Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 27 juillet 2006

jeudi 27 juillet 2006

Loi DADVSI : Le conseil constitutionnel a rendu sa décision

Et quelle décision.

Il censure plusieurs dispositions de la loi, mais que les adversaires de la loi DADVSI ne se réjouissent pas trop vite : toutes ces annulations durcissent considérablement le texte. Je ne suis pas sûr et certain que les parlementaires du PS avaient cet objectif en tête en déposant leur recours. Il faut vraiment qu'ils se forment au contentieux constitutionnel.

Et en prime, le pauvre Renaud Donnedieu de Vabres se prend une gifle sur ce qu'il présentait comme mesure phare du texte. Ce texte aura, jusqu'au bout, été son chemin de croix.

Ainsi, sont censurées les dispositions suivantes :

► L'exonération de responsabilité pénale de celui qui met sciemment à la disposition du public un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés et l'incitation publique à l'utilisation dudit logiciel si ce logiciel est destiné au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération du droit d'auteur (le délit né du fameux amendement Vivendi Universal).

Le conseil estime que la notion de travail collaboratif est trop imprécise au regard de l'exigence de légalité des délits et des peines[1], et surtout qu'une telle disposition lèse les droits voisins du droit d'auteur[2] et les droits moraux de ceux qui ont renoncé à la rémunération du droit d'auteur (c'est le logiciel libre qui entre autres visé ici). Toute l'exception saute, les logiciels manifestement destinés à la mise à disposition du public d'oeuvres ou objets protégés sont illégaux en soi.

► Gros, énorme pavé dans la mare : l'exonération de responsabilité pénale du délit d'atteinte aux mesures techniques de protection (les DRM, principalement) si elle est réalisée à des fins d'intéropérabilité.

Le Conseil estime que la notion "d'intéropérabilité", aurait dû être définie par la loi. Comme ce n'est pas le cas, ce concept flou porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines. Dès lors, le DRM devient intouchable, la loi prévoyant une autre exceptions aux fins de recherche, le conseil précisant que le mot recherche doit s'entendre de la recherche scientifique en cryptographie et à condition qu'elle ne tende pas à porter préjudice aux titulaires des droits.

Bref, votre fichier iTunes ne va pas sur votre walkman Sony ? Tant pis pour vous. Si vous tripatouillez les DRM, c'est trois ans de prison. Rachetez le ou gravez le au format audio.

► Là, ce n'est plus un pavé, c'est un rocher qui tombe dans la mare et éclabousse le ministre de la culture. Vous vous souvenez que RDDV répétait à qui voulait l'entendre que la prison pour les jeunes qui téléchargent sur les réseaux P2P, c'est fini ? Que désormais, ce serait une amende de 38 euros ?

Perdu. Ce sera la prison.

Le conseil a déclaré entièrement contraire à la constitution l'article (24) qui instituait cette contravention à la place du délit normal de contrefaçon, au motif qu'au regard de l'atteinte portée au droit d'auteur ou aux droits voisins, les personnes qui se livrent, à des fins personnelles, à la reproduction non autorisée ou à la communication au public d'objets protégés au titre de ces droits sont placées dans la même situation, qu'elles utilisent un logiciel d'échange de pair à pair ou d'autres services de communication au public en ligne ; que les particularités des réseaux d'échange de pair à pair ne permettent pas de justifier la différence de traitement qu'instaure la disposition contestée. Pour le Conseil, télécharger sur e-Mule ou en FTP, c'est kif kif bourricot[3]. Tout le monde en prison.

Bref, la loi DADVSI va entrer en vigueur, et pas en version light, plutôt en version hardcore. Le texte va être promulgué dans les prochains jours, probablement ce week end.

Je sens que ça va faire un barouf de tous les diables sur internet.

Notes

[1] Qui exige que tout texte instituant une infraction pénale soit parfaitement clair et univoque, pour éviter des interprétations divergentes portant atteinte au principe d'égalité devant la loi.

[2] On appelle droit voisin le droit de l'interprète de l'oeuvre. Quand Vanessa Paradis chante Tandem, Serge Gainsbourg (enfin ses héritiers) touche les droits d'auteur. Henri Langolf, le compositeur de la musique, touche aussi des droits d'auteur. Vanessa Paradis, elle, n'est en rien l'auteur de l'oeuvre, mais elle a droit à rémunération car c'est son interprétation qui fait le succès de l'oeuvre (il y a des gens bizarre, je sais). Ces droits, qui ne sont pas des droits d'auteur mais qui leur ressemblent, sont appelés droits voisins (du droit d'auteur).

[3] Humour. e-Mule, bourricot. Non ? Personne ne trouve ça drôle ?

Les actes du palais pour les nuls

Où l'auteur abandonne un temps son lectorat habituel pour tenter de devenir une icône vénérée de ses jeunes futurs confrères égarés dans les méandres de la procédure civile.

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