Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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juillet 2007

lundi 23 juillet 2007

Harry Potter et les reliques de la mort (Billet SANS spoiler)

Ma tasse est vide, hormis quelques débris de feuille de thé. Rameau, Marais et Couperin ont rangé leurs instruments et sont sortis sur la pointe des pieds. Mon fauteuil est encore chaud de ma présence, le coussin reprenant peu à peu sa forme initiale. Dans ma main, le 7e tome est refermé, sur la dernière page. J'ai fini et je sais.

De ce que je sais je ne dirai rien. Nous en reparlerons cet automne (car contrairement à ce qu'on pourrait penser en regardant par la fenêtre, nous ne sommes pas en automne) et j'ai hâte de pouvoir le faire tant les commentaires sous mes précédents billets de cette catégories étaient intéressants.

Qu'attendre de la lecture de ce 7e tome ?

Une immense mélancolie en refermant le livre. Cette fois, c'est fini et bien fini, pas de 8e tome à attendre en trépignant d'impatience. JK Rowling a annoncé qu'elle publierait ses nombreuses notes et histoires des personnages dans ce que les anglais appellent un Companion, un livre qui condense des informations supplémentaires sur une oeuvre sans la continuer. Ceux qui ont lu ses deux petits livrets publiés pour une cause humanitaire se pourlécheront les babines tant l'humour et l'imagination de l'auteur se retrouvent même dans les moindres détails.

Comme d'habitude, le rythme va crescendo, sauf que cette fois, la progression se fait par saccades. Des scènes d'action intenses entrecoupées de périodes de calme, voire d'égarement face au mystère. Harry et ses amis sont livrés à eux même, dans un monde devenu nettement plus hostile (l'ambiance de l'Ordre du Phénix en comparaison fait club med). Dumbledore n'est plus là, et son absence se sent.

Le final est épique, à la hauteur de la conclusion de cette saga, dans un mélange de spectaculaire, de coups de théâtre et de révélations fracassantes. Et mortel, comme ne peut que l'être la confrontation avec Vous Savez Qui. Et l'auteur a toujours ce don de semer des indices le long du livre, de présenter des mystères inexplicables jusqu'à ce qu'à la fin le voile soit levé d'un coup et nous soyons éblouis de l'ingéniosité de la construction. Plus encore cette fois ci, car c'est bel et bien sur 7 volumes que ce dénouement a été bâti. Relire les six tomes avant d'attaquer le septième n'est pas un luxe.

Le titre français "Harry Potter et les reliques de la mort" est une traduction parfaite pour Deathly Hallows, eu égard à l'histoire.

Une petite frustration toutefois. L'auteur, à la fin, nous donne dans un bref épilogue un aperçu de ce que deviennent certains de ceux qui ont survécu, mais pas tous, loin de là. C'est terriblement frustrant, on a la sensation de les planter là un peu brutalement. Jo, quand on écrit une histoire avec autant de personnages, il faut assumer. Bon, ce sera pour le companion, sans doute.

Il est encore un peu tôt pour dire si c'est le meilleur ou non, je viens de le reposer. Et le fait d'être le dernier tome, la conclusion, là où tout est révélé ne permet pas une vision sereine. JK Rowling dit que c'est son préféré. Je la comprends. Mais le Prisonnier d'Azkaban reste pour moi une référence. En tout cas, sans nul doute, un livre à la hauteur de ce que j'attendais.

Dernière chose. Le manuscrit a été remanié par rapport à l'original. Elle avait annoncé il y a longtemps que le dernier mot du dernier chapitre était "scar", cicatrice.

Ce n'est plus le cas.

Oups

Une erreur de manipulation m'a fait supprimer des commentaires que je voulais valider. Désolé pour ceux qui ne les verront pas s'afficher, mais soyez certains que j'en ai pris connaissance, et vous remercie de vos souhaits de bonne lecture (c'est fait) et de bonnes vacances (c'est à faire).

samedi 21 juillet 2007

Comme promis

Chapitre I : L'Ascension du Seigneur des Ténèbres.

Première phrase :

Les deux hommes apparurent de nulle part, à quelques mètres l'un de l'autre sur l'étroit chemin.

Le livre s'ouvre sur deux citations, que je vous livre ci-après :

Le première est tirée des Koéphores, d'Eschyle, le père de la tragédie grecque :

Ô misères de cette race !
Ô plaie sanglante d'Atè !
Ô deuils terribles et lamentables !
Ô douleurs sans terme !

Ô maux incurables de ces demeures,
Non causés par d'autres, mais par ceux qui les habitent,
Et qui prolongent eux même la sanglante discorde !
C'est l'hymne entonné par les voix d'outre-tombe !

Ô dieux heureux de l'Enfer, entendez les prières de ces enfants,
Et donnez leur la victoire.

(Traduction de Leconte de Lisle, adaptée par votre serviteur)

La seconde est de William Penn, 1644-1718, philosophe anglais converti au quakerisme, pacifiste et fondateur de la Pennsylvanie qui porte son nom (sa statue orne le sommet de l'hôtel de ville de Philadelphie). Elle est extraite de "More fruits of solitude", "D'autres fruits de la solitude", et elle a de quoi faire naître bien des craintes au lecteur.

La mort n'est que la traversée du monde, comme les amis traversent les mers ; ils continuent à vivre les uns dans les autres. Car ils doivent rester présents, aimer et vivre dans ce qui est omniprésent. Dans ce verre divin leur conversation est libre et pure. Tel est le réconfort des amis, car quand bien même ils viendraient à mourir, leur amitié et société sont, dans le meilleur sens, toujours présentes, car immortelles.

(Traduction de votre serviteur)

Mon fauteuil m'attend, près de la fenêtre. Sur un guéridon à côté, une tasse de thé d'Assam. Jean-Philippe Rameau a saisi sa viole et attend un geste de ma part pour enchanter mes oreilles.

L'aventure commence. A bientôt.

vendredi 20 juillet 2007

"Journal d'un avocat" s'arrête

Dernier billet avant l'arrêt de ce blog, pour les raisons que j'expliquerai à la fin.

Et il sera bien léger et superficiel, mais après tout, je ne me suis jamais senti obligé d'être sérieux sur ce blog.

Ainsi, j'ai testé le service Vélib', de mon jarret exigeant de cycliste réitérant.

Et comme il se doit, mon premier essai se heurta à un bug : ma carte n'était pas validée par la borne, numéro d'abonné incorrect.

Ce qui m'a permis de tester la hotline de Vélib (numéro d'appel local, non surtaxé, vous pouvez l'appeler gratuitement depuis une borne vélib'). Là, très bonne surprise : prise de ligne très rapide, mois de dix secondes d'attente, interlocuteur très courtois. Une heure après, tout est rentré dans l'ordre.

Le mode d'emploi n'est donné nulle part très clairement, alors le voici.

Une station se compose d'une borne, et de bornettes, ou plots, ou emplacements, où sont attachés les vélos.

Si vous avez une carte d'abonnement d'un an, vous avez le choix de passer ou non par la borne. Si vous avez un ticket un jour ou 7 jours, vous n'avez pas le choix : c'est par la borne.

La borne.

Attention, elles ont deux faces. Une avec un écran LCD en couleur, qui n'est là que pour vous donner des informations et vous indiquer une station proche si celle ci est complète. L'autre n'a qu'un clavier de type carte bleu. C'est là que vous empruntez votre vélo. Vous posez votre carte d'abonnement ou votre passe Navigo si vous l'y avez intégré sur le lecteur. Si vous avez un ticket, il vous faudra taper votre numéro d'abonnement. Les instructions s'affichent sur le petit écran à côté du clavier. Vous choisissez un numéro d'emplacement disponible parmi ceux qui s'affichent (pensez à taper 01 pour le numéro 1, 02 pour le 2 etc). Puis l'opération terminée, vous avez une minute pour aller à l'emplacement choisi (prenez en un près de la borne), appuyer sur le bouton de la bornette, et le verrou se libérera.

La bornette.

C'est le plus simple. Choisissez en une où la lumière est verte, posez votre carte dessus, la lumière passe à l'orange quelques secondes le temps que votre demande soit validée et le verrou se libère.

Certaines stations dites "allégées" ne sont équipées que de bornettes. Il n'est pas possible de louer un vélo autrement que par un abonnement annuel.

La restitution du vélo.

Pour rendre le vélo, avisez une station vélib' avec une bornette disponible où la lumière sera verte. Vous glissez dans la fente de verrouillage la partie du cadre qui est faite pour s'y insérer, et vous entendrez un petit clac. La lumière va passer à l'orange puis à nouveau au vert. Le vélo est verrouillé, et la restitution est enregistrée. Tirez doucement dessus pour vous assurer que le verrou est bien refermé pour être sûr. Vous avez 5 minutes pour retirer un reçu à la borne si vous le souhaitez.

Le vélo

En un mot, il est bien... pour cet usage. Son poids (environ 20 kg) a fait beaucoup parler ceux qui ne font pas de vélo. C'est un argument oiseux. Un bon vélo de ville nu pèsera 15 à 16kg. Si vous ajoutez une gourde, une trousse à outil et transportez des affaires personnelles, vous pèserez plus lourd qu'un vélib'. Evidemment, c'est plus lourd qu'un vélo de route, mais les prix ne sont pas les mêmes et le vélo de route est totalement inadapté à la ville : position trop courbée en avant, pas de porte bagage.

Le vélib' a un panier à l'avant d'une capacité de 8kg, pas de porte bagage. Garde boues efficace, caréné à l'arrière, ce qui vous met à l'abri des éclaboussures des roues en cas de pluie et rend le vélib compatible avec le port d'un manteau long, d'une robe ou d'une écharpe qui ne peuvent se prendre dans les rayons. La chaine est bien protégé par le carter, vous ne vous salirez pas quelle que soit votre tenue.

Les vitesses se passent par la poignée droite. La première pour les démarrages et les montées très raides, la deuxième est intermédiaire pour la prise de vitesse ou pour les montées normales, la troisième pour la vitesse de croisière. Il s'agit du système Nexus de Shimano : les vitesses peuvent se changer à l'arrêt, la chaîne ne peut pas dérailler car elle ne saute pas de pignon. Un bonheur.

Les lumières sont allumées en permanence, mais fonctionnant par induction via un mécanisme dans le moyeu, la résistance ainsi causée est négligeable. La béquille est de type mobylette, ce qui assure la stabilité du vélo garé. Un antivol est fourni, rudimentaire : un cable en tortillon dans le panier. Vous l'enroulez autour d'un point fixe (poteau, lampadaire ou emplacement vélo), et l'enclenchez dans le verrou qui se situe sur le cadre près du point d'attache à la bornette. L'enclenchement libèrera la clef, que vous emportez avec vous.

Le freinage se fait par le moyeu. Il faut serrer fort, n'hésitez pas.

Les défauts du vélib', car il en a :

Un peu tape-cul, je m'étais habitué à ma selle Royal Gel, ma tige à suspension ainsi que mes suspensions sur la fourche avant. J'avais oublié ce que c'est que sentir la route.

Que trois vitesses. On atteint vite sa vitesse de croisière et sauf à pédaler comme un excité, le vélib' a un rythme de sénateur. Je pense aller deux fois moins vite qu'avec Vélociraptor (le petit nom de mon vélo). Traverser Paris prendra un certain temps avec un vélib'.

Les poignées sont un peu rugueuses. Avec les vibrations de la route, les paumes sont à l'arrivée d'un beau rouge. Cela disparaît rapidement, mais l'achat d'une parie de mitaines (5€) n'est pas forcément un luxe.

Un conseil : vérifiez votre vélib' avant de le prendre. Etat des pneus, principalement. En effet, si après avoir décroché votre vélo, vous vous rendez compte qu'un pneu est à plat, vous devrez attendre 5 minutes après l'avoir raccroché pour en prendre un autre.

Premier contact très positif donc. Ajoutons à cela que sur le site, une carte interactive indique toutes les stations vélib' et si vous cliquez dessus, vous indique en quelques secondes le nombre de vélos disponibles et de bornettes libres.

Voilà un point sur lequel vélib' a intérêt à être vigilant : la disponibilité des places de restitution. S'il y a une bornette par vélib', ca va rapidement poser un problème qui peut nuire au succès de ce système. En effet, en hiver ou au milieu de la nuit, la plupart des vélib' seront garés. Si un usager voulant rentrer chez lui ne trouve pas de station proche de sa destination et doit galérer pour le raccrocher au risque de se faire facturer en plus ce temps perdu, cela va rapidement le décourager. J'espère qu'il y a plus de bornettes que de vélib'. Si ce n'est pas le cas, il faudra retirer du service quelques vélibs cet hiver, quand la demande baissera, pour éviter les embouteillages aux stations. Une station vide est moins embêtante qu'une station complète.

Mais pour le moment, je n'ai pas encore été confronté à ce problème. Rappelons enfin qu'il est possible d'obtenir 15 minutes de plus à une station complète pour restituer son vélib' afin d'éviter de se faire facturer ce temps en plus.

Attention enfin au tarif progressif : vélib' est fait pour des trajets courts. Si vous dépassez la demi heure, c'est un euro. Si vous dépassez l'heure, c'est deux euros. Et au delà d'une heure et demi, c'est 4 euros la demi heure. Bref, si vous voulez faire du cyclo tourisme, prévoyez cinq minutes de pause toutes les demi heures.

En conclusion, si vous êtes cycliste habituel, comme moi, vous ne remiserez pas votre vélo au garage. Mais vélib' reste quand même un complément idéal. Il y a des jours où vous ne pouvez pas prendre votre vélo (une audience en banlieue à 9 heures...), d'autres où votre vélo crève mais vous êtes pressé. Vélib' a ici une vraie utilité.

Cela peut être l'occasion de vous faire tester le vélo en ville. Si vous devenez mordu, achetez le vôtre, un vrai vélo de ville de qualité, vous verrez, ça n'a rien à voir. Mais ne jetez pas votre carte vélib'. Et merci aux Lyonnais d'avoir essuyé les plâtres avec Vélo'v, ce qui nous permet de bénéficier d'un service ayant déjà été confronté à l'expérience du terrain. Nous aurons moins de bugs que vous. Il y aura au moins un parisien qui vous en saura gré.


Ce blog s'arrête donc. Comme certains l'ont deviné, c'est temporaire et dû à la sortie du dernier tome de Harry Potter et au fait que je m'octroie de courtes vacances.

Je vais passer les commentaires en modération a priori, et ils ne seront pas validés avant un certain temps. Soyez patients et évitez de poster à plusieurs reprises ou de crier à la censure.

Pourquoi cette disparition ? Parce que des fuites ont eu lieu sur l'histoire du septième tome (le Parisien notamment publie la fin), et je redoute de tomber dessus par accident. Je veux découvrir le dénouement de cette histoire comme l'a voulu l'auteur. C'est la meilleure façon qui soit, et c'est ma façon de lui témoigner du respect. C'est aussi comme ça que l'émotion est intacte. Voyez : dès hier, j'ai annoncé l'arrêt de ce blog. Je l'ai à nouveau annoncé au début, sans préciser que c'était provisoire. J'aime à croire que vous en avez ressenti quelque sentiment. Un peu de peur, d'angoisse, d'espoir aussi : "ce ne doit être que temporaire".

Et vous voilà rassurés, et j'ose le croire, un peu heureux. Vous avez éprouvé des sensations et des sentiments. Si quelqu'un vous avait dit "Eolas fait croire qu'il va arrêter son blog mais en fait il va juste prendre des vacances", vous n'auriez pas ressenti cela. Le plaisir de ma petite farce aurait été gâché. C'est ce plaisir que je ne veux pas voir gâcher, comme l'a été un peu ma lecture du sixième tome quand des gens ont raconté partout sur internet la fin du sixième tome, mus par une schadenfreude tellement sotte que je n'arrive pas à me l'expliquer deux ans après. Alors si vous n'aimez pas la série, si vous êtes scandalisé ou ne voyez que le triomphe du marketing et du capitalisme dans le fait qu'à l'heure de l'internet, du chat, des SMS, de la télévision, des millions d'enfants aient pris goût à la lecture, allez crier votre colère sur Twitter, là où personne ne vous lira, et laissez en paix les lecteurs jouir de leur plaisir. Si vous tirez du plaisir à gâcher celui des autres, je suis infiniment triste pour vous, vous avez vraiment une vie minable.

Donc cette année, je joue la sécurité absolue. Je sécurise les commentaires, je ne lirai rien sur internet aujourd'hui, pas même mes mails autres que professionnels. Juste pour les fans de la série qui me lisent, je vous offrirai demain la première phrase du livre comme apéritif, et quand mon blog reprendra une activité normale, je veillerai à ce qu'aucun spoiler comme on dit en français ne soit publié ici. De même que mes éventuels commentaires veilleront à ne rien révéler de l'histoire.

Et je tremble de peur pour tous les personnages, mais aussi pour moi. Quand je refermerai la dernière page, les adieux promettent d'être déchirants.

jeudi 19 juillet 2007

L'autre Justice (3)

Dernier volet sur la justice administrative. Après avoir découvert son existence, vu comment elle marche ordinairement et extra-ordinairement, nous allons voir à présent comment elle marche quand l'extraordinaire devient l'ordinaire avec le contentieux des étrangers.

Rappelons brièvement qu'en raison du principe couramment admis que l'Etat a le droit de décider qui entre et reste sur son territoire, les étrangers sont totalement dépendants de l'administration. Principe qui mériterait de temps en temps qu'on s'interroge sur son bien-fondé, tant il a des relents xénophobes et d'Etat policier, mais tenons nous-en au droit.

