Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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La chambre de l'instruction de Paris juge la garde à vue sans avocat conforme à la CEDH

Par un  arrêt du 9 février 2010, la chambre de l’instruction (pôle 7 chambre 5) a rejeté une requête en annulation de pièces d’une instruction qui se fondait sur la jurisprudence récente de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Son argumentation est intéressante, et mérite vraiment d’être attaquée par la voie d’un pourvoi en cassation, qui permettrait à la haute juridiction de trancher le débat en cours, et je l’espère dans un sens funeste à cet arrêt, dont je ne partage pas, et de loin, les conclusions.

En voici les passages pertinents. Mes commentaires sont en italique. Les passages importants sont graissés par votre serviteur. Le mot “cour” indiquera toujours la cour d’appel de Paris, la cour européenne des droits de l’homme sera désignée par son acronyme CEDH pour éviter toute confusion.


 

 

ARRÊT DU 9 Février 2010

 

 

COUR D’APPEL DE PARIS

 

PÔLE 7

 

CINQUIÈME CHAMBRE DE L’INSTRUCTION

 

 

ARRÊT SUR REQUÊTE EN ANNULATION DE PIÈCES

 


 

 (…)

 

La cour commence par rejeter un argument tiré de la Résolution (73)5 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe édictant les règles minimales de traitement des détenus, en écartant tout bonnement le texte sans même l’examiner.  

 

            Considérant que les règles minimales édictées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe non reprises par une convention internationale n’ont pas de valeur juridique en tant que telles, et constituent de simples recommandations ;


Argument de pur droit, presque rien à redire. Si ce n’est que cette résolution a été prise dans le cadre du conflit d’Irlande du Nord et visait à émettre des directives à l’égard de l’armée britannique qui se livrait sur les militants pro-IRA à des actes de torture caractérisés. La cour d’appel estime donc qu’il n’y a pas à se demander si la France respecte ces “simples recommandations”. Il est permis de le regretter. le juge peut tout à fait s’inspirer de ces recommandations au moment d’interpréter et d’appliquer la loi. La CEDH ne se prive pas de tenir compte de ces recommandations : cf. arrêt Salduz, §55.


Autre argument écarté par la cour : les arrêts Salduz, Dayanan, et compagnie posent des principes applicables en France. Là, la position de la cour est pour le moins audacieuse. 

             Considérant qu’en application de l’article 46 de la Convention Européenne des droits de l’homme, seules les Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour (Européenne de Strasbourg) dans les litiges auxquels elle sont parties, que tel n’est pas le cas en l’espèce des décisions citées  par la défense dans sa requête, sauf celle du 23 novembre 1993 Poitrimol c/ France, dont cependant  elle n’explicite pas  les termes pertinents et applicables en l’espèce ;

On retrouve ici un argument tenu par la Chancellerie : les arrêts Salduz et Dayanan concerneraient la Turquie et pas la France, donc ils ne sont pas pertinents. Le voir repris dans un arrêt de cour d’appel me chiffonne nettement plus, tant on sait que la CEDH applique les mêmes principes à tous les États membres. Il aurait suffit que la  cour d’appel lût l’arrêt Salduz pour voir ainsi que la CEDH invoque à l’appui de sa décision des arrêts qu’elle a antérieurement rendus contre la Suisse, la Bulgarie, le Royaume-Uni, l’Autriche et… la France. C’est un peu comme si la cour d’appel refusait d’appliquer la jurisprudence de la cour de cassation au motif que ses arrêts ne concerneraient que les parties en cause.

Quant au fait que la requête en annulation n’explicite pas les “termes pertinents et applicables en l’espèce” de ces décisions, je suis ravi d’éclairer la cour d’appel : c’est au §34 de l’arrêt que la CEDH dit que “Quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable.” Cette formule est reprise mot à mot dans l’arrêt Salduz au §51, en se référant expressément à l’arrêt Poitrimol. La cour dit donc clairement que ce dernier arrêt n’est qu’une application des principes du premier. La différence est que l’arrêt Poitrimol portait sur le droit à comparaître devant un tribunal, et Salduz sur l’assistance en garde à vue. Point sur lequel la CEDH précise : « À cet égard, il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » et que la nomination d’un conseil n’assure pas à elle seule l’effectivité de l’assistance qu’il peut procurer à l’accusé ». Ça me paraît pourtant clair.


             Considérant que la défense, au soutien de sa requête se réfère essentiellement à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et plus spécialement aux dispositions de son alinéa 3, pour affirmer que la Convention a pour but de “protéger des droits non théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs”, et que la nomination d’un conseil n’assure pas à elle seule l’effectivité de l’assistance, elle en déduit que l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police, laquelle défense, admet  cependant que l’article 6 paragraphe 3 c) ne précise pas les conditions d’exercice du droit qu’il consacre, et concède que ce droit peut toutefois être soumis à des restrictions “pour des raisons valables”, dit-elle , sans citer les arrêts des 27 novembre 2008 (Arrêt Salduz) et 13 novembre 2009 (Arrêt Dayanan)de la Cour Européenne ;


            Considérant que X a été  placé en garde à vue, le 12 mai 2009 à 6h10, que cette garde à vue a été prolongée une première fois pour 24h00, le 12 mai à 23h05 et, à nouveau prolongée le même jour à 22h05, pour finalement être levée le 14 mai à 11h50, soit avant l’expiration du délai légal de 72 heures, heure au delà de laquelle, le droit à l’assistance d’un avocat pouvait être régulièrement exercé, conformément aux dispositions des articles 63, 63-4, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale ;

Nous étions donc dans le cadre d’une procédure dérogatoire, sans droit à l’avocat pendant trois jours. Comme précisément celle de l’arrêt Salduz.

 

            Considérant qu’il résulte de la lecture des procès verbaux de placement en garde à vue et de prolongation de cette mesure , que les droits du gardé à vue ont été notifiés régulièrement à X , conformément aux dispositions de l’article 64 du code de procédure pénale, et que celui-ci a pu régulièrement et effectivement  les  exercer , conformément à ses souhaits (avis à famille, examen médical) ;

 

            Considérant que le paragraphe 3 de l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’homme dit:

 

« Tout accusé a droit notamment à:

« a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

« b)disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ,

« c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

« d)interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

                                                                                 

            Considérant que les dispositions actuelles du code de procédure pénale consacrent le principe que toute personne placée en garde à vue peut avoir accès à un avocat avec lequel elle peut s’entretenir, dès le début de cette mesure (article 63-4 et 154 du code de procédure pénale) , que l’effectivité de ce droit est réelle, l’avocat étant avisé de la nature et de la date des faits , cet entretien pouvant durer 30 minutes ,cette faculté étant renouvelée à chaque prolongation de la mesure ;

 Là, je m’étrangle en lisant ça. Et si la cour ne connaissait d’un dossier que la date et la nature des faits, s’estimerait-elle réellement et effectivement en état de juger ? Non, n’est-ce pas ? Alors comment un avocat dans cette situation est-il censé être en état d’assurer réellement et effectivement les droits de la défense ?


            Considérant que notre droit prévoit une intervention différée de l’avocat lorsque le gardé à vue est mis en cause pour certaines infractions relevant de la criminalité organisée, du terrorisme, ou encore, comme en l’espèce, pour infraction à la législation sur les stupéfiants, ensemble d’infractions estimées  d’une particulière gravité ;

 Comme le prévoyait le Code de procédure pénale turc. Qui a depuis été modifié pour être mis en conformité avec les droits de l’homme. 


            Considérant, ainsi que le concède la défense, que ces restrictions ne sont pas contraires à l’article 6 paraphe 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux interprétations qu’en a fait la Cour Européenne de Strasbourg, qui admet les exceptions au principe de l’exercice du droit à un avocat, s’il est démontré, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ;

 Ah, pardon. Si en effet la cour dit bien que “Ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables”, c’est dans l’arrêt Salduz c. Turquie (§52), or la cour a dit plus haut que selon elle l’art. 46 de la Convention limitait l’effet de l’arrêt Salduz à la Turquie. Là aussi, il faudrait savoir. On ne peut pas dire qu’un arrêt s’applique à la Turquie quand il est favorable à la défense et à la France quand il soutient l’accusation. 


            Considérant que la participation à un trafic de stupéfiants constitue une infraction particulièrement grave de par ses conséquences, entre autres, sur la santé publique, de telle sorte que les restrictions temporaires instituées poursuivent une préoccupation légitime, apparaissent proportionnées à l’objectif social, tel que voulu par le législateur ; et ne se montrent   pas contraire au principe du procès équitable;

Pour ma part, j’ai tendance à penser que le meurtre a plus d’impact sur la santé publique que la toxicomanie, mais je ne suis pas médecin ni conseiller de cour d’appel. Puisque je ne suis que juriste, une question de droit : en quoi la gravité des conséquences d’une infraction justifierait-elle une restriction des droits de la défense ? Jamais la cour européenne des droits de l’homme n’a dit une telle chose, qui permet d’écarter la garantie des droits de la défense pour toutes les infractions graves, ne laissant le droit à un avocat qu’aux peccadilles et délits mineurs. C’est à dire en fait à toutes les infractions qui ne sont jamais soumises à une chambre de l’instruction. 

 

            Considérant enfin qu’en l’espèce, la mise en examen de  X n’a pas été uniquement fondée à partir de ses déclarations faites en garde à vue, mais aussi au regard d’autres indices graves ou concordants, tels les interceptions téléphoniques, les résultats positifs des perquisitions et les déclarations des autres protagonistes, que dès lors le requérant , qui n’encourt pas le risque d’être condamné au vu de ses seules déclarations initiales recueillies en garde à vue, pourra bénéficier d’un procès équitable ;

Fort bien, il y a d’autres éléments à l’appui de l’accusation. En quoi cela dispenserait-il d’annuler les déclarations obtenues en garde à vue ? Que la cour les annule, et on verra si le tribunal correctionnel trouvera dans ce qui reste de quoi fonder une condamnation. La Convention européenne des droits de l’homme n’est pas censée ne s’appliquer qu’aux accusés dont l’innocence est établie. 

 

            Considérant en conséquence que l’ensemble des droits et règles régissant la garde à vue ont été en l’espèce respectés, que les procès verbaux y afférent comme toutes pièces de la procédure subséquentes sont réguliers, que la requête en nullité sera rejetée dans son intégralité, et que la procédure , qui n’est pas entachée d’autres irrégularités , est régulière jusqu’à la cote D2958 ; (…)


 Cet arrêt de la cour d’appel est intéressant, car il a eu la vertu de renforcer ma conviction sur la non conformité du droit français, particulièrement les procédures dérogatoires, à la Convention européenne des droits de l’homme. Quand on voit l’argumentation déployée par la cour, qui est contradictoire en ce qu’elle écarte des arrêts de la CEDH qui ne concerneraient pas la France avant de les invoquer quand ils disent qu’ils admettent des exceptions, et se prononce sur la pertinence de ces exceptions par des motifs généraux et vagues quand la CEDH exige pour admettre des exceptions des justifications fondées sur les circonstances particulières de l’espèce. 

Qu’une cause soit si mal défendue révèle qu’elle est perdue. J’espère que mon confrère va se pourvoir en cassation et l’encourage vivement à le faire. 

Et si le salut ne venait pas du Quai de l’Horloge, Strasbourg est si belle au printemps.

Commentaires

1. Le jeudi 11 février 2010 à 07:49 par Bécassine

Assis, debout, mais pas couché ……

2. Le jeudi 11 février 2010 à 07:57 par Garland

Bonjour Maître,

Un petite question, à laquelle vous avez déjà peut être répondu:
Que risque la France a ne pas se conformer à la décision de la CEDH?
J’ai l’impression qu’elle applique ce qu’elle a envie suivant la mouvance politique en cours…

A part se faire taper sur les droits, y a t-il des sanctions?

Eolas:
Une nouvelle condamnation, assortie d’une sanction pécuniaire, et la condamnation ouvre un droit à révision au profit du requérant.

Concernant les gardes à vue, MAM a l’air de vouloir bouger (un peu) c’est déjà ça.

Eolas:
Gesticuler n’est pas bouger.

3. Le jeudi 11 février 2010 à 08:02 par Killerjeff

Maitre, je vais faire le mékeskidi bête et de base mais est-ce que la chambre d’instruction n’a pas été obligé dans cette décision d’aller dans le sens d’ordre venant de plus haut ? Chose grave mais dont je ne serai même plus étonné vu certaines lois/commentaires de ministre fait en ce moment.

Dans tous les cas, merci de nous tenir informé et surtout de rendre toutes ces décisions juridiques compréhensible aux premiers mékeskidi venu

Eolas:
Non, l’indépendance des juges en France n’est pas une fiction. S’agissant de la formation qui a statué, la décision n’a rien de surprenant ou d’imprévu. Le parquet général ne tremble jamais avant une audience à la chambre de l’instruction de Paris.

4. Le jeudi 11 février 2010 à 08:05 par Guerandal

Je croyais que les nominations à la Cour de cassation étaient terminées pour cette année.
J’ai dû me tromper !

@ Eolas 2e §
Si ce n’est que cette résolution a été prise dans le cadre du
et là il y en a trop ou pas assez :
le juge peut tout s’inspirer de ces recommandations

5. Le jeudi 11 février 2010 à 08:10 par Murdock

La cour d’appel vient peut être de vous rendre un service en statuant de la sorte.
En la défendant de cette manière par des arguments qui se contredisent, elle a plus de chance d’encourir une cassation.

Tandis que si elle avait déclarée la GAV non conforme, elle se serait fait accuser de gauchiste irresponsable du côté des trafiquants de drogue et des assassins.

Avec des amis comme ça aux côtés de la GAV, pas besoin d’ennemis.

6. Le jeudi 11 février 2010 à 08:14 par Hivrenuit

Et cet arrêt à été rendu par pure mauvaise foi, ou les auteurs y croient vraiment ?

Eolas:
Cet arrêt ayant été rendu sous la présidence et sur le rapport de madame le président Boizette. Je ne mets absolument pas en doute sa sincérité.

7. Le jeudi 11 février 2010 à 08:35 par ancien

1. Un arrêt similaire à celui-ci infirmerait il, le cas échéant, l’annulation récemment prononcée de cinq GAV ?

Eolas:
Oui, il lui est clairement contraire.

2. Lorsque MAM parle de “devant le Sénat d’instaurer une forme d’audition libre qui ne pourrait pas excéder quatre heures pour les personnes interpellées n’encourant pas de peine de prison”(rare), l’adjectif libre signifie t’il que l’auditionné peut quitter les lieux à son gré ou que la police est libre de mettre ces quatre heures à profit pour le faire parler comme bon lui semble ?

Eolas:
Le fait de limiter dans le temps une audition libre est absurde. La police doit-elle mettre dehors au besoin par la force l’entendu libre qui souhaite continuer au bout de ces quatre heures de répondre aux questions ?

8. Le jeudi 11 février 2010 à 08:41 par Pilier

@2: le risque est principalement financier: chaque violation constatée par la Cour entraîne une indemnisation de l’Etat condamné à la personne requérante. Non pas qu’on soit sur des sommes faramineuses (ca se compte en milliers d’euros voire en dizaine de millier, rarement plus), mais devant le risque de contagion, les textes finissent par évoluer dans l’Etat en cause.
Ensuite, il y a également une toute petite condamnation morale: être condamné pour n’avoir pas respecté les droits de l’homme, dans notre société démocratique, ca fait tâche. Mais là, c’est plus limité, ca se saurait si ca avait une influence en France: on n’aurait pas occupé le podium des pays les plus condamnés par la CEDH pendant des années.

Eolas:
Pardon. La France a manqué le podium : elle n’est que 4e (sur 47) au top des condamnations sur la période 1958-2008, avec un peu plus de 6% du total des condamnations (pour moins de 2% des recours) derrière la Russie, la Turquie et l’Ukraine. 

9. Le jeudi 11 février 2010 à 08:42 par L'optimiste

Chambre de l’instruction….chambre des évêques….je confirme …nous confirmons…5 minutes de délibéré un coup de tampon et on passe à l’affaire suivante.
Il n’y a rien à attendre d’une chambre de l’instruction….passons à autre chose!Inutile de rappeler Outreau et l’impunité générale des très nombreux magistrats ayant siégé dans ces chambres de l’instruction.

10. Le jeudi 11 février 2010 à 08:46 par S.

Hmm. La contradiction et l’invraisemblance juridique sont semble-t-il qualifiés, et l’opportunité politique ne saurait être bien loin. La question se pose donc: une chambre d’instruction est-elle busirible?

Eolas:
L’Académie respecte le domaine de compétence de la cour de cassation, seule susceptible de se prononcer sur cette décision.

11. Le jeudi 11 février 2010 à 08:48 par Eporediens

Soyons optimistes.
Et si c’était de la provoc’, pour pousser l’avocat à se pourvoir, et la Cour de cass’ à casser?

12. Le jeudi 11 février 2010 à 08:55 par max

Hum, comme beaucoup, tout cela ressemble à ça:
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A…

13. Le jeudi 11 février 2010 à 09:02 par jalmad

@ 3 : non, personne ne reçoit jamais d’ordre au siège. En revanche, chacun sait quelle décision serait susceptible de faire plaisir à qui….

@ 6 : je ne sais pas si quelqu’un croit réellement à cette argumentation, qui correspond peu ou prou à l’argumentation type réfutant la nullité qui circule en ce moment, notamment dans les parquets, et inspirée directement semble-t-il de la note de la chancellerie.

Dans cette argumentation type, mais qui n’est pas reprise ici explicitement sur ce point, même si certains attendus le sous-entendent, on va encore plus loin en affirmant que l’absence d’avocat lors des auditions en GAV ne seraient, de toute façon, pas un problème de nullité, mais un problème de force probante des déclarations faites lors de ces auditions (cette même argumentation est d’ailleurs tirée d’une interprétation de Salduz, décisions qu’on estime par ailleurs pas applicable à la France !).

Ils ne se rendent même pas compte que ce terrain là est encore plus “glissant”. Plutôt que d’accepter la présence d’un avocat en GAV, ils préfèrent dire “oui, ben, c’est clair, les déclarations extorquées par des policiers ou des gendarmes, ça a peu de valeur”, sous entendu “les enquêteurs écrivent n’importe quoi sur les PV et font dire ce qu’ils ont envie d’entendre”, et ce de manière générale. Bref, même si c’est parfois le cas, c’est très infamant pour les enquêteurs, et je pense (en tout cas sur mon ressort), que ça ne correspond pas à la majorité des cas…..Et, sur ce motif, je peux vous dire que, sans annuler quoique ce soit, on va aller à la relaxe à tour de bras dans nos petites affaires de petits tribunaux…..

Alors que dire qu’il faut qu’un avocat soit présent sous peine de nullité ne relève pas de la même chose : c’est simplement reconnaître qu’un type gardé à vue doit pouvoir être conseillé de façon utile dès le début ; notamment qu’on lui rappelle son droit au silence, ou qu’un avocat puisse poser des questions auxquelles les enquêteurs n’auraient pas pensé, et susceptibles d’orienter l’enquête autrement. Bref, c’est simplement de dire qu’une personne mise en cause et privée de liberté a le droit d’être défendue, que le rôle d’un avocat est justement de défendre, quand celui des enquêteurs est d’enquêter. Il n’est pas insultant de dire que ces derniers sont, comme tout le monde, faillibles et surtout, sur un temps de GAV, où ils doivent travailler dans l’urgence et devront faire des choix d’enquête, choix qui seront à ce stade, il faut bien le dire, plus souvent de rechercher les éléments à charge (ce qui ne me paraît pas illégitime, car la question qui se pose dès le stade de la GAV, c’est “l’après GAV”, et en outre, il faut bien admettre que certains actes d’enquête ne peuvent se faire utilement que dans le cadre d’interpellation surprise : perquisitions, confrontations avec les personnes qui mettent le gardé à vue en cause…La difficulté tient plus au fait que, bien souvent, il ne se passe plus rien après la GAV, en terme d’enquête, et ce même parfois si un gardé à vue a avancé le nom de témoins, ou conteste formellement les déclarations de quelqu’un le mettant en cause…pas pu organiser la confrontation sur le temps de GAV ? bof, tant pis, on s’en passera…).

Nous offusquons nous, nous, Juges d’instruction, du fait de ne pouvoir interroger quelqu’un que si son avocat a été dûment convoqué et a pu avoir accès au dossier ? alors que bien souvent, une personne mise en examen n’est pas dans une situation pénale pire qu’un type en garde à vue, en ce sens que la plupart des poursuites sont déclenchées par le Ministère Public après une GAV sans passer par la case mise en examen.

bref, je ne comprends vraiment pas cette résistance…..de la même manière que je ne comprends pas que, malgré tout ce qui se passe en ce moment autour du recours excessif à la GAV, les policiers de chez moi continuent de placer en garde à vue (pour leurs stats, sûrement ?) des personnes qui se sont déplacées au commissariat sur convocation, acceptent de s’expliquer sans avocat, et ne sont finalement retenues dans les locaux pour l’audition que 2 heures. Les mêmes policiers qui se plaignent parfois de “toute cette paperasserie” (notifications des droits de GAV) qui a alourdi leur boulot en les décentrant du travail d’enquête.

14. Le jeudi 11 février 2010 à 09:06 par jalmad

@ 9 : halte là, les généralisations à outrance….mais qu’est-ce que ça veut dire, ça ? c’est exactement le raisonnement des “anti-nullité” : ah ouais, Portelli et sa clique, tous les mêmes, des gauchistes, des anti-flics, etc……..vous n’avez pas des argumentations un peu plus constructives pour regretter cette décision ?
et pour info, la Chambre de l’instruction de Pau a fait application des décisions de la CEDH.

15. Le jeudi 11 février 2010 à 09:16 par Per Angusta

“seules les Hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour (Européenne de Strasbourg) dans les litiges auxquels elle sont parties”

Donc c’est l’État, et pas le pouvoir judiciaire, qui doit prendre en compte la jurisprudence, non ? Les juges doivent appliquer les dispositions de la CEDH en cas de conflit au niveau interne, mais si le droit interne est contraire à la jurisprudence en elle-même, ils doivent appliquer le droit interne en vigueur. C’est à l’État de se conformer, le cas échéant, à l’interprétation de la Cour, en passant par la voie législative. Pas aux juges.

Eolas:
Les deux mon général. Bien sûr, les États doivent se mettre en conformité. Mais la convention européenne étant invocable en droit interne, les premiers juges de la convention sont les juges nationaux. La Cour de cassation en se gêne pas : (Par exemple : Cass Crim 24 mai 2006, n°05-85685, violation de l’article 6 dela CEDH en raison du rejet d’une demande de renvoi, en l ‘absence de son conseil,présentée par le prévenu refusant l’assistance de l’avocat de permanence ; Cass Crim 21 mars 2007, n°06-89444, violation de l’article 8 de la CEDH du fait,pour les enquêteurs, d’avoir photographié clandestinement, au moyen d’untéléobjectif, les plaques d’immatriculation de véhicules se trouvant à l’intérieur d’unepropriété privée non visible de la voir publique ; Cass Crim 23 juin2009, n°09-81695, violation de l’article 6 de la CEDH à raison du défaut de traductiond’une ordonnance pénale dans une langue pouvant être comprise du prévenu). Et la CEDH a vocation à unifier l’interprétation de la convention au niveau européen. Si le problème qui se pose est une simple interprétation de la loi, inutile de la changer : le juge peut tout à fait changer l’interprétation en vigueur.

16. Le jeudi 11 février 2010 à 09:26 par Mathaf Hacker

A Strasbourg, ce sera le retour des six cognes.
Le galimatia et autres triturations du droit par ce gouvernement deviennent insupportables.
On compte sur vous et toute la communauté dans ce noble combat pour les libertés.

17. Le jeudi 11 février 2010 à 09:26 par Simone

Et si le salut ne venait pas du Quai de l’Horloge, Strasbourg est si belle au printemps.”
En vous lisant, Maître, j’ai la gorge serrée et les yeux humides.

Eolas:
C’est allergique, à mon avis.

18. Le jeudi 11 février 2010 à 09:34 par jalmad

@ 15 : non, les juges DOIVENT appliquer la Convention, et cette Convention a une valeur supérieure à la loi. Donc si il y a une contradiction entre la loi nationale et une disposition de la Convention européenne, le juge doit écarter la loi nationale et appliquer directement la Convention. Ceci n’est pas nouveau.

La difficulté tient au fait que les dispositions de la Convention européenne ne sont pas très précises : quand on a dit “droit à un procès équitable” et “droits de la défense”, cela laisse une marge d’appréciation assez large. Il est donc assez logique, pour savoir ce qu’entend précisément la Convention européenne par ces termes, de se référer aux décisions de la Cour européenne, non ?

jusqu’à récemment, la Cour européenne n’avait jamais dit expressement que “droits de la défense” signifiait, au stade de la GAV, un avocat ayant accès au dossier et présent lors des auditions. Maintenant elle l’a dit. On constate que notre droit national n’est pas dans ce sens.

A partir de là, quand on est juge, on a 2 options :
- on pense que la Cour européenne ne fait pas une exacte interprétation de la Convention européenne, et on considère que notre droit national est conforme ; c’est vrai qu’on n’est pas “tenu” par la jurisprudence de la Cour ; c’est la position qu’adopte la Ch Ins de Paris, qui essaye d’expliquer en quoi notre droit interne permet d’assurer une défense au sens de l’article 6 ;
- on se dit que la Cour européenne est peut-être la mieux placée pour interpréter la Convention européenne des droits de l’Homme, et donc on analyse les dispositions de la Convention à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

mais ceci n’est quoiqu’il en soit qu’une situation transitoire, car, que l’on soit partisan de la première ou de la seconde option, si on est de bonne foi, on sait que la France va se faire bâcher tôt ou tard par la Cour, et devra adapter son droit interne à la Convention telle qu’interprétée par cette dernière.

alors, véritablement, l’option 1 est-elle pertinente ?

