Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 23 février 2007

Parlons programme : les propositions de Nicolas Sarkozy sur la justice. (Le pavé du week end)

Chose promise, chose due. Voici mon commentaire des 16 propositions de l'UMP en matière de justice. Le prochain épisode sera sur François Bayrou.

C'est un pavé, vous avez de quoi tenir jusqu'à lundi. Bon week end.

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mardi 19 décembre 2006

Retour sur la manifestation des avocats du 18 décembre 2006

Après les quelques photos et vidéos publiées hier, voici un petit billet sur mes impressions post-manif.

J'en garde un bon souvenir teinté d'un brin d'amertume.

Bon souvenir, car il n'y a pas à dire, c'est émouvant de voir toutes ces banderoles indiquant la provenance des confrères qui défilent, et c'est vraiment de la France entière qu'ils venaient, et de barreaux fort modestes : du Nord, comme Arras ou Béthune, du Sud ouest, comme Libourne et leur panneaux en couvercle de caisses de grands crus, du sud est, comme Montpellier ou les bondissants avignonnais, de la Bretagne, comme les intenables vannetais, d'Auvergne, d'Alsace... Je ne peux pas tous les citer, mais le chiffre de 6000 participants semble être retenu. 6000, ce n'est pas beaucoup, mais c'est 15% de la profession qui était là...

Un coup de toque aussi au syndicat de la magistrature qui avait envoyé une délégation de soutien.

L'ambiance était très joyeuse. Se retrouver ainsi, entre confrères pour soutenir la même cause, ça nous arrive fort peu. Pour une fois que nous ne sommes pas adversaire, nous sommes tout à la joie de nous retrouver.

Joie dont font un peu les frais nos instances ordinales, rapidement débordées par la base.

Je me souviendrai longtemps du fou rire que j'ai eu quand le bâtonnier Paul-Albert Iweins, président de Conseil national des Barreaux (organe représentatif au niveau national) rendait compte à la foule du (bref) entretien qu'il avait eu avec le Garde des Sceaux qui l'avait reçu avec Frank Natali, président de la Conférence des bâtonniers (qui représente tous les barreaux sauf celui de Paris, considéré comme trop prééminent au CNB) : à peine son discours entamé, le camion-sono où il était juché a tourné à gauche, rue Danièle-Casanova, pour éloigner la manifestation de la place Vendôme, à la demande des forces de l'ordre. Or la rue Danièle Casanova est fort étroite, contrairement à la rue de la Paix où nous étions. Et la majorité des avocats trouvaient fort jolie la Place Vendôme et avaient envie d'aller la visiter.

D'où cette scène désopilante du camion emportant notre bâtonnier agrippé à son micro et annonçant comme une victoire la promesse d'une énième réunion solennelle le 30 janvier, suivi par quelques avocats trottinants et applaudissants, pendant que la foule le regardait partir en chantant "Ce n'est qu'un au revoir"...

Rire également quand un avocat qui s'était approché des barrières gardées par les forces de l'ordre s'est saisi d'un haut parleur et a crié en direction de la chancellerie : « Rends-toi, Clément ! Tu es cerné, il y a au moins cinquante policiers, tu ne pourras pas t'échapper ! » pendant que de nombreux avocats se proposaient d'ores et déjà d'assurer sa défense... à l'AJ. Ca change un peu des slogans rabâchés poussivement dans des micros ; je goûte assez peu cette forme de rhétorique des foules.

Amertume toutefois, car il y a eu des comportements qui ne peuvent que faire grand tort à notre professions. Ainsi, j'ai entendu des confrères qui se tenaient à mes côtés qualifier de « C.R.S. » les forces de l'ordre barrant la route de la place Vendôme. Je ne crois pas que traiter ainsi des gendarmes mobiles, avec lesquelles nous entretenons au palais d'excellentes relations, fera avancer notre cause. Pensons à notre devoir de dignité.

Plus sérieusement, la montagne a accouché d'une souris. Le Garde des Sceaux a reçus Messieurs les bâtonniers Iweins et Natali, qu'il connaît déjà fort bien. Il a reçu de leurs mains une plate-forme (une enveloppe kraft, de fait), qui a à peu près autant de chance d'être prise en compte en période pré-électorale que Frits Bolkestein d'être élu président de la république. Pascal Clément sait que dans six mois, il n'est plus là. Sa mission est de contenir les incendies, certainement plus de réformer : le parlement cesse de siéger dans deux mois, et l'agenda est archi-complet. Le dossier de l'AJ sera un des cadeaux laissés à son successeur.

Non pas que je bâtissais de grands espoirs sur cette manifestation, mais je pense à ces confrères venus de loin pour cette manifestation qui doivent se contenter de cette sucette pour prix de leur voyage et de la fermeture de leur cabinet pendant cette journée. J'en suis d'autant plus triste que le barreau de Paris s'est illustré par son absence. Les syndicats étaient présents, l'Union des Jeunes Avocats, bien sûr, le Syndicat des Avocats de France (S.A.F.), et même les Avocats Conseils d'Entreprise (A.C.E.) qui pourtant ne connaissent guère l'A.J. Mais à titre individuel, les épitoges veuves étaient rares. alors que nous n'avions que le métro à prendre. Nous sommes décidément de bien piètres hôtes.