Pour entrer tout d'abord. En fonction des accords internationaux, certaines nationalités sont soumises à une obligation de visa pour entrer en France, d'autres en étant dispensées pour des courts séjours. Les visas sont délivrés par les consulats, qui relèvent pour peu de temps encore du ministère des affaires étrangères (ils sont sur le point de passer sous la tutelle du ministère de l'immigration, de l'intégration et du codéveloppement). On distingue les visas court séjour, dit visa touristes, qui donnent droit à une entrée sur le territoire et à un séjour de trois mois au plus, et les visas long séjour, qui ont une validité de six mois en général et ont vocation à être transformés en carte de séjour. Des conventions bilatérales dispensent certaines nationalités de visa pour des séjours ne dépassant pas trois mois, le droit européen ayant conduit la France à dispenser les ressortissants historiques de l'Union Européenne de tout titre de séjour.

Le refus de visa donne lieu à un contentieux spécifique, du fait que la décision a été prise à l'étranger et qu'aucun TA ne peut être géographiquement compétent. Il doit d'abord être soumis à la Commissions des Recours contre les Refus de Visa, puis en cas de maintien du refus, le Conseil d'Etat statue en appel.

Une fois entré, le visa vaut titre de séjour jusqu'à son expiration.

Pour rester ensuite. Un étranger qui s'établit en France doit être titulaire d'une carte de séjour, valable un an, ou d'une carte de résident, valable dix ans. Il existe des titres précaires qui régularisent provisoirement un séjour le temps qu'une décision soit prise définitivement par l'administration : certains récépissés de demande de carte de séjour, l'autorisation provisoire de séjour (APS) et le laisser-passer. Ces documents sont délivrés par la préfecture du domicile de l'étranger : il s'agit d'actes administratifs susceptibles de recours devant le TA.

Pour simplifier disons que la préfecture peut délivrer un titre de séjour à qui elle veut. Discrétionnairement. Sauf certaines situations où elle est obligée de le faire.

Voyons à présent en détail quatre hypothèses de saisine du juge administratif, en allant de l'hypothèse la plus ordinaire à la plus Rock n'Roll, vous comprendrez le sens de la métaphore chorégraphique.

Le contentieux ordinaire : la contestation du refus de carte de séjour.

Nous sommes dans l'hypothèse où un étranger sollicite une carte de séjour ou son renouvellement et se la voit refuser, sans que le préfet ne prenne d'autre mesure tendant à un éloignement par la contrainte.

Nous sommes en présence d'une décision administrative, pouvant faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir de droit commun. Le délai de recours est de deux mois, l'affaire fait l'objet d'une mise en état, puis d'une clôture suivie d'une audience avec commissaire du gouvernement. Le problème pour l'étranger étant que ce recours n'étant pas suspensif, il n'est pas en situation régulière pendant ce temps et peut être l'objet d'un contrôle d'identité aboutissant à une exécution forcée (voir ma troisième hypothèse). Eventuellement, en cas de moyen sérieux, un référé peut aboutir à la délivrance d'autorisations provisoires de séjour, mais ne donnant pas le droit de travailler, quand bien même le titre auquel il a droit lui permettrait d'exercer une profession. Etant en situation irrégulière, il n'a pas droit non plus au RMI. Bref, lui et sa famille sont priés de vivre de photosynthèse pendant les deux ans que durera la procédure. Comme la plupart n'y parviennent pas et ont généralement des enfants et un avocat à nourrir, ils travaillent au noir, dans la plus grande hypocrisie.

Un préfecture de la banlieue parisienne s'est faite une spécialité de refuser des titres qu'elle est tenue de délivrer. Quand un recours est exercé, la préfecture ne produit aucun mémoire malgré les mises en demeure que lui envoie le tribunal. Deux ans plus tard, le tribunal administratif annule ce refus et condamne la préfecture à payer des indemnités au titre de l'article L.761-1 du CJA. En une audience, il y a quelques semaines, j'ai vu ainsi 3600 euros de l'argent du contribuable dilapidés en indemnités de procédure, alors qu'il aurait suffit que la préfecture, la veille de l'audience, délivre le titre demandé pour préserver l'argent du contribuable. Le droit des étrangers, c'est aussi ça.

Deuxième hypothèse : le contentieux un peu moins ordinaire : l'Obligation de Quitter le Territoire Français.

La loi du 24 juillet 2006 a créé cette procédure spéciale pour juger rapidement les refus de titre de séjour sans passer par la procédure d'urgence dont je parlerai dans ma troisième hypothèse.

Désormais, le préfet qui refuse un titre de séjour ou son renouvellement peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (auparavant, c'est une invitation à quitter le territoire français qui en tant que telle ne pouvait faire l'objet d'un recours, mais permettait au bout d'un mois de délivrer un arrêté de reconduite à la frontière, qui lui pouvait faire l'objet d'un recours).

C'est un recours soumis à des règles spéciales. Le délai de recours est plus bref : il est d'un mois à compter de la décision (contre deux mois en droit commun). Il est suspensif, ce que n'est pas le recours de droit commun. Le juge a un délai de trois mois pour rendre son jugement, je reviendrai sur ce point. Le tribunal peut, et concrètement le fait toujours, fixer dès la réception de la requête la date de l'audience et de l'ordonnance de clôture. L'audience se tient devant un tribunal de trois juges, et il y a un commissaire du gouvernement.

Mais ce recours emprunte certaines règles au contentieux de droit commun. Ainsi, l'étranger ne peut bénéficier d'un avocat commis d'office ni d'un interprète. Il peut solliciter l'aide juridictionnelle au titre de l'article R.441-1 du CJA qui lui sera refusée au titre de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 (qui a dit qu'on ne savait pas rire en droit administratif ?).

Le jugement peut être frappé d'appel, selon les règles de droit commun : recours obligatoire à un avocat, pas d'effet suspensif.

Je reviens sur le délai de trois mois imposé par la loi au juge administratif. C'est la dernière idée géniale du législateur pour faire face au problème de l'engorgement des tribunaux administratifs et du temps qu'ils mettent à statuer. Puisque celui qui propose d'augmenter les crédits de la justice est jeté dans la Seine avec des boulets accrochés aux pieds comme s'il avait perdu trois fois son bout de pain dans la fondue[1], il faut trouver des solutions autres, et celle là est brillante : imposer au juge de statuer dans un certain délai. Ca ne coûte rien, et ça marche, car les juges administratifs sont des légalistes psychorigides. Bon, évidemment, quand on ajoute à cela que le ministre de l'intérieur a décidé que l'on expulserait 26000 étrangers par an, la conséquence est prévisible : les juges ne font plus que ça et les autres recours attendront encore plus longtemps. C'est ce qu'on appelle une gestion intelligente et à long terme.

Troisième hypothèse : Le contentieux carrément extraordinaire : la reconduite à la frontière.

Si tu ne viens pas à la préfecture, c'est le préfet qui viendra à toi. Telle est la devise du contentieux de la reconduite à la frontière. L'hypothèse est la suivante : l'étranger a fait l'objet d'un contrôle d'identité qui a révélé son état de sans papier. Informée, le préfet du département prend un arrêté de reconduite à la frontière à son encontre, qui lui est notifié en main propre. L'étranger dispose alors d'un recours spécial, qui se rapproche du référé administratif. Le délai de recours est très court : 48 heures. Ce délai très bref (d'autant que le recours doit être écrit, rédigé en français et motivé) est parfois compliqué par le fait que le client est privé de liberté : voir ci-dessous, l'hypothèse rock n'roll) s'explique par le fait que la préfecture est censée s'assurer de l'exécution de sa mesure. Le tribunal doit statuer dans les 72 heures. Même remarque que ci-dessus. Concrètement, seul le TA de Versailles, qui est le Lucky Luke du contentieux de la reconduite à la frontière, tient le délai : quand vous faxez votre recours aux heures de bureau, vous avez votre récépissé et convocation à l'audience 40mn plus tard, audience qui aura lieu le lendemain. Si vous n'aimez pas les codes rouges, ne faites pas du droit des étrangers. L'audience est à juge unique (mais pas solitaire : comme son ombre le suit le greffier, profession dont je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense), sans commissaire du gouvernement. Le préfet est censé envoyer quelqu'un de sa préfecture ou à tout le moins produire un mémoire. Concrètement, à Paris, c'est toujours le cas, et c'est un avocat quand l'étranger est privé de liberté, ce qui explique le taux de rejet des recours très élevé. Nanterre envoie un mémoire, Créteil et Bobigny ne daignent jamais répondre. Le jugement est censé être notifié très rapidement (à Versailles, c'est le jour même). Le jugement rejetant la requête met fin à l'effet suspensif du recours.

Quatrième hypothèse : Rock n'Roll acrobatique.

C'est hélas l'hypothèse la plus fréquente. L'étranger a été contrôlé, et placé en garde à vue le temps que la préfecture prenne un arrêté de reconduite à la frontière. Le préfet décide en outre de le garder au chaud, c'est à dire de le placer dans un centre de rétention administrative (CRA). Qu'est ce qu'un CRA ? Le législateur nous répond par une première pirouette : c'est la loi du 29 octobre 1981 (intégrée depuis dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers etc.) qui nous dit que ce sont des locaux "ne relevant pas de l'administration pénitentiaire". Bref, il se contente de dire ce que ça n'est pas. J'y vois pour ma part un hommage à Magritte : ceci n'est pas une prison, et pourtant, ça y ressemble furieusement. Le droit des étrangers s'est beaucoup inspiré de l'école surréaliste, vous allez voir.

Mais je vous ai vu froncer des sourcils. Je suis fier de vous. "Placé en garde à vue", "privé de liberté"... Ca sent le droit privé, donc la justice judiciaire, n'est ce pas ? Hé oui. Nous entrons dans le triangle des Bermudes du droit. Alors que, apparemment, il s'agit juste d'interpeller un étranger en situation irrégulière et le reconduire dans son pays d'origine (et non chez lui ; chez lui, c'est ici...), nous allons assister à une chorégraphie complexe, fondée sur des mouvements de va et vient sur un rythme endiablé. Démonstration.

Premier mouvement : "vos papiers !".

Ha, la police demande les papiers. Oui, mais à quel titre ? Si c'est dans le cas de réquisitions du procureurs de la république ordonnant à la police de quadriller un secteur défini pendant un laps de temps déterminé, ou que les policiers ont constaté des éléments pouvant laisser à penser que l'étranger était sur le point de commettre une infraction, nous sommes dans de la police judiciaire : articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale, texte de droit privé. S'il n'y a rien de tout cela mais que la police s'avise, sur des éléments objectifs (le délit de sale gueule n'étant pas un élément objectif) que l'intéressé est étranger, elle peut lui demander de présenter les documents relatifs à son séjour, conformément à l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). C'est une mesure de police administrative. Pourtant, les policiers n'auront même pas changé de képi.

Deuxième mouvement : "Au poste !"

Dans les deux cas, les policiers constatent que l'étranger n'a pas un bout de papier où un fonctionnaire aura appliqué un timbre humide, ce qui est un délit puni de prison jusqu'à un an, qui parfois peut devenir sinon de la prison à vie, du moins de la vie en prison. L'étranger va donc être placé en garde à vue, conformément à l'article 63 du code de procédure pénale. Retour au pur droit privé. Le procureur est informé comme la loi l'exige et feint d'être intéressé par cette affaire.

Simultanément, la préfecture du département est informée de ce qu'un étranger en situation irrégulière a été identifié, puisque c'est elle qui gère les dossiers des étrangers. Un dossier est ouvert à la préfecture. C'est du droit administratif. La police entend l'étranger sur le délit d'infraction à la législation sur les étrangers (I.L.E.), délit pénal, mais pose des questions qui intéresseront surtout la préfecture, par exemple sur sa famille dans son pays d'origine.

Après le cas échéant un renouvellement de garde à vue autorisé par le procureur de la république, le préfet prendra un arrêté de reconduite à la frontière, ainsi qu'un arrêté de placement en centre de rétention administratif (CRA) pour une durée de 48 heures. Notez le "administratif". Informé de cette situation, le procureur classera sans suite la procédure pour ILE. Fin de la procédure judiciaire. L'étranger est conduit dans le centre de rétention, qui est parfois situé... dans le commissariat (c'est le cas à Bobigny, par exemple).

Troisième mouvement : Deux juges, c'est mieux qu'un..

Récapitulons. Nous avons un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), et un délai de 48 heures pour faire un recours. Nous avons aussi un placement en CRA pour une durée de 48 heures. Là, deux procédures vont avoir lieu en même temps, une administrative où l'étranger sera demandeur, et une judiciaire où il sera défendeur.

La procédure administrative est le recours contre l'APRF. C'est ce que j'explique dans ma troisième hypothèse. L'étranger exerce un recours suspensif qui vise à annuler l'arrêté de reconduite à la frontière. C'est une de ces audiences que je décris dans mon billet Eduardo. l'objet de cette audience est uniquement de juger de la légalité de l'arrêté. Les circonstances de l'arrestation, le juge administratif ne veut pas en entendre parler. C'est de la compétence du juge judiciaire. Ce qui est lourd de conséquence pour les droits de l'étranger, vous allez voir. Le jugement est susceptible d'appel selon la procédure administrative de droit commun, non suspensive.

Mais le préfet, lui, a envie de garder un peu plus longtemps notre ami étranger. Il doit pour cela demander au juge judiciaire le maintien en rétention, pour une durée de 15 jours au plus. C'est le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance qui est compétent. C'est une de ces audiences que je raconte dans Un Juste. L'objet de cette audience est uniquement le maintien de la mesure privative de liberté, et le contrôle de la légalité de la procédure (notification des droits en garde à vue, respect des délais, du droit à un interprète, etc). Le juge peut maintenir l'étranger 15 jours en rétention, dire n'y avoir lieu à maintien en rétention, ou assigner l'étranger à résidence s'il peut justifier d'un domicile ou si une personne en situation régulière ou Français s'engage à l'héberger et fournit des preuves de domicile. Le jugement du JLD peut être frappée d'appel dans un délai de 24 heures. Le recours doit être motivé et peut être envoyé par fax. Si le juge décide de la remise en liberté, le procureur a un délai de quatre heures pour s'opposer à la remise en liberté immédiate. Si le préfet fait appel, l'étranger reste en rétention. COmme on peut voir, la séparation des autorités administratives et judiciaires n'est pas étanche : le judiciaire est bienvenu à se mettre au service du pouvoir administratif. L'appel est jugé par le premier président de la cour d'appel ou un conseiller délégué par lui, généralement dans un délai de 48 heures. Ajoutons qu'il y a des audiences de JLD pour étrangers tous les jours, même le dimanche à Paris (à 8h30...)

Il m'est arrivé une fois d'aller défendre un client qui avait été interpellé dans les Pyrénnées atlantiques. Appelé par téléphone, je forme un recours administratif le lundi soir. Le mardi matin aux aurores, je saute dans un train pour Bayonne pour l'audience devant le JLD à 11 heures. Le JLD ayant prononcé la remise en liberté. Je file à Hendaye récupérer mon client au Centre de Rétention où il devait récupérer ses affaires, et file avec lui à Pau pour l'audience devant le tribunal administratif à 17 heures 30 le même jour. A 18 heures 30, le tribunal rend sa décision : l'arrêté est annulé. Il n'y a plus qu'à prendre le TGV pour Paris, en laissant derrière moi un tas de cendre fumant de ce qui fut cette procédure.

Le TGI de Bayonne étant d'un autre ordre de juridiction que le TA de Pau, les greffes ne pouvaient tenir compte des impératifs de l'autre pour audiencer ces affaires. La loi leur fait interdiction de se parler. Et ce sont les avocats qui trinquent.

Et les droits de l'étranger. Car si vous avez bien suivi, supposons que les policiers commettent une nullité de procédure. Après avoir fait un pur contrôle au faciès, ils s'abstiennent de notifier ses droits à l'étranger, et omettent d'informer le procureur de la garde à vue, et gardent l'étranger 28 heures sans solliciter de renouvellement. La totale. Le JLD, saisi par le préfet, écumera de rage, n'aura pas de mots assez durs pour les policiers, et annulera la procédure, remettant immédiatement l'étranger en liberté sous les applaudissements du parquet.

Mais devinez quoi ? L'APRF reste valable, et l'étranger, victime de voies de fait et même de séquestration arbitraire par la police, pourra malgré tout être interpellé à son domicile et conduit de force dans un avion prêt à décoller. Si un assassin d'enfant était traité ainsi, la procédure partirait à la poubelle. Si c'est un étranger, non. On peut l'arrêter illégalement, il sera reconduit légalement. Avec les compliments de la séparation des autorités judiciaires et administratives.

Voilà un parfait exemple d'embrouillamini que peut causer la séparation des autorités judiciaires et administratives, avec des juges qui statuent sur des points différents sans vouloir savoir de quoi l'autre s'occupe. Il y en a d'autres : les amendes de la circulation, par exemple, relèvent du droit pénal, donc de la justice judiciaire. Mais les pertes de point sont une mesure administrative : le juge judiciaire ne peut pas vous dispenser de la perte de point, sauf s'il vous relaxe.

Si vous êtes contrôlé en état d'ivresse, le préfet pourra suspendre immédiatement votre permis pour une durée généralement de six mois, par un arrêté pouvant être contesté devant le tribunal administratif (art. L.224-7 du code de la route), permis qui vous sera restitué après un examen médical. Puis vous serez convoqué devant le tribunal correctionnel qui pourra, à titre de peine complémentaire (article L.234-2 du même code), vous suspendre à nouveau le permis de conduire, qui ne pourra être contestée que devant la cour d'appel.


Voilà qui clôt ma série sur la justice administrative. Je vous laisse méditer là dessus.

A demain pour un dernier billet avant la fermeture de ce blog.

Notes

[1] Honte à vous si vous ne lisez pas Astérix.

A lire absolument

La tribune de Jacques Chirac dans le Monde sur son explication des délits liés au financement des partis politiques. Extraordinaire. Pensez que ce type a été le garant du respect de la constitution et de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Un pot pourri des meilleurs moments.

Conformément à l'idée que je me fais des exigences qui s'imposent à un responsable politique, j'ai, dès la fin du second mandat que m'ont confié les Français, fait savoir au magistrat chargé du dossier relatif au financement du Rassemblement pour la République que j'étais à sa disposition pour répondre aux questions qu'il voudrait me poser. Rendez-vous est pris à cet effet. Je ne vois rien là que de très normal et de conforme à la conception qui a toujours été la mienne des principes républicains.

