Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 16 décembre 2005

vendredi 16 décembre 2005

1, 2, 3...

Désolé pour une coupure temporaire du blog, je suis passé à la version 1.2.3 de Dotclear, qui désormais ne fera plus apparaître vos adresses e mail hormis pour votre serviteur. Je ne contribuerai donc plus involontairement à la constitution de votre stock de viagra.

Un peu de réclame pour un blog qui n'en a pas besoin

… Puisque c'est le mien.

Mais je voulais signaler ce témoignage qui risquait d'échapper à mes lecteurs non abonnés au fil RSS de commentaires.

Testimonial: oui ce blog lave plus blanc.

J'ai expérimenté hier mon baptême du feu au TI, en ayant suivi assez scrupuleusement les trois volets de ce comment-on-fait-un-procès. Eh bien, pour l'instant (affaire en délibéré), cela fonctionne vraiment aussi bien que Maître Eolas le dit.

Contrairement à ce que je craignais, bien que mon adversaire ait écrit au tribunal qu'il me remboursera bientôt, l'affaire a été retenue, il a suffit que je qualifie cette manoeuvre de dilatoire lors de l'appel des causes, tout en brandissant ma dernière LRAR de conciliation retournée "non réclamée".

Contrairement à certains oracles, la juge du Tribunal d'Instance ne s'est pas déclarée incompétente au vu du montant faible et déterminé de ma demande (bien inférieur au seuil des 4000E). Il faut dire que mon adversaire n'était pas présent pour le demander, et donc que *SI* la juge pouvait se déclarer incompétente (comme on me le soutient mordicus) et/ou transférer le dossier d'autorité à la Juridiction de Proximité (son auxiliaire), elle n'était en tout cas pas tenue de le faire.

Et bien, je suis content en tout cas que ces billets s'avèrent assez clairs pour permettre de mener à terme la procédure sans trébucher et sans se laisser désarmer par les manœuvres adverses. Rien ne vaut l'épreuve du feu pour s'en assurer. Et merci au passage d'éclairer un point qui avait fait débat sur la compétence du TI pour des demandes inférieures à 4000 euros.

Pourquoi on peut commenter une décision de justice

Un commentaire de Raphaël A. fait état de sa surprise de me voir critiquer le jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Orléans dans l'affaire des faucheurs d'OGM. Il expose avoir tant entendu dans les médias la phrase « il est interdit de commenter une décision de justice » qu'il pensait que c'était effectivement prohibé.

Ce thème revenant assez souvent dans la presse, voici l'occasion de lui faire un sort.

Il n'est absolument pas interdit de commenter une décision de justice en France. Dieu merci, sinon je serais en prison depuis longtemps.

Songez à l'absurdité d'une telle interdiction : quand je fais appel d'une décision, je ne pourrais devant la cour que vanter l'excellence du jugement que j'attaque ? La cour elle même ne pourrait que le confirmer avec des éloges à peine de se voir convoquée devant le Conseil supérieur de la magistrature ?

Quant aux critiques entendues sur l'affaire d'Outreau, elles seraient donc hors la loi, et le procureur général de Paris devrait donc être jeté dans une cellule, idéalement sur la paillasse encore chaude laissée par un des accusés.

Il est des revues spécialisées rédigée par d'éminents professeurs de droit qui ne font que commenter des décisions, et les magistrats les lisent avec beaucoup d'intérêt, y compris et surtout ceux qui ont rendu la décision commentée. Tous les étudiants en droits perdent les plus belles années de leur vie à commenter sans fin des décisions de justice, à disséquer leur sens, leur valeur et leur portée.

Rien de sacrilège donc.

Alors, sur quoi repose donc cette légende urbaine ?

Sur l'article 434-25 du Code pénal, qui sanctionne

Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Notez que ce qui est interdit est de jeter le discrédit dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Pour être parfaitement clair, le législateur précise à l'alinéa suivant que ces dispositions

ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision.

Concrètement, quand je dis qu'un juge a estimé qu'il y avait état de nécessité alors qu'à mon sens ces conditions n'étaient pas remplies, je n'encours nulle foudre. Cet article sanctionnera en revanche celui qui dira que les juges qui ont rendu telle ou telle décision étaient soit ivres soit corrompus, que ce jugement fera rire pendant des années dans toutes les facs de droit de France, ou encore, pour citer une juridprudence réelle, qu'une décision est «un chef d'œuvre d'incohérence, d'extravagance, et d'abus de droit », et que « rarement les annales judiciaires françaises, pourtant assez bien pourvues d'ordinaire en pareille sorte, n'en ont recelé de telles ».

Le parallèle doit être fait avec le délit d'outrage à magistrat, auquel il est apparenté. Notons toutefois que s'agissant d'un délit par voie de publication, il obéit à la prescription de trois mois.

Donc quand un homme politique déclare, la main sur le cœur, qu'il ne peut commenter une décision de justice, vous saurez désormais que de deux choses l'une : soit cette décision le dérange tant, par exemple parce qu'il a totalement omis de s'informer de son contenu, qu'il préfère esquiver la question, soit le seul commentaire qu'il pourrait faire chercherait immanquablement à jeter le discrédit sur cette décision dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Et s'il invoque la séparation des pouvoirs, exigez donc, au nom de ce même principe, la suppression du poste gouvernemental de ministre de la justice, qui en est alors une violation bien plus grave.

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