Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le dilemme 2, le retour

Par Gascogne


D’un débat théorique sur la garantie des libertés individuelles dans une démocratie, qui peut amener à bien des commentaires plus ou moins savants, à une application pratique telle que les professionnels du droit peuvent en vivre, peut-être pas tous les jours, mais au moins assez fréquemment, il n’y a souvent qu’un pas, que je ne peux que vous convier à franchir.

Les dilemmes se posent souvent à différents stades de la procédure pénale (je ne vous parle que d’elle, c’est la seule que j’ai la prétention de connaître un peu). J’ai donc choisi de vous conter une histoire, fort peu probable, bien sûr, mais qui peut poser quelques questions :

Soit une personne interpellée pour une cause que je vous laisse libre (et quand un procureur vous laisse libre, profitez-en…) d’imaginer (une conduite en état alcoolique, un vol, un outrage à magistrat, un meurtre, ou même, mais cela est fort heureusement très improbable, des violences sur avocat précédées d’un enlèvement : j’en profite pour mettre le mode ironie en off, et adresser à Me Saint-Arroman Petroff tout mon soutien dans cette terrible épreuve).

Soit plusieurs coups de fils de l’officier de police judiciaire, pour avertir l’avocat de permanence, ainsi que la famille de l’intéressé et le médecin de garde.

Il s’avère très rapidement que la police a mis la main sur un gros poisson. Les déclarations du mis en cause ne font guère de doutes sur le fait que le motif de placement en garde à vue ne l’intéresse guère, et qu’il souhaite surtout, peut-être de manière un peu perverse, raconter son parcours criminel, qui n’a finalement pas grand chose à voir avec les motifs d’interpellation.

Le laboratoire du Pr D., interrogé en urgence sur le temps de la garde à vue, confirme les premiers doutes, et indique qu’il n’y a pas d’erreur possible : le gardé à vue est le tueur en série de vieilles dames, recherché depuis de nombreux mois. Et si la combinaison de son prénom avec son nom peut prêter à rire, les faits qui lui sont reprochés n’ont rien d’amusant. Meurtre de plusieurs personnes âgées, assortis de quelques actes de torture et de barbarie[1]

Les enquêteurs sont d’autant plus contents que le mis en cause ne fait aucune difficulté pour reconnaître les faits. Ils les assument pleinement, et affirme même qu’il recommencera dés qu’il sortira, pour toutes sortes de justifications (voix le lui ordonnant, besoin irrépressible, rejet de toutes règles de vie en société, ou psychopathie, fait qu’il est condamné par sa maladie, et que dés lors rien ne saurait l’arrêter…).

Un expert psychiatre passe voir le mis en cause sur le temps de la garde à vue, et confirme ce que tout le monde pensait déjà : il est particulièrement dangereux, au moins d’un point de vue criminologique. Les risques de récidive sont extrêmement élevés.

L’OPJ appelle le procureur de permanence pour un énième compte rendu. L’ouverture d’information se précise, feu le juge d’instruction est déjà dans les starting-blocks, le Juge des Libertés et de la Détention frétille d’avance à l’idée d’être confronté à ce tueur dont les médias parlent tant.

Seulement voilà : le procureur de permanence se rend compte qu’il n’a reçu l’avis de garde à vue par fax qu’au bout d’une heure quinze minutes, l’interpellation ayant pris un peu de temps. En outre, il n’a pas été appelé sur la ligne de permanence ou sur son portable au début de la mesure.

Or, si l’on s’en réfère à la Cour de Cassation (par exemple : Crim. 31 mai 2007), avec le peu de confiance que l’on peut lui faire en matière de droits de l’homme, il s’avère que cet avis est bien trop tardif et entraîne la nullité de la mesure de garde à vue.

Pour ceux qui pensent que la présence de l’avocat aurait été indispensable durant la garde à vue, même si notre mis en cause n’en veut pas, l’exercice est tout aussi possible.

Vient la fin de la garde à vue, et le moment du défèrement. C’est le moment de la prise de décision.

En tant que PR de permanence, faites vous lever la garde à vue purement et simplement, en remettant notre individu en liberté (si je puis me permettre un conseil, parlez-en tout de même avant à votre procureur général…) ?

En tant qu’avocat de permanence, soulevez vous la nullité ?

En tant que juge d’instruction, décidez vous de ne pas saisir le JLD ?

En tant que JLD, vous remettez dehors ?

En tant que greffier du juge d’instruction ou du JLD, parlez-vous de cette nullité à “votre” juge, qui ne l’a pas vue ?

En admettant qu’un tel dossier se traite devant le tribunal correctionnel, en tant que juge, et alors que vous savez que vous n’avez pas le droit de soulever d’office ce genre de nullité, vous le faites quand même, puisque constitutionnellement garant des libertés ? Vous en parlez “en off” au parquetier ? Vous appelez discrètement l’avocat ?

Ou finalement, et quel que soit l’intervenant que vous êtes dans cette longue chaîne qu’est le processus pénal, choisissez-vous de ne pas jouer votre rôle de défenseur des libertés publiques, et de laisser notre homme en détention ?

En plus théorique, et de manière peut-être un peu plus polémique, où placez-vous le curseur entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social ?

Notes

[1] ça fonctionne aussi avec des faits plus récents et du coup plus en adéquation avec les connaissances en matière d’acide désoxyribonucléique…

Commentaires

1. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:04 par Z.

Le juge ne peut s’auto-saisir. Il appartient au procureur et à l’avocat de le faire.


Gascogne :
Puisque vous voulez chipoter, tout dépend du stade de la procédure où l’on se trouve. Le JI peut saisir la chambre de l’instruction et refuser de saisir le JLD, qui lui même peut refuser de placer en détention provisoire sur le seul motif du risque de nullité, sans que l’avocat ou le procureur n’interviennent. Votre affirmation n’est exacte que pour les juges correctionnels, et encore : j’en ai vu soulever d’office des nullités, et prononcer l’annulation de la procédure. Le pauvre parquetier d’audience, devant cette attitude, ne peut que faire appel, sans pouvoir retenir le prévenu désormais relaxé…

Dans la problématique que vous soulevez, il ne faut pas oublier l’effet relatif des nullités de procédure qui n’entraînent le retrait des actes qui ont pour seul support l’acte nul.

Toute nullité ne remet pas en cause l’intégralité de la procédure donc. Il faut qu’il y ait d’autres éléments par ailleurs.


Gascogne :
Dans l’esprit du billet, peu me chaut. La question est : si une nullité ayant pour conséquence de remettre un tueur en série, récidiviste en toute puissance, dehors, la soulevez-vous ?

2. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:07 par Z.

Sans compter que la nullité n’interdit pas de poursuivre à nouveau l’enquête et de refaire certains actes…

3. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:09 par Z.

Quant à l’avocat, il commettrait une faute professionnelle s’il ne soulevait pas une nullité dont les effets seraient bénéfiques pour son client…


Gascogne :
Sans le moindre état d’âme ?…


4. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:27 par malpa

C’est du lourd, là… Les mékeskidi aussi peuvent jouer ? Oui ? Merci. Je tente ma chance.

Une petite question préliminaire. Le fait d’en parler au JLD (je suis le JI), ça change quoi ? On décide d’avoir rien vu et on va brûler un cierge pour que l’avocat n’ait rien vu non plus ? On trafique le procès-verbal ? On le libère parce qu’on n’a pas le choix mais on se promet de noyer le poisson sans se mouiller quand la télé va débarquer ?

En fait, la garde à vue annulée concerne une conduite en état d’ivresse. Il doit bien y avoir un moyen de la libérer de sa GAV et de le repincer dans le même mouvement pour être entendu dans le cadre de l’enquête sur le tueur de vieilles dames.

Ou même de le libérer pour sa conduite en état d’ivresse, mais de plus le lâcher dans le cadre de l’enquête “tueur en série”. Une filature, il faut une autorisation du juge ?

Et si le PR se contente de dire aux policiers : “vous avez trop tardé, je suis obligé de vous demander de le remettre en liberté immédiatement. Débrouillez-vous pour ne pas le perdre de vue le temps que je prévienne le JI de l’affaire des vieilles dames qu’il le fasse entendre comme témoin ou autre. Désolé, mais ça vous apprendra à me passer un coup de fil plus vite” ?


Gascogne :
Chacun peut en parler à tout le monde, mais c’est celui qui à le pouvoir de remettre en liberté en premier qui aura sans doute le plus lourd poids sur les épaules. Quant au faux pv, je ne vous le conseille pas, sauf à prendre le risque de commettre le crime de faux en écriture publique.


5. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:33 par Jean-Christophe

La nullité de la garde-à-vue n’interdit pas de poursuivre à nouveau l’enquête certes, mais libérer l’individu pour le réinterpeller à 10m du commissariat de police serait tout autant sanctionné par la Cour de cassation que le défaut d’information immédiate du PR… N’est-ce pas Gascogne?
A la place de n’importe lequel de ces acteurs de la procédure, je choisirais de mettre de côté l’article 66 de la Constitution…

6. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:38 par Dolf

Etudiant en DI public je ne connais de la procédure pénale que ce qu’on a bien voulu m’expliquer en licence (c’est à dire pas grand chose vu qu’en plus ça ne m’a jamais vraiment passionner et que ça commence à dater), mais qu’est-ce qui empêche de déclarer la nullité de la procédure pour remettre l’odieux personnage en garde à vue de suite?


Gascogne :
Une personne ne peut être placée en garde à vue que s’il existe à son encontre des indices laissant présumer qu’elle a pu commettre une infraction. Or, si vous faites annuler la première garde à vue, les aveux tombent avec, et vous n’avez donc plus rien justifiant un placement en GAV dans le cadre des meurtres. Toujours ce difficile équilibre à trouver entre application stricte de la procédure et défense sociale…


7. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:41 par Frets

“En plus théorique, et de manière peut-être un peu plus polémique, où placez-vous le curseur entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social ?”

Suffisamment haut pour exiger que les responsables de telles erreurs de procédure soient punis, au besoin, par leur limogeage de leur enviable situation professionnelle. Et si c’est la procédure qui est inadaptée, s’interroger quand à savoir pourquoi elle en est là.

Des procédures judiciaires inadaptées, des fonctionnaires incompétents sont bien plus dangereux pour nous tous que de simples psychopathes.


Gascogne :
C’est naturel chez vous de sortir des énormités pareilles ? Vous préférez être torturé et égorgé que placé en garde à vue ? Au moins, vous avez le sens de la mesure, vous…


Quand à l’accusé en question, son attitude face à de telles circonstances vaudra bien des aveux.

8. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:44 par malpa

Oui, bon, j’ai du me tromper en parlant du PR dans mon dernier paragraphe. Je voulais dire “le magistrat compétent”.

En fin de compte, la question sur le respect des libertés individuelle se résume à celle-ci : ce respect exige la validité parfaite des procédures de suppression de liberté. Voilà pourquoi la procédure pénale est si stricte et tatillonne. Mais le défenseur de l’intérêt social en tire lui-même le parti maximum. Bref, je ne vois pas, dans un état où la police et la défense de l’intérêt social n’est pas indigente, la nécessité de ne pas respecter strictement les libertés individuelles.


Gascogne :
Pas grand monde ne la voit. Mais une erreur étant si vite arrivée, entre la complexité des textes et les aléas du travail sur le terrain…


9. Le samedi 16 janvier 2010 à 15:59 par Izrathil

@Frets : avis peu dur à mon goût (vous avez quelque chose contre les fonctionnaires ?)

@Malpa : Vous cherchez une solution à la question, alors qu’il me semble s’agir ici d’un dilemme.
Dilemme qui m’intéresse d’autant plus que j’avoue ne pas voir de réponse satisfaisante - d’où mon intérêt particulier pour les autres proposées ici.

D’ailleurs, à la fin, on aura droit à celle de Gascogne ?


Gascogne :
Figurez-vous que je serais très mal si le cas se présentait. Mais je crois que je fermerais les yeux.


10. Le samedi 16 janvier 2010 à 16:00 par Aristo

J’aurais tendance à me placer du côté de la défense des libertés individuelles… Au détriment de l’intérêt social. Parce que si les procédures ne sont plus respectées, on laisse la place à des dérives plus dangereuses encore qu’un psychopathe en liberté.
Ceci dit, sur le chemin du retour j’achèterais des somnifères (pour faire mes nuits) et des faux ongles (pour ne plus pouvoir les ronger).

11. Le samedi 16 janvier 2010 à 16:02 par Z.

je ne la soulève pas.

12. Le samedi 16 janvier 2010 à 16:30 par Nicolas

Le même genre de questions se pose concernant la torture.

La police arrête une personne pour une simple raison. De la même façon que dans l’exemple de ce billet, la personne avoue (pervers narcissique ?) qu’elle est mêlée à des attentats terroristes qui vont très probablement faire 100/1 000/100 000/1 000 000 (rayer la mention inutile). Le psy qui examine le suspect pense que ces menaces sont à fait crédibles. D’ailleurs, un ordinateur portable avec disque dur utilisant un chiffrement cryptographique incassable au vu de nos connaissances actuelles a été trouvé dans l’appartement de notre suspect. Le suspect avoue de plus qu’il a communiqué avec ses complices seulement par internet en utilisant des proxys complétements anonymes + TOR + freenet (bon en gros, intraçable aussi). Il déclare également que les attentats vont bientôt avoir lieu, ce n’est qu’une affaire de jours/semaines.

Alors, torture ou pas torture ? Vous préférez que 100/1 000/100 000/1 000 000 (rayer la mention inutile) personnes meurent plutôt que de torturer UN homme ?


Gascogne :
Ah ? Pour vous, torturer et ne pas signaler au Parquet un placement en garde à vue est comparable ? Mouais, ça se discute, comme dirait Jean-Luc…


13. Le samedi 16 janvier 2010 à 16:33 par Fredgrigri

Étant simple mékeskidi, je ne serais surement jamais en position de devoir choisir une réponse à ce dilemme.
Toutefois, je suis entièrement de l’avis d’Aristo, (oserai-je un +1 Aristo ?), je soulèverai la nullité si j’étais dans cette situation quitte à devoir aller m’acheter des somnifères aussi.

14. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:03 par Eclipse

Je le libère et j’appelle mon pote Dexter Morgan.

15. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:04 par LEF

J’ai le curseur de la défense des libertés individuelles qui bute sur trop de cadavres. Alors je ne sais pas répondre à votre question sans soulever un tollé général des théoriciens du droit.


Gascogne :
C’est bien ce que je vous dis : les théoriciens du droit ne m’intéressent pas.


16. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:13 par EPBG

@ GASCOGNE in 3

Désolé, mais dans l’exercice de sa fonction - et à partir du momment ou il a accepté la cause (ou a été contraint de l’accepter dans le cadre de la désignation pénale) - l’Avocat n’a pas d’état d’âme. Il DOIT tout faire pour le faire relaxer/acquiter/libérer (ou choisir une autre profession). Moralement, la faute en reviendra aux Services d’Enquête et/ou Magistrats du Siège et/ou du Parquet. L’Avocat, lui, aura été au bout de la logique de sa fonction


Gascogne :
Un avocat qui n’aurait pas d’état d’âme ne serait donc pas humain. Est-ce bien raisonnable ?


17. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:14 par Clems

Tout le monde doit fermer les yeux sauf l’avocat. C’est son rôle que de défendre sans état d’âme, sinon il peut toujours choisir une autre matière.


Gascogne :
Et avec ce genre de commentaire, vous pouvez choisir un autre blog…Mais bon, ce ne serait pas vous, sinon…


18. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:17 par supergnouf

J’ai envie de dire, pour répondre à la question théorique, que si on laisse la justice et son exécution à des hommes et non à des machines (on pourrait imaginer que les renseignements nécessaires soient enregistrés dans un système d’information qui soulève automatiquement les nullités procédurales), c’est sans doute pour que l’homme puisse agir selon une conscience, une morale… que les machines n’ont pas.
De mon point de vue, une stricte application de la loi dans les cas limites est quelque chose de pervers parce que j’imagine qu’en droit, comme dans beaucoup d’autre domaines, il y a toujours des trucs qui tombent entre deux cases… Du coup, il est nécessaire d’avoir des êtres humains qui peuvent influer sur la machine, d’autre loi étant, j’imagine, la pour punir, et de façon sévère, les gens qui auraient trop tendance à influer sur la machine.
Mais je ne vois pas comment l’avocat pourrait passer outre un acquittement pour son client. il est donc de mon point de vue nécessaire d’inscrire les fluctuations humaines de la justice dans un cadre légal, à l’appréciation d’une haute autorité qui serait chargée de veiller a ce que ce droit ne soit pas appliqué sans discernement (un peu comme les honoraires libres des médecins de secteur 2, laissé à leur tact et mesure, mais avec un contrôle, donc différent quand même :))
Bref, si j’étais magistrat, je n’annulerai pas la procédure (procureur, sans scrupule, juges, sur ma conscience), si j’étais avocat, je l’annulerai et si j’étais le législateur, je prendrai des mesures qui permettent d’éviter que des sujets comme celui décrit ici puissent être remis en liberté sur des erreurs aussi bêtes.
Ça implique un certain aléa dans le déroulement de la justice, qu’il faut essayer d’harmoniser le plus possible, mais je ne vois pas d’autre solution satisfaisante.

19. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:28 par Armel

Sumus jus suma injuria ; même avocat je ne vois rien et je laisse incarcérer le dangereux personnage.

Les erreurs de procédure (qui sont légion, ne révons pas, 90% des procédures sont annulables) ne sont pas faites pour faire échapper de tels individus au châtiment qu’ils méritent. Pensons au futures victimes.

L’OPJ a fait une petite erreur, mais c’était peut-être un simple gradé de la Police qui n’est pas obligatoirement agrégé des facultés de droit et qui a bien autre chose à faire que de garder les yeux rivés sur le portail Légifrance.

Affreux réac, zélateur de Pasqua qui lui défendait les “keufs”, je ne vois pas non plus pourquoi la société entretient à perpète aux frais de la princesse (c’est à dire avec les impôts que je verse) de tels énergumènes.


Gascogne :
90 % de procédures pouvant être annulées ? Pitié, citez moi vos sources…


20. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:31 par MAX

Un réel plaisir de lire l’expression d’autant de conscience professionnelle combiné d’une lueur d’humanité. On a malheureusement souvent l’impression dans la profession qu’il s’agit d’un mythe mais vous montrez de façon exemplaire qu’elle existe.

Je veux quand même m’exprimer sur vos interrogations:

- L’avocat devrait la soulever dans l’intérêt de son client (même s’il n’est “que” de permanence)

En ce qui concerne les magistrats, je n’oserais me prononcer. Je suis pourtant d’avis que la procédure est et demeure la garantie de la sécurité juridique. Par conséquent la nullité devrait être prononcée logiquement.

Il s’agit-là d’une certaine perversion de notre système juridique à mon avis qui enlève un certain pouvoir de modération aux magistrats sans marge de manoeuvre à proprement dire.

21. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:35 par cap-justice

Merci, Gascogne, pour ce dilemme que je trouve hautement intéressant.

C’est loin d’être théorique, car cela permet à chacun de se positionner sur le curseur liberté face à l’Etat (= “libertés individuelles”) contre liberté face aux autres citoyens (= “sécurité”)

Du point de vue de l’avocat, il me semble qu’il ne ferait pas son travail s’il ne soulevait pas la nullité.

Mais il est selon moi dans l’intérêt général qu’aucun magistrat ne la soulève de lui-même.

Reste une question : si l’avocat la soulève, le juge ne devrait-il pas pouvoir prendre une décision d’espèce, qui pourrait (on peut rêver) par la suite être confirmée par la Cour de cassation, selon laquelle l’avis tardif de la garde à vue n’entraîne pas nullité dans des cas exceptionnels comme celui que vous avez décrit ?

Après tout, ce serait la solution idéale : le bon curseur entre droits fondamentaux contradictoires consacré par le droit et la plus haute juridiction elle même…

Et si le cas se reproduit de façon extrêmement fréquente, le législateur pourrait même consacrer cette solution par la loi.

22. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:39 par Con-tribuable anonyme

Hé bien je suis bien content de ne pas être un maillon de cette chaîne et de ne pas avoir à me poser ce genre de question franchement délicate. Je n’aimerais pas du tout avoir ce boulot sur les bras. Ni sur les épaules. Ni ailleurs.
J’ai déjà un mal fou à me positionner sur ce problème purement théorique, alors en pratique… je crois que je trouverais la solution au fond d’un verre :-/

Merci à vous qui faite ce boulot.


Gascogne :
Promis, on partagera un verre ensemble.


23. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:39 par Frets

Gascogne: Un fonctionnaire incompétent massacrera plusieurs dossiers par jour quarante années durant : voilà en quoi sa dangerosité est si grande dès lors qu’il reste impuni. Qui plus est, la société a moyen de remédier à cette dangerosité là, là où les moyens d’action de la justice envers les psychopathes sont très limités.


Gascogne :
Parce que c’est bien connu, un fonctionnaire incompétent ne massacre pas un dossier, mais plusieurs par jour pendant 40 ans. Vous comprendrez que nous ayons du mal à discuter plus avant.


24. Le samedi 16 janvier 2010 à 17:59 par Sofienne

Difficile question pour celui qui s’y trouve confronté. Et je salue à ce titre votre travail, ainsi que celui des différents maillon de la chaîne judiciaire, qu’ils soient OPJ, avocats, procureurs ou juges.

Personnellement, je ne suis pas confronté à cette question, ma réponse est donc forcément facile. Cependant, puisque votre billet suggère un appel à nous exprimer, qui que nous soyons… Je pense que la nullité doit être soulevée, même si “c’est bien dommage” en l’espèce, tant pis. La raison est que c’est ainsi que la procédure est écrite. Peut-être est-elle imparfaite, mais elle n’évoluera pas s’il n’est pas possible d’en mesurer les faiblesses… or la contourner rend ses faiblesses plus difficiles à voir. Outre cela, le justiciable en question à droit à cette nullité, hélas ou pas hélas.

Ce n’est encore une fois qu’une pensée à voix haute, une sorte d’illustration de réflexion de pékin moyen. Gascogne, si vous souhaitez/avez le temps de la commenter, je serais tout à fait ravi de lire vous lire.


Gascogne :
C’était bien justement le but de ce billet. Faire toucher par tout un chacun la difficulté de prendre une décision en matière judiciaire, alors qu’il est si facile de jeter à la figure de tout le monde les droits de l’homme. Pas pour se faire plaindre, j’ai assez de mon fan club pour ça. Alors merci beaucoup de votre intervention, elle amène une pierre à l’édifice.


25. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:01 par chris

Comme je me sens une vieille dame en devenir, je penserais à la phrase d’Albert Camus : “Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice”…Stockholm 10 déc.1957.

26. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:12 par hipparkhos

En tant que mekeskidi, je pense que si j’étais avocat, je soulèverais la nullité. En tant que juge ou PR je fermerais les yeux.

L’avis du maître des lieux m’intéresserait ! Il a laissé entendre sur twitter que son attitude dépendrait du fait que son client soit à l’aide juridictionnelle ou non… Pourquoi ?

27. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:16 par lordphoenix

Le problème est que vous parlez d’un exemple théorique. Or il manque un élément qui dans la réalité permettrait d’évaluer plus précisément l’importance de la faute : Pourquoi ce délai? Qu’est ce qui a amené cette erreur de procédure? Un problème technique (le fax du commissariat en rade) Une négligence? Ou autre? À ce moment la seulement on pourra juger de l’importance de l’atteinte aux droits de la défense et donc de la conduite à tenir.


Gascogne :
Non, vous devez juger de l’importance de la violation des droits du mis en cause au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation, tout comme vous le feriez au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Or, cette jurisprudence est très claire en la matière.

28. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:18 par malpa

@ Izrathil et Gascogne

Vous avez raison, à vouloir jouer le jeu sans avoir la licence, je n’avais pas saisi les règles.

29. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:25 par Epaulard

Bonjour,

En tant que keskydit et lecteur occasionnel totalement inculte en matière pénale, le dilemme semble simple de mon point de vue.

Soit on voit les choses d’une manière purement “mécanique du droit” et on réclame la nullité en se drapant dans sa fierté de respecter “la règle”
Soit on voit les choses d’une manière plus “morale” (le terme n’est pas forcément juste mais c’est celui qui me vient à l’esprit) et on ne relève pas cet écart pour laisser la justice suivre son chemin.

Une troisième voie peut-être?

Cordialement,


Gascogne :
Malheureusement, moi qui suis un grand adepte de cette troisième voie, je ne l’ai pas trouvée en cette matière…


30. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:34 par malpa

@ hipparkhos

Je crois que c’était de l’humour. Maitre-eolas nous parle assez souvent des violeurs qu’il fait libérer en soulevant une nullité de procédure pendant la garde à vue. Y compris sur twitter pas plus tard qu’il y a quelques jours… Il n’y a pas de dilemme de l’avocat ici, sinon, il vaut mieux qu’il se mette jardinier.

31. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:47 par Axonn

En plus théorique, et de manière peut-être un peu plus polémique, où placez-vous le curseur entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social ?

Eh bien, en étant très polémique moi aussi, mon point de vue est que remettre un individu très dangereux en liberté pour cause d’une erreur de procédure est justifiable moralement en considérant qu’il s’agit en quelque sorte d’une “punition” à l’égard de la société elle-même, pour ne pas avoir respecté les droits des accusés.

Ça paraît horrible sur le coup, mais faire libérer de très dangereux tueurs de cette manière est la seule chose qui peut à terme conduire la police à toujours procéder de manière impeccable.

Mais bien entendu c’est plus simple à dire sur le plan théorique que de prendre la décision en pratique.

32. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:49 par Paul Denton

Cher Maître, vos billets sont ma madeleine, un grand merci pour votre blog!


Gascogne :
Il vous en prie. Mais par pitié, n’appelez pas un Parquetier “Me”, il pourrait se vexer (ceci étant, cela m’est arrivé pas plus tard qu’hier matin de la part d’un directeur régional de PJ et d’un collègue parquetier, alors, bon, je ne suis plus à ça près…)


33. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:53 par Véronique

Gascogne, je pense qu’on on ne peut être cohérent que dans l’un ou dans l’autre des rôles que vous nous proposez.

Dans le costume du parquetier, je privilégie l’interêt social.

Je sais, je transgresse le code de procédure pénal. Mais je pense que dans le débat entre moi et moi, je ne pourrai pas me défaire de mon obligation de protection des vieilles dames.

34. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:55 par Anne

Le III de l’article préliminaire du code de procédure pénal, vous le situez de quel côté du curseur?

Ni d’un côté, ni de l’autre, au dessus des deux peut être?

Anne


Gascogne :
Et vous ? C’est surtout ça qui m’intéresse de la part des donneurs de leçon.


35. Le samedi 16 janvier 2010 à 18:59 par Con-tribuable anonyme

Alors j’ai une question à ceux qui fermeraient les yeux. C’est une question hein, ni un argument ni quoique se soit d’autre.
Comment gérer l’incompréhensibilité (et la colère) de la famille d’une victime d’un autre meurtrier (entre guillemet plus ordinaire) après avoir “facilité” l’incarcération du tueur en série ?


Gascogne :
La question peut vous être très facilement retournée : comment gérer la colère (voire l’incompréhensibilitude) de la famille des nouvelles victimes après la libération du tueur ?


36. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:00 par Con-tribuable anonyme

Je me reprend et complète, sous-entendu qu’il y aurait le même cas de nullité sur laquelle (lequel ?) on pourrait fermer les yeux aussi ?

37. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:02 par herve_02

pff, dès que le maître est parti, les souris dansent.

Combien de fois avez-vous entendu que le droit ce n’est pas la morale ?

Alors pourquoi le droit serait pas la morale quand la justice en met plein la gueule à un mec qui fait une erreur de procédure et que le droit suivrait la morale pour arranger une erreur de cette même justice ?

Lorsque vous allez devant le juge pour une infraction de la route, on vous expédie coupable sans même savoir autre chose que la pv de la maréchaussée (vous savez, le coté humain, pas comme des robots…) et là d’un seul coup la justice devient faite par des hommes qui _doivent_ prendre du recul.

Je ne comprends pas comment un serviteur de l’état peut se poser ce dilemme, il n’est pas là pour juger des procédures, mais de les appliquer, s’il les trouvent non-adéquates, il écrit un livre, fait législateur, ou part élever des chèvres dans le poitou mais dans tous les cas il doit les appliquer sans dilemme.

Dura lex sed lex


Gascogne :
Vu le niveau du commentaire, je suppose que vous avez été condamné pour une infraction routière, vous…


38. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:02 par PEB

Dans l’Ancien temps, on ne s’embarassait pas de tout cela. Ce qui comptait c’était l’équité.

Vous me direz, la question ordinaire &c. Mais, cela fut aboli par le Très-Chrétien Louis XVI en 1788. Finalement, on eût gardé nos bons Rois, peut-être aurait-on obtenu, par un effet de leur bonté, une procédure équilibrée mais plus souple à l’usage…

Miséricorde et Justice…

39. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:07 par chris

Pour Malpa :

N’est pas jardinier qui veut ! Il lui faut constamment décider : il tue les limaces créatures de Dieu, arrache les mauvaises herbes, élague les branches tordues et véreuses, toujours créatures de Dieu, met les laitues sous cloches en hiver. Pour un équilibre humain peut-être faudrait-il être jardinier le matin, et avocat l’après-midi ?

40. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:14 par Ed

Gascogne, parmi les différents acteurs que tu cites, tu le sais, je suis le JLD.

Ta question est très perverse pour un début d’année, alors qu’on n’a même pas pu boire un coup ensemble depuis le 1er janvier, ce qui devient d’ailleurs problématique, mais bon.

Ma réponse : comme JLD, j’essaierais de faire évoluer la jurisprudence, en mettant le type au trou, quitte à laisser à mes petits camarades de la Cour d’appel le soin de prendre la responsabilité de le sortir.

Je sais, c’est petit.


Gascogne :
Eh…Oh…La faute à moi, si on n’a pas pu boire un coup ensemble ?


41. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:32 par jordan

Essayons de comprendre les question de sieur Gascogne.

Un officier de police judiciaire a commis une grave erreur de procedure penale qui selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation annule les proces verbaux d’aveux de garde a vue.

Cette erreur grave a les meme consequence que l’absence de l’avocat lors des interrogatoires de garde a vue selon la jurisprudence constante de la CEDH.

Une garde a vue illegale est le delit prevu par l’article 432-4 du code penal.

Passons alors aux series de questions :

En tant que PR de permanence, faites vous lever la garde à vue purement et simplement, en remettant notre individu en liberté (si je puis me permettre un conseil, parlez-en tout de même avant à votre procureur général…) ?

Le procureur de la Republique n’est pas une autorite judiciaire. Pourtant en n’en faisant pas lever la garde a vue, il risque des poursuites penales pour violation de l’article 432-5 du code penal. Mais bon, comme c’est lui qui decide le classement sans suite..

En tant qu’avocat de permanence, soulevez vous la nullité ?

a qui ? il n’y a pas d’habeas corpus en France (article 5-3 et 5-4 de la Convention) et l’avocat n’a pas acces au dossier pendant la garde a vue.

Quand l’avocat a acces au dossier, il doit bien evidemment soulever la nullite, en remerciant que les policiers qui font des grossieres erreurs de procedures penales ne sont pas licencies…C’etait une question facile :)

En tant que juge d’instruction, décidez vous de ne pas saisir le JLD ?

Desole j’ai ete supprime. Allez voir le JEL..

En tant que JLD, vous remettez dehors ?

Oui, je suis le JEL et la detention etant illegale, je remet en liberte le mis en cause. C’etait une facile.

En tant que greffier du juge d’instruction ou du JLD, parlez-vous de cette nullité à “votre” juge, qui ne l’a pas vue ?

Je suis le greffier pas l’avocat du mis en cause. Tant pis pour le JEL!

En admettant qu’un tel dossier se traite devant le tribunal correctionnel, en tant que juge, et alors que vous savez que vous n’avez pas le droit de soulever d’office ce genre de nullité, vous le faites quand même, puisque constitutionnellement garant des libertés ? Vous en parlez “en off” au parquetier ? Vous appelez discrètement l’avocat ?

Comme je suis un juge qui respecte la Convention europeene des Droits de l’Homme, j’ecarte les proces verbaux d’interrogatoire en l’absence de l’avocat de toute maniere.

Si l’avocat etait present lors des interrogatoires de garde a vue (pas avec la SDPJ93), alors je demande publiquement a l’avocat en debut d’audience si il compte soulever la nullite ? Si non, je designe un avocat commis d’office et je renvoi l’audience.

Ou finalement, et quel que soit l’intervenant que vous êtes dans cette longue chaîne qu’est le processus pénal, choisissez-vous de ne pas jouer votre rôle de défenseur des libertés publiques, et de laisser notre homme en détention ?

Je suis le boulet au bout de la longgueee chaine :(

En plus théorique, et de manière peut-être un peu plus polémique, où placez-vous le curseur entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social ?

Il faut placer le curseur ou mieux des 3 curseurs celui du code de procedure penale et de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour europeene des Droits de l’Homme. Reponse facile.

Mes questions du jour :

1) Comment un officier de police judiciaire peut faire un erreur aussi monumentale et ne pas etre immediatement suspendu dans l’attente de poursuite penale et disciplinaire ? Est ce que la societe doit “tolerer” que des officiers de police judiciaires restent en fonction apres de telles erreurs ?

2) Pourquoi un procureur s’interroge si les juges, procureurs et avocats ne doivent pas relever l’erreur et le delit de cet officier de police judiciaire ?

3) Pourquoi les officiers de police judiciaires ne souhaitent pas que les avocats assistent les mis en cause pendant la garde a vue et accedent au dossier de procedure penale ?

42. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:42 par didier specq

eJe ne comprends pas bien votre dilemme. Si la garde à vue est annulée; ça annule effectivement les aveux passés durant la garde à vue.