La mienne, c'est que le juge convoque et qu'on lui obéit, pas qu'on lui fait savoir qu'on se tient à sa disposition.

[Les années 70], C'était le temps où le droit était beaucoup moins présent qu'aujourd'hui.

Celle là est à encadrer. Le temps où on pouvait piquer dans la caisse et partir avec mes fonds secrets sans se faire em... par des juges, le bon temps ma bonne dame.

Des organisations aussi différentes que les partis politiques, les associations, les syndicats ou les cabinets ministériels fonctionnaient largement sur la base d'usages apparus au fil du temps.

Comme dans faux et usage de faux ?

S'agissant des formations politiques, au-delà des contributions des adhérents, par essence limitées, il était fait appel à la générosité des uns et des autres. Des particuliers, militants ou non, des entreprises, voire des budgets publics, contribuaient ainsi au financement des formations politiques, à la prise en charge de leurs coûts ou au financement proprement dit des campagnes par le biais de financements directs, de prise en charge de frais, de mise à disposition de personnel ou de rémunération de permanents.

La générosité civique des entreprises doit être louée, car il est notoire qu'aucune d'entre elles n'a jamais bénéficié de contrepartie. Quant aux budgets publics qui contribuaient au financement des partis, il faut lire détournement de fonds, vous aurez rectifié de vous même.

Cet état de fait, connu de beaucoup, était au fond accepté parce que les partis, qui jusqu'en 1988 n'avaient pas de statut, concouraient conformément à l'article 4 de la Constitution à l'expression du suffrage et assumaient à ce titre une mission d'intérêt général sans laquelle la démocratie n'aurait pu fonctionner.

"Beaucoup" signifie ici tout le monde sauf les citoyens, trop compliqué pour eux, ça les intéresse pas. Et j'adore l'invocation de l'article 4 de la Constitution pour couvrir des activités illégales. Comme quoi le droit était quand même un peu présent.

Allez lire tout l'article, c'est un grand moment de bonheur.

mercredi 18 juillet 2007

L'autre Justice (2)

Après avoir découvert l'existence d'une juridiction administrative, et examiné son fonctionnement ordinaire, passons à la pratique et à l'extra-ordinaire.

Le juge administratif a à connaître des procédures extra-ordinaires, qui sont jugées de manière totalement différente du contentieux ordinaire (trois juges, procédure écrite, observations du commissaire du gouvernement). Ces procédures ont comme particularité commune d'être jugées par un juge unique, d'être orales (de nouveaux arguments peuvent être soulevés pendant l'audience), et sans commissaire du gouvernement.

Vous vous souvenez que la procédure ordinaire est : requête, mémoire en défense, puis mémoires en réplique, jusqu'à ce que la clôture ait lieu. Audience devant trois juges, observations du commissaire du gouvernement, délibéré, puis notification du jugement par voie postale. Le mécanisme est souple, mais souffre de sa simplicité : la facilité de recourir à la justice administrative pour le contentieux du recours en excès de pouvoir entraîne un grand nombre de contentieux et le temps de traitement des dossiers avoisine les deux années, sachant que le recours n'a aucun effet suspensif : pendant ce temps, la décision attaquée continue de faire effet.

Il est deux séries de cas où la procédure change assez radicalement : les référés et le contentieux des reconduites à la frontière (RAF, à ne pas confondre avec l'autre RAF). Les premiers me fournissent amplement sujet à un billet, je reviendrai plus tard sur le contentieux des étrangers.

Ces référés ont été créés par la loi du 30 juin 2000. Sans être totalement inconnus auparavant, ils constituent une petite révolution culturelle dans le procédure administrative, écrite et sereine. Les juges administratifs (et les greffiers, sans qui nous ne serions rien, juges et avocats) s'y sont pourtant adaptés sans difficulté, et ces procédures sont aujourd'hui banales.

Le Code de justice administrative (CJA) distingue entre les référés liés à une urgence et les autres.

Les référés en urgence sont le référé suspension (article L.521-1 du CJA), le référé liberté (Article L.521-2 du CJA), et le référé conservatoire (article L.521-3 du CJA).

Le référé suspension vise à obtenir provisoirement la suspension de toute mesure administrative qui n'a pas encore été pleinement exécutée, contre lequel un recours en excès de pouvoir a été introduit, recours reposant sur un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction du recours, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Le référé liberté vise à demander au juge toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle l'administration au sens large, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge doit statuer dans les 48 heures.

Le référé conservatoire vise à obtenir, même en l'absence d'une décision administrative préalable, toute mesure utile qui ne fait pas obstacle à l'exécution d'une décision administrative. C'est assez mystérieux en apparence, mais en réalité, c'est fort simple.

"Pas de décision administrative préalable nécessaire" : c'est le corollaire du fait que la mesure ne doit pas "faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative". Si on veut faire obstacle à une décision, il faut opter pour le référé suspension ou le référé liberté. On peut solliciter en référé conservatoire la communication de documents préparatoires à une décision administrative vous concernant mais qui n'a pas encore été prise.

Les référés qui ne supposent par d'urgence sont le référé constat, qui vise à voir désigner un expert pour pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction (procédure qui a été utilisée pour faire constater les conditions matérielles de rétention des étrangers dans le centre de rétention de Paris), et le référé instruction, qui vise à voir prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction, par exemple une expertise médicale constatant l'état d'un patient traité dans un hôpital public. Je laisse de côté certains référés très particuliers, en matière fiscale ou de respect des installations classées, qui concernent un contentieux très spécifique.

Quelques exemples tirés de l'actualité récente.

Il y a un an, le préfet du Morbihan a pris un arrêté réquisitionnant l'aérodrome de Vannes-Meucon pour que le Teknival 2006 puisse s'y dérouler. Problème : le préfet ne tient d'aucune loi le pouvoir de réquisitionner ainsi une propriété privée (quand bien même le propriétaire était la commune de Vannes) pour satisfaire le besoin de jeunes gens de réduire sensiblement leur ouïe et leur espérance de vie par l'effet cumulé de décibels, d'éthanol, de tétrahydrocannabinol et de méthylénédioxyméthamphétamine (ou si vous préférez, de bière, de shit et d'ecsta). Au contraire, la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne a introduit dans la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 un article 23-1 imposant aux organisateurs des raves-parties de souscrire une déclaration préalable auprès de l’autorité préfectorale. Cette déclaration doit être assortie de toute une série d’indications sur les mesures prises pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publiques. La loi impose aussi de joindre diverses pièces, à commencer par l’autorisation écrite d’occuper le terrain donnée par le propriétaire de celui-ci. Enfin, la déclaration doit être déposée en préfecture un mois à l'avance et la préfecture peut s'opposer à la tenue de la rave party au plus tard huit jours avant. Ici, rien de tel. Les organisateurs (si on peut les affubler de ce titre pompeux vu leur comportement) ne se sont pas souciés d'effectuer les démarches prévues par la loi : ni déclaration, ni accord du propriétaire. En toute logique, la sanction aurait dû être : pas de déclaration, pas de manifestation.

Et bien non. C'est le préfet, Madame Elisabeth Allaire, qui va s'occuper de tout, et utiliser ses pouvoirs de police pour mettre élus locaux, riverains, aéro-clubs et usagers de l'aérodrome devant le fait accompli. Le 23 juin 2006, un arrêté de réquisition est pris. Aussitôt, un recours en annulation est formé, et un référé suspension est introduit devant le tribunal administratif de Rennes. L'audience est fixée au 28 juin à 9h30. La réquisition ayant pris effet le 26 juin, l'urgence est établie. Le préfet ayant agi en dehors et même à rebours de la loi, il existait un moyen sérieux de contester la légalité de cet arrêté. Le tribunal a donc suspendu l'arrêté préfectoral le temps que le recours soit jugé.

La France étant un Etat de droit, le préfet a aussitôt obtempéré à l'injonction de la justice et le Teknival a été annulé.

Ha. Ha. Vous y avez cru, hein ? C'est ce qui aurait dû se passer, dans un Etat respectueux des lois.

Le préfet a formé un pourvoi en cassation et a repris le 30 juin des arrêtés identiques à ceux venant d'être annulés. Ils ont même eu droit à un numéro spécial du Registre des Actes Administratifs. Prévenante, Madame Allaire a même prévu une dérogation à la réglementation sur le bruit, sans que les organisateurs n'aient rien demandé. Le Teknival s'est donc tenu illégalement, paralysant une semaine un aérodrome servant notamment à des fins sanitaires et de sécurité en mer. Pourtant, le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, et le préfet ne pouvait pas l'ignorer.

Je ne peux m'empêcher de citer les mots du commissaire du gouvernement devant le Conseil d'Etat, qui a jugé le pourvoi le 17 janvier 2007 (et a déclaré le pourvoi sans objet, la décision attaquée ayant produit tous ses effets, elle ne pouvait plus être suspendue).

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Ainsi est rédigé l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, acte fondateur de notre contrat social. Superficiellement la présente affaire peut sembler revêtir une assez faible portée, eu égard tant à son objet – la suspension d’une réquisition pour la tenue d’une rave-party – qu’au dispositif de la décision que nous vous proposerons d’adopter – un non-lieu à statuer. Toutefois quand on prend la peine d’y réfléchir d’un peu plus près, on ne peut que constater que ce contentieux de l’urgence renvoie à des questions assez fondamentales, du simple fait que dans cette affaire l’administration a consciemment, délibérément et ouvertement violé une ordonnance d’un juge des référés suspendant l’exécution d’une de ses décisions.

Le fait est en lui-même suffisamment exceptionnel – et en l’état de notre information sans précédent dans votre jurisprudence - pour avoir justifié l’inscription de ce recours au rôle de votre formation[1]. (...) De manière encore plus profonde et au delà même de la seule question de la crédibilité des procédures d’urgence, il nous semble que sans exagération aucune la présente affaire soulève un véritable enjeu du point de vue de la séparation des pouvoirs garantie par l’article 16 de la Déclaration de 1789. La France se fait à juste titre le promoteur de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs dans les pays où ils ne sont pas respectés. Mais qu’en reste-t-il lorsque, dans notre pays même, l’administration comme ce fut le cas ici passe par pertes et profits une décision de justice revêtue de la formule exécutoire ? Lorsque l’administration passe en force, la tentation de l’arbitraire se lève à l’horizon. En matière de respect de l’état de droit, rien dans aucun pays n’est acquis à tout jamais ; ne l’oublions pas. On aura compris qu’en filigrane de cette affaire en apparence anodine est ici en cause rien moins que le principe de la soumission de l’action administrative au droit et à la justice.

Mais il y a une justice, et Madame Elisabeth Allaire a été révoquée de ses fonctions et rayée de la fonction publique, de même que son supérieur.

Ha. Ha. Ca fait deux fois que je vous ai bien eus. Le 13 décembre 2006, elle a été nommée membre du Conseil supérieur de la Cour des comptes en qualité de personnalité qualifiée. En effet, avec un tel respect de la loi, qui a pour le moment coûté 6000 euros en frais de procédure au contribuable, elle est plus que qualifiée pour vérifier les comptes publics... Quant à son supérieur, il est désormais président de la République.

Et après ça, on reproche aux cyclistes de griller des feux rouges à vélo.

Plus sérieusement, cette affaire a stupéfié les juges administratifs, et la plaie est encore ouverte. Et elle devrait révolter les citoyens ; ma colère n'est pas retombée.

Autre exemple : l'affaire de la soupe au cochon.

J'ai déjà parlé de cette affaire. Une association ne faisant guère d'efforts pour cacher sa xénophobie se proposait de distribuer sur la voie publique une soupe au cochon. Le préfet de police, craignant que des troubles ne se produisent ) cette occasion, a interdit cette distribution. Curieusement, l'association ne va pas choisir la voie du référé suspension (peut être instruite par l'affaire du Teknival), mais le référé liberté, arguant d'une atteinte manifestement illégale à sa liberté de manifester, ce qui est beaucoup exigeant qu'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision. C'est à cette aune qu'il faut lire la décision finalement rendue : le juge des référés, puis le Conseil d'Etat saisi en appel (et non en cassation, s'agissant d'une référé liberté), ont simplement déclaré que la décision du préfet ne portait pas une atteinte manifestement illégale à leur liberté de manifester. Peut être que cette décision était illégale, ça se discutait. Mais le fait que ça se discute démontre que ce n'est pas manifestement illégal.

Et concrètement, ça se passe comment ?

Vous recevez votre convocation par télécopie. L'audience est publique, dans une des salles du tribunal. Le juge est accompagné de son greffier, qui forment le tribunal que le juge préside.

Le juge prie le greffier d'appeler les affaires au rôle (vous n'êtes pas forcément le seul à avoir présenté un référé). Le greffier énonce alors le nom de l'affaire ("Affaire 07-12345, Monsieur Lerequérant, représenté par Maître Eolas, contre la commune de Blogville, qui n'est ni présente ni représentée").

Le juge résume l'affaire : "Par requête en date du 15 juillet, Monsieur Lerequérant demande au tribunal de suspendre la délibération du Conseil municipal du 10 juillet 2007 décidant de renommer la bibliothèque municipale J.K. Rowling en bibliothèque Loanna et de condamner la commune de Blogville à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. La requête a été notifiée à la commune de Blogville qui a répondu par un mémoire que Loanna ayant bien écrit un livre, elle avait la qualité d'écrivain et pouvait avoir une bibliothèque à son nom. Vous avez reçu copie de ce mémoire, maître ?

Acquiescement de l'avocat, ou suspension d'audience pour permettre au défenseur d'en prendre connaissance, mais en pratique, le greffier se sera préalablement assuré que l'avocat avait eu connaissance de la requête et le cas échéant lui en aura donné aussitôt une copie.

"C'est en cet état que l'affaire se présente. Maître, vous avez la parole pour le requérant." conclut le juge en se saisissant de son stylo, prêt à noter les seuls points qui l'intéressent :
un recours au fond a-t-il été déposé ?
Y a-t-il urgence à statuer ?
Le recours en excès de pouvoir contient-il un moyen propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision ?

Tout propos de l'avocat ne répondant pas à une de ces questions est oiseux et agacera rapidement le président.

La première question est rapidement résolue, l'avocat dépose sur le bureau du juge une copie du recours visé par le greffe s'il l'a déposé en personne, ou lui présente l'accusé de réception du greffe. La troisième ne pose ici guère de difficulté non plus, qualifier Loana d'écrivain relevant de l'erreur manifeste d'appréciation (CE 4 avril 1914, Gomel[2]). Sur le deuxième point, c'est plus douteux, mais gageons que l'excellent avocat du requérant saura aisément démontrer ce point, méritant ainsi amplement que le juge fasse droit à l'intégralité de sa demande au titre de l'article L.761-1 (concrètement, les sommes accordées tournent autour de 500 euros pour un tel référé).

La plaidoirie terminée, le juge déclare qu'il en sera délibéré, et indique quand sa décision sera rendue (généralement, il en connaît le sens à ce moment, mais il doit la rédiger et vérifier quelques éléments de jurisprudence). L'audience est levée.

Demain, troisième et dernier volet de cette tétralogie (je n'ai jamais su compter en grec) sur le contentieux spécifique des étrangers. Enfin un peu d'exotisme.

Notes

[1] Le Conseil d'Etat avait réuni deux sous sections pour juger un référé.

[2] Il s'agit de la présentation habituelle d'une jurisprudence. D'abord, la juridiction, ici CE indique Conseil d'Etat, sinon on écrit TA pour un tribunal administratif ou CAA pour une cour administrative d'appel, suivi de la ville, et TC pour tribunal des conflits ; puis la date, puis le nom du requérant, qui devient le nom de l'arrêt. Dans les écritures produites en justice, on ajoute les références documentaires : revue où l'arrêt a été publié, numéro de l'arrêt, ce qui permet de le consulter aisément

mardi 17 juillet 2007

Apostille sur le vélo dans Paris

Les commentaires de mon précédent billet - plus nombreux que sous ma leçon de procédure administrative, à quoi bon faire des études... ?- appellent une mise au point, tant je me sens totalement étranger à l'atmosphère de guerre civile entre les deux et trois-pédales.

Quand je fais la promotion du vélo, ce n'est pas par idéologie, pour sauver les pingouins, ou pour marquer mon mépris pour les piétons ou les automobilistes. Je n'ai rien contre les 4X4 en ville, je m'en fiche. Mon seul souci concerne les personnes qui ont envie d'essayer de se déplacer à vélo mais n'osent pas pour de mauvaises raisons. Ces mauvaises raisons que l'éditorial du Monde reprend à son compte : le danger, l'inconfort d'être en nage, le problème du temps qu'il fait. C'est à elles que je m'adresse : il n'en est rien, il suffit de connaître les principaux dangers pour s'en prémunir (dans l'ordre, les piétons inattentifs, les voitures qui tournent à droite sans regarder et les portières qu'on ouvre témérairement), d'apprendre à s'habiller pour faire du vélo, et à se protéger contre la pluie, quitte à sacrifier l'élégance à cette nécessité. Si c'est ça qui vous retient, vous vous privez d'un plaisir et c'est dommage.

Pour ma part, je pratique quasi quotidiennement le vélo dans Paris depuis bientôt quatre ans. J'ai renoncé à utiliser une voiture, pour des raisons rationnelles et égoïstes. Rationnelles, car ce n'est plus le moyen de transport optimal dans Paris. Difficulté de trouver à se garer, embarras de circulation, voilà qui ne m'aide pas à gérer mon angoisse d'avant audience. Le vélo me garantir un temps de trajet identique à chaque fois. Egoïstes, car j'aime me déplacer à vélo dans Paris. J'ai redécouvert cette ville depuis que je m'y déplace ainsi.

Mais je n'ai rien contre mes prochains qui préfèrent un autre moyen de transport, quel qu'il soit, du moment qu'ils le prennent par choix. Tant qu'ils ne me percutent pas avec. Quand je croise un 4X4, je souris en pensant à mes actions Total (+29% sur un an) et je continue mon chemin.

