n'a rien d'aberrant d'opter pour la deuxième branche de l'alternative ; la loi y pousse même.

Non, répond Jean-Marie Le Ray, il y a une troisième branche : mettre la réparation à la charge de celui qui a causé le dommage en premier. Gala.fr en l'occurrence. Le problème qui se pose pour le juge est que l'info a certes été publiée sur Gala.fr, mais aussi sur Fuzz et Wikio. Sur quel fondement dire que des trois, seul Gala est responsable, alors qu'il n'a même pas consenti à cette reprise de son contenu (accessoirement contraire à ses propres CGU ?) De quel droit Fuzz et Wikio diraient-ils : “oui, je l'ai publié, mais qu'il aille se plaindre à Gala et à Gala seulement” ? Pas de réponse hélas chez Adscriptor.

Bien sûr; rendre Gala.fr responsable y compris de la reprise de ses infos par des milliers de sites peut paraître à courte vue conforme au "bon sens", à l'honneur du web, et sauver les sites d'agrégation. À court terme.

À plus long terme, c'est les condamner.

Car mettre sur le dos des sites qui ne reprennent pas les informations d'autrui mais créent un contenu original indexé par Wikio, Fuzz et les autres, mettre sur leur dos disais-je, une responsabilité démesurée par rapport à leur propre audience, donc à leurs revenus potentiels, et le seul choix rationnel qu'il leur reste est de cesser la diffusion par flux RSS. Et si on leur met aussi sur le dos la responsabilité des reprises manuelles à la Fuzz, il ne leur reste plus qu'à fermer leur sites. Au moins, quand Gala publie sur papier l'info que Martini couche avec Mignonne, il n'est pas responsable si l'info est reprise sur TF1 (c'est TF1 qui est responsable). Un site internet deviendrait dès lors une source de responsabilité incontrôlable du fait de sites auxquels ils sont étrangers et n'ont aucun contrôle, et ils ne sont pas là pour fournir gratuitement du contenu et une assurance juridique à une myriade de sites. On ferme. Tarissement de la source. Mort de la poule aux œufs d'or (même si pour le moment elle ne pond pas beaucoup). Et Wikio Actualités, comme Fuzz, comme lespipoles deviennent des coquilles vides sans autre contenu que de la pub, ce qui du coup, il est vrai, devient cohérent avec leur absence de responsabilité.

Bref, cette troisième voie est pire encore que les deux premières.

Voilà le raisonnement juridique du juge : partir de la loi applicable, l'appliquer aux faits, voir si une ou plusieurs solutions s'offrent à lui. S'il n'y en a qu'une, l'appliquer. S'il y en a plusieurs, voir leurs conséquences, toutes leurs conséquences y compris à long terme (le “bon sens” lui est sujet à une myopie congénitale), et choisir la plus adaptée.

Ce n'est pas facile : on s'y met donc à plusieurs, après avoir fait de longues études. Et encore, on prévoit la possibilité de faire appel à des juges encore plus expérimentés si on a un doute. Signalons d'ailleurs que Fuzz a fait appel. Ceux qui ne comprennent pas et n'ont pas envie de faire l'effort de comprendre crieront à l'attentat au bon sens.

Qu'il suffise de se rappeler que le droit s'apprend à l'université, et le bon sens, au bistro.

Notes

[1] Qu'il envisage par exemple avant d'écrire que “je n'ai pas daigné répondre à son commentaire” que j'ai pu recevoir plus d'une centaine de commentaires ce jour là sur mon blog et qu'en outre, mon silence peut être plus dû à mon activité professionnelle qu'à ma nature méprisante envers autrui en général et Jean-Marie Le Ray en particulier ; cela fera du temps de gagné pour faire progresser le débat.

vendredi 16 novembre 2007

Réforme de l'aide juridictionnelle : les pauvres paieront !

Le Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui trouvait sans doute qu'elle ne se prenait pas assez de critiques avec sa réforme de la carte judiciaire a décidé de remettre le couvert.

Lors du débat sur le projet de budget de la justice, jeudi 15 novembre, la garde des sceaux Rachida Dati a provoqué la colère de l'opposition en évoquant la possibilité d'instaurer une franchise sur l'aide juridictionnelle, qu'elle a qualifiée de "ticket modérateur justice", pour les personnes à bas revenus qui en bénéficient. L'aide juridictionnelle permet aux personnes ayant de faibles revenus de faire valoir leurs droits en justice. L'aide, fournie par l'Etat, peut être totale ou partielle selon le niveau de ressources dont la personne dispose.

Interrogée par le socialiste Jean-Michel Clément sur la revalorisation de l'aide juridictionnelle perçue par les avocats qui défendent des clients à faibles ressources, Mme Dati a répondu en citant un rapport réalisé par le sénateur UMP de la Sarthe Roland du Luart. "Nous nous inspirons de ce rapport qui a fait des propositions en matière d'aide juridictionnelle notamment, peut-être, en instaurant une franchise sur l'aide juridictionnelle ou un 'ticket modérateur'", a-t-elle déclaré.

Ha, le rapport du Luart, assurément promis à un brillant avenir car il a l'intelligence de proposer plein de solutions... pour faire payer les autres que l'Etat. Notamment la brillante idée de faire financer l'augmentation de l'AJ... en taxant les avocats. Vivement la taxe sur l'essence pour compenser la hausse du prix du pétrole.
Et que dit-il, ce rapport, sur ce point ?

Le rapport envisage plusieurs niveaux du ticket modérateur, de 5 à 40 euros, mais le sénateur penche plutôt pour 15 euros, un montant proche du forfait hospitalier (16 euros). En seraient cependant dispensés les plus pauvres, à savoir les étrangers en situation irrégulière et tous ceux qui touchent les minima sociaux, ainsi que les mineurs et les victimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne.