19. Le jeudi 11 février 2010 à 09:55 par LaurentG

Je sais que cela peut sembler anecdotique, mais pourquoi ne pas mettre un H majuscule à Homme dans l’expression “Droits de l’Homme” afin d’inclure les droits de la femme ?

Ou alors reprenons l’excellente expression belge de Droits de l’humain.

Eolas:
Les droits de l’humain incluent-ils les droits de l’humaine ? Droits de l’homme ne prend pas de majuscule car homme n’est pas et n’a jamais été un nom propre. Le site du CNRTL précise que le mot homme, quand il est employé avec un déterminant de la généralité ou bien sans article, ou encore au pluriel : Être appartenant à l’espèce animale la plus développée, sans considération de sexe. Mammifère de l’ordre des Primates, seule espèce vivante des Hominidés, caractérisé par son cerveau volumineux, sa station verticale, ses mains préhensiles et par une intelligence douée de facultés d’abstraction, de généralisation, et capable d’engendrer le langage articulé.

La dernière fois que j’ai vu une femme, c’était un mammifère (j’ai constaté la présence de mammelles), de l’ordre des Primates, seule espèce vivante des Hominidés, caractérisé par son cerveau volumineux (j’ai supposé que sa boîte cranienne en était remplie, hein, je n’ai pas regardé), sa station verticale (elle avait des talons aiguilles qui ne laissaient aucun doute), ses mains préhensiles (elle portait un sac à main dont elle était capable de sortir l’objet dont elle avait besoin avec une rapidité défiant l’imagination) et par une intelligence douée de facultés d’abstraction, de généralisation, et capable d’engendrer le langage articulé (faculté dont elle usait généreusement). 

Cette femme était donc un homme.

20. Le jeudi 11 février 2010 à 10:06 par Hapax

… Et je serai curieux de savoir la Criminelle va accepter d’examiner le pourvoi ou va courageusement inviter le plaideur à revenir, après décision au fond…

21. Le jeudi 11 février 2010 à 10:08 par Teejee (mékeskidi de base)

N’étant pas juriste, je me contenterai de demander si cet arrêt de la Cour d’Appel de Paris, quelques jours après la décision du Tribunal correctionnel de cette même capitale, ne peut pas s’appeler, en termes simples et métaphoriques, un bras d’honneur.
@ Garland : “Concernant les gardes à vue, MAM a l’air de vouloir bouger (un peu) c’est déjà ça.” Je vous rappelle qu’il y a encore huit mois, madame Alliot-Marie était ministre de l’Intérieur…

22. Le jeudi 11 février 2010 à 10:12 par Per Angusta

”Comme vous le savez, l’autorité des arrêts de notre Cour comporte des limites, car nos
jugements ne sont revêtus que de l’autorité relative de la chose jugée et n’ont pas de valeur
erga omnes, seul l’Etat condamné étant, du moins en droit, lié par la décision rendue.”
Discours de Jean-Paul Costa, président de la Cour Européenne des Droits de l´Homme

Les juges doivent appliquer la Convention, ce qui est différent de la jurisprudence de la Cour. Autant attendre une condamnation de la France si il y a lieu, et laisser le législateur poser un nouveau cadre légal. Mais ce n’est pas aux juges de prendre de telles mesures, on imagine mal que le régime de la garde à vue soit posé de façon jurisprudentielle.

Et qu’on arrête de confondre, les dispositions de la Convention s’imposent aux juridictions nationales, mais la jurisprudence de la Cour ne s’impose pas à elles, c’est tout au plus une indication.

Ensuite, que certains soutiennent que le cas de la garde à vue en Turquie est similaire en tout point à celui de la France, et que d’autres défendent que les deux situations diffèrent, cela peut se comprendre. Mais les juges ne sont pas “liés” par l’arrêt Salduz.

Enfin, quant à l’arrêt Salduz, la Cour évoque des “principes généraux applicables en l’espèce”, disant qu’elle “estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.”
“accès”, et pas “assistance”. C’est le cas en France, donc rien ne dit que la garde à vue France est clairement contraire à la Convention.

Est-ce juste, est-ce contraire à toute humanité ? Dans le cas des juges (et pas du législateur, qui devra y réfléchir quand même un jour ou l’autre), il s’agit de faire du droit.
A mon sens, les deux points de vue se défendent largement. C’est normal que les avocats estiment qu’il y a violation intolérable, et c’est normal que le Gouvernement et les magistrats estiment que non. On verra bien ce qu’en pense la Cour EDH, comme disent Eolas… et certains magistrats.

Eolas:
Ce que c’est qu’être distrait. Vous avez oublié de citer le paragraphe suivant du discours de M. Costa : “Ceci a pour conséquence, par exemple, que l’on verra, après une condamnation d’un Etat par la Cour et une modification consécutive du système de cet Etat, coexister au sein des Etats parties à la Convention des législations réformées sur la base de la jurisprudence de la Cour et d’autres, analogues, mais pas encore modifiées, qui continueront de fonctionner sous l’empire d’un système jugé contraire à la Convention. Bien sûr, ceci a heureusement tendance à diminuer, beaucoup d’Etats comprenant qu’il est sage de devancer une probable condamnation par notre Cour.” 

L’autorité dont vous vous prévalez laisse bien entendre que la jurisprudence de la cour s’applique de la même façon à tous les États et que la plupart de ceux-ci en ont parfaitement pris conscience. Ceci conduit à relativiser grandement votre analyse, et à faire redouter que vous soyez un poil de mauvaise foi en ne retenant que les passages qui vous arrangent. Alors qu’encore une fois, je suis sûr que ce n’était que de la distraction et de la précipitation de votre part.

23. Le jeudi 11 février 2010 à 10:30 par cap-justice

D’accord avec Jalmad, il est frappant de voir que les commentaires de ce blog estiment à l’unisson que :

- les juges qui annulent des garde à vue sont guidés par une indépendance sourcilleuse, un souci du bien commun, et une orthodoxie juridique incontestable

- les juges qui confirment les garde à vue sont des valets du pouvoir qui recrachent les argumentaires de la chancellerie dans l’espoir d’obtenir une promotion

La réalité est plus simple : il existe une réelle ambiguïté juridique.

Et quand il y a une ambiguïté de ce type, on attend des magistrats qu’ils fassent preuve de responsabilité.

On ne relâche pas des délinquants et des criminels sur une interprétation contestable d’une décision européenne, surtout lorsque le législateur s’apprête à réformer la procédure pénale de fond en comble.

Eolas:
Des prévenus et des mis en examen. Ils ne deviennent criminels ou délinquants que quand ils sont déclarés coupables, et cela suppose que la procédure ait été déclarée légale. La présomption d’innocence ne découle d’aucune interprétation incontestable de quoi que ce soit. Il serait temps que l’Institut pour la Justice apprenne les bases du droit.

24. Le jeudi 11 février 2010 à 10:33 par Pilier

@eolas 8: Caramba, même là on est bon pour la médaille en chocolat… Un mal qui se diffuse dans toutes les disciplines manifestement.

25. Le jeudi 11 février 2010 à 10:35 par Simone

@ Teejee (21)
En effet Madame Alliot-Marie était ministre de l’Intérieur il y a peu, et, comme ses prédécesseurs, donnaient pour instructions à la haute hiérarchie policière de “faire du chiffre”, encore du “chiffre” et toujours du “chiffre”. Le pouvoir politique en place est entièrement responsable de la situation actuelle mais n’a pourtant pas peur de jouer les vierges effarouchées devant les caméras ou les micros. Consternant.

@ Cap-justice (23)
+1

26. Le jeudi 11 février 2010 à 10:35 par Henri

Distribution, ce jour, de la circulaire du 9 février 2010, relative à l’inceste, voila de quoi alimenter un beau billet. je qualifierais la circulaire de “Nelson Montfort” ( axel, double salto,triple boucle piquée, chute )

Eolas:
Je suis preneur, si vous avez.

27. Le jeudi 11 février 2010 à 10:41 par Per Angusta

Eolas, sous 15
“Si le problème qui se pose est une simple interprétation de la loi, inutile de la changer : le juge peut tout à fait changer l’interprétation en vigueur.”
Certes, mais ne vaut-il pas mieux, dans ce cas, changer la loi, plutôt que s’appuyer sur une jurisprudence du juge interprétant la loi au regard de la Convention ? Avouez que dans le 1er cas, on est plus tranquille, alors que dans le 2nd, rien ne nous met à l’abri d’un revirement opportun de jurisprudence, au moment où ça peut arranger les juges.

Eolas, sous 22
Si vous avancez que je suis de mauvaise foi, veillez dans le même temps à ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit.
Que dit M. Costa ? Il parle des “États”, qui dans la plupart des cas changent leur législation quand ils l’estiment contraire à la CEDH (bon, sauf quand ils aiment se faire condamner, comme la France). La citation en entier corrobore bien mon propos : si le législateur estime la loi française contraire à la jurisprudence de la CEDH, qu’il la change. Mais ce n’est pas forcément au juge national de le faire.

Après, dans l’absolu, ça ne fait pas avancer grand chose. La seule vraie interrogation reste :
Serons-nous condamnés par la CEDH de la même façon que la Turquie ? Sans doute.
Le législateur changera-t-il la législation relative à la garde à vue avant cette condamnation ? Sans doute pas.
Est-ce aux juges de “bricoler” pour essayer d’adapter le cadre légal à une condamnation de la CEDH qui, même si elle pourrait concerner certaines pratiques françaises, ne s’intéresse en l’espèce qu’au système turc ? A mon avis, non.
Mais je comprends qu’en tant qu’avocat de la défense, vous souhaitiez vous en prévaloir dès maintenant. Le problème, c’est qu’en droit, les deux parties à ce débat ont chacune d’excellents arguments à faire valoir.

Eolas:
Je salue la modestie des tenants de la conformité de la garde à vue actuelle à la CEDH, qui s’abstiennent de faire valoir leurs excellents arguments et se contentent de ceux repris par cet arrêt.

28. Le jeudi 11 février 2010 à 10:41 par Scytales

Eolas en réponse à Per Angusta en 15 :

« Et la CEDH a vocation à unifier l’interprétation de la convention au niveau européen. »

Cela est si vrai que l’article 32, 1, de la Convention européenne de de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales énonce que : « La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation (…) de la Convention et de ses Protocoles ».

Il y a donc un devoir de tous juges nationaux saisis d’un moyen fondé sur l’application de la dite Convention de prendre connaissance de l’interprétation que la Cour européenne des Droits de l’Homme (C.E.D.H.) en fait.

De ce point de vue, et au risque de manquer de déférence à la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, voir écrit en toutes lettres dans les motifs de son arrêt que le requérant « n’explicite pas les termes pertinents et applicables en l’espèce » d’un arrêt de la C.E.D.H., en d’autres termes qu’elle n’a pas pu lire et comprendre toute seule un arrêt de cette Cour, et qu’elle n’en tient donc pas compte sans chercher plus avant, n’est pas très glorieux, comme l’a malicieusement relevé Eolas dans son commentaire.

Ce d’autant plus les arrêts de le C.E.D.H. m’apparaissent, en général, être des modèles de d’intelligibilité des motifs dont les Hautes juridictions françaises, et au-delà tous juges, pourraient s’inspirer avec grand profit.

29. Le jeudi 11 février 2010 à 10:42 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Eolas, sur la définition de l’homme : “cerveau volumineux”, “intelligence douée de facultés d’abstraction, de généralisation” et “capable d’engendrer le langage articulé”. La définition s’applique-t-elle à votre confrère Frédéric Lefebvre ?

Eolas:
Les facultés de généralisation de mon confrère ont fait sa réputation jusqu’aux plus hauts sommets de la Savoie.

30. Le jeudi 11 février 2010 à 10:48 par Wyrm

Pardonnez ma comparaison, mais considérer que la décision “vs Turquie” ne s’applique pas à la France n’est-il pas à peu de choses près équivalent à dire qu’une jurisprudence ne s’applique pas dans un procès parce que le prévenu n’est pas nommément cité dans la décision référencée?
C’est un argument un peu léger.

Et reprocher dans un paragraphe de ne pas “expliciter les termes pertinents” des arrêts cités puis dans le suivant de ne pas citer ces mêmes arrêts, c’est grandiose. Tout simplement grandiose.

Sinon, j’adore votre question rhétorique. Ce serait assez drôle de voir des juges tenter de prononcer un verdict en n’ayant connaissance que de “la date et la nature des faits”. J’imagine que ça serait assez rapide pour satisfaire certains qui envient la “rapidité” des tribunaux chinois.

31. Le jeudi 11 février 2010 à 10:54 par chris

Pour compléter la définition de la femme proposée par le maître de ce lieux (19), puis-je ajouter que celle-ci se reproduit par parthénogénèse. Exemple : une certaine Rachida…
(la définition de la parthénogénèse se trouve dans
wiki, section Sciences de la vie).

Quand à la dualité de “la cour”, nous pouvons appeler celà un raisonnement d’essuie-glace.

32. Le jeudi 11 février 2010 à 11:09 par Scytales

« Pardonnez ma comparaison, mais considérer que la décision “vs Turquie” ne s’applique pas à la France n’est-il pas à peu de choses près équivalent à dire qu’une jurisprudence ne s’applique pas dans un procès parce que le prévenu n’est pas nommément cité dans la décision référencée? »

Effectivement.

Désormais, si une jurisprudence bien établie de la Cour de Cassation ennuyait une partie, on pourrais lui suggérer de soutenir qu’elle ne saurait lui être appliquée tant que la Cour de Cassation n’aura pas rendu un arrêt dans le cas d’espèce la concernant.

Je pronostique une explosion du contentieux devant la Haute Juridiction.

:-)

33. Le jeudi 11 février 2010 à 11:16 par El Re

J’ai pris les devants en cas de garde à vue. Je dors nu, et ne possède aucun vêtement chez moi. Un ami viens m’en apporter tous les matins à 8h; ainsi si les policiers débarquent chez moi à 6h, ils ne pourront m’emmener car se serait me faire promener nu dans la rue avec les menottes en plein février. Je crois que là quand même ils n’oseraient pas. Ils seront obligés de m’apporter des vêtements retardant d’autant plus la garde à vue.

Malin.

34. Le jeudi 11 février 2010 à 11:21 par Cinquo

Au moins dans cet arrêt la chambre répond clairement au dilemme posé il y a quelque temps par Gascogne :

Si c’est grave, on peut s’asseoir sur le respect des textes…

35. Le jeudi 11 février 2010 à 11:24 par Clems

Ils gagnent du temps. Les conséquences d’une non conformité sont lourdes.

36. Le jeudi 11 février 2010 à 11:24 par ingres

Le mékèskidi que je suis, lecteur régulier de votre blog, a décidé, à la lecture de votre dernière intervention sur la chambre de l’instruction de Paris, de se résigner, outré et découragé, et de ne plus jamais mettre son nez dans ces affaires de justice et de droit qui le désespèrent et lui gachent régulièrement sa journée.

37. Le jeudi 11 février 2010 à 11:28 par Juju

La CA dit “: Considérant que la participation à un trafic de stupéfiants constitue une infraction particulièrement grave de telle sorte que les restrictions temporaires instituées poursuivent une préoccupation légitime ” D’après ce que j’ai compris, les restrictions temporaires sont la GAV. Or la participation a un délit est établie après la GAV, par un juge.

Il me semble donc que la CA porte atteinte à la présomption d’innocence en disant que comme il a été reconnu coupable, la GAV se justifie a posteriori. Il y a confusion entre “participer” et “être accusé par la police de participer”. Heureusement qu’il n’était pas innocent.

Ma trompe-je ?

38. Le jeudi 11 février 2010 à 11:30 par Teejee (mékeskidi de base)

“Eolas: Les facultés de généralisation de mon confrère ont fait sa réputation jusqu’aux plus hauts sommets de la Savoie.” Moi qui croyais que ce n’était pas un aigle…

39. Le jeudi 11 février 2010 à 11:34 par Mathaf Hacker

Droits humains est une mauvaise traduction de “Human Rights”, on pourrrait dire “droits de la personne humaine” pour satisfaire quelques gaucho-féministes post 68tardes comme “qui vous savez”,
mais “droits de l’homme” sied parfaitement en français.

40. Le jeudi 11 février 2010 à 11:50 par jalmad

@ Per Angusta 22 : “Enfin, quant à l’arrêt Salduz, la Cour évoque des “principes généraux applicables en l’espèce”, disant qu’elle “estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.”
“accès”, et pas “assistance”. C’est le cas en France, donc rien ne dit que la garde à vue France est clairement contraire à la Convention.}}

votre distraction, sans doute encore, mais que faites vous de ces attendus là de Danayan, qui me paraissent TRES CLAIRS : “l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.”

en réalité, il n’y a, contrairement à ce que dit Cap-Justice en 23, aucune ambiguïté juridique quant au problème de savoir ce que dira la CourEDH lorsqu’elle sera saisie du cas de la France, pour qui sait lire. On sera condamné ; vous ne dites pas autre chose dans un post un peu plus bas. Il s’agit simplement clairement d’une option qui se résume à ceci pour le Juge : applique-je ou non directement la CEDH telle qu’interprétée par la CourEDH.

Et en effet, on n’est pas tenu de le faire. De la même manière, notez, qu’on n’est pas tenu non plus, de suivre systématiquement la jurisprudence de la Cour de cassation, ou l’interprétation de la Constitution qu’en fait notre Conseil Constitutionnel. Et parfois, on ne s’aligne pas, en effet, mais dans ce cas, on motive en droit. Oui, en droit. Et on n’est pas sensé se poser de questions d’opportunité, ou de “responsabilité” comme le dit Cap-Justice, car ça c’est la porte ouverte à l’arbitraire. c’est au législateur en revanche, d’être “responsable” en adaptant dans les meilleurs délais sa législation.

Dans notre cas, en droit, qu’en est-il ? il y a un principe de valeur supralégislative consacré, qui est celui des droits de la Défense. Mais quel est le principe de valeur égal qui est invoqué pour venir limiter ces droits à ce point, en refusant par principe, la présence d’un avocat et l’accès au dossier de ce dernier dans le cadre de la GAV ? je n’en vois aucun d’invoqué dans la décision de la Chambre de l’Ins. Je sais bien que certain Garde des Sceaux ont pu affirmer que le droit des victimes est le premier des droits de l’homme, ce qui lui a valu un Busiris. Je sais bien aussi que certain 1er Ministre, dans un discours de rentrée devant la Cour de cassation, a essayé de nous présenter le droit fondamental à la “sûreté” comme étant le droit de ne pas être agressé dans la rue ; il aurait mérité aussi un Busiris pour cela, et je regrette qu’il n’ait pas été primé. Mais soyons sérieux : il n’en existe aucun de précis ; simplement l’intérêt général qui commande qu’on élucide les crimes et les délits, et la CourEDH admet elle-même des exceptions au principe qu’elle pose, exceptions qui doivent cependant s’analyser à l’aune de chaque situation concrète. Ben voui, il va falloir que les flics et les magistrats réfléchissent au cas par cas. Et bah dites donc, c’est pas ce qu’ils sont sensés déjà faire ? adapter les moyens de contrainte à leur disposition à la situation précise dont ils sont saisis ?

en revanche, oui, ce qui est gênant c’est que cela entraîne de l’insécurité juridique. Mais comme n’importe quel revirement de jurisprudence ou décision du Conseil Constitutionnel qui vient préciser une notion !

Et il est assez marrant de voir comment tout cela s’habille assez vite d’idéologie dès lors qu’on parle d’une jurisprudence d’une institution européenne, supra-nationale, qui bafoue notre souveraineté, eurk….

et le juge qui “bricole” : vous plaisantez là ; il est beaucoup plus facile pour un juge d’appliquer, si il le souhaite, une jurisprudence de la CEDH qui donne un mode d’emploi clair et précis avec application concrète à la clef, qu’appliquer nos jurisprudences sibyllines de la Cour de cassation……

41. Le jeudi 11 février 2010 à 12:09 par Solo

Eolas, sous 6 : “Cette arrêt ayant été rendu sous la présidence et sur le rapport de madame le président Boizette. Je ne mets absolument pas en doute sa sincérité.”

On aimerait vous lire de la même manière en d’autres circonstances : “Cette garde à vue ayant été conduite sous la surveillance et à l’initiative de (magistrat x)(opj y). Je ne mets absolument pas en doute leur sincérité.”

Sur les circonstances particulières :

“Ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables”, c’est dans l’arrêt Salduz c. Turquie (§52)
On comprend bien que la non-présence de l’avocat à 3h (flagrant délit) ou à 6h20 au commissariat un dimanche matin ne doit pas paralyser une procédure ou empêcher l’interpellation de quelqu’un. Il y a donc bien des “circonstances particulières” irréductibles (que l’association Je ne parlerais… semble ignorer).

42. Le jeudi 11 février 2010 à 12:10 par Robi

Si je puis me permettre une question peut-être un peu naïve :

si aujourd’hui, un OPJ autoriserait la présence d’un avocat dès le début d’une GAV, procèderait aux interrogatoires en sa présence et pousserait même le vice à lui indiquer les éléments à charge, à quoi contreviendrait-il ? Juste aux circulaires, aux décrets d’application, ou aussi à la loi française ?

43. Le jeudi 11 février 2010 à 12:13 par Scytales

« … il est beaucoup plus facile pour un juge d’appliquer (…) une jurisprudence de la CEDH qui donne un mode d’emploi clair et précis avec application concrète à la clef, qu’appliquer nos jurisprudences sibyllines de la Cour de cassation…… », jalmad.

O combien vous avez raison !

44. Le jeudi 11 février 2010 à 12:28 par Scytales

« Si je puis me permettre une question peut-être un peu naïve :

si aujourd’hui, un OPJ autoriserait la présence d’un avocat dès le début d’une GAV, procèderait aux interrogatoires en sa présence et pousserait même le vice à lui indiquer les éléments à charge, à quoi contreviendrait-il ? Juste aux circulaires, aux décrets d’application, ou aussi à la loi française ? »

Les circulaires importent peu. La circulaire n’est qu’un moyen de l’Administration d’exercer son pouvoir hiérarchique sur ses subordonnés. Or, en procédure pénale, matière qui relève de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, les officiers de police judiciaire, les auxiliaires de justice, et les magistrats sont tenus d’observer la légalité de leurs actes, pas d’obéir à l’Administration.

Si un officier de police judiciaire agissait comme vous l’indiquez, il me semble qu’il ne ferait que se conformer au III, alinéa 2, de l’article préliminaire inséré dans le Code de procédure pénale par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

Rappelons que ce texte confère à toute personne, non seulement poursuivie, mais aussi simplement suspectée, le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur.

45. Le jeudi 11 février 2010 à 12:47 par draftbold

@EOLAS /29

Les facultés de généralisation de mon confrère ont fait sa réputation jusqu’aux plus hauts sommets de la Savoie.

Doit on perfidement en déduire que les facultés des avocats sont limitées et que celle du parquet sont plus élevées, puisqu’en des temps pas si anciens il a été nécessaire d’aller quérir à grands frais un parquetier dans les confins himalayens ? :-)

46. Le jeudi 11 février 2010 à 13:00 par salah

Cet arrêt vient de confirmer l’interprétation de Guillaume Didier : Pas bon le loukoum, même s’il est de fabrication strasbourgeoise tant qu’il n’est pas écrit sur sa boîte qu’il se destine à la consommation locale !

En somme les droits de la défense se gagnent ,ne se cèdent pas ,ne se partagent pas ,qu’il est interdit de les importer, de s’en inspirer, qu’il faut suer pour les obtenir et tant pis si cela fait dégrader l’image de la justice française au niveau international puisqu’on n’est pas à un arrêt près avec CEDH.

Je n’arrive plus à faire la nuance entre culot et courage .

47. Le jeudi 11 février 2010 à 13:02 par draftbold

@ Eolas

J’espère que mon confrère va se pourvoir en cassation et l’encourage vivement à le faire.

plus sérieux que mon précédent commentaire
-j’ai bien compris que ce ne serait pas fait sans une demande de son client !

Mais un pourvoi en cassation est une opération fastidieuse et couteuse au moins en temps pour esperer être menée à bien !

Hors AJ éventuelle et travail gratuit pour la gloire  :
Existe t’il un dispositif ordinal permettant sur des cas pouvant intéresser particulièrement votre profession de faire (sup)porter tout ou partie du cout financier (time is money) par un (les) barreau ?

48. Le jeudi 11 février 2010 à 13:05 par vlf

c’est au §34 de l’arrêt que la cour dit que “Quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable.” Cette formule est reprise mot à mot dans l’arrêt Salduz au §51, en se référant expressément à l’arrêt Poitrimol. La cour dit donc clairement que ce dernier arrêt n’est qu’une application des principes du premier. Maître,
Juste une remarque de forme.
Il me semble que dans ces phrases “la cour” désigne la CEDH et que donc la convention que vous avez posée au début n’est pas respectée.

Eolas:
Enfer et damnation, vous avez raison.

49. Le jeudi 11 février 2010 à 13:18 par question stupide, mais bon...

Personne ne peut nier (en toute bonne foi) que la Cour EDH considère que les exigences du procès équitables supposent qu’un gardé à vue puisse avoir accès à un avocat. Et, de la même manière, ce qui vaut pour un Etat partie à la CEDH vaut pour les autres, aucune (vraie) difficulté là-dessus.
Mais ne pourrait-on pas considérer que les régimes dérogatoires qui permettent de retarder la venue de l’avocat sont illégaux (ce qui a valu la condamnation de la Turquie) puisque justement la personne en GAV ne voit pas d’avocat au début de la mesure. A contrario, le régime de droit commun qui permet l’accès (certes limité, très très très limité) à un avocat ne serait-il pas conforme à la CEDH (telle qu’interprétée par la Cour) à ce titre, même si à titre perso on peut trouver la présence continue de l’avocat plus souhaitable ?