Toutefois, puisque notre gardé à vue a été interpellé pour une autre cause mais que, au cours de la GAV, les enquêteurs ont signalé qu’ils sont sûrs que ce gars-là et le tueur de vieilles dames ne font qu’un, rien n’empêche de l’arrêter à nouveau pour les charges criminelles signalées par la police. Je me trompe sans doute mais pourquoi?


Gascogne :
Ils n’en sont sûr que sur la base d’une garde à vue illégale, donc inexploitable…Les vérification “génétiques” n’ont été effectuées que sur la base de la première GAV. Alors, une fois celle-ci annulée, comment fait-on ?


43. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:44 par Marcel

- D’abord, j’ai envie de demander : j’ai le droit de le relâcher mais de refiler la patate chaude au préfet en signalant quelqu’un d’ostensiblement dangereux pour lui-même et/ou pour autrui afin de solliciter l’hospitalisation d’office ? Si oui, cela prend combien de temps ? Et est-ce que cela remet en cause la procédure pénale en revenant de fait à avouer son irresponsabilité pénale pour cause de démence ?

Pour le reste, je pense un peu comme #35 : De deux choses l’une : soit je suis de ceux qui pensent que le droit n’est pas la morale, et de ceux qui, par exemple, contribue à la condamnation de gens coupables mais dont je sais bien qu’ils ne mériteraient pas une procédure pénale. Et dans ce cas, je dois aller au bout de ce principe : je dois aussi libérer ceux qui mériteraient une non-remise en liberté et tout le toutim si le droit l’exige.
Soit je suis de ceux qui pensent que le droit est une science humaine, tangible, et je peux oser me permettre des petites libertés avec la procédure, ce qui implique certes de pouvoir fermer les yeux sur ce genre de vices de procédure, mais ce qui implique aussi de ne pas trop hésiter à fermer les yeux sur certains délits pour, disons, “absence de grief”, spécialement quand il n’y a pas de plainte/partie civile (certaines affaires de stupéfiants quand il ne s’agit pas d’un trafiquant par exemple).
Mais il faut être cohérent avec soi-même et s’imposer une vision du droit, me semble-t-il, qui n’est pas à géométrie variable selon que le droit se situe du côté de l’accusé ou contre lui.

Après, ça dépend de la place à laquelle on se situe, ce me semble. Le JLD qui doit prendre la décision finale et à qui l’avocat a fait valoir la nullité a moins de marge de manoeuvre, je trouve, que le procureur qui pourrait fermer les yeux (et qui, soyons honnête, les fermera, disons dans 99,9999% des cas) : voilà pourquoi j’ai toujours dit ici même que pour moi, l’idée de procureur “gardien des libertés individuelles” était incompatible avec sa mission d’autorité de poursuite… et à mon avis il privilégiera sa mission d’autorité de poursuite, et je ne l’en blâme pas, il n’y a personne d’autre pour le faire après tout, mais du coup ce serait bien de refiler cette mission là à quelqu’un qui n’a pas de question de poursuite à se poser. Et là, je maintiens que le JLD par exemple, devrais beaucoup moins avoir le droit de fermer les yeux que le procureur.


Gascogne :
Sur l’HO, je vous arrête tout de suite, le psychiatre a bien parlé de dangerosité criminologique, et non pas psychiatrique, la seule qui pourrait justifier une hospitalisation d’office. Quant à l’absence de grief, j’aurais tendance à être d’accord avec vous, mais malheureusement, les sages de la Cour de Cass’ ne l’entendent pas de cette oreille (et à leur âge, ça n’est pas évident…).


44. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:52 par Ben

Gascogne que se passe t’il le remord vous ronge t’il?
C’est la question classique envers l’avocat (ma mère me le demande souvent). Mais comment faites vous pour défendre des coupables! (passons le débat sur la présomption d’innocence).
On parle ici de libertés publiques, d’une procédure mal faite, et connaissant nos “juges suprêmes ” (conseil constit y compris). ON NE BADINE PAS AVEC LES LIBERTéS PUBLIQUES!

DONC OUI SOULEVONS LA NULLITé, REMETTONS JONNY LE TUEUR EN LIBERTé, ET FAITES DONC UNE PROCéDURE CORRECT à l’issu de laquelle il croupira dans les geôles de la république.

Pour répondre à ma mère (donc à vous), on ne se bat pas seulement pour remettre un individu en liberté, on se bat aussi (quand il est avéré coupable par exemple) pour une peine moindre (ce qui n’est pas enseigné en fac d’ailleurs) on transige sur une peine , par exemple pour jonny rotten qui se fait attraper en train de faire x ou y délit, lui avoir des TIG au lieu d’une amende parce que Jonny Rotten ne pourra pas payer.

Bref prenez une camomille, asseyez vous auprès du feu et lisez un tome de OUI-OUI, votre esprit en ressortira réconforté..


Gascogne :
Tout d’abord, on essaye de faire une procédure correctE. Ensuite, je suis ravi que vous me preniez pour votre mère, mais bon…Euh…Non…Enfin, quand badiner avec les libertés publique signifie sauver une vie, vous comprendrez que l’on puisse au moins se poser la question, sans être gavé de certitude.


45. Le samedi 16 janvier 2010 à 19:58 par ElHo

La vraie question ne me semble plutôt de savoir pour quel crime / délit “on” accepte qu’il y ait des accrocs à la procédure.
Dans votre exemple d’assassin récidiviste et dangereux, la plupart d’entre nous pardonnerons sans doute aux policiers leur retard… et à vous de ne pas soulever la nullité !
Mais devrions-nous avoir la même indulgence dans le cas d’un homicide involontaire ? de coups et blessures ? d’un viol ? d’un braquage de banque ? de consommation de drogues ? de non-paiement de pension alimentaire ?


Gascogne :
C’est bien le sens de la question : où place-t-on le curseur ?


46. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:01 par Mathaf Hacker

Il me semble que la mesure la plus simple est l’internement d’office, avant d’y voir plus clair.

47. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:05 par Ulpien

J’ai deux observations.

Comme citoyen, j’ai tendance à penser que l’intérêt social passe d’abord par le respect de la loi, et en particulier de la procédure pénale, notamment par les autorités publiques. Autrement dit, ce n’est que par un effet d’optique - un peu inquiétant - que vous opposez libertés individuelles et intérêt social.

Comme avocat, je trouve votre dilemme irréaliste. Il s’agit d’une histoire tout à fait désincarnée, comme le fameux dilemme du terroriste poseur de bombes qu’il faut torturer si on veut sauver des innocents. On peut réfléchir à partir de ce genre d’histoire sur un plan philosophique. Mais dans la “vraie vie” les choses ne se présentent jamais ainsi. En effet, mon réflexe est de vous répondre que si j’ai accepté le dossier, je soulève évidemment tous les arguments qui peuvent être utile à mon client. Mais ce qui manque à votre histoire, et qu’on trouve dans la “vraie vie” justement, c’est tout ce qui fait qu’un avocat décide de défendre une cause (tout est fait dans votre histoire pour qu’on n’ait aucune envie de défendre le type).

Bref, vous ne présentez que la facette de la réalité qui apparaît au parquet.


Gascogne :
Pour affirmer que dans la vraie vie, les choses ne se présentent jamais ainsi, c’est que vous n’êtes visiblement pas dans la vraie vie.


48. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:05 par Jugesub

Pour ce qui me concerne, et ayant exercé aussi bien comme parquetier que comme magistrat du siège (et dans ce dernier cas en première instance comme en appel), constatant que les droits relatifs à l’avocat, la famille et la visite médicale ont été respectés en temps utile (si j’ai bien lu le cas) je considèrerais qu’une heure quinze n’est pas si tardif, compte tenu des circonstances (que je qualifierais d’insurmontables), et validerais la procédure.
Quant à l’avenir à reserver à l’OPJ qui a informé le procureur de permanence, qui n’a jamais fait d’erreur ? Je ne crois pas que celle-ci soit la plus grave et doivent entrainer les sanctions proposées par plusieurs des commentateurs. A partir du moment où les droits fonfamentaux que sont l’avis à l’avocat, à la famille et l’examen médical (s’ils sont sollicités) sont respectés, je pense que l’on peut accorder une certaine indulgence à l’OPJ, ce qui n’empêche pas de lui rappeler fermement les textes.
Enfin, cher Jordan, je ne vois pas ce que fait dans ce débat la question de la présence ou non de l’avocat dès le début de la garde à vue, et la polémique actuelle entre les services de police du 93 et les magistrats de Bobigny.

49. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:08 par PrometheeFeu

En lisant la dépêche de l’AFP sur cette histoire d’enlèvement (et avant de finir ce billet) j’ai eu un haut le coeur. La répétition de la citation “faire crever doucettement” me semble avoir pour but non d’informer (On a compris la première fois, pas besoin de répéter surtout que c’est déjà en titre) mais plutôt de miser sur le choque pour faire vendre. Utiliser une phrase haineuse qui hantera probablement la victime pour le restant de ses jour d’une telle manière est d’une indécence épouvantable. Je ne félicite pas l’AFP pour ce travail.
Bon, après cette parenthèse, je retourne au billet qui j’en suis sur sera bien meilleur.

50. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:09 par henriparisien

Il me semblait que dans un état de droit, et en tant que garant des libertés publiques, dès que le procureur de permanence prenait conscience que la garde à vue étaient illégale, donc une 1h16 après l’interpellation, il devait exiger que la personne soit relâchée.

Donc pas de soucis, il n’a pas eu le temps de faire des aveux, le psychiatre n’a pas pu le voir et il n’y a pas de cas conscience. Le suspect est libérée de sa garde à vue, mais ayant – en reprenant votre exemple – l’envie manifeste de raconter ses crimes, il en profite – après avoir été libéré – pour déballer son histoire aux policiers. Ceux-ci vérifient qu’il ne s’agit pas d’un mythomane – et s’ils réunissent des preuves de ses dires, l’interpellent de nouveau. Et cette-fois ci on peut espérer qu’ils respecteront les délais de la notification au procureur.

Mais je déduis à la lecture de votre cas, que lorsqu’un procureur de permanence se rend compte qu’une garde à vue est illégale, il ne mets pas immédiatement tout en œuvre pour l’annuler. C’est fort dommage, puisqu’en faisant ça, il prend le risque que l’ensemble de la procédure soit annulée.

Avec un avocat assistant pendant toute la durée de la garde à vue le suspect et s’assurant à chaque instant que la procédure est correctement respecté, les policiers auraient été bien plus vigilants et n’aurait pas commis la bévue que vous leur prêtez.

Ah, il s’agit juste de l’avis d’un citoyen, qui pense que l’interpellation d’un tueur en série dans les circonstances très improbables que vous décrivez, ne vaut pas l’abandon de l’ensemble des principes qui nous protège de l’arbitraire.


Gascogne :
Ce serait trop simple. Bien évidemment, le procureur de permanence ne s’en rend pas compte au bout d’un heure et quart, mais bien plus longtemps après. Je vous rappelle qu’il n’a pas à traiter une seule affaire dans le cadre de sa permanence, mais une bonne centaine.


51. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:20 par GregTtr

Si j’étais n’importe lequel des intervenants, je ferais passer la morale et la défense de la collectivité avant le respect de la lettre de la loi. Comme un autre l’a dit plus haut, si ce sont des humains qui sont chargés de ce genre des choses, c’est pour qu’il y ait une part de jugement humain, donc difficilement quantifiable, sur des situations limites.

Ce n’est pas “juste” au sens “éqiutable”, mais la décision me semblerait “juste” d’un point de vue moral.

La seule raison pour respecter bêtement et aveuglément es procédures dans des cas limites est le probleme de frontiere. “si on laisse passer ça, ou s’arrete-t-on?”. J’ai toujours trouvé ça un très mauvais argument. Il faut toujours errer du côté sur de la frontière, mais j’ai toujours trouvé ça idiot de dire qu’aussi loin qu’on soit d’une limite floue, qu’elle qu’elle soit, il faut respecter la règle pour ne pas courir le risque que les choses dégénèrent.

Imaginons un jeu: on me pointe sur une carte un endroit d’Europe. Je peux dire dans quel pays est cet endroit ou me taire. Si je me tais, rien. Si je parle et que j’ai raison, l’Etat gagne 1€. Si je parle et me trompe, il perd 1 million. Quelle règlel’Etat doit-il m’imposer? De ne jamais répondre parce que les frontières sont imparfaitement connues de moi et que si on commence à m’autoriser certaines réponses, alors ou s’arrête-t-on?
Non, l’Etat doit me dire “tu ne réponds jamais! Sauf si tu réponds, et là on te préviens, t’as intérêt à être sur de toi, parce que si tu te trompes, on te coupe la tête” (équivalent dans le dilemme ci-dessus, on te vire si en fait une autorité morale de référence juge que non, le risque collectif ne valait pas l’exception à la règle).
Je risque de ne pas répondre souvent. Mais pourquoi pas, si on me montre la pointe de la Bretagne, pourquoi ne pas répondre “en France” juste parce que je ne sais pas forcément très exactement ou sur la côte se situe la frontière franco-italienne et que “si on commence à laisser répondre ou s’arrete-t-on?”
Ben on s’arrête en imposant un tel risque a la personne qui décide de faire une exception qu’elle ne fera l’exception que quand vraiment, vraiment, vraiment, là, c’est sur, il FAUT.

Autrement dit, pour moi il faut toujours un mécanisme d’exception, mais le risque encouru doit être tel quand on fait l’exception qu’on ne la fera que dans un cas qui ne peut laisser de doute en tant que tel.

52. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:27 par Marcel

Il s’agit d’une histoire tout à fait désincarnée, comme le fameux dilemme du terroriste poseur de bombes qu’il faut torturer si on veut sauver des innocents.

Très juste. Et c’est toujours intéressant, mais je crains que ça ne serve surtout à justifier ce qui autrement serait injustifiable, dans une très vaste majorité d’affaires où la situation n’est pas aussi extrême que cela, ni même ne s’en approche.

Par contre henryparisien tient un bon point : en 1h16, il n’y a certainement pas eu d’expertise et tant de détails. cette histoire ne tient donc pas tout à fait la route, ou alors, c’est que le choix du procureur est déjà fait. Reste donc les autres maillons de la chaîne, éventuellement, mais eux ont d’ors et déjà recueilli l’avis de l’avocat sur la question.

53. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:32 par Marc

Votre hypothèse est extrême, un individu convaincu de meurtre, dont tout nous laisse penser qu’il récidivera à la première occasion doit-il bénéficier d’une remise en liberté suite à une erreur de procédure (un appel tardif…).

Êtes-vous sur que notre loi ne nous protège pas dans cette situation particulière? Un si petit manquement à la procédure peut il laisser se commettre un meurtre?

Et finalement, que pèse votre carrière et même des poursuites si vous avez sauvé des vies?
Peut être cela revient-il à s’interroger sur ce qui vous amène à faire ce métier.


Gascogne :
Je vous rassure, ma carrière ne pèse rien. Concernant le fait de savoir si notre loi nous protège contre ce genre de situation particulière, je vous rassure également, la réponse est non, la loi étant la même pour tout le monde.


54. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:38 par herve_02

moi aussi j’ai un dilemme, même 2

Admettons un ministre qui retarde l’utilisation de tests sanguins pouvant éviter de contaminer mortellement des personnes pour éviter qu’une société nationale se fasse laminer économiquement par une société étrangère. Et en plus, on a pas de preuve qu’il savait, c’est pas comme si un ministre devait savoir ce qui se passe dans son secteur d’activité, ils font juste de la présence non ?

Dois-je trouver un moyen de faire un non-lieu sachant que c’est un ministre et qu’on touche pas aux ministres ET que les milliards que cela implique sont bien plus importants que quelques vies humaines du bas-peuple ? (ps ça marche aussi avec l’amiante)

un autre facile :

Soit un pauvre commercial qui fait 100 000 km par an et qui se retrouve avec plus de point sur son permis ( 2 lignes blanches, 2 ceintures) et du coup plus de travail, plus de salaire, un famille qui éclate, divorce, enfants malheureux, peut être alcoolisme.
Comment accepter que de tels délinquants routiers dangereux mettent en danger la vie de personnes innocentes et comment accepter qu’il s’insurge contre cela (c’est la loi bordel), on n’insulte pas un magistrat et en plus je lui colle un outrage a magistrat. - de toute façon, moi je vais au palais de justice à pied - c’est pas loin que m’importe qu’il fasse 100 000 kilomètres par an et donc qu’il ait mécaniquement 10 ou 20 fois plus de possibilité que moi de se retrouver sans permis.

bizarrement le commercial est chômeur et le ministre relaxé.

Facile, non, de faire pleurer mémère ?


Gascogne :
Je suis tout à fait d’accord avec votre conclusion : facile de prendre des exemples à la con. Vous ne seriez pas commercial, par hasard ?


55. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:39 par yami

Je tente ma chance…

Je soulève la nullité, car la procédure doit être bien appliquée.
Si elle n’est pas appliquée pour un criminel, qui me dit qu’elle sera mieux appliquée pour un innocent ?

Mais dans ce cas, je me débrouillerai pour le faire surveiller par la police, et le rattraper 2 minutes plus tard…

56. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:39 par Etudiant en dépression post partiels

Bonsoir.

Je connais un peu la procédure pénale,car je suis étudiant en 4ème année de droit.
Et une des choses que j’ai tirés de mes études de droit(et de discussion avec mes parents qui sont tous les deux avocats), c’est que le niveau de respect des droits de l’homme dans un pays se mesure aux droits que ce pays accorde au pire des salops.

Or, le pire des salops, pour moi, a le droit d’être interpelé, interroger et juger selon les règles.

Donc, sans aucune hésitation, quelque soit le moment ou j’interviens dans votre histoire, et quel que soit le titre auquel j’intervienne, je fait en sorte que les règles de procédure pénale soient respectées.
Même si cela me fait remettre en liberté un tueur en série
Et même si je ne suis pas ravis de faire remettre en liberté un tueur en série

J’ai en effet tendance à penser que le respect des libertés individuelles est le principe auquel devrait toujours, quelque soit le cas de figure et quel qu’en soit les conséquences (et je sais que c’est très souvent le cas),se conformer les policiers et les magistrats.

Et, pour moi, entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social, je n’ai aucune hésitation:je choisis la défense des libertés individuelles, pour la raison que j’ai exposé plus haut


Gascogne :
Bon…Et notre bonhomme tue en sortant son avocat, qui s’avère être votre père. Vous réagissez comment, mais bien entendu, uniquement sur le plan des principes ?


57. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:44 par rageur

  • Gascogne (9) : Mais je crois que je fermerais les yeux.
  • Armel (17) : Les erreurs de procédure (qui sont légion, ne révons pas, 90% des procédures sont annulables)..

Merci. Cela nous rassure. Les procedures policieres sont remplis de nullites et les jugements correctionnels de 1ere instance sont massivement non motives. Triste pays ou l’on admet que la justice penale fonctionne en pleine illegalite…

Je pense qu’il est essentiel que les OPJ, les procureurs de la Republique et les juges pretent serment de respecter la Constitution et la Convention europeene des Droits de l’Homme.

@ Mathaf Hacker (44) :

Il me semble que la mesure la plus simple est l’internement d’office, avant d’y voir plus clair.

Quelle bonne idee ! A Paris, on a invente “l’infirmerie speciale

Une violation de l’article 5-1-C de la Convention, on va rajouter une de l’article 5-1-E !

58. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:46 par GregTtr

Pour aller avec, une façon d’exprimer mon opinion du point de vue du législateur: si je suis le législateur omnipotent et bienveillant (et que je suis un vrai juriste capable de m’apercevoir de l’ineptie de ce qui suit si c’est inepte, je n’ai évidemment pas la prétention que ce qui suit soit intelligent, c’est juste mon opinion bien mal informée et j’en suis conscient), je propose une loi d’exception très stricte, du genre :
- Vous pouvez enfreindre suivant votre conscience n’importe quelle règle de procédure.
- Un panel de 5 éminents et sages juristes possède 10 joker par an. (nombres arbitraires, peu importe ici)
- Chaque fois que vous enfreignez une procédure, vous en subissez les conséquences normales (annulation de procédure, remise en liberté, suspension du magistrat ou je ne sais quoi)
- Cependant, vous pouvez faire appel au panel des Sages, ce qui implique que vous déclarez avoir enfreint la règle en connaissance de cause pour un bien social extrêmement impérieux que la morale vous imposait de protéger. S’ils pensent que la situation est telle que le bien social nécessitait effectivement d’enfreindre les règles, ils dépensent un joker et on laisse les règles normales être enfreintes (et c’est du coup légal, il y a du coup une sorte de droit à l’exception, très encadré). S’ils jugent que votre cas ne mérite pas un joker, vous subissez une sanction disciplinaire exemplaire et automatique (afin de dissuader les hommes de loi de “tenter leur chance”, on ne le fait que si vraiment, vraiment, vraiment, là on y est moralement obligé au point d’être prêt à jouer sa carrière sur l’approbation du panel des sages).
- Toute la population a en permanence accès au décompte des jokers dépensés, et aux raisons pour lesquelles les jokers dépensés l’ont été.

Avec un principe comme ça, pas de dérive directe (après on pourrait soutenir que l’on risque une dérive législative ou on augmente le nombre d’exceptions autorisées, mais bon, à ce compte là ça reste un risque de toute facon moins grave que le risque de laisser les droits normaux de la défense s’éroder à coups de lois chocs suite à des criminels évidents remis en liberté à cause d’un vice de forme).
Et on garde une certaine possibilité de ne pas connement remettre en liberté Oussama BenLaden qui se cachait dans un HLM du 93 parce que le juge anti-terroriste n’a pas pu être joint à temps (ou n’importe quel vice de forme réaliste, je suis comme chacun le voit un mékeskidi).

Variante:
- Eventuellement, pour atténuer le risque de “oui, vous avez empêché de nuire, au mépris de la procédure, un tueur de 200 grands-mères qui vous a donné ses plans futurs, mais on a encore plus choquant ailleurs, désolé pour votre carrière, vous êtes déchu”, on peut imaginer un deuxième type de joker: 10 jokers “on accepte l’exception, elle était impérieuse pour la société au point de faire partie des 10 annuelles” et 50 jokers “c’était pas assez impérieux, on l’accepte pas, mais on était assez proche pour admettre qu’il était raisonnable que vous trouviez justifié d’enfreindre les règles. On suit les règles (donc les charges sont annulées, ou je ne sais quoi), mais par contre on ne vous déchoit pas, on comprend que vous ayez été face à un très difficile dilemme). C’est la même chose avec un peu de mou pour ne pas tétaniser un juge/avocat/autre dans les cas les plus énormes.

59. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:51 par zoooo

Le CNB et l’USM mettent en place un groupe de travail sur la reforme de la procedure penale :

http://www.cnb.avocat.fr/Le-CNB-et-…

http://www.sudouest.com/accueil/act…

60. Le samedi 16 janvier 2010 à 20:56 par PrometheeFeu

Bon, je m’y met. Je ne suis ni juge, ni avocat, ni parquetier, ni quoi que ce soit dans le monde judiciaire, mais j’ai une opinion sur la question:
En tant que parquetier j’ordonne la remise en liberté. Le parquet est le seul contrôle non-post-hoc de la garde à vue. Si il n’agit pas devant une nullité si évidente, il faillit pour moi à son devoir.

En tant qu’avocat, je soulève la nullité sans aucun doute. L’avocat à justement pour fonction d’aider son client à naviguer la procédure. Si il ne fait pas cela, il faillit lui aussi à son devoir.

Si je travail au siege (JLD, greffier etc…) je suis garant des libertés. Ici encore, mon devoir est que cette violation des droits de la personne soit sanctionnée.

Si je n’ai pas le droit de soulever d’office cette nullité, je comme l’audience par: “Si il y a quelqu’un qui va soulever le fait que son client à été détenu illégalement, qu’il le fasse maintenant.” (Une petite pointe d’humour ne coute pas grand chose)

Dans tous les cas, je pense que j’aurais besoin d’un psy pour me regarder dans le miroir si l’uruberlu récidive avant qu’on ne le rattrape dans les formes.

Sur la question plus théorique, je pense qu’il n’existe d’autre intérêt social que la défense des libertés individuelles. C’est donc sur ce principe que je fonde ma réponse. Ce qu’on appel intérêt social n’est pour moi rien d’autre que les libertés individuelles des autres. Donc, en refusant d’octroyer à cette personne ce qui est son droit, on porte atteinte à sa liberté individuelle, mais aussi à l’intérêt social.

Je me dois aussi de préciser que ce que je décrit ici est mon idéal. Si j’étais vraiment dans cette situation, il n’est pas impossible que je décide finalement de mettre mes principes de coté quelques instants pour envoyez cette personne en prison et protéger beaucoup de monde par là. J’ai aussi pris comme principe le fait que faire surveiller la personne en question pour le re-chopper à la moindre boulette serait tricher.

61. Le samedi 16 janvier 2010 à 21:47 par Norbert CLEMENT

Mon Cher Gascogne,
On a la police qu’on mérite. Et si celle appelée, même incidemment, à instruire une procédure criminelle est constituée de tourtes au roquefort et de vigiles de supermarché, infichus de respecter les bases de la procédure pénale, alors confiez le bras armé de la justice à des milices privées et poilues qui feront régner l’ordre à grands coup de gourdins.
Je vous suis lorsque vous déconseillez aux policiers de commettre un crime un commettant un faux. Il n’est pas possible de ‘couvrir’ n’importe quoi, mon pôtô Pasqua m’approuvera. La semaine dernière, un JLD de province a eu à connaître, dans deux dossiers au cours de la même audience, de procès-verbaux qualifiés de ‘faux’ par la défense. Les policiers auraient, selon leurs avocats, pris quelques accommodements avec la vérité. Le fait que les justiciables soient des ‘sans-papiers’, et non des découpeurs en deux de représentantes du troisième âge, doit-il aussi entraîner quelques arrangements de la justice avec la vérité, et la procédure pénale?
Sans trop vouloir fâcher, je tenterais un parallèle avec le débat (c’est marrant, mais depuis notre national Eric Besson a organisé le sien, ce mot est devenu dans le Petit Larousse synonyme de ‘piège’) sur la peine de mort: que feriez-vous si la victime était votre enfant? Bref, votre débat n’est pas le mien (à sotte question, pas de réponse, disait la grand-maman de mon ami Chirac), et je rédige de ce pas une pétition pour y mettre un terme.


Gascogne :
Que j’aime les gens comme vous qui sont plein de certitudes. Ne vous est-il jamais venu à l’esprit qu’un OPJ comme un magistrat peut faire une erreur de procédure, tant celle-ci s’est complexifiée à loisir, sans pour autant nécessairement vouloir attenter aux droits de la personne poursuivie ? Bien sûr que non : dans votre monde, le policier veut nécessairement la tête de l’innocent. C’est si simple…


62. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:03 par Anais

Cet individu, remis en liberté, serait-il dangereux ?
S’il a effectivement dit la vérité, et que l’expert psychiatre ne s’est pas trompé, alors oui, il serat dangereux. Il risque de commettre un nouveau meurtre horrible. (Oui, parce que là je me permet de faire l’hypothèse osée que s’il est remis en liberté, il sera suffisamment surveillé par la police pour être arrêté, au moins, dès son prochain meurtre.

Ca serait affreux, ça serait révoltant, je ne le nie absolument pas.

Mais je pense qu’il faut, absolument, soulever la nullité.
Parceque la procédure pénale est là pour garantir que le droit sera appliqué pour TOUS.
Si les individus commencent à faire des exceptions pour tel cas, ou tel autre, selon ce qu’ils estimeront grave ou non… qui nous protégera d’un danger bien plus grave, bien plus terrible finalement qu’un tueur en série, l’arbitraire et donc l’injustice ?

Et puis si les policiers savent que la procédure pénale est respecté jusque dans ces cas les plus graves et les plus “limite” sur le plan de la morale, ils seront surement plus enclin à la suivre.

Selon moi, une instance aussi organisée que l’État, disposant d’autant de pouvoirs, de moyen et du monopole de la violence légitime, est potentiellement bien plus dangereux que n’importe quel individu, aussi fou et armé soit-il.
Et puis vous le savez, non, que les libertés individuelles, les droits de la défense, sont d’abord remis en cause pour des cas d’exception, pour des individus, des crimes, si horribles et provoquant tellement d’aversion qu’on ne peut pas être contre de la répression à leur égard. Et dès lors, rien de plus facile que de les étendre.

L’un des commentateur précédant a fait une référence implicite dans son commentaire, il me semble, à la peine de mort, quant il a dit quelque chose comme “je m’indigne qu’on entretienne à perpétuité des gens si odieux aux frais de mes impôts”.
Justement, la peine de mort. On l’instaure/on la maintient pour des cas révoltants et horribles, pour s’assurer que “plus jamais ça”. Et puis ça existe. Ca peut s’étendre. Faire des victimes innocentes. Politiques.
Moi par exemple, je suis une farouche opposante à la peine de mort. Si un jour mon fils ou ma fille était torturé, violé pendant des jours avant de succomber à une mort atroce, il se peut que je souhaite ardemment voir le coupable exécuté. J’espère cependant que la société, ce jour là, ne répondra pas à mes attentes. Ça serait contre son intérêt. Et le but de la justice pénale est la protection des intérêts de la société, pas la satisfaction de la victime.

Une dernière chose, permettez moi de vous poser à mon tour une question, de vous soumettre un dilemme.
Imaginez un homme, arrêté en état d’ivresse au volant. Même erreur de procédure dans son cas. Mais, vu le dossier de cet homme, multi-récidiviste, alcoolique, vous savez que selon toutes probabilités, dès qu’il sera sortit, il va boire, et monter dans une voiture, peut être tuer une personne, voir plusieurs. Percuter un car de pensionnaires de maison de retraite et tuer toutes les passagères peut être même.
Vous la soulevez, l’erreur de procédure ?

PS : Ah oui, pardon. Peut être aussi qu’il va essayer de se sevrer de l’alcool, ne plus prendre le volant de sa vie. Peut être qu’il va changer. Les gens font ça des fois.
Peut être que cet homme est un voisin à vous, un ami, un parent… C’est difficile d’éprouver de la sympathie, de la compassion, de se reconnaitre dans un tueur fou. Mais ce genre de danger publique là, on en connait souvent plus.

63. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:19 par Max

Voici la réponse apportée à votre question par Albert Einstein :

“Ne faites jamais rien contre votre conscience, même si l’État vous le demande”.


Gascogne :
Albert est mon maître, notamment lorsqu’il disait : tout est relatif.


64. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:21 par didier specq

Cher Gascogne,

J’ai tout de même l’impression que, s’il s’agit d’un tueur de vieilles dames, les éléments à charge ne se situent fatalement uniquement dans la garde à vue annulée. L’analyse génétique a été opérée durant la garde à vue (elle est donc nulle), d’accord, mais l’ensemble des témoignages et de l’enquête (hors garde à vue donc) qui amènent la police à estimer que votre gardé a vue et le tueur en série ne font qu’un permette à mon avis (1) de le libérer puisque la garde à vue est nulle et (2) de l’arrêter rapidement sur la base d’autres soupçons. Et, là, on fait gaffe à ce que la garde à vue ne soit pas nulle.

Je rassure par ailleurs les âmes sensibles: 1 h 30 a suffi dans votre cas pour que l’on considère que le délai est trop long et que la cour annule, OK, mais, dès que la police invoque un embouteillage ou un cas de force majeure banal, à 1 h 30, ça passe quand même…


Gascogne :
Ah, non, pas d’accord. A l’heure des communications électroniques, rien n’empêche l’OPJ d’appeler son proc’ préféré, dés le début de la rétention de l’individu, quand bien même se trouveraient-ils tous dans un embouteillage. Ils n’ont pas de fax dans leur voiture, je vous l’accorde, par contre, ils auront du mal à vous faire croire qu’ils n’avaient aucun téléphone portable sous la main.


65. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:34 par Toxymoron

Bonjour,
Je lèverai la nullité. Libérer un tel criminel ne change rien à son passé, et étant donné ses aveux, je suis raisonnablement convaincu qu’il sera suivi d’assez près pour l’empêcher de faire des nouvelles victimes.
L’autre option me paraît nettement plus dangereux. Ce n’est pas au juge, procureur, quiconque, de prendre des “libertés” avec la loi, et le curseur n’a pas droit d’être (sauf peut être dans la tête du JLD, mais lui il forme un jugement).
Si on peut se permettre de “ignorer” la procédure dans ce cas-ci, on peut relaxer demain un assassin car la victime n’était qu’un “sale con”? Cela mène où?
Au plaisir de vous lire. J’aurais probablement soutenu l’inverse il y a un an, quand je connaissais pas ce blog excellent.

66. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:35 par Marcel

Et cela étant, j’ai quand-même envie de faire une remarque… C’est qu’ici, en ce moment, on débat sur le cas d’espèce d’un type qui serait le criminel certain, qui avoue, qui est multi-récidiviste, qui tue des gens, beaucoup, qui clame haut et fort qu’il recommencera sitôt dehors, et dont il y a une expertise psychiatrique qui le confirme, et pour lequel il y aurait une erreur de procédure amenant la nullité.

Fort bien !

Un cas pareil, il s’en déroule quoi, un tous les trente ans ? Un tous les cinquante ans ?

Pendant ce temps, chez un confrère d’Eolas (Mô pour ne pas le citer), on débat des procédures de garde à vue, des mecs, innocents ou coupables (en l’occurrence manifestement innocent), qui sont traités pire que des chiens en garde à vue, dont l’accusation et ce qui va en découler (auditions de l’entourage, d’enfants, perte de la carrière professionnelle, de l’honneur, peut-être de la famille, prison) le met à terre par trouille et par désespoir, et à raison, puisque cela va détruire sa vie.

