Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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septembre 2005

vendredi 30 septembre 2005

« C'est de la procédure, ne cherchez pas à comprendre »

Où votre serviteur devient un athlète grâce aux régles d'application dans le temps des lois de procédure.

Audience d'une juridiction de proximité de banlieue. J'attends pour assister un prévenu. Le tribunal de police siège également le même jour dans la même salle, puisqu'il n'y en a qu'une. Il siège en premier, présidé par un juge d'instance, magistrat professionnel.

Les juges de proximité, institués par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002, se sont vus attribuer compétence pour juger certaines contraventions des 4 premières classes (amendes faisant encourir un maximum de 38 euros, 150 euros, 450 euros, et 750 euros, respectivement). Le juge de police, qui autrefois jugeait toutes les contraventions, reste compétent pour toutes les contraventions de la 5e classe, passibles d'amendes jusqu'à 1500 euros, 3000 euros en cas de récidive.

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jeudi 29 septembre 2005

Pour ne plus violer, violons

Un magistrat qui aime taquiner les avocats (qui a dit "pléonasme" ?) me demandait innocemment (je retire le "innocemment", c'était un procureur) ce que je pensais de l'idée de mon confrère et incidemment garde des sceaux de demander au parlement de ne pas saisir le Conseil constitutionnel de son projet de loi visant à imposer le port du bracelet électronique à des personnes déjà condamnées pour des crimes sexuels, et ce au mépris du principe fondamental de non rétroactivité de la loi pénale.

Il ajoutait non sans gourmandise que L'Union Syndicale des Magistrats (USM) avait déjà réagi tandis que l'Ordre des avocats semblait quelque peu coi, en m'affirmant se refuser à penser que le corporatisme pouvait brider la capacité légendaire de notre ordre à s'enflammer pour la défense des libertés individuelles.

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mercredi 28 septembre 2005

Des mystères de l'organisation judiciaire

La carte des tribunaux française recèle parfois des surprises.

Les cartes devrais-je dire puisqu'il y a en France deux ordres de juridictions qui s'ignorent superbement : l'ordre judiciaire (Tribunaux de grande instance et juridictions d'exception - cours d'appel - cour de cassation) et l'ordre administratif (Tribunaux administratifs - Cours administratives d'appel - Conseil d'Etat).

Les limites des ressorts de cours d'appel sont le fruit de l'histoire et ne recoupent pas les régions administratives.

Ainsi nos amis bretons, tous penauds de voir Nantes dans les Pays de la Loire, seront ils heureux d'apprendre que le tribunal de grande instance de la cité ducale relève de la cour d'appel de Rennes et non de celle d'Angers. Par contre, Le-Mont-Saint-Michel dépend inexplicablement du tribunal de grande instance d'Avranches (Manche) et de la cour d'appel de Caen, et non de Rennes.

Ce sont donc les villes qui avaient une certaine importance sous l'Ancien Régime qui hébergent les cours d'appel, qui ne correspondent plus toujours aux métropoles du XXIe siècle. Ainsi Lille, Clermont-Ferrand et Marseille n'ont pas de cour d'appel. Si vous êtes mécontent d'un jugement rendu par ces tribunaux, il vous faudra aller respectivement à Douai, Riom ou Aix-en-Provence.

Certains choix par contre ne relèvent ni de l'histoire, ni de la géographie mais peut être bien de la pure facétie.

Témoin le ressort de la cour administrative d'appel de Paris, qui chapeaute quatre tribunaux administratifs.

Celui de Paris, c'est prévisible. Celui de Melun n'est guère étonnant.

Mais ceux de Papeete et de Nouméa, là, j'avoue que j'ai du mal à comprendre.

mardi 27 septembre 2005

Geeks, mes chers amis

J'ai encore besoin de vous, ô demi-dieux de l'informatique.

Histoire de constituer des archives à but éminemment égocentrique, j'aimerais avoir un fichier audio, mp3 ou autre, de la rubrique "Blog à part" de ce jour sur France Inter.

Le site de l'émission est là, il y a un lien vers le fichier .ra de l'émission (si le lien est mis à jour, ce matin c'était celui de la chronique d'hier).

Ce fichier n'est pas destiné à être mis à disposition en ligne, mais seulement sur l'iPod de mon épouse sur le mode lecture en boucle.