Eolas:
C’était ma première interprétation de l’arrêt Salduz, dont j’ai parlé avant tout le monde (lalalèreuh). Mais c’était avant Dayanan où la CEDH précise quels sont ces droits qui doivent être effectifs :  “l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer.” (§31)

Même si mon épouse m’a toujours dit que j’étais un rapide, je ne peux pas faire tout ça en 30 mn sans aucun document issu du dossier.

50. Le jeudi 11 février 2010 à 13:20 par Charles

Bonjour,

J’ai comme cette sensation que cet arrêt donne le bâton pour se faire battre. Et que c’est voulu !
Comme si la Chambre de l’Instruction souhaitait fournir à la Défense tous les élements nécessaire à une parfaite argumentation.
Un cadeau à double tranchant toutefois.
Fais-je erreur ? Suis-je trop fleur bleue ?

51. Le jeudi 11 février 2010 à 13:30 par ranide

La 12e chambre de la cour d’appel de Paris n’est sans doute pas particulièrement fière de cet arrêt ni de la faiblesse de sa motivation qui ne doit pas lui échapper.

En soulignant qu’il existait contre l’appelant d’autres charges que celles résultant de ses déclarations en garde à vue, elle donne un peu le sentiment de s’excuser de rendre un arrêt médiocre en droit,mais qui serait excusable parce qu’il ne ferait pas vraiment grief à l’intéressé.

Le portée d’un arrêt qui aurait annulé les déclarations faites en garde à vue au seul motif que le gardé à vue n’avait pas eu accès à un avocat conformément aux dispositions actuelles du Code de procédure pénale aurait dépassé la cadre de l’affaire qui lui était soumise car il serait susceptible de remettre en cause la totalité des procédures en cours partout en France (par hypothèse relatives à des infractions graves) ; je gage que la 12e chambre a considéré que ce n’était pas sa responsabilité et a préféré refiler la patate chaude à la Cour de cassation.

Tout le monde, y compris à la Chancellerie, sait que le régime actuel de la garde à vue est très fragile et qu’il doit changer.

La question qui se pose à la Chancellerie est celle de savoir jusqu’à quel point il doit changer :

- rester dans le cadre de la philosophie actuelle qui est de lier l’intervention de l’avocat à la contrainte. Ce qui donne des droits (à l’avocat, au médecin) c’est la contrainte. Cela conditionne la mission de l’avocat qui est dévolue à l’avocat et les prérogatives qui lui sont généreusement accordées par le législateur (un ou deux entretiens de 30 mn, sans accès au dossier) : s’assurer que cette contrainte reste dans les limites prévues par la loi.

D’où l’idée du rapport Léger, reprise par le ministre, de permettre des auditions limitées dans le temps où le suspect pourrait être entendu sans qu’aucune contrainte ne soit exercée. Donc pas de contrainte, pas d’avocat.

- considérer que le droit de se défendre contre une accusation (droit de discuter les preuves sur les faits et sur les circonstances, leur pertinence, leur caractère probatoire) commence dès l’enquête de police, dès les premiers soupçons, qu’il y ait contrainte ou non. C’est à mon avis le sens de l’arrêt Dayanan et c’est surtout de cela dont les syndicats de policiers et une partie des politiques et de l’opinion publique ne veulent pas.

Il faut se rendre compte que par petites touches, le fonctionnement de notre procédure pénale a été considérablement modifié, avec un effacement progressif mais constant du juge : la diminution du nombre d’affaires confiées au juge d’instruction, ce qui signifie que les preuves réunies au cours de l’enquête de police ne peuvent pas être discutées par la personne poursuivie avant son jugement et qu’elle est jugée sur les seuls éléments de preuve réunis par l’accusateur public ; diminution du nombre des condamnations dans le cadre d’une audience de jugement (ordonnances pénales, CRPC, délégué du procureur, médiation ou composition pénale), ce qui signifie que dans ces hypothèses les preuves ne sont pas non plus discutées contradictoirement devant le juge avant la condamnation.

Peu à peu, le juge est exclu de la recherche de la vérité, et se trouve transformé en machine à produire de la sanction pénale. Or la tradition française lie jusqu’ici l’exercice des droits de la défense aux débats contradictoires devant le juge. S’il n’y a de moins en moins de débats devant le juge, il n’y a plus d’espace pour l’exercice des droits de la défense et ça, je ne pense pas que ce soit conforme à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

52. Le jeudi 11 février 2010 à 13:33 par Le Maître des Bouviers

Mon cher Maître,
Vous ne pouvez pas imaginer, malgré votre avis appréciateur, combien Strasbourg peut être belle au printemps.
La cathédrale (qui fut un temps coiffé du glorieux bonnet phrygien) se pare de feux rosés sous le soleil alsacien (le meilleur, le plus sain, le plus éclatant !) et proclame à la face du monde que c’est ici, là, en ce temps et en ce lieu que la face du monde peut changer (à peu près Goethe) car c’est dans ma ville que se font et se défendent les droits de l’Homme (et de la femme, elle occupe trop mon esprit que j’aurais mauvaise grâce de l’oublier).
Mais le palais des droits de l’Homme est affreux.
Un petit rappel cependant pour le pénaliste que vous êtes (le meilleur ? le meilleur ! Quoique parisien) : les deux articles du code pénal local qui réprime 1) l’entrave à l’exercice du culte 2) le blasphème public envers Dieu.
On peut habiter une région où coulent le vin et le miel, où les garçons et les filles batifolent et s’aiment (selon la combinaison que l’on veut) dans les champs de houblon ou dans les vignes et avoir ces deux épines plantés dans un cœur républicain.
Bien à vous.

53. Le jeudi 11 février 2010 à 13:51 par révoltée

Admettre l’absence d’avocat dans le cas de régimes dérogatoires? pourquoi ne pas admettre aussi Guantanamo à Paris pour des “infractions d’exception”?

ce genre de raisonnement “par dérogation” est particulièrement dangereux.

54. Le jeudi 11 février 2010 à 14:17 par Scytales

Le droit pénal local d’Alsace et de Moselle sous les fourches caudines de la Convention des Droits de l’Homme… :-)

Le Maître des Bouviers, si la loi ne s’abroge pas par désuétude, tout au moins pourrait-on considérer que celles des dispositions du droit pénal local d’Alsace et de Moselle - issu du IIe Reich et maintenu en vigueur sur les Belles Terres en vertu des principes du droit international public relatif aux cas de succession d’Etats sur un même territoire - qui sont contraires à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, ne peuvent plus trouver à s’appliquer depuis que la France a ratifiée cette dernière.

Les Alsaciens et les Mosellans pourront toujours trouver consolation dans leur magnifique droit civil local, toujours âprement défendu, parfois source d’inspiration pour le droit civil de la France de l’Intérieur, même si, à ces occasions, il n’est pas toujours très bien copié.

Quant à l’esthétique du Palais des droits de l’homme… Les goûts et les couleurs… Comme dit la chanson : on a ce qu’on ne veut pas et on a pas ce qu’on veut.

Au moins, c’est vrai, Strasbourg est magnifique au printemps (C’est une ville très étudiante, et les effectifs des facultés sont très féminisées…).

55. Le jeudi 11 février 2010 à 14:25 par Tendance

@ ranide

La 12e chambre de la cour d’appel de Paris n’est sans doute pas particulièrement fière de cet arrêt” car elle n’existe plus!

Vive donc le PÔLE 7 et la CINQUIÈME CHAMBRE DE L’INSTRUCTION!

56. Le jeudi 11 février 2010 à 14:26 par Maxime

Je n’y comprends rien !
Comment une Cour d’Appel peut-elle écarter ainsi, par principe, la jurisprudence de la CEDH au seul motif que les arrêts invoqués n’impliquaient pas la France ?
C’est exactement comme affirmer qu’une règle posée par la Cour de Cassation ne peut s’appliquer à un justiciable qui ne serait pas partie à l’instance, non ?
Je ne suis qu’étudiant, mais j’avoue mon désarroi face à un tel arrêt que je ne comprends pas !
L’article 46 de la CEDH me semblait concerner davantage l’exécution des arrêts de la CEDH que la portée de sa jurisprudence…

57. Le jeudi 11 février 2010 à 14:28 par Spike

@teejee 37

La Savoie se situe dans les Alpes, qui ont, elles, la particularité d’offrir une spécialité locale du fait d’une carence en iode.

58. Le jeudi 11 février 2010 à 14:34 par ranide

@ Tendance

J’chui d’province, ça explique tout.

59. Le jeudi 11 février 2010 à 14:35 par Eporediens

Saluons la belle résistance de la Chambre de l’Instruction (façon de parler, hein, ne me sautez pas dessus), mais je vois un gros problème.

Qu’on l’aime ou pas, la jurisprudence française finira pour s’aligner sur la position de la CEDH – reste à voir si ce sera avant ou après une condamnation de la France.
Le lendemain du revirement de jurisprudence, plein de PV de GAV seront annulés, et des voyous relaxés ou acquittés.

Est-ce que j’ai bon jusqu’à là ?

Je ne sais pas ce qu’en pense Brice, mais personnellement cette idée me dérange.
A sa place (que Dieu m’en garde !) je commencerais à « conseiller » – en douce, pour ne pas perdre la face ou ce qui en reste – aux OPJ de laisser intervenir les avocats lors des GAV. Apparemment, même à droit constant cela n’est pas en soi une cause de nullité.

Est-ce que j’ai dit une bêtise ?

60. Le jeudi 11 février 2010 à 14:58 par question stupide, mais bon...

Ah, ok. Merci de ces précisions maître, mais alors vous n’êtes pas omnipotent ?! Je n’ose le croire.
Mais, plus sérieusement, ne risque-t-on pas de voir une réforme du genre “une demi-heure ça suffit pas ? Bon, ok on va dire une heure” (ou même 2 si on veut, ça changera pas grand chose - j’imagine - à ce stade peu avancé des investigations et sans accès au dossier) ?
Et la question bonus (juste pour abuser) : c’est le rôle de l’avocat de “rechercher les preuves favorables à l’accusé” ??

61. Le jeudi 11 février 2010 à 15:10 par St-Nazaire

La nullité de la GAV d’un prévenu a été plaidée mardi devant le Tribunal correctionnel de St-Nazaire.

Le Procureur a argumenté en indiquant que de toutes façons, l’Avocat avait mis une heure pour se présenter (dans la mesure où le commisariat était à 40 km de St-Nazaire, l’argument ne tient pas la route).

Je cherche toujours le lien entre ce prétendu retard et le non respect de l’article 6 de la CEDH…

Le jugement a été mis en délibéré, nous attendons donc la décision avec impatience…

62. Le jeudi 11 février 2010 à 15:38 par Fenotte

Entièrement d’accord avec Jalmad (18).

Il faut qu’une loi modifie les règles de la GAV en prévoyant l’intervention d’un avocat dès le début. Ca urge.

Pour le moment, les juges français peuvent difficilement, me semble-t’il, annuler des GAV au motif qu’elles violent la CEDH pour les raisons énoncées par Jalmad.

Si la grand-chambre, dans l’arrêt Mevedyev, vient à dire que le parquet français n’est pas une autorité judiciaire, ces mêmes juges annuleront-ils toutes les procédures au motif que la prolongation de GAV a été décidée par le parquet ?

Ca va devenir intéressant :)))

63. Le jeudi 11 février 2010 à 15:41 par alinkiroul

Si ça arrive devant la cedh, la France va avoir du mal à expliquer que
sur la demande insistante des policiers relayés ici ou là , la loi a supprimé ce qui a existé :
A savoir l’obligation d’informer un” GAVé préalablement aux auditions qu’il pouvait conserver le silence !
et donc au moins attendre de rencontrer un avocat, même si les conditions sont déplorables !

Se tirer un balle dans le pied c’est plus facile lorsque l’on est armé…

64. Le jeudi 11 février 2010 à 15:46 par vlf

Suite à “47”

Maître,
Merci de votre prompte réponse.
Mais seule la première occurrence a été corrigée :-)

65. Le jeudi 11 février 2010 à 15:50 par niodayoda

Si la procédure n’était pas aussi longue, on aurait pu faire un “combo” à la CEDH : Grande chambre Medvedyev c/ France (procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire car pas assez indépendante et impartiale) et un arrêt sur la garde-à-vue youpi-ya !

De quoi nous aider à monter sur le podium des pays les plus condamnés…

66. Le jeudi 11 février 2010 à 15:53 par NonoK.

@Solo en 40:

On comprend bien que la non-présence de l’avocat à 3h (flagrant délit) ou à 6h20 au commissariat un dimanche matin ne doit pas paralyser une procédure ou empêcher l’interpellation de quelqu’un. Il y a donc bien des “circonstances particulières” irréductibles”.

Voulez-vous dire que les convenances personnelles ou le confort de l’avocat constituent des circonstances particulières de nature à légitimer les atteintes aux droits de la défense ?

J’imagine que non, mais au cas où, je vais essayer de vous rassurer: les Barreaux organisent des permanences GAV, sur la base du volontariat ou du tour de rôle (selon le nombre d’avocats inscrits), de telle sorte que 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, les gardés à vue qui en font la demande puisse avoir leur entretien réglementaire de 30 minutes sans accès au dossier (je n’appelle pas ça “accès à un avocat”).

Pour mon propres confort personnel, il est vrai que je n’ai jamais accepté de faire les permanences les samedi et dimanche. Mais c’est parce que j’étais volontaire pour faire les nuits pendant la semaine (de 20h à 8h). Donc un avocat à 3h, je vous rassure c’est possible, ce n’est pas une circonstance particulière irréductible.

Bien sûr, il y a toujours un Confrère indélicat qui n’a pas envie de se lever pour aller visiter les geôles en pleine nuit, mais dans ce cas, l’OPJ ne se prive pas de préciser sur son PV: “avons contacté Me X, avocat de permanence, à 1h, puis l’avons rappelé à 2h, 2h30 et 3h. Ne s’est pas présenté.”.

Ca fait désordre quand c’est lu à l’audience, raison pour laquelle les coordinateurs des permanences font le ménage parmi les Confrères indélicats quand cela est nécessaire.

67. Le jeudi 11 février 2010 à 16:06 par Scytales

« Considérant que X a été placé en garde à vue, le 12 mai 2009 à 6h10, que cette garde à vue a été prolongée une première fois pour 24h00, le 12 mai à 23h05 et, à nouveau prolongée le même jour à 22h05, pour finalement être levée le 14 mai à 11h50, soit avant l’expiration du délai légal de 72 heures, heure au delà de laquelle, le droit à l’assistance d’un avocat pouvait être régulièrement exercé, conformément aux dispositions des articles 63, 63-4, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale ; »

J’aimerai revenir sur ce considérant et le mettre en perspective par rapport à un autre des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales : l’égalité des armes entre accusation et défense. Nota : Oui, je mets des majuscules, parce que je ne fais que recopier l’intitulé de la Convention.

Comme le rappelle la chambre de l’instruction, l’article 63-4 du Code de procédure pénale prévoit le principe : toute personne gardée à vue à droit à s’entretenir avec un avocat dès le début de sa garde à vue. Notez bien que ce droit est très limité à l’obtention d’un simple entretien (limité à 30 mn maximum) avec un avocat, nullement à l’assistance d’un avocat. Il est même fait défense à l’avocat d’évoquer cet entretien avec quiconque durant le temps de la garde à vue, ce qui compromet naturellement l’organisation de la défense, surtout dans le cas où la garde à vue est suivie d’une comparution immédiate.

En d’autres termes, la loi, dans sa rédaction actuelle, soumet la défense à un handicap par rapport à l’accusation. En effet, le Parquet, qui dirige les enquêtes, aura tout loisir de faire rechercher des preuves à charges, alors que l’avocat, soumis à l’interdiction légale de faire état du contenu de l’entretien, est entravé dans la recherche des preuves à décharge.

Mais ce n’est pas tout.

L’article 63-4 du Code de procédure pénal énonce que si la personne est gardée à vue pour être soupçonnée d’avoir commis certaines infractions prévues par l’article 706-73 du même Code, comme les crimes commis en bande organisée, l’entretien avec un avocat ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de quarante-huit heures, et si elle est gardée à vue pour des crimes et délits de trafic de stupéfiants ou de terrorisme, l’entretien avec un avocat ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de soixante-douze heures. Rappelons que dans ces deux séries d’hypothèses, la durée légale maximale de la garde à vue peut aller jusqu’à quatre-vingt-seize heures (et même cent-vingt- heures sur autorisation du juge des libertés et de la détention dans le cas d’infractions de terrorisme).

Maintenant, suivez bien.

Imaginons une personne gardée à vue parce qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une des infractions prévues à cet article 706-73. La qualification des faits est déterminée initialement par l’officier de police judiciaire, mais celui-ci doit en aviser le procureur de la République dès le placement en garde à vue. Le procureur, qui dirige l’enquête, avalise ou non cette qualification. Pour notre hypothèse, nous supposerons qu’il l’avalise.

Imaginons maintenant que la garde à vue soit levée avant l’expiration de la quarante-huitième-heure ou de la soixante-douzième heure, selon la qualification retenue, parce que les services d’enquête ont réuni suffisamment de preuves à charge pour permettre au Parquet de poursuivre, par exemple en comparution immédiate.

Bravo ! Grâce à une application littérale des seuls textes de loi français, nous venons de priver en toute « légalité » la personne gardée à vue de son seul droit à se « défendre » au stade de l’enquête : l’entretien avec un avocat !

Il existe donc dans la procédure pénale française actuelle une voie légale permettant de favoriser la partie accusatrice au détriment de la partie défenderesse.

Il ne s’agit pas d’une simple hypothèse d’école. En effet, arrêtez-moi si je me trompe, mais il me semble, au vu du considérant ci-dessus repris, que dans l’espèce soumise à la chambre de l’instruction, cette hypothèse s’est concrètement réalisée : la garde à vue a été levée « avant l’expiration du délai légal de 72 heures, heure au delà de laquelle, le droit à l’assistance d’un avocat pouvait être régulièrement exercé » (nous étions donc bien en matière de crimes et délits de trafic de stupéfiants).

Concrètement, la défense a donc dû s’organiser dans l’urgence de la présentation du gardé à vue devant le juge d’instruction pour mise en examen sans même avoir pu s’entretenir avec son client en garde à vue.

Encore la garde à vue a–t-elle été suivie de l’ouverture d’une information judiciaire, un cadre procédural dans lequel la défense dispose aujourd’hui de larges prérogatives.

Mais imaginons un instant que, plutôt que d’ouvrir une information judiciaire, le Parquet ait directement poursuivi les gardés à vue en comparution immédiate. C’est loin d’être une hypothèse d’école. Nous nous serions alors retrouvés dans la situation où la défense doit, en toute urgence (quelques heures, au mieux, et je suis optimiste), rencontrer son client et prendre connaissance d’une procédure qui, en matière de trafic de stupéfiants, peut facilement comporter plusieurs tomes, même après une enquête préliminaire.

Voilà comment vous pouvez en toute légalité mener une procédure qui avantage outrageusement l’accusation au détriment de la défense, alors que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, le principe de l’égalité des armes est compris dans la notion de procès équitable inscrit à l’article 6§1 de la Convention.

Notons accessoirement, que, dans notre hypothèse pessimiste, le président du tribunal correctionnelle statuant en comparution immédiate découvrira souvent le dossier dans la même situation d’urgence que la défense… Je vous laisse imaginer les risques d’approximation du traitement judiciaire d’une affaire jugée dans de telles conditions.

Mon propos n’est pas de dire que de telles situations se produisent sur un mode habituel (je réserve l’expression d’une opinion circonstanciée sur la survenance d’une situation semblable au lieu et à l’occasion appropriés). Un propos aussi général serait inconvenant à l’égard des magistrats du Parquet dans leur ensemble. Simplement, je tenais à souligner que la procédure pénale française telle qu’elle est conçue aujourd’hui dans la lettre de la loi permet la survenance de telles aberrations, et que cela est déjà un problème.

Il reste, heureusement, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et l’article préliminaire du Code de procédure pénal, sans conteste l’un des plus beaux articles de ce code, pour inspirer la pratique des Gens de justice de tous niveaux et de toutes fonctions.

68. Le jeudi 11 février 2010 à 16:24 par jeanalbert3

@eolas

tres bon jugement qui permet un recours a la Cour de cassation puis a la CEDH. Merci encore Paris!!!

:)

Qui est le confrere qui s’occupe du dossier ?

69. Le jeudi 11 février 2010 à 16:28 par tschok

Bonjour Jalmad,

Toujours un plaisir instructif de vous lire.

Tout les esprits raisonnables s’attendaient à un pas de deux.

On a avancé, mais on va reculer aussi.

La chambre de l’instruction à Paris n’est pas connue pour être en pointe sur les droits de l’homme. C’est une chambre de service. Si j’étais bourgeois, je la réserverais à la bonne, en haut de l’escalier, de service.

Elle a parlé.

On recule.

Bon. Dont acte.

C’était prévu. Celles et ceux qui la composent sont des serviteurs de l’Etat. Ils sont dignes. Mais leur problème n’est pas nos libertés. Ils ont d’autres problèmes, assez complexes à gérer. Des affaires d’Etat.

Ce sont des esthètes. Des joueurs (si, si).

Sur le plan des droits de l’homme et de la justice, il ne fallait rien en attendre.

Vos collègues ont leur valeur. Ce sont des gens d’une extrême utilité. Mais pas pour ce genre de problèmes.

Pour ce genre de problèmes, ils font ce qu’ils ont toujours fait: conserver ce qui est, sans esprit d’adaptation.

L’affaire suit donc son cours.

La question demeure: quel est le rôle de l’avocat? Au juste.

Vous voulez quoi, au juste, dans ce processus qui est censé conduire à la “manifestation de la vérité”?

Sur quelle chaise je pose mon cul?

Celle d’un juge d’instruction (qu’on projette de supprimer)?

Celle d’un parquetier, dont on envisage assez mal qu’il puisse le remplacer?

Celle d’un commissariat, dans une geôle de GAV?

Ici, chacun a l’air d’être parfaitement instruit sur ce qui va se passer.

Moi, je regarde mon serment d’avocat et je commence à me dire que vous me les brisez menues.

Tous autant que vous êtes.

70. Le jeudi 11 février 2010 à 16:35 par Holmes

Eolas @ Laurent G sous 19 : “Cette femme était donc un homme” -

Darshanas rhétorique ! “… ce qu’est la justice dans son essence je croyais le savoir, mais maintenant je me rend compte que je n’en sais rien.”

71. Le jeudi 11 février 2010 à 17:28 par L'optimiste

Quel pataquès le “sarkozisme judiciaire”!
Chaque jour qui passe apporte sa contribution à la “chienlit” sécuritaire.
A priori il semblerait que l’adolescente ait bien été menottée. (source policière disent les dépèches)
Ils ont l’air de quoi les syndicats de police sarkozystes?

72. Le jeudi 11 février 2010 à 17:57 par pénélope

Faire et défaire c’est toujours travailler, n’est-ce pas?

Si l’adolescente a bien été menottée, j’ai vu les menteurs mentir.

73. Le jeudi 11 février 2010 à 18:02 par Herminejov

@ Eolas sous Cap-Justice en 23

Il faut dire qu’on a fait mieux comme revue juridique que Le nouveau détective, que dirige la Présidente du Conseil d’administration de l’Institut pour la justice.

74. Le jeudi 11 février 2010 à 18:36 par jalmad

Bonsoir Tschok,

pour moi aussi c’est un plaisir, mais….pouvez-vous me dire, pourquoi vous vous adressez à moi pour conclure qu’on vous les brise menues tous autant qu’on est ? hein, au juste ?

75. Le jeudi 11 février 2010 à 18:44 par draftbold

C’est comme pour les moteurs Diesel c’est un peu long a démarrer mais çà s’arrête difficilement une fois en route
<http://www.lepoint.fr/actualites-so…

76. Le jeudi 11 février 2010 à 18:45 par draftbold

le lien
en texte
http://www.lepoint.fr/actualites-so…

77. Le jeudi 11 février 2010 à 18:47 par Mussipont

@ Herminejov : Excellent! Voilà qui éclaire d’un jour nouveau ce mystérieux Institut pour la Justice!

78. Le jeudi 11 février 2010 à 18:58 par ElHo

@ Herminejov (72) & @ Mussipont (76) : Certes ! Mais sans ce “merveilleux” hebdomadaire, combien d’entre nous auraient entendu parler de cette affaire lien ? :-)

79. Le jeudi 11 février 2010 à 19:20 par Romuald SAYAGH

Mon Cher COnfrère,

Je suis l’auteur de la requête devant la Chambre de l’instruction et je peux vous dire que j’ai fermement l’intention de me pourvoir en cassation.

Merci pour votre soutien

Eolas:
Je suis avec vous ! Tenez nous au courant !

80. Le jeudi 11 février 2010 à 19:24 par yval

ne laissant le droit à un avocat qu’aux peccadilles et délits mineurs. C’est à dire en fait à toutes les infractions qui ne sont jamais soumises à une chambre de l’instruction.

Sauf si les faits sont commis par des mineurs dans les environ immédiat d’un collège?

81. Le jeudi 11 février 2010 à 19:26 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Romuald Sayagh : bravo !

82. Le jeudi 11 février 2010 à 19:31 par Diab

Dans le barreau de ma grosse ville de province, je constate l’immense difficulté que je rencontre souvent pour faire venir ne serait-ce que l’un des 3 avocats de permanence pénale pour un défèrement à l’instruction dans un dossier moyen pas sexy avec un client fauché.

“je sais bien que je suis de permanence, mais j’ai un rendez-vous au cabinet, je ne serai pas disponible”, c’est un classique que j’entends plusieurs fois par mois. Il m’est même arrivé de prendre des IPC sans avocats parce qu’aucun avocat, pas même les 3 de permanence, n’acceptaient de se déplacer pour un RMIste accusé d’avoir violé sa fille.

Et je parle de défèrements en semaine, aux heures de bureau et dans les locaux du TGI.