Quant à la couverture médiatique, si les radios et les télévisions d'information étaient présentes, elle se résume en quelques secondes d'images indiquant que nous avions manifesté. Les profs semblent avoir été mieux traités, avantage du nombre.

J'ai néanmoins eu le plaisir de servir d'escorte à ma chère consoeur Veuve Tarquine, qui, robe sur l'épaule et appareil photo en bandouillère, a mitraillé cet événement avec son talent habituel. Ses photos me font rougir d'avoir publié les miennes, mais côté matériel, je ne rivalisais pas (j'ai la consolation d'avoir un bien plus joli vélo qu'elle).

mardi 24 octobre 2006

De la responsabilité comparée des avocats et des magistrats

L'annonce de l'examen en Conseil des ministre de ce jour d'un projet de loi de réforme de la justice, outre qu'elle me fait retenir mon souffle, tétanisé par la peur, me rappelle à mes devoirs. Un des volets de cette loi réformera la responsabilité des magistrats, ce qui me rappelle que j'avais commencé à parler de ce thème et que j'avais laissé ce sujet orphelin.

Je rectifie cet oubli et pour éviter un trop grand éclatement, vais traiter le sujet de manière synthétique en comparant directement les deux systèmes en un seul billet. Cela vous permettra de vous faire une opinion mieux étayée quant à ce projet de loi, dont je présenterai bientôt les grandes lignes.

La responsabilité professionnelle des avocats et des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions peut revêtir trois aspects, étant d'ores et déjà posé ici qu'en dehors de leurs fonctions, avocats et magistrats sont des citoyens ordinaires.

Ces aspects, que je traiterai en commençant pas les plus similaires pour finir par les plus différents, sont : la responsabilité pénale (l'avocat ou le magistrat commet un délit dans l'exercice de ses fonctions), la responsabilité déontologique ou disciplinaire (l'avocat ou le magistrat commet un manquement aux principes essentiels de sa profession sans que cela soit forcément un délit réprimé par le code pénal), et la responsabilité civile (l'avocat ou le magistrat commet une faute qui cause à autrui un préjudice qu'il y a lieu de réparer).

La responsabilité pénale des avocats et des magistrats.

Le régime est ici très similaire : tous deux sont pleinement responsables des délits qu'ils commettent dans l'exercice de leurs fonctions. Ils peuvent être mis en examen, renvoyés devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises (encore que l'hypothèse d'un crime commis dans l'exercice des fonctions est rare et concerne plus le magistrat, qui peut commettre un faux en écriture publique aggravé, article 441-4 du code pénal, puni de quinze ans de réclusion criminelle), et même être placé en détention provisoire. Et ça arrive.

Objectivement, l'avocat est mieux loti. Je ne connais pas de qualification criminelle qui puisse être liée à l'exercice de ses fonctions (abattre un confrère en plein prétoire n'est pas lié aux fonctions d'auxiliaire de justice, encore que dans le cas d'un avocat intarissable et ennuyeux, cela se plaide...), et il jouit même d'une immunité, dite « immunité de la robe ». En effet, l'avocat est protégé, dans ses écritures judiciaires (assignation, conclusions, citation...) et dans ses plaidoyers contre les délits d'injure, de diffamation et d'outrage. C'est l'article 41 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui pose cette immunité (que nous partageons avec les parlementaires). La cour de cassation a récemment jugé que cette immunité s'appliquait même quand les écritures mettent gravement en cause la probité du magistrat qui a rendu la décision attaquée en des termes particulièrement outrageants : Crim. 11 oct 2005. La liberté de parole de la défense d'une valeur supérieure à la répression des abus de la liberté d'expression.

Hormis cette immunité, tout délit commis par un avocat ou un magistrat dans l'exercice de ses fonctions est passible des tribunaux répressifs selon le droit commun.

Léger avantage à l'avocat donc en cette matière.

La responsabilité disciplinaire des magistrats et des avocats.

L'un et l'autre sont tenus de par leurs fonctions au respect d'un certain nombre de principes dont la transgression donne lieu à une action disciplinaire pouvant aboutir à des sanctions.

Le droit disciplinaire se distingue du droit pénal par le fait que le premier peut reposer sur des textes posant des principes vagues et généraux laissant un grand pouvoir d'appréciation à l'autorité disciplinaire, tandis que le droit pénal doit s'interpréter strictement et que tout doute profite au prévenu.

Les valeurs essentielles des magistrats sont à l'article 43 al. 1 de l'ordonnance 58-1270 du 23 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.

Quand je parle de principes vagues...

Les poursuites sont engagées par le Garde des Sceaux, qui saisit le CSM[1] pour qu'il prononce une sanction si le magistrat est du siège (c'est à dire est un juge), afin de préserver l'indépendance des juges du pouvoir exécutif, ou pour un avis s'il est du parquet (c'est à dire est un procureur), la sanction restant du ressort du ministre en vertu de la subordination hiérarchique de celui-ci.

