Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 29 janvier 2010

Quelques mots sur le jugement Clearstream

Le jugement dans l’affaire dite “Clearstream” (alors qu’elle ne concerne que très incidemment la société luxembourgeoise) a été rendu aujourd’hui.

Quelques réponses à des questions qui m’ont été posées à plusieurs reprises.

Qui peut faire appel du jugement ?

C’est l’article 497 du CPP qui donne la réponse. Chaque prévenu condamné, pour sa propre condamnation pénale (l’action publique, menée par le parquet) et la condamnation à indemniser la victime (l’action civile, menée par la partie civile), ou une seule de ces condamnations.

Le parquet, pour la seule action publique.

La partie civile, pour la seule action civile.

Monsieur Galouzeau de Villepin, relaxé, n’est pas recevable à faire appel : il n’a rien à demander de plus.

Le Président de la République a annoncé son intention de ne pas faire appel. Je ne partage toutefois pas l’analyse de mon excellent (quoique provincial) confrère Gilles Devers qui estime qu’en tout état de cause, le Président de la République serait irrecevable puisqu’il a été rempli de ses demandes (c’est comme ça que l’on dit qu’il a obtenu l’intégralité des sommes demandées soit 1 euro). Sa demande visait à la condamnation solidaire de MM. Gergorin, Lahoud et Galouzeau de Villepin. Il n’a pas obtenu cette condamnation en ce qui concerne ce dernier. Cela suffit à mon sens à rendre l’appel recevable, car la partie civile a un intérêt à agir pour faire constater que l’un des prévenus avait bel et bien commis l’infraction dont il a été victime, quand bien même il aurait déjà été indemnisé par les autres condamnés. Après tout, il s’agit d’une demande d’un euro symbolique. Cela signifie que le but de l’action n’est pas financier mais symbolique. Et savoir si tel prévenu était coupable ou innocent, c’est un symbole plutôt important. Je vais faire des recherches de jurisprudence voir si la Cour de cassation a tranché ce point, mais tout coup de main sera le bienvenu.

Et j’apprends en écrivant ces lignes que Jean-Claude Marin, animateur intermittent de la matinale d’Europe 1, est allé y annoncer qu’il allait faire appel. Un moment de distraction sans doute car c’est au greffe correctionnel qu’on fait fait sa déclaration d’appel (escalier H, 2e étage, porte 160, monsieur le procureur).

Cela signifie que Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa aurait pu faire appel mais pas le parquet ? Quelle conséquence cela aurait-il eu ?

Oui, c’eût été parfaitement possible. Dans ce cas, l’action publique s’éteint : le prévenu ne peut plus être pénalement condamné. Pas de prison, pas de casier. Mais la cour reste saisie des faits et peut, sur les seuls intérêts civils, constater que les éléments constitutifs de l’infraction étaient bien réunis, et, sans déclarer le prévenu coupable (elle outrepasserait ses pouvoirs et s’exposerait à cassation), le condamner à indemniser la victime.

C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à un célèbre humoriste forain. C’est aussi pour cela que dans l’affaire Ilan Halimi, la partie civile a fait des pieds et des mains pour que le parquet fasse appel de la peine ayant frappé le principal accusé, qu’elle jugeait insuffisante. Elle ne pouvait le faire elle même que sur les dommages intérêts.

Ainsi, la cour de cassation a estimé qu’une chambre des appels correctionnels saisie du seul appel de la partie civile et qui estimerait que les faits n’étaient pas un délit mais un crime (devant être jugée par la cour d’assises) ne peut se déclarer incompétente puisque l’action publique est éteinte. Crim., 17 fév. 1960, bull. crim. n°92.

Quelles sont les conséquences de cet appel du parquet pour les autres prévenus ?

Tout dépend de la déclaration d’appel. L’appelant peut préciser sur quelles dispositions du jugement il entend limiter son appel. La cour d’appel est saisie dans ces limites. Faute de précision dans l’acte d’appel, la cour est saisie de l’ensemble du dossier. Donc si le parquet se contente de dire qu’il fait appel, ce pauvre Denis Robert est bon pour rempiler alors même que le parquet ne semble pas trouver à redire à sa relaxe.