Alors au delà même des questions - légitimes - de principe, j’imagine en ricanant la réponse que feront la quasi totalité des avocats de mon barreau quand il seront appelés en pleine nuit pour aller assister à l’AJ et pour les 48 (voire 96) heures à venir un gardé à vue qui se trouve dans une brigade de gendarmerie située à 1 heure de route de la “grande” ville dans laquelle se trouve le TGI, leur cabinet et leur domicile.

Et j’imagine aussi la situation dans les cas de grosses opérations sur CR. Vous savez, les opérations où on interpelle et place en garde à vue 15 ou 20 personnes en même temps à 6h00 du matin. 15 ou 20 personnes dont les intérêts sont potentiellement contradictoires et qui doivent donc avoir chacune un avocat différent…

C’est déjà inimaginable dans mon ressort qui compte plus de 200 avocats, mais dans les petits barreaux de 20 ou 30 avocats…

Mais bon, celà dit, ce n’est ni la première fois ni la dernière fois qu’un débat n’est posé que par le prisme parisiano-parisien : un monde où les avocats se comptent par dizaines au kilomètre carré, où certains cabinets ont des dizaines de collaborateurs, où tous les services enquêteurs sont sur place, où le réseau de transport est dense et efficace…

La question de principe est très vite réglée, mais trop peu de gens ont conscience qu’en l’état du système d’aide juridictionnelle et de la pratique du métier d’avocat, la présence de l’avocat lors des auditions en GAV est tout bonnement irréaliste en pratique sur 99% du territoire et pour 99% des gens.

Dans les faits, les seuls qui auront effectivement un avocat à leurs côté pendant toutes leurs auditions en GAV seront ceux qui pourront payer de leur poche la grosse poignée de milliers d’euros que ce service coûtera nécessairement de fait. Pour faire vite : les chefs d’entreprises, les gros trafiquants, et plus généralement la clientèle de la minorité de “gros” pénalistes qui mène la fronde médiatique sur la GAV en pensant bien entendu seulement aux droits des pauvres hères à l’AJ seuls devant l’implaquable “machine judiciaire”.

Alors oui, luttons pour les principes, c’est clair, et c’est important.

Mais l’hypocrisie du discours de beaucoup d’avocats m’écoeure. Chaque fois que je vois un avocat évoquer la nullité d’une GAV pour ce motif, je me demande : “si on l’avait appelé comme il le réclame à corps et à cris, serait-il sorti de son lit à 6h00 pour aller assister ce client dans les locaux de la BT de Trifoully en plaquant tous ses RDV payants et ses audiences pendant 2 jours ?”

Et je ricane.

Sans une importante (et légitime mais extrêmement coûteuse) réforme de l’AJ et une sérieuse remise en cause de la culture professionnelle de beaucoup d’avocat, tout ça est complètement vain.

A moins que le but ne soit que de faire péter des procédures sans autre perspective que le plaisir de faire péter des procédure, faire de la publicité et encaisser de juteux honoraires de la part de la minorité de privilégiés qui pourront se permettre ce service.

Mais jamais je n’oserais imaginer ça.

83. Le jeudi 11 février 2010 à 20:05 par Scytales

Diab

Vous estimez que des avocats que vous fréquentez ne portent pas pinacle le respect de la déontologie de leur profession.

Fort bien. C’est votre opinion, et je ne la discuterai pas.

Mais les turpitudes de quelques-uns justifient-ils la persistance pour tous d’une procédure pénale peu conforme aux obligations de la Convention européenne des Droits de l’Homme ?

Faut-il renoncer à tous progrès à cause de quelques brebis galeuses ?

Si des auxiliaires de justice exercent mal les devoirs de leur profession, c’est leur responsabilité qu’ils engagent. Mais il n’appartient pas à tous les justicables à venir de supporter plus longtemps encore des maux plus grands que ceux que vous décrivez à cause de quelques-un parmis la corporation des avocats qui n’assument pas l’entièreté des charges de leur état.

84. Le jeudi 11 février 2010 à 20:44 par cap-justice

@Herminejov (73)

Que dirigeait, et non pas “que dirige”. Merci de vérifier vos sources et, encore une fois, merci de cesser de dire n’importe quoi en permanence.

@ Eolas (sous 23)

Le problème avec vous c’est que vous ne faites pas la différence entre le droit et la réalité. On peut avoir commis un crime et ne jamais être condamné par la justice. Quand on ne se fait pas prendre, ou quand il n’y a pas assez de preuve. Ou quand est en détention provisoire. Dans ce cas, on n’est pas un criminel au sens juridique (et tant mieux !), mais on est bien un criminel au sens commun.

85. Le jeudi 11 février 2010 à 20:56 par Solo

”Eolas:
Non, l’indépendance des juges en France n’est pas une fiction”

Par contre l’indépendance de la France est une fiction, nous allons bientôt nous en apercevoir, merci votre Europe. Dire que vous avez expliqué en long et en large que le contournement du vote négatif à propos du TECE était plus que légitime (on croit rêver) (De Gaulle en 1969 était bien con, il n’a pas pensé à refaire un referendum…). Vous nous parlez ensuite de respect de procédures impliquant des peccadilles (des menottes à une gosse de 14 ans - pour un lynchage). Comment vous accorder du crédit ?

86. Le jeudi 11 février 2010 à 20:58 par salah

@ Cap justice 84 « On est bien un criminel au sens commun »

Dans ce cas cessez d’usurper le nom « justice » .Laissez là tranquille .Elle ne vous rien fait . Appelez-‎vous ,cap rumeur ,cap sens commun ou ce que vous voulez. ‎

87. Le jeudi 11 février 2010 à 20:58 par marsan

cher EOLAS

j’ai lu avec beaucoup d’attention cet arrêt, vos commentaires et ceux de vos hôtes.

Je voudrais quelques précisions, non point pour moi car je connais la réponse, mais pour tous vos blogueurs :

Nous sommes tous d’accord que l’article 6, alinéa 3 de la Convention européenne …. exige que la personne mise en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police et que l’interprétation de la CEDH précise que les conditions d’exercice de ce droit doivent être effectives.

Bon la dessus il n’y a pas grand chose à discuter.

Question qui me semble importante pour comprendre à quel point le système de garde à vue français est d’une réelle hypocrisie et ne remplit pas les conditions effectives de ce droit : qu’est ce que l’assistance d’un client pour un avocat ?
Merci de votre réponse

88. Le jeudi 11 février 2010 à 21:07 par S0crate

@84:
Le problème avec vous c’est que vous ne faites pas la différence entre le droit et la réalité. On peut avoir commis un crime et ne jamais être condamné par la justice. Quand on ne se fait pas prendre, ou quand il n’y a pas assez de preuve. Ou quand est en détention provisoire. Dans ce cas, on n’est pas un criminel au sens juridique (et tant mieux !), mais on est bien un criminel au sens commun.

Inutile de vous justifier, vous avez le droit de dire des énormités.

89. Le jeudi 11 février 2010 à 21:07 par cap-justice

@ salah

Et bien non, justement, si on veut réconcilier les citoyens avec leur Justice, il faut apprendre aux citoyens le langage de la justice, mais il faut tout aussi bien apprendre au monde judiciaire le langage des citoyens.

90. Le jeudi 11 février 2010 à 21:08 par Z.

Une remarque m’a fait froid dans le dos tout à l’heure alors que nous discutions des différentes nullités prononcées ou rejetées en matière de garde à vue. Un monsieur très perturbé et a priori proche d’une victime d’un acte grave a surpris notre conversation et a dit : si je tuais le violeur de ma fille qui sortirait suite à vos conneries de droits de l’homme européens, je pourrais moi aussi obtenir le même traitement après que je l’aurai flingué ?
puis il est parti.

91. Le jeudi 11 février 2010 à 21:09 par cap-justice

@ Socrate

Le fait que vous trouviez cela une “énormité” confirme l’urgence de ce que je disais dans le commentaire précédent (89)

92. Le jeudi 11 février 2010 à 21:20 par Dieulepere

@CAP-JUSTICE (ouais j’kiffe l’usage du capslock).

Je suis élève avocat et il s’avère que durant notre formation, nous devons impérativement justifier d’un stage hors cabinet (dit PPi). Y aurait moyen de le faire au sein de votre association? Je ne connais rien à la procédure pénale et j’ai le sentiment que je vais apprendre plein de choses.
Dites oui!!!! Je suis propre depuis 6 mois.
Merci d’avance. Bisous.

93. Le jeudi 11 février 2010 à 21:21 par S0crate

Le fait que vous trouviez cela une “énormité” confirme l’urgence de ce que je disais dans le commentaire précédent (89)

Retranchez vous derrière des arguments sémantiques foireux si cela vous amuse, mais ça ne convainc personne. Le fait est que vous avez tort, on ne peut pas qualifier une personne présumée innocente de criminel ou de délinquant, c’est une erreur juridique grossière, à la hauteur de vos précédentes interventions. Fâcheux pour une personne qui entend donner toute sorte de leçons au monde judiciaire de faire des erreurs indignes d’un étudiant médiocre de première année de droit.

94. Le jeudi 11 février 2010 à 21:28 par Le Maître des Bouviers

Message à caractère personnel pour Scytales :
Par les pouvoirs qui me sont conférés par les 7 cépages alsaciens, je vous fais “Hans im Schnokeloch” d’honneur de 1ère classe avec fourragère rot un wiss.
Si toutefois vous êtes alsacien (même de loin, les alsaciens n’appliquent pas les critères “bessonniens” d’appartenance à un peuple) je garde au frais un riesling des sœurs Faller à votre intention.
Bien à vous

95. Le jeudi 11 février 2010 à 21:47 par L'optimiste

@82 DIAB
Votre diatribe est consternante.
C’est le “prisme parisiano-parisien”qui est en train de faire chuter le sarkozisme sécuritaire.
et non” le rotary club” des bâtonniers provinciaux.

96. Le jeudi 11 février 2010 à 22:01 par gerard

@82 (Diab)

La premiere reaction en France : c’est pas possible! Allez la Turquie l’a fait, et juste le monde entier…sf la France et la Belgique.

La question de principe est très vite réglée, mais trop peu de gens ont conscience qu’en l’état du système d’aide juridictionnelle et de la pratique du métier d’avocat, la présence de l’avocat lors des auditions en GAV est tout bonnement irréaliste en pratique sur 99% du territoire et pour 99% des gens.

Tu sais rien n’empeche aux avocats d’intervenir par telephone et webcam lors des interrogatoires. Et l’avocat ne doit pas etre enferme avec le mis en cause. Il doit juste venir lors des interrogatoires qui peuvent se faire en conference call avec ligne privee pour le mis en cause en cas de demande de conseils.

Heuresement avec la technologie tout ceci est possible…dur je sais ;) allez bien essaye.

La question on s’y met quand ?

97. Le jeudi 11 février 2010 à 22:11 par L'optimiste

Enfin une bonne nouvelle en cette fin de journée!
Le Parquet de Paris de Monsieur Marin requiert la relaxe de Monsieur Tapie dans une obscure procédure de banqueroute.

98. Le jeudi 11 février 2010 à 22:14 par NIchevo

Voila donc le fameux arrêt.
Je ne vais pas revenir sur le rôle du Juge pour savoir si il est ou non dans son rôle en s’inspirant de ces “recommandations”.
Libre à lui de faire un peu d’anticipation sous les projecteurs médiatiques même si il déborde un peu.
Ce n’est pas à moi de lui faire des remarques.

“Petit OPJ”, j’ai une priorité; faire en sorte que des “criminels présumés innocents” ne passent pas au travers des mailles d’un filet de plus en plus reprisé.
Je ne fais aucun cas du pléonasme médiatique qui me veut “OPJ tortionnaire”.
J’ai commencé ma carrière, Il y a bien longtemps.
C’était un temps où je disposais encore de mon libre arbitre.
A cette époque, je faisais preuve de discernement à chaque fois que je convoquais un mis en cause.
La garde à vue n’était pas encore obligatoire.

Puis sont arrivées les lois Guigou, reprises plus tard par la droite, suite à l’enfermement de quelques personnalités.
Il m’a été demandé par les magistrats de placer en garde à vue les mis en cause avant toute audition pour préserver les droits du mis en cause et agir dans un cadre bien défini. On doutait donc de nous?
Aujourd’hui ceux qui m’ont rogné les ailes me reprochent un excès de zèle…

Un ange passe, les yeux révulsés…

Entre temps les textes de loi ont changé en matière de violences faites aux femmes ou de sécurité routière. Que ce soit le fumeur de joint ou celui qui roule sans permis, tous ont commis un délit qui doit aboutir à un placement en garde à vue. Je n’ai fait qu’appliquer la loi, votée par les députés qui ont été élus par le peuple.

Qui dit garde à vue dit ” sous la responsabilité de l’OPJ et accessoirement du chef de poste”.
Ce cadre doit garantir au mis en cause la possibilité de voir un médecin , s’entretenir avec un avocat et faire aviser un membre de sa famille ou son employeur de la dite mesure.
Pendant ce temps là , la victime attend car elle n’est pour sa part dans aucun cadre. Pour une visite aux umj ce sera sur rendez vous…

Si la personne en garde à vue se taille les veines, avec un trombone, les verres de ses lunettes ou de sa montre, des baleines de soutient gorge , ou se pend avec ses lacets, sa ceinture, ses cordons de sweat shirt, les policiers sont RESPONSABLES , avec une sanction à la clé et la vindicte populaire en prime.
Si la personne placée en garde à vue se blesse, blesse un tiers, s’évade, durant un trajet c’est idem .
l’OPJ doit maintenant lui laisser les mains libres et être en mesure de “deviner” si elle peut être dangereuse…
Je renvoie les lecteurs sur cet excellent billet de ma collègue Benedicte Desforges

Alors? Dangereux ou pas? On peut “tenter un pari” comme Pascal , sauf que lui ne prenait aucun risque…

Les mineurs (à partir de 13 ans) doivent être eux aussi placés en garde à vue si des éléments laissent à supposer qu’ils ont commis un délit.
Passons sur l’avocat obligatoire et sur le fait que l’opj doive demander au jeune mais aussi aux parents si il veut un avocat . Si le jeune veut maitre untel et que les parents veulent maitre machin il y a bataille.
Laissons de coté les histoires de vidéo gav qui sont en place depuis quelques temps mais rarement lues par nos magistrats.

Alors aujourd’hui, je m’interroge. Comment les policiers OPJ parviennent à garder le moral dans un tel contexte?

Pas beaucoup de commentaires de leur part sur ce site et c’est bien dommage.

Etant de nature assez précautionneuse, je dirais que tout placement en garde à vue devrait maintenant faire l’objet d’un avis téléphonique au magistrat de permanence au parquet et non d’un simple fax(et ce à toute heure avec copie pv d’interpellation et enregistrement du compte rendu).
Avis à avocat immédiat et mention sur pv concernant l’heure de sa présentation.
J’ai lu qu’il était possible de casser une procédure si l’avocat ne se présentait pas en temps et heure. (UBU n’est pas mort)

J’ai donc LA solution.
Il faut un avocat dans chaque commissariat de police.
Un avocat qui partagerait nos locaux, nos sandwichs grecs et bénéficierait des mêmes compensations horaires “exceptionnelles” dont nous bénéficions. .
Le ministère de la justice débloquera surement une ligne budgétaire et il trouvera le moyen d’organiser un tableau de permanence sympa.

Venez à moi Messieurs Dames, que ce soit à la brigade financière ou au commissariat de Saint Denis.
Faisons progresser le droit , ENSEMBLE !
C’est pas beau ça !

99. Le jeudi 11 février 2010 à 22:24 par Escualdifargo

“Considérant que X a été placé en garde à vue, le 12 mai 2009 à 6h10, que cette garde à vue a été prolongée une première fois pour 24h00, le 12 mai à 23h05 et, à nouveau prolongée le même jour à 22h05, pour finalement être levée le 14 mai à 11h50, soit avant l’expiration du délai légal de 72 heures”

Moi je dis : prolonger une première fois la GAV le 12 mai à 23H05, puis une nouvelle fois (en remontant le temps) le même jour à 22H05, chapeau bas ! et après y en a qui vont se plaindre de pas avoir un parquet ou des enquêteurs à la hauteur.

100. Le jeudi 11 février 2010 à 22:39 par segil

Diab venez que je vous embrasse sur ce front que je devine vaste.
La réalité, enfin la réalité, cette indicible réalité que les grands principes claironnés n’arrivent pas à masquer.
Bien sûr que la jurisprudence de la CEDH est parfaitement claire et que cela nous place dans une situation impossible car ces grands principes nécessitent pour leur application une refonte totale du système français, abominablement coûteuse.
Où sont les avocats qui viendront de jour comme de nuit assister à toute la garde à vue ? Ils sont encore de petits spermatozoïdes frétillants.
Où va t-on trouver les moyens de les payer alors que l’état racle tous les fonds de tiroir et que l’aide juridictionnelle explose déjà.
Comment va t-on pouvoir organiser les investigations pour accueillir les avocats, alors que les services d’enquête, par manque d’attractivité, peinent à recruter et que de plus en plus d’enquêteurs quittent les services sous la pression des contraintes et d’un environnement qui aurait fait jubiler Kafka.
Recruter des gens pour sauter des toits, faire du saute-dessus ou coller des TA, on trouve facilement, mais l’enquêteur judiciaire commence à se faire denrée rare, le masochisme n’est pas aussi répandu qu’il le devrait.
La justice française, dans toutes ses composantes, est une justice en obsolescence qui ne survit qu’à force d’expédients.
A qui fera t-on croire que les avocats vont travailler pour l’amour de l’art.
Ils ne sont pas une association de saints laïcs.
Le nerf de la guerre manque et çà va durer.

101. Le jeudi 11 février 2010 à 22:42 par Nichevo

Ouh Segil que vous êtes dans le vrai !

102. Le jeudi 11 février 2010 à 22:47 par Diab

@ l’optimiste, 95

Consternant peut-être.

Je dis simplement que derrière les principes, il y a une réalité.

Prenons un exemple simple, du genre qui n’arrive pas tout les jours mais qu’on rencontre environ 1 fois par mois sur un ressort de TGI moyen de province : la belle opération sur CR.

Imaginons qu’une loi est passée, consacrant le droit à l’assistance d’un avocat pour toutes les auditions en GAV, dès la première heure. Bien entendu, les modalités de l’AJ n’ont pas bougé d’un poil.

Imaginons que vous êtes avocat pénaliste, par exemple à Besançon. Vous exercez seul. Vous êtes appelé un mardi matin à 6h30 par la BR de Pontarlier (1 bonne heure de route s’il fait beau, l’enfer s’il neige) car l’un de vos clients habituels vient d’être placé en garde à vue dans les locaux de cette unité.

Une fois sur place, vous apprenez qu’il s’agit d’un dossier de vol BO portant sur une quinzaine de raids de cambriolages, que 8 autres personnes sont actuellement en garde à vue dans le même dossier. Les gendarmes travaillent sur CR depuis 8 mois en cellule sur ces faits, ils sont une vingtaine d’opj sur l’opération, qui est préparée dans ses moindres détails depuis plusieurs semaines. Ils mettent à votre disposition 1 mètre 50 d’épaisseur de procédure, correspondant à une cinquantaine de procédures initiales de vols avec les constatations qui correspondent, 6 mois d’écoute de 5 lignes téléphoniques et plusieurs mois de surveillances.

Votre client est parti pour un peu moins de 96 heures GAV. Les gendarmes sont nombreux, préparés, motivés et se relaient pour interroger les mis en cause. Pendant 4 jours, votre client va être interrogé pendant de longues heures, en commençant très tôt le matin et en finissant vers 22 heures chaque soir. Entre chaque audition, les gendarmes vous remettent une nouvelle liasse de plusieurs dizaines de feuilles correspondant notamment aux auditions des 8 autres gardés à vue. Bien entendu, il est hors de question pour vous d’être indisponible à un quelconque moment, de peur que les gendarmes en profitent.

Concrètement, pour assister effectivement ce seul client en ayant connaissance du dossier et en assistant à toutes ses auditions, vous êtes obligé de rester sur Pontarlier entre le mardi 7 heures et le vendredi 15 heures (le reste de la journée du vendredi étant réservé au défèrement chez le juge d’instruction). Vous êtes obligé de prendre une chambre d’hôtel sur place. Vous travaillez tous les jours sur ce seul dossier jusqu’à 22 heures passée et recommencez le lendemain à l’aube.

Vous êtes donc obligé d’annuler tous vos rendez-vous et de solliciter le renvoi de toutes les audiences prévues sur ces 4 jours. Je ne parle pas du fait de se retrouver à passer à l’improviste 4 jours complets loin de sa famille, ça c’est cadeau, on est un professionnel de conviction ou on ne l’est pas.

Les questions que pose ce cas qui n’a rien d’exceptionnel sont les suivantes :

- Combien devez vous être payé pour cette intervention, afin de juste maintenir votre cabinet à flot ? Je ne parle pas de gagner de l’argent, professionnel de conviction, tout ça…
- Pensez vous que l’AJ vous donnera autant que ça ?
- Pensez vous que Monsieur W, ferrailleur à Pontarlier, pourra vous payer une telle somme ?

Par conséquent : êtes vous vraiment sûr que vous allez, à l’improviste, sauter dans votre voiture en plaquant tous vos rdv pros pour partir un mardi à 7 heures du matin pour 4 jours non-stop à Pontarlier ?

Si la réponse est oui, question subsidiaire : pensez vous que parmi la cinquantaine d’avocats qui font du pénal sur le barreau, il s’en trouvera 8 autres pour aller défendre dans les mêmes conditions les 8 autres gardés à vue du dossier dans les mêmes conditions ?

Si la réponse est toujours oui, nouvelle question subsidiaire : et il restera encore des avocats pour aller assister pendant toute leur GAV, dans les mêmes conditions, la bonne dizaine d’autres personnes qui, bon an mal an, sont à n’importe quel moment en garde à vue à un moment ou un autre dans le ressort ?

Et si c’est toujours oui, encore une question subsidiaire : vu tout ce temps qui est pris pour faire des choses qui n’existent pas aujourd’hui, reste-il encore du temps et des gens pour les rendez-vous avec les clients, les audiences… ?

Autorisons la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue : c’est d’une logique évidente et il faudrait être idiot ou de bien mauvaise foi pour penser que la CEDH ne rasera pas la France très vite si le législateur ne le fait pas.

Simplement, halte à l’hypocrisie : tout le monde ici sait que, sauf révolution au niveau de l’AJ et de la pratique du métier d’avocat, le gardé à vue moyen ne verra pas beaucoup plus son avocat en GAV qu’il ne le voit aujourd’hui.

Quant à la “chute du sarkozisme judiciaire”, vous êtes beaucoup trop optimiste pour moi.

Quant à parler de “chute du sarkozisme judiciaire”,

103. Le jeudi 11 février 2010 à 22:59 par Diab

@ 96, Gerard

Accorder le droit théorique, c’est nécessaire et c’est largement possible, voire très facile.

Mais votre passage sur l’assistance d’un avocat par visio-conférence, me laisse penser 2 choses :

- pour proposer ça, vous ne devez pas pratiquer souvent les interrogatoires de plusieurs heures en visio,
- vous ne devez pas non plus avoir grande conscience du niveau d’équipement informatique de la BT moyenne du fin fond de nulle part.

Je maintiens qu’en l’état de notre système judiciaire de pays du tiers monde (au niveau à la fois de l’AJ, des moyens des services enquêteurs et de ceux de la justice) et de ce que je vois des pratiques de l’avocat moyen sur mon ressort, même en cas de réforme législative en conformité avec la CEDH, il est parfaitement illusoire de penser que le gardé à vue moyen aura la possibilité effective d’être assisté par un avocat lors de l’ensemble de ses auditions.

104. Le jeudi 11 février 2010 à 23:07 par ranide

@ Diab

Ils sont bienheureux mes confrères dans votre ressort de gagner tous si bien leur vie qu’ils peuvent tous s’offrir le luxe de dédaigner un complément de revenus provenant de l’AJ ou de la CO.

Dans mon barreau, qui est un peu plus petit que le vôtre (environ 150), l’augmentation du nombre d’avocats, surtout des jeunes qui posent rapidement leur plaque sans avoir de clientèle suffisante et la diminution du nombre de dossiers (surtout hors AJ) aidant, il y a plusieurs années qu’il n’y a plus ce genre de problèmes.

Et puis il y a peut-être un problème d’organisation et peut-être qu’en prévenant un peu à l’avance les avocats vous parviendriez à résoudre pas mal de difficultés. Parce que si c’est comme chez nous, le dernier informé c’est toujours l’avocat à qui l’on demande de venir immédiatement, toutes affaires cessantes … pour peut-être le faire attendre plusieurs heures (les motifs de cette attente peuvent être divers : l’escorte n’est pas encore arrivée alors pourtant qu’elle avait promis d’être là ; elle vient d’arriver mais il y a une copie du dossier entre les mains du parquet et la seconde au BO pour enregistrement de la procédure, entre les mains du juge d’instruction ou du président du tribunal et il n’y a toujours pas 3 copies de la procédure ; il manque le JLD, un des juges n’a pas encore déjeuné parce que son audience du matin s’est terminée à deux heures de l’après-midi ; il y a à l’audience une escorte qui arrive de très loin pour la grosse affaire du jour et il faut la libérer au plus vite (l’escorte, pas la personne escortée) ; mieux encore, le juge d’instruction qui sur sa permanence avait prévu des auditions n’entend pas modifier son programme de travail). C’est sûr que si c’est le contexte et si l’avocat de permanence a une structure à faire vivre et un agenda dont il n’est pas tout-à-fait maître, il ne faut pas s’attendre à ce qu’il s’organise en fonction de la permanence (où il n’y aura peut-être rien) et arrive toutes affaires cessantes ; mais si vous tombez sur un avocat avec pas grand chose à son agenda et une faible charge de structure, ça peut marcher.

Quand aux difficultés matérielles d’interventions des avocats en garde à vue qui se rencontreraient spécifiquement en province et que vous évoquez en ricanant, il ne fait pas de doute qu’elles se résoudront.

