Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 26 décembre 2008

vendredi 26 décembre 2008

L'affaire de l'enfant mort à l'hôpital

Je reçois pas mal de questions sur l'affaire dramatique de cet enfant mort à l'Hôpital Saint Vincent de Paul, à Paris.

Je suis en vacances, et je n'aurai aucune honte à faire travailler les autres à ma place, surtout quand ils le font bien.

Pour l'éclairage juridique, je vous renvoie vers mon confrère Gilles Devers, de l'excellent quoique provincial barreau de Lyon (son blog vaut qu'on s'y attarde, lisez les autres billets). Je n'ai pas une virgule à changer à ce qu'il dit sur le sujet. Je reviendrai dans un futur billet sur le problème de la garde à vue (qui est un de mes dadas), dont la nature est très ambiguë et la perception équivoque dans l'opinion publique.

Pour l'éclairage professionnel, je reprends le commentaire laissé sous un autre billet par Lumière Noire, qui exerce la profession de pharmacienne. Ses propos n'engagent qu'elle, mais apportent un éclairage intéressant sur l'origine de l'erreur qui a conduit à ce drame.

Libéré de ce fardeau, il ne me reste plus qu'à exprimer aux parents de cet enfant combien cette nouvelle m'a bouleversé, comme elle a dû le faire pour tout le monde, et tout particulièrement ceux qui sont ou ont été père d'un enfant de trois ans. Ce qui leur est arrivé est notre cauchemar à tous. J'enrage d'être impuissant à pouvoir soulager leur affliction.


56. Le vendredi 26 décembre 2008 à 17:18, par Lumière Noire

Le pharmacien (au féminin) que je suis, et qui travaille parfois en hôpital (car il y a toujours une pharmacie dans un hôpital) porte à votre connaissance que :

- l'immense majorité des infirmières ne connaissent pas grand chose aux médicaments.

- parce que leur rôle est de les administrer, pas d'être pharmaciens ni médecins.

- l'ordonnance hospitalière (car il y a toujours des prescriptions écrites par le médecin, comme en ville, pour que le pharmacien délivre les produits, c'est le but de la tournée de visites dans les chambres par le médecin) doit être exécutée par l'infirmière (il y est inscrit les heures d'administration des médicaments).

- cette ordonnance arrive dans la pharmacie de l'hôpital qui contrôle la prescription (et parfois rappelle le prescripteur ou l'infirmière pour euh... rattraper les bourdes "clarifier" le traitement).

- Puis les produits sont délivrés pour administration au malade (bien portant que nous sommes tous).

- Mais il y a aussi certains produits, utilisés à haute fréquence dans les services (alcool, éosine, coton, sérums de perfusion, aiguilles, seringues, poches, bassins, sondes, compresses, huiles de massages, etc, et que le dernier ferme la porte) qui nous sont demandés hors ordonnance, sur de simples listings d'approvisionnement du service, que la pharmacie est amenée à délivrer pour être stockés en vrac dans un local du service en question (fermé à clef).

- A l'hôpital, chaque service (chirurgie, maternité, ophtalmologie, médecine générale, long séjour, psychiatrie, etc) a donc sa propre mini-pharmacie courante à portée de main.

- Et l'équipe pharmaceutique de l'hôpital passe son année à visiter ces armoires à pharmacie dans tous les services. Tout est contrôlé chaque semaine, voir chaque jour pour les produits les plus dangereux. Parce que les personnels soignants (sans doute débordés, je ne leur jette pas la pierre, mais aussi négligents, parfois) ne respectent pas toujours la minutie pharmaceutique du rangement. Alors les boîtes valsent, les couvercles (où sont inscrits les dosages) volent, et parfois le dangereux désordre survient.