S’agissant de MM. Gergorin et Lahoud, qui ont déjà déclaré leur intention de faire appel (rappel : escalier H, 2e étage, porte 160), le parquet aurait de toutes façon formé un appel incident en réponse à leur recours.

Gné ?

On distingue appel principal et appel incident, quelle que soit la partie qui fait appel. L’appel principal est formé dans le délai de dix jours à compter du jugement ou de sa signification par huissier si le prévenu était absent à l’audience. L’appel incident est un appel en riposte : “ha, tu fais appel ? Alors moi aussi.” L’effet est le même, la différence est procédurale. D’abord, un appel incident peut être formé dans le délai de dix jours ou dans un délai de cinq jours qui court à compter de la déclaration d’appel, afin d’éviter que des petits malins fassent appel le 10e jour à une minute de la fermeture du greffe pour jouer de l’effet de surprise. Ensuite, l’appel incident, contrairement à l’appel principal qui est définitif, tombe automatiquement si l’appelant principal se désiste dans les trente jours : art. 500-1 du CPP.

Pourquoi tous ces appels dans tous les sens ? Un appel est un appel, non ?

Non. La cour d’appel voit ses pouvoirs limités par les appels dont elle est saisie.

Ainsi, sur le seul appel du parquet, la cour ne peut que confirmer la peine ou l’aggraver dans la limite du maximum légal, ou relaxer (art. 515 du CPP), mais pas modifier les dommages-intérêts. (paragraphe mis à jour, merci JP Ribaut-Pasqualini).

Sur l’appel du seul prévenu, la cour ne peut que confirmer la peine, la diminuer, ou bien sûr relaxer. On parle d’appel a minima

J’ai traité plus haut de l’appel de la seule partie civile.

Donc quand des prévenus font appel, le parquet fait toujours un appel incident pour que la cour soit pleinement saisie de l’action publique et puisse le cas échéant aggraver.

Dans notre hypothèse, la cour pourra confirmer la relaxe, ou déclarer M. Galouzeau de Villepin coupable et prononcer une peine. En revanche, M. Sarközy de Nagy-Bocsa ne sera pas partie au procès, ne pourra s’y faire représenter par un avocat, ni le cas échéant former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel.

Jean-Claude Marin affirme que cet appel est conforme au protocole du parquet en matière d’appel. Est-ce exact ?

Si un procureur le dit, c’est forcément vrai (cette phrase n’étant toutefois pas applicable aux réquisitions de condamnation de mes clients). J’ignore quel est ce protocole, mais force m’est de constater qu’il est rare que le parquet fasse appel d’une relaxe, même quand il concluait à la condamnation. Le parquet est par principe respectueux des décisions du tribunal. Ce n’est donc pas systématique. Quels sont les critères généralement retenus, et s’appliquaient-ils au cas d’espèce ? Je ne puis répondre. Il est en revanche certain que dans cette affaire, le parquet a rappelé qu’il n’était pas indépendant du pouvoir exécutif, ce qui jette de toute façon une ombre de suspicion sur cette décision.

Le meilleur argument qu’il soulève est celui de l’appel de cohérence. Puisqu’il y aura un deuxième procès concernant MM. Gergorin et Lahoud, il estime nécessaire que M. Galouzeau de Villepin soit partie au procès au cas où les prévenus changeraient leurs déclarations et accablaient ce dernier. Cela évite la tentation de tout mettre sur le dos de l’absent, et le risque que l’audience d’appel démontre la culpabilité de celui-ci mais que sa condamnation soit impossible.

Frédéric Lefebvre prétend que le jugement n’a condamné que les exécutants mais pas les commanditaires, laissant entendre que son confrère Galouzeau de Villepin serait l’un d’iceux. Ce n’est pas très confraternel, non ?

Frédéric Lefebvre débute dans la profession, laissons-lui le temps d’assimiler les concepts de dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, que ses fonctions de porte-parole d’un parti politique ont peu sollicité. En attendant, faisons-lui remarquer qu’en dernière analyse, le parquet invoquait une simple complicité par abstention, théorie pernicieuse que j’abhorre et qui à mon sens est contraire à la loi, et qui revenait à dire qu’il serait coupable de n’avoir pas empêché la réitération de la dénonciation calomnieuse une fois qu’il a eu connaissance de sa fausseté. Il y a un gouffre entre être le commanditaire d’une infraction et ne pas empêcher son renouvellement.