D’abord parce que si les barreaux de province sont de taille bien plus modestes que le barreau de Paris, c’est également vrai des forces de police et de gendarmerie (et de leurs locaux), c’est vrai des juges, des greffiers (et des locaux du tribunal, spécialement de la souricière). Alors les grosses opérations sur CR de 15 à 20 personnes, c’est pas tous les jours et souvent il est possible de procéder par vagues successives.

Et puis vous savez quoi ? La nuit les gendarmes et les OPJ dorment. Si si. Quand il y a des arrestations dans la nuit, on notifie la mise en garde à vue, les droits, on appelle l’avocat et on place en cellule les personnes arrêtées jusqu’au lendemain où un OPJ prend le relais pour mener l’enquête. Les interrogatoires immédiats en plein milieu de la nuit c’est extrêmement rare.

Enfin, il ne vous a certainement pas échappé que des temps de repos suffisants doivent être laissés au gardé à vue (par ricochet à l’avocat si réforme il y a) et qu’au cours d’une garde à vue le suspect n’est pas interrogé tout le temps.

Même sans réforme d’ampleur, il y aura à l’avenir moins de gardes à vue. S’il y a réforme d’ampleur, il y a aura encore moins de gardes à vue et elles seront sans doute moins longues :

- parce que, vous avez raison, il faudra prévoir une indemnisation plus importante des avocats (même si le gouvernement réfléchit très fort pour trouver d’autres sources de financement que le budget de l’Etat) qu’au nom de la RGPP on priera les parquets et les forces de police et de gendarmerie de raccourcir au maximum les temps d’intervention des avocats ;

- parce que les méthodes d’enquête changeront et que dans beaucoup d’enquête, au lieu de commencer par la garde à vue, on finira par là. Il s’agira le plus souvent de confronter le suspect aux preuves qui auront été d’ores-et-déjà recueillies contre lui pour pouvoir remettre un dossier prêt à juger au tribunal.

Si réforme il y a, l’intervention effective des avocats ne se heurtera pas à des difficultés insurmontables dans les barreaux même en province. Il y aura sans doute des flottements et des frottements mais la loi sera appliquée.

Moi je suis avocat et je prétends ne pas être hypocrite. J’ai moi aussi des inquiétudes sur l’aptitude des avocats à être à la hauteur d’une grande réforme de la garde à vue. Les avocats iront en garde à vue mais sauront-ils s’adapter à leur nouveau rôle ?

Plusieurs fois des magistrats instructeurs sont intervenus sur ce blog pour s’étonner de la passivité des avocats pendant les instructions, comme s’ils n’avaient toujours pas assimilé les acquis de la réforme de 2000. C’est très juste. Je crois que c’est une question de culture et de prudence. Pour beaucoup d’entre nous, la défense ça s’exerce dans le prétoire à l’occasion d’une audience contradictoire ; avant, ce n’est pas de notre responsabilité et on a toujours un peu de mal à comprendre que le tribunal correctionnel retoque l’argument - avancé à la décharge du prévenu - et tiré de ce que dans l’instruction telle ou telle mesure d’investigation n’a pas été réalisée, au motif qu’il nous aurait à nous avocat de la défense appartenu de la solliciter au stade de l’instruction. Et puis on a toujours un peu peur que le résultat de la mesure sollicitée soit en défaveur du client. Pareil pour les questions à lui poser ou celles à poser au témoin ou au mis en examen ou à la partie civile auquel le client est confronté.

Sans langue de bois, mon inquiétude, elle est plutôt là.

105. Le jeudi 11 février 2010 à 23:36 par Diab

@ Ranide

Je parle d’avocats appelés la veille à qui j’apprends qu’ils sont de permanence et qui répondent “vous n’avez qu’à appeler le suppléant”. Et oui, ça arrive assez souvent pour être horripilant. Et je parle aussi d’avocats du barreau voisin infra-pôle (qui est plus proche et facile d’accès qu’un certain nombre de BT de mon ressort dans lesquelles se tiennent régulièrement des GAV) qui, bien que convoqués 1 mois à l’avance, ne se déplacent pas pour des interrogatoires au fond criminels, parce que “rien qu’avec l’essence et le péage, j’ai déjà bouffé l’AJ”. Ou d’avocats qui ne vont pas voir leur client détenu dans une MA hors ressort parce que “c’est la demi journée de perdue”. C’est minoritaire, mais c’est une minorité réelle, que j’ai rencontrée dans les 3 ressorts où j’ai travaillé.

Alors oui, au vu de tout ça, je doute que la majorité des avocats accepte d’aller passer des journées entières dans des BT paumées pour assister des RMIstes accusés d’avoir violé leur fille ou revendu 10 grammes d’héro. Cela dit, je ne demande qu’à être démenti.

Et sur la nuit, tout dépend de ce qu’on appelle la nuit, mais personnellement :

- contrairement à ce que vous pensez, il y a toujours minimum un OPJ à bord. Et n’oubliez pas qu’un OPJ, c’est aussi vicieux que n’importe qui, et que s’il remarque que la nuit, les avocats ne viennent pas, il va peut-être avoir moins tendance à attendre le lendemain matin pour les auditions des interpellés de la nuit.
- il m’arrive de faire usage de 706-91 et là, sur les interpellations subséquentes, c’est la nuit, la vraie et c’est pour des auditions, des vraies, par des OPJ qui connaissent leur dossier et qui ne sont pas là pour plaisanter.
- tout dépend aussi ce qu’on appelle la nuit, mais sur des opérations un peu significatives, quand je quitte les locaux du service enquêteur après prolongation de GAV, vers 20h ou 21h, il est assez fréquent que les enquêteurs prennent les gens que je viens de prolonger et débutent de nouvelles auditions.

Donc je maintiens : ça va être la nuit, aussi.

106. Le jeudi 11 février 2010 à 23:45 par segil

“Les grands principes parviennent rarement à ne pas créer l’injustice dans les cas particuliers”, belle citation, qui n’est pas de moi d’ailleurs mais qui s’applique parfaitement au cas qui nous préoccupe.
Non, nos magistrats ne sont pas des niais incompétents, ils sont simplement embarrassés, ils sont probablement juridiquement aussi compétents que vous Maître mais ils ont d’autres responsabilités que les vôtres, en effet, ils doivent rendre la justice et non rendre des comptes à leur client. S’ils le voulaient, ils pourraient effectivement casser toutes les procédures, mais ils ne le veulent pas, justement parce qu’ils sont responsables et que leur devoir, et ce sont des gens de devoir, est de faire en sorte que cette société reste viable.
Dans le fil de cette conversation, nous avons eu droit à l’avocat virtuel par vidéo conférence, mis à part le fait que les services de police manquent cruellement de bande passante, et qu’ils ont l’obligation de sécuriser leurs transmissions télématiques, l’organisation serait un épouvantable casse-tête.
Oui, je sais, les anglais y arrivent, les américains aussi mais leur système juridique est épouvantablement onéreux et surtout cela fait quelques centaines d’années qu’ils le peaufinent.
Demandez donc aux gens d’ici: On va vous faire un super truc, habéas corpus, avocats à demeure, une cellule par personne, des flics élevés au grain, etc ….
Mais, il faut choisir, on ne peut pas tout se payer, vous nous rendez la Sécu, on augmente les impôts de ceux qui les payent et là je vous jure, on pourra augmenter le salaire des magistrats, payer toutes les heures des avocats, avoir des prisons partout, faire vingt expertises pour un vol de vélo, passer le salaire des flics du niveau de ceux des turcs à celui des espagnols.
On vous le dit, on va vous faire une justice de rêve, que des principes de haut niveau certifiés CEDH, le top du top.

107. Le jeudi 11 février 2010 à 23:59 par Uncle$crooge

@Maxime en 56

Vous avez tout à fait raison l’article 46 CEDH concerne l’exécution des arrêts de la Cour et non l’applicabilité de la convention. Dans le passage de l’arrêt Dayanan : “l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer” (§31), la Cour ne fait qu’expliciter l’article 6 alinéa 3 CEDH. Si le dispositif d’un arrêt concerne uniquement les parties en cause, les considérations d’ordre juridique établies ci-dessus sont bien entendues générales et abstraites.

Notez que de toute façon même si vous distinguez formellement loi et jurisprudence, vous parvenez au même résultat car les deux sont du droit. L’article 6 al. 1 CEDH est pratiquement inutile pris seul par exemple. Ce n’est qu’en consultant la jurisprudence que vous pourrez en tirer quelque chose. La pratique le sait très bien.

Toujours est-il que la France doit respecter l’article 6 al. 3 CEDH tel qu’interprété par la Cour. Cela résulte de l’article 1 CEDH ou des articles 26 et 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Rappelons que la convention fait partie du droit interne et donne ce faisant directement des droits aux individus contre l’état. Elle doit être appliquée par les juges prioritairement aux règles du CPP. Peu importe donc en théorie que le législateur agisse puisque la règle existe déjà (6 CEDH).

Il n’y a pas une once de flou juridique dans ce problème. Il y a uniquement des raisons politiques. La France n’est pas quatrième au nombre des violations de la convention pour rien. Chiffres à comparer avec ceux de l’Allemagne ou de la Suède (toutes proportions gardées) si vous aimez vous faire du mal.

108. Le vendredi 12 février 2010 à 00:16 par ranide

Moi quand je suis appelé la nuit, je pose 2 questions : le gardé à vue est-il connu des services et où est l’OPJ qui procèdera à son audition. Pour l’OPJ, on m’a toujours répondu qu’il dormait et on ne m’a jamais menti. Et quand le gardé à vue est connu, je ne fais plus le malin à aller le visiter en plein milieu de la nuit, parce que lui aussi il essaie de dormir. Je me suis fais jeter un jour par un habitué que j’avais réveillé ; sur le moment, je ne l’ai pas bien pris et puis en y réfléchissant, je me suis dit que c’était lui qui avait raison : compte tenu de l’importante mission qui est actuellement confiée par la loi à l’avocat en garde à vue, autant que le gardé à vue qui connaît la musique économise ses forces et tache de dormir un peu avant les auditions du lendemain.

Comme je suis bon prince, je demande à quelle heure l’OPJ doit arriver le lendemain matin de manière à pouvoir avoir l’entretien réglementaire juste avant son arrivée. Et je fais comme l’OPJ et le gardé à vue, je me rendors.

Alors il reste la question des grosses CR. Vous avez peut-être raison, et peut-être que les petits barreaux seront débordés. Mais la réforme se fera quand même et pour pallier la difficulté, eh bien on concentrera ces affaires sur de grosses juridictions régionales où il y a de gros barreaux avec plein d’avocats pénalistes et où on créera des avocats volontaires salariés des ordres pour les gardés à vue qui relèveront de l’AJ . D’ailleurs, pour le transfert des gros dossiers dans de gros pôles d’instruction les textes existent déjà.

Vous savez vos arguments sont exactement les mêmes que ceux qui étaient opposés au début des années 90 lorsque l’avocat pour la première fois a été admis en garde à vue, à la 20e heure.

La vraie difficulté de mise en œuvre pour les barreaux, qui concernera le plus grand nombre de gardes à vue, c’est bien celle que j’évoque. C’est bien là qu’est la frontière entre l’énoncé des principes et leur mise en application pratique.

109. Le vendredi 12 février 2010 à 00:18 par Oncle Pic$ou

@ segil en 106

Entre argent et libertés civiles vous faites donc primez le premier. Mon opinion est que vous changerez vite d’avis lors de votre prochaine GAV.

Sinon je pense qu’avant d’examiner les pays anglo-saxons qui sont retardataires dans de nombreux domaines des droits de l’homme vous devriez plutôt vous tournez vers le nord de l’Europe ou même vers nos voisins suisses. Même s’il est vrai qu’ils payent un peu plus cher pour leur justice, le tableau est très différent (le salaire des avocats aussi, les étudiants frontaliers l’ont bien compris ^.^). La justice devrait toujours être un poste prioritaire du budget car une justice efficace et rapide améliore énormément la qualité de vie des citoyens notamment leur sécurité. Plutôt qu’aux juges c’est au gouvernement de suivre votre conseil : “justement parce qu’ils sont responsables et que leur devoir, et ce sont des gens de devoir, est de faire en sorte que cette société reste viable.”

110. Le vendredi 12 février 2010 à 00:58 par segil

@oncle picsou
Je parle d’argent parce que cela se quantifie, s’évalue, et que pour avoir de belles libertés civiles cela à un coût.
C’est bien de me parler de la Suisse, mais je ne pense pas qu’elle ait le niveau de dette abyssal de la France.
Ce serait bien que la justice ait un gros budget, mais c’est pas possible. Où alors on rogne un peu plus sur l’éducation, l’armée et la police c’est déjà fait.
En ce qui concerne la GAV, c’est un serpent qui se mord la queue, l’essentiel du temps de GAV est utilisé pour la gestion de la garde à vue, les policiers passent plus de temps à cavaler après la famille, les avocats, les médecins, les magistrats et à taper les kilomètres de notifications qu’à faire l’enquête et le plus drôle, c’est que c’est soit disant pour le bien du mis en cause.

111. Le vendredi 12 février 2010 à 04:48 par zcvraialors

@segil (100)

“l’essentiel du temps de GAV est utilisé pour la gestion de la garde à vue, les policiers passent plus de temps à cavaler après la famille, les avocats, les médecins, les magistrats et à taper les kilomètres de notifications qu’à faire l’enquête et le plus drôle, c’est que c’est soit disant pour le bien du mis en cause.”

1 detention de garde a vue : 24h = 1440 mn

1 appel a la famille = 30s
1 pv appel famille = 1mn

1 telecopie procureur =1mn
1 pv telecopie procureur = 1mn

1 telecopie avocat =1mn
1 pv telecopie avocat = 1mn

1 telecopie medecin =1mn
1 pv telecopie medecin = 1mn

total = 7mn30

temps restant pour les interrogatoires = 1432mn30s

@diab

”- il m’arrive de faire usage de 706-91 et là, sur les interpellations subséquentes, c’est la nuit, la vraie et c’est pour des auditions, des vraies, par des OPJ qui connaissent leur dossier et qui ne sont pas là pour plaisanter.
- tout dépend aussi ce qu’on appelle la nuit, mais sur des opérations un peu significatives, quand je quitte les locaux du service enquêteur après prolongation de GAV, vers 20h ou 21h, il est assez fréquent que les enquêteurs prennent les gens que je viens de prolonger et débutent de nouvelles auditions.”

Des auditions de nuit. Quelle bonne idee !! Genial..empecher de dormir les mis en cause…privation de sommeil…quel bon metier!! Il faut en etre fier Msieur et garder la tete haute. Tiens je retourne a ma boucherie moi…

112. Le vendredi 12 février 2010 à 08:37 par Diab

@ 111 zcvraialors

Votre réponse à Segil sur les 7 min 30 nécessaires aux formalités de GAV montre bien que vous n’avez pas grande notion de la manière dont ça se passe en pratique.

Quant à votre passage sur les auditions de nuit, il montre lui que vous n’avez pas non plus grande notion de la manière dont se déroule une opération sur un dossier d’une certaine ampleur. On n’interroge pas les GAVé jusqu’à 22 h passées pour les priver de sommeil, et encore moins pour s’amuser, mais simplement parce que dans certains cas, les horaires de bureau ne suffisent pas à faire tout ce que les enquêteurs sont censés faire en 24 ou 48 heures. Alors oui, dans votre monde où 7 min 30 suffisent à accomplir toutes les formalités de la GAV, j’imagine qu’on peut faire toutes les auditions et opérations nécessaires ors d’une interpellation dans un gros dossier de meurtres multiples contestés en 4 demi journées d’heures de bureau. Mais dans la vraie vie, c’est plus compliqué.

Et juste un mot au passage sur 706-91 : lorsqu’on va faire des perquisitions et interpellations d’un groupe de voleurs BO dans leurs “locaux” au retour d’un casse à 3 heures du matin, ou qu’on perquisitionne un lieu de stockage de stups au moment d’un réapprovisionnement en pleine nuit, allez savoir pourquoi, on trouve rarement les gens en train de dormir. Donc l’argument de la privation de sommeil, je veux bien en parler pour les OPJ qui doivent assumer de telles opérations, mais pour les GAVés qu’on saisit en plein milieu de leur “journée” de travail, il faut peut-être pas pousser…

113. Le vendredi 12 février 2010 à 08:50 par Diab

706-91, pas 706-41.

114. Le vendredi 12 février 2010 à 09:08 par Scytales

« Des auditions de nuit. Quelle bonne idee !! Genial..empecher de dormir les mis en cause…privation de sommeil…quel bon metier!! Il faut en etre fier Msieur et garder la tete haute. Tiens je retourne a ma boucherie moi… » (zcvraialors)

Pour être un peu plus spécifique que zcvraialors, qui s’exprime de façon ironique, précisons que l’on sait depuis l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme du 18 janvier 1978 dans l’affaire inter-étatique Irlande c/Royaume-Uni (requête n°5310/71) que la privation de sommeil de personnes en vue de « faciliter » leur interrogatoire ultérieure constitue un traitement inhumain et dégradant incompatible avec l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

115. Le vendredi 12 février 2010 à 09:11 par niodayoda

@ Diab, Segil ou Nichevo :

Le problème n’est-il pas aussi tout simplement qu’il y a trop de garde-à-vue ??

La présence de l’avocat durant celle-ci serait facilitée si l’on élimine toutes les GAV superficielles qui ne sont aujourd’hui là que pour faire du chiffre, et il y en a quand même beaucoup.

Que le problème soit compliqué, nul ne le conteste il me semble, mais pourquoi ne pas essayer ?

116. Le vendredi 12 février 2010 à 09:16 par Nichevo

Un avocat a un jour cassé une de mes procédures en stipulant qu’un pv d’avis ne pouvait pas se faire en une minute. Vous ne connaissez donc pas nos problèmes ou faites mine de les ignorer.
Pour celles et ceux qui pensent que les OPJ dorment dans les banlieues c’est faux; il y a toujours un service de permanence de nuit, sauf peut être chez les gendarmes…
Heureusement que la mauvaise foi n’est pas un délit, sinon c’était garde à vue pour nombre de commentateurs !
Encore merci pour vos interventions Segil; vous êtes un spécialiste éclairé.
J’ai vu quelques propositions intéressantes mais le problème principal reste les budgets pour les mettre en oeuvre.
Il faudra prendre l’argent dans d’autres ministères ou lever des impots…

117. Le vendredi 12 février 2010 à 09:33 par sereatco

Bonjour,

“Heureusement que la mauvaise foi n’est pas un délit, sinon c’était garde à vue pour nombre de commentateur” nous dit Nichevo.

C’est dommage, dans un sens, vous auriez pu inventer ainsi l’auto-garde à vue !

118. Le vendredi 12 février 2010 à 10:19 par NonoK.

@ Nichevo en 116:

Un avocat a un jour cassé une de mes procédures en stipulant qu’un pv d’avis ne pouvait pas se faire en une minute. Vous ne connaissez donc pas nos problèmes ou faites mine de les ignorer.”

Votre clavier a fourché.
Vous vouliez sans doute écrire qu’un magistrat a décidé qu’une procédure était nulle sur un moyen proposé par l’avocat.

J’ai bon ?

119. Le vendredi 12 février 2010 à 10:35 par Scytales

« Le problème n’est-il pas aussi tout simplement qu’il y a trop de garde-à-vue ?? »

La garde à vue a un double-aspect.

C’est une mesure restrictive de la liberté d’aller et de venir, puisqu’elle permet de retenir une personne contre sa volonté durant une certain temps.

Mais c’est aussi - corollaire de l’aspect précédent - un statut protecteur des droits de la personne retenue.

La personne a le droit de faire prévenir un proche ou son employeur, afin de ne pas les laisser dans l’inquiétude de sa « disparition de la circulation », avec tous les inconvénients qui s’ensuivraient.

La personne a le droit d’être examinée par un médecin, afin que sa santé soit préservée.

La personne a le droit de s’entretenir avec un avocat, afin qu’elle ait un minimum la possibilité d’exercer son droit à se défendre.

En outre, la garde à vue est placée sous le contrôle d’un magistrat du Parquet, qui est une autorité extérieure chargée de vérifier la légalité de la mesure de rétention.

C’est ce double aspect de la garde à vue qui explique la jurisprudence constante de la Cour de Cassation : dès qu’une personne est privée de sa liberté par un officier de police judiciaire, cette personne doit être placée en garde à vue, car aucune privation de liberté ne saurait exister en-dehors d’un cadre protecteur.

Estimer qu’il y a trop de gardes à vue revient donc à considérer qu’il y a trop de privations de liberté de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction. Peut-être. Mais, dès qu’un officier de police judiciaire retient une personne contre son gré, il a l’obligation de la placer en garde à vue, afin de lui permettre d’exercer ses droits.

Mon opinion est donc qu’il n’y a ni trop, ni trop peu de gardes à vue. Ni le juste nombre de gardes à vue. Il y a le nombre de gardes à vue qui correspond au nombre de personnes retenues contre leur gré. Point.

Ceci étant dit, le droit à un simple entretien avec un avocat, tout juste informé de la date et de la nature des faits reprochés au gardé à vue, est manifestement incompatible avec la Convention européenne des Droits de l’Homme, car ce droit ne permet pas l’exercice de l’ensemble des droits de la défense. Il convient donc de permettre à l’avocat d’assister pleinement son client, en lui donnant, connaissance des éléments à charge qui pèsent sur son client, et en lui donnant la possibilité d’assister ce dernier au cour de la garde à vue. L’avocat pourrait, par exemple, assister aux interrogatoires et aux perquisitions.

Personnellement, je suis persuadé que ce droit à une assistance pleine et entière a non seulement un fondement juridique dans l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, mais aussi dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale.

Certains soutiennent que les articles 63 et suivant du Code de procédure pénale, qui restreignent la portée de l’intervention de l’avocat en garde à vue, surtout dans le cadre de procédures d’exception (comme je l’ai indiqué dans un message plus haut), s’imposent aux officiers de police judiciaire, et, selon le cas, aux magistratss du Parquet et aux juges d’instruction, qui devraient systématiquement faire application de ces dispositions restrictives.

Je ne suis pas d’accord avec cet argument, qui, à mon avis, revient non seulement à s’exposer à commettre des violations massives de l’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, pour des motifs déjà exposés ad nauseam par le Maître de ces liens et nombre de ses commentateurs, mais aussi à faire une mauvaise application des lois françaises en vigueur.

En effet, ce fameux article préliminaire du Code de procédure pénale énonce un droit général de toute personne suspectée à avoir l’assistance d’un défenseur. Les termes « personne suspectée » s’applique à l’évidence à une personne placée en garde à vue. Les termes « assistance d’un défenseur » garantissent manifestement un droit plus large que celui d’obtenir un simple entretien de 30 mn avec un avocat, qui n’a le droit que de connaître la date et la nature des faits reprochés au gardé à vue, et qui a l’interdiction de faire état du contenu de l’entretien avec quiconque.

Comment alors, articuler cet article préliminaire du Code de procédure pénale avec les dispositions restrictives des articles 63 et suivant du même Code ?

La réponse m’apparaît évidente. Le droit d’une personne suspecte à l’assistance d’un avocat peut être restreint pour des raisons impérieuses découlant des circonstances particulières de l’espèce. Ce sont les termes de l’arrêt Salduz de la Cour européenne des Droits de l’Homme, qui admet et, dans le même mouvement, encadre la restriction à l’exercice des droits de la défense. Cependant, la loi française, même lorsque le droit à l’assistance d’un avocat est restreint, selon la procédure, par une décision de l’officier de police judiciaire ou du magistrat du Parquet ou du juge d’instruction qui contrôle la garde à vue, prévoit une garantie minimale incompressible : le droit à l’entretien avec un avocat, dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 63 et suivant du Code de procédure pénale.

Voilà comment, à mon avis, faire une bonne application des lois françaises en vigeur concernant l’intervention de l’avocat, une application qui respecte l’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Principe et exceptions encadrées par des garanties minimales.

Certes, faire une telle application de la loi implique de ne pas la lire par le petit bout de la lorgnette. Mais il me semble que cela est parfaitement légale. Je dirais même plus : faire une telle application de la loi est un commandement légal depuis la loi renforçant la présomption d’innocence. J’en suis personnellement convaincu, et l’interprétation claire et limpide de l’article 6§1 de la Convention par la Cour européenne des Droits de l’Homme achève de m’en persuader.

Certes, appliquer la procédure pénale d’une façon conforme à la Convention européenne des Droits de l’Homme serait manifestement une petite révolution copernicienne pour beaucoup de praticiens du droit pénal. Mais ça ne demande finalement pas plus.

Et pour ceux qui craindrait un risque d’arbitraire dans la détermination des circonstances qui permettraient à une autorité de restreindre les droits de la défense en garde à vue

120. Le vendredi 12 février 2010 à 10:45 par Cinquo

Le dernier article du Figaro sur le sujet est une vraie petite merveille. Entre la GAV qui est présentée comme une “relation de proximité” (sans doute lors des TR) et l’enthousiasme (certes quelquefois un peu excessif des jeunes OPJ) on se retrouve vraiment chez les Bisounours.

Pas de souci policiers et gendarmes sont droits dans leur bottes !

121. Le vendredi 12 février 2010 à 10:48 par Scytales

Désolé. Mauvaise manoeuvre.

Je continue :

Et pour ceux qui craindraient un risque d’arbitraire dans la détermination des circonstances qui permettraient à une autorité de restreindre les droits de la défense en garde à vue, je leur répondrais que le contrôle de la légalité de la décision de restreindre l’exercice de ces droits revient précisément au juge et à son censeur (chambre de l’instruction, Cour d’Appel, Cour de Cassation, selon le cas). C’est là l’un des coeurs de métier du juge : appliquer une règle générale à un cas particulier.

On ne s’écarterait donc nullement du cours normal de la Justice. Au contraire, on se situerait en plein dans son exercice normal.