Merci de vos prouesses technologiques.

Mise à jour : STOP ! C'est bon, merci beaucoup, mon épouse a son casque sur les oreilles et assez de piles pour tenir 48 heures.

lundi 26 septembre 2005

Non, merci, j'ai ma carte orange

Il est des témoignages qui sont pires que le plus vigoureux des réquisitoires.

Une femme d’âge mur, mère de famille, infirmière à domicile, est à la barre de la cour d’assises.

Elle vient raconter son viol à douze inconnus qui la regardent ; trois joliment habillés avec de la fourrure blanche pour l’un d’entre eux, et neuf personnes ordinaires, habillées comme n’importe qui, tirées au sort le matin même.

L’homme assis dans le box à sa droite cache mal son ennui, absorbé dans la contemplation de ses chaussures comme si c’était la chose la plus intéressante de toute la salle Il l’a croisée un jour dans un hall d’immeuble où elle venait administrer des soins à une personne âgée, un petit vieux diabétique qui vit seul depuis la mort de son épouse.

Il l’a attrapée par les cheveux, l’a entraîné en haut de l’escalier de secours de l’immeuble, lui a mis un cutter sous la gorge et lui a dit que si elle appelait au secours, il lui trancherait la gorge. Il a essayé en vain de mettre un préservatif, mais n’y est pas parvenu. Alors il y est allé sans.

Pendant tout l’acte, elle a gardé les yeux fermés, et s’est efforcée de pleurer sans bruit, en pensant à son fils unique, d’à peine 20 ans, qui n’a qu’elle dans la vie.

Finalement, le type s’en va, ayant fini son affaire, et lui dit que si elle appelle au secours avant une heure, il la tue. Le temps de recouvrer ses esprits, de se rhabiller tant bien que mal, elle est allée chez son patient. La première chose qu’elle a dit est “excusez moi d’être en retard”.

Enfin, son patient va réussir à lui faire dire ce qui ne va pas, et la convaincre d’aller à la police. Elle ne voulait pas, elle avait d’autres patients à voir.

Alors, elle va aller au commissariat de police du quartier. Au planton à l’accueil, elle dit juste qu’elle vient “porter plainte”. Dans un soupir, le gardien de la paix lui indique un banc en lui demandant d’attendre son tour. Elle va d’attendre une heure et demie sur ce banc. Finalement, l’agent qui la reçoit finit par comprendre la gravité de la situation. Elle est présentée à un lieutenant de police qui prend sa déposition.

Afin de faire les constatations des violences qu’elle a subies, on lui remet une réquisition pour se présenter aux urgences médico-judiciaires de l’Hotel-Dieu. Elle n’est pas sure que ce soit terminé pour ici, alors elle reste là, interdite, avec sa réquisition à la main. Le lieutenant la regarde et lui propose “Vous voulez un ticket de métro ?” Sans réfléchir, elle répond : - Non, merci, j’ai ma carte orange.

Et comme si elle n’avait pas déjà assez souffert dans sa chair pour aujourd’hui, elle va devoir subir une humiliation sans nom, en prenant seule le métro pour l’Ile de la Cité, sa culotte en lambeaux et ses bas déchirés, les gens qui la regardent bizarrement, pensant sans doute qu’elle était une SDF un peu folle pour être aussi mal accoutrée et sangloter sans cesse.

Elle raconte son calvaire avec la voix posée et le vocabulaire choisi des gens qui ont reçu une éducation et ont entretenu ce trésor pendant les années qui ont suivi, comme on raconterait un week end à la mer. Elle raconte la difficulté qu’elle a eue à trouver un taxi, avec ses vêtements déchirés, alors elle a pris le RER pour la lointaine banlieue où elle habite. Elle raconte les trois semaines de tri-thérapie à titre préventif, en attendant les résultats du test HIV. Des séropositifs, elle en connaît. Elle a eu des patients ayant développé le SIDA, elle sait ce que c’est d’en mourir.

Ce n’est que trois mois après les faits que l’auteur des faits, incarcéré, a pu subir un examen médical avec un test sanguin : VIH négatif, hépatite négatif.