En quoi cette théorie serait-elle pernicieuse et contraire à la loi ?

L’article 121-7 du Code pénal définit le complice comme la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation, ou qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. J’ai beau faire montre parfois d’une certaine imagination, voire d’une créativité juridique reconnue qui ravit les tribunaux au moment de mes plaidoiries, et leur fait laisser poindre une once de regret dans leur jugement au moment de me débouter. Mais je ne parviens pas à faire dire à ce texte qu’une personne qui ne fait rien, qui s’abstient d’intervenir et dont l’inaction facilite effectivement la commission de l’infraction (comme le gardien de musée payé pour ne pas donner l’alarme quand des voleurs dérobent des oeuvres) pour empêcher autrui de réitérer une infraction (sauf l’hypothèse de celui qui a l’obligation d’intervenir), facilite la préparation ou la consommation d’une infraction, ou que cela s’assimile à un don, une promesse, un ordre, un abus d’autorité ou de pouvoir. Le silence ne peut être un abus d’autorité. Mon adjudant m’a démontré, au cours de mon service militaire, que l’abus d’autorité suppose un niveau sonore plutôt élevé. Elle est donc contraire à la lettre de la loi qui exige un acte positif, pas une omission. La loi punit spécifiquement certaines abstentions : la non assistance à personne en danger, la non dénonciation de crime. Ce n’est pas pour faire de tout citoyen passif un complice de tous les délits qui se commettent à portée de sa main. Ne pas agir quand on peut empêcher une infraction est être un mauvais citoyen. Pas un délinquant. Voilà en quoi elle est pernicieuse : elle assimile celui qui commet le délit à celui qui ne fait rien pour l’empêcher.

Je regrette donc que le tribunal ne rejette pas la théorie mais estime que cette complicité n’est pas établie.

Pour en savoir plus : Pascale Robert-Diard publie les principaux passages du jugement.

L’intégralité du jugement, non anonymisé.

samedi 23 janvier 2010

Française un jour, Française toujours ?

par Sub lege libertas


Notre Maître de céans a réagi plus vite que moi aux propos de Jean-Luc Mélenchon sur l’impossibilité pour Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, d’être français si on lui appliquait les lois actuelles. Outre l’erreur démontrée par Eolas, l’idiotie juridique de l’affirmation de Jean-Luc Mélenchon est totale puisque bien sûr, si vous devez prouver votre nationalité française en analysant celle de vos aïeux, il vous faut leur appliquer la loi en vigueur alors et non l’actuelle. Et Eolas nous boucle la question pour notre Nicolas Sarközy de Nagy-Bosca en deux coups de cuillère à pot en concluant : “Nicolas Sarkozy est donc Français de naissance, étant fils d’une mère française.”

Je le dis d’emblée pour tuer tout suspens et dispenser de la lecture de ce qui suit les gens pressés de certitude, la conclusion est bonne mais le parcours pour y parvenir est plus distrayant. Faisons donc un peu d’histoire et de droit.

L’article 19 du Code Civil des Français disposait :

Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari.

L’article 12 du même code édictait :

L’étrangère qui aura épousé un Français suivra la condition de son mari.

L’article 9 précisait :

Tout individu né en France d’un étranger, pourra dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité réclamer la qualité de Français ; pourvu que dans le cas où il résiderait en France, il déclare que son intention est d’y fixer son domicile (...)

Cet état du droit perdura jusqu’en 1927. Et alors ?

Et bien, intéressons-nous - même si vous ne le voulez pas - à la situation de Caroline Rosset-Billoux, née le 1er novembre 1858 à Traize. Cette Caroline Rosset-Billoux est née en Savoie avant son rattachement à la France par le Traité de Turin du 24 mars 1860, ratifié par le plébiscite du 22 avril 1860 ! Oui, Eric Besson aime à n’en pas douter que l’on rappelle aux savoyards et aux niçois qu’ils sont des Français très récents... Et encore on ne fera pas l’affront aux habitants de Tende et La Brigue de leur rappeler qu’ils attendirent la loi du 15 septembre 1947 pour devenir communes françaises de l’arrière-pays niçois et non “territoires de chasse personnelle du Roi d’Italie” (il est vrai chassé...du trône) !