Le premier qui m'explique en quoi le forfait hospitalier est une bonne référence pour le ticket modérateur de l'aide juridictionnelle gagne un an d'abonnement à mon flux RSS.

Bon bon bon. Respirons et prenons un peu de recul.

L'aide juridictionnelle (AJ) est la prise en charge par l'Etat des frais de justice : huissier, expert, et avocat. Elle peut être totale ou partielle.

L'AJ totale est accordée aux personnes dont les revenus (salaires + loyers, pensions alimentaires, etc, sauf aides sociales) n'excèdent pas un certain plafond. Pour 2007, ce montant est de 874 euros par mois pour une personne seule, plus 157 euros par personne à charge à concurrence de deux, et 99 euros pour les suivantes. En cas de vie de couple, les revenus des deux s'additionnent.

Pour les personnes gagnant entre 875 et 1311 euros par mois (mêmes correctifs pour personnes à charge), il y a l'aide juridictionnelle partielle, qui implique des honoraires réduits payés à l'avocat. Cette prise en charge partielle va de 85% à 15%, ce pourcentage représentant la fraction de l'indemnité versée à l'avocat par rapport à celle qui lui aurait été payée si l'aide juridictionnelle avait été totale : par exemple, l'indemnité pour assister un prévenu devant le tribunal correctionnel est d'environ 200 euros ; si mon client bénéficie de l'AJ partielle à hauteur de 15%, je toucherai... 30 euros de l'Etat, à moi de négocier mes honoraires complémentaires avec mon client. Les frais d'huissier et d'expertise restent intégralement pris en charge par l'Etat.

Pour plus de détails, voir ce billet. Les montants sont anciens, mais rassurez -vous, ils n'ont pas trop augmenté depuis. Et pour une illustration des absurdités du système actuel, dont la réforme n'est pas d'actualité, voir ce billet.

Bref, il y a déjà un ticket modérateur (l'AJ partielle), dont sont dispensés les plus pauvres (qui ont l'AJ totale) : ce sont les honoraires convenus avec l'avocat (par une convention écrite et validée par le bâtonnier qui s'assure de leur montant raisonnable et conforme aux usages). Ca fait réfléchir avant d'agir et rémunère directement l'avocat qui prête son concours. Mais le problème, c'est que ce ticket modérateur n'est pas touché par l'Etat. Ho, il en touche sa part, rassurez-vous.

Donc l'idée est de faire un autre prélèvement. Et de restreindre le nombre de ceux en étant dispensés. Faire payer les pauvres, c'est une nouvelle mode.

Ces pauperes pauperi inter pauperibus pauperrimi ex pauperibus[1], qui sont-ils ?

- Les bénéficiaires des minima sociaux (RMI, minimum vieillesse). Cela peut se comprendre.

- Les mineurs. Certes, quand on a 17 ans, 15 euros, c'est pour les clopes ou le shit, par pour un avocat.

- Les victimes de crimes d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, ainsi que leurs ayants droit[2]. Pardon ? Et pourquoi, je vous prie ? Les victimes de crime ont déjà droit à l'AJ totale sans conditions de ressource, même si elles payent l'ISF. Et en prime, on leur fait un cadeau de 15 euros. A quand le ticket de métro et le pin's parlant du président promettant d'aggraver les peines encourues pour ce crime ? Quand on s'est fait violer, quand son enfant s'est fait assassiner, payer 15 euros sur les dizaines de milliers qu'on va recevoir, c'est obscène ? Par contre, quand on gagne 10 euros de plus que le RMI par mois et qu'on risque de se faire expulser de son logement qui vient d'être vendu, on peut bien payer le ticket modérateur à l'Etat pour être défendu contre la perspective de la rue ou des foyers, c'est la moindre des choses ? C'est ça la logique de "responsabilisation" du sénateur du Luart qui a séduit le Garde des Sceaux ? On ne sait jamais, ce SDF en devenir est peut-être un procédurier quérulent ?

La commisération affichée à l'égard des victimes vire à l'absurde. Ce n'est pas nouveau, mais désormais, on ne fait même plus l'effort de le cacher. Quand on compare cela à la façon dont sont traitées les victimes de l'Etat, je pense notamment aux personnes contaminées par le VIH, l'hépatite C ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob par l'hormone de croissance lors de traitement administrés par des établissements publics, on n'a pas le cœur à rire, quand bien même ce serait la meilleure chose à faire.

Notes

[1] Pauvres parmi les pauvres. Enfin, j'espère que c'est ce que ça veut dire.

[2] Ce sont les héritiers de la victimes si elle est décédée : ses enfants, à défaut ses parents, à défaut ses frères et sœurs. Il exercent l'action de la victime en réparation de son préjudice.

dimanche 23 septembre 2007

On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs

Un peu passé inaperçu, l'avis du 7 septembre dernier (pas de lien direct, il faut faire défiler la liste) du Défenseur des Enfants (qui est une autorité instituée par la loi du 6 mars 2000 et dont le rôle est de veiller au respect des droits des enfants au besoin en saisissant les autorités administratives et judiciaires compétentes) relève que le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, tout juste adopté par le parlement, viole la Convention Internationale des Nations Unies sur les Droits de l'Enfant (CIDE). Et par trois fois, s'il vous plaît.

Des conditions de ressources pour obtenir le regroupement familial (art 2 du projet de loi)..

L’article 2 du projet de loi énonce que les parents demandeurs au regroupement familial devront justifier d’un montant de ressources « au moins égal au SMIC, et au plus égal à ce salaire majoré d’un cinquième » (soit entre 1280 et 1536 euros brut), selon la taille de la famille. S’il est légitime de se préoccuper des conditions matérielles dans lesquelles les enfants vont se trouver après le regroupement familial, cette nouvelle exigence a pour conséquence de contrevenir aux articles 9 et 10 de la CIDE, en empêchant certains enfants de retrouver rapidement leur(s) parent(s) alors qu’il s’agit de « leur intérêt supérieur ».

