Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 21 août 2007

mardi 21 août 2007

Peine, récidive et sursis, un cas pratique

La presse a rapporté les ennuis judiciaires de l'un des frères de l'actuel garde des sceaux. Le Monde (avec le concours de l'AFP) nous donne les éléments suivants :

La cour d'appel de Nancy a condamné, mardi 21 août, Jamal Dati, le frère de la garde des sceaux, Rachida Dati, à un an de prison ferme pour trafic de stupéfiants.

M. Dati s'était vu infliger en février six mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Verdun, mais le ministère public avait fait appel de cette condamnation. Ses trois co-prévenus ont été condamnés à six mois fermes pour deux d'entre eux, à huit mois de prison dont trois mois fermes pour le troisième.

Agé de 34 ans, il avait déjà été condamné en 2001 à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois fermes, pour trafic d'héroïne dans la région de Chalon-sur-Saône. Il avait déjà été condamné en 1995 à une amende pour usage de stupéfiants, puis en 2001 à trois ans de prison dont dix-huit mois assortis du sursis, avec mise à l'épreuve, pour trafic de drogue. Tout en réclamant une aggravation de la peine prononcée en première instance, l'avocat général avait laissé entrevoir la possibilité d'un aménagement de peine qui permettrait à ce père d'un garçon de 2 mois de conserver son emploi de tuyauteur.

Notons rapidement que visiblement, il n'a pas bénéficié d'une intervention ou d'une bienveillance particulière du fait de son nom de famille puisque sa peine a été doublée en appel. Un lecteur, qui a pris soin de préciser que ce n'était pas une demande de consultation juridique, me dit sa surprise, s'attendant à ce qu'il soit condamné à 18 mois, soit la période couverte par le sursis de sa précédente peine, et se demandant si le prévenu n'était pas en état de récidive.

Voilà un très bon cas pratique pour réviser les règles de récidive et des sursis.

Tout d'abord, le frère de Madame Dati était bien en état de récidive légale. En effet, la condamnation de 2001, qui constitue le premier terme de la récidive, était pour trafic de stupéfiant, délit passible de dix années d'emprisonnement, et le second terme est bien un délit passible de plus d'un an d'emprisonnement (en l'espèce dix) commis dans les dix années suivant l'exécution de la peine: c'est la récidive générale et temporaire de l'article 132-9 du Code pénal. Le parquet qui a engagé les poursuites (bien avant l'élévation de la soeur du prévenu à de si hautes fonctions, donc inutile de chercher une intervention occulte ici ; cette hypothèse est assez fréquente en fait) n'avait pas visé la récidive, tout simplement parce qu'il n'envisageait pas un seul instant d'aller requérir dans les strates de peines ouvertes par la récidive (jusqu'à vingt années de prison...).

Le frère de Madame Dati n'encourait de toutes façons pas les foudres de la loi portée par sa soeur, car les faits commis en récidive étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. Mais sinon, c'eût été quatre années qu'aurait dû prononcer à tout le moins le tribunal (délit puni de dix années d'emprisonnement). Et là, pas d'aménagement de peine possible.

S'agissant de la fraction de la peine assortie du sursis prononcée en 2001, elle était réputée non avenue ; soit, si c'est un sursis simple, que cinq années s'étaient écoulées depuis sa sortie de prison (mais ça a dû se jouer de peu dans cette hypothèse...), soit, si c'était un sursis avec mise à l'épreuve, par l'écoulement du délai d'épreuve qui ne pouvait à l'époque excéder trois années. Ce sursis ne pouvait donc être révoqué.

Enfin, en prononçant un an ferme non assorti d'un mandat de dépôt (que la cour ne pouvait décerner pour une peine n'excédant pas un an, le condamné étant libre), la cour permet la mise en place d'un aménagement de peine, comme l'avait suggéré l'avocat général. Cela s'applique à toutes les condamnations à de la prison ferme n'excédant pas un an (la même limite que la possibilité de décerner mandat de dépôt, ce n'est pas un hasard). Le condamné sera convoqué par le juge de l'application des peines qui envisagera avec lui un aménagement de la peine évitant une incarcération pure et simple qui lui ferait perdre son travail : ce sera probablement soit un placement sous surveillance électronique, soit une conversion en sursis avec obligation d'accomplir un TIG [Mise à jour, après rappel à l'ordre : pas de conversion pour les peines supérieures à six mois], soit une semi-détention (il dormira en prison et sortira dans la journée pour se rendre à son travail, et pourra bénéficier de permissions de sortie le week end). Le JAP peut aussi fractionner l'exécution de la peine sur les périodes de congé du condamné pendant trois ans.

En conclusion, le prévenu échappera très probablement à la prison ferme, mais ce ne sera pas grâce à sa soeur, seulement à la compréhension des juges. Dont tout le monde peut bénéficier, ce qui semble-t-il ne sera pas un luxe dans les temps qui viennent.

Des fois, je me dis que je ne suis pas clair...

Hommage aux quelques obstinés qui chaque jour m'écrivent un mail commençant par "ceci n'est pas une demande de consultation juridique" avant de me demander de rédiger leur assignation.

Et j'en profite pour faire joujou avec GIMPShop, et ma tablette graphique. Je sais, c'est encore plein de défauts, mais je débute et c'est fait en une demi heure tout compris. Dès que je maîtriserai un peu mieux (tout coup de main bienvenu, ceci n'est pas une demande de consultation technique), notamment pour ne pas perdre trop de qualité et de netteté en réduisant la taille du dessin, j'essaierai de revenir à mes amours d'amphi en fac de droit : les dessins humoristiques.

Comme ça, j'aurai des billets lisibles en moins de trente secondes.

PS : si vous trouvez que j'ai une drôle de tête, c'est que vous n'avez jamais vu un avocat en robe...

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