Mais revenons à Caroline Rosset-Billoux. Cette étrangère de naissance épouse en 1890, un nommé Henri Bouvier, négociant grainetier, né le 10 mai 1853 à Sermérieu (Isère), lui même fils de Anthelme Bouvier et Marguerite Poizat nés, mariés et morts à Sermérieu, au XIXe siècle. Notre Henri est Français de naissance.

Sans même s’interroger sur les effets du Traité de Turin en matière de nationalité pour les natifs de Savoie ou du Comté de Nice avant 1860, observons que par son mariage avec un Français, Caroline Rosset-Billoux est pleinement devenue une Française, par application de l’article 12 du Code civil des Français. Comme cela vous indiffère totalement, mentionnons juste que le couple marié, devenu lyonnais, donne naissance à Adèle Bouvier, née le 5 mars 1891 à Lyon 4e.

Un blanc sec plus tard, retrouvons Adèle fraîche et jeune infirmière de 26 ans qui convole en justes noces le 16 octobre 1917 à Sainte-Foy lez Lyon avec Bénédict Mallah, médecin. Certes le docteur est joli garçon, a fait profession de foi catholique pour les beaux yeux de sa belle, mais... il est né Aaron Beniko Mallah le 8 juin 1890 à Salonique. Il est ottoman issu de la communauté juive de Salonique qui représente plus de la moitié de la population de cette ville, qui ne devint grecque qu’en 1913 par le Traité de Bucarest. D’ailleurs deux des cousins de Aaron Mallah, Asher et Peppo Mallah furent sénateurs grecs !

Sans faire de salade, Adèle est-elle devenue grecque ? La loi française d’alors l’oblige à suivre la condition de son mari, article 19 du Code Civil des Français. Mais ce mari, est-il ottoman, turc, grec... ou français ? Et bien, rien n’est simple et je n’ai pas de renseignements certains. Aaron Beniko est venu s’installer en France avec sa mère Madame Reyna Magriso veuve, semble-t-il alors, de Mardochai Mallah, artisan bijoutier. Quand ? Selon certains en 1904, selon d’autres en 1913. Il fit des études de médecine. Il est donné pour avoir servi comme médecin dans l’armée française de 1914 à 1918. Alors, a-t-il demandé sa naturalisation ?

Depuis les lois du 28 mars 1848 et du 26 juin 1889, l’étranger ayant déclaré en mairie sa résidence en France peut solliciter sa naturalisation après trois années de présence sur le sol national. Je ne sais pas si Aaron Beniko Mallah a fait cette démarche. Mais si l’on tient pour sûr qu’il servit dans l’armée française durant la Grande Guerre, alors il est français. Car il faut rappeler deux faits non discutables ; d'une part, seul un citoyen français peut être appelé à servir dans les corps réguliers de l'armée française.

“Loi du 27 juillet 1872, article 7, premier alinéa : nul n'est admis dans les troupes françaises s'il n'est Français”.

D’autre part, la loi du 21 mars 1905 qui institue le service militaire obligatoire pour tous prescrit dans son article 3 :

“Nul n'est admis dans les troupes françaises, s'il n'est Français ou naturalisé”.

Et me direz-vous, s’il a été enrôlé, cela suffit ? Et bien oui car l'article 9 de cette loi du 26 juin 1889 dispose que :

«il deviendra également français si, ayant été porté sur le tableau de recensement, il prend part aux opérations de recrutement sans opposer son étrangéité». (sic!)

Le seul document faisant foi de la nationalité française d’Aaron Beniko Mallah est donc la page qui le concerne du registre de recrutement de sa classe et de son canton.

Je vous sens agacé, mais vous avez tort car quel gars c’est, ce Aaron Beniko usant de son prénom de baptême Bénédict ? Et bien, c’est le papa de deux filles formidables dont Andrée Mallah, née à Paris 9e le 12 octobre 1925, la maman de notre vénéré Président, Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa. Il est essentiel que sa nationalité française soit établie.