Donc déplacez vous à vélo si vous en avez envie et que ça vous plaît. Il n'y a aucune autre bonne raison. Le jour où ça ne me plaira plus, je ressortirai mon H1 du garage.

Quand je dis que les piétons sont le principal danger pour les vélos, je ne dis pas que ce sont des ennemis. C'est l'obstacle mobile que je risque le plus de percuter car en ville, nous avons pris l'habitude de ne nous fier qu'à notre oreille pour nous avertir de l'arrivée imminente d'un véhicule. Le silence est l'indice d'une rue dégagée, or un vélo est silencieux. C'est une mauvaise habitude qu'il faut perdre car elle nous met en danger.

Ma modeste expérience de cycliste me fait conclure ce qui suit pour être un cycliste urbain heureux :

Roulez sur la chaussée, pas sur les trottoirs. Vous irez plus vite, vous êtes plus en danger et dangereux à slalomer entre les piétons, et en plus il y a des enfants sur les trottoirs. Et il est inadmissible de rouler sur les trottoirs à grande vitesse en jouant de la sonnette à qui mieux mieux pour que la piétaille s'écarte de votre destrier. Si par la force des choses, vous devez rouler sur le trottoir, roulez au pas, et abandonnez la sonnette au profit du frein. Si quelqu'un doit s'arrêter ou s'écarter, c'est vous.

Quand vous êtes sur les pistes cyclables "sécurisées", vous êtes en danger si vous vous croyez en sécurité. Méfiez vous des piétons distraits, et des portières qui s'ouvrent brutalement. Vous développerez vite un sixième sens, mais en attendant, prudence. L'excuse que vous entendrez sera invariablement la même : "je vous avais pas vu", alors que c'est justement ce que vous reprochez à celui qui vous le dira.

Soyez visibles. Un baudrier réfléchissant, c'est 10 euros, et ça marche sans pile. C'est mieux qu'un gilet, car en été, ça laisse passer l'air. Ayez des lumières allumées la nuit, électriques s'il le faut : les lampes à diodes consomment très peu (200 heures en mode clignotant) et sont visibles de loin, achetez vous des piles rechargeables.

Indiquez vos changements de direction, les automobilistes vous en sauront gré.

Les feux rouges. Ha, les feux rouges. Le casus belli avec les automobilistes, qui ne supportent pas l'idée que quelqu'un qui ne soit pas eux puisse les franchir. Là, soyons clairs. La plupart ne sont pas adaptés à une circulation cycliste et le respect pur et dur du code de la route vous mettra souvent en danger. Si le feu est équipé d'un sas à vélo (ça arrive) ET que les automobiles le respectent (ça n'arrive jamais), vous devez vous y arrêter. Mais les automobiles avancent toujours jusqu'à la ligne des feux sans respecter le sas vélo. Techniquement, d'ailleurs, ce faisant, elles grillent le feu rouge. Là, vous n'avez pas le choix : vous devez vous mettre au delà des automobiles pour qu'elles vous voient, surtout si elles peuvent tourner à droite alors que vous voulez aller tout droit. Mais en les devançant, vous empiéterez sur le passage piéton. Allez au-delà de ce passage également. Certains automobilistes vous lanceront un regard noir et pesteront sur le non respect du code de la route et regretteront qu'un agent ne soit pas là pour vous verbaliser sans se demander pourquoi diable il y a ces dessins de vélo sous leurs roues avant et sans se douter que cette juxtaposition leur fait encourir 750 euros d'amende, 3 ans de suspension de permis et devrait leur coûter 4 points de permis. Ainsi situé, vous aurez une longueur d'avance sur les automobiles qui ne pourront vous couper la route, et surtout, lors de leur démarrage, vous échapperez au nuage de gaz d'échappement émis par les moteurs en sur-régime pour ébranler la voiture.

Certains feux rouges peuvent être ignorés sans danger (je pense à ceux qui gardent les portails des cimetières) du moment que vous êtes sûr que pas le moindre piéton ne va s'engager sur la chaussée. Sinon, vous vous arrêtez. Il est inadmissible que des cyclistes franchissent à pleine vitesse un passage piéton ou des piétons sont engagés. C'est ce genre d'individus qui donnent si mauvaise réputation aux cyclistes.

D'autres en revanche, qui gardent des carrefours ou des places fréquentées (Concorde, Bastille, L'Etoile, République...), doivent impérativement être respectés (sauf si vous même allez tourner à droite). Débouler sur de tels croisements à l'improviste est incroyablement dangereux. Si vous ne tenez pas à la vie, respectez au moins la peinture des automobiles : des dents peuvent rayer un capot.

S'agissant des sens interdits : évitez les. Si votre destination n'est pas loin et que l'alternative est faire le tour du pâté de maison, le trottoir est une option à condition qu'il soit assez large et peu fréquenté ; auquel cas vous roulerez néanmoins au pas. Vous n'êtes plus sur votre territoire, vous vous devez de ne pas gêner les piétons. Sinon, devenez-le vous-même : pied à terre, à côté du vélo. Mais la chaussée est trop dangereuse. Votre présence surprendrait les automobilistes, et la seule chose plus périlleuse qu'un automobiliste surpris est le pare choc d'un automobiliste surpris.

Pour dépasser : les vélos se doublent par la gauche après un coup d'oeil derrière soi (un rétroviseur sur un vélo n'est pas un luxe en ville). Les automobiles ne se doublent pas, sauf en cas d'embouteillage, auquel cas vous les doublez par la droite, n'allez pas vous déporter au milieu de la route. Méfiez vous des voitures qui tourneront à droite, fiez vous plus à leur comportement (elles se déporteront sur la droite) qu'à leur clignotant.

Soyez polis. Souriez, vous profitez du grand air et du paysage. Remerciez les voitures qui vous cèdent le passage, même quand elles sont censées le faire (un geste de la main, ou de la tête, suffit). Signalez à des piétons qui vous regardent arriver apeurés à un feu rouge que vous allez vous arrêter et qu'ils peuvent s'engager.

Regardez autour de vous. Le décor, mais aussi la circulation. Ne faites pas de mouvement imprévisible par les autres, comme un brusque écart, c'est chercher les ennuis.

Faites confiance aux autres. La plupart des automobilistes, surtout les chauffeurs de taxi et les machinistes de la RATP, sont de bons conducteurs, qui maîtrisent leur véhicule et n'ont rien contre vous. Ils vous voient, et tiennent compte de votre présence dans leurs manoeuvres. Ce ne sont pas vos ennemis. Soyez prévisible, indiquez vos changements de direction, tenez votre droite. C'est ce qu'ils attendent de vous. Faites le et vous réaliserez vite que vous n'êtes absolument pas en danger.

La seule galère à vélo, c'est la crevaison. Mais désormais, si vous êtes pressé, Vélib' vous fournit le dépannage jusqu'à ce que vous puissiez venir réparer votre vélo. Pour le reste, ayez votre kit anti crevaison et une paire de gants en latex, et vous verrez que c'est un jeu d'enfant.

Donc si vous avez envie, laissez vous tenter. Sinon, je ne saurais vous en vouloir, et réjouissez vous de faire enrager les intégristes du vélo en mettant la clim.

lundi 16 juillet 2007

Un peu de Monde-bashing ne fait jamais de mal

Ca fait longtemps que je n'ai pas tapé sur Le Monde, ça commençait à me manquer. Alors allons-y.

Eric Fottorino, nouveau directeur de la rédaction, dans son éditorial du 12 juillet, Indépendance :

Le doute qui surgit déjà de journaux réputés sous influence crée un mal pire encore : de pseudos médias alimentés par de pseudo-journalistes, qui se soustraient aux règles élémentaires du métier : vérifier, recouper, s'extraire des apparences, hiérarchiser les faits sans les déformer ni les monter indûment en épingle. Ainsi prospèrent des titres ou sites Internet prétendant, en mauvais alchimistes, changer la rumeur en information, au nom d'un journalisme dit citoyen ou participatif. Le thème lancinant du "On vous cache le plus important", déclinaison ad nauseam de la théorie du complot, abrite çà et là des entreprises de désinformation qui se parent des habits de la vertu. Il y aurait la presse entravée par ses liens économiques et politiques. Et des médias libres de véhiculer impunément n'importe quoi.

D'un côté, les pseudos médias, journaux gratuits et internet, de l'autre, Le Monde, qui vérifie, recoupe, s'extrait des apparences, hiérarchise les faits sans les déformer ni les monter indûment en épingle.

Après la théorie, la pratique. Le même journal, dans son Editorial, non signé car représentant les rédacteurs dans leur ensemble, du 14 juillet, Les limites de Vélib' (je graisse) :

Les freins au développement du vélo sont pourtant nombreux. Le premier problème est celui de la sécurité. Un cycliste, surtout sans casque, est très vulnérable. En jetant sur le pavé des vagues de néophytes, les risques sont multipliés, surtout si les usagers de Vélib' adoptent le comportement proprement suicidaire de certains cyclistes réguliers. Le spectacle de la rue offre un catalogue inépuisable de conduites à risque, que la police devrait désormais considérer sans indulgence.

Ha, voilà une grave affirmation. Question : combien de cyclistes meurent ou sont blessés chaque année à Paris, suicidaires et contents d'être en vie confondus ?

Pour 2005 : 423 blessés légers, 32 blessés graves et 3 tués. Contre 1944 piétons blessés, 23 tués. 1863 automobilistes blessés, 10 tués. 4310 motards blessés dont 18 tués. Les motards représentent 3% des trajets et 50% des blessés. Pourtant, ils ont un casque. Si j'étais journaliste au Monde, j'en déduirais que les motards doivent tous être suicidaires. Comme je ne le suis pas, je me contenterai de constater que les motards et les piétons sont les plus exposés au danger.

Sur le port du casque à vélo, en tant que cycliste, je le recommande bien sûr chaudement, mais le nombre de blessures au crâne est rare à vélo. Depuis plus de trois ans que je pratique le vélo au quotidien dans Paris, je n'ai jamais chu. Aucune étude n'a jamais démontré que le port du casque avait un effet significatif sur la gravité des blessures à vélo, les chutes sur la tête étant rares, parmi des accidents qui sont déjà rares en eux même (et si vous vous faites faucher par une voiture à pleine vitesse, ou passez sous les roues d'un camion, votre casque ne vous sera d'aucune utilité). Simplement, un casque a une petite chance de vous éviter qu'un accident ne soit plus grave, et n'a aucune chance d'aggraver votre accident. Bref, c'est un pari que vous ne pouvez pas perdre.

Sans compter que le vélo est un moyen de transport saisonnier plus adapté à la période estivale qu'aux autres saisons. Le danger et l'inconfort sont accrus par une voirie parisienne peu accueillante. Contraindre les cyclistes à emprunter des couloirs "protégés" où ils côtoient bus, taxis et deux-roues motorisés en infraction est une solution inadaptée et dangereuse.

J'en déduis donc que le vélo doit être un moyen de transport plus répandu en Espagne que dans des pays encore plus glaciaux et pluvieux comme la Hollande ou le Danemark. Ce doit être une information vérifiée, recoupée, extraite des apparences, issue de faits hiérarchisés sans les déformer ni les monter indûment en épingle. Il suffit d'aller visiter Amsterdam ou Copenhague pour voir ce qu'il en est : le Danemark est un pays où 5 millions d'habitants se partagent 15 millions de bicyclettes.

Le vélo est un moyen de transport de toutes saisons. Comme la marche à pied. Il faut savoir s'habiller pour faire du vélo. Le cycliste débutant s'habille toujours trop. En été, tombez la veste, desserrez la cravate, relevez les manches. En hiver, ajoutez un coupe vent à votre tenue habituelle, mettez des gants et un bonnet s'il fait très froid, et le tour est joué. La pluie est plus embêtante, mais si Le Monde n'est pas au courant qu'il existe des étés pluvieux, je l'invite à dépêcher un envoyé spécial à la fenêtre. Et pour ceux qui craignent d'arriver en sueur, sauf si vous allez travailler en haut de la rue Lepic, si vous êtes en nage, c'est pour deux raisons : vous vous couvrez trop, et vous ne jouez pas assez des vitesses (ou vous êtes en retard et êtes obligés de foncer, mais là, c'est pas la faute du vélo). Et je vous garantis que quand il fait 30 °c à Paris, vous serez plus frais en arrivant à vélo qu'en prenant le métro, surtout à l'heure de pointe.

Quant aux couloirs de bus peu accueillants, permettez moi, à l'instar d'une très estimable consoeur, de les préférer mille fois aux voies dites "sécurisées", qui sont les seuls endroits où je frôle l'accident. Je suis plus à l'aide quand je m'élance pour traverser la place de la Bastille ou celle de la Concorde que pour descendre la rue de Rivoli, et ses arcades cache-piéton, sans parler de l'abominable Boulevard de Magenta, et ses portières guillotines.

Bref, un éditorial qui collectionne les idées reçues sur le vélo. Merci pour la leçon aux pseudos médias. Il n'y a plus qu'à l'appliquer.

L'autre justice

Ainsi, il existe deux ordres de justice en France, la justice judiciaire et la justice administrative.

Comme promis, nous parlerons aujourd'hui de la seule justice administrative, méconnue et méprisée des médias alors qu'il lui arrive de trancher sur des points qui intéressent directement les libertés individuelles.

Car nous ne devons jamais oublier que l'Etat est un oppresseur potentiel. Il a l'autorité, c'est à dire la pouvoir d'édicter des décisions qui sont obligatoires en elles même et peuvent au besoin être exécutées par la force. Le fait que le sommet de la pyramide tire son pouvoir de l'élection n'est absolument pas une garantie de son caractère démocratique : le XXe siècle fournit nombre d'exemples de despotes arrivés au pouvoir par l'élection. Ce qui garantit le caractère démocratique d'un régime est le respect de l'Etat de droit : l'Etat est soumis aux règles qu'il érige, il est des libertés et des droits qui sont hors de sa portée, et surtout il est possible de contester ses décisions devant un juge indépendant et impartial.

Voilà la mission première de la justice administrative, que l'on désigne sous le vocable du contentieux de l'excès de pouvoir : juger de la légalité des actes de l'administration et les annuler le cas échéant.

Sa deuxième mission, que l'on appelle le plein contentieux, ou recours de pleine juridiction, a pour objet d'établir une créance d'un individu ou d'une personne morale (société, association) contre l'Etat. Cela recouvre le contentieux fiscal, le contentieux des contrats administratifs, comme les marchés publics, et enfin la responsabilité de l'Etat pour les dommages qu'il cause, que ce soit des maisons qui s'écroulent à côté des chantiers de travaux publics, ou des patients d'un hôpital public qui en sortent plus malades qu'ils n'étaient entrés.

Enfin, une troisième forme est apparue il y a peu, avec les référés administratifs, qui visent à obtenir rapidement une mesure urgente et provisoire sans avoir à statuer au fond du droit. Par exemple, une décision de l'administration a des conséquences graves pour un administré qui la conteste devant le tribunal (recours pour excès de pouvoir) ; il peut demander que cette décision soit provisoirement suspendue pour éviter ces conséquences graves le temps que le tribunal administratif statue au fond.

Les juridictions administratives sont réparties en deux degrés : le premier est le tribunal administratif (TA). Il y en a 36 en France (contre 181 tribunaux de grande instance). Le second est la cour administrative d'appel (CAA), qui examine les recours contre les décisions des tribunaux administratifs. Enfin, une juridiction suprême chapeaute l'ensemble, qui ne juge en principe qu'en recours en cassation : c'est le Conseil d'Etat. Je rappelle que le recours en cassation ne permet de contester que l'application de la loi, pas les faits.

Le recours en excès de pouvoir et les référés sont dispensés du ministère d'avocat : vous pouvez exercer ces recours vous même, tous seuls. Le recours en plein contentieux impose par contre de prendre un avocat, à peine d'irrecevabilité.

Concrètement, ça se passe comment ?

Très simplement. Côté accessibilité, la procédure administrative est supérieure à la procédure civile, tout simplement parce que le défendeur est toujours l'administration, que ce soit l'Etat, une commune, une région, un département, ou un établissement public. L'équité veut qu'un juge ne puisse statuer sans avoir la certitude que tout a été fait pour que l'autre partie soit informée de l'existence de ce procès. Or l'administration est facile à toucher, il n'y a donc pas à appliquer les règles des assignations.

La procédure administrative est en principe écrite. Vous devez rédiger votre recours, qui s'appelle une requête, qui doit indiquer de manière complète qui vous êtes, désigner la décision que vous contestez, et expliquer pourquoi vous la contestez. Enfin, vous devez en conclusion dire précisément ce que vous demandez au juge. Ce recours doit être signé de votre main ou par votre avocat, et être déposé en deux exemplaire plus deux par partie en cause : quatre si vous contestez une décision prise par le préfet de votre département, six si vous contestez une décision prise conjointement par le préfet et le président du Conseil général, etc.

Deux dernières conditions très importantes pour que votre recours soit valable : chaque exemplaire doit être accompagné d'une copie de la décision que vous attaquez, et doit être déposé au greffe du tribunal administratif ou envoyé en lettre recommandée AR dans un délai de deux mois qui suit la notification de la décision, qui vous a été faite à vous si c'est une décision individuelle, ou qui a été publiée si c'est une décision générale (comme un arrêté municipal mettant votre rue en sens unique par exemple).

Vous recevrez un accusé de réception de ce recours du greffe du tribunal, qui vous donnera le numéro de votre requête et un code vous permettant de suivre le déroulement de la procédure via internet, sur le site sagace.

Le greffe notifiera votre requête à l'autorité qui a pris la décision attaquée, lui demandant de répondre à vos arguments, par ce qu'on appelle un mémoire en défense. Quand ce mémoire arrivera au greffe du tribunal, le greffe vous le notifiera, en vous demandant d'y répondre dans un délai indiqué dans la lettre, généralement deux mois. Votre mémoire sera transmis e nretour à l'administration avec invitation à y répondre, et ainsi de suite.