Cette disposition du projet de loi exige en effet des familles étrangères qui demandent à être réunies avec leurs enfants des conditions de ressources qui seront, dans un certain nombre de situations, difficiles à réunir. Rappelons que 11,7 % de la population métropolitaine vit en dessous du seuil de pauvreté, soit 788 euros par mois : parmi elle, 20% des familles vivant en France avec 3 enfants se trouvent d ans ce cas de figure (chiffres de l’INSEE). 1.

Cette disposition relative aux conditions de ressources pour obtenir le regroupement familial est donc contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant dans la mesure où elle ferait obstacle dans bon nombre de cas au « droit de l’enfant à ne pas être séparé de ses parents ».



  • Création d’un contrat d’accueil et d’intégration pour la famille, comportant une formation sur les droits et devoirs des parents en France dont le non-respect peut entraîner la saisine du Président du Conseil Général avec des conséquences possibles en terme de suspension de mise sous tutelle des prestations familiales (article 3 du projet de loi).

    L’initiative d’une formation sur les droits et devoirs des parents peut être intéressante pour faciliter l’intégration des familles. Toutefois, elle aurait pu faire l’objet d’un volet supplémentaire dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration individuel que chaque parent signe par ailleurs.

    Par contre, le texte prévoit qu’en cas de non-respect par les parents des stipulations de ce contrat, le Préfet pourrait saisir le Président du Conseil Général, sur la base de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. Ce dernier pourrait alors proposer un contrat de responsabilité parentale ou toute autre aide sociale avec des conséquences possibles en terme de suspension ou de mise sous tutelle des prestations familiales.

    Or, l’article L. 222-4-1 prévoit la saisine du Président du Conseil Général en cas de « difficulté liée à une carence de l'autorité parentale ». Le fait que les parents ne suivent pas une formation sur leurs droits et devoirs ne saurait en aucun cas être assimilé à une carence de l’autorité parentale.

    En conséquence, il n’y a pas de raison de saisir le Président du Conseil Général sur la base de l’article L. 222-4-1 au seul motif que les parents n’auraient pas respecté la formation prévue par le contrat d’accueil et d’intégration « famille ».



  • Obligation pour le mineur de 16 à 18 ans de justifier dans son pays d’origine, préalablement au regroupement familial, d’une évaluation de sa connaissance de la langue française et des valeurs de la République, et en cas d’insuffisance de suivre une formation d’une durée maximale de deux mois (article 4 du projet de loi).

    Cette formation, qui serait dispensée gratuitement par les réseaux des centres culturels et des Alliances françaises à l’étranger, comporterait des frais de dossier. Or, il est peu probable que des jeunes gens, déjà fragilisés par l’absence de leurs parents, puissent, s’ils vivent loin de la capitale de leur pays, subvenir à leurs besoins pendant plusieurs semaines pour suivre cette formation et s’acquitter des frais de dossier exigés. Cette obligation risque de plus, de les mettre en situation de danger durant cette période, s’ils se retrouvent isolés et sans entourage familial.

    Cette disposition est donc en contradiction avec l’article 9 de la CIDE, dans la mesure où elle introduit un obstacle à l’intérêt supérieur d’un mineur de rejoindre rapidement ses parents. Il serait plus adapté de prévoir une mise à niveau de la connaissance de la langue française à l’arrivée sur le territoire français dans un environnement familial sécurisant.

  • Et pour ceux qui ne voient dans ceux qui éprouvent un tant soit peu de compassion pour les étrangers que des gauchistes inconséquents, Madame Dominique Versini a été désignée à ce poste en juin 2006 par le président Chirac après avoir fait toute sa carrière politique au RPR.

    Monsieur Etienne Pinte n'a pas le monopole du coeur et de la conscience à droite.

    Mais je vous rassure, chacune de ces dispositions a bien été conservée dans le texte définitif adopté 12 jours plus tard.

    Mesdames, Messieurs les sénateurs, la balle est dans votre camp. Montrez la voie de la sagesse à ces jeunes excités des bords de Seine, et prouvez ainsi que les plus sourds des parlementaires ne sont pas ceux qu'on croit.

    mardi 7 août 2007

    La loi sur le service minimum : le législateur a fait le service minimum

    La loi sur le service minimum dans les transports a été adoptée par le parlement, et est actuellement pendante devant le Conseil constitutionnel. On est très loin de la déclaration de guerre aux organisations syndicales ou de la protection des usagers se sentant pris en otage.

    La lecture de la Petite Loi, surnom donné aux textes adoptés mais non encore promulgués, donne en effet un sentiment de "tout ça pour ça ?"

    Que dit exactement cette loi, en l'état, c'est à dire avant son examen par le Conseil constitutionnel ?

    Cette loi s'appliquera uniquement aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

    Le terme service public n'exclut pas les entreprises privées, mais impose que le service soit rendu à la demande d'une entité publique qui participe à son financement (ramassage scolaire dans les campagnes par exemple).

    Terrestre exclut le transport maritime (ferry), fluvial et aérien.

    Régulier exclut les opérations ponctuelles de location d'un autocar pour une sortie collective. Il s'agit d'une ligne desservie périodiquement, à des horaires préfixés, sans réservation préalable.

    De personnes exclut le fret et les transports de type camion.

    A vocation non touristique exclut les transports qui ressemblent à des transports en commun sans en être : pensons au Ballabus de la RATP ou aux bus à impériales rouges ou verts qui sillonnent désormais la capitale.

    Bref, cette loi ne concerne que les lignes de bus, tramway, métro, trains de banlieue et TER qui servent pour de courts trajets entre le domicile et le lieu de travail, pas les TGV et les grandes lignes qui n'ont pas un rôle de service public.