Or vous l’avez compris, elle ne peut l’être (avant 1927) que si elle est née en France d’un père français, mais son père était de naissance ottoman... devenu donc (ouf ! murmure Besson soulagé) français avant son mariage. Lorsque Andrée Mallah épouse le 8 février 1950 à Paris 17e le nommé Paul Sarközy de Nagy-Bocsa, celui-ci n’est pas français. Il est né hongrois en Hongrie le 5 mai 1928. Il arrive en France en 1944. Il est engagé volontaire dans la Légion Etrangère, mais démobilisé en 1948, ayant été déclaré inapte pour partir en Indochine.

A-t-il été alors naturalisé français? Il est souvent mentionné qu’il francise alors son nom en Paul Sarközy de Nagy-Bocsa. Mais il ne s’agit pas d’une francisation liée à une naturalisation par décret. Comment peut-il avoir un nom francisé? Et bien par l’usage, lors de son enrôlement à la Légion, qui vous donne le droit à des papiers d’identité militaire. C’est ainsi qu’il fut inscrit au rôle. De la sorte, démobilisé avec ses papiers militaires, vraisemblablement sans papier (eh oui !) de sa Hongrie natale, il s’identifie comme il y est orthographié (ce qui est une autre histoire).

Un mékeskidi, qui suit depuis le début, murmure malin : “mais si Andrée, française, épouse un étranger en 1950, elle ne perd plus sa nationalité comme le disait l’article 19 du Code civil des Français ?" - Et bien non ! Car la loi du 10 août 1927 dispose qu’ une Française qui épouse un étranger a la possibilité de conserver sa nationalité d'origine ; une étrangère épousant un Français peut acquérir la nationalité française par simple déclaration devant l'officier d'état civil au moment du mariage. Et depuis l’ordonnance n̊ 45-2447 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française en vigueur alors, la Française le reste si elle épouse un étranger. La possibilité qui lui est offerte désormais n’est pas de le demander mais de décliner cette nationalité au profit de celle de son époux.

Article 94 de l’ordonnance n̊ 45-2447 du 19 octobre 1945 : La femme française qui épouse un étranger conserve la nationalité française, à moins qu'elle ne déclare expressément avait la célébration du mariage, dans les conditions et dans les formalités prévues aux articles 101 et suivants, qu'elle répudie cette nationalité. La déclaration peut être faite sans autorisation, même si la femme est mineure. Cette déclaration n'est valable que lorsque la femme acquiert ou peut acquérir la nationalité du mari, par application de la loi nationale de celui-ci. La femme est, dans ce cas, libérée de son allégeance à l'égard de la France a la date de la célébration du mariage.

Donc, lorsque naît le 28 janvier 1955 à Paris 17e Nicolas Paul Stéphane, il n’est français que parce que né sur le sol de France d’une mère qui peut affirmer sa nationalité française, mais vous l’aviez compris.

Postlude,

En guise de voeux judiciaires, je vous disais souhaiter plus de Fraternité, par exemple pour “des citoyens libres et égaux en droit qui ne doivent pas être sommés d’aller demander à un juge de vérifier leur nationalité quand il n’ont jamais pensé en avoir une autre que celle de France, quoique leurs aïeux n’y soient pas nés.” Quelque jours plus tard une pétition reprenait l’idée pour contester l’application du décret n°2005-1726 sur la délivrance des passeports. Et je m’imagine un instant, greffier en chef du tribunal d’instance de Paris 17e (lieu de naissance), ou de Paris 8e (résidence), recevant la demande de délivrance d’un certificat de nationalité française émanant de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa et lui faisant réclamer :

  • - les références exactes du décret de naturalisation de son père, pour vérifier qu’il est postérieur à sa naissance,
  • - l’acte de naissance de sa mère, née d’un père né à l’étranger
  • - la preuve de la nationalité de son grand-père maternelle pouvant être :
  • - les références de son décret de naturalisation
  • - ou la copie de la page du registre de recrutement de sa classe et de son canton ou son livret militaire !
  • - l’acte de mariage de sa mère pour vérifier qu’elle n'a pas répudié sa nationalité française