Cette étape s'appelle la mise en état et est supervisée par un des juges du tribunal administratif. Quand il estimera que tout a été dit et que le débat commence à tourner en rond, ou que l'une des parties estime ne pas avoir à répondre sous peine de redites, ce juge rendra une ordonnance de clôture, qui avise les parties que au-delà de la date qu'il fixe dans son courrier (généralement dans 15 jours à 3 semaines), plus aucun mémoire ni pièce ne seront recevables. Cette ordonnance fixe également la date de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée.

Vous aurez remarqué que pour le moment, aucun déplacement au tribunal n'a été nécessaire, tout se passant par écrit.

Vient enfin la date de l'audience, et c'est là que la juridiction administrative apparaît comme radicalement distincte de son alter ego judiciaire.

Premier point visible, même si ce n'est pas le plus important, les juges ne portent pas de robe. Ils sont habillés normalement. Enfin, normalement, disons qu'ils choisissent leurs habits eux même. Deuxième particularité, on ne plaide pas devant le TA. Ca surprend beaucoup les clients et ça fait rêver pas mal de magistrats du judiciaire ; mais la procédure étant écrite, seul ce qui est dans la requête et les mémoires compte. Dès lors, par définition, on ne peut que répéter ce qui a déjà été écrit, soit soulever des arguments irrecevables. L'usage veut donc que l'avocat invité à plaider se lève et déclare « Je m'en rapporte à mes écritures ». On reconnaît l'avocat qui n'est pas habitué au contentieux administratif au fait qu'il plaide. Troisième particularité, le tribunal ne donne pas de date de délibéré, contrairement au judiciaire où c'est obligatoire. L'audience se conclut par la phrase « Il en sera délibéré ». Et le jugement vous est envoyé par lettre recommandée.

Mais la différence la plus importante est la présence du commissaire du gouvernement. Peu de noms sont si mal choisis pour désigner quelqu'un. Le commissaire du gouvernement est un magistrat administratif (le terme est impropre, magistrat étant en principe réservé au judiciaire, mais je vais éviter des répétitions) qui est totalement indépendant. Il reçoit le dossier de la procédure quand la mise en état est terminée, et il l'examine en détail pour donner un avis argumenté sur la façon dont le tribunal devrait selon lui statuer. Voilà l'intérêt essentiel, pour ne pas dire unique, de l'audience pour l'avocat : connaître les observations du commissaire du gouvernement. Car c'est un avis de juriste pointu en droit administratif, qui s'appuie sur la jurisprudence du tribunal, mais aussi sur celle du Conseil d'Etat. Très souvent, le jugement du TA ira dans le sens du commissaire du gouvernement, et ces observations sont précieuses pour préparer un appel éventuel.

Il n'y a pas longtemps, le commissaire du gouvernement participait même au délibéré, sans toutefois avoir une voix délibérative. La cour européenne des droits de l'homme a estimé que cette pratique n'était pas conforme au droit à un procès équitable. Mais si le tribunal ne suit pas son avis, le commissaire du gouvernement n'a pas le droit de faire appel : il n'est pas partie au procès.

Il existe également un commissaire du gouvernement devant les cours administratives d'appel et devant le Conseil d'Etat ; les observations du commissaire du gouvernement lors des grands arrêts étant lues avec autant d'attention que l'arrêt lui même.

Point qui fait râler les avocats, et, puisqu'un conseiller de tribunal administratif me demandait si j'avais des propositions de réforme, oui, j'en ai une : communiquez ces observations aux parties. Ne serait-ce que sous forme d'un document de travail portant la mention que seules les observations prononcées à l'audience engagent le commissaire du gouvernement. Il n'est pas normal de nous contraindre à un déplacement, qui est forcément facturé au client, uniquement pour que nous disions nous en rapporter et que nous prenions des notes à la volée comme à la fac de droit. Les juridictions administratives ont toutes internet : un simple e mail aux avocats suffira et sera sans coût pour le greffe, je sais que les budgets des juridictions administratives sont très serrés (je reçois de plus en plus d'actes de procédure par lettre suivie et non par courrier recommandé). Ca ne doit pas être impossible à mettre en place, je ne vois pas de motif légitime de s'y opposer et cela contribuerait grandement au contradictoire auquel vous êtes farouchement attachés.

L'appel est assez similaire : requête en appel, échange de mémoires, clôture, audience, observations du commissaire du gouvernement. Simplement, l'appel nécessite impérativement le ministère d'avocat.

Enfin, certains actes, par leur nature, échappe à la compétence du TA pour être portés directement devant le Conseil d'Etat : ce sont les actes du gouvernement : arrêtés, décrets, et ordonnances.

Ce billet est déjà fort long, je continuerai demain sur les procédures spéciales, référés et droit des étrangers, que je connais bien, avant de conclure sur la pratique quotidienne des juridictions administratives.

vendredi 13 juillet 2007

Le grand divorce de 1790 : la séparation des autorités administratives et judiciaires

Premier volet d'un billet en deux parties sur la justice administrative, dont je parle trop peu, et les politiques, pas du tout, alors qu'elle le mérite amplement.

Tout d'abord, voici un aperçu historique de cette dichotomie absolument fondamentale en droit français, et qui est assez unique au monde.

Mais avant de revenir aux origines, définissons un peu : qu'est ce que cette séparation, que signifie-t-elle ?

Il s'agit d'une interdiction faite aux magistrats judiciaires (aussi bien les procureurs que les juges) de connaître des affaires de l'administration. Cette interdiction est absolue, et comme tout ce qui est absolu en France, connaît des exceptions.

Ainsi, un tribunal judiciaire ne peut juger un litige vous opposant à l'Etat, une collectivité locale (région, département ou commune), une administration (le Trésor Public) ou un établissement public (l'Institut Géographique National, ou les haras nationaux). Il est incompétent, et doit refuser de juger. Sous l'ancien code pénal, s'immiscer dans les affaire de l'administration était pour un juge le crime de forfaiture.

Pourquoi cette séparation ?

C'est là que l'Histoire nous éclaire. Cette séparation remonte à la Révolution française. Rappelons que c'est la réunion des Etats Généraux par Louis XVI qui en est le point de départ, quand ceux-ci vont devenir assemblée nationale constituante le 20 juin 1789 (date qui devrait être la véritable fête nationale, plutôt que cet incident sans intérêt que fut la prise de la Bastille).

Mais qu'est ce qui a provoqué la réunion des Etats Généraux ?

Une guerre que livraient les juges au roi. Les cours d'appel (on les appelait les parlements) avaient pour mission de retranscrire dans leurs registres les lois décidées par le roi. Cette formalité administrative, condition de l'applicabilité de la loi, a été dévoyée par les magistrats qui se permirent de commenter le texte, et, avant de l'enregistrer, d'adresser des remontrances au roi, lui demandant de modifier tel et tel point. Si le roi refusait et renvoyait le même texte, ou insuffisamment amendé, ils faisaient des itératives remontrances puis des réitératives remontrances. Réitérer suppose en effet de répéter trois fois : on fait, on itère et on réitère.

La seule possibilité qu'avait le roi d'imposer sa volonté était de se déplacer en personne pour, au cours d'une cérémonie appelée lit de justice (car le roi prenait place sur un divan à la romaine et était allongé), ordonner lui même la transcription de la loi au greffier, qui ne pouvait que s'exécuter.

Louis XV nomma le Chancelier Maupeou qui opéra une réforme à la hussarde (avec arrestation et exil de magistrats) pour mettre fin au pouvoir des parlements. Louis XVI le renvoya, et rétablit les anciens usages, croyant ainsi calmer la fronde des magistrats. Maupeou dit à cette occasion : « J'avais fait gagner au roi un procès qui dure depuis trois cents ans. Il veut le reperdre, il en est le maître. »

Et en effet, quand le roi voulut instituer de nouveaux impôts pour faire face aux finances désastreuses de l'Etat (une tradition qui a survécu elle aussi), les magistrats refusèrent, disant que le consentement à l'impôt rendait nécessaire que les Etats Généraux se réunissent pour les approuver, comme c'était le cas lors de la Guerre de Cent Ans. Face à ce blocage, le roi n'eût d'autre choix que de réunir les Etats Généraux.

Je simplifie un peu, la réunion des Etats de 1789 eût d'autres causes, mais nous devons rester dans le sujet.

Les révolutionnaires arrivés au pouvoir n'ont pas oublié que les juges avaient paralysé le pouvoir royal et contraint à la réunion des Etats. Loin de leur en savoir gré, ils ont compris que leurs belles lois seraient également lettres mortes si les parlements se permettaient de les discuter, de leur faire des remontrances, ou d'annuler leurs décisions. C'était pour eux hors de question. Invoquant la séparation des pouvoirs, principe qui n'a jamais été compris en France, et n'a JAMAIS bénéficié au pouvoir judiciaire [1], les révolutionnaires vont à jamais retirer aux juges le pouvoir de s'intéresser à l'action de l'administration.

C'est donc une loi des 16 et 24 août 1790, qui posera le principe en son article 13 :

Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations du corps administratif ni citer devant eux les administrateurs en raison de leurs fonctions.

Cette loi est toujours en vigueur, vous pouvez la trouver sur Légifrance.

Pour faire bonne mesure, les révolutionnaires vont reprendre en main la magistrature. Après une brève expérience d'élection des juges, sur l'exemple américain, les juges seront des agents publics, rémunérés par l'Etat. La vénalité des offices de juge est abolie[2]

Pour le pouvoir judiciaire, l'histoire s'arrête là. Il va docilement appliquer la loi de 1790, qui a été érigée depuis en principe à valeur constitutionnelle.

Le problème est que la réalité est têtue, et que supprimer les juges ne supprime pas les conflits. L'activité de l'Etat peut générer des dommages, peut prendre des formes illégales, et il est normal de pouvoir se défendre.

Dès 1791, des fonctionnaires sont chargés de juger ces litiges. Mais ils ne sont ni impartiaux ni forcément compétents, et les décisions de l'Etat ne sont pas susceptibles d'examen juridictionnel.

L'acte de naissance du droit administratif est la création du Conseil d'Etat, le 13 décembre 1799. Cette institution de jurisconsultes, conseillers du Premier consul, va également avoir un rôle juridictionnel, cette double facette n'ayant jamais disparu jusqu'à aujourd'hui. Et ainsi, parallèlement aux juridictions judiciaires traditionnelles, va apparaître un ordre de juridiction autonome, l'ordre administratif. Dans un premier temps, son rôle se limitera au contrôle de la légalité des actes de l'administration, en annulant les actes contraires à la loi.

Cette coexistence pose un problème de répartition des compétences pour certaines affaires un peu compliquées (la réalité a une imagination sans limite, les juristes le savent bien), ou quand l'Etat se comporte comme une personne ordinaire (en recrutant une personne par un contrat de travail, par exemple). En 1848, la IIe république va donc créer le Tribunal des Conflits, juridiction dont le seul rôle est de désigner l'ordre compétent, sans résoudre le litige au fond. C'est la seule juridiction à cheval sur les deux ordres, composée en nombre égal de conseillers d'Etat et de conseillers à la cour de cassation, présidée par le Garde des Sceaux, qui ne vote que pour départager. C'est également le seul tribunal qui rend des arrêts, le vocabulaire habituel voulant que les tribunaux rendent des jugements, et les cours, des arrêts. Le tribunal des Conflits est saisi dans deux types de cas, qu'on nomme conflit. Soit un conflit négatif, quand aucun tribunal ne se reconnaît compétent, soit un conflit positif, et que celui qui pensera qu'il s'agit de l'hypothèse où les deux tribunaux se déclarent compétents sorte sous les quolibets. Pourquoi voudriez-vous qu'un justiciable qui a un tribunal qui accepte de se prononcer aille demander à l'autre si lui aussi ne voudrait pas statuer ? Le conflit positif est quand le préfet du département prend un arrêté contestant la compétence du juge judiciaire au profit du juge administratif (uniquement dans ce sens, judiciaire vers administratif). Le tribunal des conflits tranche et renvoie l'affaire sans la juger devant le tribunal qu'il a déclaré compétent.

Le Tribunal des Conflits existe encore, puisqu'il a été saisi dans l'affaire du CNE par le gouvernement qui déniait au juge judiciaire (le Conseil de prud'hommes de Longjumeau et la cour d'appel de Paris) la compétence pour juger de la conformité d'une ordonnance, acte du gouvernement, à une convention internationale.

Et c'est le Tribunal des Conflits qui va faire parvenir le droit administratif à l'âge adulte, au lendemain de la chute du Second Empire, à la suite d'un banal accident sur la voie publique.

Le 3 novembre 1871, une fillette insouciante du haut de ses cinq ans et demi, et totalement ignorante que le destin du droit l'a marquée de son sceau, marche dans les rues de Bordeaux. Mais le malheur va frapper la petite Agnès Blanco, sous forme d'un wagon de la manufacture des tabacs de Bordeaux, poussé sans prudence par Henri Bertrand, Pierre Monet et Jean Vignerie, employés de cette manufacture. Le wagon va renverser Agnès et lui passer sur la cuisse, qui devra être amputée. Le père d'Agnès va assigner en justice devant le tribunal judiciaire les trois employés et l'Etat, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Jean. Le tribunal se déclare compétent, et le préfet de la Gironde, partie au procès et qui avait soulevé cette incompétence, prend un arrêté de conflit, que diable, on n'est jamais mieux servi que par soi même.

Le 8 février 1873, le tribunal des conflits, avec la voix de départage du Garde des Sceaux Jules Dufaure pour rompre l'égalité, va donner compétence au juge administratif, par cette formule célèbre chez les étudiants de deuxième année de droit :

Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ; Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître ; (...)

C'est l'arrêt Blanco.

Le droit administratif est né, il est majeur, et indépendant du droit privé, son père naturel. Désormais, il ne s'agit plus seulement de juger de la légalité des actes de l'administration, mais aussi de condamner l'Etat pour les dommages que cause son action. L'Etat devient responsable.

Aujourd'hui encore, le droit administratif fait partie de la branche du droit public, séparée du droit privé. Les juristes se divisent eux même, en imitation, entre publicistes et privatistes.

Les publicistes étudient et enseignent la Constitution, le droit international public (droit des relations entre Etats), mais plus prosaïquement aussi les contrats administratifs, les marchés publics, l'urbanisme, le droit fiscal, le droit de l'environnement, entre autres. Bref tous les droits où une des parties au moins est l'Etat au sens le plus large. Les privatistes quant à eux se consacrent aux droits où l'Etat n'est pas en cause : droit des contrats, droit du travail, droit de la famille, droit des successions, droit commercial...

Ce sont vraiment deux droits différents. Ce ne sont pas les mêmes textes qui s'appliquent, jusqu'à la procédure. Le droit administratif sera d'ailleurs un droit essentiellement prétorien, ce qui fait penser au droit anglo-saxon. Bien des principes résultent non pas d'une loi mais d'une jurisprudence du Conseil d'Etat, et il n'est pas de matière où l'on consacre plus de temps aux recherches et études de décisions antérieures. A tel point que si la bible des privatistes est le Code civil, celle des publicistes est le GAJA (prononcer gaja), le recueil des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative ; et un publiciste qui croit savoir que le Conseil d'Etat va rendre un Grand Arrêt est encore plus excité qu'une jeune fille qui va au bal.

Le droit administratif a donc sa poésie, avec des noms d'arrêts parfois exotiques (Arrêt Société Commerciale de l'Ouest Africain, dit arrêt du Bac d'Eloka, Tribunal des Conflits, 22 janvier 1921), historiques (Arrêt Prince Napoléon, Conseil d'Etat 19 février 1875), géologiques (Arrêt société des Granits porphyroïdes des Vosges, Conseil d'Etat 31 juillet 1912), politiques (Arrêt Cohn-Bendit, Conseil d'Etat, 22 décembre 1978), ou pas (Arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, Conseil d'Etat 30 mai 1930). Le Conseil d'Etat propose une sélection de ces grands arrêts sur son site.

Las, la réalité, encore elle, fait toujours voler en éclat les plus belles constructions intellectuelles. Cette belle séparation ne peut pas être absolue et il est des nombreux domaines juridiques qui empiètent des deux côtés de la frontière.

Le droit pénal, par exemple, concerne bien l'Etat et l'individu, puisque le premier se propose de priver le second de sa liberté ou d'une partie de ses biens (autrefois, de sa vie même) pour ne pas avoir respecté les règles qu'il a posées. Mais le droit pénal est pourtant du droit privé, car il relève par essence du pouvoir judiciaire. Ce qui n'empêche que le juge pénal doit pouvoir apprécier de la légalité des actes administratifs qui fondent les poursuites, par exemple de la légalité du refus de titre de séjour à un étranger poursuivi pour séjour irrégulier. C'est cette exception qu'a posé un arrêt du tribunal des conflits du 5 juillet 1951, Sieurs Avranches et Desmarets, et qui a été consacré par l'article 111-5 du code pénal. J'aime la lueur de panique qui apparaît dans le regard du juge correctionnel (expert du droit privé) quand je soulève une exception d'illégalité d'un arrêté préfectoral en invoquant de la jurisprudence du conseil d'Etat et des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers dont le magistrat en face de moi ne soupçonnait même pas l'existence ce matin en se levant....

Le droit fiscal est le postérieur entre deux chaises, la plupart des impositions relevant du droit public, mais celles frappant le patrimoine, concept de droit privé, relevant de ce dernier droit. Ainsi, si le Conseil d'Etat est le juge suprême en matière de TVA ou d'impôt sur le revenu, c'est devant la cour de cassation que vous irez chipoter vos droits de succession ou votre impôt de Solidarité sur la fortune.

Dernier exemple de droit à cheval entre les deux mondes, le droit des étrangers, que votre serviteur pratique assidûment, la délivrance des titres de séjour relevant exclusivement de l'autorité administrative, de même que les mesures de reconduite à la frontière, tandis que la répression du séjour irrégulier et la privation de liberté qu'entraîne une mesure d'éloignement par la force nécessite le contrôle du juge judiciaire.