Des cas pareils, il s’en déroule des dizaines… tous les jours. Et ça tue au bas mot autant de gens que ce tueur aux vieilles dames, entre ceux qui se suicident après avoir tout perdu et/ou avoir subi le traumatisme de la garde à vue, et les prévenus en détention provisoire qui, en tant que “pointeurs”, seront “suicidés” par leurs co-détenus.
On rappelle aux gens si préoccupés de la vie des gens le taux de suicide en prison par rapport à l’extérieur, et le taux de “pointeurs” parmi ceux qui se suicident en prison ?

Ouais, ben… chacun place bien ses centres d’intérêt où il veut en matière de politique pénale. Moi je dis que là, tout de suite, aujourd’hui, ya plus urgent, plus courant, plus meurtrier, plus probable que le vice de procédure sur le salaud ultime et le criminel parfait. Ca s’appelle “la procédure pénale française”, ça tue plus de gens tous les ans qu’une telle remise en liberté pour vice de procédure n’en tuera en un siècle, et tout le monde trouve ça formidable.

Simple constatation…


Gascogne :
Je suis 100 % d’accord avec vous. C’est si bien de penser que d’un côté, vous avez les gentils innocents que la Justice broie, et de l’autre côté, les rares salauds que la procédure n’a pas à protéger. Vous savez, si je pensais de la sorte, je vous assure que je travaillerais sans aucun état d’âme. Pour le moment, je me pose cependant encore quelques questions sur mon fonctionnement professionnel. Mais je dois sans doute faire fausse route, les choses étant pourtant si simples…


67. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:50 par herve_02

gascogne sous le 37 -
non détrompez vous, je n’ai pas été condamné pour une infraction routière, mais vu le niveau de votre réponse, je crois que vous devez être obligé de suivre la loi et que ca vous fait ennuie de ne pas pouvoir ériger VOTRE morale en défense de la société.
Depuis que vous êtes passé de l’autre coté, le coté obscur vous envahit, vous êtes censé être le défenseur de nos droits, je vous trouve bien peu respectueux du droit et de la loi.
L’impression que cela donne c’est la même que lorsque l’on entends parler ceux qui nous gouvernent (tant au niveau économique que politique) une caste qui sait ce qui est bien pour tous et qui, du fait de leurs _hautes_responsabilités ne sont pas assujettis aux mêmes lois que le commun des mortels dont ils président à la destinés.

Je suis désolé si vous me trouvez “à ce niveau”, mais je tiends tout de même à vous rappeler que votre “saillie verbale” (terme à la mode en ce moment) n’apporte aucune réponse, aucun éléments, juste un mépris qui vous déshonore plus qu’il ne m’atteint.

votre _supériorité_ est juste dans votre tête, vous êtes un _serviteur_ de la nation, pas un conducator dont la morale doit nous éclairer.

Comment voulez-vous inspirer la moindre once de respect par cette réponse ?


Gascogne :
A part la mise en cause personnelle due au fait que vous soyez vexé par ma réponse, des arguments sur le fond ? Non ? Bon…


68. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:51 par bibouche

“La procédure est le siège des libertés”, ici l’avocat n’est pas à proprement parler le défenseur du gardé à vue mais celui des libertés individuelles, alors qu’il l’a soulève la nullité et il aura raison. Cette nullité, si elle est prononcée (on ne sait jamais, la Cour de Cassation tente tant bien que mal de sauver les procédures…) ne sera qu’un avertissement à tous les intervenants, faites attentions messieurs!

Quant au procureur de permanence, je lui dirais de faire voeux de silence sur la nullité sans oublier de voeux de remontrance contre l’OPJ retardataire!

69. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:56 par jenpleure

@didier specq (64)

“OK, mais, dès que la police invoque un embouteillage ou un cas de force majeure banal, à 1 h 30, ça passe quand même…”

C’est clair. Il fallait revenir au camp de base pour envoyer en signaux de fumee la notification de la garde a vue au procureur. A moins que ce soit par telex ou par pigeon voyageur.

Quand on pense aux ados qui envoient 3 texto a la seconde, un OPJ peut mettre 1h a taper son texto…c’est rassurant.

Une idee pour les prochain billet de Gascogne :

Est ce que la Convention europeene des Droits de l’Homme doit s’appliquer aux suspects de crime ou non ?

70. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:58 par henriparisien

Si en pratique, les procureurs ne sont pas en mesure d’accomplir leurs missions de vérification en temps réels des modalités des gardes à vue. Il est largement temps de les dégager de ces obligations et vous deviez être de ceux qui pensent que l’intervention de l’avocat pendant toute la durée de la garde à vue est indispensable. Sa présence garantira que l’OPJ respecte scrupuleusement les procédures sous peine de se faire immédiatement désavoué.

Je rejoins Ulpien quand il dit que votre cas est similaire au dilemme du terroriste poseur de bombes qu’il faut torturer si on veut sauver des innocents. Une fois qu’on a répondu oui à cette question, on est obligé de se poser la question suivante : « Si je ne torture pas le terroriste que j’ai sous la main, comment vais-je savoir qu’il n’a pas posé une bombe qui va tuer des innocents ? » et je suis curieux de lire votre réponse au cas soulevé par Anaïs du conducteur alcoolique et récidiviste.


Gascogne :
Je suis parfaitement d’accord avec vous. Tout n’est que question de degré. Où s’arrête-t-on ? Où met-on le curseur, bien que quelques commentaires sous un billet précédent, lorsque j’ai parlé de curseur, se soient moqués de l’image ? Je n’ai malheureusement pas de réponse, puisque je n’arrive pas, comme d’autres, à me dire que le Nirvana se trouve dans la CEDH.


71. Le samedi 16 janvier 2010 à 22:59 par Tom Rakewell

On reconnaît en Gascogne le digne héritier de Benjamin Constant, qui en posant une question de nature similaire, a poussé Kant à écrire son Sur un prétendu droit de mentir par humanité. L’un de vos amis, poursuivi par un criminel, vient se réfugier chez vous. Ce dernier vient frapper à votre porte. Avez-vous moralement le droit de mentir pour sauver la vie de votre ami ? Kant répond évidemment non.

J’aurais tendance à penser comme Ulpien. Un cas aussi limite que celui que vous présentez existe-t-il dans la vraie vie ? Est-ce qu’il y a un intérêt à se torturer pour trouver une “bonne” réponse ?

Si je devais répondre, pistolet sur la tempe, je répondrais probablement comme Axonn, Ulpien et d’autres : l’intérêt social passe d’abord par le respect de la loi. Mais je ne serais pas fier de ma décision.


Gascogne :
On peut toujours se rassurer en se disant que ce genre de cas n’existe pas. Et puis on peut travailler dans la vraie vie et être confronté tous les jours à des cas similaires, même s’ils ne sont pas semblables.


72. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:00 par MrBouh

C’est très intéressant comme débat je trouve, et les réponses le sont tout autant : pour la plupart, j’ai le sentiment que vous répondez à la question “Que devrait faire le type dont c’est le boulot ici dans cette situation ?” plutôt que “Que ferais-je, *moi*, dans la situation de l’un de ces fonctionnaire ?”.

Et bien sur, j’imagine qu’il faut supposer qu’on ne pourra pas empecher le tueur de commettre un autre crime après qu’il ait été relaché.

Mais dans ce cas, celui qui soulève le vice de procédure n’est-il pas complice du futur meurtre ? n’y a-t-il pas une non assistance à personne en danger ou un autre truc du genre ? (oui je suis un mékéskidi).

Pour ma part, quel que soit ma place dans cette chaîne, je m’arrange pour que ce type aille en prison, et je garde la conscience tranquille vu les preuves de sa dangerosité.

L’avantage ici, c’est qu’on sait que la procédure s’est déroulée dans le respect des droits du suspect à l’exception du retard dans la notification au procureur. J’ai d’ailleurs bien du mal à voir ce que cela aurait changé au schmilblick si le procureur avait été prévenu 1h30 plus tôt.

73. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:14 par Nichevo

Très surpris qu’aucune analyse psy ne vienne clore le débat et mentionner que la GAV est incompatible avec l’état de notre mis en cause qui, d’après vos dires, n’éprouve aucun ressentiment et n’a aucune perception des actes horribles qu’il a commis.
Il est donc dangereux pour lui même ou pour autrui, irresponsable. Fin de la GAV et placement d’office.
Au moins on sait ou il est…


Gascogne :
Non, non, et non. Le psy a dit qu’il n’était dangereux que criminologiquement, et non pas psychiatriquement. Et puis de toute manière, le magistrat a dit à l’OPJ qu’il fallait le faire interner, mais l’Officier, sur ordre de son commissaire, lui-même soumis aux avis du Schtroumpf, a estimé que cet ordre était contraire à la théorie des baïonnettes intelligentes, et que le magistrat pouvait toujours aller se faire voir (oui, cher Nichevo, je suis de mauvaise foi, mais il est tard, et le Schtroumph m’a toujours énervé, alors, bon, je me défoule…)


74. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:34 par GPS

Nicolas 12 compare le dilemme de Gascogne à celui que, selon lui, poserait l’usage de la torture. N’y a-t-il pas des cas où vous-même seriez prêt à torturer un salopard de terroriste pour sauver des quantité d’innocents (parmi lesquels de nombreux enfants, dont les vôtres) ? demandent souvent ceux qui estiment que la torture peut être nécessaire, nous rappelle Nicolas 12.
Face à Nicolas 12, l’auteur du billet se taille un succès facile en supposant que ce commentateur considère qu’il est équivalent de torturer et d’omettre de signaler un placement en garde à vue. Ce n’est pourtant pas la question qu’il pose lui-même. Gascogne ne demande évidemment pas : doit-on ou non placer en garde à vue ? Ni même : doit-on ou non respecter la procédure ? Dans les deux cas, la réponse est très évidente. Bien sûr, qu’il faut respecter la procédure ! Cela va de soi ! Mais attendez ! Maintenant, imaginons que…
C’est en cela que les deux raisonnements se rapprochent.
Aucun des défenseurs récents, aucun des défenseurs modernes de la torture, officiers français pendant la guerre d’Algérie, officiels américains sous Bush, et leurs penseurs appointés, n’a jamais présenté la torture comme quelque chose de normal, de souhaitable, d’habituel. La torture, on est toujours contre. C’est une abomination, y compris aux yeux du colonel Trinquier, théoricien (et praticien) militaire qui en prescrivait l’usage systématique dans la guerre contre-révolutionnaire. La torture, on ne l’autorise jamais qu’en vertu de théories bâties autour d’exceptions extraordinaires.
Celle du terroriste, rappelée ou avancée par Nicolas 12, est la plus commune de ces exceptions (car il y a des exceptions banales, eh oui).
La torture, c’est mal, disent-ils. Mais imaginons que…
Le dilemme est très excitant en lui-même, et peut donner lieu à d’interminables controverses, qui n’aboutissent jamais à aucun consensus, à aucune solution. Cela fait son charme, mais c’est d’abord et surtout son objectif.
En effet, je crois pouvoir affirmer que pendant toutes ces années de conflits où l’on a abondamment torturé, on n’a jamais rencontré en vrai la situation du dilemme. Il ne s’est, au sens strict, jamais trouvé de cas où, pour avoir torturé un terroriste, on a désamorcé une bombe qui aurait tué deux mille enfants, ou même un seul.
Jamais.
Ce qui s’est passé dans la réalité, c’est qu’on a torturé au nom du dilemme non pas un, mais des dizaines de terroristes, ou supposés tels. Et des centaines de gens qui n’étaient, ni de près ni de loin, des terroristes.
Ce qui s’est passé dans la réalité, c’est qu’on a parfois réussi, à force de torture, appliquée aux membres ou sympathisants, ou supposés sympathisants, de « l’organisation terroriste », à obtenir des renseignements (pas tant que ça) sur «l’organisation terroriste » en question, et à la démanteler en partie. En échange de quoi, on a fait subir à une population entière, victime de la terreur de « l’organisation terroriste », une deuxième couche de terreur, celle des militaires contre-terroristes.
Il est possible, et même probable, que le démantèlement, serait-ce partiel, de « l’organisation terroriste » permette d’éviter des attentats.
Mais c’est très indirect. Cela a un coût moral et humain monstrueux. Et cela ne se présente jamais dans la pureté du dilemme de Massu, que l’on peut donc tenir pour une pure et simple bidonnade.
Dont, de ce point de vue, le dilemme de Gascogne n’est pas éloigné, puisque lui aussi use de l’irréalité pour justifier, sinon le pire, du moins le pas terrible. Pas éloigné sur le plan formel, bien sûr. Je n’accuse pas encore Gascogne d’infliger la question à qui que ce soit.
Pour moi, et pour alléger le débat, cela ressemble aussi à ces exemples théoriques que l’on trouve dans les vieux traités de savoir-vivre. Imaginons que nous ayons à dîner à la fois un prince d’une maison jadis régnante, un ambassadeur étranger, un dignitaire ecclésiastique et le père de la mariée, qui doit-on placer à droite de la maîtresse de maison ? Dur. Ouille, ouille, ouille.
Mais même mon ex-belle-mère, qui reçoit beaucoup, n’a jamais rencontré une telle situation.

75. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:35 par Giudice

On peut concilier intérêt social et défense des libertés individuelles dans cette situation : tuer des vieilles dames ca réduit la charge des retraites pour les générations futures donc il faut le laisser en liberté.

Maintenant si c’était un tueur de bambins, je dois avouer que je serais fort embarrassé. Je pense que je fermerais les yeux, même - et surtout - en tant qu’avocat, puisque l’intérêt de mon client ici est de m’avoir comme avocat lors de son procès pour éviter la prison et se retrouver en asile.

Imaginez: je soulève la nullité, l’obtiens. Les flics le suivent chez lui. Bien entendu sur le chemin il se fait arrêter pour non respect du feu rouge piéton, et il se retrouve à avouer tout à nouveau mais cette fois son avocat trop naze pas du tout de mon niveau le défend si mal qu’il se retrouve en prison.

Or il n’y a pas de petites vieilles en prison : il ne pourra pas satisfaire ses pulsions.

Oui bon, je sors.

76. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:37 par marsan

@ Gascogne

t’as question je l’ai vécu il y a quelques années (au temps où le juge d’instruction plaçait lui même les gens en détention) avec un gars complètement fêlé qui entendait des voix et qui avait emmené une fille à l’hôtel pour l’étouffer alors qu’elle prenait un bain -
la garde à vue avait dépassé de dix minutes les quarante huit heures -
Je l’ai mis en détention parce qu’il était dangereux pour les autres (du reste il n’y est resté qu’une seule journée car l’administration pénitentiaire la fait placer sous HO) et que le citoyen que je suis ne souhaitait pas qu’il y ait d’autres victimes. Le lendemain de son incarcération j’ai saisi la Cour d’Appel de la nullité de la garde à vue qu’elle a rejetée car le dépassement ne faisait pas préjudice - mais c’était un autre temps -

Autre exemple pour répondre à l’impossibilité du juge correctionnel de s’auto-saisir : à l’occasion d’une comparution immédiate pour violences sur un papi par trois SDF, j’ai signalé à l’audience à l’avocat de la défense (après avoir averti le Parquet que j’allais le faire) qu’il n’y avait pas dans la procédure qui nous était soumise de procès-verbal d’avertissement de la GAV au Parquet et j’ai demandé à l’avocat s’il souhaitait soulever ce moyen - ce qu’il a fait - nous avons donc annulé la procédure et renvoyé ces trois charmants lascars à leurs occupations - tout ça a fait pas mal de bruit et nous avons eu droit le lendemain à une première page du canard du coin (coin) -

l’excés en tout (y compris en droit) est un défaut quand la vie et la mort sont en jeu.

77. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:43 par PrometheeFeu

Tiens… Il me viens une idée. (c’est de la triche et orthogonal au débat, mais quand même intéressant…) Meme si la GAV est illégal et que donc la procédure pénal n’a pas été respectée, ne peut on pas faire placer dans un hôpital psychiatrique sur la base de ses déclarations? Apres tout, si la procédure pénal est en place pour protéger les droits de la défense, le placement en hôpital psy a pour but d’aider la personne concernée. Hors, il serait contraire aux intérêts de la personne en question de la laisser aller assassiner des grand-mères. (Puisqu’elle devra bien un jour répondre de cet acte)

78. Le dimanche 17 janvier 2010 à 00:43 par Diab

Vu par un juge d’instruction, le cas est extrêmement simple :

Je procède tout à fait normalement à l’interrogatoire de première comparution de ce Monsieur, n’étant pas juge des nullités de procédure. Vu le profil que vous lui décrivez, il y a fort à parier qu’il accepte d’être interrogé immédiatement. Dans ce cas-là, je l’interroge de manière détaillée, sans faire AUCUNE référence à ses déclarations en garde à vue, puis je saisis le JLD.

Mon IPC constitue alors un interrogatoire tout ce qu’il y a de plus complet sur les faits, et n’a en aucune manière son support nécessaire dans la garde à vue. Les déclarations faites lors de l’IPC (à supposer qu’il maintienne sa position) constituent des charges suffisantes en elles-mêmes pour justifier une mise en examen. La GAV peut alors bien être annulée si ça chante à quelqu’un, à compter de l’IPC, tout est solide, valide et inattaquable. Et même en cas d’annulation de la GAV, ce Monsieur reste valablement mis en examen et, le cas échéant, détenu.

Certes, cette solution est aussi radicale, franche et directe pour régler le problème procédural que tordue et fuyante pour trancher le cas de conscience, j’en conviens.

79. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:15 par Blaireau

Indépendamment du point de droit que vous soulevez (sur lequel j’avoue ma totale incompétence), il me semble malhonnête intellectuellement d’invoquer un cas aussi extrême pour tenter de justifier d’éventuelles entorses aux droits de la défense. Comme si les tueurs en série de vieilles dames étaient le lot quotidien de la justice, et que de tels cas de conscience se présentaient fréquemment aux magistrats…. Et comme s’il était plausible qu’un magistrat ordonne de relâcher un individu aussi dangereux pour une simple erreur de procédure.

80. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:24 par LeMekeskidi

Bonjour,
@Gascognes en 6 et 56: Le respect des libertés individuelles ne prend-elle pas part à la défense de la société? J’ai du mal à distinguer les deux. En conséquence, le respect des procédures me parait nécessaire, et implique de rechercher un autre article de loi qui permettra de garder cette personne enfermé (avec les lois sur l’anti-terrorisme, il doit y avoir pléthore de possibilités) . Si un tel autre article n’existe pas, la justice étant aveugle, le magistrat devra bien fermer les yeux aussi. En revanche, l’homme sous la robe pourra toujours rendre l’affaire publique pour que les politiques et les députés ajustent le droit en conséquence.

C’est le dilemme entre une solution à long terme ou à court terme. Je préfère une solution durable à long terme. Même si elle échoue pour ce cas particulier. Évidement, si c’est ma femme qui est la victime de ce geste, je deviens victime moi-même et n’aspire plus qu’a une vengeance sacrificielle, celle du juge ou du criminel, peu importe… (humour) On se rendra compte que dans cette situation, mon idéal de société aura déja volé en éclat. Ce sera donc aux autres membres de cette société (non victimes) de préserver celle-ci et ses libertés contre les criminels (donc, les politiques, les députés et la loi)…

81. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:25 par Tejul

Tout à fait d’accord avec Diab (@78) sauf que l’avocat du futur mis en examen, s’il a résolu le cas de conscience que lui offre Gascogne, soufflera sans doute à son client de ne piper mot.
Il faudrait donc que le Proc entende le mis en cause lors de sa présentation au Parquet (puisque la garde à vue n’est pas le support nécessaire du défèrement selon la Cour de cass et que rien n’interdit à un parquetier d’entendre quelqu’un qui est sous main de justice) et avant son passage devant le Juge d’instruction.
Certes, c’est tordu et pas franchement très loyal mais ça permet de faire dormir le dézingueur de ses dames au chaud avant de savoir plus précisément ce que l’on peut en faire.

82. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:25 par Eudes

Simple Mékeskidi selon la terminologie du blog, je vous donne néanmoins mon avis :

Si j’étais l’avocat du prévenu, je soulèverais bien entendu la nullité de la GAV et le ferai libérer.
C’est une question de confiance dans le système : le boulot de l’avocat est de défendre les intérêts de son client. C’est une fonction essentielle et indispensable au fonctionnement du système judiciaire.
Décider de la brader comporte in fine plus d’inconvénients que d’avantages, même au prix de la remise en liberté (provisoire sans doute) d’un dangereux criminel.
L’avocat trahirait sa mission s’il agissait autrement, et on a besoin que les prévenus (qui peuvent très bien être innocentés ensuite) aient confiance en leurs avocats.

Si j’étais juge et que la nullité était soulevée par l’avocat de la défense, j’y ferai droit bien entendu. Par contre, si personne ne ne l’avais soulevé et que je m’en étais aperçu, je ne suis pas sûr que je la soulèverai de mon propre chef. Idem si j’étais procureur.

83. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:31 par herve_02

gascogne, suite et fin :
»A part la mise en cause personnelle due au fait que vous soyez
»vexé par ma réponse, des arguments sur le fond ? Non ?
»Bon…

non je ne suis pas vexé par votre réponse. des arguments sur le fond ? vous ne savez peut être pas lire :
la loi - simple et entière.

Il y a vice de procédure que ce soit pour un voleur de patate ou un violeur en série. Votre rôle n’est pas de décider ce qui est bien ou pas, ce qui est moralement justifiable ou pas mais de respecter la loi de manière pleine et entière.

Maintenant pour que vous compreniez bien et vous montrer pas ma vexation mais mon énervement :

Vous pouvez toujours vous cherchez des justifications morales et acceptables pour la mise de coté de la loi et des droits individuels pour plein de super géniales raisons, c’est illégal. l’enfer est pavé de bonnes intentions et la loi est là pour nous protéger d’hommes (comme vous?) qui pour des intentions peut être bonne passent par dessus le contrat social qui fait que nous vivons ensemble.

Pourquoi vous pourriez décider de faire des entorses à la loi et pas moi ?


Gascogne :
Ah ? C’est donc ça qui vous met dans un tel état…Pour le reste, que j’aimerais pouvoir vous ressembler, et voir le monde de manière aussi binaire. Cela évite effectivement le moindre questionnement.


84. Le dimanche 17 janvier 2010 à 01:53 par george78

J’adore le slogan “Sarko au depot”

http://www.dailymotion.com/video/k5…

Apparemment les militaires de la gendarmerie font la Loi au palais de justice de Paris…les juges doivent attendre bien gentiment.

@Gascogne (70)

“Je n’ai malheureusement pas de réponse, puisque je n’arrive pas, comme d’autres, à me dire que le Nirvana se trouve dans la CEDH.”

Ben voyons! La CEDH, je ne sais pas pour le Nirvana, mais une jurisprudence de droit international de haute qualite qu’il faut respecter, ca c’est sur. Pour le Nirvana voir le depot de Paris.

Cela m’etonne pas qu’aucun juge en France n’est encore annule des gardes a vue pour l’absence de l’avocat, ils ont autant de respect pour la Convention que les mis en cause ou leur avocat ou la procedure penale!

@Gascogne (73)

“Et puis de toute manière, le magistrat a dit à l’OPJ qu’il fallait le faire interner, mais l’Officier, sur ordre de son commissaire, lui-même soumis aux avis du Schtroumpf, a estimé que cet ordre était contraire à la théorie des baïonnettes intelligentes, et que le magistrat pouvait toujours aller se faire voir (oui, cher Nichevo, je suis de mauvaise foi, mais il est tard, et le Schtroumph m’a toujours énervé, alors, bon, je me défoule…)”

Le magistrat ? (procureur) a dit a l’OPJ qu’il faut faire un internement psychiatrique ? C’est une blague?

Comme c’est rassurant..non seulement la procedure penale n’est pas respecte mais la procedure administrative d’internement psychiatrique est encore pire et non respectee…

dans la pratique les commissaires a Paris n’ont pas de probleme pour interner n’importe qui n’importe comment et meme deux fois de suite en 48h meme contre l’avis des medecins .

et pas dans un etablissement de sante, non dans la magnifique infirmerie psy. de la police.

85. Le dimanche 17 janvier 2010 à 02:07 par malpa

Je retente ma chance.

@ Gascogne

Vous dites que vous fermeriez sans doute les yeux, et je comprends que ce ne serait pas sans frissons. D’autre part, j’ai cru comprendre d’après certains commentaires (Ed 40) que cette solution pouvait prendre un autre sens : celui de mettre sa carrière et son serment en jeu pour lancer un signe vers la CC et donc transformer le dilemme en engagement citoyen, ce qui me semble plus que courageux. Je n’avais pas vu ça comme ça et effectivement, le débat n’est plus tout à fait aussi basique que libertés individuelles contre sécurité publique.

Néanmoins, un point me turlupine. Vous fermez les yeux, d’accord, mais Me Eolas, commis d’office, la voit, lui, la nullité, et une autre vieille dame est tuée le lendemain de la libération du conducteur en état d’ivresse. Comme c’est pas vous qui l’avez fait libérer, vous dormez tranquille ? Je ne sais pas… Bien sûr, personne ne vous demande de porter le fardeau de tous les péchés du monde (ni à moi non plus), d’ailleurs nous avons déjà eu un messie qui est venu les relever, mais puisque le remord sera supporté par quelqu’un, il me semble que le prendre sur vous (sur moi dans votre jeu) en respectant la lettre de la procédure pénale, au lieu de le laisser à l’avocat et au JLD, serait la seule façon d’agir dans l’honneur le plus pur. Je ne suis pas sûr d’être capable de cette attitude personnellement, mais j’espère que s’il existe des gens comme ça, ils sont magistrats.

86. Le dimanche 17 janvier 2010 à 02:07 par Ulpien

@ Gascogne : Vous m’avez envoyé sur les roses, mais je vous réponds quand même, parce que je pense que je ne me suis pas bien fait comprendre.

Je ne doute pas que dans votre “vraie vie” de parquetier, vous soyez confronté à de tels dilemmes. Arrangez-vous avec votre conscience, vous avez choisi votre métier.

Je m’exprimais en tant qu’avocat. Je fais peu de pénal. Mais il me semble que pour nous les choses se présentent toujours autrement : nous choisissons de défendre une cause, une personne ou un dossier suivant la conception que nous nous faisons de notre métier. Ce choix dépend d’ une épaisseur humaine qui, forcément, ne ressort pas de votre petite histoire. Sachant que si personne ne nous impose de défendre une cause qui ne nous revient pas, en revanche, une fois que nous l’avons acceptée, nous avons le devoir d’invoquer tout ce qui est utile pour la défendre. Donc, oui, dans la “vraie vie” des avocats, le dilemme ne se présente pas comme votre petite histoire. Ce n’est pas plus facile, mais ça ne se ramène en tous cas pas à un paradoxe philosophique.

87. Le dimanche 17 janvier 2010 à 03:18 par Dam

Je suis un pur mekeskidi mais comme tout le monde a droit de jouer ici, je tente ma chance. Votre article ainsi que les différents commentaires m’inspirent quelques réflexions:

  • De quoi parle-t-on ici ? De droit ou de morale ? Si c’est de morale alors c’est clair, le tueur en série doit aller en prison (ou en hôpital psychiatrique). Mais franchement je préfèrerai qu’on parle de droit. Parce que la morale est en général beaucoup trop imprécise et à géométrie variable pour faire bon ménage avec la répression et la prison. Et si on parle de droit, alors je pense que le plus important est de respecter le droit, que c’est la base de l’état de droit. Entre le droit et la morale, ce qui nous protège de l’arbitraire, définitivement c’est le droit.
  • Bien sûr le droit, la loi, ne dit pas tout, et n’est pas forcément parfaite. Mais on paie 800 et quelques personnes pour l’améliorer, et la jurisprudence est là pour combler les trous. Si tout le monde commence à refaire les lois dans son coin suivant ses propres principes moraux, on va vite quitter l’état de droit pour retomber dans l’arbitraire. Les règles de la garde à vue sont probablement à revoir mais en attendant, d’après ce que je viens de lire, il est clair que ces règles ont été enfreintes dans le cas qui nous occupe, et que si on veut respecter l’état de droit (sans aucune morale ni aucun scrupule) le tueur en série doit être libéré.
  • Qui doit le libérer ? Le JLD bien sûr, sur requête en nullité de l’avocat (s’il fait bien son boulot il doit la faire). Question intéressante, le procureur doit-il soulever la nullité ? Je dirai que ça dépend comment il voit son travail: Est-il là pour faire respecter la loi ? Alors il doit la soulever. Ou est-il là pour protéger la société ? Alors il doit se taire. Toute nuance intermédiaire entre ces deux visions du travail du procureur est bien sûr admise, mais au final il n’aura que deux choix possibles !
  • Celui ou ceux qui remettent en liberté le tueur en série doivent-ils avoir des remords/ne pas pouvoir se regarder dans le miroir/consulter un psy/aller implorer le pardon des familles des victimes ? Oui probablement, j’espère même qu’ils le feront, mais là on est revenu dans le domaine de la morale. Si prendre de telles décisions leur est insupportable, merci de changer de métier.
  • Les policiers qui n’ont pas respecté les règles doivent-ils être sanctionnés ? BIEN SUR !! Et je ne comprend pas comment vous avez pu envoyer bouler Frets et quelques autres de cette façon quand ils ont évoqué ce point. L’excuse de la complexité des règles n’en est pas une. Dans un état démocratique si la loi n’est pas adaptée alors on en discute et on la change (cf les 800 gus qu’on paie pour ça), mais en attendant on l’applique. Quand un médecin merde dans une procédure médicale et que le patient y reste, il est sanctionné. Quand un automobiliste grille un feu et blesse un piéton il est sanctionné. Pourquoi un policier qui merde dans une procédure judiciaire (à laquelle il est formé, rassurez-moi…), ce qui abouti à la libération d’un tueur en série, ne serait pas sanctionné ? Un des buts de la sanction est justement de d’inciter au respect des règles, je ne vois pas pourquoi cela ne s’appliquerait pas ici. Et la perspective de voir le système judiciaire envisager d’attenter aux droits d’un prévenu, même tueur en série, pour masquer un tel merdage (désolé je n’ai pas d’autre mot) n’est franchement pas faite pour me rassurer !
  • (rassurez-vous c’est mon dernier point) Votre dilemme n’en est un uniquement si vous faite la même erreur que l’homme politique contemporain moyen, qui est de placer la morale et les bons sentiments au dessus de tout dans tous les domaines (pour les politiques, en général c’est juste une posture à but de communication…). La morale peut, doit, inspirer le droit, y compris la jurisprudence, mais pas remplacer le droit. En tant que citoyen, j’estime que le rôle du système judiciaire est avant tout de s’assurer du respect de la loi, y compris pour lui même. Donc, au nom du respect de mes propres droits, merci de libérer le tueur en série.

88. Le dimanche 17 janvier 2010 à 03:26 par avodao

Gascogne (56) :
“Bon…Et notre bonhomme tue en sortant son avocat, qui s’avère être votre père. Vous réagissez comment, mais bien entendu, uniquement sur le plan des principes ?”

Ben on envoie une lettre de remerciement a l’OPJ et on felicite le gouvernement d’avoir permis aux gardiens de la paix de devenir OPJ !! Bien sur, on a aussi une pensee pour l’equipe qui enquetait sur les meurtres en serie et pour les procureurs qui laissent passer des milliers de nullites de procedures sans demander des poursuites discplinaires et penales contre les OPJ.

La Dream team !

Le plus drole est que ceux qui demandent aux autres de prendre “leur responsabilite” ne veulent pas prendre la responsabilite de leur propre erreur de procedure.

Dans le prive ce genre d’erreur c’est la porte! On n’est pas la a se demander comment faire pour que tout le monde fasse semblant de ne pas voir l’erreur.

@Dam (87)

On pouvait pas mieux dire. Big up.

89. Le dimanche 17 janvier 2010 à 03:33 par opj93

Mince..j’etait tellement absorbe a lire le billet de Gascogne, que j’ai oublie d’envoyer la telecopie au procureur notifiant de la garde a vue de “mon mis en cause”. Zut zut…

Bon j’espere que le procureur va plaider la circonstance insurmontable car le mis en cause est en train de nous raconter une histoire de grand mere dont je ne comprends rien…


Gascogne :
Tant que vous ne travaillez pas sur commission rogatoire…


90. Le dimanche 17 janvier 2010 à 05:35 par ratel

@ Diab (78)

Merci de sortir de ce dilemme (artificiel) par le retour au principal : le mis en cause, ses déclarations (spontanées), et, en filigrane, son intérêt à lui - en le recevant et en lui donnant la parole. Je commençais à désespérer de lire un commentaire en ce sens, qui me semblait le seul pertinent. Je ne vois pas en quoi c’est tordu et fuyant.

91. Le dimanche 17 janvier 2010 à 06:09 par Marcel

@Gascogne, sous 66 : Je ne vois absolument pas le rapport entre mon post et votre réponse : ce que je dis est simple : vous nous posez un cas d’espèce extrême à touts points de vue, à tel point que vous n’en rencontrerez très probablement jamais de tel dans votre carrière professionnelle toute entière, et j’ai le sentiment que 1) ça cache une volonté de faire excuser le non-respect de certaines règles de procédure dans des cas beaucoup moins extrêmes et 2) ça monopolise l’attention sur un débat très théorique alors qu’il existe des choses aussi graves dans le petit monde de la justice pénale française mais qui elles, se déroulent tous les jours et dans tous les tribunaux.

Et à preuve de mon 1), je ne peux que constater que vous me donnez raison sous 71, où vous prétendez voir tous les jours des cas “similaires” pour lesquels apparemment la question que vous posez dans ce débat serait d’actualité… sauf que comme je n’ai pas entendu ces derniers jours qu’on ait arrêté un tueur multi-récidiviste recherché et qui était passé aux aveux, encore moins plusieurs fois, et encore moins tous les jours, et que ce genre d’affaires fait ordinairement les choux gras des médias, j’en conclue que vous essayez d’ors et déjà de généraliser une réponse à un cas extrême, à des cas beaucoup moins extrêmes, qui ne sont pas si “similaires” que vous voulez bien le dire.

