Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 30 mai 2006

mardi 30 mai 2006

Brazil Saint Denis

Monsieur le ministre de l'intérieurdélégué à l'aménagement du territoire, à l'Assemblée, le 10 mai 2006, interpelé sur les piètres conditions d'accueil des étrangers dans les préfectures :

Tout cela est affaire de conviction. Monsieur Lagarde, la France n’est pas un supermarché. Certes, il y a la queue devant certains bureaux administratifs. Qu’il faille moderniser le service public pour qu’il soit plus efficace, j’en conviens. Si, au bout de plusieurs années de résidence dans notre pays, on a au fond de soi-même cette vraie volonté de devenir français, on n’abandonne pas sous prétexte qu’il faut faire quatre heures de queue. Qu’est-ce que c’est que quatre heures pour devenir français ?(...)

C’est vraiment un problème de conviction, monsieur Lagarde. Mes grands-parents italiens, qui se sont installés à Nice au début du siècle dernier, ont attendu trente ans, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants nés italiens à Nice, avant de devenir français. Pendant toutes ces années, ils ont dû démontrer leur volonté de s’intégrer, de parler couramment le français, de travailler, de créer un patrimoine, d’envoyer leurs enfants à l’école et de s’occuper de leur éducation. Le jour où ils ont obtenu la naturalisation, ils savaient qu’ils l’avaient méritée. Ils étaient fiers qu’eux-mêmes et leurs enfants soient devenus français.

Qu’est-ce que quatre heures, comparées à un tel délai ? En ce début du XXIe siècle, où l’on relance les gens pour les inciter à devenir français, il faut tout de même vérifier, si l’on veut qu’il y ait encore des repères dans notre pays, que les intéressés aient au fond d’eux-mêmes une véritable volonté d’appartenir à notre grande et belle nation. C’est une question de conviction, je le répète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

AFP, le 30 mai 2006 :

Chaque nuit, la semaine, ils sont des centaines à camper devant la préfecture de Bobigny (Seine-saint-Denis), couchés dans une couverture, assis sur un tabouret ou debout contre un mur, dans l'espoir d'être reçus le matin, à partir de 08H30, au service des étrangers.

Selon la préfecture, chaque matin, un millier d'étrangers se pressent pour obtenir des informations, demander une carte de séjour, retirer un document de voyage. La plupart d'entre eux, sans convocation, convoite l'un des 500 tickets synonymes de rendez-vous délivrés chaque jour.

Willy, un Congolais de 42 ans dont dix passés en France, est arrivé le premier, sandwich en main, vers 22 heures. Devant lui, onze heures d'attente pour obtenir le précieux ticket et demander une carte de séjour pour sa soeur.

"Je viens souvent ici. Une fois j'y ai passé la nuit en plein hiver. J'étais couvert de neige et tout ça pour quoi ? Pour déclarer un changement d'adresse", dit-il avec un bagout détonant. "Que le préfet vienne ici passer la nuit avec sa femme, il comprendra vite", le coupe Hacen, venu pour une carte de séjour

Lisez tout l'article, et voyez si j'invente.

Impressions d'un juge

Verel, un des blogs de Lieu-Commun, a publié il y a quelques semaines le témoignage d'un juge administratif statuant en matière de reconduite à la frontière.

Je vous recommande chaudement cette lecture, pour bien montrer que les avocats ne se heurtent pas à des monstres froids, mais à des hommes impuissants, impuissance voulue et organisée par la loi.

Avant de lire, une brève explication : les requérants sont des étrangers en situation irrégulière qui ont reçu un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, qui est suceptible d'exécution par la force. Ils appartiennent à deux catégories :

► Les étrangers contrôlés sur la voie publique, placés en garde à vue le temps que la préfecture prenne l'arrêté, puis en centre de rétention. Le délai de recours est de 48 heures. C'est un délai de rigueur, il n'est pas susceptible d'être suspendu. Même un jour de fête. Ceux-ci arrivent escortés par la police.

► Les étrangers s'étant vu refuser ou retirer un titre de séjour. Ceux là sont en liberté. L'arrêté leur est arrivé par courrier, ils ont un délai de sept jours pour former leur recours.

La loi impose un délai de 72 heures au juge pour statuer, bien que le non respect de ce délai ne soit assorti d'aucune sanction (il va de soi que le non respect du délai de recours, lui, est impitoyablement sanctionné par une fin de non recevoir).

Le juge administratif appartient à un corps distinct de la magistrature judiciaire : ils ne portent pas la robe, et ne jugent que de la légalité des actes pris par l'administration.

L'audience est publique, et orale, contrairement au principe de la procédure écrite qui prévaut en droit administratif. Le juge est seul, contrairement au principe de la collgialité qui veut que les juges siègent par trois. Il n'y a pas de commissaire du gouvernement, contrairement au principe qui impose sa présence. Le commissaire du gouvernement est une spécificité des juridictions administratives. Il propose au tribunal son point de vue de juriste pointu en la matière, et propose une solution, mais il est neutre et indépendant. Un amicus curiae, en quelque sorte.

Vous voilà armés, l'article en question est à lire ici.

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