Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 23 octobre 2007

mardi 23 octobre 2007

C'est quoi, un procureur ?

Régulièrement, des questions de commentateurs étrangers au monde judiciaire reviennent sur le rôle exact des procureurs. Le cliché en vigueur est d'en faire des accusateurs publics, qui ne sont satisfaits qu'en cas de condamnation, de préférence lourde, tout comme l'avocat ne se réjouit que de l'acquittement, de la relaxe et du non lieu, tout autre résultat étant invariablement qualifié d'échec.

Comme toujours, la réalité est plus subtile. Le ministère public représente, au sens juridique, la société, comme l'avocat représente son client. Le client du procureur, c'est la République, non au sens de l'institution présidée par un mangeur de petits pois mais de ce que nous formons, tous, en tant que citoyens qui avons décidé de faire un bout de route ensemble plutôt que de nous entretuer.

Il est acteur de la procédure, soit demandeur (c'est sa position de principe au pénal), soit défendeur (quand on demande l'exequatur d'un jugement étranger, ou la rectification d'un acte d'état civil, on a le bonheur d'assigner le procureur de la République...) soit comme "partie jointe", c'est à dire qui s'invite à une procédure civile où il estime avoir son mot à dire, la loi lui donnant qualité à intervenir dans n'importe quelle procédure (citons comme exemple la demande d'interdiction en référé de la fameuse pub sur la Cène ; s'agissant de la liberté d'expression, le parquet était intervenu à l'audience, pour donner son avis au juge).

Premier point à retenir : les procureurs n'interviennent pas qu'au pénal, même si c'est sans doute la plus grosse part de leur activité. Ils doivent intervenir dans les procédures d'adoption, de liquidation judiciaire des entreprises, de protection des enfants (placement en foyer en urgence le vendredi soir selon ce que Dadouche appelle "la danse de l'OPP", l'Ordonnance de Placement Provisoire), il peut s'opposer à la célébration d'un mariage, etc.

Donc, comme toute partie, il saisit les tribunaux, forme des demandes que le juge accepte ou refuse, assure l'exécution des décisions de justice qu'il a sollicitées. Aux Etats-Unis, cette fonction est d'ailleurs assurée par un service qui fonctionne exactement comme un cabinet d'avocat financé sur fonds public : le District Attorney, l'avocat du district.

Deuxième point à retenir : il fait partie d'une organisation hiérarchisée : le parquet d'un tribunal de grande instance, ou le parquet général d'une cour d'appel. Ces organisations ont un chef (le procureur de la République pour le tribunal, le procureur général pour la cour d'appel), et les divers procureurs l'assistent, et comme il ne peut être partout à la fois, le substituent aux audiences, d'où leur titre de substitut. Les gros tribunaux ont des premiers substituts et des vice-procureurs pour bien marquer les divers échelons hiérarchiques. Mais cette organisation forme un tout monolithique : le ministère public. Chacun des procureurs d'un parquet peut en remplacer un autre sans le moindre problème juridique. Le procureur de la République peut ainsi décider d'aller requérir en personne à n'importe quelle audience du tribunal. Le procureur général est le supérieur hiérarchique du procureur de la République et peut lui donner des instructions écrites qu'il est tenu de suivre. En haut de la hiérarchie se trouve le Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui dirige le parquet mais n'a pas la qualité de magistrat (Mme Dati a perdu cette qualité pour la durée de l'exercice de ses fonctions) et ne peut donc aller requérir en personne à une audience.

Troisième point, c'est aussi un magistrat. Il fait partie du même corps de fonctionnaire que les juges, qui peuvent passer d'une fonction à l'autre au cours de leur carrière (Philippe Bilger a ainsi commencé comme juge d'instruction), sachant toutefois que pour des raisons de nombre de postes et de demande, il est plus difficile pour un procureur de devenir juge que l'inverse. Donc, quand bien même il fait partie d'une structure hiérarchisée, il garde une certaine liberté inhérente à ce corps et relevant de la séparation des pouvoirs. Le code de procédure pénale dit que si le procureur est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qu'il reçoit de sa voie hiérarchique, il prend librement les réquisitions qu'il estime convenables au bien de la justice. D'où le récent pataquès lorsqu'un vice-procureur nancéen, qui aurait selon la presse tenu des propos revendiquant en termes vigoureux cette liberté, propos qu'il a nié avoir tenu, a été directement convoqué par la Chancellerie.

Ces trois points posés, concrètement, ça se passe comment ?

Ce sera l'objet du prochain billet, place pour le moment aux rectifications et précisions que les intéressés ne manqueront pas de vouloir apporter, en m'excusant par ailleurs auprès d'eux : je vous vois d'en bas de l'estrade, la distance peut être trompeuse.

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