Vous nous présentez un cas extrême du criminel à la fois monstrueux et judiciairement parfait (on est certain que c’est lui, et on l’a chopé, et en plus il est passé aux aveux, et en plus sans pression policière et sans dénégation après coup, le rêve !!), et vous nous donnez fortement envie de vous répondre “bon ben là oui pour un cas comme celui là on pourrait ptèt faire une exception”… mais 71 réponses plus loin, bon ben on apprend finalement que la question pourrait se poser de la même façon à des cas “similaires”, en fait beaucoup moins extrêmes.

Ben non. Vous n’êtes pas censé vous poser la question dès que vous avez un crime un peu laid sur les bras avec un gros vice de procédure. Comme d’autres vous l’ont fait remarquer avant moi, la CEDH s’applique aussi aux gens accusés de crime (et aux criminels avérés, d’ailleurs). Et puis si vous avez des vices de procédure tous les jours dans votre tribunal, d’ailleurs, c’est que le niveau de professionnalisme de la police ou de la gendarmerie est d’une médiocrité inquiétante, soit dit en passant.

Désolé, mais je trouve que le débat, en plus de détourner l’attention des “vrais sujets” de politique pénale, commence à devenir malhonnête à partir de votre réponse à #71. Dire que vous êtes confronté tous les jours à de tels dilemmes, c’est vraiment fixer le curseur du respect des libertés individuelles bien bas. Et nous soumettre face à un cas violemment extrême au point d’en être largement improbable pour faire valider cette position du curseur dans vos cas de “tous les jours” qui n’ont rien à voir, c’est manquer de franchise.

Posez-nous la question avec un de vos vrais cas, plutôt, et vous verrez les réactions.


Gascogne :
Mon cher Marcel, ce genre de récit s’appelle une parabole. Désolé que vous ne l’ayez pas compris. Peu importe la réalité de l’histoire, le billet tente simplement de démontrer que, comme j’ai pu le dire un peu plus bas, en matière de procédure pénale, tout n’est pas aussi binaire que certains aimeraient le croire. Ça n’est pas les méchants policiers d’un côté contre les gentilles libertés individuelles de l’autre. En matière de libertés publiques, tout étudiant en droit apprend dés le début de ce cours que dans une démocratie, tout est affaire d’équilibre entre différentes libertés qui peuvent parfois se trouver en opposition. Alors me refuser le droit de me poser des questions, comme vous le faîtes, c’est vouloir mettre un ordinateur à la place d’un magistrat. Certains en rêvent, mais ça n’est sûrement pas ma conception de mon métier.


92. Le dimanche 17 janvier 2010 à 06:47 par Véronique

@ Marcel

Quitte à vous énerver, mais je ne crois pas que le seul débat de Gascogne (procureur) soit l’unique respect strict des libertés individuelles.

Il a aussi à faire avec l’intérêt social et général. Et son souci est de trouver un point d’équilibre entre deux intérêts et deux tensions contradictoires. Il doit également prendre une décision. C’est à dire choisir.

Le cas est extrême soit. Mais la question se poserait de la même façon si notre gars n’était, disons, qu’un agresseur et violent multirécidiviste des vieilles dames.

Les juges du siège eux peuvent dire la loi dans toute sa plénitude et rigité.

Procureur, c’est un peu plus subtil. Et peut-être plus difficile. Oui, parfaitement.

Il se doit de porter son débat intime dans une perspective plus large, sociétale. La sécurité d’aller et venir est aussi un droit. Et la justice a pour mission aussi de protéger.

93. Le dimanche 17 janvier 2010 à 07:04 par Djay

Bonsoir,
N’étant pas un habitué des commentaires en ce lieu, je vais tenter de donner mon avis (de keskidi).
Je n’ai pas les connaissances nécessaires pour me positionner par rapport au rôle de chaque intervenant, ni par rapport au respect strict du droit. J’en resterait donc au fond.

Dur dilemme qui nous est offert là.
Choisir entre la défense de l’individu et la protection de la société… Je simplifie mais quelque part c’est comme ça que je le vois.

Facile au premier abort…
La défense des libertés individuelles est une des valeurs fondamentale de la société démocratique, donc on peut dire qu’elle se situe au delà de tout, je pourrai soulever la nullité sans état d’âme si je me base sur mes valeurs…

Oui mais, c’est la vie d’un être humain qui est dans la balance… Or si je peux comprendre qu’on puisse mourir pour ses valeurs, tuer ou laisser tuer me semble déjà plus suspect. Donc puis-je condamner quelqu’un pour sauver mes valeurs? Et même si ce n’est qu’un “risque” de récidive, puis-je le prendre avec la vie d’un autre.

Oui mais la faute ne m’incombe pas pourrai-je dire, c’est l’OPJ qui l’a faite…
Oui mais si je ne le fait pas, un autre le fera (avocat juge…).
Mais argumenter comme cela; c’est se cacher et je ne suis pas sur que ça m’aidera pour la tranquillité de mes nuits.

Bref, tout ceci s’équilibre, plus ou moins…
Alors qu’est ce que, en tant que keskidi, je ferai?
Probablement que je soulèverai la nullité finalement, parce que je me dis que si je commence à placer un curseur de tolérance vis à vis de mon devoir, je risquerai de le déplacer par la suite…
Mais je ne crois pas que j’en dormirai de sitôt.

Après ma position est surement un peu faussée parce que purement théorique. Si dans la vrai vie je rencontrai un cas similaire, surement que l’émotionnel et l’humain pèseraient plus dans la balance.

Heureusement que cela ne devrait jamais arriver.

Maintenant, une petite question.
Si je suis un des intervenants premiers sur le dossier, procureur, juge d’instruction, JLD, puis-je me permettre de “ne pas” soulever la nullité, sachant qu’elle peut survenir plus tard et remettre en cause l’ensemble du dossier au moment du procès (Mes connaissances ne me permettent pas dire si c’est possible, mais je l’imagine corrigez moi si nécessaire)?
Parce que, dans ce cas là, fermer les yeux, n’est-ce pas reculer pour mieux sauter, et le risque n’est-il pas qu’il soit libre à terme plutôt que libre de suite?


Gascogne :
Merci beaucoup pour votre post : ne pas avoir de certitudes, c’est le début de la sagesse (mais je reconnais que ça ne facilite pas la vie professionnelle de tous les jours).


94. Le dimanche 17 janvier 2010 à 09:25 par Serge

Je choisis aussi la libération, et le respect des libertés individuelles.

La question est en partie biaisée par le fait que l’on connait Thierry Paulin. C’est uniquement cette connaissance qui pousse au dilemme ravageur. Il ne faut pas oublier qu’en situation réelle, on ne sait pas vraiment à qui l’on a affaire. Un type a avoué en GAV ? La belle affaire ! Ce n’est pas la première fois que des innocents avouent en GAV ; on l’a vu à Outreau, on l’a vu dans l’affaire Caroline Dickinson, on l’a vu dans l’affaire Patrick Dils et qui sait combien d’autres cas encore ?

Remplacez le nom de Thierry Paulin par ceux de Patrice Padé ou Patrick Dils, pour voir.

95. Le dimanche 17 janvier 2010 à 09:52 par Ash

Le débat me semble purement philosophique : opposition entre droit et morale. A ce titre, l’intervention de Tom Rakewell @71 me semble remettre de l’argumentaire théorique dans un débat qui touche au passionnel.

A titre personnel (NdLA: mekeskidi total en droit), j’estime que le PR peut prendre sur lui de fermer les yeux. Entre ses devoirs moraux et professionnels, les arbitrages conscients ou inconscients sont certainement légions. Ils sont juste moins clairs que dans cet exemple dichotomique. En réalité, nul n’empêche le PR, l’avocat ou le JLD de fermer les yeux : c’est un pouvoir qui lui est confié par la société.

Enfin, je ne suis pas convaincu que les imprécations sur la protection de l’humain par une loi juste et unique soit recevable. Les exemple susmentionnés de personnes broyées par le CPP (même si le point n’est pas directement lié à ce débat) ou les reflexions que peuvent m’inspirer la lecture de 1984 d’Orwell vont dans le sens de mon scepticisme sur le sujet de l’État protecteur.
Nous sommes dans un cas volontairement extrême, qui montre l’humanité de l’avocat / du proc / du JLD face à l’abstraction de la justice : in fine, on en revient toujours à un débat humain. La loi ne sera jamais la même pour tous. Pour moi, tous les techniciens qui cherchent la petite bête sont hors sujet : ce n’est pas la question de Gascogne.

96. Le dimanche 17 janvier 2010 à 10:12 par Clems

Finalement le dilemme c’est si je ferme les yeux quelqu’un d’autre fera ce sale boulot à ma place (voir et soulever la nullité), mais entre temps, on aura gagné du temps sur le reste de l’affaire ?

Vous comprenez bien que ce raisonnement, ne peut pas être celui de l’avocat de la défense ? Et comme je suis d’accord avec vous sur le fond pour votre propre situation et votre réaction humaine, morale. Ou est le problème ? Vous souhaitez que l’on vous signe un blanc seing ? Faites comme vous l’entendez, vous aurez toujours des partisans.

97. Le dimanche 17 janvier 2010 à 10:28 par bleu horizon

la réponse à votre dilemme est très facile, remise en liberté puis immédiatement HO ou HDT (hospitalisation d’office ou sur demande d’un tiers) en secteur fermé, permettant par là même de poursuivre l’enquête et de reprendre une procédure avec de nouveaux éléments ( cela est beaucoup plus facile si on connait le nom de l’auteur des crimes) et tout le monde y gagne la société, le droit , le prévenu qui se transforme en patient et les victimes (ou les familles des victimes).

98. Le dimanche 17 janvier 2010 à 10:34 par Ced

Beau billet, cher Gascogne, félicitations.
Dans un orchestre, si le piano joue mal, est-ce au violoncelle de s’abaisser au niveau du premier dans la logique du respect des spectateurs? C’est un beau débat, les interets des uns sont divergents des autres, souvent incompris, les auditeurs de justice travaillent dans un but différent. C’est a chacun de jouer son rôle il me semble, et pas de rattraper les erreurs des adversaires. Si l’on transige sur cela, on transige sur la charge de la preuve, l’avocat n’est pas le directeur de conscience de son client, il n’a pas à savoir la vérité, il agit dans son intérêt.
Si l’on établi une hiérarchie dans l’infamie ou dans le péché, et qu’on se refuse les principes élémentaires, légaux et déontologiques, on n’est plus avocat mais curé ou policier.
Merci d’avoir ouvert cette discussion, elle est intéressante et montre à quel point, si tout le monde joue son rôle, le droit et la morale pourront sans doute s’accorder plus souvent.

99. Le dimanche 17 janvier 2010 à 11:06 par Corti

Au début, je pensais dire : c’est à l’avocat de la défense de soulever la nullité, les autres peuvent fermer les yeux(et tous ont ma bénédiction pour se taper une déprime le soir et être complètement dég’ de leur boulot). Pourquoi l’avocat ? Car je pensais naïvement que c’était son boulot et que c’était une faute professionnelle de laisser passer ça. Sauf que j’ai réalisé après coup, que les autres aussi réalisent une faute professionnelle en fermant les yeux. Mais bon, je trouve que la faute de l’avocat serait plus lourde moralement à mes yeux, s’il ne soulevait pas la nullité, même si personnellement, je préfère qu’il soit sous les verrous.

Ce qui me chagrine dans ce genre d’affaire, c’est que quand elles ressortent dans les médias, si l’individu était relâché car un type a mis sa morale en-dessous le respect des lois il y aurait 4578 types pour dire : “La justice est pourrie, elle ne fait pas son travail, elle laisse des criminels en liberté, c’est rien qu’une sale assemblée de gauchiste corporatiste” (oui, je lis trop les commentaires du figaro) et ça partirait en fronde contre la justice. Le pire étant que pas un type ne dirait : “La justice a fait son travail. Elle a aplliqué les lois. Si ça a couillé, c’est la faute du législateur qui créé les lois”.

Je conviens que reporter toute la faute sur le législateur n’est pas très glorieux. Mais c’est lui qui créé le schmilblick à l’origine. A lui de penser à tous les cas, c’est son boulot. Le boulot de la justice, c’est d’appliquer les lois. Et malheureusement pour elle, ces dernières, même si elles sont issues de la morale, n’ont que faire de la moralité. Elles sont dogmatiques au niveau des infractions mais en contrepartie, elles offrent de la souplesse sur la punition (heureusement d’ailleurs).
Ca me semblerait honnête que le législateur mette en place un système d’exception “sur les erreurs administratives de la justice” permettant annulant l’annulation de procédure sur des crimes lourds comme le cas cité par exemple. Mais je n’ose imaginer le débat qui porterait sur la notion “d’erreurs administratives”, il serait folklo.

Donc ouip, je pense que je le ferai relâcher. Et je prierais pour que la police lui colle le train et le choppe pour n’importe quoi afin de récupérer ses aveux perdus. Limite qu’il ait un policier derrière lui dès qu’il fait un pas. Et je croiserais les doigts pour qu’il soit arrếté avant qu’il ne commette un autre crime. Yeah, ce serait de la violation de la vie privée, de l’abus policier, mais dans ce genre de cas, c’est peut-être justifié. Peut-être, car si un policier fait la même chose et qu’en fait, le monsieur est innocent, ça serait pas glop.

Donc ouip, la nullité serait à remonter pour respecter les fondements de notre justice et le respect des lois. Après, je pense qu’une bonne dose d’antidépresseur sera nécessaire pour virer le coup amer qui restera dans la bouche de tout le monde. Mais bon, le système parfait n’existe pas. Mais il faut le respecter. Et pour se venger, arroser les députés d’écrits pour les pousser à modifier les lois pour permettre de corriger ce genre de cas. Ca ferait un bon défouloir pour soulager sa conscience et éviter que ce genre de choses ne se reproduisent. Enfin, de toutes façons, les députés seraient au courant via les médias si ça se produit.

Après, je me demandais si on pouvait fermer les yeux au nom de la désobéissance civile/civique. Ne pourrait-elle pas être appliquée dans ce genre de cas ?

Enfin, tout ça reste malsain, malheureusement, on doit faire avec du mieux qu’on peut. Personnellement, je n’en tiendrais pas rigueur de ceux qui fermeront les yeux, mais professionnellement, je serai obligé de remettre en cause leurs compétences pour exercer leur métier. Pas cool.

100. Le dimanche 17 janvier 2010 à 11:36 par RG

@93 Djay

Si je suis un des intervenants premiers sur le dossier, procureur, juge d’instruction, JLD, puis-je me permettre de “ne pas” soulever la nullité, sachant qu’elle peut survenir plus tard et remettre en cause l’ensemble du dossier au moment du procès (Mes connaissances ne me permettent pas dire si c’est possible, mais je l’imagine corrigez moi si nécessaire)?

L’annulation tardive de l’ensemble du dossier ? oui c’est possible.

Parce que, dans ce cas là, fermer les yeux, n’est-ce pas reculer pour mieux sauter, et le risque n’est-il pas qu’il soit libre à terme plutôt que libre de suite?

101. Le dimanche 17 janvier 2010 à 11:55 par Ganlan

Bonjour.
Je n’y connais rien en droit, il m’est donc difficile de me mettre vraiment à la place des différents acteurs de votre histoire.

Mais la question qui me vient immédiatement en tête lorsque j’entends parler de procédures annulées dans des affaires importantes est : pourquoi donc les policiers n’ont-ils pas une check-list à suivre, à la manière des pilotes d’avion ? On pourrait imaginer un petit programme sur leur PC ou leur téléphone portable qui les aiderait à ne rien manquer, avec alarme pour les délais, les actions à mener, etc. Ça ne serait sans doute pas sorcier à mettre en place, et s’ils l’utilisaient systématiquement, beaucoup d’erreurs pourraient être évitées, et les dilemme réduits d’autant. Non ?

Juste une idée, comme ça.

102. Le dimanche 17 janvier 2010 à 11:59 par Véronique

@ Corti

Donc oui, je pense que je le ferai relâcher. Et je prierais pour que la police lui colle le train et le choppe pour n’importe quoi afin de récupérer ses aveux perdus.

Ben voilà, l’honneur du droit est sauf. Et Gascogne, dans ce cas de figure, est hyper compétent en droit.

Mais il faut sacrément avoir confiance dans les structures, ici policières, pour se convaincre que le gars sera super encadré une fois dehors.

Avant de prendre sa décision et de briller par sa maîtrise du droit, le procureur a peut-être également intérêt à évaluer l’étanchéité du dispositif qui sera mis en place par les structures qui prendront le relais.

Par exemple si cette histoire se passe entre le 15 juillet et le 15 août, ou au mois de mai, ou entre le 24 décembre et 2 janvier, ou au mois de février, ou à Pâques, qui pourra certifier au procureur que le filet de sécurité sera opérationel ?

103. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:23 par Cinquo

Comment un magistrat (ou un policier) chargé de l’application de la loi peut-il fermer les yeux en pareille circonstance ? Il y a fort longtemps dans nos facultés on nous apprenait la différence entre droit naturel et droit positif. Ne serait-ce plus le cas et le droit actuel se targuerait-il de morale ou d’efficience ?

Citation attribuée à Benjamin Franklin : “Celui qui sacrifie un peu de sa liberté pour pour assurer sa sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux”.

Il appartient donc à notre société d’assumer le fait que les hommes chargés de faire appliquer la loi ne sont pas parfaits, peuvent se tromper et que la sécurité absolue n’existe pas. Il ne lui appartient par contre pas d’autoriser ou d’excuser les violations volontaires de la loi par les magistrats et policiers chargés de l’appliquer. Souvenons-nous que l’interprétation de la loi pénale est stricte et n’a rien à faire des états d’âme aussi vertueux soient-ils.

Quant à l’avocat, la question ne doit pas se poser.

104. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:30 par Cédric

Monsieur Gascogne,

Je suis un jeune béotien qui connais peu de choses au droit et à la justice, sinon ce que l’école, les journaux mais aussi et surtout ce blog depuis quelques mois, m’ont appris. J’éprouve véritablement, grâce à vous, à Maître Eolas et à d’autres personnes qui interviennent ici, un sincère respect et une attention profonde, pour tous les professionnels du monde judiciaire dont je comprends désormais mieux les missions et les réalités de leurs métiers. Et puis, pour un simple individu lambda comme moi, tout ce qui s’écrit ici, c’est tout de même passionnant, tant sur un plan civique, politique ou philosophique (et parfois, très personnel, même).

Votre billet que j’ai lu ce dimanche matin m’a vraiment plongé dans des abîmes de perplexité. J’avoue que ce “dilemme” que vous décrivez est soudain devenu le mien. J’ai vraiment tenté de “jouer le jeu”, le plus honnêtement possible, et cela en est devenu si bouleversant que pour la première fois, j’ai éprouvé le besoin d’intervenir directement dans les commentaires pour vous en faire part.

Malheureusement, ma réflexion, une parmi tant d’autres et ne reposant sur aucune expérience concrète de votre métier, et si peu de connaissances, donc, ne vous sera sans doute guère utile. Mais enfin, il “fallait” que je le fasse tout de même. Je vais essayer d’être bref en synthétisant beaucoup l’évolution de mes réflexions/émotions :

- Dans un premier temps, j’ai vraiment été… estomaqué ! Je vous avoue que je n’ai pas compris comment un magistrat (vous) dont je n’ai pu jusqu’à présent qu’apprécier la probité et la droiture intellectuelle et tonique à travers vos billets passés, pouvait sciemment s’interroger sur l’éventualité de “violer” consciemment la loi, surtout une loi qui s’inscrit dans le domaine de la liberté. Je me disais que cela était seulement possible dans les pays qui n’étaient pas, ou plus vraiment, des démocraties. Et ça m’a vraiment… inquiété, fait peur, alors que jusqu’à présent ce blog au contraire m’avait apporté bien plus de confiance que de défiance dans notre justice en France, malgré tout, qu’elle soit compréhensive ou modérée voire indulgente, ou qu’elle soit dure, sévère et implacable, parce cela est aussi nécessaire si, comme le répète souvent Maître Eolas, le droit n’est pas la morale et réciproquement.

- Dans un deuxième temps, j’ai cependant immédiatement compris que vous ne pouviez pas vous interroger, en l’occurrence, pour des raisons futiles, ou suspectes de je ne sais quoi. Donc, je me suis penché autrement sur le cas de figure. Or, il prend aux tripes, ce cas, c’est certain ! Comme je vous le disais, je me suis vraiment efforcé de me mettre à la place de celui qui doit décider : remettre en liberté ? courir le risque d’autres victimes ? Humainement terrifiant, comme dilemme ! Et pourtant, je crois qu’à ce stade là, je n’ai pas hésité longtemps : le risque est terrible, mais la valeur de ce en quoi on croit doit prévaloir, il ne peut y avoir de compromission avec sa conscience. Bref, aussi rageant et risqué que cela soit, il fallait relâcher, sinon c’est l’idée même de Justice et tout ce qu’elle comporte qui était en grand danger (si la loi est ce qu’elle est, si cette règle du délai existe, soutenu par la Cour de Cassation, j’imagine que ça repose sur une cohérence qui a sa justification ; or, c’est parfois tellement fragile, cette idée de justice, si on ôte une simple carte, le château de menace t-il pas, symboliquement du moins, de s’écrouler ?). Au nom de quoi jugerait-on et condamnerait-on au final un homme, même le pire des criminels, si soi-même, à l’origine de la procédure, on avait commencé par détourner ou nier un élément de droit, aussi infime soit-il ? Bref, je m’apprêtais à cesser là de réfléchir et à vous dire que, oui, très concrètement, même en risquant que d’autres meurtres soient commis (mais en mettant bien sûr tout en oeuvre pour que cela ne soit pas le cas), il FALLAIT annuler ce qui devait être annulé, au nom de toutes ces mêmes valeurs qui font que nous voulons tous protéger la vie de qui que ce soit.

- Et enfin, dans un troisième temps, j’ai eu…. un doute. Un doute ultime mais paralysant, qui m’éloignait de tous mes réflexes et efforts d’homme “intelligent” et raisonnable, de citoyen, d’homme de convictions… Je me suis dit (à cause de ma sensibilité personnelle) que si cet homme avait été un “autre genre” de tueur, peut-être que tout ce serait bloqué dans ma réflexion et mon action. Un tueur d’enfants, par exemple. Ce qui est une chose atroce à vous dire, naturellement, parce qu’avoir ainsi une sensibilité sélective, c’est, quelque part, monstrueux, et j’en ai conscience, je n’en suis pas fier. Mais bon, voilà, il y a parfois des émotions, des craintes, qui submergent notre conscience.

En conclusion, je suis bien mal ! Vous avez gâché mon dimanche matin et je vous en remercie, parce que vous m’avez appris quelque chose de très important et intéressant, sur la justice comme sur moi-même. Pour être honnête et jouer le jeu jusqu’au bout, je ne peux que vous dire que je n’ai aucun moyen de savoir ce que j’aurais vraiment fait, dans un pareil cas. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ESPERE, je SOUHAITE, que j’aurais eu le courage de rester fidèle à ce à quoi je crois plutôt que de céder à la peur de ce que je crains.

Bien à vous (et bon courage, vraiment, dans l’exercice de votre métier, essentiel pour nous tous et notre avenir).

105. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:44 par didier specq

Chère Véronique,

Je pense qu’un tueur en série de vieilles dames, même entre le 15 juillet et le 15 août, sera l’objet de toute l’attention des services de police et de justice.
De même, j’arrive difficilement à accepter, comme dans ce cas fictif exposé par Gascogne, qu’un tel tueur n’ait rigoureusement contre lui que ce qui s’est passé durant la garde à vue annulée.
Il y a forcément “autre” chose qui permet l’arrestation, probablement dès la sortie du local de garde à vue.

Je me demande si le procureur Gascogne ne “dupond-morettise” pas un tantinet. L’avocat Eric Dupond-Moretti s’était rendu célèbre, voici quinze ans ou vingt ans, par les nullités qu’il pouvait à l’époque soulever à l’audience de jugement. Bref, Me Dupond-Moretti, pouvait faire annuler sans état d’âme toute une procédure au dernier moment en ayant pris soin, avant, de ne surtout pas dire qu’il allait soulever une énorme nullité imparable. Cette défense énergique était critiquée y compris par certains de ses confrères qui étaient plus soucieux de se faire bien voir par les juges d’instruction ayant commis la boulette que par leurs clients.
Je me souviens de cas où l’abominable dealer défendu par Me Dupond-Moretti allait repartir libre et où les co-prévenus -sans leur défenseurs horrifiés par ce coup de Jarnac- étaient obligés de demander eux-mêmes à bénéficier de la même nullité que celle soulevée par l’avocat septentrional.

Or, aujourd’hui, ce n’est plus possible: toutes les nullités doivent être “purgées” avant la fin de la procédure ce qui permet aux magistrats de continuer à poursuivre même si, encore assez souvent, une nullité permet la libération d’un présumé innocent (notamment quand des procédures d’appel sur la détention provisoire ne sont pas régulières, par exemple quand les magistrats s’emmêlent les pinceaux entre jours ouvrables et jours ouvrés).

Me Dupond-Moretti justifiait sa position par une série de phrases à l’emporte-pièce restées célèbres: <faire libérer un innocent, c’est bien le moins; faire libérer un coupable, ça, il faut un bon avocat>; <la libération d’un coupable, c’est la garantie pour les braves gens de ne jamais être accusés à tort par la justice>, <la terre judiciaire ne s’arrêtera pas de tourner>, <relaxe, je sais, vous avez de la difficulté à l’écrire, ça s’écrit R.E.L.A.X.E.>, etc.

Je soupçonne Gascogue d’être tenté -très théoriquement- par la transgression absolue parfois réussie par les avocats: donner raison au coupable et, surtout, que tout le monde sache que le citoyen en question était noir comme du charbon…

106. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:50 par Ti

Franchement Gascogne, je ne sais pas.

Je n’aime pas faire des cas pratiques à partir d’exemples trop évidents comme le vôtre (nullité de la GAV, empreinte génétique et découverte d’un tueur en série, psychopathe qui plus est ..), il faut toujours raisonner par rapport au dossier TEL qu’il est et non un dossier imaginé.

Pour autant, je ne dis pas que cela ne pourrait pas arriver, m’arriver en tant que JLD du week end, seul dans mon Tribunal au fond des bureaux.

Que ferai-je ?
Déja je regretterai (je le regrette déjà) la collégialité de la mise en détention, car délibérer avec des collègues saisis des mêmes faits, ayant accès au même dossier aide à la décision.
Confronter les regards.

Ensuite, il faut réagir en juge, c’est ce que l’on me demande de faire : dire le droit (statuer sur la nullité qui est soulevée par l’avocat), en tirer toutes les conséquences, annuler le tout, puisque par hypothèse le prélèvement a été fait PENDANT la GAV.
Motiver, expliquer dans l’ordonnance POURQUOI on le remet en liberté, car la privation injustifiée de liberté entache tout acte ultérieur, qu’il faut, c’est mon boulot, contrôler STRICTEMENT la GAV et ses conditions.
Mais en même temps, expliquer aussi qu’on a vu le problème de ce type qui est psychopathe, que pour autant le rela^cher est un acte grave mais qu’il faut le faire eut égard à l’atteinte aux libertés individuelles que constitue une GAV illégale.
Mais peut-être avant d’en arriver là, voir avec le Parquet pour une éventuelle HO ou HDT, car si la liberté est le principe, s’il est psychopathe, se vantant de ses actes, il n’en est pas moins imprudent de le laisser sans soins aucun, pouvant mettre en danger, lui-même et les tiers….

Je regrette Gascogne, je ne fais pas beaucoup avancer le débat mais je n’ai jamais été confronté à un cas aussi problèmatique.

Il m’est par contre arrivé, en tant que JLD de devoir mettre en détention un mineur ayant fugué d’un CEF, mineur qui par la suite s’est suicidé.
Là, pas de dilemme AVANT la décision, mais après une lourde culpabilité.
ou cet autre cas, en tant que JAP, une libérée conditionnelle pour meurtre qui par désoeuvrement, solitude, a volé le tapis de sa voisine, une infraction que le JAP que j’étais ne pouvait laisser sans réponse.
Il me fallait la convoquer.
Et elle s’est suicidée peu avant de me rencontrer.

107. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:52 par Tom Rakewell

Gascogne, une parabole a pour but de présenter un enseignement moral ou religieux. Quel est l’enseignement ici ? “Les choses ne sont pas binaires dans la vie ?” Il aurait fallu s’arrêter à la fin de la parabole et ne pas demander leur avis aux lecteurs. Jésus fait rarement un sondage à la fin des siennes.

Comme le dit très bien Marcel en 91, votre cas est extrême. Là, on est sûr que le gars est coupable. Il manque seulement une petite apparition de saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite pour confirmer que oui, oui, c’est bien lui. Vous parlez de cas similaires dans la vraie vie. On parle bien d’une certitude quasi-mathématique de culpabilité ou du même niveau de certitude que celui de la policière de l’Histoire noire IV de maître Mo ?

On ne peut pas raisonner sur un cas extrême comme le vôtre. On ne peut que répondre par des principes moraux. Le seul qui peut prendre une autre décision est celui qui se trouve effectivement dans la situation, qui répondra de sa décision devant sa hiérarchie, la société et sa conscience. Même si on tente de se mettre dans la peau du personnage que vous nous présentez, ça reste un jeu de rôle et personne n’est vraiment responsable de la position qu’il poste ici.

Une suggestion : l’Église catholique est très bien rodée sur la question et fait la différence entre théologie et pastorale au moins depuis l’invention de la confession privée. Un séminaire commun acteurs de la justice/prêtres me paraît s’imposer !

108. Le dimanche 17 janvier 2010 à 12:58 par WhatDoesHeSay?

Bonjour Gascogne

Merci pour votre billet.

Vous posez un problème de cas de conscience en effet, qui vous tiraille d’un côté entre le droit et ce vous devriez faire, et d’un autre la morale (vos valeurs) qui vous commanderaient de faire autre chose. Pas simple, et il y a d’autres métiers qui posent ce genre de dilemme.

Je suis un kesskidi et je n’ai sûrement pas la prétention d’avoir un avis tranché sur la question. Ce serait tellement simple, qu’un ordinateur pourrait s’en occuper finalement! Mais nous sommes des hommes et femmes.

Je serais tenté de dire de faire pour le mieux, au regard du droit et de vos valeurs que vous ne pouvez pas laisser de côté (je lis dans les commentaires beaucoup de choses qui grosso modo vous disent que votre morale n’a rien à voir là dedans. Je me demande comment ces personnes fonctionnent “dans la vraie vie”!).
N’y a t-il pas dans le code et les procédures, un moyen d’annuler certes cette GAV illégale mais de rattraper aussitôt le zinzin pour protéger la société? Je ne parle pas de prendre des mesures qui vont à l’encontre du droit, mais bien de mesures correctes qui permettent à l’homme de droit mais aussi au citoyen de faire son devoir?
Je comprends que tout ce qui a été dit lors d’une GAV illégale ne peut être utilisé devant une cour par la suite, mais un fonctionnaire ayant connaissance d’un crime ou délit ne doit-il pas le dénoncer?

Justement parce que vous n’êtes pas une machine, vous avez sûrement la possibilité dans votre attirail de faire en sorte que les deux, droit et morale, ne soient pas bafoués! Non?

Dans mon domaine d’activité (aviation) il y a une ligne dans la loi qui me dit (du moins au Canada) que je peux, en cas d’urgence, m’affranchir d’à peu près toutes les règles écrites afin de préserver l’avion et les vies à bord. Ca simplifie beaucoup la décision en cas de “cas de conscience” entre ce qu’on devrait faire au regard des procédures (eh oui nous avons aussi des “procédures” à bord!) et ce qui serait mieux de faire dans l’instant. A moi de justifier a posteriori de mes actions…

J’ai quand même une question qui me gratte cher Gascogne, et j’aimerais que vous et / ou un OPJ me réponde:
Bien que tout le monde ait droit à l’erreur, y compris cet OPJ dans votre récit qui se manque un peu en terme de délai pour vous annoncer la GAV, il y en a certaines qui ont des conséquences fâcheuses, et du reste les tribunaux jugent à longueur d’années bien des hommes et femmes qui, malgré leur volonté, ont provoqué quelques dégâts et autres dommages. Faute involontaire mais faute quand même, elle tombe parfois sous le coup de la loi.

Pour en revenir à l’aviation, nous faisons des erreurs, toute l’année. Certaines (très souvent) font l’objet de rapports qui ont pour seul et unique but d’améliorer les procédures (on ne veut pas que a se reproduise, on veut partager avec les autres pilotes ce qui nous est arrivé pour éviter l’accident ou l’incident, on veut améliorer des documents d’approche, etc etc). L’idée est d’améliorer la sécurité.
Parfois lorsque les erreurs sont telles elles provoquent l’accident et en général un tribunal distribuera les responsabilités, après les journaux. Mais le rapport d’accident sera travaillé par quelques personnes pour comprendre ce qui s’est passé, et trouver des méthodes afin que ça ne se reproduise plus.

Retour à mon OPJ… Que faites vous et que pouvez vous faire quand vous avez ce genre de problème en face de vous? Quelles sont les retombées sur l’OPJ de ce genre d’incident? Quelles sont les méthodes utilisées dans votre domaine d’activité afin que les erreurs soient analysées et ramenées au service de police ou gendarmerie qui en sont à l’origine? Je ne suis pas pour blâmer à tout bout de champ dans la mesure où c’est bien souvent contre productif, mais à un moment il faut que les erreurs soient signalées non? Ca se passe comme ça?

Cordialement,

109. Le dimanche 17 janvier 2010 à 13:09 par Marianne

Le droit et les règles donnent les principes mais il reste toujours notre responsabilité d’être humain.
Personne ne devrait décider de manière mécanique, sans prendre en compte le contexte et les conséquences. Même si oui cela complique sérieusement la vie.