    La loi impose tout d'abord une obligation de négociation au sein des entreprises concernées par le domaine de la loi, de conclure un accord tendant à prévenir les conflits et à favoriser le dialogue social, en prévoyant qu'un préavis de grève ne peut être déposé qu'après que des négociations ont été engagées. Sachant que la loi (article L.521-3 du code du travail) prévoit que tout préavis de grève doit être déposé cinq jours francs avant le début de celle-ci et que dans ce laps de temps, les parties sont tenues de négocier, vous voyez l'efficacité de la négociation préalable pour prévenir une grève.

    La loi impose non seulement la négociation, mais fixe son résultat. L'accord doit prévoir que des organisations syndicales doivent notifier leur intention de déposer un préavis (un préavis de préavis, en somme...), que l'employeur doit dans les trois jours engager des négociations qui ne pourront pas excéder huit jours, que l'employeur est tenu de donner certaines informations aux organisations pour la tenue de la négociation (par exemple, les comptes de l'entreprise pour une négociation sur les salaires), et que les salariés sont tenus informés du déroulement des négociations : demandes des syndicats, position de l'employeur, et "relevé de conclusions", le document qui résume des négociations n'ayant pas débouché sur un accord.

    Ces accords doivent être conclus avant le 1er janvier 2008. Aucune sanction n'est prévue si ce délai n'est pas tenu, mais la menace sous entendue est qu'à défaut d'accord, le parlement se réserve le droit de légiférer sur ces points unilatéralement.

    Outre ces accords, la loi pose des règles applicables lorsque le service est perturbé pour des raisons de grèves, de travaux, d'aléas climatiques ou toute raison protée à la connaissance de l'entreprise, ces trois dernières causes n'entraînant l'application des règles de service minimum qu'après écoulement de trente six heures, du fait de leur caractère difficilement prévisible, ce que n'est pas une grève, avec l'obligation de préavis.

    Les entreprises doivent élaborer un plan de transport qui, en fonction de la gravité de la perturbation du service, prévoit des dessertes prioritaires, des plages horaires par destination, et l'information du public de ces conditions de circulation. Le but est d'éviter qu'une ligne soit paralysée tandis qu'une autre n'est que modérément perturbée.

    Les modalités de ce plan doivent également faire l'objet d'une négociation avant le 1er janvier 2008.

    En cas de grève, la loi prévoit deux mesures qui sont les deux seules mesures vraiment nouvelles de cette loi.

    D'une part, les salariés doivent indiquer quarante huit heures à l'avance qu'ils ont l'intention de faire grève. Officiellement, pour permettre une organisation optimale du service. Officieusement pour éviter les pressions subies par les salariés au moment de l'embauche. La loi précise que la liste des grévistes est couverte par le secret professionnel, et qu'elle ne vise qu'à l'organisation du service ; la communication de cette liste à d'autres fins est pénalement sanctionnée.

    D'autre part, si la grève dure huit jours, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou un éventuel médiateur peuvent demander une consultation à bulletin secret sur la poursuite de la grève. Cette consultation n'est qu'indicative et n'interdit pas la poursuite de la grève même si une majorité se prononce contre, pour des raisons que je vais développer plus bas.

    Enfin, la loi prévoit quelques mesures au bénéfice des usagers : ils doivent être informés des perturbations 24 heures à l'avance, ce qui est facilité par l'obligation des salariés de se déclarer gréviste 48 heures à l'avance, puisque les perturbations sont censées être parfaitement prévisibles ; si cette information n'est pas donnée ou si le service minimum n'est pas assuré (la loi parle de "plan de transport adapté", toujours cet art de la périphrase...), l'usager a droit au remboursement de son transport, au prorata temporis.

    C'est tout.

    Pour bien comprendre dans quel cadre s'inscrit cette loi, quelques mots sur le droit de grève en général.

    Le droit de grève ne s'applique que dans un cadre professionnel. La grève de la faim, ou la grève des étudiants sont des abus de langage, étudier n'étant pas une profession mais l'exercice d'une faculté (pas d'un droit, d'une faculté). La grève suppose la cessation concertée du travail dans le cadre de revendications négociables, c'est à dire qu'il doit être dans le pouvoir de l'employeur (au sens large, cela inclut l'Etat pour la fonction publique) d'accorder. Par exemple, une augmentation des salaires, ou l'annulation d'une sanction sont des objectifs négociables. La "défense du service public" est trop vague pour être un tel objectif.

    Si ce droit est garanti par la Constitution, ce que les syndicats de salariés n'oublient jamais de souligner, il s'agit d'un droit limité : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » nous dit le paragraphe 7 du préambule de la Constitution de 1946, préambule qui est en resté vigueur. Invoquer la protection constitutionnelle du droit de grève pour refuser toute loi limitant le droit de grève est donc un sophisme. Il est des professions qui n'ont pas le droit de faire grève à cause d'impératifs de service public : l'armée, la police, les juges, mais pas les greffiers, ce qui est un tort car un tribunal sans greffier est aussi inutile qu'un congrès des Verts. La Constitution interdit de porter au droit de grève une atteinte démesurée par rapport au but poursuivi. Interdire le droit de grève dans les transports serait sans nul doute regardé comme anticonstitutionnel. Mais il est des impératifs de valeur constitutionnelle qui justifient qu'on limite ce droit pour essayer d'éviter une paralysie complète.

    C'est précisément pourquoi la loi rappelle dans son article 1er que :

    Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en œuvre des principes constitutionnels suivants :
    – la liberté d’aller et venir ;
    – la liberté d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ;
    – la liberté du travail ;
    – la liberté du commerce et de l’industrie.

    C'est là typiquement le genre de phrases que le Conseil aime à sabrer car elles ne légifèrent pas, elles ne posent aucune règle, elles constatent ce qui est. Ce genre de phrase a sa place dans l'exposé des motifs, pas dans la loi elle même. Mais en fait, le législateur s'adresse aux syndicats.