Les sanctions qui peuvent être prononcées sont, par ordre de gravité : 1° La réprimande avec inscription au dossier ;
2° Le déplacement d'office ;
3° Le retrait de certaines fonctions ;
4° L'abaissement d'échelon ;
4° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;
5° La rétrogradation ;
6° La mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite ;
7° La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

Notons pour ceux qui ne manquent pas de souligner qu'Untel, juge de son état, aurait été immanquablement viré s'il avait été salarié et avait commis une faute, que le droit du travail interdit toute sanction aboutissant à une perte ou une diminution de salaire (hormis le licenciement, qui donen droit à l'assurance chômage et n'interdit pas de chercher un autre emploi), et qu'en aucun cas un salarié ne peut perdre son droit à toucher sa retraite, quand bien même eût-il assassiné son employeur. Un magistrat peut se retrouver révoqué sans droit à pension, c'est à dire condamné au RMI puis au minimum vieillesse, la fonction publique lui étant définitivement fermée.

Pour l'avocat, ce n'est pas très différent. La loi est plus claire en apparence sur les principes essentiels, qui l'emportent en nombre sur ceux des magistrats.

Ils se trouvent actuellement dans le décret du 12 juillet 2005, article 3 :

L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.

Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.

Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.

Le décret ajoute plus loin l'obligation de respecter le secret professionnel, et plusieurs obligations spécifiques, toutes passibles de sanctions disciplinaires : loyauté avec la partie adverse, respect du contradictoire, déférer aux commissions d'office, etc.

L'autorité de poursuite est le bâtonnier de l'ordre qui reçoit les plaintes, les instruit (il mène une enquête pour recueillir les éléments de preuve sur les faits imputés) et transmet le dossier au Conseil de discipline, qui en province a une compétence régionale, tandis qu'à Paris l'Ordre a des formations de jugement spécifiques (rappelons que la moitié des avocats de France sont au Barreau de Paris, ce qui justifie qu'il ait des règles adaptées à sa taille pantagruélique). Les décisions du Conseil de discipline sont susceptibles d'appel devant la première chambre de la cour d'appel. Le procureur général de la cour d'appel peut mettre en mouvement l'action disciplinaire en saisissant directement le conseil de discipline qui doit statuer sous quinze jours. Si l'instance n'a pas statué dans ce délai, le conseil de discipline est réputé avoir rejeté la demande de sanction et le procureur général peut saisir la cour d'appel d'un recours contre ce refus. Cela arrive. Nous sommes donc sous le contrôle des juges, et c'est normal. Notons que les audiences où sont jugés les recours disciplinaires sont tenues en la forme solennelle : magistrats en robe rouge, toutes lumières allumées, et ce sont cinq (ou sept ?) magistrats qui composent la cour et non trois.

Les sanctions pouvant frapper un avocat sont, en ordre de gravité (article 184 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991) :

1° L'avertissement ;
2° Le blâme ;
3° L'interdiction temporaire, qui ne peut excéder trois années ;
4° La radiation du tableau des avocats, ou le retrait de l'honorariat.

L'avertissement, le blâme et l'interdiction temporaire peuvent comporter la privation, par la décision qui prononce la peine disciplinaire, du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier, pendant une durée n'excédant pas dix ans .

L’instance disciplinaire peut en outre, à titre de sanction accessoire, ordonner la publicité de toute peine disciplinaire.

La radiation interdit définitivement l'exercice de la profession, mais n'interdit pas de percevoir la retraite pour peu que l'avocat ait cotisé la durée légale minimale (qui est, tenez vous bien, de quinze années), puisqu'il est soumis au droit commun des professions libérales : ce sont ses cotisations et non sa qualité qui lui ouvre droit à pension.

Terminons en soulignant que la commission d'une infraction pénale par un magistrat ou un juge[2] avocat, même dans le cadre de leur vie privée, est une faute disciplinaire pouvant donner lieu, OUTRE la sanction pénale, à une peine disciplinaire. Les procureurs généraux saisissent ainsi systématiquement les conseils de discipline quand un avocat est poursuivi pour conduite en état d'ivresse.

Je dirais égalité ici, encore que le nombre de décisions rendues en matière disciplinaire soit proportionnellement beaucoup plus important chez les avocats que chez les magistrats. Ces derniers mettront cela sur nos turpitudes, pour ma part, je pense que le système disciplinaire marche chez les avocats, alors que chez les magistrats, il laisse encore à désirer. Tous les magistrats connaissent un collègue qui traite ses dossiers avec une lenteur désespérante, se débrouille pour refiler le boulot aux autres quand il siège en juridiction collégiale ou est au parquet, tombe malade dès qu'on lui donne du travail et quand il est nommé ailleurs, laisse un cabinet sinistré où des dossiers sont prescrits, désordonnés, ou disparus. Je ne parle pas de ceux qui sombrent en dépression au point de devenir inapte à leurs fonctions. Ils sont rares, mais le système n'est pas fait pour éliminer ces éléments insuffisants une fois qu'ils ont prêté serment. Je ne crois pas qu'aucune organisation syndicale ne s'opposerait à un meilleur contrôle, sanctionnant les insuffisances et récompensant mieux les éléments méritants (qui se reconnaissent au fait qu'ils lisent mon blog), à condition qu'il offre des garanties pour ne pas servir de moyen de pression sur les magistrats. Mais la méthode utilisée en matière de réformes de la justice est rarement la concertation, l'opposition professionnelle étant invariablement mise sur le compte du dorporatisme. La nouvelle loi en sera une nouvelle illustration.