Mais là, je me dois de respecter la séparation de l'ordre des billets, et je risque d'empiéter sur le domaine du second. Je me dois donc d'arrêter avant le conflit[3].

La suite, lundi.

Notes

[1] Dans la constitution de la Ve république, ce pouvoir est ravalé au rang d'autorité, et le garant de son indépendance est le président de la République, cherchez l'erreur.

[2] Sous l'ancien régime, les juges achetaient leur charge et pouvaient la revendre à leur successeur, comme c'est encore le cas pour les notaires et les huissiers de justice et les commissaires priseur.

[3] Seul les juristes apprécieront le jeu de mot contenu dans cette phrase.

mardi 10 juillet 2007

Avis de Berryer : Omar Harfouch

La conférence Berryer se mue de plus en plus en flashmob. Voici que la Conférence en annonce une pour ce jeudi 12 juillet 2007 à 21 heures pour d'émouvantes retrouvailles avec son repaire habituel, la chambre des Criées (Salle des pas perdus, à gauche).

L'invité sera Monsieur Omar Harfouch.

1er sujet : Faut-il fréquenter la Jet Set ?

2ème sujet : L’argent fait-il le bonheur ?

Le rapporteur de cette séance sera Monsieur Alexis Werl, Septième Secrétaire de la Conférence.

Il est nécessaire de se munir d’une invitation par personne et d’une pièce d’identité pour entrer au Palais le soir de la Berryer.

Les invitations sont disponibles ici : http://conferenceberryer.free.fr.

CNE, suite : Ceteris Paribus veut signer le certificat de décès.

Ceteris Paribus, dont je salue la résurrection du blog après un long sommeil, veut avoir le monopole de la vie après la mort et émet une respectueuse opinion dissidente à mon billet d'hier et insiste pour débrancher le respirateur du CNE.

Voilà qui me permet un commentaire un peu plus détaillé, la citation de l'arrêt de la cour m'ayant conduit à faire un billet fort long, et contraint à limiter mes commentaires.

Son argument le conduisant à être le fossoyeur du CNE est le suivant : la question principale n'est pas celle du motif de licenciement (doit-il être réel et sérieux, ne pas être abusif, ou être simplement valable ? Doit-il être notifié préalablement ou révélé devant le juge ?) mais celle de la procédure. L'article 7 de la convention 158 interdit le licenciement pour motifs personnels ou de travail sans que le salarié n'ait été eu la possibilité de s'expliquer. Si l'ordonnance du 2 août 2005 n'exclut pas la procédure spéciale en matière disciplinaire, elle en dispense bel et bien l'employeur pour des motifs liés au travail, ce qui caractérise la violation de la convention 158, et donc impose de signer le certificat de décès.

If I may answer...

Avec tout le respect que j'ai pour Ceteris Paribus, et il sait qu'il est grand, le raisonnement qu'il fait ici est un pur raisonnement de droit public appliqué à un problème de droit privé (ce qui me fait penser que ma note en la matière devient urgente). Le publiciste a l'habitude de juger de la légalité d'un acte, et de l'anéantir si ce principe de légalité n'est pas respecté. Le juge administratif, et en dernier lieu le Conseil d'Etat a le pouvoir de réduire à néant jusqu'aux décrets et ordonnances du gouvernement. Et c'est ce que fait Ceteris Paribus ici : il prend l'ordonnance du 2 août 2005, qui crée le CNE, il la compare à une norme supérieure (une convention internationale), constate que la première ne respecte pas les règles de la seconde, et en déduit l'illégalité de la première.

Le droit privé est plus souple dans son raisonnement, et c'est la rigidité dont fait preuve la cour d'appel de Paris que je critique précisément. Pour ma part, je pense qu'une interprétation de l'ordonnance du 2 août 2005 à la lumière de la convention 158 était possible, l'incompatibilité n'étant pas absolue. En l'espèce, il suffisait d'exiger de l'employeur, qui sait pourquoi il rompt le contrat, que préalablement à une rupture pour cause de travail, il donne à son salarié la possibilité de s'expliquer, sans avoir pour autant besoin de respecter les formalités de l'entretien préalable, qui ne sont pas exigées par la convention 158.

S'il rompt un CNE pour motifs lié au travail, et n'apporte pas la preuve qu'il a mis le salarié en mesure d'apporter ses explications (même par e-mail : "Cela fait trois jours que j'attends les contrats du dossier Ceteris et que vous me dîtes que vous me les enverrez le lendemain, mais je n'ai toujours rien reçu ; pourriez vous m'expliquer les raisons de ce retard ? La semaine dernière, j'ai déjà dû attendre deux jours pour une simple lettre à la société Paribus. Ca commence à faire beaucoup, je vous ai déjà manifesté mon mécontentement. J'attends vos explications avant de prendre une décision vous concernant."), il sera condamné pour un licenciement non valable au sens de l'article 7 de la convention 158.

On m'objectera que le CNE devient une usine à gaz, puisqu'il faut, outre le texte de l'ordonnance, tenir compte d'un autre texte et appliquer le premier en l'adaptant au second. Je suis d'accord. C'est le résultat inévitable de l'empilement de textes qui semble être la seule forme de réforme que les gouvernements successifs ont été capables de faire. Tout nouveau texte crée des zones d'ombre que les premières jurisprudences permettent d'éclairer. Les règles de compatibilité seront donc posées par la jurisprudence, et la chambre sociale de la cour de cassation a du pain sur la planche pour encore longtemps.

Mais franchement, la solution de la cour d'appel de Paris est-elle meilleure, qui écarte l'ordonnance en bloc, requalifie le CNE en CDI et constate que la rupture est automatiquement fautive pour l'employeur faute de lettre de licenciement motivée ? Et condamne un employeur à 15.000 euros de dommages intérêts pour un CNE qui a duré deux mois ?

Mise à jour : Perseverare diabolicum, Ceteris Paribus itère ses remontrances.

lundi 9 juillet 2007

La décision de la cour d'appel de Paris sur le CNE : le cadavre bouge encore

La cour d'appel de Paris a rendu vendredi dernier son arrêt final sur le Contrat Nouvelle Embauche (CNE). Final, car un premier arrêt avait été rendu sur la compétence du juge judiciaire pour examiner la question de la légalité du CNE, et un recours avait été exercé sur ce point. Je passe rapidement, je vous ferai bientôt un topo sur la merveilleuse séparation des autorités administratives et judiciaire en France.

La question de la compétence de la cour pour répondre à la question : le CNE est-il compatible à la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail ? a déjà été résolue en mars dernier : oui, la cour était compétente.

L'arrêt se divise en 6 parties, dont seules deux nous intéressent. Car au-delà de la question de la compatibilité du CNE avec cette convention, se posait le problème de Madame D., qui a été embauchée en juillet 2005 par Maître S., mandataire judiciaire, en qualité de secrétaire, par un CDD, à cause d'une surcharge de travail, pour une durée de six mois. Avant même l'expiration de ce CDD, Maître S. décidait d'embaucher Madame D. par un contrat Nouvelle Embauche, le 6 décembre 2005.

Le 27 janvier 2006, Maître S. rompait le CNR par une lettre recommandée, rupture effective après un préavis d'un mois. La salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Longjumeau pour contester ce licenciement.

Le 24 avril 2006, soit avec une célérité qui ferait rêver les justiciables d'un Conseil de prud'hommes proche, le Conseil de prud'hommes de Longjumeau a écarté l'application de l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le CNE comme contraire à la convention n°158 de l'OIT. Il a été fait appel de cette décision, ce qui nous amène devant la 18e chambre de la cour d'appel de Paris, là haut, tout là haut, sous les toits du palais.

Survolons rapidement les premiers points de l'arrêt : la cour écarte la responsabilité de l'employeur sur le défaut de convocation de la salariée par la médecine du travail, car il avait effectué toutes les démarches à cette fin ; elle rejette la demande de la salariée visant à voir requalifié en CDI le premier CDD de janvier 2005 ; elle rejette la demande de paiement d'heures supplémentaires, faute de preuve ; elle rejette également l'argument de la salariée contestant le recours à un CNE à l'égard d'un salarié présent dans l'entreprise, en relevant que le CDD arrivant à sa fin, on était bien en présence d'une nouvelle embauche.

Voici à présent les points numéro 5 et 6. En voici les considérants (et non les attendus : les décisions du premier degré, comme les conseils de prud'hommes, commencent par "attendu que...", les juridictions supérieures utilisant "considérant que..." ; le sens est strictement le même.)

5° Sur la conventionalité du contrat “nouvelles embauches”

Par conventionalité, il faut comprendre : compatibilité de l'ordonnance du 2 août 2005 avec la convention 158 de l'OIT.

Considérant que le ministère public a relevé appel du jugement qui a dit que l’ordonnance du 2 août 2005, créant le contrat “nouvelles embauches” est contraire à la convention n° 158 de l’organisation Internationale du Travail (OIT);

Considérant que par décision du 19 mars 2007, le tribunal des conflits a annulé l’arrêté du préfet de l’Essonne en date du 31 octobre 2006 qui a décliné la compétence du juge de l’ordre judiciaire pour connaître de l’exception d’illégalité de l’ordonnance du 2 août 2005;

C'est la décision confirmant la compétence de la cour d'appel de Paris pour juger de cette conventionalité.

Qu’ en conséquence , Melle D. et les parties intervenantes au litige sont fondées à invoquer les dispositions de la Convention n° 158 de l’OIT devant la chambre sociale de la cour et cette dernière est compétente pour statuer sur la conventionalité de l’ordonnance précitée,

Précision très importante de la cour, qui a échappé à bien des journalistes :

Considérant cependant que cette compétence, exercée par voie d’exception, ne peut avoir pour effet d’exclure l’ordonnance en cause de l’ordre juridique interne, mais seulement d’en écarter éventuellement l’application à la présente instance ;

hé oui : la cour d'appel de Paris n'a pas abrogé l'ordonnance du 2 août 2005 : elle n'en a pas le pouvoir. Elle écarte son application à cette affaire. L'ordonnance du 2 août 2005 reste en vigueur, tout comme les CNE qui ont été signés et seront encore signés. Bien sûr, vous le verrez, elle laisse lourdement entendre qu'elle statuera comme ça pour toute demande liée à une rupture de CNE.

Considérant qu’il n’est contesté par aucune des parties au litige que la Convention n°158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, adoptée à Genève le 22juin 1982 par l’OIT, et entrée en vigueur en France le 16 mars 1990, est directement applicable par les juridictions françaises;

Que par arrêt en date du 29 mars 2006, la cour de cassation s’est prononcée pour cette solution en ce qui concerne les articles 1, 2§b et 11 de la convention; que les articles 4,7, 8,9 et 10 de la Convention n°158 en cause dans le présent litige, constituent des dispositions à caractère obligatoire et normatif dont la formulation complète et précise, rend inutile l’adoption de règles d’application ; que les articles précités sont donc directement applicables en droit français;

Considérant enfin qu’il n’est pas davantage discuté que, tant en application de l’art 55 de la Constitution, qu’en conformité avec la jurisprudence définie par l’arrêt Jacques Vabre rendu par la cour de cassation, le 24 mai 1975, la primauté du droit international sur la loi française, a pour effet d’écarter cette dernière si elle déroge à une norme supérieure ;

Rien à redire. Kelsen applaudit de sa tombe.

Qu’il importe peu, à cet égard, que le rédacteur de l’ordonnance du 2 août 2005 ait omis de faire référence à la convention n°158 puisque le contrôle de conventionalité s’impose au juge lorsqu’ il est saisi de ce moyen; que le seul effet de cette omission est de présumer que le Gouvernement n’a pas entendu écarter les dispositions de la norme internationale;

Ce considérant répond expressément à l'argument d'une des parties qui soutenait que l'ordonnance du 2 août 2005 ne visant pas la convention 158, elle ne lui était pas applicable. Ca ne tenait pas une seconde, en effet, la cour y répond fort bien. Las, juste après cette motivation irréprochable, c'est la sortie de route.

Considérant que le contrat "Nouvelle Embauche” créé par l’ ordonnance du 2 août 2005 concerne les entreprises du secteur privé et les associations employant au plus 20 salariés ; que suivant les dispositions de son article 2:

ce contrat est soumis aux dispositions du code du Travail à l’exception, pendant les deux premières années courant à compter de sa date de conclusion, de celles des articles L.122-4 à L.122-11, L.122-13 à L.122-14-14 et L321-1 à L.321-17 de ce code

Qu’il en résulte que durant ce délai qualifié de “période de consolidation” par le Gouvernement et de “période de précarité”par certains commentateurs, sont exclues les règles relatives à l’examen par le juge de la régularité et du caractère réel et sérieux du licenciement, à la motivation de la lettre de licenciement, à l’entretien préalable, au délai de préavis, à la notification du licenciement, à l’indemnité légale de licenciement, et à l’indemnisation d’un licenciement irrégulier et abusif ;

Patatras. Avec tout le respect que je dois à la cour d'appel de Paris, je crois que là, il y a une erreur qui constitue un moyen de cassation assez solide. La citation des articles du code du travail est exacte, mais faire dire à l'ordonnance du 2 août 2005 qu'en écartant ces articles, le législateur a entendu exclure les règles relatives à l’examen par le juge de la régularité et du caractère réel et sérieux du licenciement, c'est en faire une fausse application. Il suffit de lire ces articles du Code du travail pour s'en rendre compte. Aucun de ces articles ne mentionne la faculté pour le salarié de contester la rupture du contrat de travail, que ce soit sa régularité ou sa cause réelle et sérieuse. Cette faculté repose sur le principe, valable pour tout contrat, que celui-ci doit être exécuté de bonne foi (article 1134 du code civil et L.120-4 du Code du travail), la rupture du contrat faisant partie intégrante de son exécution, et que c'est au juge d'apprécier cette bonne foi. Or l'ordonnance du 2 août 2005 n'écarte pas l'application de ces articles. Il est parfaitement possible de contester la rupture d'un CNE devant le conseil de prud'hommes, selon les règles de droit commun applicable à tout contrat de travail, car le CNE est un contrat de travail.

L'ordonnance, oui, exclut la procédure habituelle de licenciement : entretien préalable, délai de réflexion, lettre de licenciement motivée, sauf pour une rupture disciplinaire (faute du salarié). Mais en rien l'examen par le juge de la légalité du licenciement. Or cette affirmation erronée se situant en tête du raisonnement, elle le vicie en son entier, et la cour de cassation aurait du mal à ne pas casser ici.

Que la justification par le pouvoir réglementaire du régime juridique dérogatoire de ce nouveau contrat doit être recherché dans les explications données au Parlement à l’occasion du vote de la loi d’habilitation du 26juillet 2005 et dans le rapport adressé par le ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement au Président de la République;

Considérant que la convention n°158 dispose dans son article 4 :

“Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service .“

Considérant que le ministère public relève que la dérogation à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement n’implique pas nécessairement que l’ordonnance du 2 août 2005 ait écarté l’exigence d’un motif valable au sens de l’art 4 précité; qu’ainsi un juge ,qui peut toujours être saisi de la contestation d’un licenciement, aura la possibilité de rechercher le caractère valable du licenciement tout en excluant l’examen d’une cause réelle et sérieuse;

Considérant qu’il convient de relever à cet égard [...] qu’à défaut de notification d’un motif de rupture, il appartiendra au salarié, contestant son licenciement devant le juge, de supporter la charge de la preuve d’un abus de droit de son employeur ;

Pas d'accord. La cour met la barre trop haut en laissant entendre que seul l'abus de droit (qui implique l'intention de nuire) de rupture d'un CNE pourra être sanctionné et en mettant le fardeau de la preuve sur le salarié. Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi : un simple défaut de bonne foi suffit à fonder une sanction. Tout comme la cour a dit dans ce même arrêt, sur le passage relatif aux heures supplémentaires, que « la preuve des heures supplémentaires n'appartient spécialement à aucune des parties », la cour aurait tout à fait pu estimer, en se fondant sur l'article L.120-4 du code du travail et les textes internationaux, qu'en cas de contestation du licenciement par le salarié, l'employeur est tenu de fournir des explications au juge, faute de quoi, le juge pourra en déduire une faute dans la rupture. Le CNE dispense de fournir des motifs dans la lettre de licenciement, mais certainement pas devant une juridiction.

Que sur ce point, le Conseil Constitutionnel dans une décision rendue le 9 novembre 1999 a posé les limites constitutionnelles à la liberté de rompre unilatéralement un contrat:

“...L'information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture devant toutefois être garanties”

Pour la petite histoire, c'est la décision portant sur le PaCS.

Que la simple notification de la rupture prévue par l’ordonnance du 2 août 2005, n’équivaut pas à l’information exigée ;

...ce qui ne libère donc pas l'employeur de son obligation d'information, mais ne caractérise certainement pas sa violation.

Que de plus le conseil constitutionnel, dans cette même décision souligne que certains contrats nécessitent une protection de l’une des parties ; que le contrat de travail appartient à cette catégorie de contrat dans lequel le salarié se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son cocontractant ; que contrairement aux impératifs que le conseil constitutionnel impose au législateur, le contrat “nouvelles embauches” ne contient aucune précision sur les causes permettant la résiliation lorsqu’une des parties doit être protégée ;

Voilà que la cour parle pour le Conseil constitutionnel, maintenant, et lui fait clairement dire ce qu'il n'a pas dit, car dans cette décision, le Conseil constitutionnel a validé une loi prévoyant la rupture d'un contrat, le PaCS, sans que celui à l'origine de la rupture n'ait à expliquer les causes de cette rupture, et pourquoi ? Parce que le droit du partenaire à réparation en cas de rupture fautive est réservé. Pourquoi n'en irait-il pas de même avec le CNE ?