Un an et demi ont passé aujourd’hui, mais les cauchemars sont encore là. Ce que l’expert a qualifié “d’angoisse morbide”. Il faut dire qu’elle n’a pas voulu abandonner ses patients et toutes les semaines, revient voir son petit vieux Elle repasse donc sur les lieux tous les lundis.

Le silence qui suit sa déposition pèse des tonnes. L’avocat de la défense a le visage tendu.

Dans le box, l’accusé lève finalement les yeux de ses chaussures, le silence l’ayant tiré de sa rêverie. Il regarde autour de lui, sans comprendre pourquoi plus personne ne parle. Le fait que personne ne le regarde semble le rassurer sur le fait qu’on ne lui avait pas posé une question. Il finit par reprendre la contemplation de ses chaussures.


Ce billet est dédié à la mémoire de l’éphémère secrétariat d’État au droit des victimes.

© Maître Eolas 2005, Reproduction interdite.

vendredi 23 septembre 2005

Où l'on reparle (encore) des honoraires d'avocat

J'avais déjà traité des malheurs du Docteur F., acquitté après avoir été accusé de viol, qui se voyait réclamer des honoraires conséquentes par son avocat, dans cette note (lien).

L'AFP annonce aujourd'hui que le Bâtonnier a revu ce montant à la baisse, fixant les honoraires dus à la somme de 322.435 euros (ce doit être du hors taxe, donc en réalité la somme de 385.632,26 euros TTC), payables en 24 mensualités.

Le Docteur F. n'est semble-t-il toujours pas satisfait puisqu'il a décidé d'interjeter appel devant le premier président de la cour d'appel. Son avocat va du coup lui aussi faire appel, ce qui permettra au premier Président d'accorder plus ou moins que la somme fixée par le bâtonnier.

Cette affaire va maintenant s'endormir puisque les délais d'audiencement devant le premier président sont de plus de deux ans... Laps de temps pendant lequel le docteur F. n'a rien à payer, l'appel étant suspensif.

Comme le relève mon confrère Koz :

Même si je conçois que la somme, même réduite, soit élevée, il y a dans le discours [du Dr F.] (à tout le moins tel qu'il est rapporté) quelque chose qui me laisse penser que le seul fait de devoir payer son avocat alors qu'il s'agit d'une erreur judiciaire le "bloque".

Or, comme dit précédemment, il a accepté les factures. C'est donc bien que, lorsqu'il était encore dans l'incertitude, il estimait que la défense par Pierre Chaigne valait les montants indiqués. Ce n'est qu'une fois l'incertitude levée qu'il se montre réticent.

De deux choses l'une : ou bien il estimait son dossier facile à défendre et évidemment gagné d'avance et il pouvait se passer des services d'un avocat qu'il juge onéreux, ou bien il courait un grand risque de se retrouver incarcéré de longues années pour des faits qu'il n'avait pas commis et, dans ce cas, à combien estime-t-il sa liberté que lui a préservé son avocat ?

Que mon confrère soit cher aux yeux du Dr F., admettons. De là à déclarer qu'il ne lui versera pas un centime, c'est insulter la valeur du travail de son avocat.

Affaire Guillermito : l'appel

Avis à la population : la 13e chambre A de la cour d'appel de Paris examinera l'appel interjeté par Guillermito à son audience du mardi 29 novembre 2005 à 13h30.

Le dossier qui a connu un schisme avec un renvoi sur intérêt civil sera réunifié à cette occasion (on parle de jonction) puisque les deux instances ont été audiencées le même jour.

Je puis d'ores et déjà vous indiquer que je ne pourrai pas y assister.

[Troll Detector Mode : ON]

Revue de presse (3)

Les plus matinaux d'entre vous pourront écouter avec profit France Inter à 6h24 mardi prochain, pour la rubrique "Blog à part" d'Alexandre Boussageon, qui parlera des blogs juridiques et judiciaires en général, et de celui de votre serviteur en particulier. Vous devriez même avoir l'occasion d'entendre ainsi ma douce voix.

L'archive de l'émission, sans lien audio, est ici.

Encore que je n'arrive jamais à obtenir la rubrique en real audio, alors que ça marche sur France Info et France Culture. Qu'en est-il pour vous ?

jeudi 22 septembre 2005

Revue de presse (2)

Les parisiens qui n'ont pas les mains sur un guidon ou un volant auront pu lire ceci dans le Métro daté de ce jour.