110. Le dimanche 17 janvier 2010 à 13:23 par Marianne

[HS]

111. Le dimanche 17 janvier 2010 à 13:36 par Etudiant en dépression post partiels

Si je ne me trompes pas, vous êtes magistrate.

Et je trouve extrêmement grave de voir une magistrate, garante des libertés individuelles, nous expliquer que la protection des dites libertés, ce n’est finalement pas si important que ça.

Si tous les magistrats sont comme vous, il ne faut plus s’étonner de la méfiance des français envers la justice.


Gascogne :
Attention à la dépression, elle empêche de réfléchir…


112. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:15 par Boule75

De la part d’un mékiskidi, donc, quoique fidèle à ce site. D’accord avec Marianne en 109.

J’infère du billet et des commentaires que, si la nullité sur la forme est avérée, notre droit actuel prévoit que l’ensemble de la procédure soit automatiquement annulé, du moins pour ce type de délit. Et ça me fait frissonner.

Dans la “parabole” de Gascogne, le retard de 15mn ne modifie rien au fonds, me semble-t-il, ce quart d’heure n’a pas été mis a profit pour finir de le torturer, etc… Et c’est pour cette vétille qu’on voudrait relâcher le fauve ? Allons donc !

En matière d’élections, me semble-t-il, l’annulation n’est prononcée que si une fraude est jugée suffisamment efficace pour avoir potentiellement modifié le résultat du scrutin. Mais s’il s’agit de viols et meurtres, il suffirait d’une virgule mal-venue, ou d’un petit quart d’heure, pour faire annuler une procédure ? J’ai peine à le croire. Professions du droit et députés marchent sur la tête si c’est le cas.

Le confirmez-vous ?

L’avocat, s’il soulève la nullité, me semble dans son rôle. Mais il conviendrai que le JLD ou le proc’ ou qui que ce soit chargé de maintenir l’affreux au frigo, le temps qu’on soit sûr qu’il pourrait n’être pas un monstre, ait légalement la latitude de décider si le non-respect de la forme (le 1/4 d’heure) entache le fonds (i.e. la procédure a-elle bafouée pour charger indument le suspect et/ou le maltraiter).

Une règle absolue, quand elle devient absurde, est soit légitimement bafouée, soit suivie avec des résultats potentiellement catastrophiques. D’où l’importance de ne définir de règles absolues que quand ça en vaut la peine, et, concernant ces procédures de GAV, je n’en voit pas l’utilité.

Entre l’esprit et la lettre, toujours trancher en faveur du premier.
Ce qui n’empêche pas de sanctionner l’auteur de l’infraction procédurale s’il le mérite, histoire de favoriser l’application de la règle quand même…

C’était mon grain de sel.

P.S. : dans la série “j’abhorre les règles absolues appliquées sans discernement”, le code de la route en fourni de nombreuses. Est-il repréhensible sur le fonds de “couler” un stop quand la visibilité est parfaite et qu’aucun véhicule n’est en vue ? Faut-il s’interdire de franchir une ligne blanche quand un véhicule obstrue sa file et que nul ne vient en face ? Peut-on respecter les écarts minimaux fixes par le code de la route avec piétons (1m), cyclistes (1m) et voitures (50cm, de mémoire) en circulant en ville ? Bon courage… La règle peut-elle tout prévoir sans devenir absurdement complexe et inexploitable ? Ben non… Mieux vaut le prévoir l’exception en l’établissant. <mode “je pontifie en l’air” off />

113. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:21 par Bziaou

@ Etudiant
Vous êtes, je l’espère, un jeune étudiant: il le faut, pour être autant pétri de certitudes, de ces certitudes de ceux qui n’ont jamais eu à appliquer le droit ou être confrontés à des situations difficiles.

Si vous y réfléchissez un peu, vous comprendrez sans doute que Gascogne nous offre ici un dilemme: il ne cherche pas à le trancher, mais montre bien la fonction parfois schizophrène du juge, qui est là à la fois pour protéger la société, et pour protéger les libertés individuelles. Il est aussi absurde de dire: il faut à tout prix soulever la nullité, que de dire: il ne faut pas la faire, car le bon sens dicte de protéger la société. Dans les deux cas, on ne regarde pas la situation dans son ensemble, on ne regarde pas les enjeux.

Ensuite il faudra trancher, et c’est sans doute le plus dur: mais une fois la décision prise, une fois le curseur placé, le seul réconfort de celui qui a tranché sera de savoir qu’il a fait ce choix de manière rationnelle, en pesant le pour et le contre. Mais au moins, on aura fait preuve de bon sens, non pas en choisissant la “bonne” solution (je gage qu’elle n’existe pas), mais en essayant de réfléchir sur sa décision, plutôt que d’appliquer avec mépris une solution apprise par cœur en 2e année de droit.

Et quant à la méfiance des français vis à vis des magistrats: je gage que si vous faites un sondage parmi eux sur ce dilemme, le curseur ne sera pas, mais alors pas du tout, en faveur de la liberté individuelle, mais plutôt en faveur de la protection de la société.

114. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:22 par lambertine

J’ai essayé de réfléchir à ce dilemme. Contrairement à d’autres, je n’y suis pas parvenue. Le cas présenté est trop extrême, et par là trop théorique pour que j’arrive, moi, à le prendre au sérieux. Il me met très mal à l’aise sur plusieurs points, déjà évoqués par différents contributeurs à ce débat. Quid de la responsabilité des différents protagonistes ? Quid du “curseur” : ce qu’on est prêt à accepter pour ce tueur psychopathe irrécupérable (?) en aveux spontanés, l’acceptera-t-on pour le client de Maître Mô ? Bref, non seulement je n’arrive pas à réfléchir à ce dilemme, mais je n’arrive même pas à avoir théoriquement peur du tueur en question. Désolée.

115. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:39 par Dieulepere

Je ne suis pas encore avocat et je doute d’être un jour confronté à ce genre de problème tant l’hypothèse de croiser un tueur en série m’apparait comme étant peu probable (fort heureusement).

Toutefois je pense que je soulèverai la nullité, je resterai dans mon rôle. Sans doute ne serai je pas très fier mais je crois que chacun doit rester dans son rôle.

116. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:40 par jugeotte

Eh! oh! “l’étudiant en dépression post partiels”… reprenez-vous, respirez, dépressurisez…. apprenez à lire, et si vous n’avez rien de mieux à dire, abstenez-vous. On aimerait qu’un étudiant (au fait, en droit?) fasse preuve d’un peu de réflexion, et ne pense pas que l’exercice d’un doute raisonnable discrédite les magistrats en particulier, et la justice en général. Que ne diriez-vous si les juges remplissaient des cases sans se poser de questions? applaudiriez-vous des deux mains en affirmant que voilà une bonne manière pour redonner aux Français la confiance perdue?….
Ce billet est, au contraire, une formidable occasion de r-é-f-l-é-c-h-i-r. Et je m’étonne d’un argument à plusieurs reprises proposé, celui de la distance entre la “théorie” et la “pratique” présupposée infranchissable, ou autrement dit encore, entre la “fiction” et la “réalité”, argument qui discrédite les premières au nom d’une quelconque efficacité de la seconde.
Il me semble, au contraire, que si l’on veut avoir, non pas des certitudes valables pour l’éternité, mais un coefficient de certitude plus solide que fragile à l’épreuve des faits, il faut réfléchir, se poser les/des questions en amont, ne pas attendre d’être le nez dans le guidon et risquer ainsi de ne pas prendre la bonne décision.Rien ne peut apporter d’ailleurs cette garantie. Mais les magistrats ne sont pas exemptés du devoir de raisonner. C’est ce que Gascogne fait ici. Et raisonner, réfléchir, se mettre en capacité de se mesurer à la difficulté, voire à l’aporie n’a pas toujours sa place dans l’effectivité des évènements.
J’ai, pour ma part, souvent fait valoir à mes proches, ou à des interlocuteurs arqueboutés sur leurs réactions passionnelles à l’époque du débat sur l’abolition de la peine de mort, qui m’opposait toujours l’argument “et si c’était un de tes enfants la victime” la réponse suivante : c’est justement pour n’avoir pas à renoncer à mes valeurs intellectuelles si le malheur me frappait, que je tiens à réfléchir hors de tout passion, et demander autour de moi qu’on me rappelle mes engagements et mes propos. L’opposition théorie/pratique, idéal/réalité, pensée/action…. ne me paraît pas tenir. C’est pour avoir réfléchi à des lignes, des points d’appui, des critères, ou avoir pris le temps de s’interroger dessus, pour le moins, que ceux qui ont en charge l’humain (et pas seulement les juges) pourront dégager du respect.
Merci Gascogne d’avoir pensé à haute voix.
Il y a quelques années,(4?) le sujet de culture générale au concours d’entrée à l’ENM était la phrase d’Alain :” Le doute est le sel de l’esprit…” et la suite que je n’ai pas mémorisée. Je ne suis ni magistrate, ni juriste de quelque manière que ce soit. Juste passionnée.

117. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:46 par bleu horizon

Bon je reprends pour quelques memeskidi

Les enquêteurs sont d’autant plus contents que le mis en cause ne fait aucune difficulté pour reconnaître les faits. Ils les assument pleinement, et affirme même qu’il recommencera dés qu’il sortira, pour toutes sortes de justifications (voix le lui ordonnant, besoin irrépressible, rejet de toutes règles de vie en société, ou psychopathie, fait qu’il est condamné par sa maladie, et que dés lors rien ne saurait l’arrêter…).

Un expert psychiatre passe voir le mis en cause sur le temps de la garde à vue, et confirme ce que tout le monde pensait déjà : il est particulièrement dangereux, au moins d’un point de vue criminologique. Les risques de récidive sont extrêmement élevés.

Nous avons ici trois élèments

  • l’existence d’un trouble mental;
  • la nécessité de soins de ce trouble;
  • une atteinte grave à l’ordre public.

la procédure d’hospitalisation d’office (HO) s’applique donc

elle concerne les malades mentaux compromettant l’ordre public et la sécurité des personnes. Il s’agit alors d’une mesure administrative prise par le préfet du département (préfet de police à Paris) ou en urgence par le Maire de la commune ou le commissaire de Police confirmé sous 24 heures par le prefet.

Un médecin rédige un certificat médical circonstancié et le préfet prononce, au vu de celui-ci, l’hospitalisation d’office.

En cas de danger imminent, pour la sûreté des personnes, le médecin atteste de la dangerosité du patient (donc une simple attestation suffit)

Dans notre,exemple notre psychiatre est d’accords avec tout le monde…, on ne peut garder notre psychopathe en garde à vue, il faut nécessairement soulever la nullité. Mais il faut souligner que l’hospitalisation d’office est une mesure administrative dans un cadre médical, rien de s’oppose à l’application de cette procédure.

pour compléter, l’arrêté préfectoral peut faire l’objet d’un recours :

  • Sur le bien fondé de la mesure : par requête auprès du juge des libertés et de la

détention du tribunal de grande instance qui statue en référé, en vue d’une sortie

  • Sur la régularité formelle de la mesure : auprès du tribunal administratif dans un délai

de deux mois après la notification

enfin bref, en l’espèce, le droit s’applique, le prévenu doit être tout de suite libéré redevenant ainsi un simple citoyen mais il doit aussi être interné immédiatement en hôpital psychiatrique pour devenir un patient en HO.
Par ailleurs, rien n’empêche les forces de l’ordre de poursuivre leurs investigations afin d’apporter de nouveaux éléments à l’enquête.

réf Art. L. 3213.2 et Art. L. 3213.1 du CSP

Il n’existe pas, à mon sens et en l’espèce de dilemme

118. Le dimanche 17 janvier 2010 à 14:50 par Dieulepere

Quant à la seconde partie de la question concernant le placement du curseur entre la défense des libertés publiques et l’intérêt de la société. j’avoue que je persiste à distinguer entre le rôle de chacun (Pas très français non?).

L’intérêt immédiat de la société est d’empêcher la récidive et ceci très clairement. Mais l’intérêt à plus long terme est justement la défense des libertés publiques qui implique peut être un haut niveau de défense.

Si on met de côté, ne serait qu’une seule fois, les libertés publiques, n’est ce pas créé un dangereux précèdent ? En l’espèce, les faits peuvent éventuellement faire pencher la balance (si l’on considère qu’il s’agit bien du tueur en série). Mais n’y a-t’il pas un risque d’arbitraire tenant au caractère éminemment subjectif d’une telle question?

Cruel dilemme….

119. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:01 par Holmes

Dilemme 1 - ” La chèvre” d’Apollon ?

Dilemme 2 - “L’âne de Buridan” ?

120. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:11 par RG

@102 Véronique

Par exemple si cette histoire se passe entre le 15 juillet et le 15 août, ou au mois de mai, ou entre le 24 décembre et 2 janvier, ou au mois de février, ou à Pâques, qui pourra certifier au procureur que le filet de sécurité sera opérationnel ?

Rappelez vous l’affaire Treiber évadé versus forces de l’ordre, la réponse me semble à l’évidence OUI, il y aura les moyens.

121. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:16 par jugeotte

@ Holmes : Buridan est un moine du XIVème siècle. Pour illustrer l’affirmation selon laquelle il ne saurait y avoir de liberté sans réflexion, sans raison, disons sans l’usage de l’esprit, il propose la scène suivante : un âne, à égale distance de deux seaux de nourriture différente, ne sachant -le verbe est fondamental, c’est en effet une question de savoir, de connaissance, de conscience, cum-scientia- lequel “choisir” se laisserait mourir de faim. Descartes a repris cette image et cette référence pour montrer qu’on ne saurait être libre, ni en ayant seulement à choisir entre telle et telle décision, ni en ayant aucune raison de choisir.(ce que l’animal ici illustre) Mais en choisissant en toute connaissance de cause. Un choix éclairé donc, qui n’est ni un obstacle ni une soustraction de liberté, mais en est, au contraire, la condition.

122. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:29 par Marcel

@Gascogne, sous 91 : Je vous le redis, votre parabole cite un cas extrêmement théorique et que personne ne rencontre jamais, ou plutôt, une personne, une fois, en cinquante ans, et qui ne lit probablement pas ce blog. On peut toujours en débattre, comme du sexe des anges, et c’est sûrement intéressant, mais ce n’est pas un débat essentiel.
Un débat qui pourrait être essentiel, c’est de poser exactement la même question, mais sur un cas beaucoup plus borderline. Vous prétendez avoir des cas similaires “tous les jours” : non. Vos cas ne sont pas similaires. Présentez-nous un cas de tous les jours.
Posez-nous la même question à propos d’un type accusé d’avoir commis 2 viols, qui nie au début de la procédure mais qui finit par avouer à la 40ème heure, contre lequel il n’y a pas, pour le moment du moins, de preuve matérielle, et dont il n’est ni évident qu’il récidivera, ni évident qu’il se tiendra à carreau. Et vous verrez bien les réactions…

Mais poser ce genre de questions à partir d’un exemple aussi extrême pour ensuite le généraliser à des cas de tous les jours, ce n’est pas juste une parabole, c’est vraiment du niveau de “la peine de mort, et si c’était votre enfant qui avait été tué ?” ou “faut-il torturer un terroriste dont on est sûr et certain qu’il sait où est posée la bombe pour sauver des innocents” pour la torture… on peut toujours se poser la question, mais ça devient malhonnête dès lors qu’on sait qu’en réalité, on aimerait poser la question pour des cas tellement moins graves.

Je vous le dis : oui, on peut se poser la question pour un cas aussi extrême que celui de votre billet. Pour un cas de tous les jours, un Patrick Dills, un Alain Marécaux, un Christian Ranucci, bref une affaire qui a un tant soit peu de réel derrière elle, la question ne devrait même pas se poser, c’est libération immédiate et sans hésitation, pour quiconque a un tant soit peu de conscience professionnelle.

Un cas théorique, par définition, n’est pas pratique, et donc la question posée n’a pas vocation à se poser dans la pratique, dans la vraie vie. Dès lors, pourquoi la poser ? Et quand je vois votre réponse sous 71, hélas, la réponse m’apparait évidente : parce qu’en fait, cette question, vous vous la posez dans des cas pratiques tout différents, mais que vous n’avez pas osé la poser sur un cas moins évident, parce qu’alors les réponses auraient risqué d’aller nettement plus dans un sens qui ne vous arrange pas, celui de “la question ne se pose même pas tant la libération est évidente”.

La question de savoir si on peut torturer pour obtenir l’emplacement d’une bombe est intéressante, mais je suis désolé, quand c’est Bush qui la pose et qu’il admet un peu plus tard qu’en fait la question de l’autorisation de la torture peut aussi bien se poser pour tous les détenus de Guantanamo, désolé, mais je trouve ça malsain.

123. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:42 par Marc

Suite du 53,

Je ne suis pas rassuré par vos réponses, simplement un peu surpris.

Le système semble plutôt bien fonctionner, je n’ai pas l’impression qu’en France il y ait un retour des milices et de l’autodéfense, les citoyens n’ont pas à se protéger des dangereux criminels que la justice libèrerait par manque de respect de la procédure…

Il y a peut être des cas réels que j’ignore…. pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?

124. Le dimanche 17 janvier 2010 à 15:55 par Blueberry

J’ai bien réfléchi et j’en ai conclu que si j’étais confronté à une telle situation, quelque soit le rôle que je tiendrai en tant que maillon de la chaîne, je feindrais de n’avoir rien remarqué et je continuerais comme si de rien n’était.
Je crois en la Justice, pas dans le Droit. Et relâcher dans la nature un individu dont la culpabilité est plus qu’avérée et dont la dangerosité est à ce point critique pour une “bête erreur” de procédure pénal, je vois difficilement en quoi prendre cette décision serait juste. De quoi causer des insomnies chroniques !

Néanmoins, à partir du moment où il me serait impossible de feindre l’ignorance, parce qu’un avocat, un magistrat, un greffier, etc. aura pointé du doigt le grain de sable dans la mécanique, eh bien je n’aurais pas d’autre choix que d’être d’accord avec lui et de le faire à mon tour. Et j’aurais alors la conscience parfaitement tranquille. L’autre en revanche, c’est pas dit.

Ce dilemme que vous posez Gascogne est très intéressant car nos réponses nous mettent à nu, notamment dans notre rapport personnel avec les droit.

125. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:05 par Marc

Une autre petite question.
Eolas passe beaucoup de temps à expliquer qu’il n’existe pas de “vide juridique”.

Le dilemme que vous proposez n’est-il pas un contre-exemple au “plein juridique”?

126. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:14 par peunepige

Peut-il y avoir une réponse satisfaisante à une telle situation?
Le choix logique balance entre deux possibilités aussi inacceptables l’une que l’autre sans que l’on puisse adopter de position intermédiaire. Les réponses à une telle question peuvent être classées en 3 catégories: choix extrêmes, choix contradictoires ou choix hors sujet.
Pour ma part je propose de demander à la personne mise en cause ce qu’elle en pense.
On pourrait également supposer que l’exercice a été construit pour provoquer un maximum de réponses dans le cadre d’un concours interne. Dans ce cas c’est réussi.

127. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:16 par Raph

On tombe ici dans le “vrai” métier de juge ou d’auxiliaire de justice (avocat, greffier, etc.) : fixer la limite.

Décider à quel moment la loi est trop vague et comment l’interpréter, quoi, entre la protection des libertés individuelles et la protection de la population.
On pourrait même dire : on va arriver à la limite des compétences de la justice et de l’exécutif.

Le juge devrait ignorer l’ordre public, qui est le rôle de l’exécutif et du juge administratif : il y a une loi, une personne qui a été privée de ses droits.

Mais il n’est que juge : comme le non respect n’est pas d’ordre public, si l’avocat ne l’a pas vu, pas de chance : on ne dit rien. On est juge, pas avocat : on ne peut pas faire le bonheur des gens malgré eux. Et si l’avocat est incompétent, c’est triste mais c’est comme ça. La loi est la loi.
Si c’est soulevé, on applique le même raisonnement : l’avocat l’a vu, la loi est claire, la procédure est nulle. Donc, on libère.
C’est d’ailleurs ce que fait le juge administratif pour les “affaires courantes”: la loi, c’est la loi. Le mec conduit avec 3g dans chaque bras a perdu 8 points suite à un homicide involontaire ? Le ministre ne retrouve pas la preuve de l’information préalable ? On rend points et permis.
La père de famille qui a commis des petites infractions qui lui ont couté 2 points ? Le ministre fourni les preuves ? On ne rend pas le permis. C’est moche, mais c’est comme ça.

Après, on peut se dire que la loi est un principe général. Une norme qui est faite pour que, dans la majorité des cas, ça fonctionne. Bref, un système qui arrange tout le monde.
La CEDH reconnait l’existence de principe dérogatoire pour “la bonne administration de la justice”, par exemple : la procédure de l’ordonnance pénale ou de l’amende forfaitaire, l’existence de formulaire, etc.
Dans ce cas précis, ne faut-il pas, eu égard aux circonstances, déroger à la loi ? Reconnaitre son imperfection à résoudre tous les cas ?

Je suis partisan de cette théorie. Admettre que la loi fonctionne dans la majorité des cas mais reconnaitre que, parfois, ça ne marche pas.
Et c’est là, le rôle par excellence du juge : trancher pour le petit nombre, l’extrême minorité (pour ne pas dire le reliquat) qui frôle cette barrière.
Le juge doit, pour trancher, voir l’ensemble du dossier : que reproche-t-on à la personne (crime ? délit ? contravention ?)? quelle est la violation de ses droits (l’a-t-on torturé ? privé d’un avocat durant un certain temps ? Oublié de lui notifier un droit qu’il n’aurait de toute façon jamais mis en pratique ? Qu’elle était la complexité de la procédure) ? et surtout, quel impact réel y-a-t-il sur la procédure ? Est-ce substantiel ?
Est-ce grave si on a pas indiqué à quelqu’un qui parle et comprend parfaitement le français qu’il a le droit à un interprète ?
Parce qu’au fond, si on prévient le parquet à la 1h et 59 secondes de la GAV, on est bon. Par contre, une seconde plus tard, ce n’est plus bon ? Ca change de 1s ! Est-ce grave ?
On peut alors prendre le raisonnement à l’envers : si une autorise 1s, pourquoi pas 2 ? Et si deux, pourquoi pas 3 ? etc. et à la fin, on se retrouve à prévenir 12h après ? après tout, 12h, c’est 1s après 11h59min59s !

On doit fiixer la limite.
Quand ce n’est que du matériel, c’est relativement facile.
Par contre, quand il y a des existences en jeu (30 ans de prison, le renvoi dans son pays d’origine, etc.), c’est délicat.

Quand le cas de l’exemple, je pense qu’il faut admettre qu’un tueur en série reste un tueur en série. Qu’il a admis les faits. Que le fait que le parquet ait été prévenu 15 min n’aurait rien changé. Que l’auteur des meurtres aurait parlé, que son avocat ait été présent ou non.
Le proc devrait le déférer. Soulevé ou non, le juge devrait ordonner la provisoire, que l’avocat le soulève, que son greffier le lui le signale. L’avocat doit le soulever, c’est son métier.
Tout comme le parquet doit, s’il la repérer, essayer de voir s’il n’existe pas des moyens de maintenir en détention malgré le problème (mandat d’arrêt internationaux, système de rétention administrative qui pourrait être utiliser, mesure de sureté, etc.)

Donc, dans le cas précis :
si je suis proc : je défère
si je suis avocat : je soulève la nullité
si je suis greffier : je ne dis rien
si je suis JI : je propose la détention provisoire
si je suis JLD : je couvre la nullité
si je suis juge pénal : je condamne
Et en tant que CEDH : je reconnais que, pour la bonne administration de la justice, la France avait raison.

128. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:17 par Beber

Attention ceci est une opinion de mékeskidi (vous êtes prévenus, je ne vous prends pas en traitre).

Je pense que la clé de voûte de l’exemple de Gascogne est le test ADN qui révèle que nous avons, sans “erreur possible” (je cite), bien à faire au coupable recherché. De ce point de vue, l’invocation de la protection des innocents et du droit à la présomption d’innocence n’a plus beaucoup de poids (autre que purement théorique). Si j’étais président procureur, je fermerais donc les yeux sur la nullité de la procédure.

Ceci dit, je ne sais pas si cela serait bien utile à la “protection de la société” (Personnellement, j’ai toujours trouvé cette expression un peu pompeuse. Pourquoi pas la protection de l’humanité toute entière tant qu’on y est ? On se gonfle un peu l’hermine là, non ?). Ça ne serait probablement pas très utile à la protection de la société, disais-je donc, car dans toute la procédure judiciaire qui va suivre, il va bien s’en trouver un pour soulever la question de la nullité (l’avocat étant le meilleur candidat). Auquel cas, on retourne à la case départ et ce, malgré que le procureur ait surmonté son cas de conscience pour protéger la veuve et l’orphelin (C’est beau ! Quel homme !). Tout çà pour çà ? Oui, mais au moins le procureur aura essayé. Et puis bon, maintenant, les services de police savent dans quelle direction ils doivent concentrer leurs efforts. C’est déjà çà.

Au risque de paraître provocateur, je dirais que, la culpabilité ne faisant (presque) aucun doute, l’exemple de Gascogne ne me semble pas tant un cas de conscience mais plutôt un problème “technique” de Droit.

En revanche, s’il n’y avait pas le test ADN et que les seuls éléments dont on disposait étaient les aveux et l’avis de l’expert psychiatrique alors là oui, nous aurions à faire à un cas de conscience. Toutes les certitudes s’écrouleraient et nous n’aurions plus que des présomptions. Fortes certes, mais des présomptions tout de même. J’imagine que le plus raisonnable dans ce cas aussi de fermer les yeux ? A moins que le mec soit complètement givré et s’accuse de crimes qu’il n’a pas commis ? Ouais, mais justement pour faire ce genre de crimes, il faut avoir un pète au casque et c’est ce que confirme l’expert ? Ouais, mais s’il a une araignée au plafond, il peut tout aussi bien délirer et enfumer l’expert, ce ne serait pas la 1ère fois ? Aaaaarrrghhh…

129. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:28 par lambertine

@ Marcel

J’ai la même sensation de malaise que vous. Et je suis d’autant plus mal à l’aise que je la ressens ici. Quand je lis “Vous préférez être torturé et égorgé que placé en garde à vue ? “, je suis mal à l’aise. Pas parce que je ne risque pas d’être égorgée (quoique le risque soit minime) mais parce que le risque que je le sois par un tueur en série remis en liberté pour vice de procédure après aveux complet et expertise psychiatrique ultra-rapide en garde à vue. Que ce soit moi, ma mère (qui risque plus de mourir d’une fracture du col du fémur consécutive à un arrachage de sac, et encore plus d’une chute dans sa cuisine, que du couteau d’un simili-Thierry Paulin bénéficiaire du manque de conscience professionnelle d’un OPJ surmené), ma fille ou même ma petite-fille. Par contre, j’ai l’impression d’être prise pour une imbécile (ce que je suis peut-être, mais passons…). J’ai l’impression que l’on veut me forcer la main, me faire dire “non, bien sûr, donc le proc’ doit fermer les yeux et prier”.

130. Le dimanche 17 janvier 2010 à 16:59 par Couplus

Puisque nous sommes dimanche, je vais tenter de répondre en “citoyen” : je trouve totalement anormal qu’un individu suspecté (ou confondu) d’être un tueur en série puisse être remis en liberté en raison d’une erreur de procédure.

Tout autre jour de la semaine, je répondrais avec ma robe d’avocat : peu importe mes états d’âme (s’ils sont incompatibles avec la défense, j’ai l’obligation de refuser cette cause), il FAUT évidemment soulever la nullité : le prévenu a le droit à un défenseur à 100 %. C’est précisément le sens des dispositions de l’article 6 CEDH : même s’il est “certainement” coupable, un prévenu a droit à une défense totale, respectueuse des textes.

Comment réconcilier les points de vue ? En s’indignant contre les erreurs de procédure, lesquelles seront inévitables tant que la Justice sera rendue par les hommes et non les machines (et encore …).

131. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:23 par A. P.

Etant avocat, je consulterais beaucoup parmi mes confrères.

Et je conclurais probablement que, pour que le système judiciaire soit équilibré, chacun doit remplir son rôle. Si les avocats se mettent à ne pas défendre, c’est le bordel. Je soulèverais donc la nullité.

Si malgré tout je n’arrivais pas à prendre moi-même cette décision, que je crois être la bonne in abstracto, je tenterais de me faire substituer dans cette affaire par un confrère sachant la prendre.

Un avocat qui a un dilemme peut (doit ?) sortir du dossier.

132. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:27 par Jean-Baptiste

Quel que soit mon rôle ou le niveau d’avancement de la procédure, je ferais en sorte que la nullité soit soulevée et l’individu relâché.

D’une part, supposons que la loi soit bien faite. Si le délai d’information est trop long, cela serait préjudiciable à un autre gardé à vue. Si la police est capable de ne pas respecter une célérité minimale pour un gardé à vue particulier, elle est capable de le faire pour tout le monde. Et si ça fâche l’imbécile opinion publique, au moins cela fera-t-il évoluer les procédures policières, voire peut-être simplement les moyens ou les objectifs.

D’autre part, supposons que la loi soit mal faite et que le délai prescrit par elle soit trop court. Dans ce cas-là, l’indignation de la toujours aussi imbécile opinion publique devra avoir pour conséquence la modification des textes de loi, au bénéfice de tout le monde.

Dura lex sed lex, et qu’elle soit appliquée rigoureusement, pour le bien de tous. Que la machine judiciaire, sous-dotée, surchargée de procédures stupides, conséquences de l’imbécilité majeure des créateurs de loi qui font ça comme des créateurs de mode, s’enraye sous l’effet d’une grève de zèle légal, et le pays se dérèglera, les politicards de tout poil seront bien obligés de faire changer, enfin en bien, les moyens et le fonctionnement de la justice, plutôt que de rogner sur l’un et surcharger l’autre.

133. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:29 par peine de mort

Le debat est le meme que celui de la peine de mort pour le meurtrier.

Si le gouvernement tue quelqu’un et qu’il trouve ca O.K, cela veut dire que tuer qq est O.K donc il ne fallait pas condamner le meurtrier a mort ou alors il faut aussi tuer le bourreau.

Le cas est le meme. On poursuit un suspect de meurtre mais on l’emprisonne arbitrairement. Cela rappelle le cas bien reel d un suspect de meurtre Dieter Krombach kidnappe en Allemagne ou de Carlos suspect de terrorisme kidnappe au Soudan ou de Jorges Montes suspect de viol.

Dans la pratique, en France, suspect = coupable, ceux qui ne respectent pas la Loi (du cote OPJ, juges etc) n ont pas de sanction et les suspects ne sont pas relaches.

Remarque pour les colocataires de meurtrier en serie :

1) Ne pas suivre votre colocataire lors de ses meurtres en serie;

2) Ne pas deposer votre megot sur les lieux du crime;

3) Ne pas raconter des blagues belges a l’OPJ ou lui demander de vous expliquer la Convention europeene des Droits de l’Homme, il va en oublier d envoyer son texto au proc ou a sa femme.

4) Ne pas se glorifier de ces meurtres meme en l absence d un avocat lors d un interrogatoire de police; et ne pas faire le rongeur devant le psy. de la police;

car sinon vous allez croupir en prison pendant pas mal de temps, si votre roomate change de hobby apres votre arrestation.

En tout cas, cela fait plaisir, d’avoir tous ses partisans de la detention a l infirmerie psychiatrique!

Tenons prenon un cas bien reel d’une arrestation illegale couverte par un internement illegal a Paris : CEDH R.L MJD c. France

http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/v…

Ne vous inquietez, tous le monde n’a pas 10 000 euro a investir pour une procedure a la CEDH et chaque annee plus de 2000 citoyens sont enfermes a l’infirmerie de la police pendant 24H.

50% sont relaches car n ayant aucun trouble psychiatrique mais uniquement des troubles aggraves de nullites de procedures… Pour guerir ces troubles, il faut un avocat et un acces au dossier de procedure, mais heuresement les avocats malgre la decision du conseil d etat n ont oujours pas acces a leur client a l infirmerie de police.

134. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:30 par LLP

En tant qu’avocat, je soulèverais la nullité, en regrettant peut etre en mon for intérieur de n’avoir pas été un OPJ devant un fax au début de la mesure de GAV.

Gascogne, pardonnez moi si j’insiste aussi sur l’HO…
Dans votre cas, vous dites qu’il “affirme même qu’il recommencera dés qu’il sortira, pour toutes sortes de justifications (voix le lui ordonnant, besoin irrépressible, rejet de toutes règles de vie en société, ou psychopathie, fait qu’il est condamné par sa maladie, et que dés lors rien ne saurait l’arrêter…)

Les justifications que vous envisagez sont le délire, les impulsions irraisonnées, la psychopathie et la dépression. Tout cela fleure quand même bon la maladie mentale. Dès lors, j’aimerais que le PR envisage de faire solliciter un autre psychiatre.

Un état mental défaillant et une dangerosité manifeste. C’est clairement le cas que vous nous proposez et ce sont aussi les critères de l’HO.

Par ailleurs, je me dois d’insister, comme avocat, sur le fait qu’il m’est très fréquemment arrivé de me trouver dans cette situation ; un système entier déraille parcequ’un fax n’est jamais parti, parceque des droits n’ont pas été notifiés, parcequ’il n’y avait pas d’interprète ou parceque les délais de comparution ont été explosés… et dans ces cas là, presque toujours, je n’ai pas constaté qu’il y avait une difficulté éthique pour l’institution, qui a couvert la nullité.

J’en ai ressenti une grande honte.

135. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:32 par RG

@ Gascogne

Figurez-vous que je serais très mal si le cas se présentait. Mais je crois que je fermerais les yeux.

Votre “client” ne passant pas inaperçu finira par avoir un bon avocat, qui verra la nullité.