La responsabilité civile des avocats et magistrats.

C'est là que les régimes sont le plus différents, à l'avantage cette fois du magistrat.

J'ai déjà traité de la responsabilité civile des avocats ici.

Résumons : un avocat qui commet une faute causant un préjudice à son client est tenu de l'indemniser. Pour cela, il contracte par l'intermédiaire de son ordre une assurance obligatoire. Les cas les plus fréquents sont l'avocat qui laisse s'écouler un délai à l'issue duquel son client est privé du droit d'agir (on appelle cela être forclos) : par exemple, qui ne fait pas appel de la condamnation de son client dans le délai de dix jours malgré les instructions qu'il a reçues en ce sens.

L'avocat est dans ce cas soumis au droit commun et peut être assigné en justice. Tout au plus peut-il demander à ce que l'affaire soit jugée par un tribunal voisin du barreau où il exerce.

Par contre, un magistrat qui commet une faute qui cause un préjudice à un justiciable (j'exècre ce mot mais il est parfois bien pratique) n'est pas tenu à réparation et surtout ne peut pas être assigné en justice par la victime de cette faute.

Cette immunité, qui n'est que relative, est souvent mal interprétée.

Il ne s'agit pas de faire des juges des entités omnipotentes et irresponsables, libres d'abuser de leurs fonctions et de les remplir avec négligence sans que quiconque puisse trouver à y redire. Il faut être idiot ou candidat à la présidentielle pour affirmer de telles inepties.

Les juges remplissent une mission des plus difficiles : dire le droit (juris dictio) en interprétant la loi et en prenant des décisions qui engagent l'autorité de l'Etat puisqu'il peut recourir à la force pour les exécuter. Ils privent certains citoyens de leur liberté ou de leurs biens, fut un temps de leur vie, ou tranchent des conflits portant sur des sommes considérables. Pour que cette mission puisse être remplie, le juge doit être indépendant, c'est à dire à l'abri de toute pression. Des criminels. Des puissances financières. Des politiques. Des procéduriers. C'est à ce prix que les citoyens pourront avoir confiance dans leur justice. Quels que soient les sujets de mécontentement que nous pouvons avoir à l'égard de nos juges, en France, nous pouvons saisir un juge en ayant confiance dans le fait qu'il tranchera de manière impartiale et selon le seul droit. Il y a beaucoup d'habitants d'autres pays qui nous envient cela comme un privilège, eux pour qui un procès est décidé par qui fait le plus beau cadeau au juge ou qui peut le menacer de mort à son domicile.

Comment se traduit cette nécessaire indépendance ? Pas par l'irresponsabilité. Par le fait que l'Etat assume directement cette responsabilité. Si un juge commet une erreur fautive, c'est à dire dont on peut établir qu'il n'aurait pas dû la commettre compte ten udes éléments qu'il avait à sa disposition, l'Etat indemnisera la victime de ce dysfonctionnement (ce mécanisme fera l'objet d'un billet à part entière). Exactement comme l'Etat assume les dégats que causent les militaires au cours de manoeuvres, ou les travaux publics. Un plaideur ne peut pas se retourner au civil contre son juge. Il ne le pourra que si le juge a commis un délit dans l'exercice de ses fonctions, puisqu'il s'agit de responsabilité pénale. Je me souviens qu'il y a quelques années, Robert de Niro avait porté plainte contre un juge d'instruction qui l'avait fait interpeler sans ménagement au cours d'un tournage. Je ne me souviens pas des suites, mais je crois me souvenir que le juge avait été cité en correctionnelle.

Le juge ne s'en tire pas aussi facilement, toutefois. Si l'erreur qu'il a commise révèle une faute, le juge peut voir une action disciplinaire engagée, et l'Etat peut exercer également ce qu'on appelle l'action récursoire, c'est à dire lui demander de rembourser les sommes que l'Etat a dû verser à la victime de sa faute[3].

Concrètement, cette action est rarissime. Pour tout dire, je n'ai pas trouvé trace d'une seule action récursoire engagée contre un juge. Il demeure que cette possibilité existe : le juge n'est pas à l'abri de devoir supporter les conséquences financières d'une erreur grossière qu'il commettrait. A l'Etat d'assumer ses resposnabilités et d'utiliser les moyens que la loi lui donne, plutôt que de réformer la loi sans jamais l'appliquer comme il a tendance à le faire, préférant les effets d'annonce au journal de TF1 qu'au journal officiel.

Je concluerai en insistant sur un dernier point.