Alors cher Président, vous dont les aïeux paternels hongrois protestants ont été anoblis au XVIIe siècle pour avoir aidé à bouter l’ottoman musulman hors de Hongrie, cet ottoman qui protégea malgré tout par le statut de dhimmi vos aïeux maternels juifs de Salonique, chassés du Royaume d’Espagne en 1492, vous qui n’avez que Sermérieu comme Roche de Solutré pour votre pèlerinage identitaire, à moins que vous ne vous attachiez à Marcillac - La Croisille, vous souvenant de la protection que ses habitants leur offrirent durant la période de l’Etat Français où votre mère et son père étaient déchus de leur nationalité, car regardés comme juifs qu’ils n’étaient pas de confession, j’aimerai vous entendre évoquer par ces racines ce que vous apportez à la France par votre nationalité, et je ne parle pas de la possibilité votre élection à la Présidence de la République ? Faut-il donc au lieu de cela que je n’ai à écouter que Besson ? Triste époque.

Nicolas Sarkozy pourrait-il être Français si on lui appliquait ses lois ?

Le député européen (enfin, européen, je me comprends) Jean-Luc Mélenchon a affirmé dans Le Parisien - Dimanche (et donc dans Aujourd’hui en France - Dimanche) que ” si on lui appliquait ses lois, Nicolas Sarkozy ne pourrait pas être français”. Admettons-le, ce serait symbolique des dérives de notre droit de la nationalité et du statut des étrangers en France. Mais le fait que ce soit M. Mélenchon qui l’affirme doit pousser à la circonspection. Les textes juridiques, c’est pas son truc, comme il l’a démontré en 2005.

Et en effet, c’est faux, vous allez le voir.

Le raisonnement repose sur le père de Nicolas Sarkozy, Nagybócsai Sárközy Pál, né à Budapest le 5 mai 1928, et de nationalité hongroise. Si à son arrivée en France, l’actuel Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) était en vigueur, aurait-il pu rester, avoir trois fils, et leur transmettre la nationalité française ? La réponse à la première question est oui ; la seconde ne regarde que la nature et non le droit, et la réponse à la troisième question est non mais cela n’a pas d’importance.

L’arrivée du père

Nagybócsai Sárközy Pál a fui son pays avec sa famille en 1944 devant l’avancée des troupes soviétiques (la Hongrie avait rejont l’Axe pendant la Guerre). À son retour en 1945, elle a découvert que ses biens (la famille Nagybócsai Sárközy était d’une petite aristocratie terrienne) avaient été saisis, et a craint que le jeune Pàl ne soit enrôlé de force dans l’Armée Populaire, voire déporté en Sibérie en raison de ses origines. Sa mère a prétendu que son fils était mort noyé, et lui a dit de partir en France, terre d’asile. Pàl traversa l’Autriche et arriva à Baden Baden, où il s’engagea pour 5 ans dans la légion étrangère mais fut démobilisé en 1948, année où il s’installa définitivement en France (d’abord à Marseille, puis Paris).

Ceci posé, qu’est-ce que cela donnerait aujourd’hui ?

Eh bien Nagybócsai Sárközy Pál aurait l’embarras du choix pour le fondement de son séjour en France.

Tout d’abord, il pourrait demander à bénéficier du statut de réfugié : il fait état de craintes (risque de déportation) liées à son appartenance à un groupe social (l’ancienne aristocratie terrienne) : art. L. 711-1 du CESEDA, Convention de Genève du 28 juillet 1951. l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides lui reconnaitrait ce statut sans trop de difficulté à mon avis.

Même s’il ne souhaitait pas passer par là, ayant compté trois années de service actif dans la Légion Étrangère (1945-1948), il pourrait bénéficier d’une carte de résident de plein droit : art. L.314-11 du même Code.

En tout état de cause, les anciens pays du bloc de l’Est déchoyaient les émigrés ayant fui le paradis socialiste de leur nationalité, et Pàl ne fut pas une exception. Son statut d’apatride (une fois reconnu par l’OFPRA) lui donnerait un droit au séjour, et rendrait impossible toute expulsion (art. L.721-2 du CESEDA, convention de New York du 28 septembre 1954.

À terme, il aurait vocation à obtenir la nationalité française par naturalisation, ce qu’a fait le vrai Pàl au début des années 1970, c’est à cette occasion qu’il a officiellement francisé son nom en Paul Sarközy de Nagy-Bocsa, nom sous lequel il avait été inscrit à la Légion,

En somme, pas de changement entre ce qui s’est passé il y a 60 ans et aujourd’hui.