    Hormis cette portion de phrase un peu inutile, je ne vois pas ce qui pourrait provoquer l'ire des neuf dix onze sages de la rue de Montpensier.

    Le droit de grève est également un droit individuel, même s'il est d'exercice collectif. Le droit de grève n'a de sens que s'il implique le droit de ne pas faire grève. Les pressions exercées sur les salariés, les piquets de grève, sont des violations du droit de grève, qui relève d'une décision prise par le salarié en son âme et conscience. C'est pour cela que la consultation à bulletin secret au bout de huit jours n'a que valeur consultative. Pas plus qu'une majorité ne peut imposer à la totalité de faire grève, une majorité ne peut lui imposer de ne pas faire grève. Ce scrutin sert simplement à compter ses troupes autrement que par des rassemblements pompeusement appelés assemblées générales visant à donner aux médias une image d'unanimité à coups de mains levées, ces mêmes médias étant moins les bienvenues quand l'unanimité disparaît.

    Enfin, jetons une pierre dans le jardin du gouvernement : on est loin du "service minimum", slogan de campagne, car rien dans cette loi n'empêche l'intégralité du personnel de se déclarer gréviste ; auquel cas aucune réquisition n'est prévue, et les transports publics seront bel et bien paralysés.

    Cette loi vise simplement à rendre cette hypothèse moins probable, et à faire en sorte que chaque entreprise de transport ait un plan adaptant le service en cas de perturbation pour quelque cause que ce soit. La loi aurait pu aller plus loin dans la limitation du droit de grève, pousser jusqu'aux limites de la Constitution. Le législateur n'en a rien fait. Libre à lui, je n'ai rien moi même contre la modération. Mais ne croyez pas plus les cris d'atteinte à un droit sacré venant de votre gauche qu'aux positions de matamores adeptes de la rupture prises sur votre droite.

    lundi 16 juillet 2007

    Un peu de Monde-bashing ne fait jamais de mal

    Ca fait longtemps que je n'ai pas tapé sur Le Monde, ça commençait à me manquer. Alors allons-y.

    Eric Fottorino, nouveau directeur de la rédaction, dans son éditorial du 12 juillet, Indépendance :

    Le doute qui surgit déjà de journaux réputés sous influence crée un mal pire encore : de pseudos médias alimentés par de pseudo-journalistes, qui se soustraient aux règles élémentaires du métier : vérifier, recouper, s'extraire des apparences, hiérarchiser les faits sans les déformer ni les monter indûment en épingle. Ainsi prospèrent des titres ou sites Internet prétendant, en mauvais alchimistes, changer la rumeur en information, au nom d'un journalisme dit citoyen ou participatif. Le thème lancinant du "On vous cache le plus important", déclinaison ad nauseam de la théorie du complot, abrite çà et là des entreprises de désinformation qui se parent des habits de la vertu. Il y aurait la presse entravée par ses liens économiques et politiques. Et des médias libres de véhiculer impunément n'importe quoi.

    D'un côté, les pseudos médias, journaux gratuits et internet, de l'autre, Le Monde, qui vérifie, recoupe, s'extrait des apparences, hiérarchise les faits sans les déformer ni les monter indûment en épingle.

    Après la théorie, la pratique. Le même journal, dans son Editorial, non signé car représentant les rédacteurs dans leur ensemble, du 14 juillet, Les limites de Vélib' (je graisse) :

    Les freins au développement du vélo sont pourtant nombreux. Le premier problème est celui de la sécurité. Un cycliste, surtout sans casque, est très vulnérable. En jetant sur le pavé des vagues de néophytes, les risques sont multipliés, surtout si les usagers de Vélib' adoptent le comportement proprement suicidaire de certains cyclistes réguliers. Le spectacle de la rue offre un catalogue inépuisable de conduites à risque, que la police devrait désormais considérer sans indulgence.

    Ha, voilà une grave affirmation. Question : combien de cyclistes meurent ou sont blessés chaque année à Paris, suicidaires et contents d'être en vie confondus ?

    Pour 2005 : 423 blessés légers, 32 blessés graves et 3 tués. Contre 1944 piétons blessés, 23 tués. 1863 automobilistes blessés, 10 tués. 4310 motards blessés dont 18 tués. Les motards représentent 3% des trajets et 50% des blessés. Pourtant, ils ont un casque. Si j'étais journaliste au Monde, j'en déduirais que les motards doivent tous être suicidaires. Comme je ne le suis pas, je me contenterai de constater que les motards et les piétons sont les plus exposés au danger.

    Sur le port du casque à vélo, en tant que cycliste, je le recommande bien sûr chaudement, mais le nombre de blessures au crâne est rare à vélo. Depuis plus de trois ans que je pratique le vélo au quotidien dans Paris, je n'ai jamais chu. Aucune étude n'a jamais démontré que le port du casque avait un effet significatif sur la gravité des blessures à vélo, les chutes sur la tête étant rares, parmi des accidents qui sont déjà rares en eux même (et si vous vous faites faucher par une voiture à pleine vitesse, ou passez sous les roues d'un camion, votre casque ne vous sera d'aucune utilité). Simplement, un casque a une petite chance de vous éviter qu'un accident ne soit plus grave, et n'a aucune chance d'aggraver votre accident. Bref, c'est un pari que vous ne pouvez pas perdre.

    Sans compter que le vélo est un moyen de transport saisonnier plus adapté à la période estivale qu'aux autres saisons. Le danger et l'inconfort sont accrus par une voirie parisienne peu accueillante. Contraindre les cyclistes à emprunter des couloirs "protégés" où ils côtoient bus, taxis et deux-roues motorisés en infraction est une solution inadaptée et dangereuse.