Considérant que le conseil constitutionnel, saisi de recours contre la loi d’habilitation du 26 juillet 2005 n’a pas manqué de rappeler les principes qu’il a dégagé en déclarant que la loi d’habilitation “ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l’article 38 de la Constitution, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les normes internationales ou européennes applicables” ;

Je rappelle que le gouvernement ne peut agir par ordonnance qu'en vertu d'une loi d'habilitation préalable du parlement, ici la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

Considérant, que les conclusions du ministère public qui a, sur ce point, adopté la solution défendue par le commissaire du Gouvernement devant le Conseil d’Etat saisi d’un recours en annulation, tendent à admettre que le motif valable puisse être implicitement contenu dans la décision de rompre le contrat, de sorte que l’ordonnance du 2 août 2005 ne dérogerait pas sur ce point à l’art 4 de la convention n° 158 ;

Une ordonnance, même si elle agit dans le domaine de la loi, est un texte gouvernemental, et comme tel, peut être contesté devant le Conseil d'Etat. Ce fut le cas par un recours diligenté par les principales centrales syndicales, recours qui a été rejeté. Voir mentionner de la jurisprudence administrative dans une décision judiciaire est fort rare. La jurisprudence du conseil d'Etat ne liant nullement le juge judiciaire, celle ci est mentionnée pour l'anecdote, et la cour rappelle aussitôt qu'elle pense autrement :

Que cependant, dans cette hypothèse ,encore faut-il admettre que le motif réel et sérieux de licenciement dont l’employeur est dispensé de rapporter la preuve, est différent du motif valable que le rédacteur de l’ordonnance aurait laissé subsister, peut-être par inadvertance mais au moins par référence implicite à la convention n° 158 ;

J'aime trop l'ironie pour ne pas apprécier cette "inadvertance", mais je ne suis pas sûr que la formule prospère Quai de l'Horloge. Là encore, la cour continue dans son affirmation que l'employeur est dispensé d'apporter la preuve du motif de rupture. I respectfully dissent[1], comme on dit en droit anglo-saxon. Il suffirait que la cour, lors des débats, ait exigé de l'employeur qu'il fournisse les motifs de son licenciement et les preuves de leur bien fondé pour que l'ordonnance soit conforme à la convention 158. Au lieu de cela, elle l'interprète de façon à ce qu'elle soit incompatible. Entre deux interprétations, une aboutissant à l'applicabilité du texte et l'autre non, la cour de cassation préfèrera, je le crains, la première.

Considérant , sur ce point, que la recommandation R119 sur la cessation de la relation de travail adoptée par l’OIT le 26 juin 1963 et qui a servi de base à la rédaction de la convention n°158 précise :

"La définition ou l’interprétation d’un tel motif valable devrait être laissée aux méthodes d’application prévues au paragraphe I ";

Que ces méthodes d’application sont soumises aux règles suivantes :

La présente recommandation pourra être appliquée par voie de législation nationale ...ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière qui serait conforme à la pratique nationale et semblerait appropriée, compte tenu des conditions propres à chaque pays."

Considérant que le droit positif français, tel qu’il résulte des textes législatifs et de leurs applications jurisprudentielles considère que, pour être valable, un licenciement doit reposer sur un motif réel et sérieux.

Que si la terminologie employée par la convention n°158 est différente de la formule retenue en droit interne, il apparaît que son contenu est identique puisque c’est par référence à la pratique nationale qu’il convient de définir le motif valable ;

Qu’il en résulte, qu’en excluant la nécessité d’asseoir la rupture du contrat “nouvelles embauches” sur un motif réel et sérieux, l’ordonnance du 2 août 2005 déroge à l’art 4. de la convention n°158 ;

...sauf si on considère qu'asseoir sur ne signifie pas nécessairement notifier préalablement à.

Considérant que la convention n°158 dispose dans son article 7 :

Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité."

Considérant que le régime juridique du contrat “nouvelles embauches” supprime temporairement la procédure préalable au licenciement: convocation à l’entretien préalable, entretien sur les motifs du licenciement envisagé, délai de réflexion; qu’il déroge aux dispositions de la convention n°158 ;

Qu’en souscrivant à ce constat, le ministère public limite la portée de la dérogation en rappelant que les licenciements prononcés pour motif disciplinaires sont soumis à la procédure de l’art L. 122-41 C. Trav qui n’a pas été exclue par l’ordonnance du 2 août 2005 ; qu’il acquiesce ainsi à la position adopté par le Conseil d’Etat dans sa décision du 19 octobre 2005 rejetant le recours en annulation de l’ordonnance du 2 août 2005:

si l’obligation de respecter une procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcés pour un motif disciplinaire a le caractère d’un principe général du droit du travail, il ne résulte pas de ce principe qu’une telle procédure devrait être respectée par l’employeur dans les autres cas de licenciement fondés sur des motifs inhérents à la personne du salarié ;"

Que la reconnaissance d’un nouveau principe général de droit du travail, s’accompagne ici de l’exclusion non explicitée de tous les licenciements liés à la personne du salarié subissant néanmoins la même sanction que le salarié qui "bénéficie" d’une procédure disciplinaire ;

Que cette distinction peut d’autant moins justifier une dérogation à l’art 7 de la convention n° 158 que, précisément cet article englobe les deux catégories de licenciement en visant “des motifs liés à sa conduite ou à son travail”,

Qu’en dérogeant expressément à l’unité du droit du licenciement posé par la convention n° 158 , l’ordonnance du 2 août 2005 déroge plus particulièrement à son article 7;

Considérant , au surplus, que cette distinction est inopérante dès lors que l’employeur n’a pas à motiver les raisons de la rupture du contrat et qu’il appartient alors au salarié qui entend se prévaloir des dispositions de l’art. L. 122-41, de rapporter la preuve qu’il a fait l’objet d’un licenciement disciplinaire au risque de convaincre le juge que ce motif était fondé ;

La cour bat ici en brèche l'argument du Conseil d'Etat relevant que l'ordonnance n'écartait pas la procédure contradictoire préalable au licenciement aux cas disciplinaires. Elle relève que l'employeur étant dispensé de présenter les motifs de la rupture, il pourrait aisément rompre un CNE pour motif disciplinaire sans respecter la procédure prévue aux articles L.122-40 et suivants. Le problème est que cet argument ne tient qu'en interprétant l'ordonnance du 2 août 2005 comme dispensant l'employeur d'apporter la preuve que la rupture est fondée. Si, comme je le fais, on comprend l'ordonnance comme dispensant d'une motivation préalable dans une lettre encadrant rigoureusement le débat judiciaire, la solution apparaît alors très simple : si les débats révèlent que la rupture avait une cause disciplinaire, le simple non respect de la procédure disciplinaire caractérise le licenciement fautif.

Considérant que les articles 8 et 9 de la convention n° 158 définissent les conditions dans lesquelles peuvent être exercés les recours contre le licenciement ainsi que le régime de la preuve ;

Considérant qu’il n’est pas contestable que le contrat “nouvelles embauches” ne prive pas le salarié d’accéder à une juridiction pour contester un licenciement qu’il estime injustifié et qu’il peut être accordé au crédit des auteurs de l’ordonnance du 2 août 2005 de ne pas avoir institué un droit de licencier discrétionnaire, échappant à tout contrôle juridictionnel ;

Considérant cependant que l’art 9. de la convention n°158 dispose que la juridiction saisie devra “être habilitée à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et décider si le licenciement était justifié.” ; que là encore, la théorie de la motivation implicite se heurte à la contradiction insurmontable de demander à un juge d’apprécier le bien fondé d’un licenciement sans qu’il puisse exiger de l’employeur qu’il rapporte la preuve de son motif ;

Je ne vois pas ce qui empêcherait le juge d'exiger de connaître les motifs du licenciement et d'en voir les preuves sous peine de déclarer le licenciement fautif. C'est l'article 8 du nouveau code de procédure civile qui lui en donne le pouvoir : « Le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait qu'il estime nécessaires à la solution du litige. »

Considérant qu’il ressort de l’examen comparé des dispositions de la convention n° 158 avec le texte de l’ordonnance du 2 août 2005 que ce dernier ne satisfait pas à l’exigence de conventionnalité qu’il devait respecter à l’égard d’une norme supérieure ;

Reste la dernière question : le CNE ne tombe-t-il pas dans la catégorie des exceptions autorisées à la convention 158 ?

6°) Sur l’exclusion du champ d’application de la convention n°158

Considérant que la convention précitée prévoit dans son article 2 qu’un membre pourra exclure du champ d’application de l’ensemble ou de certaines de ses dispositions les catégories de salariés énumérées à l’article 2-2.b: “les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable”;

Considérant que l’application de ce texte à l’ordonnance du 2 août 2005 est contestée

Qu’ainsi la Confédération Générale du Travail soutient que le délai de deux années institué par l’ordonnance précitée doit ,à la lumière des travaux préparatoires ,se comprendre comme une période de consolidation dans l’entreprise destinée à vérifier la viabilité de l’emploi, et non pas d’une période d’ancienneté requise au sens de la convention n°158 et fondée sur la situation du salarié au sein de l’entreprise;

Qu’en conséquence, pour la CGT, le fondement du régime dérogatoire de l’ordonnance du 2 août 2002 se serait pas l’art 2-2 b précité mais l’article 2-4 qui prévoit également un régime d’exclusion de la convention pour “certaines catégories de travailleurs salariés dont les conditions d’emploi sont soumises à un régime spécial...

Que cependant, les dispositions de l’ordonnance du 2 août 2005 définissent seulement des catégories d’employeurs qui peuvent y recourir et non des catégories de salariés soumis à un régime spécial ; que cette seule circonstance que leur contrat n’est pas soumis pendant deux années à l’ensemble des dispositions du code du travail, ne les constituent pas en une catégorie spéciale de salariés mais crée à l’égard de tous la même condition suspensive de droits liée à leur ancienneté ; qu’il convient donc de considérer que l’ordonnance du 2 août 2005 entre dans le champ d’exclusion prévu par l’art 2-2.b précité;

Considérant d’autre part que le ministère public appelant conteste l’analyse retenue par les premiers juges selon lesquels, la période de deux ans constitue une période d’essai ; que si la période d’essai doit se définir comme le délai durant lequel l’employeur et le salarié apprécient l’adaptabilité de ce dernier à son emploi, l’ordonnance du 2 août 2005 ne donne aucune indication sur la nature de ce délai de deux années; que son seul objet est d’ouvrir à son terme, l’applicabilité de l’ensemble du code du travail au salarié; que cet écoulement mécanique du temps caractérise l'acquisition de l'ancienneté qui n'est pas soumise, comme une période de formation qui peut être prolongée, à une appréciation subjective des cocontractants;

Que la perception que les usagers du contrat “nouvelles embauches” peuvent avoir de cette période de deux années est inopérante pour en déterminer la nature juridique car la motivation des parties pour user de cette faculté ne peut se substituer à la qualification de ce délai ;

Considérant que pour valider le régime d’exclusion posé par l’art 2 de l’ordonnance du 2 août 2005, il convient de rechercher si le délai de deux ans, est conforme aux prescriptions de la convention n° 158 qui enferme la période dérogatoire dans une “durée raisonnable”;

Qu’il ne peut être ici ignoré que le Conseil d’Etat dans son arrêt précité du 19 octobre 2005 a considéré que cette période de deux années présentait un caractère raisonnable “eu égard au but en vue duquel cette dérogation a été édictée et à la circonstance que le contrat nouvelles embauches est un contrat à durée indéterminée”

Considérant que c’est également à un contrôle de proportionnalité auquel invite le ministère public en prenant soin de souligner que les termes de la comparaison ne sont pas ceux de la période d’essai ; que le rapport au Président de la République expose clairement que le contrat “nouvelles embauches” a été créé pour surmonter les réticences de ces chefs d’entreprises qui “hésitent encore trop souvent à embaucher, même lorsque leur plan de charge immédiat le leur permettrait ;

Qu’ainsi le souci d’encourager les recrutements pérennes au détriment du recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée, constitue un objectif justifiant les pouvoirs donnés au Gouvernement par la loi d’habilitation;

Considérant que si le principe d’exclusion admis par la convention 158 trouve un juste fondement dans une politique volontariste de l’emploi, il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier le caractère raisonnable de la duré de l'atteinte portée aux droits des travailleurs salariés;

Qu’en l’espèce, durant une période de deux années, le contrat ”nouvelles embauches” prive le salarié de l’essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 et dans laquelle la charge de la preuve de l’abus de la rupture incombait au salarié ; que cette régression qui va à l’encontre des principes fondamentaux du droit du travail, dégagés par la jurisprudence et reconnus parla loi ,prive les salariés des garanties d’exercice de leur droit au travail ; que dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier et qu’il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements ;

Cette dernière portion de phrase a fait les gorges chaudes de la presse. Outre qu'elle est fausse, car protéger juridiquement une situation contractuelle la rend plus difficilement accessible, elle n'est absolument pas juridique et constitue une critique expresse du travail du législateur.

Qu’il convient enfin de relever qu’aucune législation de pays européens comparables à la France, n’a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail ;

A supposer qu'ils soient effectivement privés de ces droits, ce qui est très douteux, la jurisprudence acceptant même d'examiner l'abus du droit de rompre la période d'essai de deux mois prévu en droit commun.

Que dans ces conditions le contrôle de proportionnalité ne permet pas de considérer que le délai de 2 années institué par l’ordonnance du 2 août 2005 soit raisonnable ; qu’en conséquence, ce texte ne peut invoquer à son profit le bénéfice implicite de la dérogation temporaire instituée par la convention n° 158 à son application ;

"Ce texte ne peut invoquer à son profit" ? Lapsus révélateur : c'est à l'ordonnance du 2 août 2005, devenue partie, que l'on fait un procès, maintenant.

Que les dispositions de l’ordonnance précitée créant le contrat ”nouvelles embauches” étant contraires à la convention n°158 de l’OIT, ont été appliquées à tort par M. S. de sorte que contrat de travail conclu avec Melle D. doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun ;

La cour requalifie donc le CNE en CDI, constate que Monsieur S. n'ayant pas motivé le licenciement, celui-ci doit être regardé comme sans cause réelle et sérieuse, et le condamne à payer 1000 euros au titre de la période d'essai irrégulière, 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive, et 2000 euros pour non respect de la procédure de licenciement. Oui : 15.000 euros pour un contrat conclu le 6 décembre 2005 et rompu le 27 janvier 2006...

S'il est un ultime argument qui démontre le vice du raisonnement de la cour, c'est bien sur cette conclusion. La cour dit que l'employeur a commis une faute en appliquant les dispositions d'une ordonnance qui est encore en vigueur à l'heure où j'écris ces lignes, non pas car il l'a en connaissance de cause appliquée à une situation où elle n'avait pas vocation à le faire (cet argument a été soulevé par la salarié et expressément rejeté par la cour) mais parce que ce texte était selon elle contraire à la convention 158. L'employeur est condamné à 15 000 euros de dommages intérêt pour n'avoir pas deviné l'interprétation de la convention 158 par la cour. C'est d'autant plus critiquable que dès lors que la cour écarte l'ordonnance, la messe est dite. Elle applique le droit commun qui exige une lettre de licenciement motivée qui limite le débat : or ici il n'y a pas eu de lettre de licenciement motivée en application de l'ordonnance. Le licenciement est donc forcément abusif, l'employeur n'est plus admis à apporter de preuve. Il y a une rétroactivité et aucune prise en compte de la bonne foi de l'employeur, qui aboutissent à faire payer cher à l'employeur les turpitudes que la cour reproche au législateur.

Cette décision me paraît donc fort critiquable, et j'aurais tendance à penser qu'elle ne survivrait pas à l'examen de la cour de cassation si un pourvoi devait être introduit. Mais en prononçant une telle somme de dommages intérêts pour un contrat qui n'a pas duré deux mois, la cour semble s'assurer qu'un tel pourvoi sera formé.

Notes

[1] Je diverge respectueusement. Formule concluant les opinions dissidente des juges des cours suprêmes.

dimanche 8 juillet 2007

In memoriam : la grâce du 14 juillet

Le président de la république a annoncé la rupture d'une tradition remontant à François Mitterrand (Elles étaient systématiques depuis 1991) : l'octroi de grâces collectives le 14 juillet de chaque année.

Ces grâces s'appuyaient sur l'article 17 de la Constitution, qui prévoit que le président de la République dispose du droit de grâce. Rappelons que la grâce s'entend d'une dispense totale ou partielle d'avoir à exécuter une peine, ou de la commutation d'une peine en une autre : elle ne fait pas disparaître la condamnation, qui reste inscrite au casier judiciaire et fonde une éventuelle récidive (ce qui la distingue de l'amnistie, qui ne peut résulter que d'une loi votée par le parlement).

C'est un droit discrétionnaire. Il n'a pas à être motivé, pas plus que le refus d'en faire usage, et ne peut faire l'objet d'un recours. Il a un côté archaïque, puisqu'il nous vient de l'ancien régime, quand le roi était fontaine de justice : c'était lui seul qui avait le pouvoir de rendre la justice, et les juges n'agissaient que sur sa délégation, délégation qu'il pouvait reprendre à tout moment pour statuer lui-même.

Nicolas Sarkozy n'a pas renoncé au droit de grâce en lui-même, et c'est heureux. Le droit de grâce peut jouer un rôle d'apaisement, voire de réparation urgente d'une erreur judiciaire avérée. Mais il faut reconnaître ce qui est : depuis l'abolition de la peine de mort, le droit de grâce a perdu l'essentiel de son intérêt. François Mitterrand avait donc inauguré cette tradition des grâces collectives, car on sait combien il était attaché à l'aspect monarchique de sa fonction.

Exeunt donc les grâces du 14 juillet. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

D'un point de vue strictement personnel, je les regrette. J'ai quelques clients qui auraient pu en profiter, et un mois de détention en moins, c'est toujours ça de pris.

D'un point de vue plus général, je dois bien dire que non. Ces grâces avaient certes pour effet de diminuer grandement la population carcérale, mais cet effet était très limité dans le temps, et surtout, c'est une solution-rustine à un problème bien plus grand : l'insuffisance du parc carcéral. Problème qui risque de s'aggraver sérieusement avec le vote prochain de la loi sur les peines plancher.