La nationalité du fils

Le fait que le président de la République ait un père hongrois n’ayant acquis la nationalité française que postérieurement à la naissance de son fils fait que certaines personnes, que je présume bien intentionnées se demandent si cela n’aurait pas des incidences sur sa nationalité française.

La réponse est : aucune.

Car à se focaliser sur son père, on oublie celle qui a joué un rôle bien plus important dans la vie de son fils : sa mère.

Nicolas Sarkozy est le fils d’Andrée Jeanne Mallah, elle même née à Paris le 12 octobre d’une année que ma galanterie m’interdit de me souvenir. Elle même est la fille de Benoît Mallah, médecin réputé tenant sa pratique dans le 17e arrondissement de Paris, né en 1890 à Thessalonique en Grèce (mais qui à l’époque était en Turquie ottomane…), et d’Adèle Bouvier, fille d’une famille de la bourgeoisie lyonnaise, d’origine savoyarde, étant de ce fait devenue française lors du rattachement de cette province à la France en 1860 (Traité de Turin).

Nicolas Sarkozy est donc Français de naissance, étant fils d’une mère française : art. 18 du Code civil.

La question de la preuve de la nationalité française de sa mère ne se pose même pas, puisqu’il est né en France (à Paris 17e) d’une mère elle même née en France (à Paris, 17e aussi je crois) : art. 19-3 du Code civil. Il lui suffit de produire une copie de son acte de naissance et de celui de sa mère pour établir sa nationalité de manière irréfutable.

Ainsi, même en appliquant les lois en vigueur en janvier 2010 à des événements survenus en 1955, tant le séjour du père du président que la nationalité de celui-ci ne seraient nullement remis en cause.

Ceux qui souhaitent critiquer les absurdités des lois actuelles en matière d’étrangers, qui poussent un ministre à nier contre toute évidence l’état réel de ce droit plutôt que de devoir le justifier, ou de nationalité, qui a obligé l’éditeur et chroniqueur Éric Naulleau, né à Baden Baden en Allemagne, incapable de prouver sa nationalité de naissance, à invoquer quatre années de mariage avec une Bulgare naturalisée Française par décret pour récupérer sa nationalité française, ont assez de grain à moudre pour avoir besoin d’en inventer.

mardi 12 janvier 2010

Le nom dit s’écrit.

par Sub lege libertas


L’article premier de la loi du 6 fructidor an II (23 août 1794) pose le principe de l’immutabilité des noms de famille. On ne peut donc rien ajouter ou retrancher à son nom complet sous peine de prison et d’amende. Cette même loi interdit également sous peine de sanction pénale à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille. Tout cela est encore parfaitement en vigueur, y compris la répression pénale qui est désormais précisée dans le code pénal (article 433-19).

On ne plaisante donc pas avec l’application de loi en matière de nom. Les ajouts même pata-typographiques sont prohibés, fussent-ils introduit par une comique circulaire créant le double tiret. Le Conseil d’Etat appela le Garde des Sceaux à tirer un trait dessus dans un arrêt comme nous le narra Maître Eolas il y a peu.

Grâce à ce billet, je me remémorai donc cette loi de la Convention, dont l’actualité quotidienne ne peut échapper à un magistrat du Parquet. En effet depuis 1803, l’article 53 du code civil confie au procureur de la République la surveillance de l’Etat civil et c’est à lui que l’officier d’état civil doit soumettre les questions qui se posent quant aux mentions à porter, par exemple, dans un acte de naissance, ainsi que le rappelle l’article 57 du même code.

- Quand je serai grand, je serai président ! - Mais, c'est quoi ton nom ?

Je suis sans doute un diptéro-sodomite aérien, mais je constate, comme l’eût fait le procureur de Paris d’alors, que l’officier d’Etat civil du 17e arrondissement de la ville de Paris, le 28 janvier 1955, a très scrupuleusement respecté cette grande loi révolutionnaire sur l’immutabilité du nom de famille. Il a ainsi enregistré la naissance, ce jour-là, de Nicolas, Paul, Stéphane, fils de Paul Sarközy de Nagy-Bocsa et Andrée Mallah, son épouse.