La moindre erreur n'est pas fautive pour un juge. Pour un avocat non plus d'ailleurs.

Les juges sont humains, peuvent se tromper, et sans commettre de faute. Des erreurs judiciaires, il s'en commet des centaines chaque jour : le parquet classe sans suite une plainte fondée, un juge relaxe un coupable faute de preuve. Ce sont des erreurs : le plaignant se sent abandonné, le coupable relaxé me félicite chaleureusement. Elles ne sont pas fautives : le procureur a estimé que les faits dénoncés n'étaient pas suffisamment établis ou que l'auteur ne pouvait être identifié (par exemple, une plainte d'une jeune femme qui a été pelottée dans le métro...), et le juge qui a relaxé faute de preuve a correctement fait son travail. Il arrive d'ailleurs que des juges relaxent tout en étant au fond d'eux convaincus que le prévenu était bien coupable.

Notes

[1] Le CSM tient u nrecueil des décisiosn rendues depuis 1946, accessible en ligne ici. Les décisions P concernent le parquet, S le siège, c'est à dire les juges.

[2] Erreur de plume signalée par Gascogne, merci à lui.

[3] Précision à la suite d'une remarque de Paxatagore en commentaires : cette action récursoire existe à l'égard de tous les fonctionnaires, elle n'est pas réservée aux magistrats. Il me confirme que cette action n'est jamais exercée.

lundi 10 avril 2006

La Nemesis du CPE

Bingo.

Voici le texte de la proposition de loi sur l'accès des jeunes à la vie active, qui sera le fossoyeur du CPE. Le législateur étant le seul qui jusqu'à présent ne s'était pas ridiculisé dans cette affaire, c'est à présent chose faite. Merci à qui se reconnaîtra pour ce document. Je grasse.


Proposition de loi sur l’accès des jeunes à la vie active

Article 1 :

Dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, l’article 8 est remplacé par les dispositions suivantes :

« I - L’article L.322-4-6 du code du travail est ainsi rédigé:
Pour favoriser l’accès des jeunes à l’emploi et à la qualification professionnelle, les employeurs peuvent bénéficier d’un soutien de l’Etat lors de la conclusion, de contrats à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel :
1° Avec des jeunes gens[1] âgés de seize à vingt-cinq ans révolus dont le niveau de formation est inférieur à celui d’un diplôme de fin de second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnel ;
2° Avec des jeunes gens âgés de seize à vingt-cinq ans révolus qui résident en zone urbaine sensible ;
3° Avec des jeunes titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale[2] défini à l’article L322-4-17-3 du code du travail.

La durée du travail stipulée au contrat doit être au moins égale à la moitié de la durée du travail de l’établissement[3]. L’aide de l’Etat est accordée pour une durée de deux ans, le cas échéant de manière dégressive.

Ce soutien est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-64. L. 241-13 et L. 241-14 du code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’article L. 241-13 tel que visé par l’article L. 741-4 du code rural et aux articles L. 741-5 et L. 741-6 de ce dernier code. Il n’est pas cumulable avec mie autre aide à remploi attribuée par I’Etat. Toutefois, les employeurs embauchant des jeunes en contrat de professionnalisation à durée indéterminée peuvent bénéficier de ce soutien, le cas échéant dans des conditions spécifiques prévues dans le décret mentionné ci-après.

Un décret précise les montants et les modalités de versement du soutien prévu ci-dessus.

II - L'article L.322-4-17-3 du code du travail est ainsi rédigé:
Toute personne de seize à vingt-cinq ans révolus rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle bénéficie à sa demande d'un accompagnement personnalisé sous la. forme d’un « contrat d'insertion dans la vie sociale », conclu avec l’Etat. Ce contrat fixe les engagements du bénéficiaire en vue de son insertion professionnelle et les actions engagées à cet effet, ainsi que les modalités de leur évaluation. L’accompagnement personnalisé est assuré, au sein de l’un des organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L.322-4-17-2, par un référent qui établit avec le bénéficiaire du contrat, dans un délai de trois mois à compter de sa signature, un parcours d’accès à la vie active. Le référent doit proposer à ce titre, en fonction, de la situation et des besoins du jeune, l’une des quatre voies suivantes :

- un emploi, notamment en alternance, précédé lorsque cela est nécessaire d’une période de formation préparatoire ;
- une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise, dans un métier pour lequel des possibilités d’embauche sont repérées ;
- une action spécifique pour les personnes connaissant des difficultés particulières d’insertion ;
- une assistance renforcée dans sa recherche d’emploi ou dans sa démarche de création d’entreprise, apportée par l’un des organismes mentionnés au 3ème aliéna de l’article L. 311-1.

Après l’accès à remploi, l’accompagnement peut se poursuivre pendant un an. Les bénéficiaires d’un contrat d'insertion dans la vie sociale sont affiliés au régime général de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L 962-1 et L. 962-3 pour les périodes pendant lesquelles ils ne sont pas affiliés à un autre titre à un régime de sécurité sociale.