    J'en déduis donc que le vélo doit être un moyen de transport plus répandu en Espagne que dans des pays encore plus glaciaux et pluvieux comme la Hollande ou le Danemark. Ce doit être une information vérifiée, recoupée, extraite des apparences, issue de faits hiérarchisés sans les déformer ni les monter indûment en épingle. Il suffit d'aller visiter Amsterdam ou Copenhague pour voir ce qu'il en est : le Danemark est un pays où 5 millions d'habitants se partagent 15 millions de bicyclettes.

    Le vélo est un moyen de transport de toutes saisons. Comme la marche à pied. Il faut savoir s'habiller pour faire du vélo. Le cycliste débutant s'habille toujours trop. En été, tombez la veste, desserrez la cravate, relevez les manches. En hiver, ajoutez un coupe vent à votre tenue habituelle, mettez des gants et un bonnet s'il fait très froid, et le tour est joué. La pluie est plus embêtante, mais si Le Monde n'est pas au courant qu'il existe des étés pluvieux, je l'invite à dépêcher un envoyé spécial à la fenêtre. Et pour ceux qui craignent d'arriver en sueur, sauf si vous allez travailler en haut de la rue Lepic, si vous êtes en nage, c'est pour deux raisons : vous vous couvrez trop, et vous ne jouez pas assez des vitesses (ou vous êtes en retard et êtes obligés de foncer, mais là, c'est pas la faute du vélo). Et je vous garantis que quand il fait 30 °c à Paris, vous serez plus frais en arrivant à vélo qu'en prenant le métro, surtout à l'heure de pointe.

    Quant aux couloirs de bus peu accueillants, permettez moi, à l'instar d'une très estimable consoeur, de les préférer mille fois aux voies dites "sécurisées", qui sont les seuls endroits où je frôle l'accident. Je suis plus à l'aide quand je m'élance pour traverser la place de la Bastille ou celle de la Concorde que pour descendre la rue de Rivoli, et ses arcades cache-piéton, sans parler de l'abominable Boulevard de Magenta, et ses portières guillotines.

    Bref, un éditorial qui collectionne les idées reçues sur le vélo. Merci pour la leçon aux pseudos médias. Il n'y a plus qu'à l'appliquer.

    lundi 25 juin 2007

    La réforme de la carte judiciaire

    Mes confrères de province, ceux de Metz en tête, manifestent leur mécontentement à l'annonce d'un projet de réforme de la carte judiciaire, dont les détails n'ont pas encore été révélés par le gouvernement. Cette affaire risquant d'entraîner pas mal de remue-ménage ces prochains mois, je vous propose de faire un petit point de la question.

    Cette réforme n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu : elle figurait au programme de Nicolas Sarkozy, que j'avais détaillé en son temps.

    1. La carte judiciaire, qu'est ce que c'est ?

    En un mot : c'est ça.

    En plusieurs mots, il s'agit de l'organisation géographique de la justice : en gros, comment chaque parcelle du territoire est rattaché à un et un seul tribunal (en fait, il y a plusieurs types de tribunaux selon les affaires, mais chaque parcelle de territoire est rattaché à un et un seul tribunal de chaque type : il n'y a aucun chevauchement).

    la carte judiciaire est différente de la carte administrative, qui divise la France en régions, département, arrondissements, cantons et communes. La France a ainsi 26 régions et 100 départements, tandis qu'elle a 35 cours d'appel et 191 tribunaux de grande instance. La différence n'est pas totale, car elle repose sur les communes (aucune commune n'est divisée entre deux tribunaux de grande instance) et fait en sorte de suivre les limites des départements. Notons au passage qu'il existe une deuxième carte judiciaire, celle des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, mais elle n'est pas concernée par la réforme, et je ne devrais même pas utiliser le terme de "judiciaire" s'agissant des tribunaux de l'ordre administratif, car il s'agit de deux ordres totalement séparés, avec leurs propres juges, leurs propres procédures, et leur propre cour suprême (cour de cassation pour le judiciaire, Conseil d'Etat pour l'administratif). Ca fait partie des exceptions françaises. Je vous en reparlerai, c'est promis.

    L'unité de base de la carte judiciaire est le tribunal de grande instance. C'est la juridiction de droit commun, c'est à dire qu'elle connaît de tous les procès, sauf ceux que la loi attribue à d'autres tribunaux spécialisés, qu'on appelle juridictions d'exception (ce qui n'a aucun sens péjoratif)[1]. Le tribunal correctionnel, qui juge les délits, est une des chambres du tribunal de grande instance. C'est auprès du tribunal de grande instance qu'est organisé le ministère public, sous les ordres d'un procureur de la République.

    Mais un tribunal de grande instance n'en vaut pas un autre. Il y en a des petits et des grands. Certains tribunaux de grande instance n'ont qu'une, deux ou trois chambres (on les appelle des hors-classes), tandis que celui de Créteil en a 13, Bobigny en a 17, et Paris en a 31.

    Certains départements ont un seul tribunal de grande instance (Les Yvelines, TGI de Versailles), d'autres, de taille similaire en ayant trois (la Seine et Marne, TGI de Melun, Meaux et Fontainebleau), le département le mieux fourni étant le Nord, avec sept tribunaux de grande instance (Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Douai, Cambrai, Valenciennes et Avesnes sur Helpe).

    2. Pourquoi la modifier ?

    L'idée de départ est d'aligner les deux cartes, administratives et judiciaire. Un département = un tribunal de grande instance, une région = une cour d'appel. L'argument est triple : la simplicité, le vieillissement de la carte judiciaire, et l'efficacité par la concentration de moyens.

    Les deux premiers laissent franchement dubitatifs.

    Un seul tribunal de grande instance par département, c'est plus simple sur la carte, mais pour les justiciables et les auxiliaires de justice, je doute que ce soit plus simple de s'y rendre. Après tout, l'Etat lui-même a jugé utile d'ajouter une ou deux sous préfectures par département : c'est que l'unicité de la préfecture posait des problèmes.