- Or tout pharmacien, de ville comme de champ, sait qu'en pharmacie, le désordre est synonyme de mort subite. C'est notre hantise à tous, c'est pourquoi nos tiroirs sont si bien rangés. On y passe un temps fou, et chaque fois que vous entrerez dans une officine, vérifiez donc le comptoir : on ne laisse jamais traîner un médicament (que le client précédent n'a pas voulu, par exemple), pour éviter de le mettre dans votre sachet, par erreur, à la fin de notre délivrance. Le produit qui "traîne" est immédiatement repositionné à sa place de stockage, même si cela doit faire patienter quelques secondes de plus le client suivant.

- Pour la délivrance de solutés de perfusion, et de tout ce qui est injectable, la concentration du pharmacien devient soudain phénoménale : ces médicaments (ainsi que les stupéfiants) sont nos bêtes noires, le risque y est maximal, absolu, et sans espoir. On a le cœur qui bat plus fort, on cesse de bavarder entre collègues (ou avec le client, ou avec l'infirmière). On relit MILLE FOIS l'ordonnance, l'étiquette, le dosage, la posologie, les contre-indications et les effets indésirables (y compris la mort).

On vérifie l'âge et le poids du patient, ses antécédents, ses allergies et autres. Parce que injecter, c'est toujours un acte définitif, comme une condamnation à perpète. Ou ça soigne, ou ça fait du dégât. On a lâché le fauve médicament dans le corps, impossible de le récupérer en cas de pépin, comme on le pourrait par un lavage gastrique et des vomissements pour un comprimé.

Et la perfusion, c'est le pire des cas : le lion est directement envoyé dans le sang, même pas freiné par le temps d'absorption des muscles. Il arrive en méga-haut débit au cœur, au foie, aux poumons, dans les reins ou le cerveau, bref, il foudroie les organes vitaux. Et le débit va dépendre de la vitesse donnée au perfuseur par l'infirmière : plus le goutte-à-goutte est lent, plus on aura de chance de freiner l'issue fatale.

Le petit malade, de ce que j'ai compris, avait une forte angine depuis plus de trois jours, avait consulté déjà deux médecins de ville. Le deuxième médecin a conseillé l'hospitalisation pour qu'on réhydrate un peu ce petit bout qui ne s'alimentait plus convenablement, et qui faisait en plus une forte fièvre. Ce médecin a très bien fait. Angine, diarrhée et fièvre ensemble, c'est très mauvais pour nos p'tits gars.

A l'hôpital, on devait simplement perfuser du sérum glucosé (c'est de l'eau avec du sucre) très important pour le cerveau. Le sucre est le seul aliment du cerveau, sans lequel ce dernier se met en grève. Ce sérum, qui est fabriqué avec une eau exceptionnellement pure, évidement, on peut même le boire au goulot, c'est du sirop léger.

Mais l'infirmière (rapidité, débordement, mauvais rangement dans l'armoire à pharmacie, négligence, ou même racisme sous-jacent) n'a :

- soit pas bien lu l'ordonnance (à l'hôpital aussi, les médecins écrivent comme des cochons!),

- soit pas attrapé la bonne poche (ou ampoule) de sérum dans la mini-pharmacie du service,

- pas lu et relu son étiquette posément (3 secondes), obligatoire,

- pas relu avant de l'introduire dans le perfuseur, obligatoire,

- pas relu avant de piquer la veine, obligatoire,

- pas relu avant de tourner la molette pour lancer la perfusion, obligatoire.

Le petit gars avait sans doute perdu plein de sels minéraux (angine + fièvre = transpiration, ça s'évapore) et de vitamines et s'affaiblissait par manque d'alimentation.

En ville, on aurait recommandé de lui faire boire du coca-cola (Ach! nous y revoici!), qui je le rappelle, était au départ un simple MEDICAMENT. C'est une potion de décocté de plantes énérgétiques et remplis de sels minéraux. Avec du bicarbonate de soude pour faire les bulles.

Ca stoppe la diarrhée, ça requinque, et en plus ça aide à digérer (bicarbonate).