Pour les autres, le risque de passer à côté est écarté (merci à Alecska).

Affaire Juppé : piqûre de rappel

La cour de cassation vient de rejeter le pourvoi de Louise-Yvonne Casetta contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles dans l'affaire dite des HLM de la ville de Paris.

La controverse sur les un an / dix ans d'inéligibilité est donc close, sauf si un pourvoi a été formé contre la décision du tribunal d'instance de Bordeaux du 24 mars 2005, point que j'ignore.

Mes plus vieux lecteurs savaient depuis le 28 janvier dernier que ce pourvoi ne remettrait pas en cause la situation d'Alain Juppé. Pour les plus jeunes, les explications du problème juridique que posait l'application de l'article L.7 du Code électoral sont ici.

L'arrêt rendu aujourd'hui n'est donc pas une surprise, mais va permettre aux chroniqueurs politique de se lancer dans la seule activité qui semble les distraire un tant soit peu : l'anticipation des présidentielles de 2007, en remettant en piste Alain Juppé dans les cercles chiraquiens.

mardi 20 septembre 2005

Eduardo

Eduardo a 9 ans. Il est assis non loin de moi, sur un des bancs de la salle d'audience. Ses pieds se balancent dans le vide. Son esprit, lui, est bien loin de l'hôtel d'Aumont. Il lit Harry Potter, et ne se rend pas compte qu'on parle de lui à quelques mètres de là.

En effet, au même instant, une avocate se débat désespérément pour que les parents d'Eduardo ne soient pas reconduits à la frontière. Elle explique au juge administratif, preuves à l'appui, que les parents d'Eduardo sont arrivés en France il y a six ans de cela, que cela fait quatre ans qu'ils sont locataires de leur appartement, qu'ils payent leurs impôts, qu'Eduardo va à l'école de son quartier, maternelle puis primaire, où il a appris le Français qu'il parle sans accent. C'est vrai : je l'ai entendu parler, il servait d'interprète à ses parents pour discuter avec leur avocat, dans le hall, tout à l'heure.

L'avocat montre le carnet de note d'Eduardo. Excellent en français, brillant en calcul, très bon en histoire. Le dessin, par contre, c'est pas son truc.

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mardi 13 septembre 2005

Du rififi à la cour d'assises de Créteil

La cour d'assises de Créteil a tenté, en vain, de juger Jean-Claude Bonnal, dit le Chinois, cette semaine. La presse a rapporté sans toujours le comprendre l'incident déclenché par les avocats de la défense. Beaucoup de journalistes, soit qu'il soient sensibles à la frustration des parties civiles, soit qu'ils soient eux même déçus de ne pas avoir à couvrir ce procès, ont eu des commentaires peu amènes pour mes confrères du banc de la défense.

Une fois n'est pas coutume, c'est dans Libération (édition du 13 septembre 2005) que j'ai trouvé l'article qui a sans doute le mieux analysé l'incident (bravo à Marc Pivois). Sans avoir parcouru tous les organes de presse, je donne le Lol d'or, le prix du commentaire le plus creux, au chroniqueur judiciaire de France Info qui s'est contenté de résumer l'incident par "le procès n'a pas dépassé le stade de l'incident de procédure".

Ce qui s'est passé est intéressant à analyser. Il s'agit d'un bras de fer entre la présidente de la cour et la défense, et c'est, pour une fois, cette dernière qui a gagné, grâce au code de procédure pénale. Et les avocats de la défense ont bien fait leur travail, quelque sympathie qu'on puisse légitimement avoir pour les familles des victimes de ces terribles faits. Mais le bras de fer avec l'institution judiciaire continue comme le montre les derniers développements de cette affaire, où le parquet vole au secours du siège selon le principe de "à code de procédure pénal, code de procédure pénale et demi".

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vendredi 9 septembre 2005

Une avocate condamnée pour violation du secret professionnel

Paxatagore fait état sur son blog de la décision rendue hier par le tribunal correctionnel de Compiègne qui condamne une avocate du Barreau de Laon pour violation du secret professionnel. Il s'attend à une réaction de ma part et je me garderai de le décevoir, sous peine de finir moi même un jour en correctionnelle sous un prétexte fallacieux.