    Mais le vieillissement de la carte, là, l'argument est inopérant. La carte judiciaire date de 1958. Comme la Ve république, ferais-je remarquer, et comme la Vieille Dame, elle a été modifiée à de nombreuses reprises, notamment avec la créations des tribunaux de grande instance de Nanterre, Bobigny, Créteil au début des années 70, et de la cour d'appel de Versailles en 1975. Dire que cette carte date de 1958 est donc faux.

    Mais surtout en quoi, au nom de l'obsolescence, faudrait-il aligner une carte dessinée en 1958 sur une carte dessinée... en 1790 ?

    Reste l'argument de l'efficacité. Il s'agit pour le gouvernement de regrouper les tribunaux de grande instance pour en regrouper les moyens et diminuer, voire supprimer les tribunaux de grande instance hors classe (trois chambres ou moins) au profit de tribunaux plus gros. Idem avec des cours d'appel (on parle de celles de Grenoble, Nîmes, Agen et Pau, qui seraient supprimées pour être regroupées avec Lyon, Aix en Provence Montpellier, et Bordeaux pour les deux dernières) (Mise à jour : Bourges serait aussi menacée, et serait regroupée avec Orléans). Cela s'inscrit notamment dans la logique de la réforme votée en mars dernier qui prévoit en 2010 la collégialité de l'instruction, ce qui suppose un minimum de trois juges d'instruction par tribunal, or le principe est qu'un tribunal de grande instance a autant de juges d'instructions que de chambres. Les Tribunaux de grande instance à une ou deux chambres ne pourront pas instaurer un collège de l'instruction, et pour ceux à trois chambres, il suffira qu'un poste soit vacant pour risquer de paralyser l'instruction.

    Vis à vis de l'administration, c'est aussi nettement plus simple : un préfet, qui représente l'Etat au niveau du département, aura comme interlocuteur un seul procureur de la République. Mais ne pourrait-on pas obtenir le même résultat par une simple réorganisation du parquet, avec un procureur à compétence départementale, les parquets des tribunaux étant dirigés par des procureurs adjoints ou toute autre dénomination que l'on pourrait leur donner ? Mais j'anticipe un peu : voyons à présent les objections soulevées à l'encontre du principe de cette révision.

    3. Les objections à la révision de la carte.

    Elles sont de plusieurs natures, et de valeurs inégales. Aucune n'est à mes yeux suffisantes pour condamner cette réforme : l'Etat a le droit de s'organiser comme il le veut et de modifier son organisation, à charge pour lui que cette modification améliore les choses.

    Il y aura des résistances locales, notamment de la part des élus. Paxatagore l'exprime très bien :

    dans les villes de taille moyenne, un tribunal est une administration à forte visibilité. Les édiles locaux tiennent à avoir leur tribunal, signe de l'implication de l'Etat sur leur territoire. Un tribunal en soi apporte pas mal de notabilités, puisqu'à chaque tribunal correspond un barreau et donc des avocats. Le tribunal, comme d'autres administrations, ce sont des emplois. En soi, un tribunal n'apporte que peu d'emplois, mais la disparition d'un tribunal va servir à d'autres administrations de prétexte pour se concentrer d'avantage et aller dans de plus grandes villes.

    Pour les barreaux locaux aussi, c'est une mauvaise nouvelle. Un barreau est rattaché à un tribunal de grande instance. La suppression du TGI imposera la fusion avec un autre barreau, et pour beaucoup un déménagement, puisque le cabinet qui était à deux pas du palais va se retrouver à plusieurs dizaines de kilomètres de celui-ci. Et pour un avocat, il vaut mieux être proche du palais que du domicile de ses clients, que l'on voit fort peu à son cabinet. La suppression d'une cour d'appel avec maintien d'un TGI n'est guère mieux, puisque cela suppose une forte diminution de l'activité judiciaire. Mais je reconnais que cet argument n'a guère de valeur comme objection, car cette réforme n'est pas faite pour le confort des avocats : nous sommes des professions libérales et nous devons nous adapter au fait du prince. Il sera aisé pour le gouvernement de le balayer en invoquant les résistances corporatistes. Le président de la république le fera très bien en invoquant sa qualité d'ancien avocat.

    Se pose aussi le problème du point de vue du quotidien, et de la proximité géographique de la juridiction. Même si un citoyen se rend rarement au tribunal (il peut même désigner un avocat pour le faire à sa place), il vaut mieux qu'il puisse le faire aisément. Surtout que les bureaux d'aide juridictionnelle se trouvent au sein du tribunal de grande instance : ce sont donc les populations les plus défavorisées qui se rendent le plus souvent au tribunal. Les avocats, eux, sont de toutes façon contraints à la mobilité. On ne plaide pas que devant le tribunal de grande instance : on va aussi dans les tribunaux d'instance, aux conseils de prud'hommes et au tribunal de commerce qui sont souvent dans d'autres locaux que le tribunal de grande instance, aux maisons d'arrêt, qui sont de moins en moins en centre ville (heureuses les quelques villes qui ont une maison d'arrêt à quelques rues du Palais, comme Niort, par exemple).

    Mais il serait souhaitable que les tribunaux restent en centre ville, à défaut, il sera indispensable que des transports en communs soient prévus pour bien desservir le tribunal, et on en est loin actuellement, même en région parisienne : le tribunal de grande instance de Créteil en est un exemple, situé à 500m d'une station de métro, sans aucune ligne de bus qui le desserve.