Mais dans une situation sans issue il est humain (quoique…) de rechercher et d’espérer une issue, c’est ce que font les gens qui ont affaire à vous.

136. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:42 par J D

Bien, sans avoir lu tous les commentaires, voilà une idée de réponse.

Pour les parties :

Avocat : soit je me cantonne dans le rôle que le législateur a bien voulu m’assigner (allié objectif du parquet là pour légitimer la GAV) et je ne relève rien soit je fais mon boulot après avoir découvert cette nullité. Cela dit pour dédouaner les jeunes qui font des perm’, quand on est pas du tout pénaliste, qu’on se rend de nuit à l’hôtel de police (et oui l’hôtel c’est mieux la nuit) pour voir un type qui a l’air de mieux comprendre la procédure que vous et qui vous fait savoir que vous êtes un(e) jeune con(ne), on a surtout envie de laisser courir… Mais ça c’est le problème de l’ODA qui devrait faire son boulot.

Parquetier : Je m’aperçois que je suis une partie (si si c’est vrai) et par conséquent je ne me pose pas trop de question (sauf une : si on continue et que ma procédure tombe plus tard, qu’est-ce que je risque en terme de disparition des preuves et de durée de procédure supplémentaire). Et j’enguirlande mon OPJ avec menace de procédure disciplinaire…

Pour les magistrats (enfin au sens européen s’entend) :

JI : je suis le plus ennuyé. Je peux tenter de faire jurisprudence en fermant les yeux mais à ce moment là, je prends le risque de faire capoter la procédure ultérieurement… En tout cas, je ne vais pas aller téléphoner à l’avocat avant l’audience. Eventuellement un coup de fil au parquet pour vérifier qu’il a bien passé un savon au responsable (ma petite expérience : les commissariats organisés font gaffe à cette nullité là, même dans les patelins).

JLD : en tant que JLD, j’applique le CPP et je constate la dangerosité ou le trouble à l’OP (pour une fois que ce n’est pas théorique).

Tribunal : Je me permets de faire jurisprudence c’est mon boulot. Et puis comme j’ai le temps parce que tout d’un coup la chancellerie a recruté plein de jeunes collègues (humour), je bétonne ma motivation en droit (et ça permettra de préparer la suite parce qu’il va falloir ramer pour justifier à la CEDH l’insécurité juridique en matière pénale avec application d’une procédure ad hoc).

Et une bonne dose de tranquillisants pour tout ce beau monde. Tous font partie d’un système et nul ne peut s’ériger en avocat/procureur/magistrat à la place d’autrui. C’est insatisfaisant mais je ne vois pas mieux…sincèrement.

137. Le dimanche 17 janvier 2010 à 17:43 par chanson

Article 432-4 (Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100000 euros d’amende.

Lorsque l’acte attentatoire consiste en une détention ou une rétention d’une durée de plus de sept jours, la peine est portée à trente ans de réclusion criminelle et à 450000 euros d’amende.

Article 432-5 (Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ayant eu connaissance, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’une privation de liberté illégale, de s’abstenir volontairement soit d’y mettre fin si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de provoquer l’intervention d’une autorité compétente, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.

Le fait, par une personne visée à l’alinéa précédent ayant eu connaissance, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’une privation de liberté dont l’illégalité est alléguée, de s’abstenir volontairement soit de procéder aux vérifications nécessaires si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de transmettre la réclamation à une autorité compétente, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende lorsque la privation de liberté, reconnue illégale, s’est poursuivie.

Renaud :

Etudiant poil aux dents

Y a plus d’fachos dans ton bastion
Que dans un régiment d’paras
Ça veut tout dire eh duc*** !
..

138. Le dimanche 17 janvier 2010 à 18:07 par zutalors

Gascogne (19) :
90 % de procédures pouvant être annulées ? Pitié, citez moi vos sources…

Allez petite revision des nullites. On en voit tellement qu on ne sait plus ce que c’est. Le SAF a prevu un dossier sur les nullites :
http://www.lesaf.org/index.php?opti…

Ben avec l absence de l avocat pendant les interrogatoires de police et le procureur qui “controle” les mesures de garde a vue qui n est pas une autorite judiciaire, l absence d habeas corpus, c est plutot 100% sans compter les erreurs des OPJ. Sinon pour les sources, il suffit de lire les procedures et ne pas s arreter au rapport de synthese mais bon comme vous dites on n a pas le temps.

Gascogne (50) :
Ce serait trop simple. Bien évidemment, le procureur de permanence ne s’en rend pas compte au bout d’un heure et quart, mais bien plus longtemps après. Je vous rappelle qu’il n’a pas à traiter une seule affaire dans le cadre de sa permanence, mais une bonne centaine.

Hahahahaha. Le procureur n est non seulement pas une autorite judiciaire mais met en place un systeme qui ne permet pas au substitut du procureur de lire les fax qu on lui envoie ?

Quand l OPJ appelle et lui dis garde a vue depuis 12h22, il peut regarder sa montre ? et constater qu’il est 15h?

Cela doit etre l usine alors, un peu comme ca : http://www.youtube.com/watch?v=-QRt… . Une usine a mauvaise foi et a violation des droits fondamentaux.

139. Le dimanche 17 janvier 2010 à 18:20 par Eléonora

C’est toujours un plaisir de venir lire la depêche du jour….Bonne fin de dimanche !

140. Le dimanche 17 janvier 2010 à 18:45 par Véronique

@ Didier (post 105 - RG (post 120)

J’essaie de comprendre les choses du point de vue de Gascogne.

Je préfère un procureur qui, oui va transgresser, mais qui sait pourquoi il choisit l’option de la transgression et comment il va l’expliquer et le motiver à lui-même et aux autres acteurs du dossier.

Je ne suis pas certaine non plus, comme il est dit dans d’autres commentaires, qu’expédier la personne au préfet pour une hospitalisation d’office soit une solution à ce point exemplaire et garante des libertés individuelles.

Quant à mon idée d’un présumé tueur en série lâché dans la nature et pas encadré parce que c’est Noël, d’accord, j’évalue sans doute mal les moyens des policiers. Mais je pense aussi que le travail du procureur est d’évaluer la pertinence du dispositif policier mis en place.

141. Le dimanche 17 janvier 2010 à 18:59 par Jean-Christophe

Voici six ans j’étais un pauvre petit lycéen qui s’éclatait dans la chimie et qui choisit après son bac de suivre des études de droit. “Quel merdier ces sciences molles”, me disais-je! “En chimie le carbone c’est du carbone, le chlore du chlore, etc. Vive les sciences dures”.
Et voilà qu’après 5 ans d’études en droit pénal je me plais à débattre sur des hypothèses où droit et morale se disputent la solution, où tout n’est pas “strictement carbone” ou “strictement chlore”.

Merci Gascogne pour ces dilemmes qui ont le mérite à la fois de déchainer les claviers d’ordinateurs et surtout de mettre en évidence la difficulté d’appliquer le droit quand la morale vient mettre son grain de sel.

142. Le dimanche 17 janvier 2010 à 19:00 par yves

Je n’ai pas le goût à ce genre d’exercce hypothétique, en général ce genre de situation sert de prétexte (quand ça arrive) à des restrictions sur les droits des justiciables et/ou les libertés publiques.

Je dirais tout de même que chacun doit prendre ses responsabilités et que celles-ci impliquent le respect des procédures et des droits des justiciables, sans quoi la société ne peut pas avoir confiance dans sa justice.

Le gus en question doit être libéré, et si ça trouve c’est un hableur qui n’a rien fait et l’expert suit le modèle femme-de-ménage.

Après M. le Préfet peut toujours assurer ses arrières en l’envoyant faire un séjour en hospitalisation d’office.

143. Le dimanche 17 janvier 2010 à 19:18 par RG

@142 yves

Je dirais tout de même que chacun doit prendre ses responsabilités et que celles-ci impliquent le respect des procédures et des droits des justiciables, sans quoi la société ne peut pas avoir confiance dans sa justice.

Heu…., c’est pas l’inverse ?

144. Le dimanche 17 janvier 2010 à 19:28 par 13zenrv

Je ne comprends pas qu’on puisse encore passer du temps sur des questions théoriques que les anglosaxons (qui n’ont pas par ailleurs une justice laxiste) ont résolu depuis le XIIIe siècle. Quand l’autorité se plante, elle doit être sévèrement blâmée, mais les libertés publiques priment, le criminel doit être relâché. Et le flic doit être mis à pied.

145. Le dimanche 17 janvier 2010 à 21:03 par Leo

“Ils les assument” : si c’est le prevenu, ca devrait etre au singulier

146. Le dimanche 17 janvier 2010 à 22:10 par YR

Je ne comprends pas le but poursuivi par l’auteur.

Le cas théorique présenté ressemble beaucoup à ces habituelles exceptions que présente le gouvernement pour justifier une politique pénale de plus en plus répressive et attentatoires aux libertés publiques.

Nonobstant, sur le fond, il n’y a pas de question à se poser, sauf à vouloir mettre à bas nos principes actuels. Il y a nullité, donc il y a remise en liberté. Point. Sinon, je ne souhaite à personne d’être celui sur le cas duquel un juge décidera de fermer les yeux parce qu’il a des états d’âme… Et l’importance relative de la faute, ou pire, du risque posé par le citoyen concerné (en quels termes, par qui, de quel droit) ne peut être comparée à la petitesse de la bévue des autorités.

C’est la procédure qui est à faire appliquer plus strictement. Et si elle ne peut l’être, il faut donner les moyens qu’elle le soit. Sinon, alors, si les dégats qu’elle cause par son essence même sont trop importants par rapport à son but, alors, oui, on peut envisager de la modifier. En tremblant que la modification ne soit pas pire que l’existant.

Trop intello comme position ? Imaginez vous seulement à la place de celui qui part au trou parce qu’un juge s’est arrogé le droit de fermer les yeux (plutôt qu’à la place de la victime, forcément) ! Si ce genre de décision est possible, cela ne touchera pas toujours l’assassin pervers mutirécidiviste incurable épouvantail. Mais tous ceux dont le juge décidera qu’il ne doit pas être traité comme les autres.

Vraiment inquiétant ce billet…

147. Le dimanche 17 janvier 2010 à 22:20 par Sous toutes réserves

J’ai lu très tôt ce matin (insomnie) votre billet. Je me suis longuement questionné et j’ai lu tous les commentaires. Ma position rejoins celle de beaucoup d’autres, mais comme vous demandez l’avis de chacun, je me permets d’en rajouter une couche.

Si je devais intervenir à un quelconque niveau dans un tel dossier, j’évoquerai la nullité. Et je serais pris d’angoisse.

L’avocat qui accepte le dossier doit soulever la nullité. Le magistrat doit dire et appliquer le droit, quels que soient ses états d’âmes. ça peut vous sembler abrupte comme position, mais elle est justifiée.

Chacun des intervenants du dossier est là pour participer à l’oeuvre de justice. Vouloir faire abstraction des règles de droit pour une cause juste, c’est se faire Justicier ! Et il n’y a plus de limite.

Ici, on a un cas extrême : on a la quasi certitude que c’est bien lui le meurtrier (en plus il est pas sympa et il a mauvaise haleine), et une petite entorse à une seule règle de droit. Si je décide de ne pas voir la nullité, et donc de couvrir l’erreur de l’OPJ, un jour je serai amené à couvrir une autre erreur, assurément similaire : bon c’est pas un meurtrier, c’est un violeur ; pas de test ADN mais une description physique qui correspond ; parquet prévenu avec 50 minutes de retard au lieu de 15. C’est presque pareil, alors pourquoi ne fermerai-je pas les yeux ?

Je peux pourtant vous assurer que je serais terrorisé si j’étais face à une telle situation. Pourtant, en allant au bout de mes reflexions, il me parait nécessaire d’invoquer la nullité, malgré le risque, pour ne pas laisser l’arbitraire s’installer.

148. Le dimanche 17 janvier 2010 à 23:27 par PrometheeFeu

J’ai réfléchie un peu plus à votre question et je me dois de moduler ma réponse originale.
Je suis toujours du coté des libertés individuelles et cela pour les raisons que j’ai énoncé plus haut. Mais ici, les droits de la défense ne sont pas véritablement mis à mal. Pour le voir, il faut comparer la situation (avant l’annulation) avec ou sans le coup de fils:
D’après ce que je lit dans ce blog et d’autres, à par des cas vraiment extrêmes de bêtise dans la police, le contrôle de la garde à vue par le procureur est plus ou moins une formalité.
Donc, à supposer que le gaillards ai été interpellé pour autre chose que: “Avoir l’air louche et basané” il semble que le procureur aurait confirmé la GAV et donc on aurait eu les aveux, l’ADN etc… Donc en fait, le coup de fil au proc dans ce cas n’est pas une véritable protection des libertés mais rien d’autre qu’une pièce de théâtre dont les seuls spectateurs seront les magistrats du siège.
Je pense qu’il devrait y avoir une exception pour les nullités de procédure qui permettrait au procureur de démontrer que si la procédure avait été suivit, on aurait obtenue les mêmes résultats. (Je dit bien ici que la charge de la preuve serait à la partie qui souffre de la nullité)
En tant que citoyen, ce que je veux qu’on respecte c’est mes droits et libertés. Que l’on appel le proc ou non quand tout le monde sait très bien que le proc donnera son autorisation pour la GaV de toute façon, je m’en fiche. Par contre, si on ne donnait pas à ce monsieur son avocat ou qu’on ne l’informait pas de ses droits etc, ce serait une situation très différente et je serait contre son incarcération.
Mais sur ce dernier point encore, je passerais probablement une mauvaise nuit.

149. Le lundi 18 janvier 2010 à 00:02 par Paul Boyer

Heuh… une bête question d’un ignorant :

Si l’avocat obtient pour son client la relaxe pour nullité de la procédure et qu’il sort libre (ce qui me semble devoir être l’objectif de l’avocat).

Cela interdit-il à la police de l’arrêter juste devant la porte pour le placer à nouveau en garde à vue (mais cette fois, en respectant la procédure, et pour le motif qu’il est suspecté d’être un assassin de vieilles dames, plutôt que pour le motif de la gav initiale) ?

Par ailleurs, peut-être y aurait-il moyen d’utiliser une telle remise en liberté scandaleuse pour faire bouger la situation et obtenir que la France respecte mieux la convention des droits de l’Homme. Bien entendu, si c’est tf1 qui couvre l’affaire, cela ne servira probablement qu’à monter l’opinion contre la justice, voire contre les droits de l’homme (c’est à dire pour le droit des bêtes).

150. Le lundi 18 janvier 2010 à 00:50 par beldeche

Bonjour,

il me semble me rappeler un twitter où Maître Eolas décrit ce qu’il a fait dans une situation similaire…

Un point m’échappe vous dîtes que si on annule la procédure de garde à vue, il faut le libérer mais on ne peut le remettre en garde à vue.
La police ne peut-elle reprendre la garde à vue sur le motif initial de suspicion sur les meurtres ou sur un autre motif ? (Julien Dray dit avoir mis en gav plusieurs fois).

Un autre problème qui peut se présenter c’est que vous êtes convaincu de la culpabilité du prévenu mais une erreur judiciaire est toujours possible…Outreau n’est-il pas une erreur judiciaire collective ?

J’avoue qu’après avoir tenté tous les échappatoires, je suis bien ennuyé.
Quand on lit comment Me Eolas prépare ses dossiers, si j’étais procureur, j’aurais tendance à ignorer le fait, à en informer ma hiérarchie et elle seule.
Je préparerais également une roue de secours: je jetterais un oeil au casier judiciaire du prévenu et essaierais de voir avec (ou suggèrerai à la) la police, si d’autre affaires dans la même zone peuvent faire naître un autre soupçon sur le prévenu. Si la nullité est découverte, on remet en liberté et de suite, on remet en garde à vue sous le nouveau motif, avec la nouvelle enquête la police doit pouvoir refaire le rapprochement avec les meurtres…

Tenir son rôle ou utiliser un système d’information parallèle, c’est une décision bien difficile mais aussi choquant que cela puisse être, je pense que là deuxième solution pourrait généralement être la plus juste surtout si le système déraille.

Ma réponse est un poil ambigüe mais c’est volontaire.

Pour ce qui est de la limite, la règle doit être l’exception pour les crimes les plus graves: meurtres, agressions entrainant des incapacités physiques permanentes, ha et peut-être les affaires politiques.
J’aurais tendance à ne pas inclure les viols mais je vous avoue que je ne connais personne à être passé par ce cas.

Diable…

151. Le lundi 18 janvier 2010 à 01:13 par Thorn

Bon…Et notre bonhomme tue en sortant son avocat, qui s’avère être votre père. Vous réagissez comment, mais bien entendu, uniquement sur le plan des principes ?
N’est-ce pas en raisonnant ainsi que certains décident de faire justice eux-mêmes ?

Mais une erreur étant si vite arrivée, entre la complexité des textes et les aléas du travail sur le terrain…
Pourquoi les textes sont-ils si complexes ?

152. Le lundi 18 janvier 2010 à 02:32 par lapocompris

Suite à la comparaison avec la torture faite par Nicolas (12), il y a eu des discussions sur sa justification. Mais personne n’a relevé que la torture est contreproductive. Pour échapper à la douleur, on peut tout dire et son contraire, avouer les crimes qui n’existent pas, etc.

153. Le lundi 18 janvier 2010 à 09:39 par Cinquo

Gascogne,

Après mon commentaire d’hier, j’ai repensé à votre dilemme. Manifestement à travers celui-ci vous posez la question de l’octroi d’une certaine latitude pour magistrats et accessoirement avocats dans l’application de la loi. S’agissant en particulier de règles de procédure cette question me semble aussi incongrue que celle que se poserait un commandant de bord pour savoir s’il ne peut pas (pour plein de raisons valables) écourter quelque peu sa check-list avant un décollage ou un chirurgien estimant que le protocole opératoire peut être raccourci.

Vous utilisez de surcroit le même procédé que celui mis en exergue, en 1981, par les partisans de la peine de mort : pour les crimes “horribles” notre pays peut rester barbare.

Le problème c’est que ce genre de petits accommodements entre amis avec le code, non seulement existe mais encore pour des affaires d’une gravité toute relative. Bien que le moi soit haïssable, je vous conterai une expérience personnelle.

Mon épouse circulant sur la rive droite de la rivière qui traverse notre micro sous-préfecture, est arrêté par des gendarmes qui lui reprochent un arrêt insuffisamment marqué à un panneau stop. Allure martiale, froncement de sourcils, grosse voix et délivrance d’un avis d’infraction. Rien que de très banal. De retour à la maison, en épouse tendre et soumise, elle me conte son aventure et me remet l’avis d’infraction. Bingo ! il porte comme lieu de l’infraction la voie située de l’autre côté de la rivière sans autre précision. Comme en plus des deux voies font à elles deux plus de quatre kilomètres et comportent nombre d’intersection dont seulement quatre sont débitrices d’un stop, la nullité du document est évidente. Courrier R.A.R dès le lendemain au procureur. Neuf mois de silence puis convocation à la gendarmerie pour audition. Confirmation des déclarations écrites. Trois mois plus tard, citation à comparaître pour dans neuf jours (si vous partez en vacances au mauvais moment…).

Nous arrivons donc au tribunal avec un avis d’infraction indiquant la voie A et une citation parlant de la voie B. Facile…

Au tribunal sur la douzaine d’affaires évoquées le même type d’argumentation fut soulevé dans quatre dossiers (33%) dont un dans le quel les poursuites étaient diligentées au nom de “monsieur le gérant de la société X”. Seul un avocat n’a pas été relaxé, il avait oublié de dire que sur la voie où il avait fait s’allumer le radar, il y avait deux limitations de vitesses différentes alors que s’il avait violé la plus basse il n’avait pas dépassé la plus haute…Nul n’est parfait.

Je me suis demandé pourquoi un procureur, avisé d’un cas de nullité évident, s’obstine à poursuivre alors que la justice et ses petits pois se disent débordés. Il est certain que cela ne peut être par méconnaissance de règles aussi basiques. J’en ai conclu, mais j’attends d’autres explications, que ce procureur estimait que d’une part en citant à l’extrême limite, il pouvait espérer une condamnation par défaut et que d’autre part les divers dérangements (audition à la gendarmerie, déplacement pour récupérer la citation chez l’huissier, présence un après midi entier dans la salle d’audience) devaient compenser les 150 € et 4 points qu’il savait ne pouvoir obtenir.

Voilà ce qui se passe, semble-t-il de façon banale, quand on commence à laisser un peu de latitude dans l’interprétation des textes.

154. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:01 par Ryuu

(j’ignore si cette solution a déjà été proposée, n’ayant pas le courage de lire tous les commentaires maintenant, alors je la poste quand même)

Si l’accusé déclare qu’il va recommencer, alors l’avocat ne doit-il pas taire la nullité, avec pour argument qu’être emprisonné est le meilleur moyen de protéger son client en l’empêchant de commettre un nouveau forfait?

155. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:20 par Andouille

Mon dieu, c’est abominablement pervers, comme question ! J’avoue, je ne sais.
Je me suis arrêtée aux alentours du commentaire 75, mais je révise mes partiels de droit, et ma pause ne dure que 5 minutes (vous me l’avez fichue en l’air, d’ailleurs, mais merci, une remise en question de ses principes est toujours bénéfique)

Ne pas le relacher, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres, comme dirait un mien ami.
le relâcher, c’est condamner quelqu’un à mort, semble-t-il, pour faire un raccourci évocateur.

Je préviens un maximum de personnes de l’erreur de procédure, dans ma hiérarchie, mais je le laisse enfermé le plus longtemps possible. En tant que pauvre mékeskelldit, des subtilités m’échappent peut-être, mais je ne pourrais pas le laisser sortir après ses aveux et les analyses du psy, même si je suis profondément attachée à la liberté, il s’est condamné lui même en me convainquant qu’il était dangereux au dernier degré.
Mieux vaut des remords de l’avoir laissé enfermé au mépris de son droit, que des regrets en lisant les gros titres sur un énième décés.

156. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:29 par thomcoll

En tant qu’avocat et pour reprendre le post d’Ulpien, votre dilemme n’en est pas un.

En effet, la situation que vous présentez n’est pas, contrairement à ce que vous avez répondu : la “vraie vie”. Ou alors, admettons que vous puissiez la considérer comme telle mais ayez au moins la courtoisie de ne pas l’imposer à quelqu’un qui, finalement, n’est pas de votre avis mais a clairement exprimé le sien.

Le retard dans le fax est une réalité mais le psychopathe tel que vous le présentez ne me paraît pas réaliste (sauf dans les magnifiques séries télé policières - que je regarde avec plaisir toutefois).

J’ai eu dans ma brève carrière un exemple plus “vrai”. Un homme est venu me voir pour une conduite en état alcoolique - 3 g dans l’air à 15h00. L’avis à Parquet était inexistant. J’ai donc obtenu la nullité et je n’ai pas hésité une seconde à le faire.

Sur la réflexion philosophique et professionnelle, je ne peux que m’associer au post d’Ulpen ainsi qu’à un autre qui indiquait : dura lex sed lex même si cette maxime me semble un peu réductrice.

157. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:40 par eul'Pingouin

Je vais faire du “write only”, n’ayant pas eu le temps de lire tous les commentaires.

Notre justice, n’en déplaise aus laïcards, repose sur le vieux paradigme du “Libre Arbitre”. On est coupable (ou pas), d’actes que l’on a délibérément choisit de faire. C’est dans ce cadre là que la justice est sensée focntionner. Donner à la justice (qui travaille sur le licite et l’illicite) le rôle de gérer les maladies mentales graves (je ne parle pas de nos petites psychoses individuelles) amène à des situations de non-sens comme celle que vous exposez.

La procédure, faite pour traîter des citoyens libres (psychiquement libres) n’est aps adaptée à la gestion d’un cas psychiatrique grave.

Je sais, je ne réponds pas à la question :).

158. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:45 par Ltr

Un grand bravo sincère pour l’exposé de votre dilemme.
Je n’ai pas eu autant que vous - je crois - de tels problèmes, à de tels niveaux, mais j’en ai eu.
Mon humble et personnelle opinion est qu’il n’y a pas de “moi je ferais…” qui tienne.
La décision prise restera pour le magistrat comme pour l’avocat, un poids sur la conscience.
Si ce n’est que dans votre cas, elle mettra le magistrat dans une posture bien plus délicate vis-à-vis de sa hiérarchie. Il s’exposera à l’habituelle vindicte de politiciens relayés par certains médias. Je n’arrive pas à me souvenir du nom de ce magistrat qui en 2001 s’était fait médiatiquement dépecer pour avoir remis en liberté un truand qui très peu de temps après a fait un carton sur des policiers (un mort). Je me souviens qu’en droit, il n’avait pas eu tort de le remettre en liberté.

159. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:47 par Pax Romana

En ce qui me concerne, je pense que chaque intervenant pouvant soulever la nullité doit le faire. Quitte à ce qu’ensuite la police le surveille particulièrement, qu’il soit hospitalisé d’office, ou que tout autre moyen légal soit trouvé pour protéger l’ordre public, mais il est impossible de transiger avec la procédure, qui est le seul garant contre le désir bien humain du juge d’agir selon son bon vouloir et le fondement de l’État de droit. Ne pas l’appliquer sciemment constitute à mon sens une faute professionnelle gravissime, et je suis effaré de votre commentaire sous 9.

160. Le lundi 18 janvier 2010 à 10:53 par Petruk

En tant que mekeskidi du droit pénal, je n’ai pas les outils pour proposer quelque chose.

Je ne me permettrai qu’une seule remarque. Si un effort pour plus de rigueur dans le respect des droits de la défense était fait, s’il y avait beaucoup moins de GAV “borderline”, le risque de dépasser le fameux délai d’une heure serait beaucoup plus faible et le risque de se trouver un jour face un cas “similaire” à celui que vous exposez encore plus faible.

161. Le lundi 18 janvier 2010 à 11:05 par herve_02

@cinquo..

En fait, prenez des personnes normalement contituées, donnez leur un peu de pouvoir sur leurs semblales et nombre d’entre-elles s’arrogeront (probablement de bonne foi) des droits sur les autres (pour le bien de tous hein !). Il faut une grande intelligence pour ne pas sortir de son rôle de _serviteur_ et ne pas se transformer en _maître_.

C’est pour celà qu’il y a des code de procédures. Mais ils ne sont pas fait pour être respectés, sinon cela se saurait hein ?. Comment peut défendre un magistrat qui nous explique que dans des cas, ben, le droit c’est pas si important que cela. Un beauf ricarisé un dimanche au tiercé (moi les criminels, contre un mur et tatatata et le bougnouls tous chez eux), je veux bien comprendre, mais un magistrat. Oui c’est dommage de libérer un coupable mais il y a tellement d’innocents en taules ou en cellules qui sentent la pisse et la merde - je parle pas des opj hein ! -

Le pire de tout, c’est qu’il vient ici cherchez des justifications à son ‘indécision’ car ma brave dame, c’est pas aussi simple que cela le gentil gardé à vue et la méchante justice et les méchants policiers. Le monde il est pas binaire, imaginez le loustic qui viole vos femmes et égorgent vos enfants en sortant parce qu’un salop d’avocat l’a fait libéré à cause que le téléphone il a été 3 secondes en retard. Vous trouvez pas que des fois il faudrait pas que le magistrat y puisse décider par lui même (pour le bien de tous hein !) et avoir une certaine lattitude AVEC LA PROCEDURE.

Eh, j’en connais un qui cherche à avoir de l’avancement, dans cette charmante période répressive ou tout il est pas binaire. sauf la tolérance zéro qui elle est binaire et que ca dérange personne (eh, ma brave dame, on sauve vos enfants des maichants pédophiles nazis pirates anarcho ultra-gôchistes, c’est pour votre bien)

162. Le lundi 18 janvier 2010 à 11:23 par DM

Ce qui me dérange dans votre exemple, c’est la certitude qu’il y aurait que l’on tient bien le coupable.

Il me semble qu’on a eu dans plusieurs affaires des enquêteurs qui étaient sûrs de tenir le coupable, soutenus par la vindicte publique… tout ça pour se faire démonter à l’audience d’assises. Cf par exemple l’affaire Richard Roman.

En décidant qu’un suspect est si probablement coupable que l’on puisse se permettre d’ignorer la loi, les protagonistes de votre affaire prennent un rôle qui devrait être réservé à la formation de jugement.

Je suis pleinement conscient que cette argumentation théorisante n’aide guère à résoudre votre dilemme concret!

163. Le lundi 18 janvier 2010 à 11:37 par PEP

@Ltr (158)
Je me souviens qu’en droit, il n’avait pas eu tort de le remettre en liberté.

Euphémisme très significatif ; il ne suffit pas de “ne pas avoir tort” pour avoir raison…

164. Le lundi 18 janvier 2010 à 11:55 par Miaou

@ Cinquo (commentaire 153)

Il y a fort à parier qu’aucun magistrat n’a vu la procédure. En effet, l’absence d’arrêt à un stop constitue une infraction de 4ème classe (cf l’article R. 415-6 du Code de la route). Elle a été traitée par l’officier du ministère public, alias OMP, qui est un… policier. Le courrier que vous aviez adressé au procureur lui a très certainement été transmis.

Autrement dit, aucun procureur ne s’est acharné à vous poursuivre. L’OMP, en revanche… Pour avoir été amené à travailler avec eux à l’occasion, je peux cependant indiquer que la majorité d’entre eux ne sont pas de mauvaise volonté. Simplement, tous ne sont pas de fins juristes.

Pour information, vous n’étiez pas valablement cité : il faut respecter un délai minimum de dix jours entre le moment où vous recevez la citation et le jour de l’audience. Après, vous pouvez toujours dans ce cas accepter de comparaître volontairement.

Maintenant, sur le fond du questionnement proposé par mon éminent collègue parquetier Gascogne (pensez, il est probablement vice-proc’ et je ne suis qu’un humble jeune substitut), je rejoins un sentiment déjà exprimé auparavant, à savoir qu’il est toujours difficile de se prononcer dans l’abstrait : quelles sont les éventuelles difficultés pouvant justifier le retard dans l’information du parquet (ou permettre d’arguer a minima que celui-ci était régulier) ?

Pourquoi les enquêteurs n’ont-ils pas appeler le parquet dès que le gardé à vue a commencé à s’épancher sur les actes horribles qui lui sont reprochés, ce qui aurait permis une éventuelle reprise de garde à vue sur les nouveaux faits (pour les mékeskidi, cela veut dire qu’on met fin à la garde à vue initiale, suivi d’un nouveau placement en garde à vue sur les nouveaux faits apparus lors de la procédure, étant précisé que le temps passé en garde à vue ne pourra excéder 48 heures, ou 96 heures en cas de régime spécial tel que le trafic de stupéfiants) ?

Bref, il y a un certain nombre de possibilités qui auraient surgi dans un dossier réel, ce qui auraient permis d’éviter, avec un soupir de lâche soulagement, de se confronter au dilemme évoqué par l’auteur du billet.

Mais maintenant, que faire si malgré tout, un tel dossier se présentait, qu’aucun élément autre que les déclarations du mis en cause ne permettaient de faire le lien avec les crimes commis ?

Je ne peux réellement envisager que le point de vue du parquetier. Je prendrais une grande respiration, je croiserais les doigts, et je ne dirais rien, alors que je n’aurais d’habitude pas hésité à faire lever la garde à vue pour irrégularité. Après tout, je suis dans une situation où je dois mettre en application le droit et faire la balance entre la l’ordre et la sécurité publics et le respect des droits des personnes et des libertés fondamentales. Je précise que je me couperais le lendemain en me rasant car j’aurais du mal à me regarder dans la glace.

Par ailleurs, j’en parlerai au JI. Après tout, sa saisine est indépendante de la régularité de la garde à vue. Si le bientôt mis en examen confirme sa position devant lui et que le JI ne fait pas allusion à la garde à vue, l’irrégularité n’a plus tellement d’importance sur le plan procédural.

Mais j’espère ne jamais être confronté à ce type de difficultés dans ma carrière. C’est cependant peu probable, je le sais.

165. Le lundi 18 janvier 2010 à 11:55 par Rémi

Je crois que j’aurais bien du mal à décider… là, à l’abri derrière mon écran et sachant que ma décision n’aura pas d’impact, j’aurais tendance à soulever la nullité et faire libérer (tout en m’assurant que, d’une part la ou les personnes qui ont causé la nullité soient au minimum vertement sermonnées, voir plus, et d’autre part que la police suive de près notre innocent pour qu’il soit arrêté “pour de vrai” avant qu’il n’ait tué quelqu’un d’autre). Mais si j’y étais… je ne sais pas.

Ceci dit, et c’est pour cela que j’écris (le paragraphe précédent n’apporte pas grand chose à la discussion), je crois que, si on se pose la question en tant que dilemme théorique, qu’exemple illustrant les conflits moraux, alors on se pose la mauvaise question parce qu’on ne prend pas assez de recul sur la situation. Si j’imagine une situation où, bourré après une soirée, vous rentrez en voiture avec votre femme et votre enfant unique endormis à l’arrière, la voiture s’écrase et prend feu, vous n’avez le temps de ne sauver qu’une personne, laquelle ? Dans cette situation, poser la question de qui sauver est un faux problème, la question est plutôt de prendre le volant bourré (ou trop fatigué, ou je-ne-sais quoi) au risque de causer cet accident.

Ici, je crois que la vraie question est de savoir si “on” (en tant que membre de la société) veut un système où ce genre de situations peut se produire facilement, ou est-ce qu’on se donne les moyens d’avoir des policiers qui travaillent dans des conditions et avec des textes qui ne favorisent pas ce genre de conflits (sachant que cela se fera évidemment au détriment d’autres aspects de notre société, que soit ce le financement des hôpitaux, la réduction de la pollution ou je-ne-sais quoi d’autre).

La question telle qu’elle est posée est un problème pour les avocats, juges et procureurs, mais je ne la trouve pas terriblement pertinente pour le “grand public”.