Bon, soyons sérieux quelques minutes : voici les faits tels qu'ils sont déduits d'un article de Libération (mes lecteurs habituels comprendront mes réserves) et du Nouvel Observateur.

Cette avocate aurait été désignée dans une procédure criminelle (une affaire de viol) pour assister le mis en examen.

En effet, toutes les affaires criminelles, et certaines affaires délictuelles graves ou complexes sont précédées d'une phase d'investigation, qu'on appelle instruction ou information, confiée à un juge, le juge d'instruction. C'est obligatoire en matière criminelle.

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jeudi 8 septembre 2005

La loi Perben 2 est-elle buguée ?

Le Canard Enchaîné a soulevé récemment ce qu'il pense être un lièvre dans la désormais célèbre loi Perben 2. Le législateur s'est en effet emmêlé les pinceaux, la question étant : quelles en seront les conséquences ?

Potentiellement, elles sont en effet explosives.

Alors, de quoi s'agit-il ?

La loi Perben 2 était une loi réformant en profondeur le procédure pénale. Tous les aspects étaient concernés : de l'enquête de police à l'exécution des peines de prison, en passant par la procédure d'audience.

Cette fois, c'est le volet sur l'exécution des peines qui est en cause. Nous sommes dans l'hypothèse où une personne a été condamnée à de la prison ferme, et la condamnation est devenue définitive, c'est à dire qu'elle n'est plus susceptible de recours, soit que l'appel ait été rejeté, soit que le délai pour former ce recours se soit écoulé.

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mercredi 7 septembre 2005

Les juges sont-ils des anges ?

Pierre s'avance à la barre, tout penaud. Cet employé, la quarantaine, père de famille sans histoire, a volé son employeur à la suite d'une histoire de cul d'amour née à l'occasion de chats sur internet avec une jeune fille d'à peine 20 ans. Il a découvert internet à son travail, et n'ayant pas le talent marketing littéraire de certains blogueurs, il s'est créé sa propre fiction. Il se disait âgé de 25 ans, photographe de mode. Pour lui faire des cadeaux, il a dérobé des formules de chèques de sa boîte. Une comptable trop scrupuleuse ou pas assez chatteuse a découvert le pot au rose.

L'enquête de police est vite remontée à la bénéficiaire de ces cadeaux qui a dénoncé son généreux Romeo, voulant bien être une Juliette, mais pas une crapulette.

Pierre a indemnisé son employeur, présenté sa démission, et dû tout avouer à sa femme, qui lui a pardonné cette incartade. A quel prix ? Les débats ne lèveront jamais le voile sur ce mystère.

Le ministère public estime que les conséquences porfessionnelles et conjugales et la réparation du préjudice de la victime (l'employeur a écrit au tribunal pour confirmer qu'il ne se portait pas partie civile) ont été en soi une punition suffisante, et invite le tribunal à la clémence, s'en rapportant à sa sagesse pour la peine.

L'avocat de la défense prend la parole. Il passe sur les faits, établis, reconnus et injustifiables. ll s'aventure sur le terrain délicat de la plaidoirie d'émotion.

"Il faut comprendre Pierre, pris d'un vertige amoureux pour une jeune fille moitié plus jeune que lui. Je sais que le tribunal n'a pas de sexe..."

Le président, outré : "Ca, c'est vous qui le dites, Maître !"

En effet, l'erreur était grossière. Les juges ont bien un sexe. C'est de coeur dont ils sont notoirement dépourvus.



Je plaisante, je plaisante, bien sûr.

J'en veux pour preuve que le tribunal a prononcé une dispense de peine pour Pierre au coeur d'artichaut.

lundi 5 septembre 2005

Encore de l'information de qualité

Libération salue à sa façon la mort du 16e Chief Justice, William Rehnquist, président de la cour suprême des Etats Unis, en tentant de battre le record d'inexactitudes au centimètre carré de papier journal.

La Cour suprême des Etats-Unis décapitée (Libération du 5 septembre 2005, auteur : Philippe Grangereau).

La Cour suprême des Etats-Unis, qui a compétence pour déterminer les orientations de la société sur des sujets tels que la peine de mort, l'avortement, la liberté de la presse ou l'euthanasie, vient de perdre l'un de ses membres. Sur ses neuf juges, il n'en reste désormais plus que huit (...)