Un décret fixe les caractéristiques des personnes qui peuvent bénéficier de l’accompagnement, ainsi, que la nature des engagements respectifs de chaque partie au contrat, la durée maximale de celui-ci et les conditions de son renouvellement. »

Article 2 Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts[4].

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat[5].


Mon opinion ? Hallucinant. Ce n'est plus de l'acrobatie, c'est de la haute voltige.

Pas un mot n'est dit sur le CPE.

D'accord, on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu. Mais il eût été intéressant de savoir comment s'applique concrètement la disparition de ces contrats, surtout du fait de la technique originale qui est employée.

On "remplace" un article de loi qui se suffisait à lui même par un article qui modifie le Code du travail.

L'article 1er de cette proposition de loi pouvait très bien commencer directement par "I - l'article L.322-4-6 du Code du travail est ainsi rédigé : ...". C'est dissimuler l'abrogation avec la même élégance qu'on dissimule la poussière sous un tapis.

Se pose du coup un problème d'application de la loi dans le temps.

L'article 8 est entré en vigueur le 3 avril 2006. Cette loi remplaçant cet article 8 alors que rien ne l'imposait juridiquement, faut-il en déduire que ces nouvelles dispositions entreront en vigueur au 3 avril 2006 ? Dès lors, les CPE seront ils rétroactivement annulés ? Visiblement, il n'a pas effleuré l'esprit de nos députés que quiconque ait pu passer outre l'injonction présidentielle de ne pas appliquer la loi qu'il venait de signer.

Je parlais dans mon billet de ce matin de colifichets. Les députés dépassent toutes les espérances.

Exit le Contrat Première Embauche, voici le contrat "d'insertion dans la vie sociale" (qui inclut sûrement une invitation à Paris Blogue-t-il) qui n'est pas un contrat de travail, ce qu'était le CPE, et qui consiste à se voir désigner un "référent", expression à la mode, qui va proposer dans les trois mois un "parcours d’accès à la vie active".

En quoi consiste ce parcours ? Au début, je pensais au parcours d'accès à la vie active de tous les français : chambre à coucher - WC - salle de bain - cuisine - métro. Mais non.

Là, c'est une perle : c'est soit "un emploi, notamment en alternance, précédé lorsque cela est nécessaire d’une période de formation préparatoire" ; soit "une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise". Oui, vous avez bien lu. Soit un boulot avec une formation, soit une formation avec un boulot. Il suffisait d'y penser.

Et pour couronner le tout, un superbe néologisme : une formation professionnalisante, qui n'est ni une formation préparatoire à un emploi (qui est prévue par l'alinéa précédent) ni une formation professionnelle (qui comme son nom l'indique ne suppose pas un contact avec le monde du travail).

C'est officiel : les shadoks sont au pouvoir.

Notes

[1] Jeunes gens, un nouveau concept juridique rempalçant le jeune de moins de 26 ans.

[2] Un jeune titulaire d'un CIVIS fait il ou non parties des "jeunes gens" prévus aux 1° et 2° ?

[3] si quelqu'un comprend cette phrase, merci de me l'expliquer

[4] Traduction : par l'augmentation des taxes sur le tabac, c'est les buralistes qui vont être contents.

[5] Si tel est le bon plaisir du Président de la République, bien sûr.

lundi 20 février 2006

Soyez le JLD : les délibérés

Merci à tous ceux qui ont joué le jeu, y compris et surtout aux magistrats qui ont pris la peine de motiver leur décision non sans humour. Ce qui se passe dans la tête d'un juge est une question presque métaphysique pour les avocats, et cette brève visite de votre occiput me paye largement de ma peine.

Avant de lever le voile, quelques mots.

Le but de cet exercice n'était pas de deviner ce qui a été prononcé. C'est un jeu de rôle, donc sans gagnant ni perdant.
L'objectif, que nombre d'entre vous ont deviné, était de vous faire chausser les souliers inconfortables du JLD et de réaliser à quel point prendre une telle décision était difficile, source de cas de conscience, bien loin de l'arbitraire de monstres froids qu'on aime bien invoquer ces temps-ci.

Une autre fausse impression que je souhaite dissiper serait celle de la loterie judiciaire. En effet, vous le verrez les décisions rendues sont parfois bien différentes de celles proposées par des magistrats ayant joué le jeu (En fait, dans un cas, c'est même exactemement le contraire sur les quatre cas). Mais il faut garder à l'esprit que j'ai raconté ces cas sur la base des notes que j'ai pu prendre au cours des débats, tandis que les trois intervenants au vrai débat (le procureur, l'avocat et le juge) avaient, eux, accès à un dossier qui faisait de trente à plusieurs centaines de pages selon les cas, dont les éléments pouvaient nourrir la réflexion du juge. De plus, ils avaient le mis en examen face à eux : le ton de sa voix, son attitude générale, sont des éléments qui influent le juge. En cas de divergence, la prudence exige d'estimer que la vraie décision était la bonne - sauf à mon avis dans un des cas.

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mercredi 28 septembre 2005

Des mystères de l'organisation judiciaire

La carte des tribunaux française recèle parfois des surprises.