166. Le lundi 18 janvier 2010 à 13:25 par bekinadan

Madame ou Monsieur le procureur,
Je réponds à votre question en ma qualité d’avocat, et avec mes convictions d’avocat.
Je crois que les libertés publiques ne peuvent exister qu’autant que des libertés individuelles préexistent et qu’elles soient effectivement et efficacement protégées. Dès lors, il ne peut être question de “négocier” le fait que la GAV encourre l’annulation; si une cause de nullité existe, il est du DEVOIR de l’avocat de la soumettre au juge et il me semble être du DEVOIR de celui-ci de la retenir en application du droit positif en vigueur. L’avocat que je suis méconnaîtrait son serment s’il devait agir autrement.
Mais le “dilemme” que vous vous (nous) posez est, à mon très humble avis, vicié au fond: vous anticipez sur le fait que le “serial killer” de votre cas pratique sera libéré et ira derechef poursuivre sa funeste besogne, ce qui s’appelle commettre un procès d’intention. Or, ni la loi, ni même une quelconque morale, ne permettent aujourd’hui, dans un Etat de droit d’arrêter - a fortiori de condamner - une personne qui n’a pas encore commis d’infraction, même si de doctes et éminents scientifiques estiment que sa dangerosité est extrème. C’est en appliquant de tels principes que l’on relache aujourd’hui une personne considérée comme “dangereuse” mais qui a néanmoins purgé sa peine antérieurement fixée par une juridiction. Si cette personne vient à commettre un nouveau crime, l’émotion sera grande, mais devra-t-on pour autant critiquer sa libération ? En droit ce serait inconcevable.
C’est pour cela que je trouve inconcevable que l’on puisse “s’asseoir” sur l’irrégularité de la GAV de votre serial killer, parce que votre dilemme n’existe qu’à partir du moment où vous anticipez sur un NOUVEAU crime de sa part après sa remise en liberté. Pour les crimes antérieurs, faisons confiance (on n’a pas trop le choix d’ailleurs…) aux forces de police qui, fortes de la connaissance qu’elles ont eu des méfaits de votre homme, pourront reprendre l’enquête et réunir rapidement des preuves permettant sa nouvelle arrestation sans encourir les foudres de notre droit positif.

167. Le lundi 18 janvier 2010 à 13:29 par Simplicissimus

@ Ltr (158)

Il s’agit de Jean-Claude Bonnal. Et son histoire montre que le contexte du dilemme de Gascogne n’est pas du tout théorique. On peut même dire que le réel dépasse le théorique.

Fallait-il libérer «le Chinois»?. Libéré en novembre 2000 par le juge d’instruction en accord avec la chambre d’accusation pour détention provisoire, les charges manquant de consistance. En octobre 2001, il est mis en cause dans la tuerie d’Athis-Mons (4 morts, dont 2 policiers).

Tuerie, pour laquelle il est condamné à perpétuité, en juillet 2007.

Ayant été acquitté du chef d’accusation qui justifiait la détention provisoire dont il avait été libéré, il a obtenu, en février 2006, une indemnisation pour les deux ans passés en détention provisoire.

168. Le lundi 18 janvier 2010 à 14:24 par Pseudo

Bonjour,

S’il y a une procédure c’est justement pour que ce genre de questions ne se pose pas! Je suis parfaitement d’accord avec les commentaires, parfois d’une formulation contre productive certes, qui demande une application restrictive de la procédure. Nullité.

Si on commence à bouger le curseur vers les petits arrangements entre gens de bonne compagnie, parce que c’est ce que vous proposer non (c’est provoquant certes mais réfléchissez-y svp)? Ne doutez pas que les conséquences soient autrement plus néfastes que la mise en liberté d’un tueur en série dont on connaît maintenant l’identité (note: c’est plus facile de trouver le fil conducteur des meurtres quand on sait où il doit mener. Quitte à faire filer le gars pour avoir un flag “heureux” s’il voulait récidiver avant qu’on trouve un autre moyen de le suspecter).

Le but doit être d’éviter que ce genre d’erreurs (dépassement du délai) ne se reproduisent. Pour apprendre des ses erreurs, encore faut-il les admettre, et donc les assumer.

PS: Savez-vous pourquoi le transport aérien est si sûr? Entre autre, parce que chaque incident est divulgué, détaillé, ce qui permet d’y apporter une correction pour le futur.

Pendant que j’y suis, l’exemple sensé faire admettre la torture part d’un postulat faux: la torture fait dire la vérité au gens. Parlez-en à Mc Cain (ex candidat républicain aux présidentielles US, un gaucho idéologue notoire, hein!), quand ces tortionnaires lui demandait le nom de ces camarades il nommait les joueurs de ses équipes préférées!.

Cordialement.

169. Le lundi 18 janvier 2010 à 14:54 par gritch

Ne serait-il pas plus simple de passer ce fameux délai de une à deux heures s’il s’avère que notre police a trop à faire pour passer un fax en une heure ?

Par ailleurs, il me semble que l’ordre des avocats devrait avoir quelque chose à dire à tout avocat oubliant de soulever une nullité à l’avantage de son client, quel qu’il soit…

170. Le lundi 18 janvier 2010 à 16:18 par zorro

@Gritch (168)

Citation : serait-il pas plus simple de passer ce fameux délai de une à deux heures s’il s’avère que notre police a trop à faire pour passer un fax en une heure ?

On peut meme penser 24h hein pour le fax ou le coup de fil ou le texto ? De toute facon le procureur ne lit pas les fax et ne demandent pas d info lors du coup de telephone. La garde a vue en France est sous le controle de l OPJ. C est rassurant…

Dans les pays democratiques, on ne peut etre arreter que sur mandat d un juge! et la detention de garde a vue se fait sous controle effectif et regulier d un juge! Et le detenu peut soulever a tout moment l’illegalite de sa detention de garde a vue (art. 5-4 convention) et il doit etre presenter a un juge (5-1-C et 5-3).

Oui en France, on arrete sans mandat pour presenter au mieux a un procureur et sous controle de l OPJ.

Violation des articles 5-1-C, 5-2, 5-3 et 5-4 de la Convention ! Allez on rajoute le 5-5 car on ne peut obtenir de compensation apres une garde a vue illegale.

Et comme il y a pas d avocat lors des interrogatoires d aveu : violation 6-1 et 6-3-C de la Convention !

Vu l etat des locaux de detention : Violation article 3 de la Convention!

Les fouilles a nue illegale : Violation article 8 de la Convention

Allez la France ! On est les champions ! On les champions!!

Objectif 2010 : 1 000 000 de gardes a vue  !! 0 requete a la CEDH !!

Bravo a tous le monde !!

Ma question du jour :

1. Je suis procureur de la Republique, je participe a la violation massive d’une bonne partie des articles de la Convention europeene des Droits de l’Homme en vigeur depuis 1974. Quand je parle avec les collegues je dis CEDH “c’est pas le Nirvana!”. Un policier torture regulierement les mis en cause avec de la torture blanche (pas de trace), dois je demander l ouverture d une information judiciaire ?

171. Le lundi 18 janvier 2010 à 16:50 par CP

Bonjour,

Pour Gascogne, proposition de résolution du dilemme :

Ce n’est pas au moment de la fin de la GAV que le choix devrait se faire, mais dès la découverte de l’heure et quart de retard du fax. A ce moment, le PR n’a pas d’autre choix que de décider qu’à l’issue de la GAV, il devra relâcher le malotru (si le PR ne le fait pas de son propre chef, il fait peu de doute que l’avocat du client soulèvera cette nullité).

Cependant entre le moment de la découverte du retard du fax et la fin de la GAV (qu’on aura pris soin de mener à son terme ultime), il devrait se passer un certain temps qui pourrait être mis à profit :
Si le client est aussi volontairement bavard et affable, pourquoi ne pas enregistrer sur vidéo l’intégralité de ses aveux, au cours desquels les agents de la force publique prendront grand soin de ne pas en user (de la force), voir se montreront courtois et offriront cafés sandwichs et petits fours (afin d’éviter par suite toute tentation de considérer ces aveux comme arrachés sous la contrainte au cours d’une GAV illégale).

fin de GAV -> on relâche le prévenu sous surveillance policière permanente et étroite
pendant ce temps on ressort les différents dossiers de vieilles dames assassinées, on enquête sur le “client” et on fait le rapprochement avec les meurtres avoués

une fois les rapprochements effectués :
- soit on trouve des preuves autres que les aveux qui permettent de rapprocher de manière tangible le nuisible d’un ou plusieurs meurtres (et à moins d’un crime parfait - dont j’ai cru comprendre que l’existence était discutée voir discutable - des preuves matérielles sur lesquelles s’appuyer existeront, donc GAV directe),

- soit on n’a aucune preuve matérielle autre que les aveux sur vidéo. Dans ce cas il n’y a pas d’autre choix possible que d’utiliser la procédure de témoin assisté au cours de laquelle le client sera confronté à ses aveux filmés afin qu’il réitère ceux-ci. La probabilité de réitération est cependant faible, le prévenu étant assisté de son conseil qui bien évidement lui conseillera de ne rien dire (il ne pourra pas lui faire dire que les aveux ont été arrachés sous la contrainte au vu de la vidéo au cours de laquelle il est bien traité et affable). Les JI et PR pour leur part ne pourront pas utiliser en qualité de preuve la vidéo réalisée au cours de la GAV illégale. Il devrait être possible, si le dossier est bien construit et si le Client daigne lâcher quelques bribes et malgré la présence de son Conseil d’obtenir quelques informations dignes d’exploitation. Le risque de ne pas d’avoir d’aveux sur lesquels s’appuyer en fin de réunion reste cependant important, mais ce risque est malheureusement proportionnel à la faute de procédure initialement commise, procédure dont il est rappelé par Bekinadan (n°165) qu’elle a été conçue pour protéger les libertés individuelles et par extension les libertés publiques.
Si le PR ou le JI sortent de la réunion de témoin assisté bredouilles et sans aveux, il ne restera donc aux auxiliaires à l’initiative de la faute de procédure qu’à s’armer de patience et expier ladite faute en enquêtant d’arrache pied sur le lien de causalité existant entre les victimes et l’auteur de celles-ci.

Maintenant ça c’était pour la théorie……et j’imagine (même si en mon for intérieur je n’espère bien entendu pas que cela se passe ainsi) qu’il soit bien plus séduisant en pratique de synchroniser à postériori les paramétrages et horodatages des fax du commissariat et du parquet : Un coup de fil, on met les fax à l’heure mentionné sur l’avis de GAV, on refait passer le fax, et la probabilité de coincer l’animal passe à 100%. Seul un avocat un peu pointilleux pourrait s’en rendre compte en demandant les copies des relevés téléphoniques du commissariat…Mais là encore je doute que ce soient des us coutumiers…

Entre ces deux solutions il semblerait logique et malheureusement “humain” pour le parquet de privilégier la seconde au vu du bilan risque/avantage.

Cordialement,

172. Le lundi 18 janvier 2010 à 16:59 par Satch

Bonjour

J’espère ne pas trop me faire lyncher pour ma première intervention sur ce blog que je parcours toujours avec grand plaisir.

Pour ce qui me concerne, je soulèverais la nullité. Peu importe les aveux faits lors de la garde-à-vue et leur valeur (sur laquelle il y a parfois à redire).

Je m’interroge sur l’avis du laboratoire du Pr. D., et les éléments qu’il a pu fournir…

Enfin quoiqu’il en soit, nonobstant les déclarations tonitruantes du client (que seul le tribunal ou la cour peuvent déclarer coupable : malgré sa bonne volonté à reconnaître quelconque fait, il demeurera présumé innocent jusqu’à l’issue de la procédure), quels que soient les éléments mis en exergue lors de la garde-è-vue, et en dépit du caractère purement malheureux du retard dans l’envoi du fax, je pense que je soulèverais la nullité.

Je ne dis pas que c’est un choix facile, mais je le ferais. Et s’il est sage qu’un avocat s’interroge sur ce genre de dilemme en tant qu’Homme, il n’a pas vraiment à le faire en tant que professionnel.

Tout cela demeure bien personnel cependant.

173. Le lundi 18 janvier 2010 à 17:23 par palpatine

Après l’avoir fait libérer, je le pousse sur les rails pour arrêter le charriot fou (surtout s’il est gros — http://en.wikipedia.org/wiki/Trolle… , au cas où la référence passerait inaperçue).

174. Le lundi 18 janvier 2010 à 17:28 par Macius

L’avocat doit soulever la nullité, sans aucun état d’ame. L’avocat ne juge pas en soulevant la nullité, il fait seulement son travail, ce n’est pas lui qui prononcera cette nullité d’ailleurs mais la chambre du conseil (enfin l’équivalent francais), il n’en a donc meme pas la responsabilité.

Les seuls qui auront quelque chose sur la conscience seront ceux qui n’auront pas respecter la procédure. Cette meme procédure qui est là pour nous protéger tous. Ne vaut il pas mieux 10 coupables en liberté qu’un seul innocent en prison?

175. Le lundi 18 janvier 2010 à 17:33 par sereatco

Bonjour,

Quelle que soit ma position, je ne soulève pas la nullité (dans le cas précis évoqué par Gascogne). Je suis l’affaire de près ensuite pour être sûr que je ne me suis pas trompé. Si l’on m’accuse d’avoir violé la Loi j’assume et je pose à mon interlocuteur le dilemme dans les termes de Gascogne.
Mais il est clair que cette solution doit rester exceptionnelle pour les pires crimes avec le maximum de preuves et d’indices que le criminel recommencera dès sa libération…
Voilà…
A bientôt.

176. Le lundi 18 janvier 2010 à 17:47 par PEP

Il semble que plus nombreux sont ceux qui disent que l’avocat est plus fondé à soulever la nullité que les autres intervenants. Sans me prononcer sur ce que devraient faire les autres, j’ai tendance à pencher dans ce sens aussi: si l’avocat ne fait pas TOUT pour “sauver” son client, qui le fera ? Mais…

L’avocat peut-il/doit-il aller contre le désir de son client ? Celui-ci avoue, semble-t-il librement (même si c’est dans le cadre d’une GAV irrégulière). Ce faisant, il demande à l’institution de l’arrêter.
Si l’avocat lui dit “Nous avons les moyens de faire annuler la procédure en cours et libérer”, ne répondra-t-il pas “Je n’en veux pas, de vos magouilles de juriste” ?

Est-ce encore un autre dilemme, que de décider de défendre quelqu’un malgré lui, au-delà de ce qu’il vous demande ?

177. Le lundi 18 janvier 2010 à 17:51 par DJ

Bonjour,
merci pour ce billet qui, je l’avoue, permet aisément de se glisser dans la peau des différents acteurs de la procédure.
Cependant, en tant qu’avocat, je pense que je souleverai la nullité devant le(s) juge(s) compétent(s). En effet, je pense que le rôle de ce dernier est de protéger au mieux les intérets de ses clients, même si leurs idées ou leur comportement va à l’encontre de ce qu’il pense (à défaut, il peut toujours se prévaloir de l’objection de conscience pour refuser le client).
Je pense que j’espererais secretement qu’un magistrat prenne la décision de ne pas retenir cette nulité.
Je sais, c’est pas très courageux mais bon…

178. Le lundi 18 janvier 2010 à 18:11 par Passant

S’il se trouve un avocat pour ne pas soulever la nullité, ne se fait-il pas juge ce faisant ?

179. Le lundi 18 janvier 2010 à 18:36 par Petrus

Pour éviter les écueils techniques juridiques que j’ignore totalement, je vais essayer de faire un parallèle avec ce que je connais.

Si une chaîne de production plante parce que l’un des intervenants sur cette chaîne n’a pas respecté la procédure à laquelle il est astreint, il est évident que des mesures exceptionnelles, hors procédure, doivent être prises.

La question est : à quel niveau ces mesures doivent elle être prises ?

Etant donné la démultiplication des incidences engendrées par le non respect initial, il est probable qu’il soit préférable d’intervenir au niveau de la première faute pour tout relancer plutôt que de tenter des bidouilles mal maîtrisées dans un contexte instable et dont les répercussions risquent d’aggraver la situation.

Après traitement de l’incident, il faudra revoir la procédure fautive et la modifier ou former ou sanctionner voire virer comme un malpropre la personne en charge selon le cas.

J’ignore quels peuvent être les effets des bidouilles que vous décrivez pour passer outre l’erreur d’origine, mais je suppose qu’elles peuvent avoir des conséquences à plus long terme.

Accessoirement, en tant que justiciable potentiel il me semble vraiment préférable que le processus judiciaire fonctionne à partir de bases fiables et pérennes plutôt que de ne pouvoir être efficace qu’en admettant une succession de fautes professionnelles.

Je pense donc que le tueur devrait être relâché et que la police devrait mettre en place un processus de surveillance efficace pour pouvoir le coincer dans les règles cette fois.

Il s’agit d’une bidouille, mais contrairement à celles que vous suggérez, elle me semble être plus en adéquation avec un fonctionnement efficace du processus judiciaire et, partant de là, plus apte à la défense de l’intérêt social, ce qui est le but de la manœuvre.

180. Le lundi 18 janvier 2010 à 18:44 par Lou

Je ne sais pas

181. Le lundi 18 janvier 2010 à 19:02 par lefauxestuncrime

@CP (170)

Maintenant ça c’était pour la théorie……et j’imagine (même si en mon for intérieur je n’espère bien entendu pas que cela se passe ainsi) qu’il soit bien plus séduisant en pratique de synchroniser à postériori les paramétrages et horodatages des fax du commissariat et du parquet : Un coup de fil, on met les fax à l’heure mentionné sur l’avis de GAV, on refait passer le fax, et la probabilité de coincer l’animal passe à 100%. Seul un avocat un peu pointilleux pourrait s’en rendre compte en demandant les copies des relevés téléphoniques du commissariat…Mais là encore je doute que ce soient des us coutumiers…

Juste un ptit conseil pour certains commissariat de police a Paris qui pratique ce sport. N’oubliez pas de remettre a l’heure votre fax quand vous recevez le recu de la permanence penale de l’ordre des avocats.

Cela fait desordre d’avoir des differences de qq heures entre l’heure d’envoi de la permanence et celle de la reception du fax du commissariat….

Mais ne vous inquietez pas, personne ne regarde.

Pour la section P12, on ne laisse pas les avocats consulter les fax recus des commissariats…pas folle la guepe.

-

Article 441-4 du code penal

Le faux commis dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende.

L’usage du faux mentionné à l’alinéa qui précède est puni des mêmes peines.

Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.


****

Dans la pratique je n’ose meme pas vous dire la jurisprudence des juridictions pour ceux pratiquant ce sport. Si il y a une composition penale, c’est qu’il ont vraiment trop exagere…

182. Le lundi 18 janvier 2010 à 19:16 par arthur

@ lefauxestuncrime (180)

On comprends mieux pourquoi les agents de police ne laissent pas les avocats consulter le dossier de procedure lors des gardes a vue.

Les telecopies n’ont pas encore du etre envoyes dans certains cas et les pv rediges..quelle honte!!

183. Le lundi 18 janvier 2010 à 20:30 par CP

@180 et @181
Juste pour éviter les malentendus, je ne suis pas agent de police mais simpl(iste)e juriste d’entreprise. Ce que j’ai pu écrire n’est que de la pure théorie (partie 1) en essayant d’avoir un avis critique et tenter d’imaginer des moyens moins légaux mais peut être plus pratiques qui pourraient être employés (partie 2) pour tenter de sauver la procédure.

Bien entendu j’abonde entièrement dans le sens de @180 quant aux conséquences éventuelles de telles pratiques… le fait est simplement que j’essayais de me mettre de l’autre côté de la barrière et essayais de palper le côté “tentant” de la mise en oeuvre de ce genre de faux en écriture.

Enfin je dois dire que je suis assez indigné voir effaré de m’apercevoir (selon la pratique mentionnée par @180) que je ne suis malheureusement pas tombé à côté de la plaque …

184. Le lundi 18 janvier 2010 à 21:15 par Nichevo

Merci Bleu Horizon; je commençais à me sentir seul . Il reste à Gascogne à m’indiquer la différence entre un individu dangereux au sens “criminel “et dangereux au sens “psy”.
Celui là m’avait l’air particulièrement gratiné et il méritait à coup sur l’HO;
Un psy, même le plus dingue, prendra ici ses responsabilités et aura tôt fait de comprendre qu’un énième cadavre nuirait gravement à sa carrière; de plus notre GAV offre toutes les garanties d’un comportement délirant en GAV.
Je renvoie tout le monde sur mon commentaire en 73 et sur l’explication de Bleu horizon en 117.
La garde à vue est caduque; elle prend donc fin après avis du parquet. Le type est manifestement dangereux, c’est placement d’office en visant l’article 223-6 si vous voulez.


Gascogne :
Le seul petit problème est que vous n’êtes pas psychiatre. Et que si le psychiatre qui est passé en GAV indique que notre gazier est certes très dangereux criminologiquement, il ne l’est pas psychiatriquement, parce qu’exempt de toute maladie psychiatrique qui justifierait une HO. Et vu le nombre de détenus qui posent question quant à leur santé mentale, n’allez surtout pas croire que le cas est hypothétique…

185. Le lundi 18 janvier 2010 à 22:37 par jojolapin

@Nichevo (183).

Celui là m’avait l’air particulièrement gratiné, il méritait à coup sur l’HO

Gratine? Je n’ai pas trouve ce trouble psychiatrique dans mon DSM IV. C’est une maladie parisienne?

L’hospitalisation d’office (detention administrative dans un etablissement de sante offrant des soins en psychiatrie) n’est pas une punition et ne doit pas etre “meriter”, mais une offre de soins.

“Un psy, même le plus dingue, prendra ici ses responsabilités et aura tôt fait de comprendre qu’un énième cadavre nuirait gravement à sa carrière;”

C’est comme ca que vous demandez au psychiatre de rediger un certificat medical pour pouvoir detenir dans un etablissement de sante un mis en cause ? Cela doit assez bien marcher les menaces.

“de plus notre GAV offre toutes les garanties d’un comportement délirant en GAV.”

Oui Docteur Policier. Pourtant le mis en cause semble particulierement bien oriente dans le temps et dans l’espace et n’avoir pas d’hallucinations, et ne pas etre en sevrage alcoolique. Mais enfin c’est vous le docteur. Je signe ou le certificat medical ?

“Le type est manifestement dangereux, c’est placement d’office.”

Oui docteur OPJ. Quand vous faites une erreur de procedure (nullites), vous ne relachez pas le suspect mais vous faites un placement psychiatrique illegal. Comme c’est rassurant…


****

Merci de nous avoir rappeler qu’a Paris, c’est les commissaires de police et en province, les opj qui demandent au maires qui decident la detention en urgence de personnes dont un medecin allegue qu’ils ont des troubes psychiatriques ET dangereux pour la securite des personnes.

Dans les pays democratiques, on doit presenter le citoyen a un juge sous 48h qui decide du placement apres avoir entendu l’avocat, les medecins , et le citoyen dont on demande la detention.. Ce n’est pas un OPJ un commissaire ou un maire qui prend sa decision sans meme la notifier au citoyen.

Dans les pays democratiques, on n’utilise pas des prisons alternatives comme l’infirmerie de police a Paris.

186. Le lundi 18 janvier 2010 à 22:38 par Marcel

Je partage à peu près l’opinion de Nichevo et Bleu Horizon ici. Toute porte à croire que cet individu est le client parfait pour l’HO, je l’ai suggéré d’ailleurs dans ma première réponse. Et je ne le dis pas en tant que mékeskidi total, puisqu’il se trouve qu’entres autres expériences, je suis diplômé en psychologie (certes, la psychologie n’est pas la psychiatrie, mais les deux matières sont loin d’être étanches), il me semble que rien que les hallucinations auditives qui encouragent au meurtre et qui entrainent des passages à l’acte, c’est une raison suffisante

Mais bon, ce n’est pas la question que posait Gascogne, qui semble être “admettons que l’HO ne soit pas envisageable, on fait quoi ?”

Sauf que du coup ça repose la question du réalisme du cas : un individu qui se met à déballer des histoires sordides sans que personne ne l’interroge sur la question, de sa propre initiative, ne fais preuve d’aucun état d’âme, et qui indique qu’il recommencera sitôt dehors parce que c’est irrépressible peut-il être sain d’esprit ?

187. Le lundi 18 janvier 2010 à 22:44 par unread

Soulever la nullité, évidemment, parce que les exceptions aux principes du droit sont dangereuses pour le droit lui-même, et parce que se faire casser ultérieurement à quelque niveau que ce soit sera dramatique, non ?

La nuit sera difficile pour moi si je prends cette décision, et certains douteront de l’état de droit, mais n’auraient-ils pas eu une raison bien pire de s’inquiéter si la famille judiciaire dans son ensemble, avocats, parquetiers, greffiers, s’asseyait de connivence sur la procédure ? Pensez à autre chose en soulevant la nullité, pensez que la balance de la justice aveugle ne doit jamais être influencée, restez son loyal serviteur, ne soyez pas vous-même.

188. Le lundi 18 janvier 2010 à 22:48 par Macius

Il va falloir se mettre d’accord, soit il n’est pas sain d’esprit et alors ses déclarations n’ont aucune valeur et la poursuite de l’interrogatoire par la police est fautive, soit il est suffisament sain d’esprit pour etre interrogé et donc pas suffisament pour etre interné. On ne peut choisir qu’il est sain d’esprit quand ca arrange et bon à etre interné dans les autres cas.

Quand je vois les solutions plus ou moins biscornues que vous proposez pour contourner la loi, pensez donc qu’elle pourrait etre utilisé contre vous par un policier étant persuadé de votre culpabilité: la procédure pénale est là pour nous protéger, tous autant que nous sommes… et je préfère amplement 10 coupables en liberté qu’un seul innocent en prison.

Ce n’est pas pour rien que nos pays démocratiques ont tous ratifié la convention européenne des droits de l’homme.

189. Le mardi 19 janvier 2010 à 00:23 par zadvocate

Au risque de choquer, faire du pénal en ayant des états d’âme conduit à ne pas le faire à fond. Si on fait du pénal, il faut le faire à fond c’est à dire sans arrière pensées de ce genre, ou ne pas en faire.

Du point de vue de l’avocat, la seule question à se poser est celle de l’utilité de soulever la nullité : Est-ce que ca fait tomber toute la procédure, un partie ?

Je me fais un peu de pub avec un billet qui rejoint votre sujet:

http://www.zadvocate.com/lindefenda…

@114: J’ai vécu une expérience au québec ou on m’a expliqué que comme chez nous les règles de procédure ont autant d’importance que les règles de fond. Il existe toutefois une nuance de taille. En effet, le juge avant de prononcer l’annulation d’une procédure doit aussi se poser la question de savoir si l’irrégularité de procédure ne serait pas trop néfaste pour l’institution judiciaire. On se pose la question de l’impact sur l’image de la justice dans l’opinion publique. Ensuite on fait la balance: Qu’est ce qui est le plus grave ? La violation des droits d’un justiciable ou le fait de libérer un meurtrier en série.

Mon cerveau français a été perturbé par cette façon de faire :)

190. Le mardi 19 janvier 2010 à 00:55 par Guerandal

@175. sereatco

- Mais il est clair que cette solution doit rester exceptionnelle pour les pires crimes avec le maximum de preuves et d’indices que le criminel recommencera dès sa libération…

Et je suppose que c’est vous qui décidez de ce qui doit rester exceptionnel, comme de ce qui doit être considéré comme le pire crime et qui interrogez Mme Irma, la seule vraie extra-lucide, pour savoir s’il recommencera ?

191. Le mardi 19 janvier 2010 à 01:51 par Naja

Qu’est ce que je ferais à la place du magistrat ou de l’avocat?

Ben… je me demanderais d’abord en quoi les droits du gardé à vue ont été concrètement bafoués. Autrement dit : quel préjudice, que le droit vise à éviter, a-t-il subi? Sa liberté a-t-elle été atteinte par cet oubli? Et si oui, dans quelle mesure?

Pour répondre à cela, je commencerais par me demander : A quoi sert en théorie le point de procédure qui n’a pas été respecté? De quoi protège-t-il les citoyens?
Je ne suis pas juriste mais à première vue, je me dis que cette obligation d’informer le procureur du début de la GAV est là pour éviter des arrestations sommaires par le pouvoir exécutif en le forçant à en référer à l’institution judiciaire. Mais peut-être y a-t-il d’autres raisons - moralement et/ou éthiquement fondées - qui m’échappent.

Je poursuivrais en me demandant si, dans le cas qui occupe ma conscience, le fait que le procureur n’ait pas été informé à temps a résulté en une arrestation sommaire. C’est à dire en une GAV qu’il aurait empêchée, ou même repoussée à plus tard.
Si je suis le procureur, il m’est assez facile de répondre. Si je suis l’avocat ou un autre magistrat… ben, je suis au courant de ce vice procédure seulement si le procureur ou l’a soulevé, non? Ce qui nous ramène au cas précédent : moi procureur, me serais-je opposé à l’exécution de cette GAV?
Si oui, je tire la sonnette d’alarme et je préviens le juge des libertés ou tout autre instance compétente.
Si non, je constate que le fait que le non-respect de la procédure n’a entraîné aucune conséquence fâcheuse dans le cas présent. Et je me demande alors : quelles pourraient être les conséquences du fait que je ferme les yeux là dessus? Y a-t-il un risque que cette décision contribue à favoriser de futurs abus? Je ne vois que le suivant : l’agent de police qui a oublié de me prévenir pourrait être porté à omettre de nouveau d’en référer à ma personne, ce qui à terme pourrait conduire à un préjudice effectif.
Si bien qu’au final, c’est ce risque que je me retrouve à mettre en balance avec ceux relatifs au fait d’empêcher la détention du gardé à vue.

En ce qui me concerne, je crois bien que je choisirais alors de fermer les yeux, sans manquer de faire des remontrances à l’agent de police qui n’a pas respecté le protocole. Car je considère comme plus important de respecter l’esprit des lois et des règles de procédures que de les considérer comme des fins en soi qui ne souffriraient pas le moindre questionnement éthique et dont la stricte et aveugle observation serait le meilleur garant du respect des droits de chacun.
L’on pourra m’objecter que ce faisant, je me place au dessus de la loi en choisissant de ne pas la faire appliquer au prétexte que ma clairvoyance personnelle de magistrat puisse être plus juste que l’application positive du droit. Je serais alors tentée de faire remarquer que cela fait partie du sens que je donne à ma fonction, sans quoi un robot ferait aussi bien l’affaire.

Evidemment, je ne suis pas procureur. Et heureusement, soupirent peut-être certains lecteurs.
Quoi qu’il en soit, je suis bien aise de déléguer ce pouvoir de décision aux individus ayant choisi d’en endosser la lourde responsabilité.

192. Le mardi 19 janvier 2010 à 02:36 par Marcel

@jojolapin, 185 : Pourtant le mis en cause semble particulierement bien oriente dans le temps et dans l’espace et n’avoir pas d’hallucinations

Heu, pendant la GAV en elle-même peut-être, mais dans le cas que nous soumet Gascogne, l’individu est en proie à “des voix dans sa tête” qui lui ordonnent de commettre ces meurtres. Si pour vous, des voix dans la tête, ce ne sont pas des hallucinations auditives, alors il faudra m’expliquer la définition que vous donnez au terme d’hallucination. En tout cas, une voix humaine qui donne des ordres à laquelle le patient se sent obligé d’obéir, ça ressemble quand-même un peu plus à de la schizophrénie qu’a un léger problème d’acouphène…

193. Le mardi 19 janvier 2010 à 07:46 par LEF

Où placer le curseur entre la défense des libertés individuelles et la défense de l’intérêt social ?

Au premier réflexe, mon curseur a grippé. Il était resté coincé du côté de l’intérêt social. Pas pour l’intérêt social, je le comprends maintenant, je l’avoue, mais par rejet de la défense de la liberté d’un être humain dont le caractère monstrueux est théoriquement établi.

Le temps, la réflexion et la lecture des commentaires, ont mis de l’huile dans les rouages et j’ai pu mouvoir librement mon curseur.

Je l’ai placé à droite, à gauche, au milieu, partout et, à chaque fois, j’ai analysé le pourquoi de mon geste et ses conséquences sur la valeur que je prétends défendre.

J’ai arrêté mes expériences de mékeskidi sur les conclusions suivantes : si je corrige une erreur humaine en commettant une autre erreur humaine, je ferai un acte absurde ; si je tue une seule liberté individuelle au nom de l’intérêt social, je porterai atteinte à toutes les libertés individuelles ; si je place le curseur du côté de l’intérêt social, je serai en train d’enlever à l’être humain individuel tout espoir d’évolution. Alors, dans l’intérêt social, je placerai mon curseur du côté des libertés individuelles.

194. Le mardi 19 janvier 2010 à 08:50 par Doc

Pour faire suite au débat dans lequel se sont engagés nichevo, bleu horizon, jojolapin et Marcel, je me pose la question suivante:
peut-être que dans le texte de Gascogne, les éléments donnés ne permettent pas de trancher. En effet
Il me semble que l’HO suppose 1 -un trouble psychiatrique avéré, psychotique, impliquant l’impossibilité d’agir rationnellement , au moins au moment où la décision d’HO est prise. Le même état, me semble -t-il , que celui qui pourrait éventuellement conduire à conclure à l’irresponsabilité devant un tribunal.
2-Une deuxième condition pour l’HO : la dangerosité que l’on suppose à la personne. pour les autres , surtout
Et 3- un trouble à l’ordre public.

Les conditions 1/2/3 sont bien 3 conditions distinctes, la présence de l’une ne suffit absolument pas, mais alors pas du tout, à supposer que les 2 autres sont présentes. Bien des fous ne sont pas dangereux. La plupart, dans mon expérience, et je crois aussi dans les statistiques , ne le sont pas du tout .Bien des individus dangereux ne sont pas fous. Cela me semble évident, mais ne l’est pas toujours pour tout le monde dans le saisissement du récit de tel acte monstrueux, où l’homme de bien, choqué, a le refuge de penser “folie”, ce qui est très très loin d’être toujours le cas . En outre, un individu, même schizophrène, n’agit pas obligatoirement alors que son discernement est aboli, son état n’étant pas invariable.