Impressionnant. Relevons donc les quelques erreurs contenus dans ces premières lignes.

  • La cour suprême n'est pas décapitée.

Certes, il s'agit d'une métaphore journalistique (qui se distingue de la métaphore littéraire en ce qu'elle n'a pas besoin d'avoir de sens) : la Cour Suprême a perdu son Président, celui qui est à sa tête, donc décapitée. Mais outre le fait que Rehnquist est mort de mort naturelle, ce que la décapitation n'est pas, un corps décapité ne peut plus fonctionner (c'est même généralement le but de l'opération). Or la Cour suprême des Etats Unis peut valablement statuer avec un quorum de six membres. Donc le décès de Rehnquist n'entravera en rien le fonctionnement de la cour suprème.

  • La Cour suprême n'a pas compétence pour déterminer "les orientations de la société sur des sujets tels que la peine de mort, l'avortement, la liberté de la presse ou l'euthanasie".

C'est grotesque. La Cour suprême a compétence pour juger "tous les cas de droit et d'équité ressortissant à la présente Constitution, aux lois des États-Unis, aux traités déjà conclus, ou qui viendraient à l'être sous leur autorité ; à tous les cas concernant les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls ; à tous les cas relevant de l'Amirauté et de la juridiction maritime ; aux différends auxquels les États-Unis seront partie ; aux différends entre deux ou plusieurs États, entre un État et les citoyens d'un autre, entre citoyens de différents États, entre citoyens d'un même État revendiquant des terres en vertu de concessions d'autres États, entre un État ou ses citoyens et des États, citoyens ou sujets étrangers" (Constitution des Etats Unis, article III, section 2).

Bien sûr, il arrive que dans certains arrêts, qui ne tranchent que le litige qui lui est soumis, la Cour suprême estime que tel principe ou tel droit est protégé ou contraire à la Constitution. Mais à chaque fois, il s'agit de droits, et non "d'orientations de société". Jamais la Cour suprême n'est saisie d'une demande visant à établir telle ou telle orientation de société. Si de tels choix devaient être faits, ce serait par le pouvoir législatif.

Si le journaliste cite ces exemples, c'est que la Cour suprême a eu l'occasion de se prononcer sur ces droits : la peine de mort a été jugée anticonstitutionnelle par l'arrêt Furman v. Georgie en 1973 avant d'être rétablie par l'arrêt Gregg v. Georgie en 1976, après que les réserves émises par la cour eurent été levées ; l'avortement a été jugé comme un droit constitutionnel par l'arrêt Roe contre Wade (1973) ; la liberté de la presse a été abordé par biens des arrêts, comme Branzburg v. Hayes (1972), ou Miami Herald Pub. Co. v. Tornillo (1971). L'euthanasie n'a en revanche pas été abordée à ma connaissance par la cour suprême, l'affaire Terri Schiavo n'ayant pas atteint cette cour. Seule une affaire concernant l'Oregon est pendante sur ce thème, afin de savoir si une telle législation est de la compétence des Etats ou de l'Etat fédéral. Pas si c'est une orentation de société souhaitable ou non.

  • Il ne reste pas huit, mais sept membres à la cour suprême.

l'Associate Justice Sandra Day O'Connor a annoncé le 1er juillet 2005 qu'elle se retirait. Le processus de nomination de son successeur est en cours et n'est pas achevé. Il y avait donc bien une vacance avant le décès de Rhenquist, qui porte à deux le nombre de sièges vacants. La conséquence de ce décès est que le président Bush a aussitôt promu le juge John Roberts, qui devait succéder à O'Connor, comme candidat au poste de Chief Justice. Rappelons le jeune âge de Roberts (50 ans), ce qui annoncerait sans doute l'un des plus longs règnes de Chief Justice de l'histoire des Etats Unis. Et en plus, cela donnera au petit nouveau une réputation de chouchou du président : à peine arrivé, c'est lui le patron, alors qu'il est le plus jeune. Je parie qu'il se recevra des petits pois sur la tête à la cantine de la cour.

Bref, pour tout savoir sur ce qui se passer Maryland Avenue, c'est sur le blog de Paxatagore qu'il faut aller.

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