122. Le vendredi 12 février 2010 à 10:59 par récap59

Donc l’OPJ utilise les menottes parce qu’il a peur d’être tenu pour responsable si le gardé à vue décide de se blesser ou se mutiler lui-même.

Faut-il croire que les déséquilibrés sont spécialement attirés par les commissariats (et alors pourquoi) ? Ou qu’en les accueillant, la police s’est laissée refiler une charge indue par l’assurance maladie ?

Peu importe, puisque la solution est simple. Si la GAV est enregistrée en vidéo, l’OPJ sera lavé de tout soupçon à chaque fois que le gardé à vue se sera vraiment fait du mal à lui-même volontairement.

Mais au fait, qui est contre la vidéo en GAV ?

123. Le vendredi 12 février 2010 à 11:04 par Herminejov

@ Cap-justice en 84

Le problème avec vous, les libertariens, c’est que vous confondez droit et morale, distinction qui est pourtant l’objet du premier mois de cours de la première année de droit. Et, dans votre commentaire, vous confondez criminel et délinquant. On ne peut être déclaré criminel qu’à l’issue d’un procès. Parler de “criminel au sens commun” n’apporte rien, ni au débat, ni à la société.

Qu’allez-vous dire aux personnes accusées par erreur d’abus sexuel sur mineur dans l’affaire d’Outreau? Qu’elles étaient “criminels au sens commun” pendant leur détention provisoire mais victimes au sens juridique après leur acquittement?

D’ailleurs, j’aimerais bien savoir dans quelle catégorie de votre vision manichéenne vous classez ces personnes.

124. Le vendredi 12 février 2010 à 11:09 par Veig

{{Ce serait bien que la justice ait un gros budget, mais c’est pas possible. Où alors on rogne un peu plus sur l’éducation, l’armée et la police c’est déjà fait.
}}
Je sais que je je suis sur un blog d’avocat et pas d’économiste, mais j’en ai marre de lire ce genre de rengaines, qui ne sont que la triste preuve de la réussite d’un matraquage de 30 ans sur l’impuissance de l’Etat et la réduction des prélèvements vue comme une fin en soi. L’argent est là, il suffit de faire un choix.

Le budget 2009 de la justice était d’environs 6,6 milliards d’euros. Toujours en 2009, le gouvernement a choisi d’offrir 140 milliards d’euros aux plus fortunés de nos citoyens et de nos entreprises par le biais de niches fiscales, dont une bonne vingtaine de milliards au profit des seuls actionnaires du CAC 40, sans contrepartie.
En 2009 encore, le gouvernement s’est vanté d’avoir économisé 3 milliards en supprimant 100 000 postes de fonctionnaires. Il a choisi de les redistribuer aux restaurateurs, qui en retour ont créé royalement 6000 postes, et n’ont pratiquement pas revu leurs prix à la baisse.

Toujours en 2009, les allègements de charges patronales devaient se monter à une trentaine de milliards d’euros, entièrement compensés par le contribuable ou par la dette (ce qui nous coûtera encore plus cher, à nous ou à nos enfants). Ces allègements de charges n’ont jamais eu d’efficacité démontrée en termes d’emploi, en revanche ils ont largement bénéficié à des entreprises qui ne risquent pas de délocaliser (grande distribution, entre autres).

Et on ne trouve toujours pas les 6 malheureux petits milliards qui permettraient de doubler le budget de la justice, de faire passer tous les jours une équipe de nettoyage dans les cellules des postes de police, de donner un budget décent à l’aide juridictionnelle, de soulager la démographie des prisons en offrant un encadrement correct pour les peines alternatives ?

De qui se moque-t-on ?

125. Le vendredi 12 février 2010 à 11:18 par tschok

@ Jalmad, com 74,

Arf!

Je me suis un peu emporté, navré. Je vous présente mes excuses.

La lecture des articles d’Eolas déclenche parfois en moi des moments d’abattement qui frôlent le découragement.

En fait c’est le télescopage des deux affaires (les arrêts turcs et la découvertes des 200.000 GAV tombées des stats et planquées sous le tapis) qui a produit ce sentiment de malaise que je ne sait trop comment partager (je me demande d’ailleurs si je devrais).

D’un côté nous avons les arrêts turcs qui déclenchent les grandes manœuvres sur un cycle somme toute assez long.

Ce dont il est question pour le juge, entre autre, est de savoir quelle est l’étendue de sa liberté d’appréciation de la légalité d’une GAV. Il y a les pro et les anti, avec les TGI et les CA qui appliquent ou non, les arrêts turcs.

On attend l’arbitrage de la cour de cassation qui surviendra quand Ses Majestés qui la composent jugeront que l’affaire est mure.

Mais c’est un cycle de stabilisation du système finalement assez long, même si je vois bien qu’il y a une mobilisation rapide des magistrats.

A côté de cela on découvre que 200.000 GAV on échappé aux stats.

Là on n’est pas en train de parler du taux de réussite au bac. On parle du corps de nos concitoyens, en chair et en os, lorsqu’ils sont soumis à une mesure coercitive.

Les discussions qu’on a pu avoir ici ou ailleurs avec des parquetiers pour savoir si un nombre significatif de GAV ne serait pas décidé pour des broutilles doivent désormais être considérées avec nostalgie.

Il est acquis qu’un grand nombre de nos concitoyens sont habituellement placés en GAV pour des motifs totalement futiles.

Là dessus je regardais l’article 66 de notre constitution et je me demandais quelles conclusions en tirer.

De deux choses l’une:

- Soit les magistrats ont découvert la nouvelle comme nous tous, en lisant le journal, auquel cas nous avons confié les clés de la maison à des imbéciles qui n’était même pas au courant que leur pouvoir d’appréciation - même réduit - trouvait à s’appliquer;

- Soit, les magistrats étaient au parfum (votre foutu intranet, symptôme de cet esprit typiquement français du double canal d’info - un canal d’info pour la masse et un autre, étanche, pour l’élite), auquel cas nous avons confié les clé de notre liberté à des gens qui finalement sont complices de nos geôliers et en adoptent les modes de pensées.

Voilà d’où me vient ce sentiment de malaise.

Et je sais qu’il est injuste que je vous en accuse.

Mais n’empêche que je le ressens.

PS: si vous voyez, comme moi, de quelle façon la chambre de l’instruction de Paris considère ces arrêts comme un bâton de merde, sans savoir par quel bout les prendre, alors c’est peut être un sentiment qui peut être partagé assez facilement.

126. Le vendredi 12 février 2010 à 11:28 par @ Nichevo

Bien sûr qu’il y a un OPJ de perm la nuit (en province, il n’y a pas tout un service de perm), je n’ai pas dit le contraire ; il en faut au moins un pour placer en garde à vue. Mais une fois la GAV et les droits notifiés, on attend le lendemain et les OPJ de jour pour commencer les auditions et l’enquête, sauf infraction gravissime et flagrance (et ça c’est pas tous les jours).

Et puis vous avez tort de croire qu’une réforme de procédure pénale et de la garde à vue qui donnerait un rôle plus important aux avocats dans l’enquête de police serait nécessairement contre la police.

Il y aura du changement dans le formalisme des notifications de droit. Vous vous plaignez de la situation actuelle mais les policiers qui ont toujours fait des pieds et des mains pour limiter l’entrée des avocats dans les commissariats en sont largement responsables : c’est pour donner un lot de consolation aux avocats et faire croire que les droits de la défense progressaient, qu’on a multiplié le formalisme en contrepartie du rôle pas très glorieux ni pour eux ni pour les policiers qu’on leur laisse au stade de la garde à vue.

Et puis surtout, pour les enquêtes les plus longues (celles qui ne peuvent être achevées dans le délai de garde à vue), le rôle des policiers dans la phase judiciaire va grandir puisque le juge d’instruction va disparaître.

Maintenant c’est vrai qu’il faut sans doute vous attendre à devoir supporter plus de présence des avocats en garde à vue. Vous verrez, il y en a des pas trop cons.

127. Le vendredi 12 février 2010 à 11:39 par bartabas

@ tschok (125)

Je comprends votre interrogation, elle me semble légitime et appelle, selon moi, deux réponses:

1) les magistrats ne peuvent pas soulever d’office les nullités qui pourraient affecter la procédure d’enquête. Ils ne peuvent donc se prononcer qu’à condition d’avoir été saisi du problème par le prévenu ou son avocat.

2) plus prosaïquement, mais cela n’enlève rien à la pertinence de la raison n° 1, il est matériellement absolument impossible de se tenir informé en permanence des évolutions jurisprudentielles de la CEDH, comme de la Cour de cassation d’ailleurs (déjà, pour la législation et la réglementation françaises, ça n’est pas simple, compte tenu de l’activité intense de l’exécutif et du législatif…).

128. Le vendredi 12 février 2010 à 11:40 par niodayoda

@ Scytales :

Estimer qu’il y a trop de gardes à vue revient donc à considérer qu’il y a trop de privations de liberté de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction. Peut-être. Mais, dès qu’un officier de police judiciaire retient une personne contre son gré, il a l’obligation de la placer en garde à vue, afin de lui permettre d’exercer ses droits.

Exactement, il y a trop de gardes à vue (j’ai un problème orthographique avec cette expression, faut-il des tirets entre chaque mot, comment l’orthographier au pluriel ? Help !) car il y a trop de privations de liberté de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.

La GAV semble aujourd’hui systématiquement employée quand dans un nombre important de situations une simple convocation au commissariat suffirait. (Vive la prévisualisation, pendant la rédaction de ce message, Tschok m’a rappelé ce chiffre de 200 000 GAV pour des infractions routières, qu’on avait oublié de comptabiliser…)

C’est bien tout le problème, c’est que si la GAV est officiellement un cadre juridique protecteur des libertés, celles-ci se déroulent dans des lieux vêtustes et des conditions humiliantes et dégradantes, et la mesure de GAV est utilisé par certains (mais trop) policiers comme une sanction dont ils peuvent disposer pour asseoir leur autorité.

Sauf qu’ils sapent ce faisant l’image de la police, qui n’est que très rarement bonne.

129. Le vendredi 12 février 2010 à 11:50 par Nichevo

Tiens j’ai un clone !
@Nichevo n’a rien à voir avec l’original. C’est aussi un type bien mais un peu trop idéaliste à mon gout !

130. Le vendredi 12 février 2010 à 11:55 par Arnaud

J’ai trouvé ça:

«Il y a à peine quinze ans de cela, nous pouvions encore retenir un suspect quelques heures, dans les affaires simples, sans trop de formalisme» , se souvient un inspecteur général de la police nationale. «On nous a alors accusés de ne pas mettre les gens en garde à vue pour faire échec aux droits de la défense. Et voici qu’aujourd’hui, après l’avoir érigée en principe, on nous reproche de l’appliquer !», s’indigne-t-il. Un commissaire de Seine-Saint-Denis l’affirme : «La garde à vue, c’est la garantie de pouvoir conserver des éléments qui seront exploités à charge et à décharge. Concrètement, il s’agit d’éviter que le suspect se concerte avec d’éventuels complices dans un temps rapproché de l’action. Nous limitons ainsi les risques de disparition des preuves ou de pression sur les témoins. Et nous pouvons interroger le suspect, dans le strict respect de ses droits, en prévenant sa famille, un médecin, un avocat. La loi Guigou est scrupuleusement appliquée.»

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/02/11/01016-20100211ARTFIG00785-garde-a-vue-les-policiers-prennent-la-parole-.php

131. Le vendredi 12 février 2010 à 12:28 par ranide

@ Nichevo

@Nichevo # 126, c’est moi.

J’ai fait une fausse manip, je n’ai pas voulu usurper votre identité pour troubler votre tranquillité . Non, ne me mettez pas en gav, le projet de loi loppsi vient seulement d’être voté par l’Assemblée nationale, c’est pas encore du droit positif :-)

132. Le vendredi 12 février 2010 à 12:28 par ranide

@ Nichevo

@Nichevo # 126, c’est moi.

J’ai fait une fausse manip, je n’ai pas voulu usurper votre identité pour troubler votre tranquillité . Non, ne me mettez pas en gav, le projet de loi loppsi vient seulement d’être voté par l’Assemblée nationale, c’est pas encore du droit positif :-)

133. Le vendredi 12 février 2010 à 13:37 par Pacer95

@ Récap59 (122)
Décidément vous confondez tout. Tout se mélange dans votre esprit.
Vous nous parlez de “vidéo”. Les auditions de mineurs sont déjà enregistrées. Quant à la garde à vue elle ne se limite pas à ce seul acte. Puisque vous voulez tout filmer, pensez à l’interpellation, au transport (dans les véhicules, les couloirs entre deux bureaux, les toilettes, la voie publique…), à tout le reste. Demandez que soit greffée sur chaque fonctionnaire de police une micro-caméra.
Jusqu’où ira votre défiance envers les forces de l’ordre ?

134. Le vendredi 12 février 2010 à 13:44 par RICARDO

Le fond du problème appelle une solution simple et de bon sens, la jurisprudence de la Cour EDH énonce que notre régime de GAV est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme.
Il appartient au juge de dire si une disposition de droit interne est compatible ou pas avec une convention internationale. (arrêt IVG Conseil constitutionnel 1975)
A de nombreuses reprises, la jurisprudence de la CEDH a pris notre Code de procédure pénale en flagrant délit d’incompatibilité (délai d’appel du Parquet général, obligation pour un condamné avec mandat d’arrêt de se “mettre en état” pour obtenir la recevabilité de son pourvoi, possibilité pour l’avocat du prévenu absent de présenter des observations etc.)
Dans tous ces exemples, c’est la jurisprudence de la CEDH qui a obligé notre très endormie Cour de cassation à changer sa propre jurisprudence, et parfois notre législateur à changer la loi.
Nous sommes à peu de choses près dans le même cas de figure: tôt ou tard, la GAV ne pourra se faire sans la présence de l’avocat lors des auditions, de manière à rendre “effectif” les Droits de la défense.
Cette simple obligation entrainera une baisse vertigineuse des gardes à vue, la police n’aimant pas qu’un témoin extérieur s’immisce dans leur “relation intime” avec le citoyen.
Ainsi , notre procédure pénale se verra rééquilibrée, au profit des juges.

En effet, notre procédure se méfie des juges qui sont des malhonnêtes, n’ayant pour seul but d’emprisonner les gens et d’instruire leur dossier à charge: jugez-en: le juge d’instruction est surveillé lors des interrogatoires par l’Avocat du mis en examen et comme on ne peut décidément pas lui faire confiance, on lui adjoint un greffier (ou une greffière) dont le rôle est d’authentifier ce qui s’est dit dans son Cabinet!!!
Alors que nos policiers sont dans anges sans opinions, pétris par la volonté des faire avancer la vérité pour le plus grand profit de celui qu’ils ont interpellé. Eux sont dignes de confiance , nul besoin d’avocats ou de greffier pour surveiller leur travail, il est toujours bien fait.
Le Code de procédure pénale le dit: nous avons la meilleure police du monde, elle bien plus digne de confiance que nos Juges…

135. Le vendredi 12 février 2010 à 13:51 par récap59

@ Pacer95


Les véhicules, les couloirs entre deux bureaux, les toilettes, la voie publique ?

Mais je suis déjà filmé à longueur de journée dans tous ces endroits ! Même dans les couloirs entre deux bureaux. C’est sûrement parce que je travaille pas dans la police.

136. Le vendredi 12 février 2010 à 13:52 par Tendance

@Arnaud

Ce que vous citez est un discours bien rodé qui a du mal à convaincre.

Voici ci-dessous l’intervention de M.René Vestri, sénateur UMP lors du débat du mardi 9 février:

Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, ce débat sur l’évolution des droits de la défense au cours de l’instruction intervient alors que le système de garde à vue fait l’objet de critiques, qu’il s’agisse de son fonctionnement ou du nombre de personnes concernées : environ 800 000 gardes à vue ont été prononcées en France en 2009, chiffre reconnu par le ministère public.

Le Premier ministre s’est dit « choqué du nombre des gardes à vue dans notre pays et de la manière dont ces mesures sont utilisées comme des moyens de pression pour obtenir des aveux alors même que ce n’est pas le but de la garde à vue. Parce qu’il ne faut pas confondre l’usage de la garde à vue encadrée et justifiée avec les abus qui peuvent l’entourer, il est en effet apparu nécessaire, évident, de repenser ses conditions d’utilisation et son utilité. »

Comme en réponse à cette indignation, une formation du tribunal correctionnel de Paris vient de déclarer irrégulières plusieurs gardes à vue pour non-conformité de notre droit aux normes européennes découlant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, en référence aux arrêts Salduz du 27 novembre 2008 et Dayanan du 13 octobre 2009 rendus par la Cour européenne des droits de l’homme. Le tribunal correctionnel de Paris relève ainsi que « l’avocat ne peut pas remplir les tâches essentielles qui sont le propre de sa profession puisqu’il n’est pas autorisé à assister aux interrogatoires dès la première heure et ignore les éléments récoltés par les enquêteurs ».

Parmi tous les thèmes, fort nombreux, d’une nécessaire réforme de la procédure pénale, celui de la garde à vue doit être mis en exergue. Cette mesure, qui s’analyse comme une immobilisation physique temporaire de la personne concernée, est prise par un officier de police judiciaire. Au stade de ce que l’on appelle une enquête de flagrance, la garde à vue se justifie par l’existence de soupçons centrés sur une personne qui, pour l’avancement de l’enquête, doit rester à la disposition des services.

Cependant, étant donné sa nature et compte tenu de l’abus dont il fait incontestablement l’objet, de l’aveu même du Premier ministre, j’affirme d’emblée et solennellement que le recours à la garde à vue doit être limité à des cas de figure dans lesquels une peine d’emprisonnement serait encourue. Il n’en est pas ainsi à l’heure actuelle.

Au cours des derniers mois, des gardés à vue inhabituels, en ce sens qu’il s’agit non pas de délinquants ordinaires mais d’enseignants, d’avocats ou de mères de famille, ont, les uns après les autres, raconté à quel point la garde à vue les a placés en situation d’infériorité, car ils se sont trouvés isolés, matériellement et psychologiquement, devant des enquêteurs totalement maîtres de l’instant et à la déontologie variable.

« Les gardes à vue en France sont un scandale. J’ai été fouillée à nu, photographiée comme un bandit, on a pris mes empreintes qui vont servir à nourrir je ne sais quel fichier. J’ai dû me déshabiller totalement pour la fouille. Puis j’ai été poussée dans une cellule souillée d’excréments. »

Ce témoignage est de Me Caroline Wasserman, une jeune avocate qui a connu une garde à vue dans un commissariat de notre pays, voilà quelques mois. Permettez-moi de le compléter par d’autres :

« On est venu me chercher à 6 heures du matin, j’étais réveillée avec mes deux enfants dont ma fille handicapée âgée de huit ans et mon petit garçon âgé de dix-huit mois. On a prévenu le père du petit garçon pour qu’il vienne récupérer son fils, mais ma petite fille, choquée, a été abandonnée seule, sans assistance, errant dans la rue car il lui était interdit de parler à qui que ce soit, de peur de dévoiler le secret de l’interpellation. » Pour la petite histoire, les journalistes locaux étaient, eux, informés du déroulement de toute l’opération… « Amenée en cellule, on m’a donné un cachet. J’ai demandé un verre d’eau. On m’a dit : “ vous n’avez qu’à avaler comme ça ! ” Les questions étaient incessantes , mes réponses étaient toujours les mêmes, invariables. Mais cela ne convenait pas aux attentes des policiers, alors, on m’a balancé : “ elle est folle, il faut la mettre sous tutelle ! ” »

La personne concernée est suivie par des médecins. Mère célibataire, fragile psychologiquement – elle a failli perdre son enfant, qui reste malheureusement handicapé à vie –, elle n’avait jamais eu affaire à la justice avant cette garde à vue. Cela, les policiers le savaient ! Mais la déshumanisation des lieux gagne chacun et fait perdre conscience d’être sur le territoire de la patrie des droits de l’homme. Je ne voudrais pas opposer ici les impératifs de la sécurité publique à la nécessité d’un respect scrupuleux des droits de l’homme. Les temps sont compliqués, et nos policiers, qui luttent contre la violence, le crime, la délinquance astucieuse ou encore le terrorisme, ont besoin de moyens et de certitudes, parmi lesquelles celle de notre soutien.

Néanmoins, je vais prendre le risque d’une certaine imprudence dans mes propos, car lorsque la prudence est partout, le courage n’est nulle part.

Oui, moi, René Vestri, maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat, j’ai connu une garde à vue, pendant laquelle j’ai signé n’importe quoi pour que l’on me libère au plus vite après un passage par la souricière, où l’on m’avait expédié sur un geste dédaigneux d’un parquetier méprisant. J’ai dû ensuite me rendre à l’hôpital pour des prises de sang. À cette époque, je devais suivre scrupuleusement un traitement contre un cancer. Je devais uriner souvent, accompagné alors d’un policier qui ne me quittait pas d’une semelle, au cas où il me serait venu à l’idée de m’évader, peut-être par la fenêtre des toilettes… On m’a dit : « Avouez, signez et vous ressortirez libre ! » Alors, éreinté, j’ai accepté de signer.

Force est de constater que les personnes placées en garde à vue subissent souvent, seules et sans l’assistance d’un avocat, des interrogatoires oppressants dont les seuls comptes rendus sont les procès-verbaux rédigés unilatéralement par les policiers eux-mêmes. Est-il besoin de faire subir aux prévenus des traitements dégradants, de les humilier afin d’obtenir des aveux ou leur coopération ?

Le 7 janvier 2009, le Président de la République avait défini l’esprit d’une réforme de la procédure pénale selon plusieurs axes : la substitution d’une culture de la preuve à une culture de l’aveu ; la présence de l’avocat le plus tôt possible pendant l’enquête ; l’instauration de l’égalité des armes entre l’accusation et la défense, sous le contrôle d’un juge d’instruction.

Toutefois, le rapport Léger, remis le 1er septembre 2009, ne répond pas à l’ambition affirmée par le chef de l’État et ne tient pas compte, loin de là, de la jurisprudence européenne. D’ailleurs, les avocats du barreau de Paris, bâtonnier en tête, ont lancé un appel en faveur de la suppression de la garde à vue telle qu’elle est autorisée et pratiquée en France. Ils s’appuient sur la législation européenne : un jugement de condamnation qui serait fondé sur des déclarations recueillies au cours d’une garde à vue hors la présence d’un avocat doit être considéré comme nul. Autrement dit, on ne peut condamner sur la base de déclarations auto-incriminantes recueillies sous la contrainte.

En outre, Me Henri Leclerc, qui fait partie d’un groupe de travail à la chancellerie sur la garde à vue, a rappelé que cette question avait déjà été posée par la commission Delmas-Marty et que les policiers avaient affirmé, à l’époque, qu’une telle disposition détruirait leur métier, à la stupéfaction de commissaires venus de plusieurs pays européens, qui avaient expliqué que, pour leur part, ils tentaient de mener à bien leurs enquêtes avant toute arrestation, au lieu de bâtir une affaire à partir d’aveux recueillis dans leurs locaux.

De ce fait, je soutiens la proposition de loi déposée le 21 décembre dernier par le député Manuel Aeschlimann et plusieurs de ses collègues, tendant, pour toutes les infractions punies d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, à instituer la présence de l’avocat durant tous les actes de la procédure établis au cours de la garde à vue, à permettre à l’avocat d’assister le gardé à vue durant tous les interrogatoires et auditions dès le début de la garde à vue et tant qu’elle n’a pas été levée, enfin à ce que soit notifié à la personne retenue le droit de garder le silence, droit institué en 2000 avant d’être supprimé deux ans plus tard.

En libérant tous les acteurs de l’enquête pénale du carcan procédural que constitue le système actuel de la garde à vue pour des délits mineurs, en désengorgeant nos commissariats, hôpitaux, salles d’écrou de centaines de milliers de gardes à vue inutiles, nous permettrons à nos forces de l’ordre de se concentrer sur l’essentiel, avec une compétence accrue, des moyens supplémentaires dégagés et la conscience nouvelle de servir la patrie des droits de l’homme.

Aussi les propositions du comité Léger d’interdire le placement en garde à vue d’une personne soupçonnée de faits pour lesquels une peine d’emprisonnement inférieure à un an est encourue et de créer une nouvelle mesure coercitive d’une durée plus limitée méritent-elles d’être précisées, car si elles reviennent à créer une garde à vue bis, avec maintien des actuelles restrictions d’accès au dossier pour l’avocat, alors autant ne pas modifier les dispositions en vigueur !

La création d’une « retenue judiciaire », d’une durée maximale de six heures pour toute personne majeure soupçonnée d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement inférieure à cinq ans, nécessite également plus d’explications : si l’avocat n’avait pas un droit d’accès immédiat au dossier, où serait l’innovation ?

Madame la ministre d’État, la France, premier pays à entrer dans la modernité juridique grâce à la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et au code civil de 1804, s’est laissée entraîner vers le fond de la classe européenne en matière de modernisation de sa procédure pénale. Dans un pays des droits de l’homme où tout prévenu est présumé innocent tant qu’il n’a pas été jugé coupable par un tribunal compétent, est-il concevable que les gardes à vue se déroulent dans des conditions inhumaines ? Locaux insalubres, fouilles corporelles poussées, humiliations et intimidations de toutes sortes : qu’attend donc la France pour se conformer à la jurisprudence européenne, notamment aux deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg que j’ai évoqués, dont l’un précise qu’un accusé doit bénéficier, pour organiser sa défense, d’un avocat dès qu’il est privé de liberté ? (MM. Robert Badinter et Jean-Pierre Michel applaudissent.)

137. Le vendredi 12 février 2010 à 14:18 par alinkiroul

nichevo com 98

Si la personne en garde à vue se taille les veines, …ou de sa montre

admettons même difficilement  :
Question -
Il il y a eu beaucoup d’occurrences de suicidés en GAV par verre de montre, souvent maintenant d’ailleurs en plastique ?
Question -
Est ce que toutes le cellules de garde à vue ont une vue directe sur une horloge en fonctionnement et à l’heure ?
déjà pour permettre au gardé de n’être pas désorienté temporellement et surtout de connaitre le temps de procédure qui passe ?