Les cartes devrais-je dire puisqu'il y a en France deux ordres de juridictions qui s'ignorent superbement : l'ordre judiciaire (Tribunaux de grande instance et juridictions d'exception - cours d'appel - cour de cassation) et l'ordre administratif (Tribunaux administratifs - Cours administratives d'appel - Conseil d'Etat).

Les limites des ressorts de cours d'appel sont le fruit de l'histoire et ne recoupent pas les régions administratives.

Ainsi nos amis bretons, tous penauds de voir Nantes dans les Pays de la Loire, seront ils heureux d'apprendre que le tribunal de grande instance de la cité ducale relève de la cour d'appel de Rennes et non de celle d'Angers. Par contre, Le-Mont-Saint-Michel dépend inexplicablement du tribunal de grande instance d'Avranches (Manche) et de la cour d'appel de Caen, et non de Rennes.

Ce sont donc les villes qui avaient une certaine importance sous l'Ancien Régime qui hébergent les cours d'appel, qui ne correspondent plus toujours aux métropoles du XXIe siècle. Ainsi Lille, Clermont-Ferrand et Marseille n'ont pas de cour d'appel. Si vous êtes mécontent d'un jugement rendu par ces tribunaux, il vous faudra aller respectivement à Douai, Riom ou Aix-en-Provence.

Certains choix par contre ne relèvent ni de l'histoire, ni de la géographie mais peut être bien de la pure facétie.

Témoin le ressort de la cour administrative d'appel de Paris, qui chapeaute quatre tribunaux administratifs.

Celui de Paris, c'est prévisible. Celui de Melun n'est guère étonnant.

Mais ceux de Papeete et de Nouméa, là, j'avoue que j'ai du mal à comprendre.

lundi 26 septembre 2005

Non, merci, j'ai ma carte orange

Il est des témoignages qui sont pires que le plus vigoureux des réquisitoires.

Une femme d’âge mur, mère de famille, infirmière à domicile, est à la barre de la cour d’assises.

Elle vient raconter son viol à douze inconnus qui la regardent ; trois joliment habillés avec de la fourrure blanche pour l’un d’entre eux, et neuf personnes ordinaires, habillées comme n’importe qui, tirées au sort le matin même.

L’homme assis dans le box à sa droite cache mal son ennui, absorbé dans la contemplation de ses chaussures comme si c’était la chose la plus intéressante de toute la salle Il l’a croisée un jour dans un hall d’immeuble où elle venait administrer des soins à une personne âgée, un petit vieux diabétique qui vit seul depuis la mort de son épouse.

Il l’a attrapée par les cheveux, l’a entraîné en haut de l’escalier de secours de l’immeuble, lui a mis un cutter sous la gorge et lui a dit que si elle appelait au secours, il lui trancherait la gorge. Il a essayé en vain de mettre un préservatif, mais n’y est pas parvenu. Alors il y est allé sans.

Pendant tout l’acte, elle a gardé les yeux fermés, et s’est efforcée de pleurer sans bruit, en pensant à son fils unique, d’à peine 20 ans, qui n’a qu’elle dans la vie.

Finalement, le type s’en va, ayant fini son affaire, et lui dit que si elle appelle au secours avant une heure, il la tue. Le temps de recouvrer ses esprits, de se rhabiller tant bien que mal, elle est allée chez son patient. La première chose qu’elle a dit est “excusez moi d’être en retard”.

Enfin, son patient va réussir à lui faire dire ce qui ne va pas, et la convaincre d’aller à la police. Elle ne voulait pas, elle avait d’autres patients à voir.

Alors, elle va aller au commissariat de police du quartier. Au planton à l’accueil, elle dit juste qu’elle vient “porter plainte”. Dans un soupir, le gardien de la paix lui indique un banc en lui demandant d’attendre son tour. Elle va d’attendre une heure et demie sur ce banc. Finalement, l’agent qui la reçoit finit par comprendre la gravité de la situation. Elle est présentée à un lieutenant de police qui prend sa déposition.

Afin de faire les constatations des violences qu’elle a subies, on lui remet une réquisition pour se présenter aux urgences médico-judiciaires de l’Hotel-Dieu. Elle n’est pas sure que ce soit terminé pour ici, alors elle reste là, interdite, avec sa réquisition à la main. Le lieutenant la regarde et lui propose “Vous voulez un ticket de métro ?” Sans réfléchir, elle répond : - Non, merci, j’ai ma carte orange.

Et comme si elle n’avait pas déjà assez souffert dans sa chair pour aujourd’hui, elle va devoir subir une humiliation sans nom, en prenant seule le métro pour l’Ile de la Cité, sa culotte en lambeaux et ses bas déchirés, les gens qui la regardent bizarrement, pensant sans doute qu’elle était une SDF un peu folle pour être aussi mal accoutrée et sangloter sans cesse.