Mais autant un retour à la liberté aménagé, suivi par un juge d'application des peines, précédé de permissions de sortie permettant la recherche d'un logement et d'un emploi, qui aboutissait à une période de liberté conditionnelle avant la liberté pure et simple de la fin de peine, a d'excellents résultats en terme de récidive, autant un retour non préparé à la liberté peut être désastreux. Un voleur qui volait parce qu'il n'avait pas d'emploi se retrouvant brutalement dehors, toujours sans emploi, sans logement et sans argent, a de grandes chances de se "débrouiller" en faisant la seule chose qu'il sache faire et qui rapporte tout de suite. Les comparutions immédiates de juillet et août voyaient passer nombre de ces récents libérés qui avaient gâché cette opportunité.

Car si une incarcération est une expérience violente, un retour à la liberté peut l'être aussi, même pour un primo-délinquant. En prison, le temps passe lentement, on est oisif, mais aussi déresponsabilisé. Dormir, manger ne sont pas des soucis (si on arrive à dormir avec des cris qui résonnent et qu'on aime la soupe froide). Quand sa vie se résume pendant des mois à 9m², deux heures de promenade, et quelques ateliers quand les gardiens n'oublient pas de venir vous chercher, se retrouver à la rue, ou pour les plus chanceux revenir chez soi, pouvoir sortir à tout moment, ou tout simplement pouvoir ouvrir soi même une porte, cela peut donner un vertige, une ivresse mais pas forcément euphorique. Il y a une phase dépressive post-libération pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir une famille et un travail qui les attend. La République ne se rend pas compte de tout ce qu'elle doit aux enfants de détenus et aux employeurs qui acceptent d'embaucher d'anciens taulards. Il y a des médailles qui se perdent.

Et plus la peine a été longue, plus le choc est rude. Dehors, beaucoup de choses ont changé, même en quelques mois. A tel point que beaucoup de prisonniers demandent à bénéficier du droit à reporter leur sortie au lendemain matin pour éviter le souci de la première nuit dehors, alors qu'on pourrait croire qu'ils n'ont pas envie de passer une minute de plus en prison.

Donc ces grâces collectives créaient un risque accru de récidive, ce qui aurait été paradoxal pour un gouvernement qui est en train de faire voter des peines plancher pour lutter contre la récidive (quand bien même l'effet à en attendre est quasi-nul).

Je ne les regretterai donc pas, ces grâces. Mes clients, un peu plus, sans doute. Mais leur disparition rend encore plus prégnante l'obligation pour l'Etat de se doter de places de prison en nombre suffisant, et de développer les alternatives à l'incarcération.

Et las, de ce point de vue, rien à l'horizon.

jeudi 5 juillet 2007

Le jugement dans l'affaire Petite Anglaise

Le Conseil de prud'hommes de Paris vient de notifier le texte de son jugement à Petite Anglaise et à son employeur, ce qui fait courir le délai d'appel. En attendant de savoir s'il y aura un deuxième round, voici ce qu'a donné le premier.

Je vous rappelle que le Conseil de prud'hommes statue saisi par Petite Anglaise, en contestation d'une décision de licenciement, qui juridiquement est la résiliation unilatérale d'un contrat. Le litige est strictement circonscrit aux faits contenus dans la lettre de licenciement : seuls ceux-ci peuvent faire l'objet d'une discussion devant le Conseil, et c'est à eux que le Conseil va répondre.

Le Conseil, confronté à des questions juridiques, a voulu faire du droit. Il faut lui rendre cet hommage, quand bien même ses attendus sont parfois d'une rédaction, disons-le, un peu bancale.

Je commence directement aux motifs de la décision, et insère mes commentaires. J'ai substitué aux prénom et nom de la demanderesse son pseudonyme internet par égard pour sa vie privée ; je n'ai pas fait de même pour son employeur car il s'agit d'une personne morale qui, partant, n'a pas de vie privée.


Attendu que d’une part le contrat de travail doit, comme tout contrat de droit commun, être exécuté de bonne foi suivant les dispositions de l’article L.120-4 du Code du Travail et 1134 du Code Civil ;

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le Conseil a examiné les faits ;

Attendu qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement et qu’il doit constater la matérialité des faits allégués comme caractérisant une faute professionnelle invoquée par l’employeur; qu’en énonçant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse sans constater que les faits allégués comme caractérisant la faute professionnelle du salarié étaient établis, au regard de l’article L. 122-14-3 du Code du Travail ;

Oui, il manque un bout à cette dernière phrase. Le Conseil rappelle les règles qu'il va appliquer : le licenciement doit reposer sur des faits précis, articulés et prouvés, et seul le Conseil est compétent pour décider s'il constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Attendu que la lettre de licenciement est suffisamment motivée et répond aux exigences posées de l’article L.122-14-2 du Code du Travail dans la mesure où elle permet au juge du fond de pouvoir vérifier tout à la fois le caractère réel et sérieux des griefs retenus à l’encontre de la salariée pour la licencier ;

Premier point pour Dixon Wilson, la lettre est, en la forme, suffisante. Je l'avais déjà relevé.

Attendu que le blogger (ou blogueur), puisque c'est le nom qu'on lui donne, est bien, au sens de la loi, “éditeur d'un service de communication publique en ligne”. Qu’il est responsable des contenus diffusés et doit s’identifier soit directement en ligne par ce que l’on appelle la “notice légale” soit, s’il s’agit d’un blog non professionnel, auprès de son hébergeur ;

C'est la LCEN, fort bien résumée.

Attendu que la liberté d’expression est un droit fondamental reconnu dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Science et la Culture (UNESCO), le Pacte international Relatif aux Droits Civils et Politiques, ainsi que dans d’autres instruments internationaux et constitutions nationales; que la FRANCE est assujettie au cadre juridique établi pas les principes de l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'homme que le Conseil réaffirme la teneur de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, lequel stipule que le droit à la liberté d’expression comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières et par n’importe quel moyen de communications ;

Attendu que le Conseil considère l’importance de la liberté d’expression pour le développement et la protection des Droits de l’Homme, le rôle fondamental que lui reconnaît la Commission Européenne des Droits de l'Homme et le plein appui manifesté a l’égard de la création du Bureau pour la liberté d’expression, comme instrument fondamental pour la protection de ce droit ;

Ces paragraphes me plongent dans des abîmes de perplexité. Je crains fort que le Conseil n'ait purement et simplement inventé la première convention citée ; je passe sur l'invocation des constitutions nationales étrangères, qui sont juridiquement inapplicables à l'espèce, pour saluer la réaffirmation solennelle de la teneur de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme par le Conseil de Prud'hommes de Paris, section activités diverses. Pour résumer plus sobrement : le Conseil rappelle que la liberté d'expression est une valeur fondamentale, qu'il entend bien protéger dans les dossiers qui lui sont soumis. Mais le Conseil ne s'arrête pas là.

Attendu que la liberté de la presse est essentielle à la réalisation de l’exercice effectif et total de la liberté d’expression et qu’elle est indispensable au fonctionnement de la démocratie représentative, par l’entremise de laquelle les individus exercent leur droit de recevoir, de diffuser et de rechercher de l’information qu’il est de nature que la liberté d’expression, sous toutes ses formes et manifestations, est un droit fondamental et inaliénable de toute personne qu’elle est également indispensable à l’existence même de toute société démocratique ;

Je ne crois pas que le cabinet Dixon Wilson ait un seul instant prétendu le contraire. J'ai l'impression que le Conseil, lors de son délibéré, qui était à l'époque du procès Charlie Hebdo, n'ait été particulièrement sensibilisé au problème de la liberté d'expression. Fort bien, elle était effectivement en cause ici ; mais précisément le monde du travail est un monde qui impose une limite à la liberté d'expression, notamment en obligeant le salarié à fournir un travail plutôt que recevoir, diffuser et rechercher de l’information. C'est dans la limitation acceptable à cette liberté que se situe le problème, pas dans la proclamation d'une liberté que nul ne conteste.

Attendu que le Conseil se pose surtout la problématique du blogueur, en [la] personne Madame Petite ANGLAISE, vis-à-vis de son employeur, le CABINET DIXON WILSON ; que le Conseil rappelle la rédaction de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen:

- La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ;

Qu’en l’espèce, la loi qui s’applique est la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, avec les adaptations apportées par la LCEN aux spécificités du support informatique ;

Heu, oui, ces adaptations se résumant à substituer à l'expression « communication audiovisuelle » les mots « communication au public par voie électronique » à l'article 23 de cette loi. La LCEN est en fait un texte essentiellement autonome, et non un texte modificateur.

Bon, venons en aux faits. Premier grief : la diffamation et l'injure.

Attendu qu’il est reproché à Madame Petite ANGLAISE d’avoir publié plusieurs articles sur son blog créé en 2004 : www.petiteanglaise.com et de fait d’avoir dénigré le CABINET DIXON WILSON et des membres du personnel en tenant des propos diffamatoires et injurieux ; que d’autant plus, en médiatisant son site à travers plusieurs parutions dans des journaux de presse, notamment celle du 16 février 2006 dans Le Parisien, elle aurait nui à l’entreprise ; que les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont l’injure et la diffamation ; que la diffamation, donc, est définie ainsi comme toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé et que l’injure est toute expression outrageante ne contenant l’imputation d'aucun fait ;

Attendu que le Conseil a pris soin d’examiner d’après les éléments de preuves apportés par les parties si, tout d’abord, les propos tenus dans le blog permettaient soit d’identifier ou soit de rendre au moins identifiable le cabinet DIXON WILSON, que le Conseil constate que le blog était écrit en anglais et que Madame Petite ANGLAISE s’identifiait sur le blog sous le pseudonyme «la petite anglaise» et qu’il n'apparaît à aucun moment le nom du le CABINET DIXON WILSON ni les noms d’aucun salarié que le CABINET DIXON WILSON n’a jamais été visé, ni identifié pendant les deux années de vie du blog avant le licenciement de Madame Petite ANGLAISE ; qu’en prenant, par exemple, même l’article disant :

«''Lorsque ça se passait mal en début d’année j’ai failli créer un blog parallèle secret nommé mon patron est un enculé [a twunt] pour me défouler. Je raconterai ces histoires un jour, quand je ne travaillerai plus pour lui ... »

Je précise que la traduction de twunt par "enculé" a été proposée par le Cabinet DIXON WILSON. On ne saurait les blâmer : ce sont des comptables, pas des littéraires. Mais ils restent débiteurs de la vérité.

Twunt est un néologisme argotique, composé d'un mélange de deux mots grossiers, twat et cunt, qui désignent tous deux l'organe sexuel féminin. Dès lors, le traduire par "enculé" démontre une méconnaissance de l'anglais, de l'anatomie, et de la grammaire, car ils traduisent un génitif par un participe passé.

Cry in shame, o Britannia, for thy sons have turned into illiterates.

Laissons là l'anglais piétiné pour en revenir au français malmené.

Que le Conseil n’a constaté aucun propos diffamatoire ou injure qui porte atteinte à l’entreprise car il n’y a aucun moyen de pouvoir identifier les personnes ; que le Conseil affirme que Madame Petite ANGLAISE n’a fait que relater, sous une certaine forme de romance, sa vie personnelle et parfois professionnelle tout en restant inidentifiable ; que le CABINET DIXON WILSON ne peut prouver l’existence d’aucun préjudice car il n’a appris l’existence de ce blog par un autre salarié, Monsieur P..., qu’en février 2006, soit plus de 2 ans après sa création ;

La diffamation et l'injure supposent en effet que le destinataire soit identifiable, car seul lui peut s'en plaindre. Le fait que deux ans durant, l'employeur n'ait pas été au courant de l'existence de ce blog n'a par contre aucune pertinence pour la diffamation et l'injure ; il en a en revanche pour le grief suivant : le fait que Petite Anglaise ait consacré du temps de travail à son blog.

Attendu qu’il est précisé que Madame Petite ANGLAISE écrivait de chez elle la plupart du temps en dehors des heures qu'elle consacrait à son activité professionnelle;

Mais attendu qu’elle reconnaît explicitement qu’elle a parfois écrit durant ses temps de pause ou dans des moments d’activité très réduite; que le Conseil retient que le CABINET DIXON WILSON n’apporte aucun élément de preuve pouvant démontrer que cela a nui à son travail depuis les deux années d’existence dudit blog ;

Attendu que le Conseil affirme aussi le principe que la sphère privée est séparée de la sphère professionnelle et que Madame Petite ANGLAISE ne peut être punie pour un comportement qu'elle adopte dans sa vie privée ou en dehors de ses heures de travail que son comportement n’a causé aucun trouble au CABINET DIXON WILSON ; que l'article 9 du Code Civil pose le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée ;

Attendu que le Conseil ne constate aucune violation [de] l’article 8 du contrat de travail de Madame Petite ANGLAISE concernant la durée légale du travail du fait que la salariée a respecté ses horaires de travail et n’a aucune absence injustifiée ; qu’il ne peut être retenu le fait de consulter un site pendant les temps de pause ou certains moments d’inactivité dus à l’absence de son supérieur hiérarchique en sachant que Madame Petite ANGLAISE était secrétaire bilingue ; que le Conseil ne peut retenir ce motif comme légitime car il est matériellement invérifiable, tout en sachant que la plupart des salariés consultent des sites internet sur leurs lieux de travail ;

Position très sage que celle du Conseil. L'essentiel du "blogage" de Petite Anglaise était fait en dehors des heures de travail : l'employeur n'a rien à y redire, puisqu'il a déjà été démontré que le contenu du blog n'a pas nui à l'employeur. Protection de la sphère privée que la salariée n'a pas mélangé avec la sphère professionnelle. La salariée reconnaît avoir consacré son temps de pause et des moments d'inactivité à son blog. Cela ne lui était pas interdit, car l'obligation de travailler pour son employeur suppose comme corollaire l'obligation pour l'employeur de lui fournir du travail. Si l'employeur ne lui en fournit pas, on ne peut lui reprocher à tort de faire autre chose.

L'employeur invoquait aussi la très savonneuse déloyauté entraînant une perte de confiance. Cet argument est sommairement exécuté.

Attendu que sur la violation de l’article 14 du contrat de travail précisant la clause de conscience, le Conseil ne retient aucun acte déloyal dans l’exécution du contrat de travail de Madame Petite ANGLAISE et que la perte de confiance ne peut justifier un licenciement ;

Enfin, dernier grief, la salariée aurait installé et utilisé des logiciels autres que ceux fournis par l'entreprise, ou les logiciels de l'entreprise à des fins personnelles, en violation du règlement intérieur.

Attendu que le Conseil affirme que l’article 13.24 du règlement intérieur n’est pas applicable au blog de Madame Petite ANGLAISE, dans la mesure où celui-ci concerne l’utilisation des systèmes de courrier électronique, de télécopie ou d’internet dans l’entreprise ; qu’il est donc interdit d’utiliser la messagerie électronique du CABINET DIXON WILSON pour transmettre des messages injurieux, perturbateurs ou offensants ;

Mais attendu que Madame Petite ANGLAISE a toujours utilisé son adresse électronique pour son usage professionnel ; que le Conseil constate que Madame Petite ANGLAISE utilisait le logiciel «CUTE FTP » uniquement à un usage professionnel afin de transmettre certains fichiers et pièces jointes à son patron sur un site web ; qu’il ne peut donc lui être reproché ;

Comme ont dit pudiquement : le moyen manque en fait ; c'est à dire qu'il ne repose sur rien.

Attendu qu’un tel agissement de la part du CABINET DIXON WILSON a causé nécessairement un préjudice à la salariée, préjudice qu’il convient de réparer ;

Le Conseil détermine ensuite les aspects financiers de sa décision, que j'avais indiqués en son temps.

Les parties ont un mois pour faire appel à compter de cette signification. On verra ce que décide Dixon Wilson, Petite Anglaise n'ayant pas à ma connaissance l'intention de le faire.

Pour résumer, cette décision considère qu'un salarié peut parler de son travail sur son blog, même en termes critiques, à la condition que son employeur ne soit pas identifiable. A contrario, on peut en déduire que s'il l'était, le Conseil pourrait considérer qu'il y a une cause réelle et sérieuse, si les propos nuisent à l'entreprise, notamment en étant diffamatoires ou injurieux.

Il peut même bloguer depuis son poste de travail avec le matériel de l'entreprise s'il ne nuit pas à l'employeur en ce faisant : c'est à dire sans le faire passer avant son travail, et dans le respect du règlement intérieur. Donc : sur ses temps de pause, ou dans les phases d'inactivité.

Références de la décision : Conseil de Prud'hommes de Paris, Section activités diverses, chambre 5, 29 mars 2007, R.G. n°F06/08171.

mercredi 4 juillet 2007

Je fais pas la gueule, mais...

Code Noir.

Mise à jour du 5 juillet : Eolas 1, ministre de l'immigration 0. Victoire.

mardi 3 juillet 2007

In memoriam : Brahim Déby

Un lecteur a eu la gentillesse de me signaler un fait divers récent : Brahim Déby, le fils du président Tchadien Idriss Déby, a été assassiné hier. L'article rappelle brièvement que « En 2006, il avait été condamné a six mois de prison avec sursis pour port d'arme et détention de drogue ».

Devinez qui était là ?

Nouvelles de la caverne

Merci beaucoup de vos gentils mots de soutien. Le passage à vide est terminé, ça ne dure jamais bien longtemps de toutes façons, mais ma secrétaire a perfidement profité de mon exil pour bloquer l'entrée de la caverne avec quelques volumineux dossiers nécessitant mon attention urgente, et les esclaves élèves avocats du cabinet se sont enfuis vendredi sous le prétexte fallacieux qu'ils auraient des examens à passer, après m'avoir lâchement fait baisser ma vigilance à coup de champagne (je suis très fier d'eux, ils ont beaucoup appris).

Retour progressif à une activité normale donc.

Et encore merci.

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