La jurisprudence internationale estime que priver un “prisonnier” de repères, temporels entre autres, est au moins un traitement dégradant, s’il n’est pas qualifié de quasi torture !

Question -
Comment ce fait il que beaucoup de cellules de GAV police soient ornementées/gravées de graffitis fait avec autres choses que des matières organiques ?

un feutre ou un stylo c’est moins dangereux qu’une montre ?

138. Le vendredi 12 février 2010 à 14:38 par récap59

Je suis d’accord avec l’analyse juridique de Scytales (119) et économique de Veig (124)

Je ne suis pas d’accord avec l’idée de la chambre de l’instruction de Paris selon laquelle plus l’infraction est grave, plus il serait justifié de bafouer les droits de la défense.

Cela revient à affirmer que plus l’infraction est grave, moins il est souhaitable que le condamné soit le vrai coupable, ce qui est absurde.

Par contre si le crime est bidon, on comprend mieux pourquoi le coupable n’a pas besoin d’être authentique.

D’où les 72 h de GAV sans avocat pour ceux qui sont accusés d’infraction à la législation sur les stupéfiants, traités plus durement que les pires criminels alors qu’on leur reproche seulement de gagner leur vie en rendant le même service que les trafiquants de drogues licites : buralistes, vignerons…

Le monde entier sait qu’il s’agit là d’un crime bidon, et s’en sert comme moyen de chantage dans les relations internationales.

La France refuse-t-elle de libérer un grand criminel bordure haut placé dans son pays ? On trouvera opportunément quelques grammes de substances illicites dans le sac à dos d’une jeune touriste française en vacance en Bordurie, de préférence jolie et de bonne famille (il serait beaucoup plus difficile de l’accuser d’un vrai crime, car pour cela il faudrait trouver une vraie victime, qui n’aurait aucune raison d’accuser un innocent, ni de protéger un coupable)

Pour calmer l’émotion publique, la France finit par céder, les deux prisonniers sont libérés.

Cela, je peux le comprendre. Ce que je n’admet pas, c’est qu’après cela la France continue comme si de rien n’était à collaborer avec la police bordure, à former ses agents, à lui envoyer des mandats d’arrêt internationaux, à traiter les siens, etc…

139. Le vendredi 12 février 2010 à 15:00 par Scytales

Je salue le courage de M. Vestri et souscrit à ces propos, sauf en ce qui concerne son ralliement à cette proposition de loi, telle qu’il l’a décrite :

« De ce fait, je soutiens la proposition de loi déposée le 21 décembre dernier par le député Manuel Aeschlimann et plusieurs de ses collègues, tendant, pour toutes les infractions punies d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, à instituer la présence de l’avocat durant tous les actes de la procédure établis au cours de la garde à vue, à permettre à l’avocat d’assister le gardé à vue durant tous les interrogatoires et auditions dès le début de la garde à vue et tant qu’elle n’a pas été levée, enfin à ce que soit notifié à la personne retenue le droit de garder le silence, droit institué en 2000 avant d’être supprimé deux ans plus tard. »

Ainsi que l’a observé Me Eolas dans son commentaire de l’arrêt de la chambre de l’instruction, les droits de la défense ne sont pas à géométrie variable selon la gravité d’une infraction.

En l’état actuel de la loi, toute personne suspectée à droit à l’assistance d’un avocat. Réserver le droit à l’assistance de l’avocat aux délits punis d’au moins 5 ans d’emprisonnement, si ce projet de loi aboutirait à une telle conséquence, serait un gigantesque pas en arrière.

Aujourd’hui, un employé ou un fonctionnaire qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire a le droit de se faire assisté lors d’un entretien préalable à la sanction. Une personne suspectée d’avoir commis une infraction punit de six mois, un an ou trois ans (!) d’emprisonnement n’aurait pas un droit effectif à l’assistance d’un avocat au cours d’un interrogatoire ? C’est l’archétype même de la fausse bonne idée, qui nous vaudrait encore à l’avenir le risque d’un lot de condamnations par la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Et encore, je passe sous silence l’épineux problème de la qualification d’un fait au stade de l’enquête. Ce qui a été analysé comme un fait susceptible de constituer une infraction punie d’un moins 5 ans d’emprisonnement au stade l’enquête peut tout à fait être qualifié sous une incrimination moins sévère par le tribunal qui juge ces faits, et, inversement, ne serait-ce que par le jeu des circonstances aggravantes, un tribunal peut se retrouver à juger des faits sous une qualification plus grave que celle retenue lors de l’enquête.

Non vraiment. Fausse bonne idée qu’instituer l’assistance par un avocat au cours de l’enquête pour les seuls délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

140. Le vendredi 12 février 2010 à 15:03 par Tendance

@Diab 102

Vous écrivez ceci:

Imaginons que vous êtes avocat pénaliste, par exemple à Besançon. Vous exercez seul. Vous êtes appelé un mardi matin à 6h30 par la BR de Pontarlier (1 bonne heure de route s’il fait beau, l’enfer s’il neige) car l’un de vos clients habituels vient d’être placé en garde à vue dans les locaux de cette unité.

Une fois sur place, vous apprenez qu’il s’agit d’un dossier de vol BO portant sur une quinzaine de raids de cambriolages, que 8 autres personnes sont actuellement en garde à vue dans le même dossier. Les gendarmes travaillent sur CR depuis 8 mois en cellule sur ces faits, ils sont une vingtaine d’opj sur l’opération, qui est préparée dans ses moindres détails depuis plusieurs semaines. Ils mettent à votre disposition 1 mètre 50 d’épaisseur de procédure, correspondant à une cinquantaine de procédures initiales de vols avec les constatations qui correspondent, 6 mois d’écoute de 5 lignes téléphoniques et plusieurs mois de surveillances

La réponse se trouve dans l’intervention de Me Badinter au Sénat ce 9 février:

Lorsque nous débattrons du grand projet de réforme de la procédure pénale annoncé, nous ne pourrons nous en tenir aux préconisations du rapport Léger. Que nous propose-t-il, en effet, pour améliorer la situation ? La présence de l’avocat à la première heure ? Cela me fait penser à ces pendules suisses, où un coucou sort ponctuellement de sa boîte pour sonner chaque heure, mais disparaît entre-temps… De la même façon, l’avocat apparaît au début de la garde à vue et à la vingt-quatrième heure, mais cela ne sert à rien. Une telle mesure est inutile : ce n’est qu’une apparence de garantie ! Certes, il faudra organiser des permanences, et il n’est pas certain, bien entendu, que ce seront les ténors du barreau qui interviendront en garde à vue, sauf lorsqu’il s’agira d’une personnalité, d’un ou d’une « people », pour employer le jargon médiatique contemporain. Mais qu’importe : la présence d’un avocat constitue, en elle-même, la garantie essentielle.

Pour autant, madame le garde des sceaux, la présence de l’avocat n’implique pas la communication intégrale à celui-ci du dossier de l’enquête de police. Ceux qui ne connaissent pas assez bien la procédure accusatoire sont trop souvent victimes d’une confusion à cet égard : rappelons que l’obligation de communiquer la totalité du dossier ne vaut qu’au stade de la mise en examen, quand des charges suffisantes, et non une simple raison plausible de soupçonner qu’il ait commis une infraction, ont été réunies contre celui qui n’était jusque-là qu’un gardé à vue. Il s’agit alors d’un degré de gravité tout à fait différent, et l’avocat, qui devient dans ce cas le défendeur à l’action publique, doit évidemment avoir accès à toutes les pièces du dossier en vertu du principe du contradictoire. C’est un principe et une jurisprudence constants.

Mais, au stade de la garde à vue, la seule exigence est de communiquer les éléments du dossier – procès-verbaux, déclarations – qui justifient le placement en garde à vue. Dès lors, tout est simple et clair : il suffit de courage politique pour briser cette espèce de pesanteur multiséculaire qui accable notre justice dans ce domaine. Le temps est venu d’y remédier.

141. Le vendredi 12 février 2010 à 15:15 par Scytales

Après vérification, la proposition de loi de M. Aeschlimann a une portée générale : elle concerne toutes gardes à vue, et vise à supprimer les restrictions à l’intervention de l’avocat dans les procédures dérogatoires au droit commun.

http://www.assemblee-nationale.fr/1…

142. Le vendredi 12 février 2010 à 15:42 par Simplicissimus

Vu en ligne :

Les fonctionnaires du CEA sont en passe de traiter et de prendre en charge sans aucune contrepartie la totalité des missions judiciaires jusqu’alors dévolues aux officiers.

Les effectifs affectés aux missions judiciaires subiront le surcroît de travail. Les contreparties financières sont inexistantes. Quant à la considération que pourrait avoir l’administration à l’endroit de ces fonctionnaires il suffit d’analyser le déroulement de carrières auquel peuvent prétendre les agents exerçant dans les services investigation !!

De plus, dire que le rendement exigé et la charge de travail excessive ne nuisent en rien à la notion de  qualité que sont en droit d’attendre tous les citoyens  de notre institution serait s’avancer imprudemment.

N’étant pas de la grande maison, j’ai cherché la signification de CEA (bien que le contexte soit clair: , il s’agit des sous-officiers et de la troupe) : Corps d’Exécution et d’Application de la Police.

Dans le même document (de 2008), sont mentionnés les chiffres suivant : en 5 ans,

  • augmentation des GAV : + 52,7%,
  • augmentation du nombre d’OPJ : + 24%.

À noter que dans cette évolution globale, le nombre des OPJ de grade commissaire ou officier est en baisse et celui des OPJ gardien de la paix ou brigadier a été multiplié par 2,5.

De 2003 à 2007, la part des officiers ou commissaires dans le total des OPJ de la Police Nationale est passé de 79,4% à 55,6%.

Bon, évidemment, c’est un document syndical, …

143. Le vendredi 12 février 2010 à 16:17 par Arnaud

@136 Tendance:
Nous ne parlons pas du même problème.
Là où vous parlez des conditions de la garde-à-vue (sujet sur lequel nous sommes d’ailleurs d’accord), moi je vous parlais du nombre.

Sur ces 800.000 gàv, combien y en a-t-il qui, il y a 20 ans, se seraient réglées par une simple convocation au commissariat, on discute pendant 1h ou 2, et puis merci-au-revoir ?…
Or les “partisans” du droit de la défense ayant fait un scandale parce que ces convocations se déroulaient sans avocat, les policiers sont aujourd’hui obligés de placer les gens en gàv dans les conditions que vous mentionnez. Ce qui alourdit et donc allonge énormément la procédure.

Chacun son opinion mais moi je trouve qu’en l’espèce, trop de justice tue la justice…

144. Le vendredi 12 février 2010 à 17:00 par niodayoda

@ Arnaud en 143 : Sur ces 800.000 gàv, combien y en a-t-il qui, il y a 20 ans, se seraient réglées par une simple convocation au commissariat, on discute pendant 1h ou 2, et puis merci-au-revoir ? (…) les policiers sont aujourd’hui obligés de placer les gens en gàv

Vous voulez dire qu’il n’est pas possible pour les policiers de remettre ou d’adresser une convocation au commissariat en lieu et place d’une gàv sans que ça fasse un scandale ?

ça remonte à quand ce scandale des “partisans” du droit de la défense ? Personnellement je n’en ai pas le souvenir…

145. Le vendredi 12 février 2010 à 17:09 par Jalmad

@ Tschok 125 : je plaisantais, je ne l’ai pas du tout mal pris, mais ce désarroi chez vous m’a interpellée (sans mauvais jeu de mot……pardon).

Bref, je le partage, et je crois même pencher pour la 2ème branche de votre alternative à savoir :

Soit, les magistrats étaient au parfum (…), auquel cas nous avons confié les clé de notre liberté à des gens qui finalement sont complices de nos geôliers et en adoptent les modes de pensées.

Et, croyez bien que ça me fait mal de dire cela. J’ai un profond respect pour mes collègues, qui, dans leur très grande majorité, et quelques soient leurs opinions politiques (autant vous dire tout de suite que la plupart d’entre eux ne partagent pas les miennes et inversement), sont des Républicains convaincus, ayant le sens du service public, un idéal de Justice certain, et une haute idée de ce que doit être le rôle d’un magistrat, garant des Libertés. Et je sais que je ne vaux pas mieux qu’eux. Mais oui, malgré tout, je crois qu’il y a une sorte d’abdication coupable, avec ce sentiment très fort du “on peut pas faire autrement”, qui légitime autant qu’il paralyse…. Moi-même, je mentirais en disant que j’ai cherché à batailler longtemps avec mes OPJ pour qu’ils admettent la présence de l’avocat aux auditions lors de mes GAV sur CR. J’ai tâté le terrain, j’ai vu que ça ne passerait pas, et je me suis dit : limitons la casse au maximum en essayant de limiter les GAV au strictement nécessaire, permettons l’accès au dossier à l’avocat en mon cabinet…. et je ne vais pas saisir la Ch Ins de l’ensemble des dossiers de mon cabinet, c’est clair….alors que saisie d’une demande de nullité comme Juge correctionnel, j’annulerais les PV d’audition sans une ni deux. Je ne sais même pas quel argument avancer pour justifier ce double positionnement. Et je comprends également le désarroi des OPJ, à qui il a été dit “pas assez de garde à vue” puis “trop de garde à vue”, voire à qui on tient ces deux discours de façon simultanée.

Bref, je suis comme vous, j’attends le cul posé dans mon fauteuil, et le malaise grandit.

Mais je finirai en vous rappelant ceci : la tectonique des plaques, M. Tschok, la tectonique des plaques….

146. Le vendredi 12 février 2010 à 17:15 par babd88

@Arnaud

http://bravepatrie.com/societe/la-g…

tout a fait!

147. Le vendredi 12 février 2010 à 17:21 par Guile

@ Arnaud: Je peux comprendre votre idée selon laquelle la recherche de la vérité ne doit pas être altérée par la protection des droits du prévenu et par la garantie des drotis de la défense.

Mais ne vous y trompez pas, les demandes de modification de la loi sur la procédure de garde à vue, ne visent pas à rendre la recherche de la vérité impossible ou plus difficile.

Dans de nombreux pays, la présence de l’avocat lors des interrogatoires existe et n’a jamais empêché à la vérité d’éclater.

Les policiers (ce n’est pas le cas de tous) qui considèrent que notre présence est un danger pour leur travail, se trompent lourdement.

Simplement, comme bcp d’autres professions, lorsqu’on annonce un changement, ca fait râler, parce qu’il faudra se remettre en question, parce qu’il faudra modifier ses réflexes, et notamment ceux relatifs à la méthode d’interrogatoire des gardés à vue.

Sans forcément parler de violence (c’est rare, même si cela est déjà trop) la police utilise des discours bien rodés mais très angoissant pour la personne qui est interrogée.

Ils mentent sur les sanctions réelles, sur les risques pour les proches, sur la situation exacte dans laquelle la personne se trouve et sur leur pouvoir.

La personne se sent menaçée bien plus fortement qu’elle ne l’est réellement.

La pression, dans la prise de décision de l’individu est considérable, et ses choix s’en trouvent altérés.

Je regrette qu’aujourd’hui, mes concitoyens trouvent cela normal, au nom de leur sécurité.

Je vous rappelle cette phrase célèbre: A vouloir privilégier la sécurité à la liberté, on finit par perdre les deux.

Elle est d’une actualité brulante…

148. Le vendredi 12 février 2010 à 17:30 par Tendance

@Arnaud

Le problème que vous évoquez.est ancien. Le gouvernement et les parlementaires ont choisi de laisser exploser le nombre de GAV.

Il suffit de lire la réponse de MAM le 9 février (et notamment l’arrogance avec laquelle elle répond à M. Vestri) pour se rendre contre que sa position est de bouger le moins possible.La retransmission en montrant en plan de coupe son visage de pierre au cours du débat annonçait déjà la teneur de son discours:

La garde à vue est devenue trop automatique, le constater n’est pas remettre en cause le travail des policiers ni des gendarmes. Comme l’a bien dit Mme Escoffier, la garde à vue doit retrouver son caractère d’instrument de l’enquête, au service de la recherche de la vérité.

Je souhaite que la garde à vue soit réservée aux seuls cas où elle est nécessaire, ce sera l’un des objets de la réforme du code de procédure pénale, dont je vous proposerai l’examen cet été au plus tard. Ce texte réaffirmera le caractère exceptionnel de la garde à vue, qui sera limitée aux situations où la peine encourue comprendra de l’emprisonnement. La règle sera donc de pouvoir être entendu librement dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, pour une durée maximum de quatre heures, et l’on pourra également choisir le régime de la grade à vue, pour les garanties qu’il offre, notamment l’accès à un avocat.

Le texte que je vous présenterai renforcera les droits des gardés à vue, en particulier pour l’accès à un avocat. Aujourd’hui, cependant, notre droit répond déjà aux normes européennes et l’interprétation que certains font de l’arrêt Dayanan c/ Turquie, est excessive : non seulement la jurisprudence de la Cour européenne ne s’impose qu’à l’État qui est partie au conflit, car c’est seulement la convention qui est d’application directe, mais encore la France organise déjà l’accès à un avocat dans la garde à vue. Les tribunaux peuvent donc parfaitement écarter cette jurisprudence - voyez ce qu’ont décidé hier le tribunal correctionnel d’Angers, aujourd’hui la chambre d’instruction de Paris. La Cour européenne a en effet condamné la Turquie, et non la France, et la Cour de cassation a reconnu en 2007 la conformité de notre droit à la Convention européenne des droits de l’homme .

En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites hors l’assistance d’un avocat. Sans attendre le texte, j’ai déjà appelé l’attention des parquets sur ce point par dépêches du 18 novembre et du 30 décembre 2009.

Pendant la première période de garde à vue, l’avocat pourra recevoir une copie au fur et à mesure des procès-verbaux d’auditions de son client dès qu’ils auront été transcrits. Si les auditions sont prolongées au-delà de 24 heures, le gardé à vue pourra durant toute la durée de la prolongation être assisté par son avocat lors des auditions et ce dernier pourra poser des questions et faire des observations. C’est aussi une avancée par rapport aux dispositions actuelles, monsieur Badinter.

Le problème ne concerne pas seulement la situation juridique mais aussi les conditions matérielles de la garde à vue. Je veillerai à faire respecter les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur l’état des locaux de garde à vue et des mesures de sécurité devant être prises à l’occasion d’une telle mesure : si la garde à vue est une nécessité de l’enquête, elle ne doit pas porter atteinte à la dignité de la personne. Les locaux de la garde à vue ne relèvent pas de la responsabilité du ministère de la justice mais de celui du ministère de l’intérieur. Comme je suis passé d’un ministère à l’autre, j’assume parfaitement ce problème. La situation s’est néanmoins améliorée depuis 2002 grâce à la construction de nouvelles gendarmeries et de nouveaux commissariats. S’il y a un scandale, monsieur Badinter, c’est peut être que l’on n’a pas pris plus tôt les mesures financières permettant la rénovation des locaux des commissariats et de gendarmerie. J’en ai vu beaucoup pour lesquels les conditions de travail des gendarmes et des policiers n’étaient guère meilleures que celles de ceux qui se trouvaient dans des locaux de garde à vue .

Les conditions de garde à vue ne doivent pas porter atteinte à la dignité des personnes. Je ne suis pas ici pour analyser des situations particulières, monsieur Vestri, mais pour fixer des règles qui s’appliquent à chacun. Cette exigence figurera explicitement dans le futur code de procédure pénale. Sans attendre, j’ai rappelé aux procureurs généraux par circulaire du 1er novembre l’importance des visites régulières des locaux de garde à vue par les procureurs de la République. D’ailleurs, j’ai noté des améliorations. Le rapport public annuel de 2008 du garde des sceaux montre une bonne tenue générale des registres, une bonne notification des droits mais une indignité de certains locaux dont la liste a été communiquée au ministère de l’intérieur.

Dans le cadre de la future réforme de la procédure pénale, l’amélioration des conditions de garde à vue est une priorité. Le projet de réforme de ce code, que je soumettrai très prochainement à la concertation, sera l’occasion d’une discussion approfondie permettant de rénover profondément toute notre procédure pénale, notamment notre système de garde à vue, dans un double souci d’efficacité dans la lutte contre la délinquance, mais aussi de protection des libertés individuelles.

Ce qu’elle propose est très en retrait par rapport à la proposition de loi du député UMP Aeschlimann (dont un des cosignataires est E. Raoult!).

C’est l’acharnement du gouvernement qui est responsable de la situation et non les actions de ceux qui défendent les libertés.

149. Le vendredi 12 février 2010 à 18:01 par ranide

@ Tendance

Sur ce coup là, et malgré toute l’admiration que je porte à R. Badinter, je ne peux pas être d’accord et je me demande s’il a bien perçu l’évolution de la procédure pénale.

Il parle de la garde à vue comme si c’était le début de l’enquête. Mais dans la très grande majorité des dossiers, c’est le début et la fin de l’enquête ; pour le tout-venant, après la garde à vue, il n’y a plus rien et le dossier est prêt à juger.

Les dossiers qui aboutissent à une mise en examen, c’est-à-dire à la saisine d’un juge d’instruction pour continuer l’enquête après la garde à vue, ne représentent qu’environ 3 % du total.

La communication des seules pièces qui sont de nature à justifier la mise en garde à vue n’est pas suffisante pour garantir l’effectivité du droit de se défendre. C’est bien la totalité du dossier qui doit être communiquée par principe, pour rendre la procédure conforme à l’arrêt Dayanan, sauf peut-être lorsque l’enquête pourrait être compromise par une communication totale, à prévoir une communication progressive des éléments du dossier. Au demeurant, l’arrêt Dayanan n’exclut pas des dérogations au principe mais elles doivent être justifiées au cas par cas (en clair, il ne suffit pas de viser le trafic de drogue ou la bande organisée ou le terrorisme)

150. Le vendredi 12 février 2010 à 18:57 par Scytales

J’ai lu avec grande attention la réponse de Mme la ministre de la justice et des libertés à M. Badinter.

Je ne perdrai pas de temps à discuter ses arguties selon lesquelles la procédure pénale française serait déjà compatible avec les exigences posées par la Convention européenne des Droits de l’Homme. Si le droit français était déjà si conforme à la Convention d’ailleurs, pourquoi penserait-elle devoir le modifier ?

Je constate simplement que sa déclaration d’intention de réforme de l’intervention de l’avocat durant les 24 premières heures, si elle était concrétisée dans une loi, ne permettrait vraissemblablement pas de répondre aux exigences de l’article 6 de la Convention. La Cour européenne interprète cet article comme voulant signifier que, dès la première audition du suspect, celui-ci a droit à bénéficier de « toute la vaste gamme d’intervention possible de l’avocat ». Or, un avocat tenu à l’écart et devant se contenter de lire les procès-verbaux d’audition du gardé à vue « au fur et à mesure de leur transcription » sans pouvoir assister le suspect ne peut en effet pas faire grand chose. Ce serait là une avancée d’une timidité invraissemblable qui ne mettrait pas la France à l’abris d’un condamnation devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.

En outre, comme la jurisprudence bien établie de la Cour européenne des Droits de l’Homme est qu’en principe, aucun tribunal ne peut fonder une déclaration de culpabilité sur des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat, on peut se demander à quoi pourrait bien servir les auditions des 24 premières heures de gardes à vue, durant lesquels l’avocat serait systématiquement écarté. Il me semble que cette proposition de Mme le ministre constituerait un véritable nid à contentieux, sinon à nullité des procédures.

151. Le vendredi 12 février 2010 à 20:51 par récap59

Il y a un autre truc que j’ai pas compris, je me sens comme un mékéskidi. C’est c’est idée selon laquelle les forces de l’ordre seraient obligés de placer quelqu’un en GAV… pour le faire bénéficier des droits du gardé à vue. Exemples :

1) le droit de faire prévenir un proche ou son employeur, afin de ne pas les laisser dans l’inquiétude de sa « disparition de la circulation », avec tous les inconvénients qui s’ensuivraient.

Parce que si j’arrive en retard au boulot pour une autre raison que la garde à vue, il y a une loi qui m’interdit de prévenir mon employeur ?

2) La personne a le droit d’être examinée par un médecin, afin que sa santé soit préservée.

Je n’ai pas le droit de consulter mon médecin si je ne suis pas en garde à vue ?

3) La personne a le droit de s’entretenir avec un avocat, afin qu’elle ait un minimum la possibilité d’exercer son droit à se défendre.

Je n’ai pas le droit d’appeller mon avocat quand je ne suis pas en garde à vue ?

152. Le vendredi 12 février 2010 à 21:58 par enorme

@recap59 (151)

Enorme, trop drole…

Bon concretement c’est quand qu’elle arrive cette reforme de la garde a vue.

Allez en 2010, il faut donner du courage a nos agents de police. Objectif 2 000 000 de garde a vue! Va falloir que tout le monde fasse un effort..

153. Le vendredi 12 février 2010 à 23:53 par Khee Nok

Merci, cher maitre, pour cette vigilance qui aide le simple citoyen que je suis a prendre conscience de l’etat peu glorieux des libertes publiques dans un des etats qui se targue de les avoir gravees dans le marbre.

Nous ne manisfestons pas chaque jour devant les Palais de Justice, nous ne petitionons pas a flot continu, mais le coeur y est.

Et force est de constater que l’opinion evolue: les 500,00 garde a vue annuelles sont une lecon de civisme qui finira par porter ses fruits: Basta !

154. Le samedi 13 février 2010 à 07:24 par Simone

Recap59 (151 et autres)
Il y a un moment où vous devriez arrêter de taper compulsivement sur votre clavier. Il faut prendre le temps de la réflexion. Vos analyses de comptoir deviennent consternantes. Prenez un grand bol d’air, détendez vous devant France/Irlande cet après-midi, puis écoutez calmement ce que vous disent les autres. Cela ne peut vous être que bénéfique.