Elle raconte son calvaire avec la voix posée et le vocabulaire choisi des gens qui ont reçu une éducation et ont entretenu ce trésor pendant les années qui ont suivi, comme on raconterait un week end à la mer. Elle raconte la difficulté qu’elle a eue à trouver un taxi, avec ses vêtements déchirés, alors elle a pris le RER pour la lointaine banlieue où elle habite. Elle raconte les trois semaines de tri-thérapie à titre préventif, en attendant les résultats du test HIV. Des séropositifs, elle en connaît. Elle a eu des patients ayant développé le SIDA, elle sait ce que c’est d’en mourir.

Ce n’est que trois mois après les faits que l’auteur des faits, incarcéré, a pu subir un examen médical avec un test sanguin : VIH négatif, hépatite négatif.

Un an et demi ont passé aujourd’hui, mais les cauchemars sont encore là. Ce que l’expert a qualifié “d’angoisse morbide”. Il faut dire qu’elle n’a pas voulu abandonner ses patients et toutes les semaines, revient voir son petit vieux Elle repasse donc sur les lieux tous les lundis.

Le silence qui suit sa déposition pèse des tonnes. L’avocat de la défense a le visage tendu.

Dans le box, l’accusé lève finalement les yeux de ses chaussures, le silence l’ayant tiré de sa rêverie. Il regarde autour de lui, sans comprendre pourquoi plus personne ne parle. Le fait que personne ne le regarde semble le rassurer sur le fait qu’on ne lui avait pas posé une question. Il finit par reprendre la contemplation de ses chaussures.


Ce billet est dédié à la mémoire de l’éphémère secrétariat d’État au droit des victimes.

© Maître Eolas 2005, Reproduction interdite.

jeudi 22 septembre 2005

Revue de presse (2)

Les parisiens qui n'ont pas les mains sur un guidon ou un volant auront pu lire ceci dans le Métro daté de ce jour.

Pour les autres, le risque de passer à côté est écarté (merci à Alecska).

mardi 10 mai 2005

Comme quoi, des fois, ça marche

Audience au tribunal correctionnel. Le prévenu s'avance, 35 ans, look banquier. D'ailleurs, ça tombe bien : il travaille comme agent administratif dans une banque.

Il est poursuivi pour exhibition sexuelle, dans le métro, il y a deux ans. Il a déjà été déclaré coupable, mais l'affaire revient après une expertise psychiatrique, qui est désormais obligatoire en matière de délinquance sexuelle, pour le prononcé de la peine.

L'histoire de la vie de cet homme a basculé en 1984, quand il a eu un très grave accident de la circulation (il était passager). Traumatisme cranien, quatre interventions, longue rééducation, le tout aggravé par une infection nosocomiale par le virus de l'hépatite C. Au total, il va passer dix ans en hospitalisation. Il va néanmoins continuer ses études, et passera le baccalauréat en fauteuil roulant.

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vendredi 6 mai 2005

Soyez le juge (2) : la décision.

Le tribunal, après en avoir délibéré, a déclaré le prévenu coupable, et en répression, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, et a assorti cette peine d'un sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de deux ans, avec comme obligations particulières celle d'avoir un domicile, d'exercer un travail ou suivre une formation professionnelle, et de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation (article 132-45 du Code pénal, 1°, 2° et 3°).

Le président, qui était une présidente, a ajouté après le prononcé de la peine qu'il s'agissait là d'une chance que lui laissait le tribunal, et qu'il lui fallait absolument en tirer profit.

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mardi 3 mai 2005

Soyez le juge (n°2)

Voici une nouvelle affaire que je soumets à votre très haute sagacité. Là encore, il s'agit d'une affaire réelle, qui a été jugée en comparution immédiate, c'est à dire que le prévenu a été arrêté l'avant veille de l'audience et arrive devant vous directement du commissariat, après une nuit au dépôt. Cette affaire est atypique de par le profil du prévenu, les faits étant eux d'un clacissime navrant. A vos poids et balance, l'huissier vous amène le dossier de Monsieur A., prévenu de tentative de vol aggravé par la circonstance de commission dans un moyen de transport public.

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mercredi 23 février 2005

Blog d'un juge anglais

Je profite du thème du billet précédent pour attirer votre attention sur un très bon blog, en anglais, tenu par un juge britannique : The Law West Of Ealing Broadway (La loi à l'ouest de Ealing Broadway, une station de la ligne Central du métro londonien).

Il y raconte des anecdotes d'audience, ses réflexions sur le métier de juge et de temps en temps, expose un dossier et vous demande ce que vous auriez décidé à sa place avant de révéler quelle a été sa décision et comment il en est arrivé là. Il n'y a pas trop de jargon juridique.

Une excellente lecture.

lundi 23 août 2004

Le pénal aux pénalistes !

J’ai déjà pesté et pesterai encore contre les avocats qui se frottent au pénal sans rien y connaître. Il y a quelques mois, j’ai vu un cas en pleine action. Ou inaction, en l’espèce. Je bouillais intérieurement en assistant à l’audience. Ce qui me mettait en colère est qu’il était en défense.

Je vais devoir entrer un peu dans les mécaniques du droit pénal pour bien vous faire comprendre.

Le prévenu était poursuivi pour tentative d’escroquerie.

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