Le père est né à Budapest le 5 mai 1928. Son nom est alors nagybócsai Sárközy Pál, car en hongrois le prénom (Pál) est postposé et nagybócsai est un adjectif nobiliaire antéposé qui se traduit par “de Nagy-Bocsa”. Son père réfugié en France après 1944 fut naturalisé français et choisi à cette occasion de franciser son nom et son prénom en Paul Sarközy de Nagy-Bocsa. Etant né fils légitime d’un français en France, le nouveau né de 1955 est français de naissance et porte selon la loi alors en vigueur le nom de son père. Le nom, tout le nom et rien que le nom.

Or la lecture du journal officiel me conduit à penser que je suis toujours destinataire d’une version sans cesse remplie de coquilles, puisqu’il semble que le bambin né le 28 janvier 1955 a certes un peu grandi, mais voit son nom toujours raccourci. A moins que le Nicolas Sarkozy (sans tréma) qui y est très régulièrement mentionné comme signataire de nombreux actes ne soit pas le même... Mais qui avons nous élu alors à la Présidence de la République ?

La guillotine n'égalise plus les citoyens, mais le Journal des lois peut encore les raccourcir, nominativement.

Nonobstant la prohibition pénale de noms incomplets ou rallongés dans les actes officiels ou administratifs, certains ne manquent pas de me faire observer que les usages font que l’on appelle courtoisement par une partie de leur nom, les titulaires d’un nom à rallonges : “D’Ormesson” et non “Le Fèvre d’Ormesson”. L’us oral - et je ne parle pas de ceux qui apostrophe notre doyen de l’Académie Française d’un familier “Jean d’O” le faisant cousiner avec l’héroïne de Pauline Réage - m’importe peu, vous l’avez compris, puisque ma raideur judiciaire commande l’application des verges légales pour corriger les rédactions inexactes dans les actes officiels.

Alors faisons un petit tour de quelques corrections nécessaires au Journal officiel qui devrait recruter des spécialistes de la rectitude orthographique, ce d’autant que la profession de correcteur typographique semble en péril.

Philippe de Villiers, ancien secrétaire d'État chargé de la Communication (20 mars 1986 - 26 juin 1987), ancien député, devrait y être nommé Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, comme son frère Pierre, le général chef du cabinet militaire du Premier Ministre François Fillon. Cet exemple permet de rappeler, comme l’indique un avocat blogueur septentrional facétieux bien renseigné, comment par une adoption très républicaine, les enfants de son feu aïeul Louis Le Jolis de Villiers et de sa veuve née Jeanne de Saintignon devinrent des Le Jolis de Villiers de Saintignon. Cela vous pose certes son homme comme être de garenne, vous pose un alpin selon Alphonse Allais, mais rappelons pour éclairer ce mystère, les effets de l’article 363 du Code civil qui dispose que l'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.

Et comme l’agité du bocage (copyright Canard Enchaîné) me fait penser à un authentique vendéen, peut-on me dire pourquoi l’ancien Ministre des Affaires étrangères (18 mai 1995 - 2 juin 1997) Hervé de Charette n’est pas nommé à ce ministère sous son nom Hervé de Charette de La Contrie, comme son parent anti-révolutionnaire François Anasthase ? Observons d’ailleurs que ce raccourcissement n’est pas opéré dans les actes de nomination de son cousin Patrice de Charette de La Contrie, actuel président de chambre à la cour d’appel de Toulouse. Ce dernier fut dans les années 1975, avec son complet patronyme chouan, surnommé le “juge rouge” pour avoir, juge d’instruction à Béthune, incarcéré un patron responsable pénal d’un accident mortel du travail !

J’attendrai le 28 janvier 2010 pour souhaiter un bon cinquante cinquième anniversaire au noble Nicolas Sarközy de Nagy Bocsa ; ou, me souvenant qu’il y sera mentionné comme partie civile sous ce nom-là, lire le jugement de affaire dite Clearstream rendu à cette date. Je ne doute pas que dans la liste des prévenus, figurera par ordre alphabétique à la lettre G : Galouzeau de Villepin, Dominique. Je rassure mes lecteurs distraits, je cesse ici la liste des Galouzeau de Villepin, Sarközy de Nagy Bocsa et autres qui, par aphérèse ou apocope, se taillent un nom.

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