Inventée par un pharmacien Noir (j'en suis fière) à Atlanta, dans son arrière-boutique, pour requinquer ses clients fatigués ou diarrhéiques. La potion contenait entre autres de la décoction de feuilles de coca (et donc de la cocaïne) ainsi que du jus de noix de Kola, d'où son nom.

Et si Coca n'a pas inventé saint-Nicolas, la deuxième guerre mondiale a DIFFUSE la boisson et le barbu volant aux quatre coins de la planète, via un protocole d'accord entre Coca et l'armée américaine : débarquement de GI's = débarquement de Coca.

Ce qui fait que tous les médecins, pédiatres et pharmaciens de la planète savent parfaitement conseiller le petit verre de coca (dégazéïfié en remuant une cuillère dans la potion pour éviter le burp salvateur qui pourrait faire tout recracher au petiot) en cas de fatigue passagère.

Même chose pour les petits vieux en maison close de retraite. Papy a une faiblesse? Hésite pas, mon gars : un coca (attention : toujours très frais!) et ça repart.

Ensuite le Coca a été tellement apprécié pour son goût que c'est devenu une boisson courante.

En clair, l'Africaine que je suis vous dit ceci : à force de ne s'enorgueillir ne vouloir dispenser qu'une médecine "scientifique" poussée aux extrêmes, car il est toujours extrémiste de vouloir piquer une veine, l'Occident Chrétien euh, les pays riches cultivent les germes de leur propre mort.

Là où n'importe quel "pauvre" (mais le sont-ils vraiment?) de la planète, sans Sécu ni mutuelle, serait passé devant les portes de l'hôpital sans y entrer, faute de pécule, et donc se serait contenté d'un Coca (chaud) vendu par le vendeur en pousse-pousse sévissant devant l'entrée (dudit hosto) pour requinquer son petiot, "l'avancée médicale stupéfiante de ces 20 dernières années, sic" a obligé le médecin de ville à se couvrir en faisant entrer le p'tit gars à l'hôpital.

L'hôpital a voulu se couvrir en lui prescrivant du sérum glucosé.

L'infirmière l'a découvert (au moins au niveau du bras) pour lui envoyer du chlorure de magnésium en ADSL. Médicament qui, à toute petite dose, est un simple laxatif. On le donne justement aux vieux qui peuvent plus trop...euh, plus bien...euh, y font plus caca, quoi!

Par contre à forte dose ce petit chat de rien du tout se transforme en bête féroce : il ralentit puis arrête le cœur.

Tellement même qu'on le met dans le mélange américain pour tuer les condamnés à mort là-bas.

Le père et la mère gueulaient comme des putois à la mort imminente de leur rejeton, personne n'a voulu les prendre au sérieux.

Le père, que j'ai vu et entendu au JT de France 2 ce midi, a bien décrit les différentes phases : agitation, pâleur, yeux révulsés, puis le corps devient tout mou, chiffon, râle, la mort.

Les parents hurlaient dans le couloir, ont même demandé dans leur panique qu'on appelle les pompiers, et se sont fait sévèrement rabrouer par le personnel soignant lorsque celui-ci a enfin daigné arriver. On leur a répondu que leurs fils était somnolent à cause du produit injecté.

(Vous avez déjà vu de l'eau sucrée endormir qui que ce soit, vous??)

C'est vrai quoi, qu'est-ce qu'il y connaissent à la mort ces immigrés (peut-être sans papiers et à la CMU de surcroît!)?

C'est incroyable que ce père ait eu à pratiquer bouche-à-bouche et massage cardiaque tout seul, en plein hôpital, sans le secours d'aucune personne soignante!

A Paris.

En 2008.

Pas à Cotonou, en 1675.

Là, on n'est plus dans le médical, dans le pharmaceutique. On est dans le comportement, le relationnel, l'humain.

Total manque d'empathie de l'ensemble de l'équipe soignante pour deux parents qui appellent au secours.