    Il restera enfin les objections les plus fortes, mais qui ne seront pas contre le principe de la révision, seulement contre un aspect précis de cette révision : l'opportunité de la disparition de telle ou telle juridiction. Ici, la parole est à mes confrères et aux magistrats et greffiers concernés. Ne l'étant pas moi même, la région parisienne fonctionnant déjà depuis trente ans sur le principe un département = un tribunal de grande instance (sauf la Seine et Marne), je ne prétendrai pas avoir d'avis tranché sur la question.

    4. Et ça va coûter combien ?

    Alors, là, cher. Très cher. Parce que regrouper les tribunaux, c'est bien, mais encore faut-il de la place pour accueillir les greffiers, les juges, les archives, et créer les nouvelles salles d'audience nécessaires. La revente des palais désertés ne suffira pas à financer l'aspect immobilier. En plus, je me demande si une loi constitutionnelle ne va pas devoir être votée en raison de l'inamovibilité des juges du siège, ce qui va supposer la collaboration de l'opposition socialiste. Mais ne pas avoir les moyens de ses ambitions serait ici catastrophique pour le fonctionnement de la justice. Sauf à faire, comme le relève Paxatagore à la fin de son billet, une réformette, supprimer deux ou trois juridictions par ici pour les regrouper là, et présenter ça comme la plus grande réforme qu'aura connu la justice depuis cinquante ans.

    Notes

    [1] Citons la juridiction de proximité pour les petits litiges (moins de 4000 €), le tribunal d'instance pour les litiges moyens (entre 4000 et 10000€), les baux d'habitation, les expulsions, les tutelles, les contrats de crédit à la consommation, les saisies sur salaire, entre autres, les conseils de prud'hommes pour les litiges individuels liés à un contrat de travail ou d'apprentissage (surtout la contestation des licenciements), le tribunal des affaires de sécurité sociale pour les litiges avec les différentes caisses de sécurité sociale, et le tribunal paritaire des baux ruraux pour citer les plus importantes.

    dimanche 15 avril 2007

    Le billet du dimanche

    Les jeunes filles seront toujours des jeunes filles.

    Deux jeunes filles montent dans mon wagon de métro et prennent place côte à côte en face de moi. Elles pépient sur le rythme rapide de celles qui ont peur de ne pouvoir tout se dire avant de se quitter.

    Leur sujet de conversation, celui qui les tiendra les quatorze stations du voyage c'est LA rumeur, celle qui enfle et court depuis quelques jours dans les murs de leur école ou lycée : Nan mais zyva, tu le crois, toi, que Tara et Christophe... ??? Elles spéculent, calculent, tentent de remonter le puzzle de ce que Truc a dit à Machin de ce que Christophe racontait sur Tara, sauf que ça colle pas avec ce que Lucille disait à la teuf chez Jenny. Naaaaaaaan, j'le crois pas, on aurait vu quelque chose. Quoique : du coup je comprendrais mieux comment il a tracé l'autre jour en sortant du cours d'éco. Nan c'est pas possible, ça serait trooooop gore !

    Quel intérêt présente les jacasseries de ces adolescentes ? Pour le savoir, il faut lire l'intégralité du billet chez l'indispensable Kozlika : "La Transformiste". Pour voir qu'il n'y a pas de force d'inertie assez puissante pour empêcher une jeune fille d'être une jeune fille. Un billet drôle et touchant, qui rend l'espoir et met de bonne humeur.

    mardi 20 mars 2007

    Agenda

    Quelques dates susceptibles d'intéresser mes lecteurs, et qui entraîneront des billets idoines en leur temps :

    • 21 mars 2007 : Conseil de prud'hommes de Paris.

    Procès de Petite Anglaise contre son ancien employeur. Données du litige ici.

    27 rue Louis Blanc, PAris 10e, M° Louis Blanc, section Activités Diverses, premier étage, je crois (vérifiez sur les panneaux près des ascenseurs, puis cherchez sur les listes d'affaires affichées aux portes des salles d'audience le cabinet Dixon Wilson comme défendeur).

    • 22 mars 2007 : 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.

    Délibéré dans l'affaire Charlie Hebdo et des caricatures.

    6 Boulevard du Palais, Paris 1er ; Métro Cité ou Chatelet ; escalier B, premier étage, porte à gauche en haut de l'escalier : suivez les nombreuses caméras de télévision.

    • 17 avril 2007 : Tribunal correctionnel de Saint Nazaire.

    Délibéré dans l'affaire "Radiateur".

    77 rue Albert de Mun, demandez à l'accueil.

    Le printemps s'annonce chaud. Les nouvelles fraîches seront ici.

    mardi 27 février 2007

    Code jaune, code rouge, code noir

    Histoire de mettre un peu d'épices dans un métier qui rend fou, j'utilise le vocabulaire suivant pour traiter les urgences qui me tombent dessus, en empruntant un vocabulaire aux séries américaines The West Wing et 24.

    Code Jaune : Il reste 24 heures avant l'audience. Le dossier est donc urgent mais permet une certaine organisation.

    Code Rouge[1] : Il reste quelques heures avant l'audience. Le dossier doit être traité toutes affaires cessantes, l'isolement téléphonique s'impose (j'appelle ça un lock-out, c'est mystérieux et exotique).

    Code Noir : l'audience a déjà commencé. Il faut attraper à la hâte robe, codes, bloc note, stylo, sauter en selle et filer au palais (ou prendre le métro si c'est au-delà du périph').

    J'ai eu un Code Noir[2] il y a une quinzaine de jours. Un Code Rouge hier. Là, je suis en Code Jaune. Ca sonne bien, non ? Mais du coup, autant dire que les journées de Jack Bauer sont presques aussi chargées que les miennes ces temps ci.

    Vous comprendrez donc une activité modérée ces jours ci sur mon blog. Encouragements bienvenus, j'ai un peu les nerfs en pelote.

    Notes

    [1] A ne pas confondre avec ces codes rouges.

    [2] A ne pas confondre avec celui-là, dieu merci abrogé depuis longtemps.

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