Une seule des 3 conditions n’implique donc pas que les 2 autres soient présentes aussi. Et ce n’est donc pas parce qu’un psychiatre dit “comme tout le monde” “il est dangereux” que cela veut dire “il est fou”. Maintenant, il peut arriver qu’un psychiatre ait quelques raisons de penser que tel individu est peut-être dangereux là où cela n’apparaît pas à “tout le monde” mais ça c’est autre chose (et cela induit malheureusement l’erreur apparemment fréquente de croire que du coup, un psychiatre qui a rencontré quelqu’un sait à coup sûr si il est dangereux ou pas, ce qui n’est évidemment pas le cas non plus.)

Je ne suis pas sûre du tout que la première condition puisse être élargie au point d’inclure tout trouble psychiatrique, y compris la “psychopathie ” mentionnée , parce que quand on commence à parler de tout trouble de façon aussi imprécise, on peut finir par inclure à peu près… tout un chacun, ce qui n’est pas l’idée!
Et je rappelle que l’HO est bien différente de l’autre type d’hospitalisation en psychiatrie sans le consentement du patient (l’hospitalisation à la demande d’un tiers) qui concerne beaucoup plus de cas, mais qui n’a rien à voir avec la discussion ici.

Enfin je signale que le fait de “dire que des voix ordonnent…” ne permet pas de faire un diagnostic sans autre élément. Pour plusieurs raisons que je ne vais pas toutes détailler ici , je ne le ferai que pour l’une d’entre elle: tout le monde peut dire ça. Surtout si il vient de se faire choper avec des mains plein de sang… Vous imaginez? ” Je ne suis pas fou, mais je vais faire le fou, comme ça pas de prison, un peu d’hôpital psy, pas longtemps, parce qu’en sortir sera facile; ce n’est pas une prison, et puis en plus vu que je ne suis pas fou, pourquoi pas la grande entrée?” . Non. Un psychiatre peut se tromper, bien entendu, mais si ce n’est pas lui qui dit qui est fou et qui ne l’est pas: QUI va le faire?

195. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:03 par sereatco

A Guerandal (message 190) :
Vous avez raison, c’est effectivement moi qui estime être ou non dans une situation exceptionnelle. C’est justement le propre d’un dilemme que de devoir prendre une décision difficile où la balance oscille d’un côté et de l’autre et de devoir l’arrêter à un moment, sachant qu’il n’y a sans doute pas de bonne solution mais peut-être seulement une moins mauvaise…
La situation proposée par Gascogne me paraît effectivement être exceptionnelle (pas besoin d’une extra-lucide pour la considérer ainsi). C’est pour cela que j’ai, en définitive, opté pour la poursuite de la procédure.
Maintenant, que ferais-je si une telle alternative se présentait réellement ? Je ne sais pas… Nos commentaires ne sont que des commentaires.
A bientôt.

196. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:08 par Cinquo

@Miaou

L’OMP n’est-il pas placé sous l’autorité et le contrôle de PR ?

197. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:18 par Doc

Après réflexion complémentaire, peut-être ma réaction est-elle provinciale?
Ailleurs qu’à Paris, une HO va arriver dans un hôpital psychiatrique tout à fait normal, ordinaire, où l’on soigne des patients , où les portes (la plupart des portes en tous les cas ) sont ouvertes, où les patients sont des gens vulnérables bien plus que dangereux, et où les soignants sont plus familiers des arcanes de l’esprit, de la folie et de la souffrance, que des dangers du crime.
Si la solution quand il y a “dilemme ” du côté des forces du maintien de l’ordre et du judiciaire, c’est d’envoyer tranquillement dans ce petit monde leurs plus dangereux individus, cela peut poser de gros problèmes , et non pas aller de soi comme semblent le suggérer plusieurs commentaires.
En revanche, je ne sais pas exactement comment cela peut fonctionner à Paris, où l’infirmerie spéciale est je crois spécialement dédiée, aguerrie et organisée pour ce type de sympathique interface?

198. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:24 par Zabou

Aie, en lisant cela je comprends pourquoi on parle de formalisme excessif de certaines jurisprudences françaises. En droit suisse, on constate l’illicéité, on la répare, sans tout annuler.

Je cite notre tribunal fédéral… “Selon la jurisprudence, le non-respect de l’art. 5 § 4 CEDH, qui oblige l’autorité judiciaire saisie d’un recours contre une mesure de détention à statuer à bref délai, n’entraîne pas à lui seul la libération immédiate du prévenu. Ce dernier n’aurait le droit d’être relaxé que si sa détention n’apparaissait plus matériellement justifiée (… arrêt de la CourEDH du 28 octobre 2003 dans la cause Minjat contre Suisse, ch. 37 à 49, paru à la JAAC 2004 n° 171 p. 2166). Il en va de même lorsque l’autorité compétente ordonne une prolongation de la détention après l’expiration du délai imparti pour ce faire (…). La jurisprudence admet en pareil cas que l’autorité compétente décerne un nouveau mandat d’arrêt, même en l’absence de faits ou de besoins nouveaux de l’instruction.”

J’ai copié ceci dans un arrêt non publié du 14 septembre 2005, référence 1P.495/2005, considérant 2.3. Le problème posé était que le mandat d’arrêt (ordre de mise en détention) avait été délivré tardivement; cela dit, cette jurisprudence s’applique aussi au cas où c’est un autre délai qui est “raté”. Pour retrouver cet arrêt, il faut entrer cette référence ici: http://www.bger.ch/fr/index/juridic…

Bon courage à mes collègues français…

Zabou

199. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:32 par Guerandal

@195. sereatco

En dehors du fait que vous répondez à des choses que je n’ai pas écrites, j’espère que vous n’êtes ni juge ni policier et que vous n’avez pas de pouvoir décisionnaire sur quiconque.

Il n’y a rien de pire que l’arbitraire justifié par de prétendus bons sentiments.

200. Le mardi 19 janvier 2010 à 10:32 par Doc

Autre question: APRES une éventuelle HO, il se passerait quoi ? En quoi le dilemme serait-il résolu?

201. Le mardi 19 janvier 2010 à 11:28 par TLM

Bonjour,
n’étant pas du métier, je ne proposerai pas d’avis… Par contre, on voit bien que la situation est tellement complexe qu’il est évident qu’il n’existe pas de solution vraiment satisfaisante. Dans ces cas là, il ne reste plus qu’a faire ce qu’il nous semble être le mieux sur le moment et de mettre les bouchées doubles pour faire avancer les choses pour éviter de retomber dans ce genre de dilemme (c’est illusoire, mais il faut le faire), ça évite aussi de se sentir coupable par impuissance…
Bon courage, et merci !

202. Le mardi 19 janvier 2010 à 11:52 par sereatco

Guerandal, je vous remercie pour votre sollicitude à mon égard et sur vos (vains) espoirs placés dans mes compétences professionnelles.
Ce fut un plaisir.

203. Le mardi 19 janvier 2010 à 15:58 par Dylendir

Mais enfin la solution à ce cas de figure est simplissime en tout cas du point de vue de l’avocat d’un tel…cas… : nous devons défendre en priorité l’intérêt du client. Bien. Fort de ce constat, et du fait que le client a annoncé qu’il récidivera dès qu’il sera sorti de détention, on ne peut qu’en déduire que son dossier sera encore plus lourd la prochaine fois qu’il sera arrêté. Et qu’accessoirement, il a de bonnes chances de se faire lyncher par une foule en colère…Donc son intérêt est de rester bien au chaud derrière les barreaux. Hop voilà, affaire réglée ! Franchement, où est le problème ? ;-D

204. Le mardi 19 janvier 2010 à 16:04 par PEP

Dylendir,

Votre recommandation à l’avocat, même en forme de boutade) rejoint mon interrogation: que doit-il faire si son client s’oppose à ce qu’il soulève la nullité, ce qui me semble probable puisqu’il a l’air de tenir absolument à tout avouer?
(Je suis un mékeskidi de base, c’est donc probablement une question idiote…)

205. Le mardi 19 janvier 2010 à 16:29 par TYR

l’exagération et la caricature à outrance nuisent à la crédibilité de l’argumentation et disqualifient totalement le raisonnement.

206. Le mardi 19 janvier 2010 à 16:51 par TYR

Par ailleurs, la procédure n’est-elle pas gardienne des libertés?

La possibilité de soulever une telle nullité tend à protéger chacun d’entre nous contre l’arbitraire de ceux qui exercent le pouvoir et disposent de la force publique…

Dès lors ,fermer les yeux sur une nullité en raison d’une appréciation toute personnelle ouvre la porte à l’abitraire.

Enfin, d’autres moyens et notamment l’internement psychiatrique, en cas de risque pour la personne et/ou l’ordre public, peuvent être mis en oeuvre plutot que la violation de la loi.

207. Le mardi 19 janvier 2010 à 17:03 par Rémi

@ PEP (204) :

Je ne suis pas non plus spécialiste, mais je suppose que si le client veut à tout prix avouer, il est toujours possible à l’avocat de soulever la nullité (et donc annuler la première garde à vue) tout en recommandant à son client d’aller immédiatement après au commissariat pour avouer spontanément. Le seul problème pour le client, c’est qu’il va subir une deuxième garde à vue et séance d’aveux (vu que, si j’ai bien compris, la première ne peut pas être utilisée), ce qui n’est pas forcément ni dans l’intérêt de sa défense ni ce qu’il veut.

À la limite, ça serait à mon sens la solution idéale à ce dilemme : la procédure est annulée conformément aux règles, mais le méchant se retrouve arrêté avant d’avoir eu le temps de commettre un autre crime.

Mais là, je crois que ça nage de plus en plus dans la fiction…

208. Le mardi 19 janvier 2010 à 17:38 par hello99

@Marcel (192)

Heu, pendant la GAV en elle-même peut-être, mais dans le cas que nous soumet Gascogne, l’individu est en proie à “des voix dans sa tête” qui lui ordonnent de commettre ces meurtres.(..)

Le probleme pour les agents de police, c’est que les allegations sont des faits suivant qui les fait et ce qu’il dit. Si le mis en cause dit “ce n’est pas moi” -> il ne peut que mentir mais si il dit “c’est moi” -> il a fait un aveu. il ne peut pas mentir.

Revenons a nos moutons. Le psychiatre a examine le patient. Il s’est entretenu avec lui. L’entretien est confidentiel. Il a simplement leve le secret medical pour repondre aux 4 questions du procureur.
1) le mis en cause n’a pas partage le fait de faire des “hallucinations” avec le psychiatre;
2) le psychiatre n’a pas acces aux proces verbaux de police. Il ne peut donc pas savoir la teneur des interrogatoires.
c’est tout. donc pour le psychiatre le client n’a pas de trouble psychiatrique. Point.

@Doc (197)

“En revanche, je ne sais pas exactement comment cela peut fonctionner à Paris, où l’infirmerie spéciale est je crois spécialement dédiée, aguerrie et organisée pour ce type de sympathique interface?”

On peut confirmer que “l’infirmerie” de police , dont voici la brochure officielle de la prefecture de police est un lieu “aguerrie” aux violations des droits fondamentaux.

1) Elle n’est pas agree comme etablissement de sante en violation d’une bonne dizaine d’article du code de sante publique mais elle distribue des medicaments, et emploie des “docteurs” et des “internes de psy” remuneres par la prefecture de police. Elle a un agreement d’internat pour les residents en psychiatrie alors que d’apres le code de sante publique, elle ne peut l’avoir n’etant pas un etablissement de sante.

2) Elle est gardee par des vigiles et les familles des detenus et leur avocat ne peuvent y penetrer malgre les jugements du TA Paris, confirme par la CAA de Paris et dernierement le Conseil d’Etat.

3) Les detenus ne peuvent avoir acces au courrier ou au telephone et ne peuvent ni parler a leur avocat ni a leur famille ni avoir acces a un pretre/rabin/imam pour pratiquer leur religion.

4) Ce n’est pas donc pas un lieu de soins mais un lien d’enfermement brutal et inhumain qui evite a la police de “perdre” la face en remettant des gens en liberte trop vite.

5) 50% des detenus n’ont pas de trouble psychiatrique et donc sont relaches apres une nuit (sur les plus de 2000 personnes par an).

6) Elle a un budget de fonctionnement de qq millions d’euros !

7) Elle permet a la police de vider des cellules de garde a vue quand elle a besoin de place.

On rappelle l’arret RL MJD c. France :
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/v…

Depuis rien n’a change…Denonce par les psychiatres depuis 1848, elle n’a pas encore ete supprimee…

Tout cas parce que les hopitaux psychiatriques du secteur de Paris sont eloignes en region parisienne et que les psychiatres de ces hopitaux n’accepteront pas les “cas bidons” dit aussi des malades de “nullites de procedures”…

209. Le mardi 19 janvier 2010 à 18:25 par babar

@Zabou (198) : ”Aie, en lisant cela je comprends pourquoi on parle de formalisme excessif de certaines jurisprudences françaises. En droit suisse, on constate l’illicéité, on la répare, sans tout annuler.Selon la jurisprudence, le non-respect de l’art. 5 § 4 CEDH,”

Article 5-4 Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

Article 5-5 Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.

1) La France a ratifie la Convention europeeene des droits de l’homme en 1974. Or depuis 1974 (36 ans), il n’y a toujours aucune disposition permettant a un mis en cause en garde a vue d’introduire un recours devant un tribunal pour statuer a bref delai sur la legalite de sa garde a vue. Donc c’est aujourd’hui 100% des gardes a vue qui violent l’article 5-4 de la Convention.

2) La violation de l’article 5-4 doit donner lieu selon la Convention, a reparation financiere. Sinon c’est en violation de l’article 5-5 de la Convention.

3) La legalite ou l’illegalite de la detention est par rapport au droit interne et si il y a violation du 5-1-C. En France, une garde a vue illegale (sur l’article 5) permet l’annulation de la procedure meme si ce n’est pas requis par la Convention (qui demande la liberation immediate) mais le procureur ne poursuit jamais penalement les OPJs responsable et la personne n’a jamais d’indemnisation financiere.

4) Formalisme excessif ? Une telecopie pour avertir un procureur d’une arrestation. C’est le minimum. L’article 5-1-C de la Convention est viole pour 100% des gardes a vue en France car elle se deroule sous le controle d’un procureur (en pratique de l’OPJ) et non d’un juge (Medvedyev. France).

Il ne faut pas confondre notification a bref delai de l’autorite qui controle la detention (art. 5-1-C) et recours sur la legalite de cette detention (art. 5-4) qui prend du retard…

210. Le mardi 19 janvier 2010 à 20:27 par RG

@Gascogne

Seulement voilà : le procureur de permanence se rend compte qu’il n’a reçu l’avis de garde à vue par fax qu’au bout d’une heure quinze minutes…

Il tombe bien ce chiffre. On se demande pourquoi le législateur n’a jamais pensé à obliger d’avertir l’avocat dans la première heure, votre problème serait miraculeusement résolu.

211. Le mardi 19 janvier 2010 à 21:09 par Boule75

@Zabou 198 : merci : un peu de bon sens suisse dans cet océan de théories abstraites.

Le maître de céans pourrait détester ça. L’appel au bon sens, pas la Suisse j’entends…

212. Le mardi 19 janvier 2010 à 21:13 par Nichevo

Jojo lapin est allé en peu vite en besogne…
Je n’ai rien contre les psy ; j’ai juste assisté à quelques erreurs fatales de diagnostics.
Un exemple :
Intervention chez un malade en plein délire; policiers, pompiers et médecin psy sur place dans le salon; il y a quelques couteaux sur la table…
Détail important, nous sommes au quatrième étage. En bas, une dalle de béton.
“Messieurs veuillez quitter la pièce ! “
Bon, le toubib sait ce qu’il fait…
On ferme la porte….
“aaaaaaahh……! “
Bilan, un mort par défenestration et un psy choqué…
Des histoire pareilles, j’en ai quelques unes en stock.
Une deuxième pour la route :
Examen psy; le patient est franchement douteux et il a déjà voulu faire le coup de poing.
On l’explique au médecin qui nous regarde méchamment.
“sortez messieurs ! “
Bon ; on ferme la porte.
“BOUM ! “
Une chaise sur la tête plus tard, un dingue qui se marre et un docteur dans les pommes…

213. Le mardi 19 janvier 2010 à 21:19 par Nichevo

Tout cela pour dire qu’il faut faire confiance au policier qui se permet de faire une remarque au médecin, même si ce n’est pas un confrère.

214. Le mardi 19 janvier 2010 à 21:29 par oneiros

En tant qu’avocat, et c’est ce que je suis, je soulève sans hésiter la nullité, quitte à mal dormir pendant quelques nuits parce que malgré la satisfaction provoquée par le respect imposé aux juges de la procédure et malgré le bonheur d’avoir fait respecter les droits de l’homme, j’aurais du mal.
Si j’étais juge, je fermerai les yeux tant que l’avocat ne la soulève pas. Après tout, l’avocat n’a qu’à la voir !

215. Le mardi 19 janvier 2010 à 22:51 par Doc

à Nichevo:
Oui, c’est sûr , ils auraient mieux fait d’être un peu moins courageux, vos psy, et un peu plus attentifs à ce que leur disait Nichevo( si il leur disait quelque chose?). Quand je lis ça, je me dis que j’aime bien ma pratique…
Vous avez bien raison, chacun son boulot :-)
Donc on est d’accord, pas question de tenter de refiler aux psychiatres des gens dangereux, pour qu’ils soient gardés . Il ne faut leur confier que des gens qui relèvent de leurs soins .

216. Le mardi 19 janvier 2010 à 23:31 par Fieffégreffier

En tant que greffier d’instruction, je parle bien évidemment de cette nullité à mon juge s’il ne l’avait vue. N’ayant aucun pouvoir de décision, j’espère vraiment pour ma part que le juge saisirait la chambre de l’instruction. En effet pourquoi prendre le risque de voir, au bout de 6 mois, une procédure (très lourde) annulée puisque durant ce laps de temps le mis en examen peut changer d’avocat tous les jours (c’est sont droit) et supposer qu’aucun de ces avocats ne verrait ou ne souhaiterait soulever la nullité ?! Honnêtement, je ne vois pas l’intérêt.

217. Le mercredi 20 janvier 2010 à 01:11 par Lien Rag

Comme beaucoup l’ont déja dit, une question aussi théorique est d’un intérêt relativement limité.
Avec des “si”, on peut faire beaucoup de choses…
Par exemple, “si ma tante en avait, on l’appelerait mon oncle”
“si chacun votait de façon rationnelle en fonction de ses intérêts et de ses convictions, on serait en république”…

Alors bon, certes, Thierry Paulin a existé. Et effectivement, il s’est aperçu de la vulnérabilité des vieilles personnes isolées, et étant pas mal fracassé et d’une moralité limitée, il a décidé d’en profiter, tuant une à trois dizaines de vieilles dames selon les estimations. Heureusement, la police veille, la justice aussi, nulle nullité de garde à vue n’est signalée, il meurt en prison, les bonnes personnes sont rassurées, on peut continuer à abandonner les vieux à leur solitude, et la canicule qui vient faire à peu près 500 fois le travail de Thierry Paulin ne sera jamais conduite en garde à vue… le fait que lorsqu’il y avait une histoire d’héritage en jeu, la canicule a parfois été un peu aidée par un oreiller bien placé passe également par pertes et profits, pas besoin d’un dilemme supplémentaire, on est entre gens de bien.

Sur la question de base, mon avis si par hasard il intéresse quelqu’un, est que la loi est viciée à sa base, datant pour ses conceptions et sa philosophie d’une époque où seuls les notables étaient justiciables, les infractions des manants se réglant socialement ou par la bastonnade. Pour mémoire, Jack l’Eventreur a fait scandale au moment du tournant historique qui a vu la police commencer à s’intéresser à ce qui se passait dans les quartiers populaires comme Whitechapel- ses collègues qui exerçaient quelques années avant se sont soit rangés des voitures bien sagement, soit ont finis étripés par les macs, soit plus simplement sont morts d’une des diverses morts naturelles de ces temps-là (rencontre accidentelle avec un couteau ou un gourdin, maladie de la misère, coma éthylique, et j’en passe faute d’imagination).

Fondamentalement donc, il n’y a pas de lien entre la protection des libertés et le non-lieu pour une affaire criminelle, au moins sur le plan théorique. Toujours en théorie, il doit donc y avoir deux procès, l’un infligé au policier coupable du dépassement de garde à vue (ou à l’administration, ça dépend et du cas et de la philosophie politique en oeuvre), l’autre au coupable de meurtre, il n’y a aucune raison que l’un annule l’autre.
Pour éviter l’impunité des forces de répression, il suffirait que le procès de la victime de l’abus de droit (mais coupable par ailleurs) ne puisse se tenir qu’après le verdict définitif du procès du coupable d’abus de droits (et qu’on espère innocent par ailleurs).

Dans la situation actuelle les victimes des deux forces coupables en jeu sont tout simplement escamotées - ce qui n’est pas catastrophique à l’échelle de la société si les coupables sont des individus (le risque zéro n’existe pas, et on n’abolira pas le Mal avec une loi), mais sérieusement problématique quand ce sont des organisations prédatrices qui sont ainsi protégées.

La police comme organisation est une menace pour la démocratie.
Les mafias comme organisations sont des menaces pour la démocratie.
Le patronat comme organisation est une menace pour la démocratie (oui je sais, ça tombe comme un cheveu sur la soupe, Gascogne a bien parlé d’un tueur de vieilles dames, pas du tout d’une société qui répond à un appel d’offres et fournit une salle de torture entièrement équipée et prête à l’emploi à la police de Bahrein, ni d’une grosse société de BTP obtenant l’hégémonie dans son secteur par la corruption politique et organisant l’externalisation des accidents du travail vers des sous-traitants sans papiers, ni d’une grosse société pétrolière ayant quelques assassinats de gêneurs à son bilan, ni d’un autre exemple totalement impossible à imaginer dans nos belles sociétés démocratiques…).
La façon dont ces aspects strictement politiques sont entièrement escamotés par la société des hommes de loi au profit de la fiction juridique permet effectivement de poser des cas de conscience aussi théoriques que celui-ci…

218. Le mercredi 20 janvier 2010 à 07:37 par Nichevo

La psychiatrie n’est pas une science exacte; c’est une science humaine …
Moi aussi j’aime bien ce que je fais Doc, même si parfois j’ai du mal à l’expliquer au corps médical; (en dehors du divan bien sur…).
Suivons un peu les faits divers; je suis certain que nous aurons d’autres cas à examiner et vous d’autres théories à nous distiller. La police se contentera de faire ses constatations…
Dommage…


Gascogne :
Bof…Tant qu’elle ne constate pas qu’elle reçoit des ordres illégaux…


219. Le mercredi 20 janvier 2010 à 07:42 par Nichevo

Vous avez peut être raison Lien Rag mais l’exemple à suivre serait alors celui de lla Corée du Nord… :)

220. Le mercredi 20 janvier 2010 à 10:17 par Pseudo,

Bonjour,

Après réflexion, je me dit que le pekin moyen, lisant les commentaires du figaro au premier degrés, que ce pekin donc soit en faveur de l’enfermement immédiat du suspect, c’est triste mais c’est comme ça.

Par contre, que vous, Procureur de la République, vous ne fassiez que vous poser la question sérieusement, cela me fait froid dans le dos.

Vu l’impacte des cours d’histoire, je ne vois en pourquoi on fait tout un plat de leur suppression, vivement qu’on supprime aussi la philosophie, parce que vu ce qu’il en reste ça doit pas servir à grand chose.

A bon entendeur.


Gascogne :
Sortez couvert, si vous avez froid dans le dos. Quant à votre commentaire, il me fait penser que vous devez également regretter la disparition des leçons de morale.


221. Le mercredi 20 janvier 2010 à 10:29 par Histrion

Au delà du fait qu’il faut encore une fois cacher ses drosophiles si on y tient sur ce blog, j’aimerais souligner que la loi, et la procédure, par définition, sont des choses que la société a inventé pour gérer les problèmes en masse. Je suis scientifique, informaticien pour être plus précis, et il ne me viendrait pas à l’idée de créer un programme pour traiter un cas sur un million. Pour ça il y a l’artisanat. Avec l’informatique comme avec la loi nous sommes dans l’application massive d’une solution à un problème relativement générique (bon, parfois ce sont quelques cas par an, mais ça reste du générique).

A mon humble avis la procédure doit suivre son chemin habituel (la personne doit être relâchée) et quelqu’un dans la chaîne devrait prévenir les services plus “musclés” et adaptés via le ministère de l’intérieur (je n’y connais rien, mais en poussant le raisonnement à l’extrême je pense à la DST qui a probablement quelques moyens bien spécifiques pour gérer un cas comme celui-ci).


Gascogne :
Que de mépris pour l’artisanat…Venez faire un petit stage dans les tribunaux, et vous apprendrez peut être la différence entre façonner de la matière humaine, et rester dans son bureau devant un écran. Il est pour le moins difficile en la matière de faire dans “l’application massive”…


222. Le mercredi 20 janvier 2010 à 11:47 par Parquezaco

A Gascogne

merci d’avoir, par votre billet, démontré l’extrême difficulté d’avoir les mains dans des enquêtes pénales dont d’aucuns voudraient qu’elles soient toujours idéales.

223. Le mercredi 20 janvier 2010 à 12:08 par L'Ankou

Bon… une pierre de cet édifice aura donc mon nom… enfin, mon pseudo…

Déjà, deux ou trois remarques liminaires :

  • je ne crois pas que la morale ait sa place dans le débat… on peut tout aussi bien raisonner en termes d’efficacité, d’engagement citoyen, d’éthique, de conscience… sans y mêler des notions aussi abstraites et théoriques que le Bien et le Mal…
  • je voudrais aussi faire honte aux personnes qui prônent l’enfermement psychiatrique. Outre le fait que c’est inopportun en l’espèce, cela témoigne d’un tempérament que j’exècre, et qui consiste à mettre ce qu’on ne comprend pas et qui dérange, dans une boite fermée, cachée, loin, et le problème est réglé parce qu’on ne voit plus le problème. Or, dans les hôpitaux psychiatriques plus que dans tout autre endroit, il y a des personnes fragiles, innocentes et faibles, incapables de se défendre, piégées, par exemple, dans des prisons mentales, des autismes, des handicaps lourds, des détresses inconcevables. Et vous voudriez que ces innocents subissent en plus la terreur de cohabiter avec des délinquants dangereux ? Des meurtriers récidivistes ? Des violeurs ? Des tueurs en série ? Si vous aviez comme moi des proches qui n’ont même pas accès au langage pour exprimer leurs peurs et leurs angoisses, vous n’oseriez même pas esquisser le plus petit début de tentative de formuler une pensée aussi révoltante. Couvrez donc de cendres vos visages que la honte empourpre à bon droit !

Pour le reste, j’aurais tendance à me ranger parmi ceux qui défendent le respect de la loi sur tout autre considération.

Il me semble pouvoir leur fournir trois arguments supplémentaires que je ne crois pas avoir lu ci-dessus :

  • D’abord, je tiens la loi, la norme, la règle, pour l’expression d’une volonté collective, et qui constitue, en temps normal (c’est à dire tant qu’on n’a pas un président qui réforme tout ce qui passe à sa porté) un agencement minutieux et réfléchi, destiné tout autant à punir les coupables qu’à protéger les innocents. La sécurité est une préoccupation légitime, mais la sûreté l’est tout autant. Et protéger le citoyen contre les arrestations arbitraires et les lettres de cachet me semble une des sources les plus légitimes des élans révolutionnaires qui ont fondé notre système juridique. J’applique la règle.
  • Ensuite, ne faut-il pas écarter la règle dans les cas les plus exceptionnels ? Ca se discute, évidemment, mais mes principes me conduisent certainement à défendre une réponse négative. Certains contributeurs ont affirmé leur embarras du fait que le cas d’école est outrancier et fait partie, effectivement, des cas les plus odieux. Au contraire, cette outrance me facilite la réponse : c’est justement pour les cas les plus odieux qu’on veut un coupable à tout prix. C’est pour les cas les plus évidents, les plus intolérables, les plus inadmissibles que notre objectivité est la plus mise à mal. L’irrationalité de la haine, de la vengeance, de la colère, de la révolte tend à brouiller nos raisonnements. C’est évidemment là qu’on a le plus besoin des lois et des règles pour revenir à de la sérénité dans le jugement. Cette raison de respecter la loi à la lettre me semble plus forte que la seule crainte de briser un tabou et d’affaiblir une règle qui pourrait profiter, un jour, à un futur innocent.

Bien sûr, tout nous dit, ici, qu’il est coupable ! Lui-même semble s’en vanter. Rien n’indique son innocence, et, allez, le procès est joué d’avance… c’est même à se demander pourquoi on se fend d’une telle dépense ! Et bien, c’est précisément parce que j’ai cette certitude absolue, c’est parce que je n’ai aucun doute sur sa culpabilité que j’ai besoin qu’une loi me rappelle la présomption d’innocence, et que rien n’est joué tant que la culpabilité n’a pas été établie selon les règles, les principes et les procédures. Quand je doute, je n’ai pas besoin d’une loi pour prendre les précautions. C’est quand je ne doute pas que je suis dangereux !
Ici, une procédure a été enfreinte. Dans quel camp suis-je ? dans celui qui respecte les règles ou dans celui qui les aménage au gré de ses convenances personnelles, de ses croyances et de ses convictions morales ? J’applique la règle.

  • Enfin, cela m’amène à écarter la théorie de “baïonnette intelligente” : est-ce que la règle qu’on me m’impose de respecter ne mérite pas d’être remise en question ? C’est possible, en effet. L’efficacité, les “principes de précaution” appliqués à la récidive et ma conscience m’inclineront à éplucher tous les codes et toutes les voies légales pour trouver la parade. J’ai assez de confiance en Gascogne pour savoir qu’il n’a laissé aucune échappatoire. Je suis condamné à tourner en tous sens les codes, les principes et les procédures en vain, et il me faudra donc relâcher l’individu dans la nature. C’est odieux, mais précisément… si la règle qu’on m’impose est assez mauvaise pour imposer sa révision, est-ce que je joue bien le rôle qui m’est imparti en dissimulant ses effets les plus pervers ? Est-ce que l’annonce de la libération d’un dangereux criminel “présumé” ne va pas, justement, amener le législateur à rectifier, pour l’avenir, des procédures qui obligent à libérer une personne aux tendances criminogènes reconnues ? Raison de plus, donc, pour appliquer la règle.

Je sais, cher Gascogne, que vous n’aimez pas les gens qui ont des certitudes. Je n’en ai pas, mais j’ai compensé par des convictions. Ce n’est probablement pas mieux…

Donc, voilà. Le criminel, présumé innocent, est dehors… Dois-je l’avouer ? Quand je lis dans la presse qu’il a récidivé, je n’en ai pas mauvaise conscience… quoi qu’on en dise, le tueur, c’est lui. Pas moi. Oui, j’aurais peut-être pu empêcher ça, mais il n’y a qu’un vrai coupable, et c’est lui. Et puis j’ai d’autres chats à fouetter : j’ai agi en conscience, mais il me faut, maintenant, supporter les regards horrifiés de mes proches, l’opprobre de ma hiérarchie, les médias qui réclament des sanctions contre moi, tous ces gens qui, sans comprendre les enjeux de mon attitude, ont besoin d’un coupable à tout prix et me montrent du doigt. C’est ça qui est insupportable, bien que j’aie ma conscience pour moi. Et cela touche tous les intervenants ! Carrières bloquées, sanctions disciplinaires, mutations, enquêtes diverses, mauvaise publicité pour le cabinet d’avocat… Quel gâchis… En plus, les politiques s’en sont emparés : le président réclame un durcissement immédiat des procédures pénales… Sera-t-il dit qu’à défendre mes convictions, le libertés publics et la sureté, j’aurai obtenu exactement l’effet inverse à celui escompté ? Je puis maudire ma psycho-rigidité qui m’empêche de composer avec les règles… si c’était à refaire, je referai pareil, sans doute… ou bien je n’aurai pas choisi ce métier…

Ouf ! Je n’ai pas choisi ce métier ! Je ne suis qu’un Mékeskidi !

Bien à vous,
L’Ankou.

224. Le mercredi 20 janvier 2010 à 16:08 par Marc

Je crois qu’il y a un malentendu sur le dilemme que vous proposez. Pour moi, la question qui peut mériter débat est de savoir si la loi vous soutiendrait si vous deviez faire votre devoir.
Si vous pouvez empêcher un meurtre de se faire, il est évident que vous devez y consacrer toute votre énergie.
Il n’y a pas d’alternative légitime, aucun texte, aucune idée et il faut bien le dire, aucune loi ne doit vous retenir et d’ailleurs, je n’ai pas connaissance en France d’une loi qui vous empêche de sauver des vies.

Le risque, au-delà de perdre votre humanité, serait de laisser une part de chaos s’installer dans la société, et sans être nécessairement en opposition, ce sont bien les libertés individuelles qui en seraient tôt ou tard victimes.

Enfin, j’invite ceux qui envisageraient en théorie de laisser mourir des gens pour respecter une loi ou une procédure de s’interroger un peu plus sur le sens de leurs propos…

225. Le mercredi 20 janvier 2010 à 16:35 par Guerandal

Gascogne, en robe de magistrat avec un chapeau et des bottes de mousquetaire poursuit une rapière à la main un Troll qui s'enfuit effrayé ; Un texte 'Commentaire modéré par troll détector(tm)' surplombe l'image.
Gascogne :
Quand vous apprendrez à ne pas confondre invective (“mauvaise foi” “monstrueux”) et argumentation, nous pourrons peut-être un jour discuter entre personnes civilisées.


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