On ne les croit pas, donc on ne revérifie pas la poche (réflexe immédiat de tout pharmacien). Vous aurez noté que c'est l'infirmière elle-même qui s'est rendue compte de son erreur, ce qui semble signifier que les autres membres de l'équipe soignante n'ont pas revérifié la poche quand les parents criaient. Totalement confiants et solidaires de leur collègue.

Totalement au détriment du patient.

La dynamique de groupe a joué à fond. Avec son pendant : la dynamique d'exclusion.

J'ai déjà assisté à plusieurs cas de ce type en hôpital ou maison de retraite ; d'où mon soupçon de racisme énoncé plus haut et ma propre crainte quant à une hospitalisation personnelle, de peur de subir une négligence du même type.

L'hôpital, c'est rien que des humains : ils sont malheureusement dedans exactement comme ils sont au dehors. Et donc j'y ai très clairement constaté que tous les malades ne sont pas égaux : en soins, en attention, en surveillance, etc. Les pauvres, les minorités visibles et "immigrées", les SDF, les vieux : tout y est sujet à "racisme"? Maltraitance à tous les étages. C'est à pleurer.

Manque d'éducation, d'instruction, de culture, de responsabilisation des personnels soignants: certains, livrés à eux-mêmes, fatigués, mal payés, démotivés, frustrés, deviennent de très vilaines personnes.

Le serment d'Hypocrate? Hum, hum...

Alors encore une fois, je ne jette pas la pierre sans savoir.

Mais je dis que tuer un être humain, quel qu'en soit le mode, c'est un meurtre.

Et cela vaut bien une garde à vue.

Humainement.

Psychologiquement.

Et pour l'exemple.

(Vous pouvez tranquillement vous faire opérer dans le mois qui vient, tous les soignants seront particulièrement attentifs, traumatisés qu'ils sont non pas de la mort de petit, ça c'est tous les jours, mais de la garde à vue de leur collègue. Comme quoi il suffisait de leur trouver matière à réflexion...).

Par contre, il est clair que cette infirmière n'aurait pas dû être la seule de l'hôpital à passer Noël au poste. La faute semble est évidement collective.

Pourvu que cette faute, fortement médiatisée, ne reste pas sans responsable(s) : elle se transformerait en pierre à briquet.

Qui allumerait la mèche.

Paix à l'âme du petiot..


Mise à jour 27 décembre 2008 : ce billet a vu un exceptionnel défilé de primo-commentateurs ulcérés par l'allusion à un possible racisme du personnel soignant à l'origine de l'incident, tellement choqué à l'idée —saugrenue, bien sûr— qu'il pût y avoir ne serait-ce qu'un raciste en France qu'ils en déduisent en vrac que ce commentaire ne vaut pas d'être lu et que mon blog n'est décidément plus ce qu'il était. Ceux-là trouveront une réponse groupée sous le commentaire 71 signé Guillaume. À bon entendeur…

Et je vous invite à lire ce commentaire laissé par une personne se présentant comme un collègue de l'infirmière concernée, et qui dit avoir été présente lors de l'accident. Elle donne des détails sur le déroulement des événements, contestant la version du père. Je vous invite particulièrement à méditer ce passage :

- Le père continuait à hurler de toute ses forces et a appelé la police. Il a appelé tous ses frères et soeurs. - 20 personnes hurlantes ont débarqué dans le service en détruisant le sapin de noël, l'imprimante... En se roulant par terre (syndrome méditerranéen). 3 femmes ont fait des malaises et ont été emmené par SAMU dans un hôpital pour adultes...

Cherchez sur internet ce qu'on appelle le syndrôme méditerrannéen. De la pure xénophobie parée d'un cache-sexe pseudo-scientifique. Alors, une perception de l'urgence altérée par un biais culturel, c'est VRAIMENT totalement impossible, à écarter absolument avec force grimaces de dégoûts et cris d'orfraie, dans le plus pur style du syndrôme méditerrannéen ?

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