155. Le samedi 13 février 2010 à 11:11 par Hub

“Considérant en conséquence que l’ensemble des droits et règles régissant la garde à vue ont été en l’espèce respectés, que les procès verbaux y afférent comme toutes pièces de la procédure subséquentes sont réguliers, que la requête en nullité sera rejetée dans son intégralité, et que la procédure , qui n’est pas entachée d’autres irrégularités , est régulière jusqu’à la cote D2958 ; (…)”

Ce “autres” devant irrégularités ne relève-t-il pas du lapsus busirisable ?

156. Le samedi 13 février 2010 à 12:17 par Scytales

« Il y a un autre truc que j’ai pas compris, je me sens comme un mékéskidi. C’est c’est idée selon laquelle les forces de l’ordre seraient obligés de placer quelqu’un en GAV… pour le faire bénéficier des droits du gardé à vue. » (récap59)

Ce n’est pas une idée, c’est une obligation légale. Voyez par exemple l’arrêt du 31 mai 2007 de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, pourvoi n°07-80928 :

« Vu les articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces articles, la personne qui, pour les nécessités de l’enquête, est, sous la contrainte, mise à la disposition de l’officier de police judiciaire, doit immédiatement être placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure ; »

L’idée, comme vous dites, derrière cette obligation est très simple. Quand une personne est privée de sa liberté par les forces de l’ordre, il faut lui assurer des garanties qui permettent de s’assurer que cette privation de liberté n’est pas arbitraire. Raison pour laquelle toute privation de liberté décidée par les forces de l’ordre doit ipso facto entraîner, dixit la Cour de Cassation, le placement en garde à vue de la personne concernée. Si cela n’était pas fait, les sanctions susceptibles d’être encourrues seraient grave : annulation des actes de la procédure, sanction disciplinaire à l’encontre des membres des forces de l’ordre, engagement de la responsabilité administrative de l’Etat, voire engagement de la responsabilité pénale des auteurs de la privation de liberté.

« Exemples :

1) le droit de faire prévenir un proche ou son employeur, afin de ne pas les laisser dans l’inquiétude de sa « disparition de la circulation », avec tous les inconvénients qui s’ensuivraient.

Parce que si j’arrive en retard au boulot pour une autre raison que la garde à vue, il y a une loi qui m’interdit de prévenir mon employeur ?

2) La personne a le droit d’être examinée par un médecin, afin que sa santé soit préservée.

Je n’ai pas le droit de consulter mon médecin si je ne suis pas en garde à vue ?

3) La personne a le droit de s’entretenir avec un avocat, afin qu’elle ait un minimum la possibilité d’exercer son droit à se défendre.

Je n’ai pas le droit d’appeller mon avocat quand je ne suis pas en garde à vue ? » (récap59)

Quand vous êtes libre, vous pouvez contacter votre employeur, consulter votre médecin, ou prendre rendez-vous avec votre avocat comme bon vous semble.

Quand vous êtes détenu par les forces de l’ordre contre votre volonté, vous ne le pouvez naturellement plus, à moins d’avoir été placé en garde à vue -comme les officiers de police judiciaire en ont l’obligation - ce qui vous permet, à la fois, d’avoir été informé de l’existence de ces droits, et en conséquence, de pouvoir les réclamer.

157. Le samedi 13 février 2010 à 14:33 par L'optimiste

J’attends toujours que les syndicats de police “sarkozistes” Alliance et Synergie,veuillent bien définir leurs critères d’une police républicaine.
Alors on ouvrira le débat.

158. Le samedi 13 février 2010 à 17:50 par récap59

Eurêka !

Moi qui avait cru que les déclarations recueillies sans exercer de contrainte, par exemple au domicile ou sur simple convocation, n’étaient pas acceptées par la justice.

La vérité est pire encore : l’OPJ ne peut pas retenir quelqu’un contre son gré sans formaliser la chose par une procédure appelée “garde à vue” qui réserve quelques garanties symboliques à l’intéressé !

C’est affreux ! Oui, vraiment, je comprend maintenant pourquoi ils sont si amers de se voir “obligés” de mettre les gens en garde à vue.

159. Le samedi 13 février 2010 à 17:52 par récap59

Eurêka !

Moi qui avait cru que les déclarations recueillies sans exercer de contrainte, par exemple au domicile ou sur simple convocation, n’étaient pas acceptées par la justice.

La vérité est pire encore : l’OPJ ne peut pas retenir quelqu’un contre son gré sans formaliser la chose par une procédure appelée “garde à vue” qui réserve quelques garanties symboliques à l’intéressé !

C’est affreux ! Oui, vraiment, je comprend maintenant pourquoi ils sont si amers de se voir “obligés” de mettre les gens en garde à vue.

160. Le samedi 13 février 2010 à 18:20 par lovedictaure

@Eureka (159)

La “garde a vue” cela veut dire la privation de liberte dans une enquete de police.

Cela ne veut pas dire attendre 48h dans un cellule immonde.

Cela ne veut pas dire forcer qq a faire des aveux.

Mais dans la realite c’est ca qui se passe parce que l’OPJ le decide.

161. Le samedi 13 février 2010 à 18:57 par Fredlepitt

Tout le monde s’offusque de voir les conditions dans lesquelles séjournent les gardés à vue dans les différents services de police aux quatre coins de l’hexagone, mais ce ne sont pas les policiers qui vont souiller eux mêmes les cellules de leur propre commissariat, à peine sont-elles remises en état qu’elles sont à nouveau dégradées.
En réponse à lovedictaure je ne pourrais que le renvoyer au Code de Procédure Pénale, l’OPJ bien qu’il soit le seul à décider de la mesure de garde à vue n’en a pas le contrôle, et il doit rendre des comptes aux Magistrats. Cessez ces sales clichés d’interrogatoires que vous suggèrent les séries télé à deux balles, la police à évolué, évolué avec elle. La privation de liberté ne doit pas vouloir dire le manque de respect qui est dû à tout un chacun…
Les OPJ ne sont pas des hors la loi, ils ne font qu’appliquer les lois de la république. Que le législateur tranche, et d’accord ou non les policiers se rangeront derrière sa décision…

162. Le samedi 13 février 2010 à 19:26 par L'optimiste

@161 Fredlepitt
Puisque l’OPJ n’a pas le contrôle de la GAV,pouvez vous indiquer le nombre de déplacements du procureur ou du juge d’instruction dans vos locaux de GAV en 2009 et le nombre de GAV signifiées.
Reportez vous à votre registre de GAV ….du moins s’il existe encore dans votre local!
j’attends la réponse avec une certaine….gourmandise.
Quant à” l’évolution” de la police” sarkoziste”,elle fait chaque jour des progrés républicains… mais à reculons!

163. Le samedi 13 février 2010 à 20:01 par Fredlepitt

Ne serait-ce pas détourner le débat que de faire l’amalgame entre police et politique. Si la vue que vous avez de votre police se limite à une police “Sarkoziste” je ne peux que me permettre de vous rappeler que la police est Républicaine et qu’elle ne fait que se plier aux ordres du gouvernement en place. Quand aux déplacements du Procureur de la République, les policiers n’en ont encore pas droit de regard, et pour ce qui est du chiffre des GAV sur le territoire national, je vous propose de vous reporter à la toute récente étude journalistique en la matière, car c’est bien connue, qu’elle soit écrite ou parlée, quoi de plus crédible aux oreilles des contestataires que ce qui veut bien jeter le discrédit sur toute une corporation…

164. Le samedi 13 février 2010 à 20:27 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Fredlepitt
Quant à la police qui ne fait que “se plier aux ordres du gouvernement”, il est bien vrai que l’obéissance à l’autorité est l’une des conditions nécessaires à l’équilibre d’une société. Il est donc logique a priori que vous n’envisagiez pas de désobéir. Mais si l’autorité en question donne l’ordre de recourir à des pratiques contraires à la dignité humaine, ou leur laisse simplement libre cours, pensez-vous que vous manquerez à votre mission de protection des citoyens si votre conscience vous dicte la désobéissance civile ?
Je vous prie de voir dans ma question la modeste interrogation d’un simple citoyen qui cherche à comprendre.
Cordialement,

Teejee

165. Le dimanche 14 février 2010 à 15:56 par huluuu33

@161

Donc c’est parfait alors. L’avocat doit pouvoir assister aux interrogatoires. L’OPJ ne menacant pas les mis en cause et n’essayant pas de les forcer a faire des aveu n’a donc rien a craindre de l’avocat.

166. Le lundi 15 février 2010 à 14:57 par tschok

@ Jalmad, com 145,

La tectonique des plaques… :))

Oui.

J’aurais bien mauvaise grâce à réfuter l’argument, qui est un retour à l’envoyeur que je ne peux qu’accepter avec philosophie (putain de philosophie!).

Dans vos propos, quelque chose pique ma curiosité. N’y voyez rien d’inquisiteur. Je parle du “double positionnement” que vous décrivez avec sensibilité, franchise et prudence.

C’est quelque chose que je perçois très nettement. Mais, comme vous, je suis incapable de l’expliquer si, de suite, là, maintenant, on me demande de le fonder en droit.

Ce “double positionnement” du juge, je le constate comme bien d’autres, mais la théorie, le concept me manque pour lui donner une ossature juridique.

Je ne parle pas de l’habillage juridique (vous, magistrats, vous êtes surdoués pour ce genre de truc, encore plus que les avocats).

Du reste, avec les arrêts turcs, nous sommes confrontés à un problème d’ossature juridique de la GAV. Pas d’habillage juridique (il s’agit de définir le contenu de “l’assistance” en GAV, vaste programme, vu qu’il n’y a rien dans CPP).

Et on voit bien que ça pèche: ici, la chambre de l’instruction de Paris, elle fait de l’habillage, pas de l’ossature.

Et en plus vous pointez un autre problème: “l’assistance” dans le cadre d’une CR: le dossier se barre du cabinet du juge, lieu nommé des droits de la défense. Et un beau jour, il y revient. Mais dans la CR, il y a plein de GAV, sans avocat ni accès au dossier, ni notification des éléments à charge.

L’éclipse totale, quoi. Alors qu’on est en plein jour: droits de la défense=0 alors qu’on est censé être dans le cadre de l’instruction, en principe royaume des droits de la défense.

On s’en prépare quand même de belles avec ces fichus arrêts turcs et je ne suis pas certain que la logique tectonique soit adaptée à une situation où, l’air de rien on avance sur les chemins d’une révolution copernicienne.

Il ne s’agit plus tellement de savoir de quelle façon la Terre articule le fonctionnement de ses plaques sur un magma en fusion (vision intra systémique). Il s’agit de savoir quel est l’astre majeur (la Terre ou le Soleil: vision supra systémique).

J’espère ne pas parler d’une façon trop elliptique (en fait j’essaye de me faire une idée de la synthèse des forces qui s’affrontent).

Quel est l’astre majeur?

L’accusation, la défense ou… la justice?

167. Le lundi 15 février 2010 à 17:00 par marsan

Cher Eolas, vous trouverez ci dessous une circulaire interne du syndicat de la magistrature qui apporte de l’eau à votre moulin :

””“”
Chers collègues,

Vous trouverez ci-joint plusieurs documents relatifs à l’actuelle controverse juridique qui a cours au sujet de la compatibilité de la garde à vue française avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’interprétation qu’en fait la Cour européenne des droits de l’Homme :

- Deux modèles de requête aux fins d’autorisation de prolongation de GAV en matière de criminalité organisée et stupéfiants, désormais utilisés par les parquet de BOBIGNY et de CRETEIL. Ces modèles présentent l’intérêt de se référer explicitement à l’arrêt SALDUZ, et de motiver l’absence de l’avocat au début de la garde à vue “au regard des circonstances de l’espèce”. Une partie du ministère public semble donc acquise à l’idée que le droit français doit respecter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme… Il semble toutefois que les parquets se référent aux “circonstances de l’espèce” de façon systématique, substituant à l’analyse in concreto de la Cour de Strasbourg une appréhension opportunément abstraite de cette notion.

- Un arrêt de la Chambre de l’instruction de Paris en date du 9 février 2010. Cet arrêt commence par dénier aux arrêts de la CEDH concernant la Turquie la moindre influence sur le droit français, avant de se référer explicitement aux “interprétations que fait la Cour européenne des droits de l’Homme de l’article 6 paragraphe 3 de la Convention”… Dans un deuxième temps, la Chambre se réfère aux “circonstance particulières de l’espèce”, mais donne une définition générale puisqu’elle indique que “la participation à un trafic de stupéfiants constitue une infraction particulièrement grave de par ses conséquences, entre autres, sur la santé publique”… Vous trouverez un commentaire plus précis de cette décision sur le blog de Maître Eolas en cliquant sur le lien suivant : http://www.maitre-eolas.fr/post/201…

- Une motion du Conseil de l’ordre des avocat du Barreau de la Seine-Saint-Denis, soutenant nos collègues ayant choisi d’appliquer la jurisprudence de la CEDH et se heurtant au refus de certains services de police.

””“”“”“”“”“

A quand une référence à Eolas dans la revue de Synergie ou de Cap justice ???

168. Le lundi 15 février 2010 à 19:10 par nag

maitre

bonjour

si des juristes de passage ici voulait bien donner leur avis sur la procedure exposée sur ce site je leur serai infiniment reconnaissant, bien que cela soit un probleme mineur d’étudiant il s’agit de l’A8 de la CEDH
http://aviciel.free.fr/recour
l’audience a lieu le 04 mars
cordialement

169. Le lundi 15 février 2010 à 20:40 par segil

@zevraialors (111)
Bizarre ce calcul à base de télécopies miracles qui partent en 1 mn, Dieu que j’aimerais voir ce coin de paradis, je vais reprendre:
- avis famille: 1/ Trouver un numéro de téléphone fonctionnel, quelquefois le GAV sont taquins,
2/ Après plusieurs essais, laisser un message sur boite vocale
3/ Attendre un rappel éventuel
4/ Tiens, rappel, explication à l’interlocuteur, lequel ne comprend pas toujours suite à des problèmes de langue et passe un autre membre de la famille pour faire la traduction (Bon, pas toujours)
- Médecins: Désolé pas de photocopies, le bon vieux téléphone avec la bonne vieille réquisition et rebelote à la prolongation (quelquefois)
- Le grand morceau, l’avis parquet, la photocopie c’est la nuit, le jour, deux cas: le mail à envoyer avec la demande d’information à remplir (c’est cool), mais c’est pour les majeurs. Pour les mineurs, c’est téléphone avec des temps d’attente qui rendent fous et une petite musique d’attente que l’on vient à détester. (Les téléphones, premières victimes collatérales)
- Avis avocat: Téléphone, pour les commis d’office c’est simple et rapide, mais pour les avocats particuliers c’est la galère, il faut trouver le bon avocat, le bon téléphone, le joindre, quand quelquefois, il n’y a qu’une simple indication phonétique du nom à rechercher.
- Le papier, taper tout çà, en France tout est papier.
On est loin, très loin de la poignée de minutes du monde parfait.

170. Le lundi 15 février 2010 à 22:41 par Jalmad

@ Tschok :

ah, mais je n’ai pas dit que ce double positionnement était juridiquement fondé…….et juste une chose : l’instruction n’est pas le royaume des droits de la défense ; plus exactement, il le devient à partir du moment où une personne s’est vue notifier un statut juridique qui lui en donne l’accès. Notez la subtilité : “raisons plausibles de soupçonner” = pas d’avocat, “indices rendant vraisemblable” = avocat mais pas tous les droits, “présomptions graves et concordantes” = avocat avec toute la gamme de droits possibles.

mais oui, ce double positionnement est gênant ; je suis un peu légaliste et égalitariste, et ai tendance à considérer que la loi doit s’appliquer parce qu’elle est la loi, et par conséquent à tous. Pas selon la qualité d’un avocat ou l’interprétation qu’en a un magistrat. Une GAV, qu’elle soit en préli, en flagrance ou sur CR reste une GAV. Donc je suis d’accord pour dire que tenter d’expliquer ce double positionnement qui est le mien par des arguments de droit serait artificiel.

alors je dois me pencher du côté pratique : ai-je les moyens, moi, en qualité de Juge d’instruction, pour véritablement imposer mes vues aux OPJ (en réalité, à leur hiérarchie)? clairement, non : je suis seule JI et représente à tout casser 10 CR dans un service, mon Parquet of course ne me suis pas.

ai-je, en ce cas, convaincue que nous allons être condamné par la CEDH et devront un jour adapter notre législation interne, les moyens de me passer des OPJ pour faire moi-même les actes qui me paraissent contrevenir aux droits de la Défense tels qu’interprétés par la CEDH ? parfois oui (ex : un seul mis en cause, actes d’enquêtes en l’état bouclés sauf audition du mis en cause), parfois non (ex : 10 personnes à entendre et à choper en même temps pour éviter qu’ils se concertent, fassent disparaître des preuves, etc…). Lorsque la réponse est non, qu’est-ce que je fais : je laisse le dossier en sommeil jusqu’à la prochaine réforme ? ben non, je m’assois sur les turcs, voilà ce que je fais ; et j’espère secrètement qu’un avocat va saisir la Ch Ins d’une nullité rapidos histoire qu’on sache ce qu’il en est sur le ressort. A ce stade, notez, je ne peux même pas me payer le luxe de me poser la question de ce qui me semblerait souhaitable d’imaginer comme ossature juridique de la GAV. Le Juge le plus puissant de France mes genoux.

Maintenant, si je suis Juge en correctionnelle : là, aucune contingence à gérer, aucun rapport de force. Un cas incarné sur lequel se prononcer, en fonction de ce qui me sera soulevé ou pas par un avocat en termes de nullités, et des circonstances précises de l’espèce. Exit les subduction, collision ou autres formations de failles pour ne m’intéresser qu’au mouvement des astres et à leur superbe interaction, avant d’en tirer les conséquences concrètes dans le cas qui m’est soumis.

en formation il y a quelques temps, un collègue Juge d’instruction depuis plus de 7 ans, qui pourtant adore cette fonction, mais complète son service en assurant la présidence de correctionnelle a dit ceci qui m’a alors étonnée, car, venant de débarquer à l’instruction, je n’en mesurais alors pas la réalité : “je ne me sens jamais autant juge que lorsque je siège en correctionnelle”.

je ne sais pas si j’ai apaisé votre curiosité, mais en tout cas, je me suis bien flinguée le moral….

171. Le mardi 16 février 2010 à 12:23 par tschok

@ Jalmad,

Oui, ce que vous dites est logique.

Le JI est un rouage au sein d’un ensemble mécanique, il subit ou transmet toutes les forces que l’ensemble mécanique subit ou transmet lui-même.

Alors que le juge correctionnel est en fin de course (même s’il amorce le processus juridictionnel au fond, avec l’appel éventuel, voire la cassation puis… la CEDH).

Je comprends assez facilement ce que voulait dire votre collègue, même si j’ai aussi entendu des juges d’instruction soutenir l’opinion inverse: ils accordaient à la découverte de la manifestation de la vérité une plus grande importance que la fonction juridictionnelle pure.

Cela doit être, je présume, une question de tempérament.

En tout cas, je note qu’il est intéressant d’avoir des magistrats à double profil (JI+juge de fond). Il est dommage que le rapport Léger, en posant la question de la suppression du juge d’instruction, n’ait pas songé à valoriser ce double profil, qui me semble être une richesse intellectuelle.

Je trouve votre analyse (“raisons plausibles de soupçonner” = pas d’avocat, “indices rendant vraisemblable” = avocat mais pas tous les droits, “présomptions graves et concordantes” = avocat avec toute la gamme de droits possibles) très juste.

Elle a sa logique: plus l’accusation s’intensifie, plus les droits de la défense augmentent.

Mais il y a une faille: les mesures coercitives de stade 3 démarrent dès le stade 1.

En fait l’intensité des mesures coercitives est graduée non pas en fonction de l’intensité de l’accusation (l’existence de charges ou non), mais de la gravité des infractions.

Ce n’est pas la même échelle qui est employée.

Il y là matière à réflexion.

En ce qui concerne les relations avec les OPJ, et d’une façon plus générale avec la force opérationnelle, je m’explique les déboires des juges d’instructions, comme des parquetiers d’ailleurs, par une mauvaise approche dans le droit français de la théorie du pouvoir.

Comme le droit de propriété, le pouvoir se démembre. C’est le droit de:

- Décider, donc choisir (job intellectuel qui n’implique en soi de donner aucun ordre, mais d’agir par autorité: “l’intendance suit”, comme disait de Gaulle);

- Commander: donner un ordre et se faire obéir (en général dans le but d’appliquer une décision prise supra);

- Contrôler et sanctionner (vérifier que l’ordre donné a bien été exécuté et prendre les mesures idoines si tel n’a pas été le cas).

Les fonctions 1 et 3 sont assez bien assumées par le système judiciaire (c’est son coeur de métier).

La fonction 2, en revanche, qui correspond au commandement opérationnelle des forces, et qui permet à celui qui l’exerce d’avoir la maîtrise concrète des situations, est un “vide”: en France, c’est la place Beauvau, pas la place Vendôme, qui exerce cette fonction.

Or, les fonctions 1et 3 peuvent être complètement vidées de leur substance si la fonction 2 ne suit pas.

Plus que ça, la fonction 2 peut asservir les deux autres.

J’ai d’ailleurs l’impression que c’est cela qui est en train de se passer en ce moment.

Personnellement, j’aurais pris un chemin inverse de celui préconisé par le rapport Léger: j’aurais renforcé le patrimoine juridique des magistrats en fonction 2 (plus de commandement opérationnel des forces).

Corrélativement, j’aurais renforcé les droits de la défense, qui sont le véritable contre pouvoir, plus que la dispersion des fonctions 1,2 et 3 entre plusieurs mains.

Ca c’est un grand malentendu avec les parquetiers: ils nous disent que la justice est un système à contre pouvoirs, donc démocratique. Non, c’est un système à dispersion.

C’est pas la même chose (un type à la serrure, un autre a la clé). C’est typiquement un système qui favorise les réseaux, les influences, les rapports de force par la bande (file moi tes clés que j’ouvre ou que je ferme la porte et en échange je te filerai ma serrure quand tu en auras besoin) et au final l’opacité.

Je crois que cette dispersion du pouvoir rend les juges malheureux: le saupoudrage n’a jamais favorisé l’action efficace et ça rend les gens schizophrènes.

Et par dessus le marché, c’est un système qui se satisfait de droits de la défense à niveau réduit.

Je bénis la CEDH et je crois que le plus grand mérite des arrêts turcs sera peut être de nous faire comprendre à terme que la dispersion du pouvoir n’est pas la séparation du pouvoir et que les systèmes à dispersion de pouvoir ne sont en rien démocratiques par nature.

PS: navré d’avoir contribué à flinguer votre moral.

172. Le mardi 16 février 2010 à 17:46 par biarnes

A 167

Des extraits d’une “circulaire” interne du syndicat de la magistrature sur le WEB?

La transparence et l’information du public ont des limites et quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limites!

173. Le mardi 16 février 2010 à 18:47 par Fantômette

@ tschok et jalmad,

Le ministère public, voilà l’un de nos “attracteur étranges”.

Cela doit bien faire une petite vingtaine d’années que la législation vient lui confier de plus en plus de pouvoirs (de sanction notamment). Le procès pénal s’est décalé en amont de l’intervention du siège. Composition pénale, médiation, crpc, délégué du procureur…

Le modèle répressif se met logiquement en place autour de la figure de celui qui est le plus relié à la deuxième figure du pouvoir décrite par tschok : celui qui commande et se fait obéir, relié à celui qui dispose du pouvoir de le sanctionner.

Mais si nous cherchons autour de quel astre tournicotera notre code de procédure pénal d’ici quelques années, celui-là, sans doute faut-il ne pas s’arrêter là.

Cette décalage progressif du procès pénal dans le spectre (je ne fais que formuler des hypothèses, là) me semble n’être qu’un indice supplémentaire de la révolution copernicienne que nous suspectons sans vraiment mettre le doigt dessus.

On pourrait le relier à d’autres évolutions récentes, à d’autres tendances réelles, qui me semblent aussi importantes.

La judiciarisation des logiques de résolutions de conflits, me semble en être un exemple. On a judiciarisé l’application des peines, pas qu’un peu, et plus généralement, même le droit de la sanction. Juge de l’application des peines, débats contradictoires, commissions disciplinaires… Ici, c’est presque le mouvement symétrique : le droit déborde le moment du procès pénal en aval cette fois. L’invasion de l’après-procès par le droit inclut d’ailleurs aussi bien désormais nos fameuses “peines après la peine”, du reste (promises à fructifier si j’en crois les rumeurs).

Mais plus globalement, et - hopefully - plus heureusement, partout où il s’agit de régler des litiges, on s’inspire des règles du procès équitable (impartialité de l’intervenant, défenseur, principe du contradictoire, accès au dossier, droit de recours…). Il s’agit, dans le fond, du même mouvement, me semble t-il.

A voir le droit se “répandre” ainsi, il donne à la fois l’impression de se diluer, tout en nous envahissant.

Mais je rejoindrais volontiers l’intuition de tschok. Je me demande si ces mouvements internes aux modèles procéduraux classiques ne rendent pas compte d’un mouvement externe qui les oriente, c’est-à-dire, en réalité, d’un changement de système.

174. Le mercredi 17 février 2010 à 17:10 par intéréssé

Maitre,
Pensez-vous que le contrôle de la chambre de l’instruction sur le bon déroulement de l’instruction est une véritable garantie pour le justiciable? Jusqu’à maintenant je pensais que oui. Et je croyais réellement que la jurisprudence de la CEDH représentait le modèle à suivre pour les juges nationaux. Que pensez vous concrètement du contrôle de la chambre de l’instruction?
Cordialement.

175. Le samedi 20 février 2010 à 17:48 par Romuald SAYAGH

Le pourvoi est lancé, ne reste plus qu’à préparer un mémoire solide

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